Interprété par Kurtwood Smith Les années 80

Transcription

Interprété par Kurtwood Smith Les années 80
100 icônes badass du cinéma
Les années 80
• John Plissken •
CLARENCE J.
BODDICKER
Interprété par Kurtwood Smith
À
• Le film : RoboCop (1987). Réalisé par Paul Verhoeven •
l’heure où une interminable
crise et quinze années de téléréalité de merde nourrissent
un inexorable individualisme
exacerbé ruinant le “ vivre ensemble ” de nos sociétés occidentales, un personnage d’enflure suprême comme Clarence
Boddicker revêt une troublante résonance.
Boddicker, terriblement badass par son absence
totale de sens moral et l’inexplicable (mais réel)
pouvoir de séduction physique de son interprète
Kurtwood Smith, c’est le triomphe du capitalisme
ultime. Dans un Detroit du futur où l’État a capitulé, cédant ses fonctions régaliennes (dont la sécurité) à des consortiums privés sans éthique, un
truand sanguinaire comme Clarence Boddicker
exécute les basses besognes de ses patrons corrompus sans jamais être inquiété par la justice. Son
seul moteur : l’argent et les possessions matérielles
qu’il permet d’obtenir, incommensurablement plus
précieuses que la vie humaine.
Poussant cette logique à l’extrême, Boddicker
et ses sbires à son image n’auront pas le moindre
état d’âme quand il s’agira de cribler de balles
l’officier Murphy jusqu’au quasi-démembrement,
le sourire aux lèvres. Cette terrible scène, l’une des
plus cruelles et traumatisantes jamais vues à
l’écran, fut écrite et filmée de façon à évoquer la
crucifixion du Christ et son supplice… avant la
résurrection symbolique de Murphy sous la carcasse du RoboCop. Mais l’exécution sadique de
Murphy (particulièrement insoutenable dans la
version intégrale du film, disponible en DVD/Bluray) renvoie aussi directement au mode de pensée
nazi tel que décrypté par la philosophe Hannah
Arendt : dans l’Allemagne du Troisième Reich, le
Juif était considéré non plus comme une personne,
mais un objet superflu dont on peut disposer à sa
guise et réduire en bouillie le cas échéant.
Point Godwin un peu trop vite dégainé, ami
lecteur ? Nenni : initialement auditionné pour le
rôle de Dick Jones (attribué finalement à Ronny
Cox), Kurtwood Smith écopa de celui de Clarence
Boddicker parce qu’avec ses petites lunettes rondes,
Verhoeven lui trouvait une ressemblance avec le
dignitaire nazi Heinrich Himmler. Le parallèle est
donc volontaire et de fait, à l’écran, Boddicker
suscite le même effroi que son sinistre modèle :
intelligent, élégant, visiblement plus cultivé et sophistiqué que ses troupes… mais n’accordant pas
une once de prix à la dignité humaine.
On doit vraiment à Kurtwood Smith, qui n’avait
jusqu’alors rien joué de bien impérissable, d’avoir
totalement transcendé son rôle de salopard supérieur et d’électriser l’écran à chacune de ses apparitions. D’autant que l’enflure ne manque pas de
panache, comme lorsqu’il vient narguer un concurrent dans sa propre fabrique de coke ou tire sans
ciller dans les rotules de ce pauvre Morton (Miguel
Ferrer) avant de dégoupiller négligemment la grenade qui achèvera sa cible. Même la mort de ce vil
binoclard, dans son ultime face-à-face avec RoboCop-Murphy, est un sommet de badasserie.
Bref : une vraie réussite de motherfucker à la
mesure de celle du chef-d’œuvre visionnaire de
Verhoeven et qui vaut encore à Kurtwood Smith,
vingt-six ans après la sortie du film, d’être célébré
par les geeks du monde entier. La preuve : au temps
ancien de John Plissken of Mars, le tout premier
article de la rubrique Les chéris de ces geeks avait
été consacré à cet étonnant acteur à la voix autoritaire et nasillarde. Smith a depuis incarné d’autres
rôles marquants – du père castrateur du Cercle
des poètes disparus à celui d’un… père castrateur
dans la sitcom That ‘70s Show. Mais pour nous,
Kurtwood, tu seras pour toujours Clarence
Boddicker, tueur sans scrupule de Detroit City.
Y’a pire casserole, va !
¶
123

Documents pareils