Ma femme est indestructible!

Transcription

Ma femme est indestructible!
Séisme à Haïti
«Ma femme est indestructible!»
Le sauvetage
Cent heures après le séisme, Nadine Cardozo-Riedl a enfin pu être retirée des décombres. Les
sauveteurs lui mettent un masque à oxygène et une minerve pour stabiliser sa colonne vertébrale.
Photos: Philippe de Poulpiquet/MaxPPP/Keystone, Ricardo Aduengo/AP/Keystone, Thomas Coex/AFP
Reinhard Riedl
croyait avoir
perdu à jamais
sa femme. Mais
l’incroyable
miracle est
arrivé: Nadine
Cardozo-Riedl a
survécu. Après quatre
jours d’angoisse,
prisonnière sous
4 mètres de débris.
Affaiblie mais
indemne, la
copropriétaire de
l’hôtel Montana a pu
raconter au «Bild am
Sonntag» l’enfer
qu’elle a vécu.
Texte: Quan Ly
C
e n’est pas donné à tout le
monde de passer du jour au
lendemain de la détresse à
l’euphorie. C’est pourtant ce qui est
arrivé à Reinhard Riedl. Souvenezvous, la semaine dernière nous
vous relations son témoignage poignant. Le sexagénaire allemand
avait annoncé lui-même la mort de
sa femme, Nadine Cardozo-Riedl,
copropriétaire du Montana, l’un
des fleurons de l’hôtellerie de Portau-Prince. Un contact avait été,
dans un premier temps, établi avec
sa femme. Puis plus rien. Dans
l’urgence de la course contre la
mort, il a fallu faire rapidement un
choix difficile. Même Reinhard
accepte la terrible décision: «Sortir
le corps de Nadine n’est plus une
priorité, et c’est normal, avait-il
déclaré. Il faut penser aux vivants
et tout faire pour les sauver.»
Une résurrection
Et puis l’incroyable nouvelle tombe
le lendemain: Nadine a survécu!
Quatre jours après le séisme. Ce
n’est plus un miracle, mais une
résurrection. Comment a-t-elle pu
survivre? C’est Nadine qui raconte
elle-même, par téléphone, la suite
au correspondant du Bild am
Sonntag du 24 janvier dernier.
Le lieu du drame
Le fleuron de l’hôtellerie de Port-au-Prince, qui accueillait notamment Bill Clinton, Brad Pitt et Angelina
Jolie, s’est effondré sur sa propriétaire, qui se trouvait dans son bureau au moment du séisme.
Elle travaillait à son bureau lorsqu’elle a été surprise par le tremblement de terre de magnitude 7.
En quelques secondes, elle se
retrouve prisonnière sous 4 mètres
de gravats. Son hôtel s’est refermé
sur elle pour devenir littéralement
un tombeau en béton. «J’étais totalement bloquée, ne pouvant bouger
qu’au millimètre.» C’est un portail
en fer qui l’a empêchée d’être
broyée. «Au début, j’ai crié jusqu’à
l’épuisement. Puis j’ai essayé de
taper sur le portail avec une petite
pierre pour faire du bruit.» Mais
seul le silence lui faisait écho.
Elle a cherché à ménager ses
forces, respirant péniblement le peu
d’air que laissait filtrer le portail.
Dans l’obscurité de sa prison, elle
n’avait «plus la notion du temps»,
alternant les phases d’endormissement et de réveil. «J’ai vu ma vie
défiler», souffle-t-elle.
Affaiblie, en proie au délire, la
femme de 62 ans croit entendre
la voix de son fils Silvanh. Dans le
doute, elle lui répond. «Mais je
n’étais pas sûre que tout cela était
réel.» Elle ne croit pas si bien dire.
C’est bien son fils qui l’a sortie de
cet enfer. Bien qu’il eût annoncé
à son père la douloureuse nouvelle, Silvanh voulait encore y
croire. Le jeune homme de 30 ans
était retourné sur les débris de
l’hôtel familial, appelant désespérément sa mère. Son cœur a
bondit lorsqu’il a entendu la voix
de Nadine. Elle est vivante!
Il a fallu onze heures pour la
dégager. «J’entendais du bruit,
puis j’ai compris que quelqu’un
faisait un trou au-dessus de
moi.» Lorsque l’équipe internationale parvient enfin à elle, un
seul mot sortait de sa bouche:
«De l’air!» Transportée à l’hôpital
de la Minustah (Nations Unies),
choquée et déshydratée, Nadine
Cardozo-Riedl s’en sort avec quatre opérations à la jambe. «C’est
incroyable, confie Reinhard. Ma
femme est indestructible!» Elle
fait partie des 133 personnes sauvées des ruines. Selon un bilan
provisoire dressé lundi dernier, le
séisme a fait plus de 150 000 morts
(mais les autorités haïtiennes craignent que 200 000 autres cadavres
ne soient encore sous les débris),
plus de 194 000 blessés, et près
d’un million de sans-abri. Q. L. J
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