Somalie, d`une intervention à l`autre
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Somalie, d`une intervention à l`autre
PERSPECTIVES INTERNATIONALES La revue des étudiants -chercheurs en Relations Internationales de Sciences Po Numéro 3 Janvier – Juin 2013 Les intervenants internationaux S o m a l i e , d ’ u n e i n t e r ve n t i o n à l ’ a u t r e : l a p a i x i n t r o u vab l e ? B a k a r y Tr a o r é POUR CITER CET ARTICLE TRAORE, Bakary. Somalie, d’une intervention à l’autre : la paix introuvable ? Perspectives Internationales, janvier-juin 2013, n° 3, p. 89-107 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? SOMALIE, D’UNE INTERVENTION A L’AUTRE : LA PAIX INTROUVABLE ? Par Bakary Traoré1, Université Félix Houphouët Boigny, Côte d’Ivoire P endant que les préparatifs d’une intervention au Mali mobilisent et divisent l’opinion nationale, un autre pays africain semble s’accommoder des nombreuses ingérences sur son territoire. Ainsi, depuis qu’elle est entrée dans le cycle infernal de la guerre civile, la Somalie a attiré plus d’une fois l’attention de la communauté internationale. Si aujourd’hui l’Amisom reste la seule force étrangère « légale » active sur le terrain, il faut reconnaître que la mise en place de la première opération des Nations unies en Somalie en mars 1992 marque le début des interventions étrangères dans ce pays de la Corne de l’Afrique. L’incapacité de l’Onusom I à remplir son mandat oblige le Conseil de sécurité à autoriser la mise en place d’une force multinationale selon la résolution 794 du 3 décembre 1992. Après huit mois d’activité, l’Unitaf cède ses responsabilités à l’Onusom II en mai 1993, dans le même contexte d’insécurité dans lequel elle s’est déployée. Tout comme l’Unitaf, cette deuxième mission onusienne quitte la Somalie en 1995 sur un échec politique et militaire, l’abandonnant aux différents chefs de guerre. Après le retrait onusien, c’est au tour des États voisins, de l’organisation sous-régionale, l’Igad, et plus tard de l’Union africaine, de s’impliquer davantage dans la résolution du conflit inter-somalien. Des négociations entreprises depuis lors aboutissent à la mise en place d’un Gouvernement fédéral de transition en octobre 2004 que la situation sécuritaire en Somalie 1 Bakary Traoré est titulaire d’un Doctorat en histoire contemporaine après avoir soutenu une thèse sur l’ONU et les conflits armés en Afrique (1956-2004). Il est enseignant au département d’histoire de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, en Côte d'Ivoire. Ses recherches s’orientent vers l’étude des conflits africains et la contribution des organisations africaines au maintien de la paix. 2 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? oblige à s’établir à Nairobi au Kenya. Face à la demande de son président Abdullahi Yusuf Ahmed pour la création d’une mission d’imposition de la paix, les dirigeants de la région décident la mise sur pied en 2005 d’une force sous-régionale, l’Igasom, qui ne verra jamais le jour. Les risques de débordement du conflit avec la menace islamiste dans la sous-région et les demandes répétées du Gouvernement fédéral de transition, conduisent l’Éthiopie à intervenir en Somalie avec la bienveillance de Washington en 2006. Comme dans les années 1990 au moment de l’intervention de la communauté internationale, l’Éthiopie semble s’enliser dans le bourbier somalien et doit son secours au déploiement en 2007 de l’Amisom par l’Union africaine. Recevant l’offre militaire de plusieurs pays, c’est finalement l’Ouganda et le Burundi qui fournissent le gros des effectifs, tandis que l’Éthiopie est contrainte d’y rester jusqu’en 2009. Étant donné qu’il n'existe pas de paix à maintenir en raison de l’absence d’un véritable accord de paix, les forces déployées n’ont d’autre mission que d’imposer la paix comme dans les années 1990. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, un probable échec de l’Amisom n’était pas à écarter, malgré le renforcement de son dispositif militaire en matériels et en troupes. Envisagée comme une opération transitoire comme l’Unitaf en 1992-1993, en entendant le retour de l’ONU avec une véritable opération de maintien de la paix, l’Amisom peine à réaliser ses objectifs. En espérant un réengagement de l’ONU, c’est le Kenya devant le débordement du conflit sur son territoire, qui décide en octobre 2011 d’une intervention unilatérale en Somalie. Ces quelques faits exposés montrent que depuis la chute du dictateur Syad Barré en janvier 1991, et l’éclatement de la guerre civile, la Somalie est le théâtre de plusieurs interventions menées au nom d’une pacification du pays qui tarde à se réaliser. Si celles-ci paraissent justifiées, force est de constater que ces « invasions étrangères », menées de manière unilatérale ou dans le cadre d’un régionalisme sécuritaire, restent problématiques. Alors, comment interpréter toutes ces interventions dans ce pays désertique de la Corne de l’Afrique qui n’est pas encore sorti de la guerre ? Cet article se propose d’analyser dans une perspective historique les modalités de mise en œuvre de toutes ces interventions, de mettre en relief les intérêts qui guident chaque pays-intervenant afin de comprendre l’inefficacité des résultats attendus. Ainsi, les interventions onusiennes de la première moitié de la décennie 1990 marquent l’échec du maintien de la paix (I). Si les interventions de l’Igad et de l’Union africaine paraissent légales, leurs missions peinent à pacifier la Somalie (II) ; une raison de plus pour l’Éthiopie et le Kenya de s’engager individuellement dans le conflit somalien avec des résultats peu probables (III). 