Le Monde du dimanche 15 novembre 2015
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Le Monde du dimanche 15 novembre 2015
0123 Dimanche 15 - Lundi 16 novembre 2015 71e année No 22031 2,20 € France métropolitaine www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert BeuveMéry Fondateur : Hubert BeuveMéry Directeur : Jérôme Fenoglio VENDREDI 13 NOVEMBRE , 21 H 20 LA TERREUR À PARIS 1 ÉDITORIAL par jérôme fenoglio L’EFFROI ET LE SANG-FROID La France est en guerre. En guerre contre un terrorisme totalitaire, aveugle, terriblement meurtrier. On le savait depuis le mois de jan vier et les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, à Paris. En dépit de la mobilisation excep tionnelle du peuple français, le 11 janvier, en dépit de la solidarité alors exprimée par les dirigeants de toutes les démocraties du monde, le président de la République, le pre mier ministre et les responsables des services de sécurité n’ont cessé de le rappeler : la menace n’a pas dis paru. La question n’était pas de savoir s’il y aurait d’autres attentats en France, mais quand. Ce fut lors de cette soirée qui vient d’ensanglanter Paris et sa banlieue, vendredi 13 novembre. Et cette tragédie démontre que les terroristes qui ont pris la France pour cible ne mettent aucune limite à leur œuvre de mort. → LIR E Boulevard des-Filles-du-Calvaire, à Paris 11e. KAMIL ZIHNIOGLU/AP AU MOINS 128 MORTS DANS UNE SÉRIE D’ATTAQUES TERRORISTES L A S U IT E PAGE 1 4 DANS LA SALLE DU BATACLAN, LE « CARNAGE » : PLUS DE 80 MORTS FRANÇOIS HOLLANDE DÉCRÈTE L’ÉTAT D’URGENCE. DES RENFORTS MILITAIRES À PARIS LES ATTENTATS PROVOQUENT UNE ONDE DE CHOC INTERNATIONALE Au Bataclan, « du sang partout, des cadavres » LA FRANCE, CIBLE PRIVILÉGIÉE L’antiterrorisme à la peine face à une menace insaisissable par élise barthet et nicolas chapuis par benjamin barthe et nathalie guibert par jacques follorou et simon piel U ne salve de coups de feu retentit, suivie de trois déflagrations sourdes qui déchirent la nuit. Le silence se fait sur le boulevard Voltaire (Pa ris, 11e arrondissement). Il est mi nuit vingt, ce samedi 14 novem bre, et trois des quatre terroristes qui ont attaqué, trois heures plus tôt, la salle du Bataclan viennent d’actionner leur ceinture d’explo sifs. Le quatrième a été abattu au cours du raid que vient de lancer la brigade de recherche et d’inter vention (BRI) de la police judi ciaire. Les forces de l’ordre libè rent des dizaines d’otages. La vieille salle de caféconcert a des allures de théâtre de guerre. Au sol, des mares de sang, des blessés en pagaille et des dizai nes de corps inanimés. Au moins quatrevingts spectateurs venus assister au concert du groupe Eagles of Death Metal ont trouvé la mort, abattus par les terroristes. L’attaque a été lancée aux alen tours de 21 h 30, peu de temps après le début du show. Quatre hommes, équipés d’armes auto matiques, entrent dans la salle de concert par l’entrée principale après avoir tué les videurs. Ils tirent quelques coups, puis des rafales. → LIR E L A S U IT E PAGE 5 D urant toute la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre, les sympa thisants de l’Etat islamique (EI) ont bruyamment célébré sur les ré seaux sociaux le carnage perpétré dans les rues de Paris et de Saint Denis sous le hashtag #Parisbrûle. Mais l’organisation en tant que telle n’a pas prononcé un mot, n’a pas émis le moindre communi qué de revendication. C’est vers elle pourtant que se tournent tous les regards au lendemain de l’atta que terroriste la plus meurtrière que la France ait jamais endurée. → LIR E L A S U IT E PAGE 1 3 Le rythme des tueries terroristes semble s’accélérer et rien ne pa raît pouvoir contredire des scéna rios qui, chaque fois, gagnent en horreur. Les pouvoirs publics, quant à eux, sont confrontés à une équation qui paraît pour l’instant insoluble : endiguer une violence dont les auteurs par viennent régulièrement à échap per à l’attention des services de sécurité. Déterminés, accoutumés à la violence extrême, ces indivi dus, tous français à ce jour, frap pent sans prévenir des cibles sans défense. Jamais les démocraties européennes n’ont été confron tées à un phénomène djihadiste aussi diffus et massif. Comment s’organiser face à ce phénomène, qui se fond aussi aisément dans une société démocratique ? « C’est le scénario catastrophique qu’on craignait. » Depuis les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et une épicerie casher, plusieurs hauts responsables policiers avaient confié au Monde les diffi cultés auxquelles ils étaient con frontés en matière de lutte anti terroriste et le fatalisme avec le quel ils attendaient le moment où serait commis sur le sol français un attentat de grande ampleur. « Charlie c’était l’apéro, vous verrez », indiquait ainsi l’un des res ponsables de la Direction centrale de la police judiciaire. → LIR E L A S U IT E PAGE 1 2 REPORTAGE « C’EST LA GUERRE » par florence aubenas B oulevard du Montpar nasse, à Paris, les gens sor tent du cinéma, petits groupes joyeux. Il est presque mi nuit, ils ne sont encore au courant de rien. Sur le trottoir, les autres se retournent sur eux. Quelqu’un dit : « Chut », à deux jeunes filles qui rient fort. Elles réalisent sou dain que la foule autour d’elles semble d’une gravité particulière. « Qu’est-ce qui se passe ? On entre au cinéma et, quand on ressort, tout a changé. » → LIR E L A S U IT E PAGE 1 0 Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 10,50 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA 2 | les attaques terroristes à paris 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Soudain, une détonation retentit Au Stade de France, au Bataclan, dans des restaurants et des rues des 10e et 11e arrondissements de Paris, des terroristes ont semé la terreur vendredi 13 novembre au soir. Récit d’une nuit qui a déjà fait 128 morts L e match FranceAllemagne a débuté depuis une quinzaine de minutes, sur la pelouse du Stade de France, à Saint-Denis (SeineSaint-Denis), aux portes de Paris. Les quelque 80 000 places se sont vendues sans difficulté et les tribunes sont pleines pour ce match amical, sans enjeu véritable mais retransmis en direct par TF1. Même François Hollande et le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, se sont déplacés pour l’occasion et regardent, en amateur, la rencontre depuis l’une des loges officielles. A l’entrée, le dispositif policier est important, comme il l’est chaque soir de match depuis les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. Les spectateurs ont été fouillés, les sacs ouverts, mais l’atmosphère est familiale et bon enfant. Soudain, vers 21 h 20, une première détonation, puissante et nette, retentit à l’extérieur de l’enceinte. Puis une deuxième, dans la foulée. Sur la pelouse, les joueurs ont à peine marqué une légère surprise. Dans les tribunes, les supporteurs des Bleus continuent d’encourager la France, qui marque justement son premier but. Mais, aux abords du stade, c’est la panique. A proximité des portes J, D et H du stade, deux bombes viennent d’exploser devant le café Events, un Mac Donald et un Quick, et les policiers, présents en nombre les soirs de match, ont vite compris qu’il s’agissait d’attentats. Un homme hurle dans les débris de verre : « Espèce d’enfoirés ! » Quatre morts, déchiquetés, gisent sur le trottoir. Personne ne sait encore que trois d’entre eux seront plus tard suspectés d’être des kamikazes. Dans la tribune officielle, Bernard Cazeneuve a été rapidement prévenu par le préfet de police de Paris du danger et il a été immédiatement décidé d’exfiltrer le président de la République et le ministre. Le chef de l’Etat a voulu d’abord passer par le PC de sécurité où viennent d’arriver les premiers blessés, mais, bientôt, les voitures officielles quittent la Seine-Saint-Denis et foncent vers l’Elysée et la Place Beauvau. Craignant qu’une attaque ne se produise à l’intérieur même du stade, le préfet a fait discrètement boucler l’enceinte et un hélicoptère survole le site. Pour éviter toute panique, les autorités ont décidé de ne pas interrompre le match, mais l’équipe logistique voit arriver les premiers blessés, soignés en première urgence. Dans les tribunes, de nombreux journalistes venus suivre la rencontre commencent à recevoir des informations stupéfiantes : non seulement les deux explosions que tous ont entendues étaient des bombes, mais d’autres attentats sont en cours, au cœur de Paris. Comme chaque soir, il y a foule au Petit Cambodge et au Carillon, deux restaurants joyeux au cœur des quartiers bobos du nord de Paris, à deux pas du canal Saint-Martin. On profite encore de la douceur du mois de novembre et des deux terrasses chauffées qui permettent de boire un verre et de fumer en regardant les passants. Dans le fond de la salle du Carillon, une dizaine d’internes en médecine, venus de l’hôpital Saint-Louis, à deux pas, écoutent de la musique en sirotant une bière après une journée harassante. Quelques habitués du quartier sont remontés chez eux suivre à la télévision le match de football qui se déroule à vingt-cinq minutes de voiture, un peu après le périphérique, mais il y a encore beaucoup de monde, à ce petit carrefour réputé pour son animation, tout au long de l’année. Soudain, vers 21 h 15, raconte un témoin, « on a entendu comme des bruits de pétards. Très forts. Le temps de réaliser qu’il s’agissait de bien autre chose, des gens ont commencé à se jeter par terre ». Un ou deux hommes, munis d’« armes de guerre » diront les témoins, se sont arrêtés en voiture au croisement. Dans les restaurants voisins, les convives, qui avaient cru un instant à un feu d’artifice, viennent de comprendre. Des voix hurlent : « Planquez-vous ! » « Rentrez, ne restez pas là ! » La devanture du Petit Cambodge a sauté sous l’assaut, qui n’a duré qu’une ou deux minutes. Sur le trottoir, des corps gisent dans des mares de sang, morts et blessés mélés. Après le vacarme des tirs, un silence impressionnant s’est installé soudain. Mais, dans les rues voisines, ça tire toujours, comme si les terroristes poursuivaient leur route meurtrière, mitraillant les passants tout en descendant la rue Bichat, puis la rue de la Fontaine-au-Roi, où les cafés et les restaurants sont nombreux. Au Carillon dévasté, les jeunes médecins qui buvaient tout à l’heure dans l’arrière-salle, commencent à sortir pour porter les premiers secours. Une belle jeune femme blonde, d’une trentaine d’années, rédactrice en chef du magazine Lui, qui avait rendez-vous pour dîner, arrive au milieu de ce carnage. « Les gens étaient allongés, il n’y avait pas un bruit, détaille-t-elle, comme glacée d’effroi. Au début, j’ai cru qu’une voiture était entrée dans la vitrine du restaurant, puis j’ai vu un homme avec une fille dans les bras, les yeux révulsés, qui criait “help me”, puis une autre fille qui répétait en anglais “gun shot”. » Un jeune homme raconte pour sa part : « J’habite juste à côté, j’étais à la fenêtre, j’ai entendu trois rafales. Comme je joue beaucoup aux jeux vidéo, j’ai tout de suite compris que c’était du gros calibre. La première rafale a été hyper longue. » De leurs fenêtres, des témoins terrifiés voient cette scène tragique d’un jeune homme qui porte une jeune fille inconsciente en la suppliant de se « réveiller ». Aux abords du Bataclan, vendredi 13 novembre. CHRISTIAN HARTMANN/ REUTERS « IL Y A DES MORTS ! » Déjà, les premières sirènes annoncent l’arrivée des pompiers. Mais les terroristes sont en fuite et redescendent les rues voisines. « J’ai vu une Ford Focus noire qui tirait, à l’angle de la rue de la Folie-Méricourt et de la rue Fontaine-au-Roi, sur la terrasse du restaurtant Cosa Nostra. Il y a eu plusieurs rafales. J’ai vu une vingtaine de douilles par terrre », rapporte un témoin. Au Pyrenees Cévennes, 106, rue de la Folie-Mericourt, à une cinquantaine de mètres, une vingtaine d’Americains venus pour le Salon Paris Photo, qui se déroule au Grand Palais jusqu’à dimanche, se sont cachés sous les tables, convaincus de revivre le 11-Septembre. Le cuisinier hurle : « Fermez la porte ! » Mais, avant qu’on ne se barricade, quatre ou cinq jeunes gens se réfugient dans le restaurant en criant : « Il y a des morts ! » Les visages se figent. « Ce sont des gangsters ou Daech ? », demande un Américain. Deux jeunes femmes entrent en pleurs dans le restaurant, proches de l’hystérie. Impossible de leur parler. On leur donne de l’eau. Et l’une raconte : « Je suis expert comptable, notre cabinet est en bas de la rue Fontaine-au-Roi. On avait des dossiers à finir tard. Avec ma Smart, nous sommes allés après 21 heures au traiteur chinois, en bas de la rue du Faubourg-du-Temple, au croisement de la rue Fontaine-au-Roi, à côté du Palais des glaces. Le restaurant était bondé. Et puis on a entendu Tarata… De gros pétards… Des kalach… Certains se sont réfugiés dans la cuisine. Nous, on est montés à l’étage du Chinois. Le patron du restaurant a baissé le rideau de fer. Une fille a hurlé : « C’est des tirs, putain « Il y avait tant de monde dehors qui faisait la queue… Ils ont couru dans tous les sens. J’ai vu une Clio avec une femme à côté qui baignait dans son sang. Je crois qu’on a vu trois morts et un quatrième qui agonise… » Dehors, les sirènes hurlent maintenant et la police crie aux passants « Barrez-vous ! ». DANS LES RESTAURANTS VOISINS DU PETIT CAMBODGE, LES CONVIVES, QUI AVAIENT CRU UN INSTANT À UN FEU D’ARTIFICE, VIENNENT DE COMPRENDRE. DES VOIX HURLENT : « PLANQUEZ-VOUS ! » « RENTREZ, NE RESTEZ PAS LÀ ! » Comme assommés par le choc, des gens marchent hagards, racontant des scènes de guerre. D’autres se ruent derrière les portes cochères, dans les escaliers des immeubles. Des dizaines de policiers dans la rue pointent leurs armes jusque sous les voitures, mettent en joues, parfois, des gens terrifiés, les obligeant à rester à l’abri des restaurants. Les forces de police ont des raison de suspecter tout le monde. Car les informations qui circulent sont terrifiantes. Après le Stade de France, la rue Bichat, la rue de la Folie-Méricourt, l’équipée meurtrière des terroristes se poursuit avenue de la République, puis rue du Faubourg-du-Temple où un homme à scooter à fait feu sur la terrasse du bar-brasserie Le Phare du Canal, tuant cinq personnes et en blessant gravement huit autres sans que personne sache encore combien de commandos sont en action. Boulevard Voltaire, un des terroristes s’est fait exploser en pleine rue, heureusement sans tuer personne d’autre. Il est près de 2 heures quand, cette fois, les détonations retentissent au coin de la rue de Charonne et de la rue Faidherbe, devant le restaurant La Belle Equipe. Là aussi, la terrasse des beaux jours est encore dressée. Ce café à deux pas du domicile privé du premier ministre, Manuel Valls, est un rendez-vous prisé des jeunes couples. « J’ai vu un homme sortir d’une voiture, et tirer avec ce qui semblait être une kalachnikov, témoigne une riveraine. De longues rafales, méthodiques, pour tuer. Puis il est remonte dans la voiture rue Faidherbe. » Un journaliste du Monde, qui dînait à deux pas, arrive en hâte pour constater le carnage. Au moins une vingtaine de corps jonchent le trottoir. Les secouristes ne sont pas encore la ni les policiers. On entend des cris déchirants, les visages sont hagards, des flaques de sang maculent le sol. Une femme, le visage couvert de sang, marche, les bras tendus devant elle, les yeux clos. Des cadavres, sur le bitume, des silhouettes penchées sur les tables, immobiles, dans des postures étranges. Péniblement, les choses s’organisent. Mais chacun hésite, ne sachant trop comment agir. Faut-il coucher les corps ? Les laisser tels quels ? Un homme, jeune, tente de se lever en hurlant, puis s’écroule. Du sang coule sur son cou. On tente de l’aider. Partout, des débris, du verre cassé. Premières crises de nerfs. Puis, la police et les pompiers arrivent en nombre. Etablissent un périmètre de securité. Mais, à quelques rues, un autre attentat est déjà en cours. Sur le boulevard Voltaire, à deux pas de la place de la République et de l’ancien siège de Charlie Hebdo, le Bataclan et ses 1 500 places a fait salle comble pour accueillir le groupe de rock Eagles of Death Metal, un groupe californien dont l’un des albums phares s’intitule Peace, Love and Death Metal Un groupe de quatre terroristes arrivent, tuent les vigiles à l’entrée et s’introduisent dans cette salle de concert mythique du cœur de Paris ? Au beau milieu d’une chanson, des hommes font feu sur la foule et jettent des grenades. « J’ai vu deux fous, arriver en criant : “Ce que vous faites à la Syrie, on va vous le faire” », témoignera un peu plus tard une femme, blessée. Je me suis cachée sous un corps et soudain, bing, l’un des hommes m’a tiré dans la cheville. » ETAT DE SIÈGE Les spectateurs les plus proches de la scène sont les plus chanceux et peuvent sortir. Des dizaines de personnes profitent des instants où les terroristes rechargent leurs armes pour fuir, grimpant sur les corps et provoquant l’affaissement de la scène. D’autres se cachent derrière les enceintes, dans les combles. Certains membres du groupe de rock parviennent eux aussi à s’échapper. Mais, bientôt, des centaines de personnes sont prises au piège, otages des tueurs. Pierre Janaszak, 35 ans, animateur radio et TV qui se trouve dans la salle, témoignera plus tard à l’AFP qu’il a entendu clairement les attaquants lancer à leurs prisonniers terrorisés : « C’est la faute de Hollande, c’est la faute de votre président, il n’a pas à intervenir en Syrie. Ils ont aussi parlé de l’Irak. » Habitant pratiquement au dessus du Bataclan, Daniel Psenny, journaliste au Monde, a aussitôt prévenu la direction du journal. Descendu de son appartement jusque dans la rue, il est touché par une balle au bras, juste au moment où il secourait un blessé et tentait de le mettre à l’abri (lire ci-dessous). Paris, maintenant, est en état de siège. A les attaques terroristes à paris | 3 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Six attaques simultanées au cœur de Paris au moins 128 personnes ont été tuées et 200 autres blessées, dont 80 grièvement dans la soirée de vendredi 13 novembre à Paris. François Hollande, au milieu de la nuit, a déclaré : « C’est une épreuve terrible qui une nouvelle fois nous assaille ». Huit des terroristes sont morts, sept d’entre-eux se seraient fait exploser. Un conseil des ministres exceptionnel a été réuni vendredi à minuit, un conseil de défense le lendemain matin. Six attaques simultanées ont frappé les 10e et 11e arrondissements de la capitale et les abords du Stade de France, à Saint-Denis, à partir de 21 h 20. Au Bataclan, une salle de caféconcert du 11e arrondissement, le bilan est très lourd : au moins 82 morts. Les témoins ont vu « du sang partout, des cadavres ». La COP21, la conférence sur le climat qui doit s’ouvrir dans à peine plus de deux semaines à Paris, pourrait être menacée. Des dizaines de chefs d’Etat y sont invités. Cette vague d’attentats est la plus meurtrière depuis quarante ans en Europe, après les attentats de Madrid en mars 2004 (200 mors, 1400 blessés). Les principaux partis politiques ont suspendu la campagne des régionales. Une enquête pour assassinats en relation avec une entreprise terroriste a été ouverte, samedi, par le parquet de Paris. L’état d’urgence a été décrété quelques heures après les attentats par le président de la République, qui a fait rétablir les contrôles aux frontières. Des renforts militaires sont attendus. l’Elysée, un conseil des ministres a été convoqué d’urgence, et le président François Hollande décide de prendre très vite la parole. « Au moment où je vous parle, dit-il, la voix un peu altérée par l’émotion, des attaques sont en cours… C’est une horreur. » Puis le chef de l’Etat annonce qu’il vient de décréter « l’état d’urgence » et « la fermeture des frontières ». Avant d’affirmer : « Ce que les terroristes veulent c’est nous faire peur, nous saisir d’effroi. Il y a de quoi avoir peur, sentir de l’effroi. Mais il y a aussi y a une nation qui saura vaincre les terroristes. » Les services de renseignement ont déjà fait remonter jusqu’à la présidence cette information terrifiante : Tous les sites de l’Etat islamique « célèbrent » le massacre de Paris. Répétant notamment ce slogan cynique : « Comme les USA le 11/09, vous n’oublierez pas le 13 novemb… » Six attaques quasi simulta- COMME ASSOMMÉS PAR LE CHOC, DES GENS MARCHENT HAGARDS, RACONTANT DES SCÈNES DE GUERRE Les services de renseignement ont été renforcés depuis les attentats de janvier, mais restent débordés. Quatre des assaillants sont morts au Bataclan, dont trois en actionnant une ceinture d’explosifs. Pour la première fois en France, les terroristes ont organisé « un attentat complexe », des attaques simultanées et avec des kamikazes. Devant le bar Le Carillon, dans le 10e arrondissement. CHRISTIAN HARTMANN/REUTERS Six projets d’attentats en France ont été déjoués depuis le début de l’année, dont l’un dans une salle de concert. Les établissements scolaires et universitaires d’Ile-de-France ont tous été fermés samedi matin, et les voyages scolaires du week-end supprimés. Barack Obama a estimé qu’il s’agissait « d’une attaque contre toute l’humanité ». Il a promis d’aider la France « à traduire les terroristes en justice ». Les réactions de soutien sont venues du monde entier. L’Etat islamique n’a pas revendiqué la vague d’attentats, mais la France reste une cible privilégiée après les frappes en Syrie. Des spectateurs du match au Stade de France se réfugient sur la pelouse. CHRISTOPHE ENA/AP nées ont été menées, entre Saint-Denis et Paris dans une stratégie manifestement préparée. Aux abords du Bataclan, des policiers spécialisés se préparent à donner l’assaut, alors que les témoignages des spectateurs en fuite confirment tous qu’à l’intérieur de la salle de concert, les terroristes tirent méthodiquement sur leurs otages (lire notre article sur l’assaut). La RATP a fermé toutes les stations de métro environnantes. un périmètre de sécurité de deux cents mètres autour de la salle de concert a été tracé. Derrière les barrières, des centaines de personnes, parfois des parents ou des amis des spectateurs encore pris au piège, attendent, souvent en pleurs, l’attaque finale. Au Stade de France, le match s’est enfin achevé et, dès le dernier coup de sifflet, les organisateurs ont affiché sur l’écran géant un message qui ne dit rien de la tragédie en cours : « Suite à un incident extérieur au stade, nous demandons à tous les spectateurs de quitter l’enceinte par les portes secteur ouest, sud et nord. » Las, le flux ne parvient pas à quitter le stade et une partie de la foule reflue et envahit calmement la pelouse. « Pas de panique, gardez votre calme », disent les hautparleurs. Beaucoup de spectateurs craignent de prendre le métro et le RER. Des taxis décident de faire des courses gratuites. On partagent des voitures dans un covoiturage spontanément organisé. De l’autre côté du périphérique, les rues de Paris se sont vidées comme si la France connaissait vraiment la guerre et ses couvre-feu. Des centaines de personnes, incapables de rentrer chez elles, par manque de moyen de transport ou parce qu’elles sont encore trop choquées, cherchent un asile dans les restau- rants ou les commerces encore ouverts. Sur Twitter, des parisiens lancent un hashtag #porteOuverte, afin d’accueillir pour un café, et parfois pour la nuit, ces hommes et femmes en errance. La mairie de Paris annonce que tout les lieux publics de la ville (mairie compris) seront fermés le 14 novembre 2015. Seuls les services de l’état civil seront ouverts. Les manifestations sont aussi suspendues. Le boulevard des Filles-du-Calvaire, à côté du Bataclan, est totalement envahi par les ambulances, le Samu, la Croix-Rouge, les voitures de police, les motos, la police scientifique, le RAID, la BRI, les démineurs. Quatre cent cinquante soldats de l’opération Sentinelle ont été appelés en renfort dans Paris, en plus des 1 000 qui patrouillaient de façon habituelle quand les attentats sont survenus. Ils viennent sécuriser les zones aaa 4 | les attaques terroristes à paris 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 21 h 20 - 0 h 20, les terroristes sèment la mort à Saint-Denis et dans l’Est parisien Canal de Sain t-De nis 21 H 30 unay Rue Henri-Dela M rd R 21 H 32 TERRASSE DU RESTAURANT CASA NOSTRA rt l i be . Al StrasbourgSaint-Denis République Temple M M Arts-et-Métiers SAINT-DENIS M Goncourt Xe Fusillade Au moins 5 morts 8 urgences absolues M Fusillade Au moins 12 morts Rue d el Aven u la Ré publ ique 21 H 20 PRÈS DU MC DONALD’S Roi aue a F on tain 21 H 53 1 explosion 1 mort D3 Vers Paris e de Deux explosions 2 morts ghera-El -Ouafi Rue Ahmed-Bou A86 M Place de la République Stade de France 21 H 25 AV. JULES-RIMET 0 Parmentier M M Oberkampf D24 nta age ch at A1 a lev Jacques Bonsergent M Bi 21 H 25 TERRASSE DU RESTAURANT LE PETIT CAMBODGE imet Avenue Jules-R u Bo R. Hôpital Saint-Louis 200 m AUBERVILLIERS RE R B Stade de France 21 H 49 SALLE DE CONCERT DU BATACLAN Xe Fusillade - Prise d’otages - Explosion Au moins 82 morts 1 policier blessé pendant l’assaut Saint-Ambroise M Saint-Sébastien - Froissart M PARIS rd Bouleva 4 terroristes morts dont 3 en actionnant leur ceinture d'explosifs et le dernier, abattu par les forces de l’ordre lors de l’assaut. rchais Beauma Voltaire M Cimetière du Père-Lachaise 21 H 36 92 RUE DE CHARONNE XXe Fusillade Au moins 19 morts 14 urgences absolues XIe Ph nue Ave IVe XIIe aaa d’intervention, mais les policiers souvent cagoulés sont très nerveux. Un PC médical a été monté en urgence dans et autour d’un « restaurant japonais ». Les brancards ont été mis en ligne, prêts à recevoir les blessés. Quand le « plan blanc » a été déclenché, vers 3 heures, des centaines d’infirmiers et de médecins ont été réquisitionnés dans tous les hôpitaux parisiens. La maire de Paris, Anne Hidalgo, accourue au milieu de la soirée, a le visage figé d’angoisse. A 00 h 45, après que l’assaut a été donné et que trois des quatre terroristes se sont fait sauter, le ballet des brancards commence. Par dizaines, les infirmiers et pompiers se dirigent en direction du Bataclan. Les premiers personnels de secours qui ressortent de la salle de concert décrivent un épouvantable carnage. Près de 80 personnes sont mortes. Les premiers blessés arrivent sur des brancards, des chaises roulantes. Ils portent des couvertures de survie. Nombreux sont ceux qui sont sous respiration médicale. D’autres, allongés sur les brancards, ne bougent pas. « ON A D’ABORD CRU À DES PETARDS » A 1 h 20, François Hollande arrive par le boulevard Beaumarchais, accompagné par un cortège impressionnant d’hommes en armes. Devant le PC médical, Laura, longs cheveux roux, raconte sa nuit d’effroi : « Cela a commencé après près d’une demi-heure de concert, on a d’abord cru à des pétards. Et puis on a compris que les tirs étaient réels et qu’ils ne faisaient pas partie du spectacle. Les hommes armés étaient deux ou trois, ils ont tiré, tiré, tiré. Cela a duré une éternité, peut-être une heure, je n’arrive pas à l’évaluer. C’était des mitraillettes. J’ai commencé à voir des morts tout autour de moi, des jeunes, que des jeunes. Je ne sais pas comment j’ai survécu… » Tous les hôpitaux de Paris reçoivent des dizaines de blessés. A l’hôpital Georges-Pompidou, dans le XVe arrondissement, au sudouest de Paris, ils arrivent dans un bus, escorté par une ambulance de la sécurité civile. Enroulés dans des couvertures de survie dorées. Une jeune fille en larmes explique qu’elle a des douleurs dans l’avant-bras, une dame en tenue de soirée assure qu’une balle lui a traversé le pied… A l’intérieur, le personnel s’active, débordé. Un jeune homme attend dans un fauteuil roulant qu’on l’emmène faire une radio du pied, sous le choc : « C’est irréel », répète-t-il, effaré. Il était au Bataclan, avec deux amis. Sa gorge se serre : « Je n’ai pas de nouvelles d’eux. » Leurs téléphones ne répondent pas. Il les a perdus de vue dès que le feu a été ouvert. « La foule s’est fendue en deux, tout le monde a « CE SONT DES PLAIES DU THORAX PAR ARMES À FEU, DES HÉMORRAGIES IMPORTANTES. IL Y A AUSSI BEAUCOUP DE FRACTURES PARCE QUE LES GENS SE SONT FAIT ÉCRASER PAR LA FOULE » DR PHILIPPE JUVIN hôpital Georges-Pompidou ire 21 h 43 TERRASSE DE LA BRASSERIE COMPTOIR VOLTAIRE Situation, samedi 14 novembre, à 9 h 30 M Stations de métro restant fermées le samedi 14 novembre au matin Vo lta 250 m 1 terroriste mort qui se serait fait exploser sans faire de victimes plongé en même temps, on était tous par terre, les uns sur les autres. » Il a eu le sentiment que trois hommes armés avaient fait irruption dans la salle : « Ça tirait, ça rechargeait. Ils ont dit que c’était pour ce qu’on faisait à leurs frères syriens. C’est à peu près tout ce qu’ils ont dit. L’un d’eux a dit de ne pas parler et de ne pas bouger ou il nous tuerait. A ce moment-là, je l’ai vu de profil, c’était un jeune de moins de trente ans, avec une petite barbe courte comme la mienne. Après avoir dit ça, il a tiré à bout portant sur une personne allongée devant lui ». Le jeune homme est resté immobilisé. « Après ça, ça s’est un peu calmé. Je crois qu’on est plusieurs à avoir compris qu’ils prenaient l’escalier pour monter au balcon, à l’étage. Alors je me suis dit : “C’est maintenant.” J’ai enjambé les corps, j’ai certainement marché sur des personnes, il y avait du sang partout. Je suis tombé, je me suis relevé et je suis sorti par l’entrée principale. Des policiers en faction nous ont dit de courir ». Quelque soixante-dix personnes au total ont été dirigées, comme lui, vers l’hopital Georges Pompidou, parmi lesquelles une vingtaine de patients graves. Notre journaliste, Daniel Psenny, blessé au bras par une balle qui lui a traversé le biceps, attend