Numéro spécial Jurisprudence récente en matière de

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Numéro spécial Jurisprudence récente en matière de
An international group of law firms
Juin
2008
Janvier
2010
lettre
d’information
pôle
social
Cabinet
Granrut
Avocats
LaLa
lettre
d’information
dudu
pôle
social
dudu
Cabinet
Granrut
Avocats
Numéro spécial
Jurisprudence récente en
matière de clauses du contrat de
travail
ÉVÈNEMENT
Diplômée de Sciences-Po Paris (1988) et d’un DEA de Droit des Affaires et d’Economie
(1990), titulaire de la mention de spécialisation en droit social (2006), Valérie MeimounHayat a rejoint notre pôle social avec son équipe en qualité d’of-counsel le 1er janvier
2010.
Elle intervient dans tous les domaines du droit social et plus particulièrement en
contentieux, relations individuelles et collectives du travail et gestion des risques psychosociaux.
Nullité des clauses de mobilité
intragroupe
Dans un arrêt du 23 septembre 2009 (n°0744.200, FS-P+B+R), la cour de cassation a
posé pour principe qu’est nulle « la clause
de mobilité par laquelle le salarié lié par un
contrat de travail à une société s’est engagé
à accepter toute mutation dans une autre
société, alors même que la société
appartiendrait au même groupe ou à la
même unité économique et sociale ».
Les faits sont les suivants : un salarié signe
en 2004 un avenant contractuel prévoyant
une clause de mobilité aux termes de
laquelle il accepte par avance sa mutation
dans l’ensemble des filiales du groupe
auquel appartient son employeur. Ayant par
la suite refusé une mutation en application
de cette clause, il est licencié et saisit les
juridictions prud’homales pour contester la
cause réelle et sérieuse de son licenciement.
Le salarié a été débouté par la cour d’appel
de Caen aux motifs que sa mutation dans
une autre filiale en application de la clause
de mobilité constituait un simple
changement des conditions de travail que le
salarié ne pouvait valablement refuser. Le
salarié s’est pourvu en cassation aux motifs
que sa clause de mobilité n’était pas limitée
géographiquement et, de ce fait, n’était pas
applicable. Ce moyen était conforme à la
jurisprudence en la matière qui condamne
les clauses de mobilité géographique sur
deux fondements : (i) le caractère
insuffisamment précis du périmètre
Valérie intervient en outre comme « médiateur » dans les conflits individuels et collectifs
du travail.
u pôle
Cabinet
Granrut
Avocat
Commesocial
Morganedu
Mondolfo,
elle peut
travailler
en anglais et en italien.
géographique de mobilité ou (ii) l’existence
d’un abus dans la mise en œuvre de la
clause.
Cependant, la cour de cassation a cassé
l’arrêt de la cour d’appel sur un moyen
soulevé d’office dont elle tire la nullité de la
clause de mobilité intragroupe : après avoir
visé l’article L.1222-1 du code du travail - qui
dispose que « le contrat de travail doit être
exécuté de bonne foi » -, elle énonce qu’« un
salarié ne peut accepter par avance un
changement d’employeur ». Ainsi, hormis
dans le cadre d’un transfert du contrat de
travail par application de l’article L.1224-1
du code du travail (ex L.122-12), la
jurisprudence retient que le transfert du
contrat de travail d’un salarié d’une
entreprise à une autre constitue une
modification de ce contrat de travail qui ne
peut intervenir sans son accord exprès.
Or, tel est bien l’objet des clauses de
mobilité
intragroupe
qui
prévoient
l’acceptation par avance par un salarié du
changement de son employeur, étant
précisé que les entreprises constituant un
groupe demeurent des entités juridiques
distinctes et donc des employeurs distincts.
Il en est de même dans le cadre d’une UES
qui, n’étant pas dotée de personnalité
morale, ne peut dès lors être qualifiée
d’employeur des salariés des entités qui la
o
composent (Cass. soc., 16 déc. 2008, n 0743.875,FS-P+B). Sur ce fondement, la cour
de cassation tire le principe qu’une clause de
mobilité intragroupe - ou à l’intérieur d’une
UES - est nulle.