3 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? LES INTERVENTIONS ONUSIENNES EN SOMALIE OU L’ECHEC DU MAINTIEN DE LA PAIX (1992-1995) L’action lancée par les Nations unies en Somalie débute en avril 1992 par la mise en place de l’Onusom I. Elle est suivie en décembre par l’opération américaine Restore Hope, à laquelle succède l’Onusom II en mars 1993. Cette dernière mission se retire en mars 1995 dans le contexte qui avait suscité la mobilisation internationale. Vers la réaction de l’ONU La guerre civile qui sévit à Mogadiscio, au lendemain de la chute de Barré, a aggravé la chaotique situation dans laquelle se trouvait la Somalie. À cause de la persistance du conflit, les organisations humanitaires n’ont pu secourir les populations. Certaines d’entre elles se sont mêmes retirées du fait de l’insécurité, faisant des populations des laissés-pour-compte. Mais grâce aux appels incessants des ONG et des médias, on assiste à un réveil, quoique tardif, de la communauté internationale. Le manque d’empressement de cette communauté à réagir face au drame somalien est lié à la perte de l’intérêt stratégique que le pays représentait pour les Occidentaux au temps de la Guerre froide2. La Somalie n’est plus ce qu’elle était, et le Conseil de sécurité semblait davantage préoccupé par ce qui se passait au Koweït3 et en Yougoslavie. Dans les deux cas, il y avait un intérêt4 à défendre, alors que la fin de la Guerre froide achève de dévaloriser la Somalie aux yeux des stratèges et des diplomates occidentaux5. L’inertie de la communauté internationale et les difficultés de l’ONU à faire face aux événements en Somalie étaient liées à la nature du conflit et à l’interprétation faite des modalités et mécanismes d’intervention de la Charte. 2 De par sa situation géographique, la Somalie a joué un rôle important dans la rivalité Est-Ouest au moment de la guerre froide. Située à l’extrémité de la Corne de l’Afrique, bordée au nord et à l’est par la Mer rouge (1 000 kilomètres) et l’Océan indien (1 800 kilomètres), la Somalie est le point de jonction entre l’Afrique et le monde arabe. Elle s’est appuyée sur cette position pour attirer les faveurs des supergrands (États-Unis et URSS) pendant la Guerre froide devenant ainsi un enjeu important des rivalités Est-Ouest. 3 Cet ancien protectorat britannique du monde arabe a été envahi par l’Irak à partir du 2 août 1990. Le 3, Américains et Russes appelaient la communauté internationale à prendre des mesures concrètes contre l’Irak alors qu’en Somalie, des milliers de personnes mouraient des affrontements opposants Syad Barré aux différents groupes armés. Le 7 août, les Américains étaient déjà prêts pour libérer le Koweït, tandis que la Ligue arabe étudiait la possibilité d’une intervention pan-arabe alors que la Somalie y était membre ! (Le Monde, 1er mars 1991). L’action menée au Koweït n’était pas menée directement par l’ONU mais autorisée par elle au moment où débutait la guerre des clans à Mogadiscio. 4 Si l’intervention au Koweït sert des motifs économiques occidentaux, celle entreprise en Yougoslavie est menée pour des questions de sécurité régionale en Europe et aussi pour des principes démocratiques. 5 Marc YARED, art. cit. 4 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? Celle-ci proscrit une intervention de l’ONU dans une crise au sein des États car elle est considérée comme une affaire interne6. Mais ce principe ne s’oppose pas à l’application des mesures coercitives du Chapitre VII7, ce qui signifie que le Conseil de sécurité peut entreprendre des actions militaires nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. D’ailleurs, c’est le fondement juridique de l’intervention des Nations unies en Somalie qui se matérialise par les résolutions 733 et 794 du Conseil de sécurité. En effet, la situation d’insécurité entretenue par des bandes armées incontrôlées empêche les quelques organisations humanitaires présentes sur le terrain de travailler. Constatant la tragédie humaine en Somalie, tragédie qui nécessite un acheminement d’urgence de l’aide, le recours à la force contenu dans le Chapitre VII est obligatoire. Il s’agit pour le Conseil de sécurité au moyen de la force, de permettre le libre accès aux populations en danger en pareille situation. Les différentes missions de l’ONU en Somalie Face à la détérioration de la situation humanitaire, la communauté internationale décide de réagir pour mettre fin aux souffrances de la population somalienne. Cela se matérialise par la mise en place de l’Onusom I, de l’Unitaf et enfin de l’Onusom II. La première opération des Nations unies en Somalie (Onusom I) est lancée par la résolution 751 du 24 avril 1992 à la suite de la cessation des hostilités entre les parties somaliennes obtenue le 3 mars. Sur recommandation de l’équipe technique qui avait séjourné en Somalie, cette mission onusienne doit surveiller le cessez-le-feu et protéger le personnel humanitaire. Composée d’un effectif dérisoire de 50 observateurs, et plus tard d’une force de sécurité de 500 militaires, cette mission n’a pu exécuter le mandat qui lui était octroyé. Les affrontements en Somalie n’ont guère cessé, bloquant ainsi les activités humanitaires, tandis que les factions rivales du Congrès de la Somalie unifiée (CSU) menaçaient régulièrement les troupes onusiennes8. Lorsque la Force d’intervention unifiée commandée par les Américains est autorisée par l’ONU, son but est de pallier la situation décrite plus haut. C’est une opération où le militaire rime avec l’humanitaire, si l’on se réfère à la résolution 794 qui la crée. Forte de 38 000 hommes, dont 28 000 américains, l’Unitaf est une opération temporaire dont les actions consistent à rétablir des conditions de sécurité qui permettent de faire parvenir les secours de l’étranger aux Somaliens. S’appuyant sur le Chapitre VII, elle est chargée 6 ONU, Charte des Nations unies, Chapitre premier, article 2, paragraphe 7. Ibid. 8 Conseil de sécurité, Rapport du Secrétaire général sur la situation en Somalie, 24 novembre 1992. 