lui ste ugu e -A be Place de la Bastille ev ar d ilipp h er Ile Sains-Louis Bo ul aid R. F Ru e de Charo nne XIe Place de la Nation SOURCES : LE MONDE ; AFP Filles du Calvaire M INFOGRAPHIE LE MONDE IIIe aussi d’être opéré, après avoir perdu beaucoup de sang. Le chef du service des urgences, le Dr Philippe Juvin, n’a « jamais vu tant de victimes d’un coup ». « Ce sont des plaies du thorax par armes à feu, des hémorragies importantes. Il y a aussi beaucoup de fractures parce que les gens se sont fait écraser par la foule. Il y a également beaucoup de traumatismes, des personnes ont vu des membres de leur famille mourir devant eux ». En plus de l’équipe de garde, une cinquantaine de personnels sont venus en renfort. Les quatre blocs opératoires sont saturés. Vers 4 heures du matin, une trentaine de personnes attendaient d’être opérées. Le premier bilan de la nuit est terrible : quelque 128 morts et des centaines de blessés. L’identification de certains cadavres est difficile. Des blessés se retrouvent incapables de parler et de décliner leur identité. Sur Twitter et l’ensemble des réseaux sociaux, des messages angoissés sont relayés. Ce sont des mères, des pères, des amants, des amis qui cherchent leurs proches, présents ce soir-là, au Petit Cambodge, au Carillon, à La Belle Equipe ou au Bataclan. Et cette longue litanie d’appels angoissés est glaçante. p la rédaction du « monde » LE REGARD DE PLANTU les attaques terroristes à paris | 5 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Au Bataclan, « du sang partout, des cadavres » Au moins 80 personnes ont été tuées dans cette salle de spectacle du 11e arrondissement de la capitale suite de la première page Dans les premières secondes, les spectateurs croient à une pétarade accidentelle. « J’ai pensé qu’une enceinte avait explosé, puis les lumières se sont allumées. Les tireurs que j’ai vus avaient le visage dissimulé par des capuches et des écharpes », raconte Benoît. Il se trouvait près d’une des sorties de la salle et a réussi à s’échapper avec son amie. A l’intérieur, la panique gagne la foule. Les gens se jettent au sol. « J’étais allongé dans la fosse, la fille à côté de moi est morte. Ils ont beaucoup tiré », témoigne un autre jeune homme, qui se souvient nettement avoir entendu l’un des assaillants crier : « Tout ça, c’est de la faute de votre président ! » D’autres rescapés évoquent l’intervention française en Syrie. Boulevard Voltaire, les forces de l’ordre débarquent en trombe. Des policiers en civil, arme au poing, progressent en se cachant derrière les voitures. Plusieurs rafales retentissent depuis le Bataclan. Aux premières salves, très rapprochées, succèdent des tirs ponctuels. Les abords n’ont pas encore été évacués, des promeneurs du vendredi se retrouvent nez à nez avec des agents à cran qui les braquent, leur demandant de « dégager le camp ». « Si je te vois bouger, je te déglingue », hurle l’un des policiers à un passant téméraire. Les riverains ont ordre de fermer leurs fenêtres. Les bars baissent leur grille, étouffant les chuchotements des clients apeurés. Peu à peu, le quartier Oberkampf, rendez-vous des fêtards, fait silence. Puis les sirènes des voitures de police vrillent l’air. RAID, PJ, BRI… tout ce que la police compte de sigles défile. Des colonnes d’hommes casqués, boucliers au point, longent les façades. Vers 23 heures, un cordon de sécurité est tendu en travers du boulevard. Derrière le bandeau jaune se massent journalistes et curieux, smartphone à la main, prêts à immortaliser chaque ins- Tous sont à terre, les membres paralysés par la peur, corps contre corps, vivants contre morts tant. Les forces de l’ordre demandent régulièrement aux badauds de se ranger le long des murs ou derrière des voitures. « Reculez, il y a peut-être des tireurs sur les toits. » Camions de pompiers et ambulances arrivent soudain par dizaines. Une sorte d’hôpital de campagne s’improvise rue Oberkampf, immédiatement à la sortie de la salle de concert. Sur le boulevard Voltaire, une tente de la police est dressée. Un QG temporaire s’établit également au comptoir du Baromètre, le bar voisin du Bataclan. Echappatoire A l’intérieur de la salle de spectacle, les otages vivent un cauchemar. Les assaillants ont achevé les blessés au sol. « J’avais un morceau de chair sur moi, il y avait du sang partout, des cadavres », raconte un jeune homme, l’air hagard, des traces de sang séché sur son pantalon beige. Il fixe le parquet du bar dans lequel il s’est réfugié. Il assistait au concert avec son père, mais ignore à présent où se trouve ce dernier. « Peut-être avec les pompiers, peut-être mort. » Quand la fusillade commence, père et fils sont dans la fosse, près des barrières, à quelques mètres de la scène. Certains de leurs voisins tombent sous les balles. Tous sont à terre, les membres paralysés par la peur, corps contre corps, vivants contre morts… Dans les poches, les téléphones vibrent. L’attente dure presque deux heures, jusqu’à l’assaut. Une vingtaine de spectateurs au balcon ont survécu en se cachant dans les combles. D’autres sont sortis par une trappe. « Quelqu’un qui connaissait les lieux, un régisseur, l’a ouverte, explique John, un survivant. Il y avait plusieurs enfants à l’étage, je revois encore le gamin et la femme à côté de moi. J’ai été l’un des premiers à sortir, puis on a hissé un à un les gens sur le toit de tôle. Une soixantaine en tout. On a aperçu une fenêtre allumée qui donnait sur un appartement. Je ne sais pas ce qui était le pire : les morts ou l’attente qui a suivi. Quand les snipers de la police sont arrivés sur le toit, les lasers rouges de leurs fusils m’ont balayé le visage. J’ignore ce que sont devenus la femme et le gamin. » Il n’y avait pas d’enfants dans l’appartement. D’après John, les policiers de la BRI ont donné l’assaut en pénétrant par la même trappe qui a servi d’échappatoire aux rescapés du balcon. « Je n’osais plus m’approcher de la fenêtre de l’apparte- Une vingtaine de spectateurs ont survécu en se cachant dans les combles. D’autres sont sortis par une trappe ment, les autres me demandaient ce qui se passait mais j’avais peur », confesse-t-il. Dans les loges, trois des assaillants ont fait sauter leur ceinture d’explosifs. Les rescapés descendent du toit grâce aux quatre échelles de pompiers dressées contre la façade, avant d’être regroupés dans l’un des bars à l’angle du boulevard Voltaire et de la rue Oberkampf. La plupart des survivants sont sans manteau, l’air ébahi. Un à un, ils déclinent leur identité, raconte aux agents de police dépêchés pour les interroger ce qu’ils ont vu, entendu surtout. Sur des brancards, des hommes et des femmes drapés dans des couvertures de survie sont embarqués dans les ambulances. Ceux qui peuvent marcher se déplacent par groupes, encadrés par les sauveteurs. La rue déborde de policiers en uniforme et en civil, de pompiers. « C’est un carnage à l’intérieur », souffle une secouriste qui aide à évacuer un homme au tee-shirt maculé de sang. Les plus mal en point sont immédiatement évacués vers les hôpitaux. Un homme, grièvement blessé à la poitrine, a le teint cireux. « Il faut qu’on laisse les morts à l’intérieur, c’est un boulot pour la “Crim’”», lâche un policier. Une silhouette, tout de noir vêtue, se glisse entre les uniformes et les gilets pare-balles. La maire de Paris, Anne Hidalgo, est la première personnalité politique sur place. Le visage fermé, les yeux embués, elle s’entretient avec le préfet de police de Paris, Michel Cadot. Un membre de la BRI leur annonce que les lieux ont été « sécurisés » et que toute menace est écartée. Il est 1 h 40. Le champ est libre pour la venue de François Hollande, accompagné de Manuel Valls, de Bernard Cazeneuve et de Christiane Taubira. Déclaration solennelle, soutien aux forces de l’ordre, hommage aux morts… La scène a des airs de déjà-vu. Le siège de Charlie Hebdo, visé par les frères Kouachi le 7 janvier, n’est qu’à 500 mètres. p elise barthet et nicolas chapuis Un blessé secouru derrière le Bataclan. Photo prise par le journaliste du « Monde » Daniel Psenny. Daniel Psenny, journaliste au « Monde » : « J’ai senti comme un pétard qui explosait dans mon bras » daniel psenny est journaliste au Monde. Il habite derrière le Bataclan et a été blessé vendredi 13 novembre, alors qu’il tentait de secourir des blessés qui s’étaient échappés de la salle de concert. Une balle, certainement tirée depuis une fenêtre, lui a traversé le bras gauche. Vers 3 heures du matin, il a été transporté aux urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou, dans le 15e arrondissement. Il attendait d’être opéré samedi matin, comme une trentaine d’autres victimes évacuées vers l’établissement de santé. « J’étais en train de travailler chez moi. La télé était allumée, elle diffusait un téléfilm dans lequel jouait Jean-Hugues Anglade. J’ai entendu un bruit, comme des pétards, et j’étais persuadé au début que c’était dans le film. Mais le bruit était fort, alors je suis allé à la fenêtre. J’habite au deuxième étage, et mon appartement donne sur les sorties de secours du Bataclan. Parfois, il y a des évacuations un peu agitées, mais là, tout le monde courait de tous les côtés, j’ai vu des mecs par terre, du sang… J’ai compris qu’il y avait quelque chose de sérieux. J’ai demandé ce qui se passait. Tout le monde refluait vers la rue Amelot ou le boulevard Voltaire. Une femme était agrippée à la fenêtre du Bataclan, au deuxième étage. J’ai pensé aux images du 11-Septembre. Je me suis alors dit que j’allais descendre pour ouvrir aux gens afin qu’ils puissent venir se réfugier. J’ai donc ouvert la porte de l’immeuble. Il y avait un homme allongé sur le trottoir. Avec un autre homme que je n’ai pas revu après, on l’a tiré pour le mettre à l’abri dans le hall. J’ai dû prendre la balle à ce moment-là. Je ne sais plus, j’ai une absence. Mais je me souviens avoir senti comme un pétard qui explosait dans mon bras gauche, et j’ai vu que ça pissait le sang. Je pense que le tireur était à la fenêtre du Bataclan. On est montés chez un couple de voisins au quatrième étage. Le type qu’on a fait rentrer avait une balle dans la jambe. C’est un Américain. Il vomissait, il avait froid, on a cru qu’il allait mourir. On a appelé les pompiers mais ils ne pouvaient pas nous évacuer. J’ai appelé une copine médecin qui m’a expliqué comment me faire un garrot avec ma chemise. Et on est restés coincés jusqu’à ce que l’assaut soit donné et que le RAID vienne nous chercher. » p Sur Twitter, les Parisiens proposent d’ouvrir leurs portes Les réseaux sociaux ont été abondamment utilisés, pour des propositions d’hébergement comme pour rassurer les proches P eu après l’annonce des fusillades à Paris, vendredi 13 novembre, la solidarité s’est rapidement organisée sur la Toile. De nombreux internautes ont fait part sur Twitter de leur possibilité d’accueillir chez eux des personnes cherchant à se réfugier en lieu sûr : « Rue Castagnary je peux encore héberger du monde », « Je peux ouvrir mon appart dans le XXe », « Si quelqu’un cherche un abri vers Belleville, prévenez moi »… Avec plusieurs variantes de mots-clés : #PortesOuvertes, #OpenDoor ou #OffeneTüren – en pensant aux nombreux Allemands présents dans la capitale pour le match France-Allemagne. Peu après minuit, plus de 200 000 tweets contenant le motclé #PorteOuverte avaient été publiés, relayés par des comptes très populaires comme celui du youtuber Norman ou, plus loin de la France, de l’actrice britannique Emma Watson. Et, semble-t-il, avec succès, puisque certains internautes ont fait savoir sur le réseau social qu’ils avaient effectivement accueilli des personnes. Mais les messages véritablement utiles ont été noyés dans la masse. Pour remédier à ce problème, des internautes ont créé des cartes interactives et des sites rassemblant les offres d’abri. Parallèlement, Facebook a activé son service safety check, qui a permis aux Parisiens de rassurer leurs proches en indiquant, d’un clic sur un bouton, qu’ils étaient en sécurité. Une alternative efficace au réseau téléphonique, parfois saturé. Ce service, lancé en 2014, avait notamment été déclenché en avril après le séisme qui avait frappé le Népal. Les autorités ont également utilisé les réseaux sociaux pour communiquer, comme la préfecture de police, qui a invité les Parisiens à rester chez eux : « Suite à plusieurs événements graves, la préfecture de police recommande dans les prochaines heures à ceux qui se trouvent à domicile, chez des proches ou dans des locaux professionnels en Ile-de-France, d’éviter de sortir sauf nécessité absolue. » #PrayForParis Au fil de la nuit, un nouveau motclé est apparu sur Twitter : #RechercheParis, encore très actif samedi matin. Les internautes l’utilisent pour publier des photos de leurs proches dont ils sont toujours sans nouvelle, alors qu’ils se situaient dans les zones concernées par les attaques. Auparavant, les internautes avaient pu suivre quasiment en direct les fusillades, de nombreux témoins ayant signalé des tirs sur Twitter et publié des photos des lieux visés. Certains tirs ont même été entendus en direct, grâce à l’utilisation de Periscope, une application qui permet de diffuser des vidéos en direct. Comme après l’attentat du 7 janvier contre Charlie Hebdo, avec le célèbre hashtag #JeSuisCharlie, les messages de soutien, issus du monde entier, ont immédiatement déferlé sur les réseaux sociaux, notamment avec le mot-clé #PrayForParis, partagé plus de 3 millions de fois samedi à 8 heures. Mais à côté de cette avalanche de messages de solidarité, il n’a pas fallu longtemps pour que les musulmans de France soient pris à partie par certains internautes. Des prises de position très critiquées, qui ont suscité une salve de messages appelant à lutter contre les amalgames et l’islamophobie, comme celui de « ilias1104 » : « Ça vous dit on arrête d’être raciste homophobe, antisémite, islamophobe, et on devient vraiment tous unis face à ces barbares ? » p william audureau, morgane tual et pauline croquet 6 | les attaques terroristes à paris 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Un cauchemar éveillé Scène de panique, quai de Valmy, dans le 10e arrondissement. JÉRÔME SESSINI/MAGNUM PHOTOS POUR « LE MONDE » Hôpital de campagne, à proximité du Bataclan. OLIVIER LABAN-MATTEI/MYOP POUR « LE MONDE » 11e arrondissement. CHRISTIAN HARTMANN/REUTERS les attaques terroristes à paris | 7 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Un homme est évacué de son bus par des policiers, dans le 11e arrondissement. CORENTIN FOHLEN/ DIVERGENCE POUR « LE MONDE » Un supporteur sur la pelouse du Stade de France, après le match France-Allemagne. CHRISTOPHE ENA/AP Des Parisiens fuient les environs du Bataclan. OLIVIER LABAN-MATTEI/MYOP POUR « LE MONDE » A la sortie du Bataclan. CORENTIN FOHLEN/DIVERGENCE POUR « LE MONDE » 8 | les attaques terroristes à paris 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Des voix dissonantes chez les politiques Plusieurs responsables d’extrême droite et de droite ont exprimé des critiques A RÉACTIONS près les attentats du mois de janvier, il avait fallu attendre plusieurs jours avant que les premières critiques apparaissent dans le champ politique. Le 11 janvier, tous les partis, sauf le Front national, avaient marché côte à côte dans les rues de Paris pour dénoncer le terrorisme et offrir de la France un visage uni dans la douleur. Dix mois plus tard, après la série d’attaques qui ont ensanglanté la capitale, vendredi 13 novembre, l’union nationale n’aura même pas vécu quelques heures. Bien sûr, la majorité des responsables politiques, à gauche comme à droite, ont tous exprimé sans tarder leur « effroi » et leur « solidarité ». L’ensemble des partis ont également décidé sans hésiter de suspendre leur campagne pour les élections régionales prévues les 6 et 13 décembre. Et tous ont salué peu ou prou les décisions prises par François Hollande de décréter l’état d’urgence et de rétablir le contrôle aux frontières. Mais on sent bien que le climat politique dans le pays n’est pas le même qu’au début de l’année. Entre les deux dates noires de janvier et de novembre 2015, la nation française a été confrontée à de multiples crises, propres à déstabiliser ses plus solides fondements. Critiques de « l’esprit Charlie » de janvier, afflux de migrants aux frontières de l’Europe nourrissant des discours xénophobes et antimusulmans, débat sur l’identité nationale, mise en cause de l’Etat dans sa capacité à faire respecter son autorité, poursuite de la crise économique et sociale… la France a subi en moins d’un an de multiples pressions. Elles rejaillissent inévitablement sur sa classe politique. Philippe de Villiers n’a pas hésité à attribuer le drame au « laxisme et à la “mosquéisation” de la France » « La France doit faire bloc » Le gouvernement anticipait d’ailleurs une telle situation au cours des derniers mois. Plusieurs ministres s’étaient en effet félicités du comportement des Français après les attentats de janvier, mais tous s’inquiétaient également de leur réaction en cas de nouvelles attaques. « Les Français, comme les politiques, ont été à la hauteur de la situation en janvier, mais qu’en sera-t-il en cas de nouvel attentat ? » s’interrogeait il y a quelques mois devant Le Monde le premier ministre, Manuel Valls. Vendredi soir, les principaux ténors du parti Les Républicains (LR) ont exprimé leur soutien au gouvernement ainsi qu’au chef de l’Etat dans cette crise sans équivalent sous la Ve République. « Je soutiens la décision prise ce soir de décréter l’état d’urgence et la fermeture des frontières », a indiqué Nicolas Sarkozy dans un communiqué peu après l’intervention de François Hollande, ajoutant que « dans ces circonstances tragiques, la solidarité de tous les Français s’impose ». Pour l’ancien président de la République, « les terroristes ont déclaré la guerre à la France. Notre réponse doit exprimer une fermeté et une détermination de chaque instant ». Même tonalité grave et responsable chez François Fillon. Pour l’ex-premier ministre, « le président de la République a pris les décisions nécessaires à la sécurité des Français. L’état d’urgence est décrété, et l’unité nationale est maintenant notre devoir ». « La France “ Dans ces circonstances tragiques, la solidarité de tous les Français s’impose. C’est dans cet esprit que je soutiens la décision prise ce soir de décréter l’état d’urgence et la fermeture des frontières. » Nicolas Sarkozy, président du parti Les Républicains “ A cette heure, toute querelle s’interrompt. Je forme le vœu que nul ne s’abandonne à la vindicte et il faut conserver sa capacité de discernement. Je forme le vœu que nos responsables gouvernementaux aient tous les moyens d’agir comme ils le souhaitent. Et que nous soyons tous capables de résister à la haine et à la peur que les assassins veulent incruster en nous. » Jean-Luc Mélenchon, cofondateur du Parti de gauche, sur sa page Facebook “ François Hollande, entouré de gardes du corps, s’est rendu au Bataclan après l’assaut, samedi 14 novembre. MIGUEL MEDINA/AFP doit faire bloc », a renchéri Alain Juppé, écrivant sur son compte Twitter : « Compassion pour les victimes. Détermination à mener la guerre. Unité avec les autorités et forces de sécurité. » Mais des voix à droite, et surtout à l’extrême droite, se sont désolidarisées du message général de concorde nationale face au drame. Et très vite, l’émotion a laissé place chez certains élus à une forme de récupération politique et de mise en accusation du gouvernement. Le maire Les Républicains de Nîmes, Jean-Paul Fournier, n’a pas hésité à évoquer une « guerre civile » en France. « Libanisation » Son collègue Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes, a comparé la situation française à celle du Proche-Orient. « Ce soir, Paris, c’est Beyrouth ! Logique pour un pays en voie de libanisation. Nous paierons cher notre lâcheté face au communautarisme ! » a-t-il réagi. Dans la même veine, Philippe de Villiers, le président du Mouvement pour la France, de retour récemment en politique et en librairie avec un livre à succès, n’a pas hésité à attribuer cet « immense drame à Paris » au La campagne des régionales suspendue Les partis politiques ont annoncé qu’ils suspendaient leur campagne en vue des élections régionales, après les attaques terroristes du vendredi 13 novembre. Le Parti socialiste a fait part de cette décision dans un communiqué diffusé durant la nuit de vendredi à samedi. Les Républicains ont adopté la même position, tout comme le Front national et Europe-Ecologie-Les Verts. « A cette heure, toute querelle s’interrompt », a déclaré de son côté Jean-Luc Mélenchon, le leader du Front de gauche, sur sa page Facebook. Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient fait de même, en mars 2012, à quelques semaines du premier tour de la présidentielle, après les attentats commis à Toulouse par Mohamed Merah. L’hypothèse d’un report du scrutin des 6 et 13 décembre ne semble pas envisagée. « Ces sujets n’ont pas été évoqués à ce stade, affirme-t-on à l’Elysée. Rien n’indique que leur calendrier soit modifié. » « laxisme et à la “mosquéisation” de la France ». Du côté du Front national, sa présidente, Marine Le Pen, a annoncé devant « l’horreur » la suspension de la campagne des régionales de son parti. Mais son compagnon, Louis Aliot, candidat en Languedoc-Roussillon-MidiPyrénées, a aussitôt profité de l’occasion pour tracer un parallèle entre les attaques dans Paris et le scrutin de décembre. Faisant référence aux propos récents de Ma- François Hollande : « C’est une épreuve terrible qui, une nouvelle fois, nous assaille » peu avant de tenir un conseil des ministres exceptionnel, vendredi 13 novembre à minuit, le président François Hollande s’est exprimé sur les attaques qui venaient de toucher Paris. Au moment où je m’exprime, des attaques terroristes d’une ampleur sans précédent sont en cours dans l’agglomération parisienne. Il y a plusieurs dizaines de tués, il y a beaucoup de blessés. C’est une horreur. Nous avons, sur ma décision, mobilisé toutes les forces possibles pour qu’il puisse y avoir la neutralisation des terroristes et la mise en sécurité de tous les quartiers qui peuvent être concernés. J’ai également demandé qu’il y ait des renforts militaires ; ils sont en ce moment sur l’agglomération parisienne, pour être sûr qu’aucune attaque ne puisse de nouveau avoir lieu. J’ai également convoqué le conseil des ministres, il va se tenir dans quelques minutes. Deux décisions seront prises : l’état d’urgence sera décrété, ce qui veut dire que certains lieux seront fermés, la circulation pourra être interdite et il y aura également des perquisitions qui pourront être décidées dans toute l’Ile-de-France. L’état d’urgence, lui, sera proclamé sur l’ensemble du territoire. La seconde décision que j’ai prise, c’est la fermeture des frontières, [il s’agit en fait du rétablissement immédiat des contrôles aux frontières]. Nous devons nous assurer que personne ne pourra rentrer pour commettre quelque acte que ce soit. Et en même temps que ceux qui auraient pu commettre les crimes qui sont hélas constatés puissent également être appréhendés s’ils devaient sortir du territoire. « Sang-froid » C’est une terrible épreuve qui, une nouvelle fois, nous assaille. Nous savons d’où elle vient, qui sont ces criminels, qui sont ces terroristes. Nous devons, dans ces moments si difficiles, et j’ai une pensée pour les victimes, très nombreuses, pour leurs familles, pour les blessés, nous devons faire preuve de compassion et de solidarité. Mais nous devons également faire preuve d’unité et de sang-froid. Face à la terreur, la France doit être forte. Elle doit être grande et les autorités de l’Etat, fermes. Nous le serons. Nous devons aussi appeler chacun à la responsabilité. Ce que les terroristes veulent, c’est nous faire peur, nous saisir d’effroi. Il y a effectivement de quoi avoir peur. Il y a l’effroi. Mais il y a, face à l’effroi, une nation qui sait se défendre, qui sait mobiliser ses forces et qui, une fois encore, saura vaincre les terroristes. Françaises, Français, nous n’avons pas terminé les opérations. Il y en a encore qui sont extrêmement difficiles. C’est, en ce moment même, que les forces de sécurité font assaut, notamment dans un lieu à Paris. Je vous demande de garder ici toute votre confiance dans ce que nous pouvons faire avec les forces de sécurité pour préserver notre nation des actes terroristes. Vive la République, et vive la France. » p nuel Valls dans lesquels il envisage la fusion des listes de droite et de gauche face au « danger » de l’extrême droite, il a déclaré sur Twitter : « Monsieur Valls, vous voyez où est le danger ? Le vrai ! Irresponsable ! » Et l’avocat Gilbert Collard, député du Gard élu sous les couleurs du Rassemblement Bleu Marine, a écrit quant à lui sur le réseau social : « Fusillade en plein Paris, pauvre, pauvre France abandonnée ! » Pas du même ordre Autant d’attaques directes contre le gouvernement qui montrent que le FN a fait le choix d’utiliser les attentats dans la capitale à des fins politiques, ciblant le gouvernement et un prétendu laxisme face au terrorisme. Devant ces attaques, l’exécutif a préféré ne pas réagir. L’Elysée a au contraire vanté le « sang froid » et « la capacité de réaction de l’appareil d’Etat français » face aux attentats. Pour la présidence, les tueries de vendredi soir, si elles rejoignent dans un même choc celles de janvier, ne sont pas non plus du même ordre. « On ne peut pas faire de comparaison entre les deux drames, ils ne sont pas de la même ampleur et ne relèvent visiblement pas du même degré d’organisation. Mais on retrouve, en janvier comme en novembre, la même volonté de l’Etat de faire face au terrorisme par le calme, par la force et par la République », a expliqué l’entourage de François Hollande. p bastien bonnefous (avec le service france) La guerre est parmi nous. L’heure est à la résistance et au combat contre le fanatisme djihadiste. Tous ensemble nous devons agir avec solidarité pour les victimes et confiance à l’égard de nos forces de sécurité. Le président de la République a pris les décisions nécessaires à la sécurité des Français. L’état d’urgence est décrété et l’unité nationale est maintenant notre devoir. » François Fillon, député (LR) de Paris, dans un communiqué publié sur son blog “ Arrivée gare de Lyon sous le choc. Laisser les services de sécurité et de secours travailler, avec tout notre soutien et notre gratitude. » Cécile Duflot, députée (EELV) de Paris et coprésidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, sur Twitter “ Ce soir l’horreur encore… Nous suspendons nos campagnes jusqu’à nouvel ordre. Une colère froide nous serre le cœur. » Marine Le Pen, présidente du Front national, sur Twitter “ Devant l’horreur du terrorisme aveugle, unité et solidarité de la nation. Prions pour que la France puisse faire face à cette terrible épreuve. » Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman “ Face à la violence des hommes, puissions-nous recevoir la grâce d’un cœur ferme et sans haine. Que la modération, la tempérance et la maîtrise dont tous ont su faire preuve jusqu’à présent se confirment dans les semaines et les mois qui viennent. » André Vingt-Trois, archevêque de Paris les attaques terroristes à paris | 9 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 L’état d’urgence instauré sur l’ensemble de la métropole Le décret, qui s’applique depuis samedi 0 heure, renforce les pouvoirs de l’autorité administrative I l peut être déclaré « sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d’outre-mer ». On l’utilise « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public », ou bien en cas d’« événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Instauré par la loi du 3 avril 1955, motivé alors par la situation en Algérie, l’état d’urgence est un régime à part – entre la situation normale et l’état de siège – qui renforce les pouvoirs de l’autorité administrative. C’est un régime intermédiaire avant l’état de siège. Il n’est jamais décrété que dans des situations exceptionnelles, à l’image de celle qu’à connue Paris vendredi soir. Rarissime, l’état d’urgence n’avait ainsi été employé qu’à cinq reprises, jusqu’à ce que François Hollande le mette de nouveau en œuvre après la série d’attentats qui a ensanglanté la capitale et la ville de Saint-Denis. Des pouvoirs aux préfets Le décret instaurant l’état d’urgence en France, vendredi, est paru samedi au Journal officiel. Il s’applique donc depuis samedi 0 heure « sur le territoire métropolitain et en Corse ». Un second décret comporte, lui, des dispositions applicables « à l’ensemble des communes d’Ile-de-France », comme la possibilité d’assigner à résidence toute personne « dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre public », d’ordonner la fermeture provisoire de salles de spectacle ou encore la confiscation de certaines catégories d’armes. Le communiqué de l’Elysée ne fait, en revanche, pas référence à des « mesures pour assurer le contrôle de la presse », comme la procédure lui en donne pourtant le droit, à condition que le décret le prévoie explicitement. Peu de temps avant la parution au Journal officiel, la Mairie de Paris avait, de son côté, déjà fait savoir que tous les équipements de la Ville seraient fermés samedi. « Dès demain, fermeture de tous les équipements de la Ville : écoles, musées, bibliothèques, gymnases, piscines, marchés alimentaires », pouvait-on lire sur le compte Twitter@Paris. Précision : l’état d’urgence est déclaré par décret en conseil des ministres et ne peut être prolongé au-delà de douze jours que par la loi. Il donne aux préfets concernés un certain nombre de pouvoirs. A commencer par celui d’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté, d’instituer « des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé », d’interdire de séjour « toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ». Ce n’est pas tout : le ministre de l’intérieur ou les préfets concernés peuvent également « ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion », ainsi que « les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre », et ordonner la remise des armes de première, quatrième et cinquième catégories. Par disposition expresse, le décret d’état d’urgence peut encore permettre aux préfets et au ministre de l’intérieur d’ordonner Devant l’Assemblée nationale, à Paris, samedi 14 novembre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCHPOLITICS POUR « LE MONDE » La prophétie du juge Trévidic Contrôles renforcés à la frontière belge, à Tourcoing (Nord), vendredi 13 novembre. OLIVIER TOURON/ DIVERGENCE POUR « LE MONDE » des perquisitions à domicile « de jour et de nuit ». Un autre décret d’accompagnement autorise la juridiction militaire « à se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont connexes ». Le refus de se soumettre peut être passible d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux mois et d’une amende de 3 750 euros. Dans le passé, l’état d’urgence a été décrété dans l’ensemble de la métropole après le retour au pouvoir du général de Gaulle, le 13 mai 1958, pour faire face à un éventuel coup de force, ainsi qu’en 1961, après la tentative de putsch fomentée par quatre généraux de l’armée française en Algérie. Plus tard, le gouvernement de Laurent Fabius l’a employé en Nouvelle-Calédonie en décem- Incertitude sur la tenue à Paris de la COP21, grand rendez-vous des chefs d’Etat du monde 40 000 participants sont attendus sur le site du Bourget du 30 novembre au 11 décembre L es attentats du 13 novembre constituent un traumatisme épouvantable pour les Français, qui survient au moment où Paris est au cœur de l’actualité internationale avec la tenue de la conférence sur le climat, du 30 novembre au 11 décembre. La COP21, censée déboucher sur un accord mondial en faveur de la lutte contre le réchauffement, doit accueillir sur le site du Bourget (Seine-Saint-Denis) une centaine de chefs d’Etat, dont l’Américain Barack Obama et le Chinois Xi Jinping, lors d’un sommet le 30 novembre. Tous deux avaient confirmé leur venue. Quelque 40 000 membres des 196 parties prenantes, de représentants de délégations diverses et de visiteurs sont attendus sur le site : 7 000 délégués, 10 000 observateurs, 3 000 journalistes du monde entier ont reçu une accréditation de la part du secrétariat général de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. La partie du site du Bourget réservée aux négo- Le gouvernement va-t-il maintenir l’événement ? Les risques sont énormes, mais les attentes aussi ciations diplomatiques est directement placée sous le contrôle d’une centaine de gardes de l’Organisation des Nations unies. Au moins autant de visiteurs doivent se rendre au Grand Palais du 4 au 10 décembre où sont programmées les rencontres Solutions COP21 orchestrées par des entreprises. Mais ONG et militants altermondialistes ont aussi l’intention de s’exprimer alors que les caméras seront braquées sur la capitale française, placée pour deux semaines au cœur d’enjeux politiques et économiques mondiaux. Après des manifestations organisées un peu partout dans le monde et dans plusieurs grandes villes en région à la veille de la COP21, le 28 novembre, une Marche pour le climat est prévue le 29 novembre à Paris, lors de laquelle les organisateurs espèrent réunir des centaines de milliers de participants, puis une seconde le 12 décembre, à la conclusion de la COP21. Sans compter les rendez-vous officiels comme la Conférence des jeunes ou le sommet des élus locaux et d’innombrables événements festifs, qui sont programmés un peu partout dans l’agglomération parisienne. En bateau depuis Berlin, à cheval, à vélo ou même en tracteur au départ de Notre-Dame-des-Landes, la COP21 devait être un rendezvous plein d’espoir. Déjà, le gouvernement avait décidé de rétablir des contrôles aux frontières de la France pour quelques semaines, selon un dispositif entré en vigueur vendredi. Va-t-il maintenir un événement qu’il a coutume de présenter comme « la plus grande conférence diplomatique jamais organisée en France depuis la signature de la Déclaration universelle des droits de l’homme », en 1948 ? Les risques sont énormes, mais les attentes aussi. « Nous allons tenir une réunion de crise avec l’équipe samedi matin, confie le secrétaire général de la COP, Pierre-Henri Guignard. Le gouvernement décidera des suites à donner. » Al Gore interrompt son émission Depuis des mois, le président François Hollande et Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, ont multiplié les voyages pour convaincre leurs homologues de l’urgence à essayer de maintenir le réchauffement sous la barre des 2 degrés, en réduisant les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Durant la nuit, l’ex-vice-président américain Al Gore a interrompu l’émission mondiale de vingt-quatre heures sur le climat, diffusée sur Internet, qu’il organisait sur un plateau installé au pied de la tour Eiffel, par « solidarité avec le peuple français ». François Hollande devait y participer samedi après-midi. p martine valo bre 1984, lors des incidents qui avaient secoué le territoire de l’océan Pacifique. Avant François Hollande, la dernière utilisation remontait au 8 novembre 2005, par Jacques Chirac, face aux émeutes qui, trois semaines durant, avaient agité les banlieues. Il avait duré jusqu’au 4 janvier 2006. p olivier zilbertin et jean-baptiste de montvalon Dans un entretien à Paris Match, l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic s’alarmait, le 30 septembre : « J’ai acquis la conviction que les hommes de Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique] ont l’ambition et les moyens de nous atteindre beaucoup plus durement en organisant des actions d’ampleur, incomparables à celles menées jusqu’ici. Je le dis en tant que technicien : les jours les plus sombres sont devant nous. La vraie guerre que l’EI entend porter sur notre sol n’a pas encore commencé. » Prophétique, le magistrat, aujourd’hui en poste à Lille, continuait : « La France est, de fait, confrontée à une double menace. Celle du déferlement de ce que j’appelle les “scuds” humains du djihad individuel, ces hommes qui passent à l’action sans grande formation ni préparation, agissant seuls, avec plus ou moins de réussite, comme on a pu le voir ces derniers temps. Et celle, sans commune mesure, que je redoute : des actions d’envergure que prépare sans aucun doute l’EI, comme celles menées par Al-Qaida, qui se sont soldées parfois par des carnages effroyables. » 10 | les attaques terroristes à paris 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 « Cette nuit, la ville aussi, ils l’ont tuée » Les nouvelles des attaques se sont diffusées au fil des heures, au son des sirènes et des ambulances suite de la première page Un serveur de La Coupole offre une cigarette à la jeune fille. C’est le genre de nuit où les gens se parlent soudain bien davantage que d’habitude. Le serveur lui dit : « Maintenant, rallume ton portable, ma belle et tu vas la perdre, ton innocence. Dans ce monde-ci, c’est la guerre. » Sur la rive droite, dans le 9e arrondissement, vers le 84 rue Blanche, quelqu’un se penche pour accrocher un drapeau français à une fenêtre au premier étage. Plusieurs lignes de métro s’arrêtent. « Mesure de sécurité », annoncent les haut-parleurs. Du coup, tout le monde remonte à pied le boulevard Sébastopol. « Je peux marcher avec vous ? », demande un garçon, une canette à la main. Il ne veut pas être seul. Sans même y prendre garde, certains se sont mis ensemble pour cheminer. On entend en permanence des sirènes et des ambulances, plus ou moins loin dans la ville. Il y a toujours quelqu’un pour sursauter quand une voiture freine un peu trop brutalement, quelques-uns avancent collés le long des façades au cas « où ça mitraillerait », mais tout se passe dans le calme. « Tout le monde s’est volatilisé » Pas de taxi, les files s’allongent aux stations. Porte de la Chapelle, dans le nord de Paris, à côté des pompes à essence, quelques chauffeurs tiennent conciliabule. Beaucoup décident de rentrer. L’un raconte que du côté de Bezons (Val-d’Oise), à l’annonce du massacre, les voitures étaient soudain si pressées « que le flash du radar crépitait en continu. Et vous savez quoi ? Tout le monde s’en foutait, voire même on accélérait ». Des voitures de police passent dans un sens, d’autres dans l’autre sens. Toutes les têtes se tournent en même temps pour suivre le mouvement de chacune d’elle. « Maintenant, même nous, ils nous tuent », dit un chauffeur G7 Club VIP que tout le monde appelle « Bibiche ». Quatre amis se sont installés dans un fast-food libanais, rue de la Boétie, dans le 8e arrondisse- Devant la cathédrale Notre-Dame, à Paris, samedi 14 novembre. GONZALO FUENTES/ REUTERS ment. Au milieu de la table, ils ont dressé comme un totem un téléphone portable qui diffuse BFM-TV. Ils refusent de sortir tant que les tueurs courent toujours. « Ils ne sont pas habitués », dit le cuistot, un Syrien de Homs. « Vous croyez que maintenant, ça va être comme ça tout le temps ? », interroge un des quatre. Un autre : « Ça ressemble à ça quand c’est vraiment la guerre. » On le presse de questions, comme un expert. Un téléphone sonne. « Ils les ont eus ! » On embrasse le serveur et on échange les mails. Il est 2 h 30 du matin sur les Champs-Elysées. « Des policiers sont arrivés vers 23 heures, en gilets pare-balles et en armes, criant : “Partez, c’est dangereux”, explique le groom de l’hôtel Marriott. Tout le monde s’est volatilisé, comme un tour de magie. » Sur toute la longueur des Champs, une seule personne descend l’avenue et une autre la remonte. Quand elles se croisent au niveau du Fouquet’s, elles s’adressent un salut comme des randonneurs en haute montagne. A Montmartre aussi, la même consigne a été donnée et tout a fermé d’un coup à l’annonce des tueries, les cafés, les terrasses. On aperçoit les rectangles colorés des télés allumées par la fenêtre de tous les appartements, ou presque. « Cette nuit, la ville aussi, ils l’ont tué », dit un clochard sur la place Charles-Dullin. Tous ses collègues ont déserté, partis dor- Ecoles et musées fermés, rencontres sportives annulées la vie sociale en région parisienne est vitrifiée après les attentats du vendredi 13 novembre. L’Académie de Paris a annoncé, sur son compte Twitter, la fermeture de « l’ensemble des établissements scolaires et universitaires d’Ile-deFrance », samedi. De son côté, la ministre de l’éducation nationale a indiqué que tous les voyages scolaires prévus ce week-end « sur le territoire national » étaient annulés. La décision s’applique aux déplacements d’élèves à l’étranger en raison de la fermeture des frontières, a précisé le rectorat de Paris. La préfecture de police a précisé que « toutes les manifestations de voie publique sont suspendues jusqu’à nouvel ordre » dans la capitale. Toutes les mairies d’arrondissements à Paris devaient rester portes closes, à l’exception des « permanences état-civil mariage ». Idem pour tous les équipements de la Ville : écoles, musées, bibliothèques, gymna- ses, piscines, marchés alimentaires. Des salles de spectacle cessent aussi provisoirement leur activité : le groupe U2, qui se produit depuis plusieurs jours à l’AccorHotels Arena (ex-Palais Omnisport Paris-Bercy), a décidé d’annuler son concert programmé samedi. L’ensemble des compétitions sportives, qui devaient avoir lieu, samedi et dimanche, en Ile-de-France ont été suspendues. Le secrétariat d’Etat aux sports a fait passer ce message aux présidents de fédérations sportives et aux directeurs techniques nationaux. Hôpitaux : mobilisation générale Plusieurs stations de métro, situées dans les 10e et 11e arrondissements de la capitale – où se sont produites la plupart des attaques –, étaient toujours fermées, samedi matin. Dans les établissements de santé, l’heure est à la mobilisation générale. L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a déclenché, vendredi soir, le « plan blanc », un dispositif prévu pour les situations sanitaires d’urgence et de crise. Dans la loi depuis 2004, il permet de mettre en place des moyens humains et matériels pour absorber l’afflux de patients ou de victimes. Il avait déjà été lancé pour faire face à des épidémies de grippe et de gastro-entérite. Des organisations de médecins en grève depuis vendredi (Le BLOC, le SML, la FMF, l’UFML, le MPST) ainsi que la Fédération de l’hospitalisation privée ont appelé à « reprendre l’activité » dans un communiqué commun. « Devant les attentats terroristes qui viennent de se produire (…), nous appelons tous les médecins et professionnels de santé (…) à être immédiatement disponibles afin de pouvoir faire face à toute urgence sanitaire sur le territoire », indiquent-elles. p bertrand bissuel mir « en banlieue » ce soir. Près de là, place Pigalle, des gamins font les malins dans la boulangerie ouverte toute la nuit. « Est-ce que tu as des sandwichs où il n’y a pas de cochon ? », se fâche un petit très énervé. Les autres lui disent : « Arrête, pas ce soir, s’il te plaît. » « Vous, c’est pour qui ? » Vers 4 h 30, très peu de voitures roulent encore. Le café La Royale dessine une flaque de lumière très blanche sur le boulevard des Filles du calvaire. A l’intérieur, les chaises sont sur les tables, des serveurs s’assoupissent dans l’ombre près du bar, tandis qu’un inspecteur de police, seul sous l’ampoule comme un acteur en scène, tape des témoignages sur son ordinateur portable. On est au cœur de l’arrondissement où la tuerie a eu lieu. Les cordons de sécurité rouge et blanc s’enroulent dans le vent le long des réverbères. De l’autre côté de la Seine, c’est près de la gare d’Austerlitz que semblent s’être rassemblés tous ceux qui sont dehors dans ce coin cette nuit. Devant une grande entrée, une cinquantaine de personnes attendent, demandant des nouvelles, cherchant à entrer. « Vous, c’est pour qui ? », demande une voix. Un soupir répond. Une voisine traverse, portant un thermos de café. Par-dessus les têtes, se déploie le nom « Hôpital de La Pitié-Salpêtrière ». p florence aubenas Des vols vers Paris reportés Première compagnie aérienne mondiale, American Airlines a décidé, dès vendredi 13 novembre, de reporter ses vols vers Paris depuis les Etats-Unis, à la suite des attentats parisiens. United et Delta ont maintenu les leurs. Au Japon, ANA et JAL prévoyaient un « trafic normal ». Air France indiquait, samedi matin 14 novembre, le maintien de ses vols depuis et vers la France. « Des retards au départ et à l’arrivée sont à prévoir suite aux renforcements des contrôles aux frontières par les autorités », précisait la compagnie dans un communiqué. Les aéroports d’Orly et de Roissy fonctionnaient normalement samedi matin. Le tour-opérateur japonais JTB a annulé les voyages prévus les 14 et 15 novembre sous sa marque « Look JTB », qui concernent plus de 300 personnes. Une autre agence nippone, H.I.S., a décidé de les maintenir, tout en annonçant que d’éventuelles annulations feraient l’objet de remboursements. En Belgique, les tour-opérateurs Jetair, Sunjets et Thomas Cook ont proposé à leurs clients d’annuler et de rembourser leur voyage à Paris. De son côté, le parc de loisirs Disneyland Paris a décidé de rester fermé samedi 14 novembre. les attaques terroristes à paris | 11 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Un attentat « complexe » inédit sur le sol français Les attaques simultanées de commandos-suicides sont typiques des pays où sévissent des guerres asymétriques, Afghanistan, Irak ou Syrie C’ est une première en France en matière d’attentat. Plusieurs kamikazes se sont fait exploser, dans la soirée du vendredi 13 novembre, au terme d’assauts meurtriers menés aux abords du Stade de France, à Saint-Denis, et dans cinq lieux à Paris, rue de la Fontaine-au-Roi, rue Bichat, boulevard Voltaire, rue de Charonne et dans la salle de spectacle du Bataclan, après la prise en otage du public. Ces attaques, dites « complexes », au regard de modus operandi en plusieurs étapes, sont inspirées d’une forme de violence ayant cours depuis plusieurs années dans des zones de conflit telles que l’Afghanistan, l’Irak ou la Syrie, où règne une forme de violence dont la France se croyait jusqu’alors protégée. L’attaque « complexe » type, telle qu’elle est mise en application en Asie du Sud ou au ProcheOrient par des groupes insurgés, cumule plusieurs actions afin de dérouter les futures victimes en associant très souvent le commando suicide et l’assaut arme à la main. Lors de montages plus ambitieux, elle peut combiner plusieurs attaques simultanées contre un même lieu ou contre Ce type d’attaque associe très souvent le commandosuicide et l’assaut arme à la main des endroits distincts. Les cibles sont minutieusement choisies pour le symbole qu’elles incarnent, mais les personnes qui s’y trouvent sont souvent tuées au hasard et pour leur seule présence dans ces lieux. Le but est de faire le maximum de victimes et de frapper les esprits par la peur. Selon les premiers éléments de l’enquête de flagrance conduite par le parquet, notamment sur les quatre assaillants qui ont pénétré dans les locaux du Bataclan, ces derniers portaient des ceintures d’explosifs en entrant dans l’établissement. Ils ne les ont déclenchées que lors de l’assaut des forces de l’ordre. Seul un des quatre assaillants ne parviendra pas à se faire sauter. Il a été tué par les hommes de la brigade de recherche et d’intervention lors de l’assaut. Auparavant, ces quatre hommes se sont appliqués à tuer leurs victimes par balles au moyen d’armes automatiques, en tirant soit sur les gens à terre, soit sur ceux qui tentaient de fuir. « Leur intention était clairement de mourir en martyr », analyse un enquêteur mobilisé tout au long de la nuit sur les lieux du drame. Comme sur des scènes de crime identiques en Irak ou en Afghanistan, la police scientifique a rapidement pu identifier les corps des kamikazes coupés en deux au niveau des ceintures d’explosifs. Un constat similaire a pu être fait aux abords du Stade de France concernant l’un des corps des assaillants. Les assaillants se déplaçaient L’autre nouveauté de ce type d’attaque sur le sol français porte, selon certains magistrats antiterroristes parisiens, sur la simultanéité des attaques qui a permis aux autorités, très vite dans la soirée, de considérer qu’elles étaient confrontées à une attaque terroriste de grande ampleur et dont on pouvait craindre le pire. La panique et la confusion sont grandement accrues lorsque les lieux d’attaque sont ainsi démultipliés. Le manque d’information a été d’autant plus grand que plusieurs assaillants se déplaçaient pour semer la terreur et ne se contentaient pas de viser un seul endroit. Les services de renseignement avaient, en théorie, envisagé un tel scénario. « Lorsque j’étais à la tête de la Direction centrale du renseignement intérieur, nous avions envisagé ce type d’attaque contre des gares, des stades ou des salles de spectacle », rapporte au Monde Bernard Squarcini, qui a dirigé le service de 2008 à 2012. « Il ne s’agit pas d’un acte aveugle, cette attaque complexe s’inscrit dans un contexte politique particulier, celui de la COP21 qui doit se tenir dans deux semaines. » L’histoire contemporaine des attentats commis sur le sol français reflète un lent glissement vers cette forme d’attentat propre à des pays où sévissent des guerres asymétriques entre des puissances technologiques et des opposants dépourvus de moyens et sacrifiant leur vie pour provoquer le maximum de dégâts humains. Mais le mouvement s’est accéléré depuis le début du conflit syrien en 2011, la France craignant, comme d’autres grandes démocraties occidentales, le moment où des djihadistes ayant combattu dans ce pays reviennent en Europe pour y commettre des attentats. « Cette attaque complexe s’inscrit dans un contexte politique particulier, celui de la COP21 » BERNARD SQUARCINI ancien directeur de la DCRI Comme un signe avant-coureur, la proximité entre les frères Saïd et Chérif Kouachi, les deux auteurs de l’attaque, le 7 janvier, contre les locaux de Charlie Hebdo, à Paris, et Amedy Coulibaly, qui a mené, seul, celle contre une épicerie cacher, a pu laisser penser qu’une forme de concertation aurait pu exister en amont. L’enquête ne l’a pas démontré formellement à ce jour. Mais les liens sont avérés. Entre 2010 et ce début d’année 2015, sur le seul territoire français, les frères Kouachi et leurs amis de la filière dite des « Buttes-Chaumont » (19e arrondissement de Paris) poursuivaient leur radicalisation, achetaient des armes et entretenaient des contacts avec des proches ayant choisi de combattre en Syrie ou en Tunisie dans les rangs djihadistes. Violence inédite L’année précédente, le 24 mai 2014, Mehdi Nemmouche, revenant de Syrie via la Thaïlande et l’Allemagne, assassinait quatre personnes au Musée juif de Belgique, à Bruxelles. Agissant seul, il présentait certaines similitudes avec Mohamed Merah, auteur, deux ans plus tôt, des tueries des 11, 15 et 19 mars 2012 à Toulouse et à Montauban. Le premier avait été geôlier en Syrie dans les prisons de l’Etat islamique. Le second avait tenté l’aventure djihadiste en Afghanistan et dans les zones tribales pakistanaises, avant de revenir en France. Leur évolution ne s’était pas faite sans les encouragements et le soutien d’un entourage islamiste radical, mais leurs actions restaient individuelles. Les attentats à la bombe artisanale de l’été 1995 et 1996, commis dans les transports parisiens, montraient un mode opératoire propre ressemblant à une signa- LES DATES 1995 Neuf attentats commis entre juillet et octobre à Paris font dix morts. Ils sont revendiqués par le Groupe islamique armé. 3 DÉCEMBRE 1996 Une bombe explose dans la rame du RER B à la station Port-Royal, faisant quatre morts. 11, 15 ET 19 MARS 2012 A Montauban et à Toulouse, Mohamed Merah tue sept personnes, trois militaires et quatre civils, dont trois enfants. 7, 8 ET 9 JANVIER 2015 Dix-sept personnes tombent sous les balles des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly. ture. Unité de lieu, choix d’une heure de forte affluence, utilisation d’une bouteille de gaz et de clous. Cette campagne d’attentats avait été commanditée par les émirs algériens du GIA associés à des petites mains françaises, natives de la région lyonnaise. Ce terrorisme restait cependant circonscrit à certains réseaux connus des services de renseignement et a pris fin dès que leur démantèlement a été rendu possible. Il n’avait, en rien, le caractère massif des vagues djihadistes qui irriguent la Syrie et qui ont fini par submerger les filets antiterroristes et importer sur le sol français une forme de violence inédite. p jacques follorou Depuis « Charlie », une série d’attaques ratées ou déjouées Au moins six projets d’attentats ont visé la France depuis dix mois D epuis les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, les 7 et 9 janvier, les autorités françaises n’ont eu de cesse de déjouer des projets à visée terroriste plus ou moins aboutis. Certains ont été stoppés très en amont, alors même que les plans des candidats au djihad n’en étaient qu’à l’état de conversations sur Internet. D’autres l’ont été plus tardivement. Certains n’ont toutefois échoué que par miracle. Parmi ceux formellement déjoués, une partie seulement a été révélée au grand public, tant les interpellations se succèdent depuis des mois. Trois attentats n’atteignent pas la totalité de leurs objectifs Quelques semaines seulement après les tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, une attaque isolée a lieu à Nice. On est le 3 février, et un homme de 30 ans, Moussa Coulibaly, se rue au couteau sur trois militaires en faction devant un centre communautaire juif. En garde à vue, il va exprimer sa haine de la France, de la police et des juifs. L’« incident » apparaît mineur au regard des attentats de janvier : il est vite oublié. Le 26 juin, un autre attentat est entrepris par un homme seul à Saint-Quentin-Fallavier (Isère). Le patron d’une société de transports, Hervé Cornara, est décapité par un de ses employés, Yassin Salhi. Sa tête est retrouvée accrochée sur un grillage, encadrée par deux drapeaux portant des insignes de l’Etat islamique (EI). L’assassin, dont les motivations sont troubles, a tenté ensuite sans succès de faire exploser l’usine, classée Seveso, où il a pu pénétrer, en précipitant son fourgon de livraison contre des bouteilles de gaz. Il Le dernier projet d’attentat déjoué rendu public remonte au 11 novembre n’a pas de casier judiciaire, mais fait l’objet d’une fiche « S » (« Surêté de l’Etat ») depuis 2006. Il a été arrêté. L’attaque ratée du train Thalys reliant Amsterdam à Paris, le 21 août au soir, va rappeler que la menace vise tout le monde. Ayoub El-Khazzani, 25 ans, d’origine marocaine, fiché pour son islamisme radical, commence à ouvrir le feu sur les passagers du train bondé. Deux personnes sont blessées, l’une par balle, l’autre par arme blanche. Deux militaires américains en permission et un de leurs amis réussissent à le maîtriser et empêcher ce qui aurait pu être un carnage. Les motivations du tireur restent inconnues. Trois projets d’attentats officiellement déjoués Le 19 avril, un étudiant algérien en informatique de 24 ans, Sid Ahmed Ghlam, est arrêté à Paris après avoir appelé les secours parce qu’il s’est, dit-il, tiré malencontreusement une balle dans la jambe. Sid Ahmed Ghlam est soupçonné d’avoir un peu plus tôt tué une professeure de fitness dans sa voiture, Aurélie Châtelain, à Villejuif (Val-de-Marne), où il aurait eu le projet d’attaquer une église à l’heure de la messe. Il était connu des services de renseignement pour avoir basculé dans l’islam radical, et plusieurs éléments d’enquête attestent, là encore, qu’il a reçu des instructions en provenance, semble-t-il, de Syrie. Le 13 juillet, un projet en apparence plus « anodin » est empêché et révélé. Quatre jeunes de 16 à 23 ans sont soupçonnés d’avoir voulu attaquer le camp militaire du fort Béar, à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales), et d’avoir envisagé la décapitation d’un officier. Ils revendiquent leur engagement djihadiste aux côtés de l’EI. Le dernier projet d’attentat déjoué rendu public remonte seulement au 11 novembre, quand le ministère de l’intérieur confirme l’interpellation d’un homme de 25 ans, Hakim M. Il a été arrêté le 29 octobre et mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » alors qu’il cherchait à se procurer du matériel pour un projet d’attaque contre des militaires de la marine nationale à Toulon. Il était surveillé depuis un an pour ses velléités de départ en Syrie et son activité sur Facebook. Les enquêteurs ont pu établir qu’il était en contact avec un donneur d’ordres situé en Syrie. Un homme interpellé révèle qu’il a reçu des consignes Le 15 août, un projet d’attentat peu avancé est révélé par un homme de 30 ans lors de sa garde à vue. Ce n’est que le 18 septembre qu’ont été officialisées son interpellation et sa mise en examen pour « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste ». Après avoir brièvement séjourné dans les rangs djihadistes à Raqqa, en Syrie, ce Français a expliqué aux enquêteurs avoir reçu des consignes très précises pour mener un attentat, « dans l’idéal », lors d’un concert en France. p élise vincent 7+2 '% 28)?L1L 'L;8)4+1?5/% 2+:2 +412 %1 2+:2 )/<1/4% Appel citoyen pour les régionAles 5;26 72' <;4 6F#?;<4 4;?'<3 )'4 3'66?3;?6'4 )' )F0'>;::'='<3 4;+?,>( F)2+,3?%( ,63?43?72' '3 +2>326'>( <;24 )'0;<4 <;24 '<#,#'68 9%2 <?%/- '% )/<1/4% 8/.%412 F 18/2 28:1 '%2 %27+)%2 '% )8::+?22+:)%& '% 4%:)8:14%& '% 'L*+1& '% $+*4?5/% 7%4;+:%:1% '% 2%:2& '% <?%: 28)?+< %1 78<?1?5/%6 9%2 )?18,%:2& <%2 +41?21%2& <%2 748#4+;;+1%/42& '8?.%:1 78/.8?4 , 7+41+#%4 /:% <?*%41L '(%-74%22?8:& '% 4%#+4' %1 '% 7+48<%6 3</2 5/% =+;+?2& :8/2 7%:28:2 5/% <(+41 %21 :L)%22+?4% 78/4 )8::+H14% <(!?218?4%& ?:1%448#%4 <% 74L2%:1& ?;+#?:%4 <(+.%:?46 38/4 5/% <+ '?.%42?1L '%;%/4%& ?< %21 .?1+< 5/% <+ 7/?22+:)% 7/*<?5/% 28/1?%::% '%2 'L;+4)!%2 +41?21?5/%2 %1 )/<1/4%<<%2 ?44L'/)1?*<%2 +/- 2%/<%2 <8?2 '/ ;+4)!L6 9%2 +412 %1 <+ )/<1/4% 28:1 <% 7</2 28/.%:1 +*2%:12 8/ ;?:%/42 '+:2 <%2 748#4+;;%2 '%2 )+:'?'+12 +/- L<%)1?8:2 4L#?8:+<%26 38/41+:1& <%2 4%278:2+*?<?1L2 '%2 0L#?8:2 28:1 :8;*4%/2%2 %: ;+1?A4% '% 78<?1?5/% )/<1/4%<<% > 7+4 <%/4 )8:14?*/1?8: '?4%)1%& <%/4 )+7+)?1L '% )8:)%41+1?8: +.%) <%2 +/14%2 )8<<%)1?.?1L2& <%/4 4@<% '(+;L:+#%;%:1 %1 '% 'L.%<877%;%:1 !/;+?: '%2 1%44?18?4%2& '% <+ )8;;/:% F <+ )8;;/:+/1L %/487L%::%6 9;24 ?<0?3;<4 >'4 +?3;.'<4 B :,63?+?:'6 ,2/ 4+623?<4 6F#?;<,2/& F )8:2?'L4%4 <%2 748=%12 +41?21?5/%2 %1 )/<1/4%<2 +/ ;I;% 1?14% 5/% <%2 +/14%2 748=%12 '% 2%4.?)% 7/*<?)& F )8:2?'L4%4 <%2 748=%12 4L#?8:+/- )8;;% '%2 748=%12 '% 28)?L1L6 5,6 <;36' 0;3'( <;24 :;20;<4 6'%24'6 <% 4%7<? ?'%:1?1+?4%& <+ 74L$L4%:)% 4L#?8:+<% %1 :+1?8:+<%& <+ <?*L4+<?2+1?8: '%2 2%4.?)%2 7/*<?)2 %1 <+ )%:2/4%6 5,6 <;36' 0;3'( <;24 :;20;<4 +!;?4?6 <(L#+<?1L '%2 1%44?18?4%2& <+ <?*%41L '% )4L%4 %1 '% '?$$/2%4& <+ '?.%42?1L '%2 +412 .?.+:12 %1 <% '?+<8#/% )/<1/4%< '+:2 <(+<1L4?1L& 78/4 '%2 4L#?8:2 8/.