La constitution de partie civile dans le cadre de violences aggravées

Transcription

La constitution de partie civile dans le cadre de violences aggravées
Guillaume TOURRES
Licence en droit 3ème année
Atelier clinique juridique
août 2016
La constitution de partie civile dans le cadre de violences aggravées
Selon les chiffres de la délinquance 2015 publiés
par la Préfecture de police de Paris, si les atteintes
aux biens sont en forte diminution pour Paris et
petite couronne (- 6,1%), les atteintes volontaires à
l'intégrité physique des personnes ont en revanche
nettement progressé (+ 5,3%). Parmi celles-ci on
peut mentionner les rixes, les agressions sur la
voie publique, les violences familiales…Que faire
lorsque l'on est victime de violences, et plus
particulièrement lorsqu'il s'agit de violences
aggravées ? Une plainte avec constitution de partie
civile peut être envisagée.
personne contre laquelle il est dirigé.
Il faut distinguer :
 les violences légères : celles qui, n’entrainant
pas d’incapacité de travail, sont assimilées, comme
contravention, à une voie de fait (article R624-1 du
Code pénal)
 des violences aggravées : celles pour lesquelles
une/plusieurs causes d’aggravation tiennent
compte de la qualité de l’auteur ou de la victime
mais aussi des circonstances dans lesquelles les
violences ont été commises (article 222-13 du
Code pénal).
Qu’est-ce-qu’une constitution de partie civile
?
Qu’est-ce-que la prescription de l’action
publique et pourquoi faut-il en observer les
délais ?
Il s’agit d’un acte par lequel un individu qui se
prétend victime d’une infraction se présente
comme demandeur en réparation devant la
juridiction répressive, en réclamant une indemnité
pour le préjudice direct et personnel que lui cause
cette infraction. Il est possible de se constituer
partie
civile
de
deux
façons :
soit dès le dépôt de plainte : cette constitution
est dite « par voie d’action » et entraîne
automatiquement la mise en mouvement de
l’action publique (article 1 du Code de procédure
pénale)
soit ultérieurement par voie de conclusions, en
cours de procédure, devant un juge déjà saisi :
cette
constitution
est
dite
« par
voie
d’intervention » (article 87 du Code de procédure
pénale)
Qu’est-ce-qu’une violence ?
Il s’agit d’un acte d’agression de nature à porter
atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la
Clinique juridique
La prescription est un mode d’acquisition
(prescription
acquisitive)
ou
d’extinction
(prescription
extinctive) d’un
droit, par
l’écoulement du temps et dans les conditions
déterminées par la loi. Nous parlerons ici
exclusivement de la prescription extinctive.
L’action publique est la démarche exercée au nom
de la société, par les magistrats du ministère
public, qui a pour objet l’application de la loi
pénale à l’auteur du fait réputé délictueux, ainsi
que la réparation du dommage causé à la société.
Il faut observer les délais de prescription de
l’action publique, faute de quoi celle-ci s’éteint et
en principe l’affaire s’arrête là. Ces délais sont de
10 ans en matière criminelle, 3 ans en matière
délictuelle et 1 an en matière contraventionnelle
(ensemble les articles 7, 8 et 9 du Code de
procédure pénale).
Quel effet a une plainte avec constitution de
partie civile ?
Contrairement à une plainte simple, la plainte avec
constitution de partie civile est un acte interruptif
de l’action publique dès lors qu’elle est régulière.
Cet acte interruptif a ainsi un effet rétroactif. Cela
signifie que, dès la date de la plainte avec
constitution de partie civile, les délais déjà écoulés
depuis la commission de l’infraction sont anéantis,
sous réserve bien sûr de n’avoir pas dépassé le
délai de prescription de l’action publique. Le délai
de prescription repart ainsi de zéro à compter de
cette date.
D’une manière plus générale tous les actes
réguliers « d’instruction ou de poursuite » sont
susceptibles d’interrompre la prescription (article 7
al.1 code de procédure pénale), qu’ils émanent
d’un magistrat, d’un enquêteur ou d’une victime.
La plainte simple n’interrompt pas la prescription
mais la suspend simplement le temps de
l’instruction de la plainte. (Cf Crim.10 mai 1972,
Bull.crim.n°167)
Comment déposer plainte avec constitution de
partie civile ?