5 p. 7 5 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? d’imposer la paix, en entendant que l’ONU réfléchisse à une nouvelle opération des Nations unies en Somalie. Cette nouvelle opération est lancée par la résolution 814 du 26 mars 1993, et prend la relève officielle de l’Unitaf le 4 mai 1993. L’Onusom II, qui a les mêmes fonctions que la précédente opération, doit s’étendre à tout le pays. Mais dans les mois qui suivent son déploiement, la situation sécuritaire se détériore avec des scènes de guerre entre ses forces et l’alliance militaire dirigée par Aïdid. Face à l’insécurité grandissante à laquelle les effectifs onusiens ne peuvent répondre de manière conséquente, certains pays décident alors de retirer leurs contingents de Somalie. Le président américain Bill Clinton en donne le signal le 7 octobre 1993 en annonçant le retrait de ses troupes prévu pour le 31 mars 1994. Le retrait de l’Onusom II est définitivement achevé le 31 mars 1995 dans le contexte qui a suscité la mobilisation de la communauté internationale. L’intervention de l’ONU en Somalie a duré trois ans, pendant lesquels 17 résolutions ont été votées par le Conseil de sécurité. Lorsqu’elle l’intervention cesse en mars 1995, aucune solution politique n’est envisagée, et pourtant l’enjeu de l’intervention était de taille. En effet, si celle menée en Yougoslavie s’est faite sur la base de la diplomatie préventive9, celle de Somalie marque l’an I de l’ingérence humanitaire10. En prenant pour prétexte la tragédie humaine, une opération d’envergure est menée en Somalie avec des mandats ambigus, entre maintien de la paix traditionnel et imposition de la paix. L’option militaire a vite pris le dessus sur une solution politique plus conciliante, faisant de l’ONU un acteur du conflit. Ne disposant pas des moyens de sa politique pour faire face à la récurrence de la violence, l’Onusom II se retire, confirmant ainsi l’échec militaire et politique de l’ONU en Somalie. C’est la première fois que l’organisation internationale se retire d’un conflit avant qu’il ne prenne fin11. Les raisons de la débâcle onusienne en Somalie sont liées au dysfonctionnement interne de la bureaucratie onusienne et à la définition d’une méthode d’approche du conflit somalien. En effet, les Nations unies ont voulu réparer leur négligence coupable et criminelle12 en choisissant l’option militaire en vue parvenir à une solution rapide. Mais leur engagement, tardif et soudain, est si mal préparé que les actions en Somalie sont entachées d’irrégularités, notamment au niveau des moyens et des volontés politiques. C’est ainsi que les 3 500 casques bleus demandés pour renforcer le contingent pakistanais, en vue de l’extension des opérations, ne sont pas déployés. Il manque à ce contingent la logistique nécessaire pour assurer son mandat, si bien qu’il n’a pu répondre efficacement 9 Théodore CHRISTAKIS. L’ONU, le chapitre VII et la crise yougoslave. p. 205. 10 Bernard DEBRE. L’illusion humanitaire. p. 63. 11 Jean HELENE. L’ONU quitte la Somalie sur un échec politique et militaire. p. 2. 12 Marc YARED, art. cit. 6 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? aux attaques des milices13. Par ailleurs, on a noté une divergence de points de vue entre l’administration américaine et le Secrétariat général de l’ONU au sujet de la mission assignée à l’Unitaf. Ainsi, lorsque l’opération américaine cède ses responsabilités à l’Onusom II, le nord du pays n’est pas pacifié, tandis que les activités criminelles des miliciens au sud limitent gravement le travail des humanitaires. Sur le terrain, on assiste à des conflits de compétences entre ou/et au sein du personnel et entre les agences onusiennes, sans oublier les divergences d’appréciation des priorités à définir en Somalie. L’intervention de l’ONU en Somalie a beaucoup souffert de la politique parallèle des États-Unis, et du recours systématique à la force comme moyen de règlement du conflit. L’implication américaine à la suite de l’inefficacité de l’Onusom I s’est faite sur la base de facteurs exogènes à la crise somalienne14. Si le prétexte de cette intervention rime avec humanitaire, la rapidité, l’importance des moyens et le tapage médiatique15 permettent de dire qu’il s’agissait plutôt d’une opération de charme, et une occasion pour expérimenter et confirmer leur statut de superpuissance dans le nouvel ordre mondial16. Leurs actions militaires sur le terrain sont souvent entreprises sans concertation avec le personnel militaire de l’Onusom II déjà présent en Somalie17. L’utilisation à outrance de la force lors de leur participation aux opérations onusiennes en Somalie, et avalisées par les résolutions du Conseil de sécurité, transforment l’Onusom II en faction armée au même titre que les différents mouvements armés. Venues sécuriser les convois humanitaires et pacifier le pays, les missions onusiennes deviennent des « machines à tuer », dirigées contre Aïdid18. Sa tête est mise à prix, et pour le Secrétaire général de l’ONU, son élimination est nécessaire pour ramener l’ordre en Somalie et accomplir sereinement le travail de Dieu19. L’autre aspect des facteurs récurrents de la violence en Somalie est lié à la méconnaissance des réalités sociales somaliennes et de l’identification des acteurs au conflit et des partenaires du dialogue. 13 Ce contingent s’attendait à ce que l’ONU lui fournisse cette logistique, et, faiblement armé, il n’a pu rappeler à l’ordre les miliciens qui empêchaient les humanitaires de travailler. 14 Daniel COMPAGNON. Somalie : les limites de l’ingérence « humanitaire », l’échec politique de l’ONU. p. 193-202. 15 Le débarquement américain de décembre 1992 en Somalie a été couvert par 2 700 journalistes et retransmis en direct sur toutes les chaînes internationales. Voir Smith STEPHEN. Somalie : La guerre perdue de l’humanitaire. p. 213. 16 Smith STEPHEN, Op. cit. p. 162. 17 Attitude dénoncée par le général Imtiaz Shahen, commandant pakistanais de l’Onusom I, qui n’hésite pas à dire que les Américains vont tester en Somalie leur doctrine de résolution des conflits. Voir Smith STEPHEN, op. cit. 18 Il a d’abord été l’interlocuteur privilégié de la communauté internationale, et est devenu, en juin 1993, l’homme à abattre avant d’être rétabli dans ses droits lors de la conférence de Nairobi. 