%41%2 2/4 <("/487% %1 2/4 <(?:1%4:+1?8:+<6 1-9$"*& A 8, rue Blanche 75009 paris ! [email protected] ! www.syndeac.org 12 | les attaques terroristes à paris 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 L’antiterrorisme à la peine face à une menace insaisissable Les djihadistes parviennent à échapper à l’attention des services jusqu’à leur passage à l’acte suite de la première page « La menace est quasiment impossible à prévenir dans sa globalité », ajoutait un cadre de la police judiciaire de la Préfecture de police de Paris (PJPP). « Elle est trop multiple, variée et complexe. Et on ne peut pas mettre un policier sur chaque menace répertoriée. Sans compter les retours de Syrie et les stratégies de dissimulation mises en place par les intéressés qui compliquent la tâche des services de renseignements. » Une autre source issue de la communauté du renseignement français indiquait, début novembre, que la grande crainte des services portait, aujourd’hui, sur « les retours dissimulés » de Syrie, « un mode de déplacement manifestant la volonté claire de commettre des actes répréhensibles ». Un jour seulement après les attentats de Charlie Hebdo, un membre de la Direction générale de sécurité intérieure (DGSI) expliquait : « Il faut prioriser, si les gars ne commettent pas d’erreur, c’est compliqué de justifier des écoutes. On ne peut pas surveiller H24 des personnes contre qui on « La menace est quasiment impossible à prévenir dans sa globalité », indiquait un cadre de la police judiciaire n’a rien. » Ainsi, les auteurs de l’attaque, les frères Kouachi, avaient fait l’objet de surveillances de la DGSI (entre novembre 2011 et juin 2014 pour Saïd, entre novembre 2011 et fin 2013 pour Chérif), avant que les services n’interrompent leur travail, les écoutes n’ayant rien donné de probant. Stratégie partiellement caduque D’autres questions se posent sur le suivi de certains profils radicalisés. Moustapha Mokeddem, dont les services de renseignement supposent qu’il aurait donné des consignes à Hakim Marnissi pour commettre un attentat à Toulon contre des militaires, était déjà connu de l’antiterrorisme. Arrêté en 2012, Mokeddem avait été condamné pour avoir proféré des menaces contre Charlie Hebdo. Sorti de prison en avril 2013, il avait pourtant pu rejoindre la Syrie, en décembre 2014, sans problème. Son contrôle judiciaire n’était pas assorti de la saisie de son passeport. Marnissi, lui, a été interpellé le 29 octobre et mis en examen le 2 novembre pour association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste. Des interrogations s’étaient également posées à propos de Mehdi Nemmouche. Parti se battre en Syrie en tant que geôlier dans les prisons de l’Etat islamique (EI) avant de rentrer en Belgique, où il est accusé d’avoir assassiné, le 24 mai 2014, quatre personnes au Musée juif de Belgique, à Bruxelles, il avait pu s’enfuir en France sans être inquiété. Il avait emprunté, six jours plus tard, la ligne internationale de bus Eurolines, Des policiers boulevard des Filles-du-Calvaire, près du Bataclan, à Paris. OLIVIER LABAN MATTEI/MYOP POUR « LE MONDE » qui effectue la liaison entre Amsterdam et Marseille. Il avait été arrêté « de manière inopinée » par les douaniers à sa descente du bus à Marseille. En 2013, la mission parlementaire sur le renseignement, dirigée par Jean-Jacques Urvoas, président (PS) de la commission des lois de l’Assemblée nationale, avait estimé, après les assassinats en mars 2012 à Toulouse et Montauban commis par Mohamed Merah, que la stratégie française face au terrorisme était « partiellement caduque ». M. Urvoas considérait alors qu’il fallait remplacer la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) par une Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). « L’affaire Merah ne procède pas des dysfonctionnements de la DCRI, elle les révèle », affirmait-il. Les conseils de la mission Urvoas avaient été entendus : la DGSI a vu le jour le 2 mai 2014. La DGSI, pas plus que la DCRI, n’a cependant pas été en mesure d’empêcher les agissements de Mehdi Nemmouche, des assaillants de Charlie Hebdo ou des auteurs du carnage du Bata- clan du 13 novembre 2015 à Paris. Par ailleurs, l’enquête sur l’attaque, en janvier, par les frères Kouachi, de Charlie Hebdo et d’une épicerie juive de la porte de Vincennes, par Amedy Coulibaly, a montré que ce qui était perçu alors comme la plus grande des violences imaginables avait été perpétrée par d’anciens du djihad ayant eu maille à partir avec la justice dès 2004. Comme un paradoxe, la DGSI, qui se voyait reprocher précédemment de ne pas avoir assez concentré ses efforts sur les départs de français vers la Syrie était, cette fois-ci, suspectée d’avoir omis de travailler sur une autre génération jugée, a posteriori, plus dangereuse. Passage en prison Pourtant, jusqu’en 2013, au moins, la police judiciaire antiterroriste était saisie de dossier concernant Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly. L’administration pénitentiaire ne fera rien remonter sur les dérives des intéressés lors de leur passage en prison. Et si la DGSI sera en mesure de fournir des adresses de possibles caches lors des cavales des frères Le cas de Sid Ahmed Ghlam, en avril, a rappelé que la menace pouvait venir d’individus sans passé judiciaire Kouachi et de Coulibaly, aucune alerte ne sera donnée, en amont, sur leur basculement dans l’ultraviolence. Enfin, comme Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche ou les frères Kouachi, Yassine Salhi était connu des services de renseignement avant de décapiter son employeur dans le département de l’Isère. Selon le procureur de la République de Paris, François Molins, il avait fait l’objet, de 2006 à 2008, d’une fiche « S » (sûreté de l’Etat), délivrée par la Direction de la surveillance du territoire (DST), pour « islam radical ». La DST, devenue, en 2008, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) après sa fusion avec la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) puis, en 2014, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l’a également suivi de 2011 à 2014, pour ses liens avec la « mouvance salafiste lyonnaise ». Pour compliquer plus encore la traque antiterroriste, alors que les précédentes recrues de l’EI ou d’Al-Qaida avaient fait leurs classes en prison ou dans des camps d’entraînement, le cas de Sid Ahmed Ghlam, arrêté en avril, après avoir projeté des attentats contre des églises, est venu rappeler que la menace pouvait venir d’individus sans passé judiciaire. Le jeune homme faisait toutefois, lui aussi, l’objet de l’attention des services de renseignement pour avoir manifesté sur les réseaux sociaux sa volonté de partir en Syrie. Une fiche « S » (pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ») avait été établie, mais elle n’entraînait aucune action automatique de coercition à son encontre. Tout comme l’auteur présumé de l’attaque commise dans le TGV Thalys le 21 août, Ayoub El-Khazzani. p jacques follorou et simon piel Renforcés, les services de renseignement restent débordés Loi renseignement, meilleure coordination… Depuis les attentats de janvier, le dispositif antiterroriste a été largement remodelé D epuis les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, à Paris, les 7 et 9 janvier, le dispositif antiterroriste a été largement remodelé : loi renseignement en juin, étatmajor opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) placé directement auprès du ministre de l’intérieur en juillet. Les nouveaux attentats de Paris se sont produits un peu plus d’un mois après l’entrée en vigueur de plusieurs mesures phares de la loi renseignement, notamment l’autorisation de nombreuses techniques spéciales d’enquête pour les services : sonorisation des lieux privés, surveillance informatique en temps réel, etc. Il est donc encore beaucoup trop tôt pour juger de leur efficacité – ou de leur inefficacité – dans la détection et le suivi des terroristes présumés. Quelques heures avant les attentats, une source judiciaire prévenait encore : « Nous n’avons pas assez de recul sur la loi renseignement, il faudra attendre quelques mois. » De même, les créations de postes annoncées par Manuel Valls après les attentats de janvier – 1 400 à l’intérieur, 950 à la justice, 250 à la défense – ne sont pas encore effectives – elles le seront d’ici à la fin du quinquennat. M. Cazeneuve a précisé la répartition devant les députés, le 29 octobre : « 500 postes supplémentaires au sein de la DGSI [direction générale de la sécurité intérieure] sur la période – ce qui porte à 1 000 le nombre de postes créés dans cette direction d’ici à la fin du quinquennat ; 500 postes au sein du service central du renseignement territorial (SCRT) ; 100 postes au sein de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) ; 106 postes au sein de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ; 60 postes au sein de la police de l’air et des frontières (PAF) (…) ; enfin, 40 emplois au sein du service de la protection des personnalités (SDLP). » « Cela permettra à nos services, qui étaient à la peine, de disposer de moyens humains supplémentaires pour faire face au risque terroriste », a-t-il ajouté. En interne, tous les responsables reconnaissent donc que les services sont toujours « à la peine », pour reprendre l’expression du ministre, face à l’afflux de dos- siers à traiter. « La DGSI suit spécifiquement ce que nous appelons le “haut du spectre”, c’est-à-dire les individus les plus dangereux », a assuré M. Cazeneuve à Libération, le 12 novembre. Mais le haut du spectre, dans le contexte actuel, est large. Plus de 1 500 personnes sont aujourd’hui impliquées dans des filières du djihad en Syrie ou en Irak, et donc suivies judiciairement ou administrativement. La section judiciaire seule de la DGSI traite 169 dossiers, qui correspondent à 370 interpellations. Et le fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), créé en mars et classé secret défense, compte plus de 11 000 noms. Plus de 1 500 personnes sont suivies pour leur implication dans des filières du djihad en Syrie ou en Irak La DGSI est donc débordée. A Roissy, par exemple, où elle doit traiter les retours de Syrie, ses agents sont exclusivement mobilisés par leurs tâches judiciaires – c’est-à-dire le traitement du haut du spectre, les djihadistes de retour dont le cas est jugé immédiatement « judiciarisable ». Ailleurs, les difficultés sont les mêmes, et la rapidité de transmission de l’information en souffre. « En général, quand ils préviennent qu’un de leurs “clients” à l’intention de filer en Syrie, on s’aperçoit qu’il y est déjà », explique un policier d’un autre service. Car, et c’est la grande différence avec l’avant-Charlie, et encore plus avec l’avant-Merah, la circulation de l’information entre les services fonctionne désormais. Entre la DGSI et le renseignement territorial (ex-RG), d’abord. Ce dernier service, chargé du « renseignement de proximité », a été considérablement renforcé depuis 2012, de 1 900 à 2 200 personnes. Même les gendarmes sont aujourd’hui davantage intégrés au circuit – une nécessité, alors qu’un certain nombre de personnes suivies sont également pré- sentes en zones rurales, par volonté de discrétion. En revanche, l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) laisse les policiers sceptiques. Le ministre de l’intérieur avait découvert, dans les heures qui ont suivi l’attentat à Charlie Hebdo, la forte capacité des différents services de renseignement et de police judiciaire au mieux à s’ignorer, au pire à se nuire. Conséquence : des ratés au démarrage de l’enquête, des fuites d’informations désordonnées… Désireux de remettre les choses en ordre, il avait obligé chaque service à s’asseoir autour de la même table, dans la salle du « fumoir », place Beauvau, sous son autorité directe. Ce moment, dont l’importance est relativisée par bon nombre de hauts responsables policiers, n’en est pas moins devenu un élément-clé de la mythologie cazeneuvienne. Concurrence entre services Pour perpétuer cet esprit et garder le contrôle, le ministre a donc souhaité créer un état-major permanent placé sous sa tutelle directe – au risque de s’exposer politique- ment en cas d’échec. Une douzaine des fonctionnaires de la DGSI, du SCRT, de la DRPP, de la PJ, de la gendarmerie travaillent sous l’autorité d’un préfet. « Sur les 4 000 individus suivis pour radicalisation ou terrorisme, il ne doit plus y avoir de loupé. Nous devons savoir, sur chaque suspect, ce qui a été fait à son sujet dans le passé et quel service travaille désormais sur lui », précisait-on, en juillet, Place Beauvau. Le problème, c’est que ce n’est pas la première fois qu’une structure de « coordination » et « d’échange d’informations » est créée. Il y a déjà l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), chargée « de la coordination opérationnelle des services appelés à lutter contre le terrorisme » depuis 1984. Et puis il y a les mesures post-Merah prises par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur : une multiplication de « cellules de coordination ». Tout ce petit monde doit désormais cohabiter – et le risque que la concurrence entre services se mue en concurrence entre coordinateurs est réel. p laurent borredon les attaques terroristes à paris | 13 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Obama : « Une attaque contre toute l’humanité » Les dirigeants du monde entier témoignent de leur solidarité et appellent à combattre le terrorisme B arack Obama a été le premier chef d’Etat à réagir aux attaques du 13 novembre, avant même François Hollande. Visage fermé, le président américain a pris la parole depuis la Maison Blanche alors que les attaques n’étaient pas encore finies vendredi soir. Ces attentats « ne sont pas seulement une attaque contre Paris », mais « une attaque contre toute l’humanité et nos valeurs universelles », a déclaré M. Obama dans une allocution solennelle. En français dans le texte, le chef de l’Etat américain a cité la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » pour rappeler qu’elles ne sont « pas seulement des valeurs françaises, mais des valeurs que nous partageons tous ». « La France n’est pas seule » A l’unisson du président américain, les réactions de toute la planète ont afflué dans la nuit. Angela Merkel, la chancelière allemande, qui avait défilé à quelques centaines de mètres du Bataclan lors de la manifestation du 11 janvier contre les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris, s’est dite « bouleversée ». « Choqué » également, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui avait lui aussi fait partie de ce cortège. « La France est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. Mais elle n’est pas seule. Ce combat est le combat de tous les Européens, et de tous les peuples du monde libre », a défendu le président du Conseil européen, Donald Tusk. David Cameron, le premier ministre britannique, a promis de faire « tout ce [qui est possible] Moscou a indiqué « se tenir prêt à fournir son entière assistance pour enquêter sur ces crimes terroristes » damne vigoureusement ces attaques terroristes » par l’intermédiaire du ministère des affaires étrangères chinois. Les réactions de solidarité sont également venues du Brésil, de Cuba, de Belgique, des Pays-Bas ou du Canada. De leur côté, les Philippines ont assuré, samedi, qu’elles garantiraient « une sécurité renforcée » aux leaders mondiaux attendus au Forum de coopération économique pour l’Asie-Pacifique (Apec), à Manille. Barack Obama doit se rendre au sommet prévu dans la capitale philippine les 18 et 19 novembre, aux côtés des responsables chinois, japonais, australien, canadien et de quinze autres chefs d’Etat. Le président américain, Barack Obama, après son allocution à la Maison Blanche, le 13 novembre. EVAN VUCCI/AP pour venir en aide ». Et l’Italie est « ensemble avec ses frères français », après « l’atroce attaque contre Paris et contre l’Europe », a déclaré le premier ministre, Matteo Renzi, sur Twitter. En Espagne, Mariano Rajoy a parlé au téléphone avec Manuel Valls et « lui a exprimé sa consternation Le président iranien annule sa visite Le président iranien, Hassan Rohani, qui devait arriver dimanche 15 novembre à Paris pour une visite officielle, a décidé de la reporter sine die. Dans un message envoyé à François Hollande, il a qualifié ces attaques de « crime contre l’humanité ». Une réunion cruciale sur l’avenir de la Syrie, qui devait se tenir samedi à Vienne, a, elle, été maintenue. Il faut « utiliser l’occasion créée par ces crimes pour une coordination internationale » contre le terrorisme, a défendu le ministre iranien des affaires étrangères, qui espère bien en tirer profit pour pousser l’idée d’une coalition contre l’Etat islamique. « Dans les circonstances présentes, il est particulièrement important de coordonner les actions contre les terroristes de Daech. C’est l’un des objectifs de la réunion de Vienne », a expliqué au Monde Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères. pour les terribles attentats et la solidarité du peuple espagnol ». Le Vatican a dénoncé « une violence terroriste folle ». « Nous condamnons [ces attentats] de la manière la plus ferme, ensemble avec le pape et avec tous ceux qui aiment la paix », a déclaré le porte-parole du Vatican. A Moscou, le Kremlin a publié un communiqué pour assurer que « la Russie condamne ce massacre inhumain et se tient prête à fournir son entière assistance pour enquêter sur ces crimes terroristes ». Le président Vladimir Poutine est intervenu fin septembre en Syrie pour lutter contre le terrorisme, mais sous les critiques des Occidentaux qui l’accusent de viser en priorité les rebelles modérés, plutôt que l’Etat islamique (EI). Même message de solidarité depuis la Turquie, où le président Recep Tayyip Erdogan a présenté à la télévision « ses condoléances les plus profondes » en demandant un « consensus de la communauté internationale contre le terrorisme ». Le président turc fait lui aussi l’objet de critiques, car il utilise la lutte contre l’EI pour attaquer le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). « Israël se tient aux côtés du président François Hollande et du peuple français dans la guerre commune contre le terrorisme », a déclaré de son côté le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Selon la chaîne Channel 2, le gouvernement a demandé à Paris de renforcer davantage la sécurité autour des institutions et des bâtiments de la communauté juive. Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, a présenté ses condoléances et a appelé à combattre « le fléau du terrorisme, qui a pour but de déstabiliser la sécurité et la stabilité dans différentes parties du monde, sans distinction ». Pour le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, il s’agit « d’attaques terroristes méprisables ». Au Maroc, frappé en 2003 et en 2011 par des attentats, le roi Mohammed VI a adressé un message de condoléances au président français, exprimant « une vive émotion et une profonde tristesse » face à ces « odieuses attaques ». En Asie, la présidente de la Corée du Sud, Park Geun-hye, a présenté ses « condoléances » à la France. « Le terrorisme est un crime contre l’humanité. Il est injustifiable et intolérable », a-t-elle expliqué. « Quelle que soit la raison des attentats, ils restent impardonnables et hautement condamnables », a, lui, déclaré le ministre japonais des affaires étrangères, Fumio Kishida. La Chine s’est déclarée « profondément choquée » et a fait savoir qu’elle « con- Minutes de silence Au-delà des chefs d’Etat et de gouvernement, les attaques ont suscité des réactions de solidarité spontanées un peu partout sur la planète. Aux Etats-Unis, le One World Trade Center de New York et le City Hall de San Francisco se sont parés des couleurs du drapeau français en hommage à la tragédie. Des minutes de silence ont été observées avant les matchs de basket de NBA. Et les principaux candidats aux investitures démocrate et républicaine pour la présidentielle de 2016, Hillary Clinton, Bernie Sanders, Donald Trump, Ben Carson, Jeb Bush, Marco Rubio et Ted Cruz, ont assuré « se recueillir » ou « prier » pour les victimes. A Berlin, des Allemands et des Français sont venus spontanément déposer des bougies devant l’ambassade de France. Même réaction spontanée à New York sur l’Union Square, où des dizaines de Français se sont rassemblés. A Barcelone, une minute de silence devait être organisée samedi midi. p service international La France, ce pays que les djihadistes aiment haïr Paris, menacée depuis des années, est devenue une cible privilégiée avec l’extension à la Syrie des frappes françaises contre l’Etat islamique suite de la première page Parce que le mode opératoire rappelle la déjà sanglante équipée des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, les auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo et le supermarché casher de la porte de Vincennes, au mois de janvier. Mais plus profondément, parce que la France, pour de multiples facteurs, qui tiennent à sa sociologie, ses valeurs et sa relation passée et présente au Proche-Orient, constitue une cible rêvée, quasi exemplaire, pour l’organisation djihadiste. La raison la plus apparente tient à l’engagement de Paris dans la coalition anti-EI conduite par les Etats-Unis. Si la France ne s’est mise à bombarder les positions des extrémistes en Syrie que sur le tard, en septembre de cette année, elle fut l’un des premiers partenaires de l’offensive américaine, en décidant, dès septembre 2014, de bombarder des cibles en Irak. Le dispositif de cette double opération, baptisée « Chammal », comprend 700 militaires, avec 12 avions de chasse basés aux Emi- rats arabes unis et en Jordanie. L’Elysée a annoncé le doublement de ce potentiel, avec l’envoi dans le Golfe, le 18 novembre, du porteavions Charles-de-Gaulle. Politique intransigeante L’engagement français comprend aussi une centaine de conseillers et des forces spéciales, qui sont déployées en Irak, auprès des peshmergas kurdes à Erbil, et au sein de la sixième division d’infanterie à Bagdad. Vendredi 13 novembre, les Kurdes, appuyés par l’aviation américaine, ont d’ailleurs réussi à bouter les djihadistes hors de la ville de Sinjar, à l’ouest de Mossoul. Une victoire importante, susceptible de faciliter l’offensive attendue contre Rakka, la capitale syrienne de l’EI, mais que les tueries de Paris ont complètement éclipsée. Au total en un an, avec 280 frappes en Irak, la France a contribué à 4 % des bombardements de la coalition. L’essentiel de sa contribution consiste en des vols de reconnaissance. La priorité de l’état-major demeure l’engagement contre les « groupes armés terroristes » au Sahel, qui mobilise 3500 soldats. Mais l’extension à la Syrie du domaine d’intervention des Rafale et des Mirage français a radicalisé le face-à-face entre Paris et les dhihadistes. Justifiée au nom de la « légitime défense », elle intègre une traque des recrues françaises de l’EI, qui menacent de revenir en France commettre des attentats. Comme l’a révélé Le Monde, le deuxième des trois raids anti-EI réalisés à ce jour par l’aviation tricolore en Syrie, dans la nuit du 8 au 9 octobre, contre un camp d’entraînement de Rakka, visait entre autres un ressortissant hexagonal très précisément : Salim Benghalem, un trentenaire de Cachan (Val-deMarne), qui, aux dires des services de renseignement, officie comme « responsable de l’accueil des Français et des francophones au sein de l’Etat islamique ». Paradoxalement, la France, pays le plus exposé en Europe à cette confrontation, est aussi, de toutes les puissances occidentales engagées au Proche-Orient, le plus pro- sunnite et le plus favorable à l’opposition syrienne. Si l’on en croit les témoignages des rescapés du Bataclan, les assaillants de la salle de spectacle parisienne ont justifié leur action par « ce que fait la France en Syrie ». Or, depuis le début de la crise dans ce pays, en 2011, celle-ci n’a pas dévié d’une politique anti-Assad intransigeante. En sus de l’aide fournie aux rebelles et de son opposition, sur la scène diplomatique, à toute solution qui ne prévoirait pas une mise sur la touche du tyran syrien, Paris fut en août 2013 le plus chaud partisan de frappes contre Damas, en re- L’interdiction du voile intégral dans l’espace public nourrit un ressentiment fondateur chez les extrémistes présailles à l’attaque chimique menée quelques jours plus tôt contre la Ghouta, la banlieue de la capitale syrienne. Si ce positionnement n’émeut pas l’organisation au drapeau noir, qui prétend pourtant défendre l’honneur sunnite face aux menées de l’Iran dans la région, c’est parce que Bachar Al-Assad est un adversaire négligeable – voire utile dans la mesure où il combat ses rivaux sunnites – par rapport à son but ultime, la restauration d’un empire islamique perdu. Et à ce titre, la France fait encore une fois figure d’ennemi privilégié. Dans la logorrhée djihadiste, Paris est le gardien honni du temple « Sykes-Picot ». Cet accord secret signé en 1916 a acté le démantèlement de l’Empire ottoman, et le partage de ses dépouilles entre Paris et Londres sous la forme d’Etats aux frontières arbitrairement dessinées. En tant qu’ancienne puissance coloniale, défenseure de l’intégrité du Liban, un Etat créé là encore par ses soins, en soutien aux minorités chrétiennes du Levant, et allié de l’Etat d’Israël, la France est ce pays que les djihadistes aiment haïr, presque autant que les EtatsUnis. A cela s’ajoute un ensemble de valeurs, au premier rang desquels la laïcité, qui heurte de front le credo des extrémistes. Pour beaucoup d’entre eux, l’interdiction du voile islamique intégral dans l’espace public nourrit un ressentiment fondateur, qui a conditionné leur relation à la France. La présence au sein de sa population d’une importante communauté musulmane constitue un ultime aimant pour les djihadistes. Le sentiment de relégation sociale qu’éprouve une partie de ses membres leur offre une porte d’entrée rêvée, un terreau potentiellement fertile. Comme en Irak et au Liban, où il vise principalement les chiites, pour les dresser contre les sunnites, l’Etat islamique joue, avec un plaisir pervers, sur les fractures sociales et identitaires françaises. p benjamin barthe (beyrouth, correspondant) avec nathalie guibert (à paris) 14 | 0123 L’EFFROI ET LE SANG-FROID suite de la première page Le bilan de leur carnage – plus de 128 morts, à cette heure – est odieux, sans précédent dans notre pays. Ils ont déclenché ce que les responsables policiers redoutaient par-dessus tout : plusieurs attaques simultanées dans la capitale et sa banlieue, aux abords du Stade de France, où 80 000 personnes assistaient au match de football France-Allemagne, en présence de François Hollande, devant quatre cafés ou restaurants des 10e et 11e arrondissements, enfin à l’intérieur même du Bataclan, où plus d’un millier de personnes assistaient à un concert et se sont trouvées prises en otage, avant que l’assaut ne soit donné par les forces de l’ordre. Pour la première fois en France, plusieurs de ces terroristes, bardés de ceintures d’explosifs, n’ont pas hésité à se transformer en bombes humaines. C’est la France qu’ils ont voulu plonger dans la panique et dans l’effroi. C’est la France qu’ils ont voulu briser. Cette folie n’appelle qu’une seule réponse. Contre la panique, la dignité. Contre les semeurs de mort, la fermeté. Contre l’affolement, la lucidité. Contre l’effroi, le « sang-froid », comme l’a dit, justement, le président de la République au milieu de la nuit. Et, par- 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 dessus tout, l’unité de la nation dans l’épreuve. Les interrogations ne manquent pas. Elles sont légitimes, et il faut y répondre. La première et la plus immédiate est celle de la sécurité générale du pays : estelle menacée, surtout à l’approche, dans trois semaines, de la conférence internationale sur le climat, qui doit réunir, à Paris, plusieurs dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement, et se tiendra au même moment que les élections régionales ? Le gouvernement a décrété l’état d’urgence et renforcé les contrôles aux frontières. Cela s’imposait, pour faire face à cette guerre que les « djihadistes » veulent nous imposer. Comme s’impose, à nos yeux, de maintenir le calendrier de la conférence climatique et des élections. Les différer, les reporter ou y renoncer reviendrait à céder au chantage et au défi des terroristes. La deuxième question est celle de la politique de lutte contre le terrorisme sur le territoire national. Est-elle à la hauteur de la menace ? Est-elle efficace ? Depuis deux ans, comme toutes les autres démocraties, la France n’a cessé d’accroître les moyens juridiques et policiers mis au service de l’Etat pour lutter contre le terrorisme djihadiste. Toutes les démocraties l’ont fait en s’efforçant de préserver l’équilibre entre la sécurité et la liberté. Nous ne sommes pas sans moyens ni sans volonté. A plusieurs reprises, ces dernières semaines, la police a déjoué des attentats qui visaient le territoire français. La nuit tragique du 13 novembre le démontre, hélas ! Face à ce genre d’agression, il n’existe pas de parade évidente, sauf à se transformer en Etat policier ou à vendre des illusions. La troisième interrogation porte sur la politique extérieure de la France et ses interventions militaires, en Afrique et au Proche-Orient : sont-elles la cause de cette spirale meurtrière et doivent-elles être reconsidérées ? Naturellement, la France est visée parce qu’elle est en première ligne dans le combat contre le djihadisme. Elle se bat sur plusieurs fronts. Elle intervient en Afrique subsaharienne, où, avec d’autres, elle cherche à empêcher qu’un immense espace désertique ne tombe totalement aux mains de réseaux criminels. Elle a sans doute sauvé la capitale du Mali, Bamako, d’un assaut islamiste début 2013. Sans l’intervention de l’aviation française, la ville aurait pu devenir ce que Kaboul, la capitale afghane, a été pour Al-Qaida jusqu’en 2001 : un appui logistique clé pour des opérations terroristes à travers le monde. A la demande du gouvernement de Bagdad, Paris participe, avec une