une nouvelle ambition pour la fonction publique

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une nouvelle ambition pour la fonction publique
UNE NOUVELLE AMBITION
POUR LA FONCTION PUBLIQUE
Eric WOERTH,
ministre du budget,
des comptes publics
et de la fonction publique
André SANTINI,
secrétaire d’Etat chargé
de la fonction publique
Plusieurs indices laissent aujourd’hui penser que la fonction publique se trouve à un
moment clé de son évolution, comparable à l’instauration du statut général des
fonctionnaires en 1946. Nous souhaitions, dans le cadre des fonctions qui sont
actuellement les nôtres, témoigner de l’ambition inédite qui anime le Gouvernement en
la matière.
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UNE NOUVELLE AMBITION POUR LA FONCTION PUBLIQUE
1. DES ATTENTES GRANDISSANTES
La société dans son ensemble exprime des attentes croissantes en termes d’efficacité
et de qualité de service : nos concitoyens veulent un Etat toujours plus proche, plus
fiable, plus rapide.
Les contribuables, guidés par une légitime exigence de bonne gestion des deniers
publics, souhaitent que, dans un contexte où la maîtrise des dépenses publiques est
une considération de premier ordre, on leur rende un meilleur service tout en étant
comptable des moyens qu’ils nous confient.
Les fonctionnaires eux-mêmes attendent que l’Etat évolue : l’immobilisme fait injure au
dévouement et au professionnalisme dont ils font individuellement preuve dans bien
des secteurs de la vie quotidienne des Français. Tous les sondages se rejoignent pour
établir que plus de 70 % des fonctionnaires souhaitent voir évoluer le cadre et les
conditions dans lequel ils exercent leur activité. Ce qui les décourage depuis trop
longtemps, c’est l’absence de perspectives, d’orientations, de projet.
Enfin, les expériences étrangères, notamment celles de nos partenaires européens,
dont certains ont emprunté la voie de réformes audacieuses de leur fonction publique,
interrogent la fonction publique française et ses spécificités pour mieux mettre en
lumière ses vertus comme ses faiblesses.
Ces tendances, prises isolément, ne sont pas nouvelles, dira-t-on. Mais leur
conjonction et leur intensité en font désormais des exigences incontournables. On ne
peut plus se satisfaire des constats. Il faut apporter, désormais, des réponses
ambitieuses, précises et pragmatiques.
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UNE NOUVELLE AMBITION POUR LA FONCTION PUBLIQUE
2. UN DÉBAT NATIONAL SANS PRÉCÉDENT
Premier enjeu : il s’agit de redonner du sens aux métiers des fonctionnaires, pour
ceux qui exercent ces métiers comme pour ceux qui les méconnaissent.
A cet égard, n’y a-t-il pas une grande contradiction à constater que l’on parle tant de la
fonction publique, en des termes si souvent caricaturaux, et que, pourtant, jamais la
parole n’a été véritablement donnée à ces millions de serviteurs du public ?
Ce sont ces réflexions qui nous ont conduits à lancer une démarche sans précédent :
une grande consultation nationale sur l’avenir de notre fonction publique. Le 29
février dernier, nous avons ainsi clos 5 mois de consultations, de contributions, de
tables rondes, d’auditions, qui doivent nous aider à construire la fonction publique de
demain. Pour la première fois, nous avons donné la parole aux fonctionnaires comme
aux non-fonctionnaires sur des thèmes qui nous paraissaient essentiels en même
temps que structurants pour la réflexion : les valeurs, les missions et les métiers de la
fonction publique.
L’idée qui a présidé à ce débat était précisément de bâtir un constat aussi partagé que
possible sur l’avenir de nos administrations. Le gouvernement a considéré que ce sujet
était trop important pour être conduit en chambre ou en laboratoire. Eric Woerth et moi
avons donc animé personnellement, d’octobre à mars, dans les régions et
départements de France, des débats, des groupes de réflexion, des tables rondes sur
la modernisation du système de gestion publique.