19 Gérard PRUNIER. L’inconcevable aveuglement de l’ONU en Somalie. p. 7. 7 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? L’aspect sociologique du conflit n’a jamais été pris en compte par les responsables onusiens, qui mettaient en avant sa complexité. Les Américains, qui ont occupé une place de choix dans la prise de décision, notifiaient qu’il n’était pas question de s’ingérer dans la résolution politique de cette crise. Les chefs de guerre ne sont pas les seuls acteurs du conflit, auxquels il faut nécessairement ajouter les membres de leurs clans, une jeunesse désœuvrée sans repère, les mooryans20, et les commerçants qui tirent profit des pillages. Les Nations unies ne connaissaient rien de cette société, et ont été incapables d’identifier les nouveaux acteurs politiques crédibles représentatifs qui ont émergé dans le sillage du conflit : il s’agit des conseils d’anciens et des nouvelles élites civilisées. À la suite du retrait militaire des Nations unies, la résolution de la crise somalienne est prise en charge par les États voisins dans une perspective régionale et africaine mais avec bien de difficultés… DE L’IGASOM A L’AMISOM OU LE REGIONALISME SECURITAIRE EN DIFFICULTE (2005-2012) Face à l’escalade du conflit depuis le retrait onusien en 1995, les acteurs régionaux se sont mobilisés pour mettre fin au conflit somalien et restaurer la paix. L’Igad, l’organisation sous-régionale, a d’abord proposé de conduire en 2005 une mission de soutien à la paix en Somalie. Devant les difficultés liées au déploiement de cette opération et l’apparition de l’Union des Tribunaux Islamiques, l’Union africaine (UA) décide de créer une autre mission en Somalie en 2007, l’Amisom. L’Igasom, une opération mort-née… Depuis le retrait onusien, les pays de la Corne de l’Afrique se sont de plus en plus impliqués dans la résolution du conflit somalien par les initiatives et les soutiens aux différents accords de paix négociés. Leurs efforts aboutissent en 2000 à la mise en place du Gouvernement national de transition (GNT), le tout premier gouvernement somalien depuis la chute de Syad Barré. Cependant, c’est quatre ans plus tard que la constitution de ce gouvernement, qui devient fédéral, rencontre l’adhésion de l’ensemble des acteurs de la crise somalienne. C’est ainsi qu’en 2004, une conférence tenue à Nairobi au Kenya met en place les institutions de transition avec l’élection du président Abdullahi Youssouf Ahmed en octobre. Mais la situation sécuritaire en Somalie et principalement dans la capitale Mogadiscio ne favorise pas l’installation de ces institutions sur le sol somalien. Ce qui oblige le président somalien à demander le 25 octobre 2004 à l’Union Africaine de déployer 20 Roland MARCHAL, Les mooryans de Mogadiscio : forme de violence dans un espace urbain en guerre, p.308. 8 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? quelque 15 à 20 000 soldats pour restaurer la paix et la sécurité en Somalie. Il réitère sa demande à l’Igad lors d’entretiens à Kampala avec le président Yoweri Museveni, président en exercice de l’organisation sous-régionale21. Le 5 janvier 2005, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine accepte le principe de déployer une mission d’appui à la paix en Somalie, ayant pour mandat la protection d’installations importantes, l’appui aux actions du GFT dans le domaine de la sécurité et la surveillance du cessez-le-feu. À Mogadiscio, des manifestations hostiles, orchestrées par les chefs de guerre, accueillent l’éventualité de ce déploiement de forces étrangères. Le 31 janvier 2005, l’Igad, en s’appuyant sur les offres de Djibouti, de l’Éthiopie, du Kenya, de l’Ouganda et du Soudan, se déclare disposée à participer à la future force de l’UA. Le 7 février 2005, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine autorise l’Igad à déployer une mission d’appui à la paix en Somalie, et invite la communauté internationale à appuyer la mission de l’Igad, en attendant le déploiement d’une mission de l’Union africaine22. Mais le Conseil de sécurité insiste sur l’adhésion des populations somaliennes à un tel déploiement, même si d’importants chefs de guerre y consentent, à condition que les pays voisins de la Somalie en soient exclus. Se souvenant de la débâcle de 1995, il reste prudent et recommande le renforcement de l’embargo, imposé depuis 1992, sur les importations d’armes en direction de la Somalie23. Il est prévu que les premières unités de l’Igasom provenant de l’Ouganda et du Soudan arrivent en Somalie à partir de septembre 2006 mais ce déploiement est retardé par la réticence du Conseil de sécurité à lever l’embargo sur les armes. Or, au même moment, la Somalie est particulièrement secouée par les affrontements de 2006, avec la montée en puissance de l’Union des tribunaux islamiques qui, après avoir défait l’ARPCT, étend peu à peu son contrôle sur le territoire. Lorsque le Conseil de sécurité consent à lever cet embargo, le déploiement de la force de paix de l’Igad est hypothéqué par les menaces de l’UTI et les réticences des pays fournisseurs24. Mieux encore, la Charte de l’organisation ne prévoit pas le déploiement d’une mission de ce type à cause du principe de non-ingérence qui y est inscrit. De plus, le secrétariat de l’Igad n'a ni les capacités humaines, ni les capacités financières, pour gérer cette opération, alors qu’un des États 21 Conseil de paix et de sécurité, Rapport du Président de la commission sur l’appui de l’Union Africaine aux institutions de transition de la Somalie, PSC/PR/2(XXII), 5 janvier 2005, 10 p. 22 Conseil de paix et de sécurité, Communiqué, PSC/PR/Comm. (XXIV), 7 février 2005, 3 p. 23 Historique de la Mission de Soutien de la Paix de l'IGAD en Somalie (2005-2007), disponible sur http://www.operationspaix.net/65-historique-igasom.html. 24 L’UTI estime que le CSNU a pris fait et cause pour le GFT au lieu de privilégier le dialogue instauré entre les deux parties sous l’égide de la Ligue arabe. Par ailleurs, les seuls pays non-limitrophes qui s’engagent à fournir des troupes à l’Igasom sont le Soudan et l’Ouganda. Si le second se déclare prêt à fournir 800 hommes et le premier se rétracte dans la mesure où il s’oppose à un tel déploiement au Darfour. 