Notre conseil : Il convient de vérifier si vos
contrats de travail comportent de telles
clauses et mettre à jour vos pratiques afin
de soumettre la mutation intragroupe d’un
salarié à son accord préalable, nonobstant
l’existence d’une clause contractuelle. En
tout état de cause, il n’est donc plus
possible de licencier un salarié au seul motif
qu’il aurait refusé sa mutation dans une
autre société du groupe ou de l’UES dont
elle fait partie.
Risque de requalification des
clauses dite « de clientèle »
Dans un arrêt du 27 octobre 2009 (n°0841.501, F-P+B), la cour de cassation a
confirmé la requalification d’une clause dite
« de clientèle » (ci-après « clause de
clientèle ») en clause de non-concurrence et
l’a jugée illicite en l’absence de contrepartie
financière et de limitation temporelle et
Granrut avocats – 91 rue du Faubourg Saint Honoré – 75008 Paris - Contact : [email protected]
géographique.
non-concurrence et, le cas échéant, de tirer
prévoyait que la société pouvait délier le
Dans cette espèce, cette clause prévoyait
toutes les conséquences en cas d’illicéité de
salarié de l’application de son obligation de
la clause. Il convient d’être particulièrement
qu’en cas de cessation de son contrat de
non concurrence à condition de lui faire
prudent dans la rédaction des clauses de
travail, peu importe la cause, la salariée
connaitre sa décision avant la fin du contrat
non sollicitation de clientèle afin qu’elles
s’interdisait
d’entrer
en
contact
de travail.
n’aient pas pour effet de porter atteinte à la
directement ou indirectement avec les
La cour d'appel de Pau le déboute de sa
liberté de travail de l’ancien salarié. De plus,
clients de son ancien employeur et de les
demande après avoir constaté que
nous vous conseillons de mettre à jour les
démarcher, même si la salariée était l’objet
l'engagement de l'employeur, connu des
contrats de travail de vos salariés, s’ils
de sollicitations spontanées de leur part. La
salariés concernés par le plan, vaut
contiennent de telles clauses.
clause prévoyait également l’interdiction
« renonciation explicite et non équivoque ».
d’exploiter directement ou indirectement la
La cour de cassation casse cet arrêt en
clientèle concernée, à titre personnel ou par
rappelant que la dénonciation de la clause
Modalités de renonciation des
l’intermédiaire d’une entité juridique, que
de non-concurrence ne peut résulter que
clauses de non-concurrence
Juin
2008 d’associé, deLa
ce soit
en qualité
membre,
d'une notification
individuelle et expresse
lettreded’information du pôle social du Cabinet Granrut
Avocats
salarié ou de collaborateur.
en conformité avec le formalisme
Dans un arrêt du 21 octobre 2009 (n°08A la suite de son licenciement, la salariée a
spécifique attaché à la levée de la clause et
40.828, FS-P+B+R), la cour de cassation a
saisi la juridiction prud’homale notamment
défini dans le contrat de travail ou, à défaut,
retenu que « faute d'avoir été notifié
pour obtenir une indemnisation sur le
dans la convention collective applicable.
individuellement aux salariés intéressés,
fondement du respect de sa clause de
l'employeur ne peut se prévaloir à l'encontre
clientèle. Elle a obtenu de la cour d’appel de
Notre conseil : Au moment de la rupture du
de ces derniers de son engagement pris dans
Grenoble (28 juin 2008) la requalification de
contrat de travail d’un salarié, quelle qu’en
le cadre d'un plan de sauvegarde de
cette clause en clause de non-concurrence
soit la cause, il est fortement conseillé de
l'emploi de renoncer à faire application des
illicite et a obtenu de ce chef 13.000 € à titre
vérifier si le contrat comporte une clause de
clauses de non-concurrence insérées dans
de dommages-intérêts. Au soutien de son
non-concurrence afin, le cas échéant, de lui
les contrats de travail des salariés
pourvoi, l’employeur avançait que cette
notifier par écrit que l’entreprise y renonce
licenciés ».
clause de clientèle ne pouvait pas être
en respectant le délai éventuellement
requalifiée en clause de non-concurrence
applicable.
Selon
une
jurisprudence
A la suite de son licenciement économique,
puisqu’elle ne faisait que contractualiser le
constante, il est impératif que le contrat de
un salarié a saisi les juridictions
devoir de loyauté qui pèse sur son ancienne
travail prévoie la possibilité d’une
prud’homales pour obtenir paiement de la
salariée, se bornant à lui interdire de
renonciation par l’employeur. A défaut, une
contrepartie financière de sa clause de non
démarcher et de détourner la clientèle de
telle renonciation est soumise à l’accord
concurrence et des dommages-intérêts en
son ancien employeur, et ne lui interdisait
préalable du salarié.
faisant valoir que son employeur ne l’avait
en rien de rechercher un emploi dans une
pas relevé de son obligation de non
entreprise concurrente ou de créer elleconcurrence. Dans cette espèce, la clause
même une telle société.