Pour que chacun soit en mesure d’apporter sa pierre à l’édifice, nous avons
parallèlement ouvert une consultation publique, en ligne, sur le modèle de ce que
pratiquent couramment certains de nos partenaires et la commission européenne en
particulier. Et la mobilisation a été forte : plus de 300 000 visiteurs uniques sur le site
internet www.ensemblefonctionpublique.org, plus de 20 000 contributions écrites
recueillies sur ce forum et via les 59 groupes de travail animées dans toute la France
et plus de 100 auditions de personnalités qualifiées.
Nous disposons donc désormais d’un formidable matériau pour repenser en
profondeur la fonction publique et la gestion des ressources humaines au sein de l’Etat.
Dès le départ, nous avons souhaité confier l’exploitation de toutes ces ressources à un
rapporteur général. M. Jean-Ludovic SILICANI, conseiller d’Etat, qui nous a aidés à
animer ce débat national, et a été chargé de rédiger un livre blanc sur l’avenir de la
fonction publique.
Sur la base de cette grande consultation nationale et de ce document-cadre, nous
engagerons la réforme d’ensemble de la fonction publique.
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UNE NOUVELLE AMBITION POUR LA FONCTION PUBLIQUE
3. UN DIALOGUE SOCIAL TRÈS INTENSE
Les fédérations de fonctionnaires ont évidemment été invitées à participer pleinement
à ce débat. Leurs représentants en ont été les membres permanents, au même titre
que les employeurs publics et plusieurs personnalités qualifiées.
Mais le dialogue social ne s’est pas limité à ce débat national. Dès octobre, avec Eric
Woerth, nous avons ouvert trois conférences sociales associant étroitement les
partenaires sociaux : sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires, sur le dialogue social et
sur les parcours professionnels et les conditions de travail dans la fonction publique.
Ces conférences ont donné lieu à plusieurs dizaines de réunion de travail à notre
niveau ou au niveau des services. Elles ont permis à la fois de dresser un état des
lieux précis et d’établir les points de convergence ou d’approfondissement nécessaires
sur ces thèmes centraux pour l’évolution de notre fonction publique.
Ces discussions ont également permis de partager, pour la première fois, un agenda
social pour la fonction publique en 2008, qui a été validé le 4 février dernier sous
l’égide du Premier ministre.
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4. DES PREMIÈRES AVANCÉES SUBSTANTIELLES
Porter une nouvelle ambition pour la fonction publique supposait ainsi d’être innovant
sur la forme. Nous avons aussi voulu l’être sur le fond.
Sans attendre, il s’est agi d’apporter des réponses à des préoccupations bien connues
mais trop longtemps négligées. Quelques exemples, parmi d’autres.
1er exemple : l’évaluation
Le Président de la République l’a rappelé lors de son discours à l’IRA de Nantes le 19
septembre : la fonction publique a besoin de se doter de véritables procédures
d’évaluation. Or, chacun sait que le système de notation, s’il existe dans la plupart des
ministères, est rigide, très lourd et déresponsabilisant pour les acteurs : les notes
s’échelonnent entre 17 et 20, voire au-delà, et l’enjeu se limite souvent à
l’augmentation ou non d’un quart de point pour tel ou tel agent. Il est pourtant
indispensable que chaque fonctionnaire soit correctement et périodiquement évalué.
Ce n’est pas seulement une nécessité pour la qualité du service public. C’est un droit
que l’agent lui-même doit revendiquer car sans évaluation, comment pourrait-il
objectivement progresser, être rémunéré selon ses mérites propres ou solliciter sa
participation à telle ou telle action de formation ? Evidemment, elle ne doit pas être
artificielle. Voilà pourquoi il nous a semblé indispensable de sortir de la logique de la
notation : dès septembre, nous avons pris un décret qui permet de remplacer la
notation des fonctionnaires par un véritable entretien professionnel. Le dispositif
sera appliqué par la plupart des ministères dès 2008 et nous encouragerons tous
les autres à s’y inscrire par la suite.
2ème exemple : la rémunération
Je tiens d’abord à souligner que le gouvernement a pleinement conscience que le
pouvoir d’achat des fonctionnaires est un enjeu de premier rang. Voilà pourquoi nous
avons ouvert une conférence spécifique sur le pouvoir d’achat. Voilà pourquoi
également Eric Woerth et moi avons mené un exercice de complète transparence.