9 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? membres, l’Érythrée, s'oppose au déploiement25. Devant cette situation de blocage, l’Éthiopie, qui soutient ouvertement le GFT, décide d’intervenir. Si l’intervention éthiopienne permet de chasser les islamistes de la capitale, elle ne parvient pas à instaurer une paix définitive en Somalie, où règne une insécurité généralisée. Comme l’Igasom n’a pu se déployer effectivement, l’UA propose, de ce fait, une autre mission pour remplacer les troupes éthiopiennes qui ne demandent qu’à être relayées par une force de maintien de la paix. …Mais mission impossible pour l’Amisom Selon Addis-Abeba, l’intervention des forces éthiopiennes est temporaire en Somalie, et l’Éthiopie veut les retirer aussi rapidement que possible. Alors, elle exhorte la communauté internationale à prendre des mesures immédiates pour le déploiement d'une opération de soutien de la paix, tel que préconisé par l’Igad, l’UA et les Nations unies. Mais le GFT l’invite à maintenir ses troupes en Somalie jusqu'à la stabilisation totale du pays et le déploiement des troupes de l’UA26. Ce déploiement est obtenu avec la création de l’Amisom le 19 janvier 2007 à la suite des recommandations d’une mission d’évaluation technique de l’UA qui a séjourné à Mogadiscio quelques jours auparavant27. La durée initiale de l’Amisom, selon le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA, est de six mois, dans l’attente du transfert de ses responsabilités à une opération des Nations unies qui devra soutenir la stabilisation à long terme et la reconstruction post-conflit de la Somalie28. Le Conseil de sécurité des Nations unies, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte, autorise un mois plus tard, le déploiement de cette mission, et lève également l'embargo sur les armes imposé à la Somalie, à son bénéfice et celui des autorités fédérales de transition29. Répondant aux exhortations du Conseil de sécurité, l’UA reçoit en plus de l’Ouganda (qui s’était déjà engagé pour l’Igasom) les offres militaires du Nigéria, du Ghana et du Burundi30. Mais le retard dans le déploiement des troupes, provoqué par le désistement des pays fournisseurs pressentis, oblige l’Éthiopie à maintenir ses forces sur le terrain jusqu’en 25 Sonia LE GOURIELLEC. L’ONU en Somalie : le refus de l’engagement ? Dossier du ROP, 23 janvier 2012, http://www.operationspaix.net/66-dossier-du-rop-lonu-ensomalie-le-refus-de-lengagement-.html. 26 Conseil de paix et de sécurité. Rapport du président de la Commission sur la situation en Somalie. PSC/PR/2(LXIX), 19 janvier 2007. 27 Ibid. 28 Conseil de paix et de sécurité. Communiqué, PSC/PR/Comm. (LXIX), 19 janvier 2007, 4 p. 29 Conseil de sécurité. Résolution 1744, S /RES/1744 (2007), 21 février 2007, 4 p. 30 Conseil de paix et de sécurité. Rapport du Président de la Commission sur la situation en Somalie, PSC/PR/2 (LXXX), 18 juillet 2007, 13 p. 10 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? janvier 200931. Dans ces conditions, le mandat de l’Amisom a du mal à être exécuté, si bien que la dernière étape de son déploiement prévoyant son remplacement par une force de paix de l’ONU, n’a pu se faire. Son seul résultat tangible est le retrait des troupes éthiopiennes qui l’a privée d’une force de dissuasion et augmenté sa vulnérabilité face aux attaques des islamistes somaliens. En effet, sur près de trois ans, seulement la moitié des effectifs prévus pour l’Amisom est déployée en Somalie, ce qui compromet l’exécution de son mandat. L’opération n’a pas les moyens aériens ou maritimes d’accomplir ses tâches, ce qui réduit sa capacité d’action. De plus, la nature et le caractère de l’opération posent problème, car elle n’est pas une mission de maintien de la paix, dans la mesure où il n’y a pas de paix à maintenir entre les protagonistes somaliens. Par ailleurs, elle n’est pas non plus une opération d’imposition de paix, au sens onusien du terme, comme l’opération Restore Hope ou l’Onusom II, car le mandat n’en fait pas mention, et les moyens pour le faire lui font défaut ; elle ne peut utiliser la force qu’en cas de légitime défense. Enfin, elle ne peut être une opération de consolidation de la paix dans la mesure où les conditions d’une paix à consolider ne sont pas réunies. Pire encore, elle souffre d’un manque de légitimité, car en protégeant le GFT lui-même contesté et non les populations civiles, elle s’est départie des principes fondamentaux de neutralité et d’impartialité caractéristiques des opérations de maintien de la paix de l’ONU. La mission a été envisagée comme une opération transitoire jusqu’au déploiement d’une force onusienne, alors les conditions ne sont pas réunies pour que l’ONU se décide. La seule option qui reste à l’UA est le renforcement de ses effectifs et de son mandat. En attendant, l’Éthiopie, et plus tard le Kenya, décident de réagir. L’ÉTHIOPIE EN SOMALIE… AVEC LE KENYA : DES INTERVENTIONS UNILATERALES INFRUCTUEUSES (20062012) ? En se retirant sans aucune solution politique, l’ONU abandonne la Somalie à la merci des chefs de guerre dont l’activisme crée une insécurité à travers le pays, et menace la Corne de l’Afrique. L’Éthiopie, puis le Kenya, qui sont des voisins immédiats, décident de réagir. 