cinquantaine d’autres pays, à la guerre (essentiellement aérienne) menée contre l’« Etat islamique », qui s’est emparé d’une bonne partie du territoire de l’Irak. La seule abomination des pratiques de cette organisation barbare n’explique pas l’intervention de cette coalition internationale. Là encore, c’est la défense des intérêts stratégiques de l’Europe, donc de la France, qui est en cause. Les zones pétrolières que contrôle l’EI lui donnent les moyens de mener des actions contre l’Occident, qu’il ne cesse de désigner à la vindicte de ses cellules terroristes. L’action des Européens en Irak peut être interprétée comme relevant d’une forme d’autodéfense. Depuis le début de l’automne, la France a aussi mené des interventions aériennes en Syrie. En ciblant des bases d’entraînement de l’Etat islamique, elle a officiellement invoqué l’autodéfense. Elle fait valoir que les commandos islamistes ont, ces der- niers mois, cherché à plusieurs reprises à frapper le territoire français, et qu’ils préparent leurs opérations à partir de la Syrie. Ce combat que mène Paris contre le djihadisme expose la France. Mais il ne faut pas renverser l’ordre des choses. Les autorités françaises sont en guerre contre l’islamisme armé parce que celui-ci a nommément désigné la France comme l’une de ses cibles. Il faut être aveugle ou sourd pour ne pas lire et entendre le discours de l’Etat islamique, d’Al-Qaida et d’autres mouvements islamistes : ce sont des appels à porter la « guerre sainte » en Europe, à tuer les « infidèles », les « juifs », les « croisés ». Ce n’est pas de la rhétorique. Il faut prendre au mot le « programme » de cette maladie régressive de l’islam qu’est l’islamisme. Qui peut dire avec certitude que l’inaction serait la garantie de l’immunité ? On touche là à la nature de l’ennemi à combattre. En ce début de XXIe siècle, le fanatisme religieux, en l’espèce islamiste, a remplacé les grands totalitarismes du XXe siècle. Comme Le Monde l’a souvent expliqué, l’islamisme, par son absolue radicalité, est un totalitarisme – cette promesse folle de régler tous les aspects de la vie des hommes au nom d’une religion érigée en unique source de rédemption. Or ce « parti des purs », pour reprendre l’expression du grand politologue Pierre Hassner, s’en prend prioritairement aux démocraties. Il nous combat autant sinon plus pour ce que nous sommes que pour ce que nous faisons ou ne faisons pas. Rester nous-mêmes est l’une des conditions du succès dans la guerre qu’il faut mener contre ce fanatisme. p jérôme fenoglio L’émotion dans le monde L’annonce des attentats de Paris a suscité immédiatement des hommages, des Etats comme des citoyens Montréal. Devant le consulat français, vendredi 13 novembre. GRAHAM HUGHES/THE CANADIAN PRESS VIA AP New York. Le One World Trade Center en bleu-blancrouge. KEVIN HAGEN/AP Moscou. Devant l’ambassade de France, samedi 14 novembre au matin. DMITRY SEREBRYAKOV/AFP Mexico. Le Sénat mexicain aux couleurs de la France, samedi 14 novembre. TOMAS BRAVO/REUTERS Las Vegas. A l’université du Nevada, avant un match de basket, « Priez pour Paris », vendredi 13 novembre. SAM MORRIS/LAS VEGAS NEWS BUREAU VIA AP Tirage du Monde daté samedi 14 novembre 2015 : 277 422 exemplaires Dans Sinjar libérée par les Kurdes ▶ La ville irakienne, conquise en 2014 par l’Etat islamique, a été reprise par les peshmergas ▶ C’est un des premiers revers sérieux de l’EI ▶ Envoyé spécial du « Monde », Allan Kaval décrit la cité en ruine C’ → LIR E PAGE 2 Des combattants kurdes sur la route de Sinjar, jeudi 12 novembre. ÉMILIEN URBANO/MYOPE Réfugiés : Angela Merkel fait marche arrière ▶ La chancelière allemande, sous la pression de son parti, se résout à appliquer les accords de Dublin bruxelles - bureau européen L e revirement d’Angela Merkel est un coup de tonnerre. Il montre que la politique européenne d’asile est menacée d’implosion, et que l’espace sans passeport de Schengen pourrait, lui VOLKSWAGEN LES VERTS EUROPÉENS EXIGENT UNE COMMISSION D’ENQUÊTE → LIR E LES SÉRIES FRANÇAISES EN QUÊTE D’AUDACE PAGES 1 2 - 1 3 CULTURE JOHNNY HALLYDAY, CHANTEUR DE NOUVEAU ENGAGÉ → LIR E déposer leur demande d’asile dans leur pays d’arrivée dans l’Union. Angela Merkel a eu beau affirmer, vendredi, dans un entretien à la chaîne ZDF, « la chancelière a la situation en main. Tout le gouvernement également », sa décision apparaît comme un aveu de faiblesse, alors qu’elle est vivement contestée dans son propre parti. En parallèle, l’Allemagne a annoncé la prolongation pour trois mois des contrôles à ses frontières. Claude Guéant « a volontairement transgressé les lois de la République » L’ancien bras droit de Nicolas Sarkozy a été condamné à deux ans de prison avec sursis dans l’affaire des primes de la police PAGE 8 TÉLÉVISIONS → LIR E aussi, être fondamentalement remis en question. La chancelière allemande a finalement défendu, vendredi 13 novembre, la décision de son ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière, d’appliquer de nouveau les règles européennes dites « de Dublin », qui obligent les migrants à PAGE 1 1 C hacune des phrases du jugement qui a condamné Claude Guéant, vendredi 13 novembre, pour « complicité et recel de détournement de fonds publics » dans l’affaire dite des « primes en espèces de la police », est terrible. Le tribunal de Paris considère que l’ancien directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur a « volontairement transgressé les lois de la République et détourné des fonds publics, évalués à 210 000 euros » en donnant ordre à Michel Gaudin, alors directeur général de la police nationale (DGPN) de prélever chaque mois pendant deux ans, entre 2002 et 2004, 10 000 euros en espèces sur les frais d’enquête et de surveillance (FES) – normalement destinés à rémunérer les indicateurs de police – afin de les verser comme complément de rémunération à ses collaborateurs, lui-même en gardant la moitié pour son usage personnel. La zone euro au défi de la croissance molle « Claude Guéant, pour des motivations personnelles, s’est enrichi au détriment de l’intérêt général et des missions qui doivent être assurées par les fonctionnaires de police des services actifs du ministère de l’intérieur », relève le tribunal, en rappelant que ces sommes perçues en liquide, « de façon discrétionnaire », n’étaient en outre pas déclarées à l’administration fiscale. « Ces faits commis au sommet de la hiérarchie du cabinet ministériel, par un éminent représentant du pouvoir exécutif dont les fonctions exigent une probité irréprochable, portent une atteinte d’une extrême gravité à l’ordre public, dont le ministère de l’intérieur a précisément pour mission de faire assurer le respect, indiquent les juges. Ils constituent en outre une atteinte aux valeurs de la démocratie républicaine et à la transparence de la vie publique, participant de la défiance que les citoyens peuvent nourrir à l’égard o Cahier Dimanche 15 - Lundi novembre 2015 - Ne peut êtrepeut vendu séparément Cahier du du «« Monde Monde»»NNodaté 22031 daté Dimanche 15 -16 Lundi 16 novembre 2015 - Ne être vendu séparément de la politique, des institutions et de ceux qui les gouvernent. » Selon eux, Claude Guéant ne « pouvait ignorer » la réforme intervenue sous le gouvernement de Lionel Jospin et la volonté qu’elle manifestait de mettre fin aux pratiques des rémunérations en espèces. « Sa formation, son expérience de la haute fonction publique et ses qualités intellectuelles notoires ne permettent pas d’imaginer qu’il n’avait pas compris le texte ni l’esprit de la réforme du 5 décembre 2001 ou qu’il ait pu considérer que cette dernière ne s’appliquait pas aux frais d’enquête et de surveillance de la police, ou pas à sa personne. » Avec la même sévérité, les juges balaient l’argument de sa défense selon lequel les fonds auraient été en partie utilisés pour assurer des missions de police, telles que la rémunération d’informateurs lors de la traque d’Yvan Colonna. pascale robert-diard → LIR E L A S U IT E PAGE 5 jean-pierre stroobants (avec frédéric lemaître) → LIR E L A S U IT E PAGE 4 est moins que ce que les économistes espéraient, mais ce n’est pas non plus une catastrophe. Au troisième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a progressé de 0,3 %, contre 0,4 % sur les trois précédents mois. La hausse est de 1,6 % en rythme annuel. « La reprise se poursuit, mais sans ampleur », résume JeanLouis Mourier, économiste chez Aurel BGC. « Comme souvent dans l’union monétaire, on peut voir la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine », ajoute Maxime Sbaihi, économiste à Bloomberg. En moyenne, les quatre principales économies de la zone euro affichent une croissance qui se raffermit, même si elle reste très poussive : 0,3 % pour la France et l’Allemagne, 0,8 % pour l’Espagne et 0,2 % pour l’Italie. Les indicateurs de conjoncture laissent penser que la consommation des ménages, soutenue par l’inflation faible, a bien résisté. Elle a en partie compensé la baisse des échanges avec les pays émergents, dont la croissance ralentit. Mais l’investissement des entreprises reste fragile en France (+ 0,7 % au troisième trimestre), en Italie et en Allemagne. Quatre pays inquiètent particulièrement les économistes. La Grèce, d’abord : au troisième trimestre, le PIB hellène a reculé de 0,5 %, alors qu’il s’était maintenu à 0,4 % au second trimestre. Autres maillons faibles : le Portugal, qui affiche une croissance nulle au troisième trimestre, et la Finlande, dont le PIB a replongé de 0,6 %. De même, les Pays-Bas déçoivent, avec une croissance de 0,1 % au deuxième comme au troisième trimestre. Cette reprise fébrile relance, sans surprise, les spéculations sur d’éventuelles nouvelles mesures d’assouplissement monétaire de la BCE. p → LIR E PAGE 7 2 | international 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Des combattants kurdes, à Sinjar, vendredi 13 novembre. EMILIEN URBANO/MYOP Les Kurdes reprennent Sinjar à l’EI Appuyés par la coalition internationale, les Kurdes ont libéré la ville irakienne et coupé un axe essentiel pour les djihadistes. Mais le camp kurde reste miné par les rivalités SYRIE TURQUIE IRAK Sinjar Mossoul Hassaké Erbil REPORTAGE L sinjar (irak) - envoyé spécial ongée de magasins abandonnés aux rideaux de fer défoncés et d’immeubles effondrés, parsemée de gravats et de douilles rouillées, jalonnée par les carcasses calcinées de camions et d’automobiles, l’artère qui permet d’accéder à Sinjar depuis les hauteurs situées au nord de la ville témoigne d’une dévastation peu commune. Les membres des forces kurdes qui sont entrés dans la matinée de vendredi 13 novembre dans cette localité désormais perdue par les djihadistes la parcourent de loin en loin, constatant, armes à l’épaule, les destructions causées par les frappes aériennes de la coalition internationale contre l’Etat islamique (EI). Elles se sont considérablement intensifiées aux cours des derniers jours afin que les forces kurdes puissent en prendre possession. Pour la seule journée de jeudi, trente frappes aériennes ont été répertoriées sur la seule ville de Sinjar. « Nous sommes entrés dans ce quartier sans tirer un coup de feu à huit heures du matin, Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique] s’est enfui avant qu’on arrive », raconte un combattant kurde irakien qui dit regretter de ne pas avoir pu livrer bataille. LES BÂTIMENTS TRUFFÉS DE BOMBES A l’exclusion de quelques rares accrochages rapportés dans d’autres parties de la ville et qui auraient opposé certains groupes de combattants kurdes à une force résiduelle composée de tireurs d’élite et de djihadistes isolés, chargés de mener des attaques suicides contre les nouveaux occupants de la ville, les dernières heures de l’opération de libération de Sinjar se sont déroulées vendredi sans combat majeur. De nombreux drapeaux kurdes flottent désormais sur les squelettes des bâtiments officiels détruits par les bombardements de la coalition, tandis que se font entendre à intervalles resserrés des rafales d’armes automatiques, tirées en l’air ou pour la forme vers des bâtiments déserts. Au bord des rues, des bombes artisanales laissées derrière eux par les djihadistes et désamorcées par les démineurs des forces kurdes attendent d’être emportées. Suivant une tactique devenue systématique dans les villes et les villages qu’ils abandonnent, les hommes de l’Etat islamiques ont truffé les bâtiments en ruines de Sinjar de ces engins explosifs qui constituent l’une des principales causes de pertes militaires sur le front kurde irakien depuis le début de la guerre contre l’Etat islamique. Elle a coûté la vie, vendredi matin, à cinq des quinze combattants kurdes tués au cours de l’opération d’après une source médicale, les dix autres ayant péri dans les combats sporadiques qui ont accompagné la veille la progression des forces kurdes vers la ville. Libérée, Sinjar n’est plus que l’ombre d’ellemême. Cette petite ville des confins syro-irakiens comptait 20 000 habitants avant sa conquête par l’Etat islamique en août 2014, lors de l’offensive menée par les djihadistes contre les Kurdes irakiens dans le nord de l’Irak. Les peshmergas (forces armées kurdes irakiennes), alors chargés de la protection de Sinjar et des campagnes environnantes, avaient fui, abandonnant à eux-mêmes les habitants majoritairement issus de la communauté religieuse yézidie. Kurdes mais non-musulmans, perçus comme hérétiques par les fanatiques de l’Etat islamique, les Yézidis de Sinjar ont fait Monts Sinjar Rakka Sinjar Deir ez-Zor IRAK Rakka SYRIE Tikrit 100 km LES RUINES DE LA VILLE APPARTIENNENT MAINTENANT À CEUX QUI Y CIRCULENT EN ARMES ET Y PLANTENT LEURS DRAPEAUX Les Etats-Unis disent avoir tué « Jihadi John » Les Etats-Unis ont probablement tué dans un bombardement, jeudi 12 novembre, le bourreau britannique du groupe Etat islamique (EI) « Jihadi John », de son vrai nom Mohammed Emwazi, qui apparaît dans plusieurs vidéos de décapitations d’otages occidentaux, a annoncé l’armée américaine depuis Bagdad. Par ailleurs, vendredi, un kamikaze a fait exploser sa ceinture d’explosifs lors des funérailles d’un combattant chiite à Bagdad, tuant au moins 17 personnes. L’attentat n’a pas été revendiqué mais son procédé rappelle celui utilisé par les extrémistes sunnites, dont l’EI, qui considèrent les chiites comme des hérétiques. l’objet d’exactions d’une ampleur inégalée aux mains des hommes de l’Etat islamique. Outre l’exode massif qui a jeté sur les routes près de 200 000 personnes originaires de la zone, plusieurs massacres de civils ont été perpétrés par les djihadistes, tandis que des milliers de femmes et d’enfants, capturés au moment de la conquête fulgurante des djihadistes, étaient réduits en esclavage. Des groupes armés yézidis, recrutant parmi les survivants des massacres et ceux ayant refusé de se résoudre à un exil définitif, se sont constitués de manière spontanée avant de se rallier, pour la plupart, aux forces kurdes irakiennes. Qassim Shesho, le chef de la principale faction armée yézidie de Sinjar, nommé par Massoud Barzani, le président du Kurdistan irakien autonome, à la tête du commandement militaire de la région, espère que leur présence aux côtés des peshmergas pourra rassurer une population traumatisée et la convaincre de revenir. « La libération de Sinjar est une première étape. Ce sont nos terres, elles sont maintenant sécurisées et j’appelle tous les Yézidis à venir s’installer à nouveau dans leurs foyers », déclare-il à proximité de Sinjar, tandis qu’une dizaine de ses hommes, issus pour la plupart de sa proche parentèle, s’affairent à charger sur une camionnette un drapeau kurde enroulé de cent mètres de long et de soixante de large, qu’il entend déployer sur la haute façade du silo à grains de Sinjar. Les ruines de Sinjar ne paraissent cependant pas près de voir revenir leur population. Objet d’une compétition entre forces kurdes rivales, elles appartiennent maintenant à ceux qui y circulent en armes et y plantent leurs drapeaux. Parallèlement aux peshmergas kurdes irakiens, les forces armées du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ve- nues de Turquie, ont également pris position dans la ville. Actives dans la région depuis août 2014, elles avaient contribué à évacuer plusieurs milliers de Yézidis encerclés dans la région de Sinjar par les djihadistes vers le Kurdistan syrien grâce à un corridor militaire. Leur présence est cependant décriée par le pouvoir kurde irakien, qui souhaite les voir quitter la zone. « Le PKK n’a rien à faire à Sinjar, cette zone appartient aux Kurdes d’Irak, nous ne voulons pas de confrontation armée avec eux, mais il faut qu’ils partent maintenant que la ville est libérée », déclare ainsi un officier des peshmergas souhaitant s’exprimer anonymement. Pour Zeki Shengali, un haut cadre du PKK originaire de Turquie, où son organisation a repris les hostilités contre Ankara en juin, il n’est pas question de se retirer : « Toutes les déclarations selon lesquelles nous devrions partir sont futiles, le PKK restera à Sinjar tant que la population en aura besoin. » En attendant la perspective improbable d’un accord, les factions kurdes rivales et les unités yézidies qui leur sont respectivement affiliées se croisent et s’ignorent dans les rues désertées de la ville, hissant leurs couleurs partout où elles le peuvent, marquant leur territoire dans une atmosphère de paix armée. SUCCÈS SIGNIFICATIF CONTRE L’EI La reprise de Sinjar n’en demeure pas moins un succès tactique significatif dans la guerre régionale contre l’Etat islamique. A une cinquantaine de kilomètres de la frontière syrienne, la ville est en effet située sur la route 47, une voie de communication stratégique reliant Rakka, en Syrie, à Mossoul, en Irak, les deux capitales du « califat » décrété par Abou Bark Al-Baghdadi. « Avec la libération de Sinjar, nous allons asphyxier Daech en rendant impossibles les communications entre ses positions côté syrien et côté irakien », indique le général peshmerga Zaim Ali, chargé de superviser les opérations. « La guerre n’est pas finie pour autant, précise le haut gradé. Il revient maintenant au gouvernement central irakien de prendre ses responsabilités et de préparer sérieusement la reprise de Mossoul. » Si la libération de Sinjar et la coupure d’un axe routier essentiel peuvent contribuer à l’affaiblissement de l’Etat islamique dans toute la région, l’apparente impossibilité de chasser les djihadistes des villes sans les détruire totalement et les difficultés liées aux divisions qui traversent le camp kurde éloignent d’autant la défaite finale. p allan kaval international | 3 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Hébron, épicentre des colères israélo-palestiniennes Un tiers des Palestiens morts depuis le 1er octobre habitaient cette ville de Cisjordanie hébron (cisjordanie) envoyé spécial D es phrases provocantes sortent de la bouche de Yishai Fleisher. Il en est bien conscient. Cela lui procure un vertige narcissique. Mais le propos le plus inattendu arrive en fin de conversation. « Vous verrez. Dans quelques années, Hébron sera une ville magnifique, étincelante, une destination mondiale. » Yishai Fleisher, fils d’immigrés russes élevé dans le New Jersey, est l’un des porte-parole des colons d’Hébron. Cinq cents personnes regroupées sur quelques centaines de mètres carrés au cœur de la vieille ville arabe, claquemurées derrière des palissades, des barrières, des tourelles et des grillages, protégés par un dispositif militaire imposant. Autour d’eux, des rues fantômes angoissantes, puis 200 000 Palestiniens. Ici, la colère est un mode de vie. Nulle surprise lorsqu’une nouvelle fois la cuvette déborde. Vendredi 13 novembre, une voiture israélienne a été visée par balles près de la colonie d’Otniel, dans les collines au sud de la ville. Deux personnes – un père et son fils – ont été tuées devant plusieurs membres de leur famille. Le même jour, un Palestinien a été tué lors d’affrontements avec des soldats israéliens. Ces violences sont intervenues au lendemain d’une opération spéciale israélienne dans un hôpital d’Hébron pour arrêter un homme suspecté d’agression au couteau. Au cours du raid, illustré en partie par les caméras de surveillance, le cousin du suspect a été abattu par les agents infiltrés. Hébron, c’est la névrose des névroses, en Cisjordanie. La cité a toujours apporté sa contribution, ses « martyrs », aux soulèvements palestiniens. Depuis le début de la vague de violences, le 1er octobre, 25 des 72 morts palestiniens venaient d’ici. Selon une source militaire, au cours de cette période, près de 200 personnes ont été ar- « Les jeunes se sentent frustrés, ils préfèrent mourir dans la dignité. La vieille ville est devenue une prison » CHEIKH ABOU KHADER JABARI rêtées dans la ville, soit le tiers du total en Cisjordanie. « Depuis la première Intifada, on a vu qu’Hébron se réveillait lentement, plus tard, avant de prendre toute sa vitesse », note un fin connaisseur israélien. C’est aussi une ville dont les traditions commerçantes ont été mises à mal par le massacre de 1994 dans le caveau des Patriarches : un colon, Baruch Goldstein, y a tué 29 personnes. Depuis, près de 500 petits commerces et des centaines de logements palestiniens ont été condamnés dans la vieille ville, pour « stériliser » – expression courante chez les militaires israéliens – les environs des maisons occupées par les colons. « Les juifs n’ont le droit de vivre que dans 3 % de la ville, le reste leur est interdit par la loi, se plaint Noam Arnon, autre porte-parole des colons d’Hébron. C’est un ghetto du Moyen Age. La division de la ville, ce n’est pas notre choix. » Le caveau des Patriarches, vénéré aussi bien par les juifs que les musulmans, concentre les tensions. Le 6 novembre, deux adolescents israéliens effectuant le pèlerinage ont été blessés par balles à la sortie. Au même moment, à la lisière de la ville, près de Beit Anoun, un soldat a été sérieusement atteint par balles. Depuis plusieurs jours, l’armée avait déjà bouclé Hébron, multipliant les barrages et les points de contrôle. L’administration civile israélienne a aussi demandé aux habitants de la vieille ville de s’enregistrer comme « résidents permanents », tout en décla- Affrontements meurtriers entre Palestiniens et soldats israéliens, vendredi 13 novembre, à Hébron. MUSSA ISSA QAWASMA/REUTERS rant leurs quartiers zone fermée. « Ils empêchent les gens de se déplacer, sauf ceux qui habitent dans la vieille ville même, explique le gouverneur d’Hébron, Kamel Hmaid. La situation est très difficile. L’objectif-clé des Israéliens et des colons est d’obliger tout le monde à quitter le centre, pour en faire une ville juive, à terme. » Désarroi A Hébron, où l’Autorité palestinienne a une assise limitée, le gouverneur reconnaît son désarroi. Il a essayé pendant des jours de convaincre l’armée de rendre tous les corps des Palestiniens tués. Mais les Israéliens redoutaient la célébration des « martyrs ». Des milliers de personnes se sont rassemblées le 31 octobre devant la mosquée Al-Hussein pour célébrer la mémoire de cinq jeunes tués par l’armée, dont Houssam Jabari, 17 ans, et Bashar Jabari, 15 ans. Leur patriarche, le sheikh Abou Khader Jabari, chef d’un clan qui compte près de 25 000 personnes, est l’un des personnages les plus influents de la ville. Il a été directement en contact avec les Israéliens pour obtenir enfin la restitution des corps. Il assure que les deux adolescents étaient innocents, mais met en garde. « La situation empire à Hébron. Les jeunes se sentent frustrés, trompés. ils préfèrent mourir dans la dignité. Plus de 100 points de contrôle ont été installés. La vieille ville est devenue une prison. On est les Indiens d’Amérique, parqués dans des réserves. » Beaucoup sont persuadés que Moscou feint d’ignorer les signaux d’alerte Les messages de menaces djihadistes se multiplient depuis le crash dans le Sinaï moscou - correspondante L es valises, rapatriées séparément de leurs propriétaires depuis la station égyptienne de Charm El-Cheikh, s’accumulent dans les aéroports russes. Chaque jour aussi, les autorités russes dressent le décompte des vols spécialement affrétés pour organiser le retour de milliers de touristes russes d’Egypte. Mais la thèse de l’attentat, lors du crash dans le nord du Sinaï, le 31 octobre, de l’A321 qui reliait Charm El-Cheikh à Saint-Pétersbourg avec 224 personnes à bord, reste présentée du bout des lèvres par le Kremlin comme « l’une des causes possibles ». Et aucun lien n’est officiellement établi avec l’intervention militaire russe en Syrie, malgré les menaces qui se multiplient. Une nouvelle vidéo dans laquelle l’organisation Etat islamique (EI) menace d’attaquer « bientôt » la Russie est pourtant apparue jeudi. Diffusé en langue russe sur le site El-Hayat, la branche média de l’organisation djihadiste, le message, sur fond de scènes ignobles de décapitation et de combattants suréquipés, promet que les « villes russes vont trembler, surtout Moscou ». Cette vidéo succède à une autre, provenant cette fois d’une filière irakienne de l’EI, dans laquelle un djihadiste russophone s’en prenait violemment à Vladimir Poutine en lui promettant de « payer le prix fort » pour son intervention en Syrie. En dehors de quelques mots hâtifs sur l’« immense tragédie » de l’A321, la plus grande catastrophe aérienne de Russie, le président russe s’est bien gardé d’établir une quelconque relation entre les deux événements. Tout juste, Vladimir Poutine s’est-il contenté d’indiquer, dans un entretien accordé conjointement vendredi 13 novembre à l’agence russe Interfax et à son homologue turque Anadolu, à la veille du sommet du G20, que « les opérations en Syrie ainsi que les risques et les conséquences ont été plusieurs fois calculés ». Hausse du niveau d’alerte « Il semble que le Kremlin s’efforce de fuir ne serait-ce que l’évocation d’un tel lien », relevait dans son éditorial du 9 novembre le quotidien Vedosmosti, en critiquant « l’ignorance délibérée des risques liés à la participation à un conflit multidimensionnel complexe ». « La méthode, mise en point au cours du conflit ukrainien, qui consiste à créer de l’incertitude, pourrait être une solution pour le Kremlin, assénaient ses auteurs, Andreï Sinitsine et Maxime Troudolioubov. En refusant jusqu’au bout la version de l’attentat et en essaimant au passage d’autres versions (…), le Russe moyen pensera qu’il est dangereux de prendre l’avion pour se rendre quelque part, sans savoir qui est à blâmer. » Des nouvelles menaces, ce concitoyen n’en a en tout cas quasiment pas entendu parler. Aucune télévision d’Etat ne s’y est risquée. Rien sur la première chaîne, ni même sur le réseau Russia Today. Seuls quelques journaux ont fait allusion à la vidéo de l’EI, que la chaîne de télévision NTV a balayée d’un rapide commentaire – « ce n’est pas la première fois que les terroristes de l’EI menacent la Russie par Internet ». Interrogé, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a répondu, jeudi, de façon tout aussi lapidaire : « Je n’ai pas vu cette vidéo et je ne sais pas si elle fiable ni même d’où elle provient. En tout cas, je ne doute pas que cela sera examiné par nos services spéciaux. » Mais tout indique que, derrière le calme apparent, et tandis que les raids en Syrie de l’aviation russe s’intensifient, le niveau d’alerte a considérablement augmenté en Russie. Vendredi, les autorités ont interdit à la compagnie aérienne égyptienne EgyptAir d’effectuer des vols vers la Russie, sur la base d’une directive de l’Agence fédé- rale russe chargée de transport aérien, Rosaviatsia, tandis qu’Aeroflot, la compagnie nationale russe, a annoncé qu’elle cesserait totalement, après les derniers vols de rapatriement, de desservir ce pays à partir du 1er décembre. Visas de sortie Le même jour, Vadim Soloviev, député communiste de la Douma, la Chambre basse du Parlement, a lancé l’idée d’« introduire des visas de sortie » afin de « protéger » la population. Un peu plus tôt, d’autres élus communistes avaient réclamé la suspension des vols à destination de la Tunisie et la Turquie. Les services de sécurité sont sur le qui-vive. « Nous avons renforcé le fonctionnement de la police à Moscou à cause des menaces que nous recevons de différentes sources », a récemment confié le chef du département Anatoli Iakounine, tandis que l’ambassade de France a lancé un appel à la communauté française, « résidents ou de passage, notamment à Moscou, à faire preuve de la plus grande vigilance dans les lieux publics (…) et lors de leurs déplacements dans les transports en commun ». Mais officiellement, à Moscou, rien ne doit troubler le succès de l’opération russe en Syrie. p isabelle mandraud les soldats israéliens ont reçu pour consigne de tirer sans état d’âme, au moindre doute, sur tout individu suspect. Comment ensuite établir la vérité ? Les versions sont inconciliables, faute de vraie enquête. Selon le propre décompte du gouverneur d’Hébron, « 14 personnes sur 30 ont été tuées sans raison et tout le monde le sait ». A l’en croire, un même couteau aurait été exhibé à plusieurs reprises comme preuve de l’agression. La multiplication des barrages expose aussi les soldats israéliens aux attaques. Au lieu de baisser la tension, elle nourrit la rancœur. « Israël ne se défend pas, il défend l’occupation et son racisme », assène Issa Amro, 35 ans. Celui-ci a fondé l’ONG Jeunes contre les colonies, qui cherche à documenter 02.,.