Cet argument a été écarté par la cour de
cassation. Dans son arrêt, elle retient en
EN BREF
effet que la clause de clientèle limitait la
liberté du travail de l’ancienne salariée
Nouveau plafond de la sécurité sociale
puisqu’elle contenait une interdiction dans
Les plafonds de la sécurité pour 2010 sont fixés comme suit :
l’hypothèse où les clients solliciteraient
spontanément l’ancienne salariée, sans
- plafond journalier :
159 € ;
acte positif de cette dernière, hypothèse
- plafond mensuel :
2.885 € ;
dans laquelle l’ancienne salariée ne violait
- plafond annuel :
34.620 €.
pas son obligation de loyauté. La clause de
clientèle devait donc s’analyser en une
Portabilité des garanties collectives en matière de santé et prévoyance
clause de non-concurrence, nulle car
Par arrêté d’extension du 7 octobre 2009, l’avenant n°3 de l’ANI sur la modernisation du marché du travail, qui prévoit le
dépourvue de contrepartie financière et de
maintien, pendant 9 mois maximum, des garanties prévoyance et santé au bénéfice d’anciens salariés indemnisés par
limite temporelle et géographique.
l’assurance chômage (CF notre précédente lettre d’information), a été élargi à toutes les entreprises privées et publiques.
Cet arrêt s’inscrit dans l’orientation posée
L’arrêté d’extension ayant été publié le 15 octobre dernier, la portabilité est applicable à toutes les ruptures de contrats de
par un précédent arrêt de la chambre
travail intervenues depuis cette date, sous réserve que le salarié remplisse les conditions pour être éligible à ce mécanisme.
sociale de la cour de cassation (n°07-40.618)
qui avait retenu qu’une clause de clientèle
Le dispositif de l’ANI n’exclut pas que le salarié puisse également bénéficier des dispositions de l’article 4 de la loi du 31
décembre 1989, dite loi « Évin ». Cet autre dispositif de portabilité permet à un ancien salarié de prétendre au maintien des
qui aboutit à interdire au salarié l’accès à
garanties collectives, uniquement en matière d’indemnisation des frais de santé, sous réserve qu’il en fasse la demande
toute entreprise œuvrant dans le même
dans les six mois qui suivent la rupture de son contrat de travail, étant précisé que les tarifs de ce maintien peuvent être
secteur que celui de son ancien employeur,
supérieurs aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs. Le salarié conclut ensuite un contrat individuel avec l’organisme
et donc de lui interdire une activité
assureur qui précise les modalités du maintien des droits, financé uniquement par l’ancien salarié. Ce maintien des droits
n’est pas limité dans le temps, contrairement à celui prévu par l’ANI.
conforme à sa formation et à son
expérience professionnelle, est nulle.
Les partenaires sociaux, lors de la signature de l’avenant n°3 de l’ANI, avaient demandé aux pouvoirs publics de prendre les
Notre conseil : Quelle que soit la
dénomination de la clause retenue par les
parties, il incombe aux juges, confrontés à
une clause ambigüe, de juger si la stipulation
litigieuse constitue ou non une obligation de
mesures nécessaires pour que le délai de 6 mois du dispositif de la loi Evin soit reporté à la date à laquelle le bénéfice du
maintien des garanties issu de l’ANI prend fin, dans le cas où la durée de ce maintien est comprise entre 6 et 9 mois.
Toutefois, à ce jour, cette demande n’a pas été prise en compte. De ce fait, le salarié qui souhaiterait bénéficier du dispositif
de la loi Evin à l’issue du maintien de ses garanties dans le cadre du dispositif de l’ANI, pour le cas où la durée de ce maintien
serait supérieure à 6 mois, devra tout-de-même en faire la demande à son employeur dans les 6 mois qui suivent la rupture
de son contrat de travail, même si le dispositif de la loi Evin ne pourra être appliqué qu’à l’issue de la période de portabilité
dans le cadre de l’ANI.
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