31 Seuls l’Ouganda et le Burundi ont pu déployer des troupes dans le cadre de l’Amisom. Les autres se sont désistés : l’Afrique du sud participait déjà aux opérations AMIS et MONUC, le Malawi contraint par des difficultés de politique interne, tandis que le Nigéria craignait que les allocations soient inférieures à celles des opérations onusiennes. Par ailleurs les pays contributeurs ont besoin d’une assistance logistique permanente subordonnant l’existence de l’Amisom à l’appui de l’Union européenne. 11 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? En finir avec les islamistes somaliens pour pacifier l’Ogaden et tenir en respect l’Érythrée Depuis le début du conflit au début des années 1990, l’Éthiopie joue un rôle majeur dans la recherche de la paix, et parraine certains accords signés entre les principaux acteurs somaliens. La situation sécuritaire dans l’Ogaden et la menace islamiste expliquent en partie son implication dans les processus de paix, mais aussi ses incursions armées en Somalie comme observé en 2006 et 2011. Lorsque la communauté internationale l’abandonne en 1995, la Somalie est divisée en plusieurs fiefs dirigés par des seigneurs qui guerroient les uns contre les autres dans le centre et le sud, alors que le nord-ouest s’était déjà proclamé République du Somaliland en 1991. Dans le courant des années 2003 et 2004, un processus de négociation initié à Nairobi sous l’égide de l’Igad permet la mise sur pied d’institutions de transition que la situation sécuritaire intérieure oblige à siéger en dehors de la Somalie. L’hostilité des tribunaux islamiques32 et de leur pendant Al Shabaabs aux institutions de transition se transforme en véritable guerre meurtrière menée contre le terrorisme. En effet, bien que parties prenantes au processus de paix initié à Nairobi en 2003, les seigneurs de guerre hostiles au retour d’un État central préjudiciable à leurs affaires empêchent le Gouvernement fédéral de transition (GFT) de s’installer à Mogadiscio. Ils le font déplacer à Baïdoa dans le sudouest du pays, et sont défaits plus tard en 2006 par l’Union des tribunaux islamiques (UTI) à Mogadiscio et dans d’autres villes du pays33. Mais l’orientation fondamentaliste de ce mouvement et la résurgence des thèses de la Grande Somalie, si chères aux Somaliens et incluant l’Ogaden éthiopien, ne sont pas du goût d’Addis-Abeba. C’est l’un des prétextes trouvés par l’Éthiopie pour imposer, dans le courant 2006-2007, sa paix, la pax americana à ces islamistes qui bénéficieraient du soutien de son ennemi érythréen. Officiellement, il s’agit pour l’Éthiopie de porter assistance au GFT dont le retour à Mogadiscio et la sécurité n’ont pu être garantis par l’Alliance pour le rétablissement de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), un groupe de seigneurs de guerre mis en scelle par les soins de Washington34. 32 La création des tribunaux islamiques est une réponse locale à la situation d’insécurité entretenue par les chefs de factions et leurs miliciens. Constitués par les anciens des clans qui organisent des jeunes miliciens pour lutter contre le banditisme, les premiers tribunaux apparaissent en 1996 et leur efficacité sur le terrain les conduit à se fédérer au sein d’une Union dirigée par le modéré par Cheikh Sharif Cheik Ahmed à partir de 2002. 33 Jean NANGA. Ethiopie-Somalie : une intervention sur ordre US. www.europesolidaire.org/spip.php?article4758). 34 Noémie ROUTIN, Emeline MAZIER. Les relations difficiles entre l’Ethiopie et La Somalie. http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-788_fr.html. 12 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? Cette intervention répond d’abord à des préoccupations internes dans la mesure où sa province rebelle, l’Ogaden, peuplée de Somalis, manifeste une volonté de plus en plus affichée sur la voie de l’autonomie. Pour seule réponse crédible aux revendications indépendantistes de cette région, AddisAbeba coopte les élites qui lui conviennent et réprime les autres35. L’option armée, qu’elles choisissent à travers les différents fronts ogadenis36, est soutenue par l’Érythrée dont les connexions avec l’UTI et l’intégrisme islamiste international ne font plus de doute. Il est clair qu’Addis-Abeba ne peut s’accommoder de la présence d’un régime islamiste en Somalie, qui pourrait l’asphyxier économiquement si elle n’a plus accès aux ports de Berbera et de Bossasso. Des lors, il est mieux pour elle de disposer en Somalie d’un régime qui lui est favorable, pour ne pas donner des bases arrières aux mouvements armés ogadenis. En intervenant en Somalie, elle règle le problème de ces indépendantistes qui refusent de dépendre d’un État fédéral chrétien et conforte les partisans du pouvoir éthiopien dans l’Ogaden. Mieux encore, il s’agit pour l’Éthiopie de solder un contentieux avec l’Érythrée qui l’a privée d’un accès à la mer, et qui conteste son leadership régional, en soutenant non seulement ses opposants armés mais aussi les islamistes somalis de l’Ogaden. En présentant ces opposants comme des terroristes soutenus par Al Qaïda, l’Éthiopie a su faire peur à l’Occident en agitant l’épouvantail de la menace islamiste. Elle dame le pion à Asmara en l’isolant dans la région. Elle a su mobiliser en sa faveur le choix des États-Unis d’un allié chrétien dans leur lutte contre le terrorisme international. C’est ainsi que son déficit démocratique a pu être absous par la même occasion37. Une intervention « téléguidée » par « l’oncle Sam » pour conforter sa stature de puissance régionale L’expédition militaire éthiopienne en Somalie de décembre 2006, qui permet de balayer les islamistes somaliens de Mogadiscio, ressemble à une guerre par procuration. L’Éthiopie la mène donc pour le compte des ÉtatsUnis, en lutte contre le terrorisme international depuis les attentats du 11 septembre 2001. En effet, depuis que Washington s’est engagé dans la lutte contre le terrorisme, elle a toujours été tentée d’envahir la Somalie censée être l’un des refuges des djihadistes pakistanais et afghans, et peut-être de Ben Laden ; surtout que les attentats contre ses intérêts dans la Corne de l’Afrique en 1998 et 2002 ont été préparés en Somalie. L’abandon de ce projet à l’irakienne est rapidement compensé par l’appui massif octroyé aux seigneurs de guerre de 35 Roland MARCHAL. Somalie : un nouveau front antiterroriste ? p. 1-28. Les principaux mouvements armés qui animent la scène insurrectionnelle de l’Ogaden sont le Front de Libération Oromo, le Front de Libération de l’Ogaden et le Front Uni de la Somalie occidentale. 