(:, $" 0;:7(4,;.20" REPORTAGE en vidéo les violences dont se rendent coupables les colons dans la région d’Hébron. Au fil des ans, on l’a cogné, arrêté, menacé. Mais Issa Amro est du genre buté. Sûr de son droit. A l’écouter, les violences à Hébron ont commencé cette fois-ci lorsque des colons de Kyriat Arba, la ville voisine, ont cherché à s’en prendre à une famille palestinienne, provoquant une mobilisation générale. L’activiste prône la résistance pacifique. Il a refusé de s’enregistrer auprès de l’administration civile israélienne afin de pouvoir circuler dans la zone réglementée, autour du caveau des Patriarches. « Je ne suis pas un numéro, mais un être humain. Pour rentrer chez moi, j’escalade des murs et je traverse des champs. » p piotr smolar Catherine Marquot Philanthrope au nom des arbres Sa décision a été mûrement réléchie : l’argent hérité de son père, manne qu’elle ne souhaite pas utiliser pour changer sa vie quotidienne, Catherine le destinera à une cause juste. Celle de ses amis les arbres : « Ma passion pour eux remonte à mon adolescence, les arbres sont pour moi des êtres vivants que j’écoute et respecte, avec qui j’ai une relation d’égalité » conie Catherine Marquot qui a dédié sa vie à l’environnement et la lutte anti-pollution. En novembre 2014, avec l’accord de ses enfants et sous l’égide de la Fondation de France, elle a consacré 300 000 euros à la création de sa Fondation, “Toi, l’arbre”. Son but : favoriser l’existence d’arbres en pleine santé, acteurs de la biodiversité. « Accompagnée par la Fondation de France, j’ai pu mieux cerner mes axes d’action, à savoir la protection des arbres remarquables, l’appui à l’agroforesterie et le soutien à la gestion durable de la forêt » explique Catherine. C’est ainsi qu’avec le réseau Arbres et paysages, à l’origine d’un inventaire des arbres remarquables en France, “Toi, l’arbre” a inancé la formation de techniciens chargés de conseiller les heureux propriétaires de ces trésors de la nature. A La Haye-de-Routot dans l’Eure, un if millénaire a pu aussi bénéicier de travaux d’entretien urgents. Dans le sud-ouest, “Toi, l’arbre” a inancé l’implantation de parcelles de peupliers noirs en terre agricole, essence d’arbres aux vertus écologiques reconnues. Consciente que l’argent dédié à “Toi, l’arbre” s’épuisera bientôt, Catherine multiplie les soutiens, étudie les projets, histoire de pérenniser son engagement. Comme par exemple participer à de nouvelles formes collectives de protection et de propriété de la forêt. « Avec “Toi, l’arbre”, je crois avoir trouvé une façon d’utiliser mon argent qui a du sens » conie à mots couverts mais non sans ierté Catherine Marquot, après une année d’actions d’ores et déjà fertiles. >68'*/=68 '& >1*8)& < 9& )*'1& ='@*9 '& -6/1& 5!=9*8/!165=& +++3%68'*/=68'&%1*8)&361# 4 | international La chancelière se résout à appliquer de nouveau les accords de Dublin suite de la première page Alors qu’Angela Merkel répète depuis des semaines que les accords de Dublin sont « obsolètes » et que l’Allemagne n’exige plus le retour des réfugiés dans le pays où ils ont été enregistrés, la chancelière a fini par donner raison à son ministre de l’intérieur. Thomas de Maizière avait décidé fin octobre – sans avertir ni Mme Merkel ni le secrétaire général de la chancellerie, Peter Altmaier, pourtant chargé de superviser la crise des réfugiés – de respecter à nouveau ces accords. La nouvelle a été confirmée mardi 10 novembre et Angela Merkel l’a approuvée, a posteriori, vendredi 13. La démarche de Thomas de Maizière s’explique notamment par des tensions politiques internes, alors qu’Angela Merkel avait dessaisi fin octobre le ministère de l’intérieur – peu favorable face à la générosité d’Angela Merkel sur le sujet – d’une partie de ses prérogatives dans ce dossier en centralisant la stratégie à la chancellerie. Vendredi, Angela Merkel a validé la stratégie de son ministre en donnant une autre explication. Sa « plus grande déception », ces dernières semaines, est la difficulté à répartir les réfugiés entre les pays européens, a-t-elle dit dans l’entretien. Respecter à nouveau les accords de Dublin revient à reporter une grande partie de la charge sur les pays à la périphérie de l’Union et donc à fortement inciter les pays européens à accepter de répartir les réfugiés de façon plus équitable. Berlin veut « élaborer une clé de répartition aussi juste que possible en Europe », avait-elle précisé lors d’une conférence de presse, vendredi. « Nous devons partager le fardeau équitablement, c’est évident », a encore commenté Mme Merkel, confirmant la colère de son gouvernement contre l’inaction de beaucoup de ses partenaires et le refus de l’Allemagne de continuer à accueillir des milliers de réfugiés supplémentaires. L’annonce du renvoi de réfugiés dans d’autres pays a également comme objectif de montrer aux Allemands que le pays La Commission européenne craint désormais que les accords de Schengen ne soient détricotés BU R U N D I L’UE évacue une partie de son personnel L’Union européenne a décidé d’« évacuer » les familles et des personnels non essentiels de sa délégation au Burundi, secoué depuis six mois par une violente crise politique renforcée par des tensions ethniques. La Belgique a également « conseillé » à ses ressortissants de quitter le pays. Le président du parti présidentiel avait accusé, mercredi 11 novembre, « le colonisateur belge » de financer et d’armer les opposants. – (AFP.) Fauteuils & Canapés Club Haut de Gamme vembre o n 7 1 u a Du 1 ème 2 e l r u s er - 50 % L’indémodable fauteuil CLUB , plus de 80 ans et toujours plus de succès ! Cuir mouton ciré, patiné, vieilli, suspension et ressorts. Plus de 30 modèles en exposition. 80, rue Claude-Bernard - 75005 PARIS Tél. : 01.45.35.08.69 www.decoractuel.com n’est pas « submergé » par les réfugiés, comme l’a laissé entendre Wolfgang Schäuble, le ministre des finances qui a parlé d’« avalanche ». Un terme qu’Angela Merkel refuse de prendre à son compte. Selon un sondage paru vendredi, 52 % des Allemands ne sont pas satisfaits de la politique d’Angela Merkel à l’égard des réfugiés, 43 % l’approuvent. La décision allemande va incontestablement peser sur la situation des demandeurs d’asile et sur certains pays de transit et d’arrivée de ceux-ci. Dès vendredi, la Croatie a demandé, par la voix de son ministre de l’intérieur, Ranko Ostojic, une réunion d’urgence de ses homologues de l’Union. Du côté allemand, Thomas de Maizière a en effet évoqué le renvoi de réfugiés vers la Croatie (non-membre de l’espace Schengen) et la Slovénie. Selon le ministre croate, les demandeurs d’asile doivent plutôt être, pour la plupart d’entre eux, renvoyés en Grèce, et non vers son pays. Schengen fragilisé Problème : la Cour européenne de justice estime, dans sa jurisprudence récente, que le traitement des demandeurs d’asile en Grèce et en Hongrie n’était pas conforme aux règles de la dignité humaine. « Je ne souhaite pas que la Croatie soit étiquetée comme inhumaine mais elle ne peut être punie pour avoir effectué sa part de travail avec humanité et professionnalisme », a déclaré M. Ostojic. La crise des réfugiés a atteint son pays en septembre, lorsque la Hongrie de Viktor Orban a fermé sa frontière avec la Serbie et érigé des barrières sur celle qui la sépare de la Croatie. Quelque 370 000 réfugiés sont, depuis, arrivés dans ce pays. La Croatie s’en prend aussi à sa voisine, la Slovénie – membre de l’espace Schengen –, qui a érigé cette semaine une barrière de barbelés sur une partie de sa fron- L’espace Schengen se barricade... ... et renforce ses frontières intérieures... Espace Schengen ... face à l’arrivée de migrants Rétablissement des contrôles aux frontières Pays de l’Union européenne hors Schengen 204 (xxx) Date du rétablissement Mur ou barrière anti-migrants (date de construction) Nombre de migrants interceptés, en milliers, de janvier à fin septembre 2015 Principal camp de transit de migrants attendant de poursuivre leur route Barrière en projet SUÈDE (11 nov.) DANEMARK ROYAUMEUNI ALLEMAGNE (13 sept.) Calais (2014) SOURCES : COMMISSION EUROPÉENNE ; FRONTEX ; AFP ; LE MONDE Migrants : le revirement d’Angela Merkel 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Spielfeld AUTRICHE (15 sept.) FRANCE HONGRIE (sept.-oct.) SLOVÉNIE (nov. ) Berkasovo 204 Vintimille Presevo Brezice ESPAGNE Ceuta (1993) Melilla (1993) 8 tière. Le tout alors que la Suède a officiellement averti la Commission de Bruxelles qu’elle instaurait à son tour des contrôles à ses frontières, tandis que le Danemark va, lui, les renforcer… Manifestement dépassée par les événements, la Commission voit voler en éclats ses espoirs d’une atténuation de la crise et d’une répartition équitable des réfugiés. Elle craint désormais que les accords de Schengen, piliers de la construction européenne et symboles de la liberté de mouvement, soient détricotés. Slavonski Brod 128 Idomeni GRÈCE (2012) BULGARIE (2014) TURQUIE Lesbos 359 Chios Samos Kos La décision allemande de prolonger et durcir les contrôles à ses frontières est toutefois peu surprenante : M. de Maizière avait, dès octobre, prévenu la Commission qu’il userait de cette procédure si les flux migratoires vers son pays ne se réduisaient pas. Berlin, qui devrait accueillir un million de demandeurs d’asile cette année, s’appuie désormais sur une procédure d’exception incluse dans le « code Schengen ». Elle permet la mise entre parenthèses des règles de libre circulation pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans. L’Allemagne va concentrer ses contrôles à la frontière autrichienne, par laquelle transite l’essentiel des migrants après leur traversée des Balkans. Vendredi, par ailleurs, l’Autriche a annoncé l’installation d’un grillage de près de 4 kilomètres de long et 2,2 mètres de hauteur à sa frontière avec la Slovénie. Une autre première qui concerne, cette fois, deux Etats d’un espace Schengen plus que jamais sous pression. p jean-pierre stroobants La Fédération russe d’athlétisme suspendue Accusée de « dopage organisé », la Russie a été suspendue provisoirement de toute compétition L a décision était attendue. Le Conseil de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a voté, vendredi 13 novembre, par 22 voix contre une, la suspension provisoire de la fédération russe de toute compétition, sans durée déterminée. L’horizon olympique des athlètes russes s’inscrit désormais en pointillé, à moins de neuf mois des prochains Jeux de Rio, en août. La Russie n’organisera pas les championnats du monde d’athlétisme juniors, qui devaient avoir lieu à Kazan en juillet, ni la Coupe du monde de marche, prévue à Tcheboksary. L’IAAF n’avait pas vraiment d’autre choix que de sanctionner la fédération russe, au vu du contexte de crise actuel. Lundi 9 novembre, la commission d’enquête indépendante de l’Agence mondiale antidopage (AMA) avait rendu public un rapport accablant pour l’athlétisme russe. Dopage généralisé, athlètes rackettés par des entraîneurs et des dirigeants afin de dissimuler des contrôles positifs, destruction d’échantillons au laboratoire de Moscou, le sombre tableau peint au fil des 330 pages du document soulignait « une culture profondément enracinée de la tricherie ». Les auteurs de la commission d’enquête recommandaient, en conclusion, de suspendre la Fédération russe d’athlétisme (ARAF). L’IAAF avait donné jusqu’à la fin de la semaine à l’ARAF pour répondre à ces graves accusations. Dans la soirée du 12 novembre, Vladim Zelitchenok, le président de la fédération russe, avait envoyé le rapport demandé lundi par l’IAAF. Si le directeur du laboratoire antidopage de Moscou, Grigori Rod- chenkov, a démissionné, mardi 10 novembre, les Russes avaient répété ces derniers jours leur souhait qu’il n’y ait pas de sanction collective. Mercredi 11 novembre, le président Vladimir Poutine, qui intervenait pour la première fois publiquement sur le sujet, avait tenu à démentir toute responsabilité de l’Etat dans le scandale de dopage qui touche son pays. « En même temps, si nous arrivons à la conclusion que quelqu’un doit être responsable [du dopage], la responsabilité doit être personnifiée. (…) La responsabilité doit toujours être personnelle », avait-il déclaré. Il n’a visiblement pas été entendu. Avant le vote de vendredi, le ministre des sports, Vitali Moutko, avait indiqué que la Russie ne prévoyait « pas le moindre boycott », en cas de suspension des athlètes russes, et que son pays accepterait « n’importe quelle mesure ». D’autres fédérations visées ? Au-delà de cette décision à l’égard de la Russie, l’IAAF est très loin d’en avoir fini avec les scandales liés au dopage. L’instance pourrait bientôt avoir à sanctionner d’autres fédérations nationales touchées par des problèmes de dopage généralisé. « Il semble plutôt clair (…) que le Kenya a un vrai problème. Et cela a pris beaucoup de temps pour reconnaître qu’il y en avait un », a expliqué le président de la commission indépendante, le Canadien Dick Pound, lors de sa conférence de presse lundi. Un autre rapport est par ailleurs attendu d’ici à la fin de l’année. La commission indépendante de l’AMA s’est saisie, début août, des révélations de la chaîne allemande ARD et de l’hebdomadaire britannique The Sunday Times qui faisaient état d’une liste de plus de 12 000 tests sanguins effectués sur plus de 5 000 athlètes, entre 2001 et 2012, et parmi lesquels 800 sportifs avec des « valeurs suspectes ou hautement suspectes ». Mais c’est bien la Russie qui pourrait être l’épine la plus douloureuse pour la fédération internationale. Deux de ses anciens dirigeants, l’ex-président Lamine Diack et l’ancien responsable de l’antidopage, Gabriel Dollé, ont été mis en examen par le juge Renaud Van Ryumbeke, début novembre, pour corruption, tout comme Habib Cissé, conseiller juridique de M. Diack. Ils sont soupçonnés d’avoir touché de l’argent de l’ARAF pour cacher des cas de dopage. Une dossier sur lequel la commission de l’AMA n’a pas souhaité communiquer pour l’instant, afin de ne pas perturber l’avancement de l’information judiciaire ouverte le 1er octobre par le parquet national financier. p yann bouchez Ce dimanche à 12h10 ALIZA BIN-NOUN Ambassadrice d’Israël en France répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE), Sophie Malibeaux (RFI), Christophe Ayad (Le Monde). Diffusion sur les 9 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr 0123 france | 5 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Primes de la police: Claude Guéant lourdement condamné Deux ans de prison avec sursis, 75 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction de fonction publique pour l’ex-bras droit de Nicolas Sarkozy suite de la première page Les juges relèvent que le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur « n’est pas fonctionnaire de police, ni officier de police judiciaire, ni informateur, et dispose d’une enveloppe de remboursement de frais par le cabinet ministériel ». Plus cruelles encore sont les phrases qui motivent la peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis et 75 000 euros d’amende prononcée contre Claude Guéant. « La question de la peine, et du sens de cette peine, dans le cadre d’une décision de justice rendue au nom du peuple français prend une portée singulière en matière de détournement de fonds publics commis par un des plus hauts personnages de l’Etat et ayant par la suite exercé d’éminentes fonctions politiques », écrivent les juges. « Eu égard à la gravité exceptionnelle de l’atteinte portée à l’ordre public par [ses] agissements, la question d’une éventuelle peine d’emprisonnement ferme ne semble pouvoir être éludée », poursuivent-ils avant d’expliquer que l’âge du prévenu, 70 ans, son casier judiciaire vierge et l’ancienneté des faits, « ne rendent pas nécessaire » sa condamnation à de la prison ferme. La question a donc été au moins envisagée. Le souligner n’est évidemment pas anodin. Mais pour l’ancien préfet de la République, la vraie sanction apparaît dans la peine complémen- Claude Guéant n’a « pas cherché à rétablir une certaine transparence », estiment les juges taire de cinq ans d’interdiction d’exercice de toute fonction publique retenue par les juges. Ils la justifient en observant qu’à l’audience, Claude Guéant n’a « pas cherché à assumer une quelconque part de responsabilité et à rétablir une certaine transparence concernant les pratiques opaques qui lui sont reprochées ». Au contraire, relèvent-ils, il a toujours affirmé n’avoir rien commis d’irrégulier, concédant seulement : « Je ne le referais pas, compte tenu des ennuis judiciaires. » Une attitude qui, pour le tribunal, témoigne « d’une certaine indécence », d’un « mépris assumé de la loi » et d’une « résistance déterminée à la modernisation de la gestion publique ». Quel contraste avec le ton employé à l’égard de Michel Gaudin, qui est pourtant considéré, en droit, comme l’auteur principal du délit de détournement de fonds publics. Lui aussi est reconnu coupable mais chaque attendu du jugement semble avoir été rédigé pour adoucir la peine symbolique de dix mois d’emprisonnement avec sursis prononcée contre lui. Après avoir insisté sur le fait qu’il « ne s’est pas enrichi personnellement », le tribunal estime que l’ancien DGPN, hiérarchiquement soumis au directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, a agi « par fidélité, proximité amicale, professionnelle ou politique » en acceptant de verser des fonds à Claude Guéant, tout en sachant que l’usage qui en serait fait n’était pas conforme aux textes. « Arrière, Satan » « Il a aussi agi au mépris, manifestement, de ses propres valeurs puisqu’il n’est pas contesté qu’il a, dans ses fonctions successives au sein du ministère de l’intérieur, œuvré pour une plus saine gestion des deniers publics et l’amélioration des conditions et des moyens d’exercice de l’action des forces de police », indiquent les juges, qui poussent l’hommage – et l’ironie – jusqu’à rappeler que Michel Gaudin est celui qui, à la direction générale de la police nationale, a mis fin à l’utilisation des fonds destinés aux frais d’enquête et de surveillance comme rémunérations complémentaires en vertu d’une note rédigée, des années plus tôt, par… Claude Guéant. « Les faits dont il a été reconnu coupable apparaissent ainsi comme un acte détachable de l’ensemble de sa carrière, qui ne remet pas en cause les qualités et l’enga- gement de Michel Gaudin au service de l’Etat, dont plusieurs hauts responsables de la hiérarchie policière sont venus témoigner avec conviction à la barre du tribunal », précise le jugement. Le tribunal prononce enfin des peines de six à huit mois d’emprisonnement avec sursis assorties d’amendes de 20 000 à 40 000 euros, contre les trois autres prévenus, Michel Camux, Gérard Moisselin et Daniel Canepa, qui ont perçu des primes en espèces en qualité de membres du cabinet. Ultime brûlure à l’intention de Claude Guéant, le jugement évoque longuement la déposition de Gérard Moisselin, le seul des trois anciens préfets à avoir « osé » interroger le directeur du cabinet sur la régularité de ces versements. A la présidente qui s’étonnait de la « facilité » avec laquelle il avait accepté l’enveloppe que lui tendait Claude Guéant, Gérard Moisselin avait répliqué, agacé : « Mais vous auriez voulu quoi ? Que d’un geste noble, je lui renvoie son enveloppe à la figure en criant : “Arrière, Satan” ? » Claude Guéant et les trois anciens membres de son cabinet sont en outre condamnés solidairement à verser à l’Etat 210 000 euros de dommages et intérêts, soit le montant des sommes qu’il leur est reproché d’avoir détournées. L’ancien ministre de l’intérieur a annoncé qu’il faisait appel du jugement. p 8 6' 2+&2 7 6:(:"4'4 8 /12/%7*&''/) 7 (. 24&4"0 .&2+4*&: 8 %6*!!5'7 7 !!!!! (. $4"*!*.& 8 "/(5"#653)/ 7 (4 2"%*1 8 *(%)5253)/ 7 pascale robert-diard '4"*.#2(4*". 8 2+/.$0,864"/ 7 Des réfugiés syriens enfermés dans des centres de rétention administrative !!!! )00 La Cimade a recensé 139 Syriens sur les 803 migrants éloignés de Calais et placés en rétention 8 4*"76&!/ 7 (. -*,4"% mandé que les Syriens de Calais ne soient pas arrêtés arbitrairement comme les Afghans ou les Soudanais, et mis en rétention puisqu’ils ne peuvent être renvoyés. Et pourtant, la citation résiste mal aux faits. Depuis le 21 octobre, la Cimade a comptabilisé 139 Syriens parmi les 803 migrants placés en rétention pour les éloigner du bidonville de Calais. « Les dix premiers jours, les personnes enfermées comptaient 25 % de Syriens, aujourd’hui on est à 17 % », observe-t-on à la Cimade. Sur ces 139, 29 ont été enfermés à Nîmes, 32 au Mesnil-Amelot (près de Roissy), 30 à Toulouse, 14 à Metz, 11 à Marseille, 6 à Rouen et 17 à Vincennes. Grève de la faim C’est dans ce dernier lieu, dans le Val-de-Marne, que la sénatrice (EELV) Esther Benbassa s’est rendue le 10 novembre. Elle y confirme bel et bien la présence de ressortissants de ce pays et d’autres pays en guerre, qui ne devraient Calais : condamné, l’Etat fait appel L’Etat a fait appel de sa condamnation à réaliser des aménagements sanitaires à Calais, où vivent 4 500 migrants dans des conditions insalubres. Saisi par Médecins du monde et le Secours catholique, le tribunal administratif de Lille avait constaté une « atteinte grave et manifestement illégale » au droit des migrants « à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants ». Pour le ministre de l’intérieur, l’Etat n’a ni « le pouvoir ni le devoir d’installer des équipements de première nécessité » sur un site occupé illégalement, et « toute autre interprétation conduirait à la définition d’une obligation juridique pour l’Etat d’aménager les campements sauvages ». L’audience se tiendra jeudi 19 novembre devant le conseil d’Etat. Les ressortissants de pays en guerre ne devraient pas être dans ces centres, puisque la France ne peut pas les renvoyer donc pas être là puisque la France ne peut pas les renvoyer. « Vendredi 13 novembre, il y avait encore 3 Syriens – arrêtés à Paris gare du Nord ou de l’Est –, 18 Irakiens, 2 Soudanais et 18 Afghans à Vincennes, préciset-elle. Un petit groupe a même entamé une grève de la faim. Car ces gens ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils veulent rejoindre leur famille en Grande-Bretagne et on les amène là. » Ces enfermements sont une des facettes du dispositif pensé par M. Cazeneuve pour désengorger Calais. Un dispositif massif qui a du mal à faire le distinguo entre les nationalités. Ses mesures annoncées le 21 octobre font coexister un éloignement consenti de ceux qui le souhaitent vers des hébergements situés aux quatre coins de la France avec des arrestations arbitraires suivies d’un départ en centre de rétention. Les 803 arrestations arbitraires devant la gare de Calais ou en centreville qui ont été suivies d’un transfert en bus ou en avion vers sept centres de rétention répartis sur tout le territoire. Qualifiée de « politique de gribouille » par un haut fonctionnaire, cette pratique se solde par un gâchis d’argent public et un brouillage politique. A l’heure où le gouvernement fait voter une loi sur les titres de séjours rappelant que la privation de liberté doit rester exceptionnelle, il use et abuse de la formule. Et ce, même si plus de 97 % des personnes arrêtées à Calais sont remises en liberté par les juges au bout de cinq jours, voire avant, lorsque l’erreur de « casting » est trop manifeste. Dans l’entourage du ministre, on explique que ces personnes « ne disposaient sans doute pas de papiers prouvant leur nationalité. Sinon, ils ne se seraient pas retrouvés là ». Pas vraiment : au CRA du Mesnil-Amelot, au moins 5 des 32 Syriens venus de Calais ont pu prouver leur identité par une carte d’identité et/ou un passeport. Et plus globalement, les 139 « Syriens » dont la nationalité est contestée par le ministère ont été enregistrés comme tels par les préfectures… « Les gens que j’ai rencontrés sont écœurés de l’attitude de la France. L’un d’eux m’a dit droit dans les yeux que lorsqu’il aura refait sa vie, il ne remettra jamais les pieds en France. Et même s’il devient riche, il ne dépensera jamais un centime ici », confie Esther Benbassa. D’autres pourraient bientôt nourrir le même ressentiment puisque le CRA de Vincennes attend de nouvelles arrivées les 15, 21 et 26 novembre. p maryline baumard 8 (5-*!7"5) 7 34"*.6/ 8 *'0*!%/'!53)/ 7 !!!!! !650*% 2*&: (*3. le fils de saul UN FILM DE LÁSZLÓ NEMES ACTUELLEMENT Design : Benjamin Seznec / TROIKA L a France mènerait-elle une double politique à l’égard des Syriens ? Côté pile, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, conduit une opération de séduction et d’accueil, depuis l’annonce par le chef de l’Etat que 30 000 trouveront place dans l’Hexagone avant fin 2016. Côté face, ce même ministère de l’intérieur enferme en centres de rétention administrative (CRA) des Syriens arrêtés arbitrairement à Paris ou Calais, à qui a été notifiée une « obligation de quitter le territoire », impossible à mettre en œuvre vers un pays en guerre. Difficile à assumer, ce brouillage a été clarifié par le ministre de l’intérieur. Ce dernier a rappelé dans un entretien accordé à Libération, jeudi 12 novembre, avoir « donné des instructions précises pour que ne soient pas éloignés à partir de Calais vers des centres de rétention des migrants dont nous connaissons la nationalité et dont nous savons qu’ils ne sont pas éloignables ». En clair, il dit avoir de- Offre automnale sur les canapés Caroline (L210 x H96 x P90) et Space (L205 x H90 x P85 ) 50 coloris de tissus au choix Design & fabrication italienne La qualité italienne à 1990€* VÊTEMENTS si! 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Prix hors livraison. economie & entreprise | 7 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 La croissance de la zone euro en manque de ressort Au troisième trimestre, le produit intérieur brut de l’union monétaire a progressé de 0,3 % L’Europe déçoit FINLANDE Evolution du PIB au 3e trimestre 2015, en % ESTONIE PAYS-BAS LETTONIE BELG. LITUANIE De 0,7 à 1,4 ROYAUME-UNI POLOGNE De 0,2 à 0,6 ALLEMAGNE R. TCHÈQUE De 0,1 à – 0,6 SLOVAQUIE FRANCE Données non disponibles AUTRICHE HONGRIE PORTUGAL Zone euro : 0,3 % ROUMANIE BULGARIE ITALIE GRÈCE C’ est moins que ce que les économistes espéraient, mais ce n’est pas non plus une catastrophe. Au troisième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a progressé de 0,3 %, contre 0,4 % sur les trois précédents mois. Par rapport au troisième trimestre 2014, la hausse est de 1,6 % en rythme annuel. « La reprise se poursuit mais sans ampleur », résume JeanLouis Mourier, économiste chez Aurel BGC. « Comme souvent dans l’union monétaire, on peut voir la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, ajoute Maxime Sbaihi, économiste à Bloomberg. « Les optimistes diront que la croissance européenne tient bon malgré le ralentissement chinois, tandis que les pessimistes la jugeront décevante. » La consommation résiste en France, Italie, Espagne et Allemagne Si la croissance allemande a un peu ralenti (0,3 %, après 0,4 % au deuxième trimestre), la France, elle, a plutôt rassuré (0,3 % après 0 %). A première vue, le PIB italien, en hausse de 0,2 % seulement, est quant à lui plutôt décevant. « Il confirme néanmoins que le pays est enfin sorti de trois longues années de récession », ESPAGNE L’investissement des entreprises repartira-t-il enfin ? Rien n’est moins sûr, tant il est fragile en France, en Italie et en Allemagne CHYPRE Espagne Roumanie Pologne Grèce Portugal 1,4 1,5 1,5 1 0,9 1 1 0,5 0,8 0,5 T1 2015 T2 2015 – 0,5 T3 2015 T4 2014 T1 2015 tant il reste fragile en France (+ 0,7 % au troisième trimestre), Italie et Allemagne. Inquiétudes sur le Portugal, la Grèce, la Finlande et les PaysBas Quatre pays inquiètent particulièrement les économistes. La Grèce, d’abord. Au troisième trimestre, le PIB hellène a en effet reculé de 0,5 %, alors qu’il s’était maintenu à 0,4 % au deuxième trimestre. En cause ? La mise en place du contrôle des capitaux cet été, qui a particulièrement pénalisé le secteur bancaire et les PME grecques, déjà mal au point. Mais le tourisme, lui, a bien résisté. Le tourisme et les exportations tirent la reprise espagnole cilitée par la reprise du crédit ; des exportations fortes, grâce notamment à la bonne santé de l’automobile ; et un secteur touristique au beau fixe. Chômage élevé Selon le Fonds monétaire international, l’Espagne est le quatrième pays avec la croissance la plus forte de la zone euro, derrière l’Irlande, le Luxembourg et la Slovaquie. Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, qui a profité de la reprise pour appliquer une baisse de l’impôt sur le revenu, espère briguer un second mandat. Néanmoins, les signes de reprise ne semblent pas convaincre les électeurs, à en croire les sondages qui augurent une forte chute du PP. La précarisation des emplois, les baisses de salaires, la hausse de la TVA et T2 2015 Finlande autres mesures de rigueur, ont augmenté les inégalités sociales. Le chômage, bien qu’il ait baissé de près de cinq points en deux ans, reste très élevé avec 21,2 % des actifs à la recherche d’un emploi en Espagne. D’autre part, Bruxelles a mis en garde Madrid en octobre sur le risque de « non-conformité » de son déficit public par rapport aux objectifs fixés. Selon ses estimations, le déficit budgétaire espagnol dérapera de 0,3 point pour 2015 (à 4,5 %, contre 4,2 % prévus) et de 0,7 point en 2016 (à 3,5 %, contre les 2,8 % auxquels s’est engagé Madrid en 2013). Si ces estimations se confirment, l’Espagne pourrait ainsi être contrainte à réaliser 10 milliards d’euros d’économies en 2016. De quoi affecter la croissance. p sandrine morel (madrid, correspondance) 0 T3 2015 – 0,5 – 0,5 – 0,5 taillées des PIB ne sont pas encore disponibles, sauf pour la France », indique Luc Meier, chez Oxford Economics. Les derniers indicateurs de conjoncture laissent néanmoins penser que la consommation des ménages, soutenue par l’inflation faible, a bien résisté. Et a en partie compensé la baisse des échanges avec les pays émergents, dont la croissance ralentit. « La demande domestique tient bon dans ces pays, c’est encourageant, analyse M. Sbaihi. Mais la croissance devra trouver d’autres relais en 2016. » L’investissement des entreprises repartirat-il enfin ? Rien n’est moins sûr, Estonie 0,5 0,5 0,3 0,2 0 0 T4 2014 la croissance espagnole maintient sa courbe ascendante malgré une légère perte de vitesse. Au troisième trimestre, le PIB a augmenté de 0,8 %, après avoir crû de 0,9 % au premier trimestre et de 1 % au deuxième. Présentée comme le bon élève de l’Union européenne, après avoir appliqué une politique d’austérité sévère pour sortir de la crise, l’Espagne devrait terminer l’année avec une croissance deux fois plus forte que la moyenne européenne : 3,3 % selon les prévisions du gouvernement. Cette croissance est le principal argument de la précampagne du Parti populaire (PP) avant les élections législatives du 20 décembre. Elle est soutenue par la hausse de la consommation intérieure grâce à la création de plus de 540 000 emplois ces douze derniers mois ; une augmentation des investissements fa- Italie 1,5 0 nuance Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis AM. Une fois de plus, l’Espagne surpasse ses voisins, avec une croissance en hausse de 0,8 %. Un dynamisme qui tient en partie à un effet de rattrapage, après la profonde récession enregistrée par le pays (– 3,6 % en 2009). De fait, Madrid doit encore créer 3 millions d’emplois pour rattraper le niveau d’avant-crise. « Pour l’instant, les postes créés sont surtout des contrats précaires », détaille Denis Ferrand, directeur général de l’institut de conjoncture CoeRexecode. En moyenne, les quatre principales économies de la zone euro affichent donc une croissance qui se raffermit, même si elle reste très poussive. « Il est délicat d’en dire plus, car les composantes dé- France Allemagne Royaume-Uni SOURCE : EUROSTAT – 0,6 T4 2014 « Sans cela, les chiffres auraient pu être bien pires », estime Platon Monokroussos, chef économiste d’Eurobank, à Athènes. Autre maillon faible : le Portugal, qui affiche une croissance nulle au troisième trimestre. Jusqu’à cet été, Lisbonne était pourtant présentée comme le bon élève de l’austérité, appliquant les réformes exigées par ses partenaires européens sans rechigner. Mais le vote, le 10 novembre, d’une motion de censure du Parlement contre le gouvernement de centredroit, laisse aujourd’hui craindre que le pays entre dans une phase d’instabilité politique comparable à celle traversée par la Grèce ces derniers mois. « Malgré les efforts fournis, le Portugal n’a pas réussi à relancer franchement sa croissance », se désole M. Mourier. Au nord de l’Europe, la Finlande est elle aussi en mauvaise passe. Son PIB, qui avait péniblement progressé de 0,2 % au deuxième trimestre, a replongé de 0,6 % au troisième. Motif : la proximité commerciale du pays avec la Russie, qui a enregistré une récession de 4,1 % sur un an au troisième trimestre. Mais aussi, les déboires de ses deux industries phares, l’électronique et la filière bois. De même, les Pays-Bas déçoivent, avec une croissance de 0,1 % seulement au deuxième comme au troisième trimestre. « Là encore, il est délicat de poser un diagnostic avant de connaître les composantes détaillées de la crois- T1 2015 T2 2015 T3 2015 sance, mais il est probable que la Hollande soit elle aussi pénalisée par le ralentissement des pays émergents et du commerce mondial », avance Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes. La Banque centrale européenne (BCE) devrait prendre de nouvelles mesures Cette reprise fébrile relance, sans surprise, les spéculations sur d’éventuelles mesures d’assouplissement monétaire de la BCE. D’autant que l’inflation, qui est ressortie à 0 % dans l’union monétaire au mois d’octobre, est encore loin de la cible de 2 % de l’institut de Francfort. « Tout cela devrait l’inciter à en faire plus pour soutenir l’activité et tenter de relancer l’investissement des entreprises », juge M. Subran. Selon lui, la BCE pourrait décider, en décembre, d’augmenter de 60 milliards à 80 milliards d’euros mensuels le volume de ses rachats de dettes publiques et privées. Elle pourrait également baisser encore son taux de dépôts, de – 0,2 % à – 0,3 %. Une mesure de nature à tirer l’euro vers le bas face aux autres devises. Et donc, à soutenir les exportations européennes. Cela suffira-t-il ? C’est toute la question. Car certaines faiblesses de l’économie européenne, comme le niveau élevé de l’endettement et du chômage, ne pourront pas être réglées par la seule politique monétaire, aussi généreuse soit-elle… p marie charrel L’économie grecque se contracte de nouveau La consommation s’effondre et les entreprises manquent de liquidités pour relancer leurs activités athènes - correspondance R echute. Le produit intérieur brut (PIB) grec s’est contracté de 0,5 % au troisième trimestre a indiqué, vendredi 13 novembre, l’agence nationale des statistiques, Elstat. Ce plongeon de la croissance conforte les scénarios de ceux qui, comme la Commission européenne, prédisent que l’économie grecque, qui n’a émergé d’une longue période de récession de six ans qu’en 2014 (+ 0,7 %), devrait voir le PIB s’enfoncer à nouveau dans le rouge, avec une baisse anticipée à 1,4 % en 2015 et de 1,3 % en 2016. Moins pessimiste, le gouvernement grec estime, lui, que le pays devrait reprendre le chemin de la croissance dès le second semestre 2016. « A condition que la stabilité politique et sociale se maintienne », souligne l’économiste proche du parti centriste To Potami, George Pagoulatos. Il voit même dans les chiffres publiés vendredi des motifs de satisfaction. « Au moment du référendum en juillet, les créanciers du pays tablaient sur forte récession de 2,9 % ou 3 % au troisième trimestre, en raison notamment du contrôle des capitaux mis en place fin juin. Finalement, c’est moins, notamment parce que la saison touristique a été exceptionnelle. » Après plus de 21 millions de visiteurs en 2014, la Grèce a en effet atteint le chiffre record de 28 millions de touristes cette année. Relancer la machine Baisse des salaires et des retraites, hausse du chômage…. entre 2009 et 2015, la consommation intérieure, qui soutenait jusqu’alors le développement grec, s’effondre. « Pour survivre, j’ai licencié mon employé et je ne paie plus mes cotisations sociales », témoigne M. Georges, propriétaire d’un magasin de chaussures sur Ermou. En négociation avec l’Etat pour échelonner le remboursement de ses dettes, le commerçant ne souhaite pas donner son nom de famille. « L’instabilité politique de ces derniers mois a de nouveau freiné la consommation des ménages », explique Vassilis Korkidis, patron de la Fédération des commerçants grecs. « Sur les dix premiers jours de novembre, période de soldes, nous observons un recul de 15 % des ventes par rapport à la même période en 2014. Avec les nouvelles baisses de retraites et de salaires qui s’annoncent, les Grecs sont prudents. » Pour relancer la machine, les entrepreneurs grecs ont besoin de liquidités. « Il y a déjà eu deux recapitalisations des banques, mais cela ne s’est pas traduit par une amélioration de notre accès à l’emprunt. Nous espérons donc que se concrétise enfin la semaine prochaine la recapitalisation annoncée depuis des mois », précise M. Korkidis. Le 31 octobre, la Banque centrale européenne a estimé à 14,4 milliards d’euros au maximum les besoins en fonds propres des quatre banques systémiques grecques. « Le gouvernement devrait arriver à un accord avec les créanciers d’ici lundi 16 novembre, et débloquer ainsi le processus de recapitalisation dès la semaine prochaine », veut croire M. Pagoulatos. Au centre des discussions toujours, la manière de réduire le ni- veau des créances douteuses qui, en octobre 2015, s’élevaient à 107 milliards d’euros et représentent 52 % de l’ensemble des prêts. Une partie importante étant composée de prêts immobiliers, les créanciers font pression sur le gouvernement pour lever une série de mesures mises en place depuis la crise pour protéger les habitations principales de saisie et mise aux enchères. Le gouvernement grec résiste, convaincu qu’assurer un toit aux Grecs a largement participé à amortir les conséquences sociales de l’interminable crise dans laquelle est plongé le pays depuis maintenant six ans. p adéa guillot 8 | economie & entreprise 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 La régulation bancaire au menu du G20 d’Antalya En Turquie, un accord sur le niveau de fonds propres dont doivent se doter les banques pourrait être trouvé L a crise des réfugiés et la lutte contre le terrorisme, notamment à la suite des attentats de Paris, devraient occuper le devant de la scène à Antalya (Turquie), où devaient se retrouver, dimanche 15 et lundi 16 novembre, les chefs d’Etat et de gouvernement des 19 pays du G20, ainsi que le représentant de l’Union européenne (UE), pour le dernier sommet sous présidence de la Turquie. Un pays frontalier de la Syrie et frappé, lui aussi, le 10 octobre, par l’attentat le plus meurtrier de son histoire. Les questions économiques, qui ont fait l’objet de réunions officielles ou informelles en 2015, devraient rester reléguées au second plan. Même si le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui va céder la présidence du G20 (85 % de l’économie mondiale) à son homologue chinois, Xi Jinping, pourra se targuer de véritables avancées dans le domaine de la régulation financière et de la fiscalité. A deux semaines de l’ouverture de la conférence de Paris (COP21), les nombreux volets de la question climatique, qui avait émergé pour la première fois au G20 en 2014 à Brisbane (Australie), devraient être évoqués à Antalya, qu’il s’agisse des obligations qui s’imposeront aux Etats, de la nature du texte qui sera signé à Paris – accord ou traité ? –, de la réduction des subventions aux énergies fossiles que l’ONG Oxfam a chiffrées à 450 milliards de dollars (419,7 milliards d’euros), etc. Pour les régulateurs et les gouvernements qui s’efforcent, depuis 2008, d’empêcher les banques ou les assurances « too big to fail » – « trop grosses pour faire faillite » – de prendre des risques excessifs susceptibles d’entraîner des crises financières systémiques, Antalya fera date. Un accord devrait y être annoncé sur les exi- Si une banque a de grosses difficultés financières, ses actionnaires seront mis à contribution Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pourra se targuer de vraies avancées en matière de régulation financière. AFP gences minimales qui seront imposées aux banques en termes de fonds propres et de dettes susceptibles d’être dépréciés ou convertis en capital en cas de nécessité. Le futur TLAC (« total loss-absorbing capacity ») ou ratio de sécurité a été fixé, pour 2019, à 16 % des actifs pondérés par le risque et à 6 % des actifs non pondérés du risque, ces proportions respectives montant à 18 % et à 6,75 % en 2022. L’idée est que si une banque a de grosses difficultés financières, ses actionnai- res seront mis à contribution. Les discussions ont aussi progressé au sujet des assurances et d’autres institutions financières. Encadrer les prix de transfert Côté fiscalité, tout a été bouclé à Lima (Pérou) où s’est déroulé début octobre, en marge des assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, l’ultime G20 finances de la présidence turque qui a réuni, comme c’est l’usage, les « Dieselgate » : les Verts européens veulent une commission d’enquête L’ONG américaine à l’origine du scandale Volkswagen aurait été informée par des fonctionnaires européens, selon la presse allemande bruxelles - bureau européen C haque jour apporte son lot de révélations, plus ou moins avérées, sur l’affaire Volkswagen (VW). Vendredi 13 novembre, l’hebdomadaire allemand Wirtschaftswoche affirmait que l’ONG américaine ICCT, à l’origine de la découverte de la triche aux émissions de gaz polluants (les oxydes d’azote, NOx) du constructeur allemand, avait été informée par des fonctionnaires européens, « frustrés de l’inaction de la Commission européenne ». Le magazine s’appuie sur des déclarations que lui aurait faites Mary Nichols, patronne de l’agence californienne de protection de l’environnement (Carb). Contactée par l’AFP, vendredi, la Carb a toutefois assuré que cette citation était « inexacte » et a soutenu qu’elle n’avait jamais évoqué spécifiquement le cas de Volkswagen avec les autorités européennes. L’ONG ICCT a également nié, vendredi, avoir été alertée par des fonctionnaires européens... Tout comme la Commission, à Bruxelles, qui a fermement démenti. Pêche aux signatures Certes, l’institution savait, depuis au moins 2011, que les tests en laboratoire utilisés pour les homologations des véhicules en Europe minimisaient considérablement les émissions réelles en gaz polluants. Elle savait aussi que les constructeurs – pas seulement VW – « optimisaient » leurs véhicules en prévision de ces tests. Et elle n’est parvenue à définir de nouveaux tests – en conditions réelles, sur route –, qu’il y a trois semaines, tant les pays membres, à commencer par l’Allemagne, ont fait un lobbying efficace. En 4,84 MILLIONS C’est le nombre de véhicules Volkswagen vendus sur les dix premiers mois de l’année, en recul de 4,7 % par rapport à la même période 2014. Au niveau du groupe, 8,26 millions de véhicules ont été écoulés, en baisse de 1,7 %. Sur le mois d’octobre, les ventes de VW ont baissé de 5,3 %. Un premier effet du scandale des émissions de polluants ? C’est trop tôt pour le dire. Si l’Europe, les Etats-Unis et la Chine résistent, les marchés brésilien (- 34 %) et russe (- 39 %) sont en pleine dégringolade. Tous les constructeurs sont concernés. revanche, « nous n’avions pas connaissance, pas de preuve, de la fraude avec les logiciels tricheurs chez VW », a assuré, vendredi, une porte-parole de la Commission. En tout cas, les élus Verts du Parlement européen, qui militent pour la création d’une commission d’enquête au sein de l’hémicycle, en ont profité pour revenir à la charge, vendredi. Leur requête avait été repoussée, il y a quelques jours, par les chefs des principaux groupes politiques du Parlement. Les eurodéputés écologistes veulent contourner l’obstacle en allant à la pêche aux signatures : s’ils réussissent à convaincre au moins 188 autres élus européens, leur demande pourra être à nouveau plaidée. Elle serait alors difficile à refuser par la présidence du Parlement. Les eurodéputés ont un autre moyen d’agir pour corriger les failles dans la régulation européenne en la matière. Fin octobre, la Commission et les 28 Etats membres se sont mis d’accord, à huis clos, pour accorder aux constructeurs, pendant encore trois ans, des dépassements conséquents par rapport aux plafonds d’émissions de NOx réglementaires (210 %), lors des tests d’homologation. Le Parlement européen a trois mois, à compter de la notification officielle de cette décision, pour y opposer son veto... p cécile ducourtieux ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du groupe. Lesdits ministres ont adopté à l’unanimité le plan de lutte contre l’évasion fiscale mis au point par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Connu sous son acronyme anglais de BEPS, le projet de lutte contre l’érosion des bases d’imposition et le transfert de bénéfices a pour objectif de « réaligner l’imposition sur la substance économique et la création de F IN AN C ES Le président du Crédit mutuel Arkéa s’alarme Dans une lettre adressée vendredi 13 novembre aux 9 000 salariés de son groupe, le président du Crédit mutuel Arkéa (CMA), Jean-Pierre Denis, indique redouter une « cascade de destructions d’emplois » si son organe central, la Confédération nationale du Crédit mutuel, menait à bien son projet de réforme de ses statuts. J UST IC E Alstom : 772 millions de dollars d’amende pour corruption Alstom a été condamnée à payer 772,30 millions de dollars (717,40 millions d’euros) par la justice américaine pour des faits de corruption en Indonésie, en Arabie saoudite, en Egypte, au Bahamas et à Taïwan, a annoncé vendredi 13 novembre le ministère de la justice. – (AFP.) POLIT IQU E MON ÉTAI R E Selon le FMI, le yuan peut devenir l’une des monnaies de référence Le yuan chinois remplit les conditions requises pour rejoindre le panier des monnaies de référence du Fonds monétaire international (FMI), a indiqué, vendredi 13 novembre, Christine Lagarde, la directrice générale de l’institution. La décision sera prise le 30 novembre par le conseil d’administration du Fonds, qui se prononcera sur l’intégration de la monnaie chinoise aux Droits de tirage spéciaux du FMI, actuellement composés de quatre devises (dollar, euro, livre et yen). valeur, tout en empêchant la double imposition ». Parmi les 15 mesures du plan BEPS, qui représente, selon l’OCDE, « le premier remaniement d’importance des règles fiscales internationales depuis près d’un siècle », figure l’encadrement « des prix de transfert » utilisés par les multinationales pour exporter leurs profits vers les territoires à fiscalité nulle ou faible. Les autres mesures mises en œuvre par tous sont : l’échange automatique des « ru- lings », ces accords fiscaux consentis par des Etats aux multinationales étrangères ; la localisation des « boîtes à brevets » (régimes fiscaux privilégiés) là où se trouvent leurs chercheurs ; l’obligation pour les entreprises de déclarer leurs activités pays par pays... En matière de croissance, le plan d’action d’Antalya devrait être des plus modestes. Les dirigeants du G20 s’étaient engagés à Brisbane à stimuler la croissance et à prendre des initiatives, notamment en matière d’infrastructures, susceptibles de relever de 2,1 % leur PIB cumulé. Cet objectif n’a pas été atteint, compte tenu du ralentissement général, et le G20 devrait l’admettre mais discrètement. Le sommet du G20 prendra acte de la nécessité de soutenir par des mesures supplémentaires, variant d’un pays à l’autre, une croissance « beaucoup plus faible » que prévu. A l’évidence, cet agenda s’imposera et s’impose déjà à la Chine. A deux semaines d’un conseil d’administration du FMI, qui devrait donner son feu vert à l’entrée du yuan dans le panier de devises constituant les droits de tirage spéciaux (DTS), les chefs d’Etat et de gouvernement devraient redire qu’ils sont attachés à ce que cet actif de réserve international reflète l’état de l’économie mondiale. Une manière de soutenir les Chinois mais sans forcer la main du FMI. p claire guélaud L’HISTOIRE DU JOUR Effectifs rétrécis pour les tee-shirts Little Marcel L a marque de vêtements et accessoires pour enfants Little Marcel va voir ses effectifs rétrécir comme un pull de laine dans une machine à 90 degrés : 80 licenciements ont été annoncés au personnel, sur un total de 121 salariés. Les tee-shirts aux petites rayures multicolores sur fonds noir, ornées du nom de la marque écrite à la manière d’un écolier, ne faisaient plus assez recette. Joint vendredi 13 novembre, Eric Schieven, cofondateur de cette PME créée il y a dix ans au Grau-du-Roi (Gard), assure que le déficit s’est creusé depuis deux ans « en raison de la mauvaise conjoncture économique, de la baisse de la consommation de vêtements et de l’impossibilité de réviser à la baisse les loyers, beaucoup trop élevés, dans quinze centres commerciaux dans le Nord de la France et cinq dans le Sud ». A ses yeux, c’est ce qui a plombé les comptes. Bien plus, selon lui, que la construction du nouveau siège social de l’entreprise, à AiguesMortes, pour 3 millions d’euros. Ou enLE PROCÈS PERDU core les coûteux procès perdus contre CONTRE SONIA RYKIEL Sonia Rykiel, qui l’accusait d’avoir plagié ses rayures, et avait tout de même A DÉLESTÉ délesté la trésorerie de Little Marcel de plus de 500 000 euros. LA MARQUE DE PLUS DE 500 000 EUROS Aucun repreneur solide De façon pour le moins inhabituelle, c’est la maison mère Mark Holding qui va reprendre sa filiale, KLS, le licencié textile de Little Marcel, mis sous procédure de sauvegarde dès le 5 juin. La cessation des paiements a été constatée le 22 juillet, mais aucun repreneur solide ne s’est présenté. « C’est pour éviter que les activités textile ne soient purement et simplement liquidées que l’offre de Mark Holding – qui gère aussi les licences de papeterie, bijouterie et linge de maison – a été choisie par le tribunal de commerce de Nîmes », explique Jean-Pascal Pellegrin, l’avocat de Mark Holding. Pour que l’opération soit possible juridiquement, Little Marcel a été placé en redressement judiciaire le 28 juillet. Le représentant des salariés, Loïc Bertrand, a apporté son soutien à cette solution, même si la reprise de l’entreprise par les mêmes actionnaires revient à licencier deux tiers du personnel. M. Schieven plaide avoir déjà injecté 4 millions d’euros dans cette filiale, qui repartira sur de nouvelles bases, en ne conservant qu’une dizaine de boutiques. p nicole vulser bourses & monnaies | 9 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 PARIS FRANCFORT LONDRES – 3,54 % – 2,54 % – 3,71 % CAC 40 DAX 3 0 F TS E 10 0 EURO STOXX 50 NEW YORK NASDAQ TOKYO – 3,10 % – 3,71 – 4,26 % DOW JONES + 1,72 % NIKKEI 4 807,95 POINTS 10 708,40 POINTS 6 118,28 POINTS 3 360,65 POINTS 17 245,24 POINTS 4 927,88 POINTS 19 596,91 POINTS Les investisseurs temporisent avant un mois de décembre crucial Accros à l’action des banques centrales, les marchés pourraient déchanter si la croissance des entreprises n’accélère pas A près un mois et demi de hausse quasi continue, le CAC 40 a lâché du lest cette semaine, la réalité de la conjoncture économique se rappelant au bon souvenir des investisseurs. Lundi 9 novembre, l’Organisation de coopération et de développement économiques a de nouveau réduit ses prévisions de croissance mondiale pour 2015 et 2016 en soulignant la détérioration de la situation dans les pays émergents et celle du commerce mondial. Le même jour, en Chine, la publication d’une inflation en net ralentissement, signe d’une faible demande, a fait ressurgir les inquiétudes entourant la deuxième économie mondiale. Jeudi 12 novembre, ce sont des statistiques américaines (sur l’emploi et les stocks de pétrole) mitigées qui faisaient tanguer les marchés. Le lendemain, les chiffres de la maigre croissance en zone euro (+ 0,3 % au troisième trimestre) ajoutaient à la morosité ambiante. A l’arrivée, le CAC 40 a perdu 3,54 % en cinq séances. Bravant la fébrilité des investisseurs, le poids lourd de la gestion d’actifs Amundi a néanmoins réussi ses premiers pas à la Bourse de Paris à l’occasion de la plus grosse opération de l’année sur la cote. Et ce, malgré un contexte difficile sur le marché des introductions, le site de streaming musical Deezer ou le fabricant de cartes à puce Oberthur ayant reporté leur mise en Bourse. En dépit de cette opération, l’attentisme des marchés prévaut avant deux rendez-vous majeurs Des bénéfices artificiellement gonflés Une performance en trompe-l’œil. « Au troisième trimestre, les bénéfices par action des entreprises américaines sont, en moyenne, supérieurs aux attentes du marché, mais cela s’explique en partie par un artifice qui consiste à réduire le nombre d’actions », explique Bernard Aybran, directeur général délégué d’Invesco. Diminuer le nombre de titres en circulation permet, en effet, d’augmenter mécaniquement le bénéfice rapporté au nombre d’actions, cet indicateur scruté par les investisseurs. Or, les groupes américains ne s’en privent pas. « Cette année, les rachats d’actions des entreprises du Standard & Poor’s 500 devraient représenter 4 % de leur capitalisation boursière, contre 3,1 % en 2014 et 2,6 % en 2010 », note M. Aybran. Le bénéfice par action du S&P devrait donc limiter sa baisse à 0,6 % en 2015, lorsque les résultats réels reculeront de 4,6 %. en décembre : la réunion de la Banque centrale européenne (BCE), le 3, et celle de son homologue américaine quinze jours plus tard. A cette occasion, les deux institutions vont décider de politiques diamétralement opposées. Pour les économistes, il ne fait désormais guère de doute qu’après plusieurs mois d’hésitation, la Réserve fédérale américaine (Fed) relèvera ses taux : 70 % des professionnels interrogés s’attendent à ce changement de cap, selon une enquête publiée par Reuters mardi. L’attentisme des marchés prévaut avant deux rendez-vous majeurs : la réunion de la BCE, le 3 décembre, et celle de la Fed quinze jours après Une politique qui ne peut pas tout Cette décision, logique au regard du cycle de l’économie américaine, devrait entraîner quelques soubresauts avec un regain de volatilité sur les monnaies – l’euro va continuer de baisser face au dollar –, sur les taux, puis sur les actions. « Mais l’impact devrait rester limité sur les marchés et cette décision pourrait même être bien accueillie si Janet Yellen, la présidente de la Fed, confirme dans son discours que l’économie américaine s’améliore », explique Franz Wenzel, responsable de la stratégie d’investissement chez AXA IM. Les investisseurs devraient d’autant plus facilement digérer la nouvelle que, dans le même temps, la BCE devrait amplifier son action. Mario Draghi, son président, n’at-il pas une nouvelle fois déclaré, jeudi, que l’institution était prête à prendre des mesures supplémentaires pour soutenir les prix et l’activité dans la zone euro ? Une bonne nouvelle pour des marchés plus que jamais dépendants aux liquidités injectées par les banques centrales. « Entre l’action de la BCE et la progression attendue des bénéfices dans la zone euro, nous tablons sur une hausse des marchés européens de l’ordre de 5 % d’ici à la fin de l’année », avance M. Wenzel. Un gain appréciable, sachant que les indices réalisent déjà depuis janvier des parcours très honorables : le CAC 40 s’adjuge plus de 12 %, le Dax 9 %. Ajoutez à cela la hausse du Nasdaq aux Etats-Unis (près de 9 %) et ces performances peuvent même sembler déconnectées de la réalité au regard de l’environnement économique et de la croissance des entreprises. « Depuis août 2011, l’in- dice MSCI mondial a bondi de 60 %, lorsque, dans le même temps, les bénéfices ont progressé de seulement 10 %, abonde M. Wenzel. Il faut maintenant que la croissance des résultats prenne le relais, sinon les marchés seront sous pression. » Même son de cloche pour Laurent Denize, coresponsable des investissements chez Oddo Meriten Asset Management. « Malgré une conjonction d’éléments favorables – euro faible, chute du prix des matières premières, baisse des taux –, le rythme de progression des bénéfices a quelque peu déçu en Europe au troisième trimestre. Les résultats doivent désormais accélérer pour justifier les valorisations actuelles. Il faut aussi que les entreprises profitent de la faiblesse des taux pour se refinancer, investir et ainsi préparer la croissance future. » Car la politique accommodante des banques centrales n’est pas éternelle et surtout ne peut pas tout. « Si toute la politique de croissance de la zone euro repose sur les épaules de la BCE, alors cela va mal se finir », insistait Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, dans une interview au quotidien allemand Die Welt du 12 novembre. Cette mise en garde est certes destinée aux gouvernements européens, mais elle peut aussi s’appliquer aux investisseurs qui placent tous leurs espoirs dans l’action des banques centrales. p frédéric cazenave MATIÈRES PREMIÈRES TAUX & CHANGES La descente aux enfers du fer La délicate arme du taux négatif L es groupes miniers ont le moral dans les chaussettes. Les cours des métaux, comme celui du pétrole, poursuivent leur dégringolade. Le minerai de fer ne fait pas exception, s’enfonçant à des niveaux qu’il n’avait pas connus depuis 2009. La barre symbolique des 50 dollars la tonne, après un nouvel effondrement de 15 % en deux mois, vient d’être franchie. Vendredi 13 novembre, la tonne se négociait à 47,66 dollars. En janvier 2014, elle brillait à plus de 130 dollars. Une véritable descente aux enfers. Le diagnostic est connu. Tant que le dragon chinois était pris d’une boulimie de matières premières pour alimenter une croissance fulgurante, il faisait souffler un air chaud qui propulsait les cours vers des sommets. Les groupes miniers ont ouvert de nouveaux puits et fait tourner leurs excavatrices à pleine vitesse. L’empire du Milieu représentant à lui seul 60 % du commerce mondial du fer. Las. Le moteur chinois a brusquement décéléré. Chacun se retrouve en surcapacité et assiste au décrochage des prix. Les spéculateurs ont trouvé un autre motif d’inquiétude. Côté américain cette fois. L’anticipation d’une hausse des taux de la Réserve fédérale américaine, qui pourrait renforcer le dollar, contribue au pessimisme. Désastre meurtrier Dans ce contexte tendu, le drame brésilien a accru la pression. Jeudi 5 novembre, deux barrages retenant les eaux usées d’une mine de fer dans le Minas Gerais (sud-est) ont cédé. Un désastre meurtrier qui a enseveli une vaste zone sous Plongeon COURS DU FER, À NEW YORK, EN DOLLARS LA TONNE 133,33 47,66 10,39 – 64,6 % 2 JANVIER 2014 13 NOVEMBRE 2015 SOURCE : BLOOMBERG la boue et les déchets contaminés. Samarco, le propriétaire de la mine, a deux actionnaires de poids : l’anglo-australien BHP Billiton et le brésilien Vale. Les deux géants miniers sont désormais sur la sellette. Sous le poids du drame humain, environnemental et financier, les entreprises, dont la réputation risque d’être ternie durablement, ont dégringolé en Bourse. Leurs cours ont plongé de plus de 10 % depuis la catastrophe. La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a exigé de Samarco qu’il paie des indemnisations. Nul ne sait quand cette mine rouvrira. Elle a représenté 6 % de la production totale de minerai de fer de BHP Billiton en 2014. Avant le drame, celui-ci estimait à 247 millions de tonnes la quantité de métal qu’il souhaitait extraire en 2015-2016. Un volume en progression de près de 6 %. Vale, BHP Billiton