rapport MC 2011 - Aide et Espoir pour le Monde Tibétain
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rapport MC 2011 - Aide et Espoir pour le Monde Tibétain
Compte rendu de voyage à Choglamsar - Ladakh - septembre 2011 Marie-Claude BOURGAIN Aide et Espoir pour le Monde Tibétain (photographies : Philippe Bourgain) En 2 ans, depuis notre séjour de septembre 2009, les travaux du nouvel aéroport international de Delhi sont terminés. Vols internationaux et certains vols intérieurs sont regroupés ici, ce qui est le cas pour les vols vers le Ladakh ; bien pratique de ne plus avoir à transiter par l’aéroport domestique. Si l’on doit y passer une partie de la nuit, dans l’attente du premier vol du matin pour Leh, on ne s’y ennuie pas : galeries marchandes de folie, librairies, restaurants, espaces détente, et même concerts de musique indienne... Rien à voir avec Roissy! C’est la première fois que nous voyons l’Himalaya noyé dans une mer de nuages menaçants, qui nous font craindre une impossibilité d’atterrir sur l’aéroport de Leh, et un retour inopiné sur Delhi ; mais une trouée miraculeuse et la dextérité du pilote auront raison de cette météo qui nous a privés du spectacle grandiose du survol de l’Himalaya. Nous arrivons un dimanche : R. responsable des parrainages, nous accueille à l’aéroport. Mais nous prenons un taxi ladakhi qui nous conduira à notre “guesthouse” ; en effet les tibétains n’ont pas le droit de véhiculer les étrangers qui sortent de l’aéroport, le monopole étant réservé aux taxis ladakhis. Nous allons loger pendant un mois au Phodang (“guesthouse” de la résidence du DalaïLama), à la sortie du village ladakhi de Choglamsar, car le séjour des étrangers à proximité du camp de réfugiés tibétains est étroitement surveillé. Il faut rappeler qu’il est interdit aux étrangers de séjourner à l’intérieur du camp. Cet endroit est un havre de paix ; nous deviendrons très vite complices avec Dolma et Choeky qui s’occupent de la cuisine et de l’entretien de la “guesthouse” ; nous partagerons nos repas avec des hôtes de passage : moines, acteurs de cinéma indiens sur le tournage d’un film, hauts gradés de l’armée indienne, touristes sympas...soirées animées garanties... 12 septembre : un anniversaire... Comme tous les ans, le TCV fête l’anniversaire de sa création le 12 septembre : c’était il y a 36 ans. Chants, danses et compétitions sportives sont à l’honneur, et les meilleurs se confronteront lors des c o m p é t i t i o n s fi n a l e s inter-TCV à Dharamsala. Cloudburst, août 2010 Il reste encore quelques traces des coulées de boue dévastatrices de l’été 2010, mais l’aide internationale a été massive ; l’efficacité de l’armée indienne a rapidement permis le déblaiement des axes routiers stratégiques pour elle, et la population ladakhie largement aidée par les travailleurs indiens venus du Bihar, région la plus pauvre de l’état indien, a quasiment terminé la reconstruction. Les toits plats des maisons, en paille et boue séchées, ne résistent plus au changement climatique qui apporte ces précipitations inhabituelles. Le gouvernement tibétain de Dharamsala a donc décidé de fournir à tous les réfugiés des tôles ondulées pour protéger les habitations. Autre projet bien avancé, pris en charge par une ONG italienne : la complète reconstruction du centre pour personnes âgées, sous forme de plusieurs petits bâtiments, proposant une pièce par personne avec véranda pour avoir plus chaud. Nul doute que ces verrières seront vite envahies de roses trémières, de cosmos et autres fleurs... Mission dentaire Le but de ce voyage était de poursuivre le travail effectué au cabinet dentaire par Anne et Franck S. lors de leur séjour au mois d’août en aidant les deux dental therapists tibétains à finaliser un travail de prophylaxie des caries chez les jeunes enfants à l’aide d’un produit dentaire, le fluoroplat, dont les indications et les applications sont très méticuleuses. Cette mission s’effectue dans le cadre de l’association AEMT (Aide et Espoir pour le Monde Tibétain), dont tous les intervenants sur le plan dentaire sont membres. Depuis notre dernier séjour en septembre 2009, l’évolution de la situation dentaire chez les jeunes enfants a évoluée de façon catastrophique. En cause, plusieurs facteurs : - l’excès de sucreries (à 1 roupie = 0,015€...), et de thé sucré qui remplace trop souvent le thé salé tibétain, - l’apparition de la “junk food”, saturée en sel et en graisses, - l’absence de prise en compte de ce problème (qui dépasse largement le cadre dentaire) par les autorités tibétaines, lesquelles continuent d’autoriser la vente de ces produits à l’intérieur même de l’enceinte de l’école, malgré les demandes répétées des différentes organisations dentaires (belges, australiennes, françaises) auprès de l’administration tibétaine, - l’utilisation de la brosse à dents n’est pas encore systématique, ou est mal comprise : brossage avant le petit déjeuner, par exemple... Il existe donc un problème alimentaire majeur, qui doit être abordé lors de la réunion annuelle des directeurs des TCV, qui se tiendra à Delhi du 4 au 9 février 2012, réunion supervisée par Tsewang Yeshi (directeur de tous les TCV), parfaitement au courant de la situation. Le projet de nouveau cabinet dentaire avance : il est construit sur le toit du dispensaire; il est hors d’eau, et toutes les fournitures ont été achetées et sont stockées en attendant la reprise des travaux interrompus à cause de l’hiver. C’est Philippe O. de l’association