37 Alain GASCON. L'intervention éthiopienne en Somalie : la croix contre le croissant ? p. 44736 463 13 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? l’ARPCT, qui soutiennent le GFT, et luttent contre les combattants des tribunaux islamiques. Ce soutien contre-nature sert leur politique antiterroriste, mais l’échec de cette alliance dans sa tâche oblige l’Éthiopie à intervenir militairement aux côtés des forces soutenant le GFT, sous ordre de Washington. Il s’agit ici selon certains auteurs de réaliser une priorité de la politique américaine de lutte contre le terrorisme en responsabilisant certains pays comme l’Éthiopie à qui l’on confère le statut de puissance régionale38. Mais, bien plus que cela, les États-Unis essaient de protéger leurs intérêts en Somalie, menacés par le nouvel ordre politique instauré par les tribunaux islamiques. Il n’est donc pas intéressant pour Washington que le contrôle du golfe d’Aden lui échappe, tout comme les immenses ressources naturelles qui regorgent du sous-sol somalien39. Le soutien militaire, dont bénéficie l’Éthiopie dans l’aventure somalienne, lui permet de montrer sa puissance de feu au petit voisin érythréen, qui en a fait les frais en mai-juin 2000 quand son armée est balayée de Badmé, la localité prétexte du conflit. En expédiant son armée à des centaines de kilomètres, Addis-Abeba confirme que son armée a acquis une capacité de projection40 qui conforte sa stature de puissance régionale. Ainsi, l’Éthiopie est donc prête à attaquer et détruire tout régime qui est lui est hostile ou qui chercherait à l’affaiblir en contrecarrant ses ambitions hégémoniques dans la Corne de l’Afrique. En effet, dans cette zone de hautes turbulences, l’Éthiopie entend jouer le rôle de puissance régionale, dans la mesure où elle reste le centre de gravité démographique, économique et militaire. Si elle pouvait rencontrer de sérieuses difficultés économiques, en raison de sa dépendance de l’aide alimentaire extérieure, force est de constater qu’elle a entrepris depuis une réorganisation de son armée. Cette réorganisation lui permet de remporter « la guerre des frontières » (déclenchée en 1998) en 2000 contre l’Érythrée, et de s’engager dans les opérations de maintien de la paix en cours dans la région. Cet engagement répond à sa volonté de stabiliser cette zone dans laquelle l’on dénombre un État failli (la Somalie), deux jeunes États (l’Érythrée et le SudSoudan) et un quasi-État (Somaliland)41. C’est pourquoi elle prend une part active dans les processus de paix en cours dans la région, avec une participation accrue aux missions onusiennes déployées : au-delà de son intervention en Somalie pour soutenir le GFT, elle fournit à ce jour 99% des 38 Roland MARCHAL. Somalie : un nouveau front antiterroriste ? p. 1-28. Jean NANGA. Ethiopie-Somalie : une intervention sur ordre US, 2007. www.europesolidaire.org/spip.php?article4758. 40 Alain GASCON. L'intervention éthiopienne en Somalie : la croix contre le croissant ? p. 44739 463. 41 Patrick FERRAS. L’Ethiopie : l’émergence sereine ! france.org/docs/kfm_docs/docs/.../2011-11-10-ethiopie.pdf. www.iris- 14 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? effectifs de la Fisnua42, et 8% de la MINUAD43 où elle reste le troisième fournisseur africain derrière le Nigéria et le Rwanda. Si son intervention de 2006-2007 ramène le GFT dans Mogadiscio, la fuite des combattants des tribunaux islamistes déplace le centre de gravité de l’insécurité et des combats vers le sud du pays, dans la zone frontalière avec le Kenya. Un alibi pour Nairobi pour intervenir aussi dans la guerre civile somalienne à partir d’octobre 2011, justifiant également le retour d’AddisAbeba après son retrait de 2009. Le Kenya en Somalie : au-delà des préoccupations sécuritaires (2011)… Le Kenya, tout comme l’Éthiopie, est l’autre voisin qui partage certaines affinités historiques et linguistiques avec la Somalie. Une partie de sa population est somalie, tandis qu’il accueille de nombreux réfugiés somaliens sur son territoire. Jusque-là, Nairobi s’est bien gardé d’intervenir dans le conflit somalien, mais la donne change en octobre 2011 à la suite d’une série d’événements produits au Kenya, avec des islamistes somaliens44 comme auteurs présumés. Avec pour nom de code Linda Nchi (« protéger le pays » en Swahilli), l’offensive lancée par les forces militaires kenyanes vise, selon les autorités de Nairobi, à pourchasser en territoire somalien les islamistes responsables des enlèvements perpétrés au Kenya. Il s’agit donc d’éliminer la menace que pose Al Shabaab pour la sécurité du Kenya, et pour ce faire, de nettoyer le Sud de la Somalie jusqu’à la rivière Juba. À ce titre, la prise de la ville côtière de Kismayo est nécessaire, tout comme l’établissement d’une « zone tampon » qui limiterait les actions des Shabaab et désengorgerait les camps de réfugiés du nord Kenya afin de les relocaliser au sud de la Somalie45. Mais la réalité paraît tout autre car l’intervention du Kenya en Somalie ne serait seulement pas destinée à se défendre contre les terroristes du mouvement Al Shabaab, mais poursuivrait certains objectifs autres que sécuritaires. Cela pourrait se justifier dans la mesure où elle était déjà en projet 42 Force Intérimaire de Sécurité des Nations Unies pour Abyei (province du Soudan). C’est la mission hybride des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (Soudan). 