Dans le cas de violences aggravées, il est possible
de déposer plainte avec constitution de partie
civile :
 auprès d’un commissariat de Police ou d’une
brigade de Gendarmerie, c’est à dire, en se rendant
physiquement sur place et en demandant à être
entendu par un officier de police judiciaire, un
agent de police judiciaire ou un agent de police
judiciaire adjoint aux fins d’un dépôt de plainte
avec constitution de partie civile. Votre plainte
sera ensuite transmise au procureur de la
République (cf infra). Il peut d’ailleurs être utile
de rappeler qu’une plainte n’est pas une maincourante, ne laissez donc surtout pas se substituer
la seconde à la première, qui n’aurait pas le même
effet. Il peut aussi être utile de rappeler que les
personnes dépositaires de l’autorité publique ont
l’obligation de prendre toute plainte (articles 15-3
du Code de procédure pénale et 5 de la Charte de
l’accueil du public et de l’assistance aux victimes).
en écrivant directement au procureur de la
République, c’est à dire, en rédigeant les faits
détaillés, leur qualification juridique et les
Clinique juridique
conséquences pour la victime… et en l’envoyant
par lettre recommandée avec avis de réception au
procureur de la République de votre ressort qui
peut décider de mettre en mouvement l’action
publique comme de classer sans suites
en écrivant en premier recours au procureur
général près la Cour d’appel de la juridiction
territorialement compétente, également par lettre
recommandée avec avis de réception, qui pourra
également décider de mettre en mouvement
l’action publique comme de classer sans suites
 en écrivant en dernier recours au doyen des
juges d’instruction, également par lettre
recommandée avec avis de réception, qui pourra
également décider de mettre en mouvement
l’action publique comme de classer sans suites
(article 85 à 91-1 du Code de procédure pénale)
Il faudra ainsi préciser clairement la constitution
de partie civile, la demande de dommages-intérêts
et l’adresse de la victime en France. Une
consignation
pourrait
être
éventuellement
demandée à la victim een garantie du paiement
d'une éventuelle amende, prononcée dans le cas où
la constitution de partie civile s'avérerait abusive
(article 177-2 du Code de procédure pénale).
Questions-réponses complémentaires :
Peut-on déposer plainte si l’on est mineur?
Le mineur peut déposer une plainte simple, mais il
peut également demander à ses représentants
légaux de le faire à sa place.
Il ne pourrait pas en revanche déposer une plainte
avec constitution de partie civile seul ; en effet
seuls ses parents peuvent se constituer partie civile
en
son
nom
 La constitution d’avocat est-elle obligatoire ?
Non mais elle reste très fortement conseillée pour
assurer la meilleure défense de vos intérêts.
Que faire en cas de faibles ressources ?
Vous pouvez demander la fixation d'un montant
minimum ou une dispense de consignation, de
plus, vous pouvez également pour la suite déposer
une
demande
d’aide
juridictionnelle.
Vous
avez
besoin
d’aide
?
Vous pouvez solliciter le bureau d’aide aux
victimes le plus proche de chez vous, ou un avocat
spécialisé
en
droit
pénal.
Guillaume TOURRES
Liens utiles
legifrance.gouv.fr
service-public.fr
justice.fr
interieur.gouv.fr
Sources
Professeurs Denis Berthiau et Christophe Aubertin, cours de droit pénal et de procédure pénale
Gérard Cornu, Association Henri Capitan, Vocabulaire juridique, éditions PUF
L’express, « Le nouveau compte des chiffres de la délinquance » par Pascal Ceaux, publié le 03 février 2016
sur le site www. lexpress.fr/
Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, « Interruption de la prescription de l’action publique »,
numéros 98 à 101, base de données juridiques des éditions Dalloz, www.dalloz.fr
Textes: Code de procédure pénale :
Code pénal:
article 1 , 7, 8 et 9
article 15-3
articles 85 à 91-1
article 87
article 177-2
article R624-1
article 222-13
Charte de l’accueil du public et de l’assistance aux victimes, article 5
Jurisprudence sur les actes interruptifs ou non de la prescription de l’action publique:
Crim.10 mai 1972, Bull.crim.n°167 (plainte simple non interruptive de prescription)
Crim. 3 juin 1986, n°86-91.301 (définition des actes interruptifs)
Crim 28 janvier 1988, n° 86-92.565, Bull. crim.n°44 (citation directe devant une juridiction de jugement)
Clinique juridique