Avant d’agir, il fallait en effet connaître : à notre demande, l’INSEE, en collaboration
avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique et la direction
du budget, a produit une étude complète sur l’évolution du traitement indiciaire des
fonctionnaires. Nous savons désormais que plus de 80 % des fonctionnaires ont vu
leur traitement indiciaire évoluer au moins aussi vite que l’inflation entre 2000 et 2006
mais qu’a contrario, 17 % d’entre eux n’ont pas connu une valorisation comparable à
l‘inflation. Ce constat a naturellement débouché sur des négociations salariales. Le 22
février 2008, un accord partiel a pu être signé avec plusieurs organisations syndicales.
Cela faisait 10 ans qu’aucun accord salarial n’avait été paraphé. C’est une étape très
encourageante, qui montre que tous les acteurs sont prêts à prendre leurs
responsabilités pour dynamiser le pouvoir d’achat des fonctionnaires.
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UNE NOUVELLE AMBITION POUR LA FONCTION PUBLIQUE
Dans ce cadre, il a été décidé que les mesures générales d’augmentation du point
fonction publique auraient leur place. Mais elles ne sauraient être les seules : chacun
sait bien que, par leur caractère uniforme, elles ne satisfont pleinement personne tout
en étant très coûteuses. Nous nous sommes donc engagés, parallèlement, en faveur
d’un nouveau dispositif, consistant en la garantie individuelle du pouvoir d’achat de
chaque fonctionnaire. L’objectif est simple : assurer qu’aucun fonctionnaire n’ait un
traitement indiciaire évoluant moins vite que l’inflation.
Parallèlement à ces mesures en faveur du maintien du pouvoir d’achat des
fonctionnaires, nous avons eu le souci de récompenser l’engagement des agents. Or, il
y a, à mon sens, au moins deux façons de le faire.
D’abord, dans la fonction publique aussi, on doit pouvoir gagner plus quand on travaille
plus. Cela nous a conduits à prendre deux textes, en octobre 2007 et en février 2008,
qui prévoient, pour l’un, l’exonération sociale et fiscale des heures
supplémentaires effectuées par les fonctionnaires et, pour l’autre, la majoration
à 125 % de leur paiement. Les heures supplémentaires concernant à 90 % les
personnels de l’éducation nationale, ceux-ci seront les premiers bénéficiaires de ces
mesures.
Nous avons aussi étendu le bénéfice des heures supplémentaires à tous les
agents de catégorie B et C et permis aux détenteurs de comptes épargne temps
de monétiser 4 jours de RTT. Les discussions sont ouvertes avec les partenaires
sociaux sur le principe de cette monétisation pour l’avenir. Plus de 100 000
fonctionnaires sur 140 000 détenteurs de compte ont choisi de bénéficier de la
mesure : l’adhésion à la démarche a donc été très importante.
L’autre moyen de récompenser l’engagement des agents, c’est de faire en sorte que la
rémunération des fonctionnaires tienne davantage compte de leurs résultats.
Mais qu’y a-t-il de plus inégalitaire que de récompenser pareillement deux agents qui
s’investissent pourtant différemment et qui ont des résultats sans comparaison ? Nous
défendons donc le principe d’une différenciation des rémunérations car c’est aussi un
facteur de motivation pour les agents. C’est déjà le cas pour les directeurs
d’administration centrale, les directeurs d’entreprises ou d’établissements publics dont
la rémunération comporte désormais une part variable sur objectifs. Conformément
aux conclusions du 1er conseil de modernisation des politiques publiques qui s’est tenu
le 12 décembre, en 2008, nous étendrons progressivement ce principe de
rémunération à la performance aux différentes catégories de cadres. Bien évidemment,
ce principe ne devra pas non plus ne s’appliquer qu’aux cadres. C’est pourquoi nous
réfléchissons aussi à la façon d’instaurer, pour toutes les catégories d’agents, un
dispositif d’intéressement aux résultats.
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UNE NOUVELLE AMBITION POUR LA FONCTION PUBLIQUE
3ème exemple : la mobilité
Les agents que nous avons rencontrés en ont fait régulièrement un sujet majeur de
préoccupation et les chiffres leur donnent raison : d’après l’estimation que l’on peut en
faire, moins de 5 % des fonctionnaires sont actuellement mobiles.