44 Le 11 septembre 2011, des hommes armés attaquent un couple britannique sur l’île de Kiwayu dans l’archipel kenyan de Lamu. L’homme est tué et son épouse est enlevée et emmenée en Somalie tout comme la française Marie Dedieu dont l’enlèvement a lieu le 1er octobre et qui décède par la suite. Le 13 octobre dans le camp de Dadaab en territoire kenyan, c’est l’enlèvement deux espagnoles travaillant pour MSF qui est enregistré. C’est cette série de rapt qui fournit le prétexte à l’intervention kenyane en Somalie précisément dans le Juba. 45 Romain LALANNE. Le Kenya en Somalie : les raisons d'une intervention risquée. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/226875. 43 15 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? depuis quelques années, et sa mise en exécution en 2011 aurait surpris ses alliés de la région notamment l’Éthiopie. Comme l’Éthiopie en 2006, le Kenya avance la légitime défense pour la justifier en combattant les islamistes d’Al Shabaab dont les activités terroristes risquent de porter un sérieux coup à son activité touristique en plein essor. Ainsi, les autorités kenyanes ont d’abord tenté d’utiliser les réfugiés somaliens du camp de Dadaab pour lutter contre ces islamistes comme l’Éthiopie, et les États-Unis l’ont fait avec les seigneurs de guerre de l’ARPCT. Devant leur échec, elles ont dû mettre en exécution le plan B de leur stratégie, en lançant l’offensive d’octobre 2011. L’objectif politique de cette intervention est la création au sud de la Somalie d’une zone tampon sécurisée et adossée à l’est du Kenya. À l’image du Somaliland et du Puntland qui bénéficient de la bienveillance de l’Éthiopie, il s’agit pour le Kenya de se tailler un fief de 100 kilomètres, le Jubaland, et d’installer une administration semi-autonome dirigée par un pouvoir qui contrôlerait le port somalien de Kismayo, utilisé par des réseaux de contrebande liés au Kenya. Une manière de donner corps à l’objectif économique de Nairobi dans la région à savoir préparer le terrain pour la réalisation de grands projets d'infrastructures qui transformeraient Lamu, le port kenyan, en terminal pétrolier permettant d'acheminer le brut des champs inexploités du Soudan du sud et du nord du Kenya. De Lamu, un réseau ferroviaire et routier offrirait un accès maritime à l'Éthiopie comme au Soudan du sud46. Cependant, derrière ces ambitions économiques, le Kenya veut se présenter comme un concurrent sérieux au leadership régional que s’arroge l’Éthiopie. Addis-Abeba l’a bien compris, c’est pourquoi elle est retournée en Somalie quelques jours après l’invasion kenyane. Officiellement, il s’agit de soutenir Nairobi en empêchant le redéploiement des combattants shabaabs autour de Kismayo. Mais l’Éthiopie ne peut s’accommoder de l’éventualité d’une région semi-autonome contrôlée par le Kenya majoritairement peuplée d’Ogadenis. L’initiative kenyane dans le sud de la Somalie peut donner des idées aux populations de l’Ogaden éthiopien47. Comme l’offensive éthiopienne de 2006, les premiers succès kenyans en Somalie tournent court, et les militaires s’enlisent dans le bourbier somalien. Ces interventions menées de manière unilatérale posent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Comme en 1995, il en résulte un échec politique et militaire de l’Éthiopie et du Kenya en Somalie, où la guérilla des islamistes continue d’entretenir l’insécurité. 46 47 Romain LALANNE. art. cit. Ibid. 16 P e r s p e c t i v e s I n t e r n a t i on a l e s Numéro 3/Janvier – Juin 2013 So m a l i e , d ’ u n e i n t e r v e n t i o n à l ’ a u t r e : La paix introuvable ? CONCLUSION Depuis la chute de Syad Barré en 1991, le semblant de paix qu’il avait instaurée au cours de son règne s’est rapidement transformé en guerre civile interminable. Les atrocités de cette guerre ont d’abord attiré l’attention de la communauté internationale qui a réagi à travers les différentes missions de l’ONU en Somalie. Cependant, ces missions n’ont pu ramener la paix dans le pays en raison de défaillances inhérentes au système onusien, de la méconnaissance des réalités sociales somaliennes et de la politique parallèle des États-Unis dans le règlement du conflit. C’est encore Washington qui appuiera l’intervention éthiopienne de 2006 au moment où la communauté africaine tarde à mobiliser les ressources nécessaires pour aider les institutions fédérales de transition à exercer l’effectivité de leur autorité sur le territoire somalien. La menace islamiste, les préoccupations de politique intérieure éthiopienne, les appétits impérialistes des États-Unis sans oublier les ambitions hégémoniques d’Addis-Abeba achèvent de transformer le conflit civil somalien en conflit régional, et en guerre par procuration, menée contre le terrorisme. L’incapacité des organisations régionales et sous-régionales africaines à mettre en place un processus politique inclusif qui subit les influences éthiopiennes et les pressions américaines, sans oublier un engagement sincère de l’ONU, sont autant de facteurs qui expliquent aujourd’hui la récurrence de la violence en Somalie. La victoire militaire de l’Amisom sur les islamistes d’Al Shabaab, enregistrée dans le courant 2012, offre l’occasion à l’ONU de signer son retour en Somalie après l’échec de 1995. Avec plus légitimité, elle devra privilégier une solution politique inclusive qui tienne compte des réalités somaliennes, pour transformer positivement son image ternie par les nombreuses ingérences étrangères en Somalie. BIBLIOGRAPHIE Documents officiels Conseil de paix et de sécurité. Rapport du président de la commission sur l’appui de l’Union Africaine aux institutions de transition de la Somalie, janvier 2005, PSC/PR/2(XXII), [consulté le 10 octobre 2012], 10 p. Disponible sur : http://www.ausitroompsd.org/Documents/PSC2005/22nd/Report/RapportSomalie.pdf. Conseil de paix et de sécurité. Communiqué, février 2005, PSC/PR/Comm. (XXIV), [consulté le 10 octobre 2012], 3 p. 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