Appoline 45 qui doit finaliser le projet l’été prochain. Camp de réfugiés tibétains de Nyoma, au Jangthang Nous avons découvert le village ladakhi de Nyoma, sur les hauts plateaux du Jangthang (4200m d’altitude), à proximité duquel se trouve le camp de réfugiés tibétains et l’école TCV. Il est situé à 180 km et 5/6 h de route de Leh. Région ouverte aux étrangers depuis 2 ans, elle nécessite une autorisation de séjour à demander aux autorités indiennes ; nous sommes en zone militaire, et la frontière tibétaine n’est qu’à 60 km : il suffit de gravir la petite colline qui mène au monastère pour découvrir la chaîne de montagnes située au Tibet... émotion... Kunsang, le dental thérapist tibétain nous accompagne ; il est né ici et sa famille nous accueille chaleureusement. Le travail de dépistage et de prévention de l’évolution des caries commencé auprès des enfants par Anne et Franck S. sera terminé. L’école compte 54 enfants. Au Jangthang, il y a 3 camps de réfugiés et 3 écoles TCV : Sumdo et Nyoma accessibles avec un permis de séjour, et Hanley situé en zone interdite, car trop près de la frontière avec le Tibet. A partir de la classe 6, soit notre 6ème, les enfants rejoignent l’école TCV de Choglamsar où ils seront internes. Le centre pour personnes âgées regroupe 14 résidents dans un bâtiment en U au milieu duquel pousse une profusion de fleurs... La population est essentiellement nomade, et vit du lait et surtout de la laine de chèvres “pashmina”, achetée une misère à ces éleveurs, et vendue à prix d’or transformée en châles et pulls “cachemire” en occident. Le Ladakh change On pourrait presque parler d’”indianisation” du Ladakh. L’état indien commence à se préoccuper de sa lointaine province en matière touristique. Peut être parce que la Chine ayant quasiment fermé le Tibet au tourisme depuis les Jeux Olympiques de Pékin en 2008, le Ladakh devient alors le seul endroit où la culture tibétaine reste vivante. Le niveau de vie de la “middle class” indienne lui permet permet de voyager ; elle vient découvrir le côté exotique de cette enclave himalayenne : les saris côtoient désormais les gonchas ladakhies (grandes robes de laine portées par les ladahi(e)s), la taille ceinte d’une étoffe de couleur. - Sur les trottoirs, des indien(ne)s venus du Bihar ou du Rajasthan essaient de survivre en vendant des babioles ; - Le “Sindhu gate” a été aménagé sur les bords de l’Indus, fleuve sacré (puisqu’il prend sa source au Tibet), afin que les pèlerins indiens hindous viennent y faire leurs ablutions; - Les militaires indiens, toujours en grand nombre, sont autorisés à faire venir leurs familles; il en résulte des constructions de logements et d’écoles où l’enseignement se fait en hindi. Si l’on ajoute l’afflux touristique des 3 mois d’été, ce surcroît de population transforme profondément la société ladakhie en terme économique. - Les terres cultivables du Ladakh ne représentent que 18% du territoire, et ne peuvent nourrir tout ce monde ; il s’ensuit des importations de denrées alimentaires depuis la plaine indienne, fort peu adaptées à la vie rude et au climat de ces contrées d’altitude, ainsi qu’une augmentation de leurs prix due au coût du transport. - Les agences de trekking achètent en mai leurs produits alimentaires pour leurs clients l’été, et les stockent; ce qui entraine une pénurie et des prix exorbitants pour les autochtones en attendant la réouverture des routes en juin. Pour la communauté tibétaine, P., le directeur du TCV en charge des 2500 enfants, doit prévoir 2 ans de stocks de nourriture, et va s’approvisionner à Jammu pour équilibrer son budget. - La construction d’hôtels et “guesthouses”, adaptées aux exigences des touristes est exponentielle grignotant peu à peu les rares terres cultivables, et crée une disparité sociale qui n’existait pas auparavant. Un point très positif : la restauration du patrimoine du Ladakh : palais royal de Leh, de Stok, et des principaux monastères, qui sans l’aide de l’état indien, seraient tombés en ruine. monastère de Thiksay palais royal de Stok La contrepartie en est que l’on a maintenant la désagréable impression de visiter ces lieux comme des musées, et non plus d’entrer dans des lieux mystiques vivants et rayonnants... Tensions géopolitiques Contrairement à notre dernier séjour en 2009, où la Chine était menaçante sur la frontière nord-est en particulier dans la région du Pangong lake, nous n’avons pas ressenti de tensions particulières, et la vie au quotidien est, de fait, beaucoup plus tranquille. On peut tout de même lire sur la route en direction du Tibet, sur des panneaux officiels à proximité des casernes : “Lhassa, Beijing, we are here”. Avertissement ? Persuasion ? Retour à Delhi Nous rendons visite à notre ami K., directeur depuis 3 ans du Tibetan Youth Hostel (TYH) situé dans la banlieue nord de Delhi. Ce vendredi 7 octobre 2011, des étudiants de la cité universitaire reviennent d’une grève de la faim de 7 jours proposée par le Tibetan Youth Congress en signe de soutien aux tibétains du Tibet, et pour protester contre les violences qui leur sont faites par les autorités chinoises. Au Tibet depuis mars 2011, 10 moines et nonnes se sont immolés, par désespoir et exaspération... Le Parlement Européen s’est déclaré “profondément préoccupé”... L’instant est grave. Remise de khatas par K., et première collation dans le réfectoire du TYH. Nous sommes bouleversés, amers, en colère... Puis c’est le retour en France... on se promet évidemment de revenir... <<<<>>>>