Aussi avons-nous pris des mesures incitatives, telle que la mise en place, depuis la
rentrée 2007, d’un prêt mobilité à taux 0 de 1 000 € qui permet aux agents de l’État
de financer, dans le cadre d’une première affectation ou d’une mobilité, tout ou partie
de la caution exigée lors de la location d’un logement. Mais il convient évidemment
d’aller au-delà.
C’est la raison pour laquelle nous prendrons plusieurs textes au premier semestre
2008, dont l’objectif sera double :
lever les freins statutaires qui existent encore trop souvent d’un corps à l’autre,
en généralisant la position normale d’activité et le détachement, en systématisant
les possibilités d’intégration dans des corps de niveau comparable…
créer des outils financiers incitatifs, que ce soient par exemple des primes de
mobilité ou la possibilité de maintenir la rémunération d’un agent mobile lorsque
des disparités de rémunération existent.
La concertation avec les partenaires sociaux est ouverte sur ces différentes mesures.
Nous avons déposé un projet de loi au parlement au printemps.
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5. UNE PERSPECTIVE D’AVENIR : LA FONCTION PUBLIQUE
DE MÉTIERS
Les étapes franchies en quelques mois sont donc à la fois conséquentes et
encourageantes. Mais il ne s’agit évidemment pas de s’en contenter. Nous savons bien
qu’il faut aller au-delà encore. La conviction partagée par beaucoup de fonctionnaires,
c’est bien que le système de gestion des ressources humaines dans la fonction
publique doit évoluer dans son ensemble.
C’est tout l’enjeu du livre blanc qui devra dessiner ces pistes d’avenir.
A ce stade, nous souhaiterions partager notre conviction : toute refondation du statut
général des fonctionnaires devra se faire dans le sens de la simplification. Des
règles multiples, qui s’additionnent et parfois se contredisent, ne sont pas au service
des fonctionnaires et des Français. Nous ne voulons pas d’une fonction publique dans
laquelle la gestion des agents est trop largement accaparée par sa dimension
statutaire et procédurale, au détriment d’une gestion dynamique et personnalisée des
hommes et des femmes qui la composent. Gérer des hommes et des femmes, ce n’est
pas gérer des corps et ajuster des règles, c’est aider chacun à remplir sa mission dans
les meilleures conditions d’efficacité pour le service public. Sachons faire confiance,
pour une fois, aux acteurs plutôt qu’aux règles qui les encadrent et finalement
les brident.
Voilà pourquoi nous portons haut l’idée de créer une fonction publique de métiers. La
fonction publique reste beaucoup trop segmentée, en particulier la fonction publique de
l’Etat. Rappelons que, pour celle-ci, plus de 500 corps sont encore en activité. Des
progrès très importants ont été récemment consentis pour diminuer leur nombre,
puisqu’il y a deux ans, on en comptait encore 850 environ.
Mais regardez la fonction publique territoriale : elle est structurée en moins de 60
cadres d’emplois et en 8 filières professionnelles, et non cloisonnée en 500 corps. La
notion d’emploi, de métiers y trouve donc plus naturellement sa place. C’est, nous en
sommes convaincus, dans cette direction que nos efforts doivent porter.
Voilà pourquoi nous attendons du livre blanc qu’il nous éclaire sur les moyens de
construire cette fonction publique de métiers, c’est-à-dire un nouveau cadre statutaire
reposant sur moins de 10 grandes filières métiers, qui remplacerait enfin l’inexplicable
segmentation en plusieurs centaines de corps.
L’objectif est bien de créer un système plus souple et lisible en même temps que
d’offrir aux agents des perspectives professionnelles plus diversifiées et motivantes.
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6. LES PROCHAINES ÉTAPES
Le livre blanc est une excellente base de travail, fruit d’un travail long, méticuleux et
exhaustif. Il ne s’agit pas d’un projet du gouvernement bien entendu, ni d’un énième
rapport sur la modernisation de l’Etat mais d’un document de référence pour le débat
et l’action, destiné à éclairer tous les acteurs sur les chemins à emprunter.
Chacun doit maintenant se l’approprier pour que ce débat commence, plus
particulièrement avec les fonctionnaires, les organisations syndicales, les usagers et
les parlementaires. Nous prendrons les initiatives nécessaires pour que ces
discussions puissent avoir lieu.