ou son compatriote Rio Tinto n’ont pas réduit leur rythme d’extraction. Bien au contraire. En mars, alors que le quatrième acteur du marché, l’australien Fortescue Metals, avait incité ses concurrents à l’imiter et à mettre la pédale douce. Le trio de tête s’était engagé dans un bras de fer redoutable. Dans cette guerre des nerfs, les groupes miniers les plus solides, bénéficiant d’un prix de revient moindre, ne verraient pas d’un mauvais œil les rangs de la concurrence se dépeupler. Quitte à laisser plonger les cours. Sauf que, désormais, BHP et Vale vont devoir, malgré eux, lever le pied. p laurence girard L a Banque centrale européenne (BCE) s’apprête à prendre de nouvelles mesures pour lutter contre la faible inflation et soutenir la croissance de la zone euro. Mario Draghi, le président de l’institut de Francfort, l’a clairement laissé entendre jeudi 22 octobre. Il l’a encore répété le 12 novembre, devant le Parlement européen : la dynamique de l’inflation en zone euro s’est « affaiblie », a assuré M. Draghi. La politique monétaire, qui ne remplit pas son objectif, doit donc être « réexaminée ». Et, si la BCE le juge, de nouveau assouplie. L’institution pourrait ainsi augmenter le volume de ses rachats de dettes publiques et privées sur les marchés, aujourd’hui de 60 milliards d’euros par mois. Ou bien les prolonger au-delà de septembre 2016, comme envisagé. Autre option : baisser encore son taux de dépôt, pourtant déjà à – 0,2 %. Cette mesure équivaut à taxer les banques sur les liquidités excédentaires qu’elles laissent dans les coffres de la BCE. Les investisseurs découragés Objectif ? Le plus souvent, on avance qu’une telle mesure, en pénalisant les liquidités dormantes, est censée encourager les banques à augmenter leurs prêts aux ménages et aux entreprises. Pour savoir si cela fonctionne, il suffit de se pencher sur le cas des pays qui l’ont déjà appliquée. A savoir la Suède, qui a passé son taux de dépôt à – 0,25 % entre juillet 2009 et septembre 2010. Et, surtout le Danemark, qui a baissé le sien à – 0,2 % en juillet 2012 avant de le ramener à – 0,1 %. Dans les deux cas, l’effet sur les prêts a été peu concluant, jugent les économistes. De fait, l’objectif du taux de dépôt négatif est moins de relancer le crédit que d’agir sur le cours de la monnaie. En rendant les dépôts moins attractifs, le taux négatif décourage les investisseurs à placer leurs fonds dans le pays concerné. Ce qui fait baisser le cours de la devise en question. En réduisant encore son taux de dépôt, la BCE pourrait donc chercher à tirer l’euro vers le bas face au dollar. C’est d’ailleurs l’un de ses objectifs officieux depuis plusieurs mois. Le raisonnement de M. Draghi est le suivant : lorsque la monnaie unique chute, le prix des produits importés monte – en particulier ceux libellés en dollars. De quoi enrayer le risque d’une spirale déflationniste, ce phénomène délétère où, constatant la baisse des prix, les consommateurs reportent leurs achats pour profiter de tarifs encore plus bas dans le futur, sabordant ainsi la croissance au passage… L’ennui, c’est que le taux de dépôt négatif n’a pas que des avantages. Même si elles s’en défendent, rien n’interdit en effet aux banques de répercuter une partie de ce que leur coûte cette mesure sur leurs clients. Par exemple, en réduisant les taux d’intérêt rémunérant les différents produits d’épargne. De quoi inciter les particuliers, surtout ceux qui préparent leur retraite, à mettre encore plus de côté pour compenser. Et donc, à réduire leur consommation, ce qui n’est jamais bon pour la croissance. Résultat : les analystes de la banque Pictet estiment que la BCE ne choisira de baisser son taux de dépôt que si l’euro, aujourd’hui autour de 1,07 dollar, repasse au-dessus de la barre de 1,10 dollar. Réponse jeudi 3 décembre, lors de la prochaine réunion du conseil des gouverneurs de la BCE… p marie charrel LA SOCIÉTÉ DES LECTEURS DU « MONDE » 0,80€ COURS DE L'ACTION VENDREDI 13 NOVEMBRE Société des lecteurs du « Monde » 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tel. : 01 57 28 25 01 - [email protected] 10 | débats 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Cessons d’investir dans les énergies fossiles ! Alors que la menace climatique doit conduire l’industrie des combustibles à réorienter son activité vers le renouvelable, celle-ci extrait au contraire davantage de pétrole, de charbon et de gaz. Un autre modèle de développement est possible PARIS CLIMAT 2015 par tim jackson et thomas piketty C’est un moment rare et décisif dans l’histoire. La science, l’éthique et l’économie se rejoignent pour envoyer un signal très clair aux marchés : en amont de la COP21, les investisseurs responsables doivent désinvestir des énergies fossiles. Les décisions d’investissement sur le long terme doivent prendre en considération les externalités d’un modèle économique en conflit avec les réalités physiques. Malgré les événements climatiques extrêmes qui se déroulent en toile de fond, le capital continue de se déverser dans les projets d’exploration et d’exploitation d’énergie sale. Ces investissements sont des paris sur un futur dans lequel de vastes réserves de carbone potentielles pourraient être exploitées – un pari contre le bien public. D’un point de vue financier, de nombreux indicateurs montrent que les investissements dans les énergies fossiles présentent un risque significatif. Nous demandons aux investisseurs de reconnaître ce risque et d’opter pour des stratégies d’investissement compatibles avec le but de limiter le dérèglement climatique sous la barre des 2 °C, idéalement 1,5 °C. En amont de la COP21, la communauté financière a un rôle vital à jouer dans la transition vers une nouvelle économie, qui laisse les combustibles fossiles dans le sol. Le climat a déjà changé, atmosphériquement bien sûr, mais aussi politiquement, économiquement et socialement. LES PLUS GROS FONDS SOUVERAINS ONT TOUS EXPRIMÉ LEURS INQUIÉTUDES rienter son cœur d’activité vers les énergies renouvelables, celle-ci fait exactement l’inverse et redouble d’efforts pour extraire plus de charbon, de pétrole et de gaz. Le secteur énergétique s’est transformé, passant de projets à rendement élevé et à coût réduit à des projets à coût élevé, à haute intensité capitalistique, pariant ainsi des milliards sur le fait qu’on brûlerait ces combustibles sur le long terme. Pendant ce temps, la transition vers une énergie propre et décarbonée devient de plus en plus rentable. Ces évolutions récentes, tant politiques qu’économiques, sont poussées par un changement majeur dans le climat social. Le dérèglement climatique est désormais une préoccupation citoyenne. Il y a plus de combustibles fos- TRANSITION MAJEURE Les législations climatiques et les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre se sont imposés ces dernières années. Mais au moment où l’industrie des combustibles fossiles doit réo- 20 NOVEMBRE LANCEMENT DES PRIX DE L’INNOVATION SMART CITIES 9 H - 16 H • AUDITORIUM DU MONDE 80 bd Auguste-Blanqui, Paris 13e UNE JOURNÉE DE DÉBATS SUR LE THÈME : CLIMAT, LES VILLES SONT-ELLES LA SOLUTION ? 9 H - 10 H Introduction par Célia Blauel, adjointe à la Maire de Paris,Anne Hidalgo, chargée du développement durable, de l’environnement et de l’Eau, présidente d’Eau de Paris, suivie d’une conversation avec Saskia Sassen, professeur de sociologie à Columbia University et à la London School of Economics 10 H - 11 H Table ronde : Transformer la mobilité pour diminuer la pollution urbaine Albert Asséraf, directeur général stratégie de JC Decaux Sylvain Géron, directeur associé Polyconseil Marie-Hélène Massot, professeur à l’UPEC, spécialiste des mobilités urbaines Pierre Messulam, directeur général adjoint de SNCFTransilien Louis Treussard, directeur général de L’Atelier BNP Paribas Table ronde : Comment les villes peuvent-elles réduire la consommation d’énergie ? Michel Derdevet, membre du directoire et secrétaire général d’ERDF Quentin Martin-Laval, cofondateur d’Echy Marjorie Musy, directrice adjointe de l’Institut de recherche en sciences et techniques de la ville de Nantes Michel Salem-Sermanet, directeur général délégué d’Eficacity 14 H - 15 H 15 Face-à-face : Citoyens, maires, entrepreneurs : quels engagements pour le climat ? Emmanuel Desmaizières, directeur général UrbanEra® Nathalie Leboucher, directrice stratégie, innovation et développement du groupe RATP Matthieu Orphelin, vice-président de la Région Pays de la Loire, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot André Santini, député-maire (UDI) d’Issy-les-Moulineaux 15 H 15 - 16 H Conclusion : Que faire pour diminuer l'empreinte des villes ? Pierre Radanne, président de l’Association 4D Programme susceptible d’être modiié INSCRIPTION AU(X) DÉBAT(S) : lemondesmartcities.eventbrite.fr Partenaire principal : Partenaires : MONTRER LA VOIE Plus de 456 institutions se sont désormais engagées à désinvestir, le montant total des actifs cumulés de ces institutions s’élevant à 2 600 milliards de dollars (2 400 milliards d’euros). Nous encourageons la communauté des investisseurs à être les chefs de file d’une économie bas carbone, et à désinvestir des énergies fossiles. Le désinvestissement montre également la voie pour les engagements des gouvernements. Au G20, nous attendons d’eux qu’ils prennent des décisions efficaces pour arrêter toute subvention aux énergies fossiles. p ¶ Thomas Piketty est économiste, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur à l’Ecole d’économie de Paris. Il a notamment publié « Le Capital au XXIe siècle » (Seuil, 2013). Tim Jackson est un économiste britannique, professeur en développement durable à l’université de Surrey. Il a notamment publié « Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable » (Editions de Boeck, 2010). En Turquie, on muselle les chiens de garde de la démocratie Les prix de l’innovation 11 H 15 - 12 H 30 siles dans le sol que nous ne pouvons en brûler. Plus nous extrairons de charbon, de pétrole et de gaz, plus la catastrophe climatique sera inévitable. Voici la contradiction inhérente à l’industrie fossile. Un certain nombre d’investisseurs ont déjà entamé une transition majeure en désinvestissant des énergies fossiles. Les plus gros fonds souverains, tels que le fonds souverain de la Norvège, celui des Rockefeller Brothers, ou encore l’université de Californie, ont tous exprimé leurs inquiétudes quant aux risques liés aux investissements carbonés en ajustant leurs portefeuilles et en se séparant de leurs actifs dans les énergies fossiles. Alors que la presse mondiale suivra le G20 à Antalya, le pouvoir d’Erdogan bâillonne les journalistes turcs. Aux chefs d’Etat invités d’aider les partisans d’une information libre par christophe deloire et noam chomsky L es journalistes sont les « chiens de garde de la démocratie », selon la Cour européenne des droits de l’homme. Qui veut contrôler un pays sans être confronté aux critiques tente de museler les reporters. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est malheureusement passé maître pour étouffer les aboiements de la liberté. Tandis que des journalistes du monde entier affluent à Antalya pour couvrir le sommet du G20, nombre de leurs collègues turcs ne sont pas accrédités. Boycotter les médias d’opposition est devenu une habitude dans ce pays, 149e sur 180 au dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières. SPIRALE RÉPRESSIVE Quatre jours avant les élections législatives du 1er novembre, la police prenait d’assaut la rédaction du groupe Ipek et mettait fin en direct aux activités de deux quotidiens et de deux chaînes de télévision d’opposition. Une fois la direction reprise en main et 71 journalistes mis à pied, ces quatre titres ressuscitaient le 30 octobre avec une ligne éditoriale devenue progouvernementale jusqu’à la caricature : la photo du président Erdogan s’étalait en « une » des quotidiens Bugün et Millet, dont les gros titres respectifs étaient « Le président parmi le peuple » et « La Turquie unie ». De la parole officielle pur jus. C’est le journalisme qu’on assassine. La majorité absolue retrouvée par le parti AKP, au pouvoir depuis treize ans, ne freine pas la spirale répressive. Dès le lendemain du scrutin, deux journalistes étaient jetés en prison, accusés d’« incitation à la révolte armée contre l’Etat » à cause d’une couverture. Depuis, une trentaine de leurs collègues font déjà l’objet d’enquêtes pour « propagande terroriste » ou « insulte au président de la République », les chefs d’accusation les plus courants. Mardi 17 novembre s’ouvre le procès de 18 rédacteurs en chef et directeurs de publication, accusés de « propagande terroriste » pour une photo. Ils risquent sept ans et demi de prison. L’un de ces journalistes, Can Dündar, avait déjà personnellement été accusé d’« espionnage » par Recep Tayyip Erdogan, qui avait promis qu’« il ne s’en sortira[it] pas comme cela ». Son quotidien, Cumhuriyet, venait d’apporter la preuve que des camions affrétés par les services secrets turcs à destination de la Syrie étaient chargés d’armes. Les chefs d’Etat du G20 doivent prendre toute la mesure de la dangereuse dérive dans laquelle s’enfonce leur hôte. Tous ont besoin d’une Turquie stable, qui limite l’expansion du chaos syrien et garantisse la sécurité et la prospérité de son peuple. Pour ce faire, Ankara doit cesser d’alimenter les tensions, et pour cela, il est essentiel que les vérités puissent être dites. N’en déplaise au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, « rabâcher » à la Turquie ses violations de la liberté de la presse n’interdit pas de coopérer sur les problèmes d’intérêt commun. Au contraire, rouvrir l’espace du débat démocratique et favoriser le dialogue entre les différents segments de la société sont des conditions essentielles à la stabilisation du pays. La liberté de l’information fait partie de la solution. p Lire l’intégralité du texte sur Lemonde.fr ¶ Noam Chomsky est professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Christophe Deloire est secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) culture | 11 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 L’HISTOIRE DU JOUR « 4 » : des volailles en baskets, mais sans queue ni crête Johnny Hallyday, à nouveau libre dans sa tête Sur son nouvel album, « De l’amour », le rockeur renoue avec un engagement sociopolitique abandonné depuis belle lurette Deux sosies de l’idole flirtent avec le FN ticia avaient insisté sur le retour du chanteur à un engagement sociopolitique abandonné depuis belle lurette, depuis peutêtre Diego libre dans sa tête, une chanson écrite par Michel Berger pour s’insurger contre les dictatures sud-américaines, et dont Johnny Hallyday s’était emparé à la fin des années 1980. Jeanne Cherhal qui, comme beaucoup d’artistes de sa génération (elle a 37 ans), sait écrire des textes amoureux et ciselés, n’a pas su éviter l’écueil des poncifs. « Pour apaiser la peine/De tout un pays soulevé/Nous étions venus sans peur et sans haine », écritelle, ce qui, dans la voix d’Hallyday, sonne comme l’obligation d’une bonne action. Elle a cependant le mérite de poser dans le dernier vers la question qui fâche : « Que nous reste-t-il de ce dimanche de janvier ? » Une fracture insoupçonnée va-t-elle se creuser entre Johnny et certains de ses sosies ? Dans son dernier album, le chanteur consacre un de ses titres, La Valise ou le cercueil, au sort des réfugiés. Pour deux de ses admirateurs qui ont fait de leur ressemblance avec leur idole une activité à part entière, voilà qui est perturbant. Le premier, Johnny Rock (Denis Le Men), s’est affiché au côté de Florian Philippot, tête de liste du FN en Alsace-LorraineChampagne-Ardennes, début octobre. Le second, Jean-Claude Bader, est allé plus loin encore. Lui qui animait « en Johnny » certaines fêtes de l’UMP est passé avec armes et bagages au FN et figure désormais en quatrième place sur la liste frontiste dans le Bas-Rhin, toujours aux côtés de M. Philippot. « Désagraver » la situation Au rayon engagé, il y a mieux. Dans la peau de Mike Brown, par exemple, à propos du jeune AfroAméricain abattu par un policier blanc à Ferguson (Missouri) en 2014. L’auteur, Pierre-Dominique Burgaud, déjà présent sur Rester Vivant, écrit au cordeau ; il est servi par les arrangements très Nashville de Yodelice. On notera que ce dernier a une bonne L e 9 octobre, au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq (Nord), Johnny Hallyday avait créé la surprise en invitant sur scène le guitariste et chanteur Yodelice pour y interpréter De l’amour, un titre inédit, enlevé et rockabilly. C’était une façon astucieuse d’annoncer à son public, et à la presse dûment convoquée, la sortie d’un nouvel album. C’est chose faite, vendredi 13 novembre, un an presque jour pour jour après Rester vivant, objet de la tournée qui mène Johnny de ville en ville jusqu’au printemps 2016, et plus si affinités. Hallyday devrait pouvoir jongler avec ces productions parallèles sans trop d’efforts, la présence des guitares et de Yodelice assurant la continuité esthétique. Voici donc De l’amour, cinquantième album du rocker national, dix chansons dont les musiques ont été écrites par Yodelice (Maxim Nucci, 36 ans), plus un « ghost track », un titre caché en fin d’opus. Ce dernier s’appelle Voyageur clandestin et les paroles sont de la chanteuse Jeanne Cherhal, également auteure de Un dimanche de janvier, qui conclut officiellement l’album. L’une décrit les galères d’un travailleur immigré, l’autre la grande marche qui a suivi les attentats contre Charlie Hebdo et l’hypermarché casher, en janvier. Après le concert d’octobre, Johnny Hallyday et son épouse Lae- ‘‘ LA NOUVELLE PÉPITE DES FRÈRES LARRIEU ’’ TÉLÉRAMA PRIX DU JURY POUR LE MEILLEUR SCÉNARIO Un film de Arnaud et Jean-Marie LARRIEU Les plaisirs sont faits pour être partagés. LE 25 NOVEMBRE oreille, qu’il peut à l’occasion reproduire une ligne de basse entendue chez Kanye West et Jay Z, donner dans l’épure ou le pompeux, s’adapter à la légèreté d’une chanson twistée (De l’amour, paroles de Christophe Miossec) faite pour « désagraver » la situation présente (le terme est de Johnny). Pierre Jouishomme signe trois chansons, dont la frontale Valise ou cercueil, sur la crise des migrants, et Avant de frapper, cinématographique, à propos des tentations du djihad. C’est de belle facture, assez subtil pour être crédible. Et assez proche du personnage Hallyday pour ne pas y voir une tentation marketing. Hallyday est avant tout un interprète. Il doit trouver des auteurs-compositeurs qui l’habillent au mieux. C’est une sorte d’appel d’offres. Vincent Delerm y a répondu, et a troussé un joli portrait de la star, sa solitude, sa richesse, sa lassitude : « Le rondpoint à Châtellerault/Les néons café désert/un aquarium, un mégot/Mon visage sur un poster » et ce long fleuve d’ennui que serait la vie d’un chanteur si la musique ne le prenait pas tout entier. p véronique mortaigne De l’amour, de Johnny Halliday. 1 CD Warner Music. G A L E R I E VARIÉTÉ V INC ENT BIO UL ÈS Galerie Marie Hélène de La Forest Divonne Vincent Bioulès cherche la difficulté : non seulement il peint et dessine des paysages d’après le motif dans une époque où ce genre n’a plus guère cours, mais encore il se donne pour motifs la montagne Sainte-Victoire, le jardin à travers la fenêtre ou la mer au soleil. C’est se mesurer à Cézanne, Matisse, Seurat, Bonnard, Chabaud et quelques autres. L’exercice est donc passablement risqué. Mais Bioulès est possédé par une passion enragée pour la couleur. Elle lui fait tenter des accords de très forte intensité, l’attire du côté du monochrome, l’incite à simplifier les formes radicalement et, comme au temps – les années 1970 – où Bioulès, qui est né en 1938, était un peintre abstrait géométrique, les structures de la composition sont d’une résistance à toute épreuve. Elles maintiennent perceptible la présence de la nature même quand la stylisation est à son comble et quand la transposition chromatique invente un autre monde, où tout serait beaucoup plus lumineux et voluptueux que dans la réalité, particulièrement les jaunes et les bleus que le peintre aime à pousser à leur paroxysme. p philippe dagen Vincent Bioulès. Galerie Marie Hélène de La Forest Divonne, 12, rue des Beaux-Arts, Paris 6e. Tél. : 01-40-29-97-52. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures, jeudi jusqu’à 21 heures. Jusqu’au 21 novembre. galeriemhlfd. com THÉÂTRE montpellier - envoyée spéciale U n bar stylé, de l’ambiance, du monde : il fait bon se retrouver dans le hall de hTh (humain trop humain), le Centre dramatique national de Montpellier. Depuis qu’il en a pris la direction, le 1er janvier 2014, Rodrigo Garcia l’a rendu très vivant. Non sans susciter des polémiques : il doit faire front contre ceux qui lui reprochent de ne pas programmer de pièces du répertoire, et contre ceux qu’ulcère le traitement qu’il fait subir aux animaux dans ses pièces. En décembre 2014, il y a eu des manifestations, gentilles, quand Rodrigo Garcia a créé Flame, où l’on voyait un homard tué net, d’un coup de couteau, avant d’être grillé et mangé. Cette année, tout se passe bien avec les volailles qui participent à 4, la nouvelle création de Rodrigo Garcia, invitée à Paris par le Festival d’automne. Ces volailles portent des baskets colorées qui leur donnent une allure irUN HOMME JOUE AU résistible. Leur présence sur le plateau n’est pas plus insolite que celle TENNIS ET ENVOIE LA d’un savon de Marseille grand comme une baignoire, d’un micro, BALLE CONTRE UN d’une peau de chien ou de trois hommes et d’une femme. ÉCRAN, OÙ EST Le vivant et l’artificiel s’imbriquent REPRODUIT « L’ORId’une manière organique, et apparemment anarchique, dans ce 4 qui GINE DU MONDE » ne s’inscrit pas dans la lignée la plus DE GUSTAVE COURBET attendue des spectacles de l’HispanoArgentin. Il y a moins de références au quotidien, moins d’imprécations directes contre la société, moins de textes, et pas de narration, sinon celle que s’invente chaque spectateur. Eclatant dans sa forme, 4 reste souterrain dans ses intentions. Et, il faut le dire, décevant : on ne voit pas où Rodrigo Garcia veut en venir. Ou alors, on n’a rien compris. Le spectacle est un « work in progress », fait-on savoir au hTh. Il risque donc de n’être plus tout à fait le même à Nanterre-Amandiers qu’il était le 5, deux jours après sa création. Ce soir-là, à Montpellier, nous avons vu (dans le désordre du souvenir, et sans exhaustivité) : un homme qui jouait au tennis et envoyait la balle contre l’écran du fond de plateau, où le sexe de L’Origine du monde, de Gustave Courbet, reproduit en grand, prenait un coup à chaque balle ; deux fillettes maquillées et habillées comme des femmes à un concours de beauté, qui dansaient, sur des talons très hauts ; un homme arrosant au jet d’eau un couple englué dans le savon de Marseille… Il y eut aussi : des textes, sans lien avec les images, où l’on retrouvait des éclats de l’humour, de la colère et de la tendresse de Rodrigo Garcia ; de la musique, parfois en direct (guitare), souvent électrique ; et des acteurs, quatre fidèles de l’auteur et metteur en scène, talentueux, magnifiques d’insolence. Quand l’un d’eux, déguisé en samouraï, raconte longuement un souvenir d’enfance de Rodrigo Garcia, quelque chose s’apaise, dans le brouhaha du spectacle. Et l’on se dit que c’est peut-être de cela que 4 voudrait rendre compte : du brouhaha ambiant qui habite nos têtes, pauvres petites volailles métaphysiques que nous sommes. p brigitte salino « 4 », de et mis en scène par Rodrigo Garcia. Avec Gonzalo Cunill, Nuria Lloansi, Juan Loriente, Juan Navarro. Nanterre-Amandiers, 7, avenue Pablo-Picasso, Nanterre. Tél. : 01-46-14-70-00. Jusqu’au 22 novembre. Compilation 2CDS toutES lES pluS bEllES ChanSonS DE Sa CarrièrE réuniES DanS CE DoublE album inCluS lE titrE inéDit “mErCi” éCrit par mioSSEC En tournéE D’aDiEux DanS toutE la FranCE En 2015 / 2016 12 | télévisions 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction sur Canal+, et Olivier Wotling, directeur de l’unité de programme fiction au sein d’Arte France. MARC CHAUMEIL/DIVERGENCE POUR LE MONDE Succès français en série Les directeurs des fictions de Canal+, Fabrice de la Patellière, et d’Arte, Olivier Wotling, confrontent la ligne éditoriale de leurs chaînes respectives ENTRETIEN S i c’est à France Télévisions que l’on doit la contribution la plus importante à la fiction (elle représente près de 60 % du financement total apporté par les chaînes françaises), c’est indéniablement à Canal+ et Arte que l’on doit, depuis de nombreuses années, les tentatives les plus audacieuses et les réussites les plus marquantes dans le domaine de la création de séries originales. Or, la même semaine, chacune de ces deux chaînes propose sa série phare de la rentrée : Canal+ diffusera « Versailles » lundi 16 novembre, Arte « Occupied » jeudi 19. Des coproductions aux antipodes l’une de l’autre. Alors que « Versailles » a été écrite par des Anglo-Saxons, tournée en anglais, et revisite le patrimoine français, « Occupied » a été créée par deux scénaristes norvégiens, tournée dans la langue du pays et nous interroge sur notre capacité de résistance actuelle face à une invasion sans tanks ni coups de feu (la Russie prenant le pouvoir en Norvège, avec l’accord de l’Union européenne, pour son pétrole et son gaz). Voilà qui nous a amenés à réunir les patrons de la fiction de ces deux chaînes, pour mieux cerner la ligne éditoriale qu’ils impulsent et représentent, ainsi que les contraintes qui sont les leurs. L’un, Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction sur Canal+ depuis 2002, a lancé un rendez-vous sériel hebdomadaire et transformé la chaîne cryptée en une niche de créations originales. L’autre, Olivier Wotling, directeur de l’unité de programme fiction au sein d’Arte France, n’a pris ses fonctions que début 2015 et dispose d’un budget trois fois moindre que celui de son confrère. Après avoir longtemps cherché leurs marques, les séries françaises rivalisent-elles, désormais, avec les séries étrangères, notamment anglo-saxonnes ? Fabrice de la Patellière : Oui, je pense que les chaînes françaises ont fait énormément de progrès depuis quelques années. Nous avons comblé le fossé avec les AngloSaxons. Les séries françaises sont remarquées sur le marché international et font rayonner la production française. Mais il reste du chemin à faire pour arriver au degré de maîtrise des Américains, notamment en termes de budget et d’écriture. Ils possèdent une grande maturité dans ces deux domaines, tout en conservant un regard très critique sur la société. La compétition est dure, mais nous y arriverons. Rappelons qu’« Engrenages » a été la première de nos séries à être diffusée sur la BBC. A l’époque, cela faisait vingt ans qu’une chaîne anglaise n’avait pas diffusé une série française. Et, récemment, la série « Les Revenants » a été un véritable phénomène à l’international. Elle a été diffusée en Angleterre en version originale sous-titrée, les Américains en ont fait un remake. Depuis quelques années, il y a donc une véritable attention, une curiosité des profes- « Les séries françaises ont effectivement atteint une qualité dans l’écriture et dans la production » OLIVIER WOTLING directeur de l’unité de programme fiction à Arte France sionnels anglo-saxons pour la création française. Olivier Wotling : Les séries françaises ont effectivement atteint une qualité dans l’écriture et dans la production. Cela a contribué à changer le fond des projets et permis d’en améliorer l’exportation. Il existe aujourd’hui une grande effervescence chez les créateurs français. Ils se disent que c’est dans la série que l’on peut tenter des formes et exploiter des univers plus originaux. En revanche, je ne pense pas que l’on puisse parler de rivalité avec les séries anglosaxonnes. A Arte, nous ne jouons pas sur les mêmes terrains ni avec les mêmes sujets. Par ailleurs, lorsqu’on parle, en France, de séries américaines, il s’agit en fait d’une toute petite catégorie d’entre elles, pas de toutes celles des grands networks. « Versailles », une intrigue sans audace Il fut un formidable enjeu pour la monarchie française. L’ampleur du chantier du château de Versailles atteste de la volonté politique de Louis XIV de donner, au travers de l’architecture et des jardins, une image solaire de sa puissance. Or, la série de Canal+, « Versailles », réduit cette décision stratégique au caprice d’un roi de 28 ans fébrile et tourmenté, obsédé par des complots qui, s’ils furent réels durant son enfance, n’étaient plus que chimériques à la fin des années 1660, lorsque la série commence. Le pari réel de Louis XIV y perd donc force et pertinence. Certes, décors et costumes impressionnent, et l’on peut comprendre, à défaut d’y souscrire, que, pour voir sa série rayonner à l’international, Canal+ ait choisi l’anglais comme langue de tournage (avec une version doublée en français). Mais les ressorts narratifs, terriblement répétitifs, tout comme les archétypes de courtisans, caricaturaux à l’extrême, dénotent une telle paresse scénaristique et une si grande indifférence à l’information historique qu’elles risquent de décourager même les meilleures volontés. Si la relation entre Louis et son frère Philippe, faite d’attachement autant que de rivalité, se révèle d’une étonnante justesse (permettant de mesurer combien la rigueur aurait pu être payante), si la dimension carcérale que va prendre Versailles pour la cour y est fort bien rendue – le cas de Louise de La Vallière, qui ne peut partir vivre hors du palais tant que le roi ne l’y a pas autorisé en est exemplaire –, la vraie portée du projet pharaonique du roi se réduit ici, peu ou prou, au canevas d’un jeu vidéo première génération… Producteurs aguerris Dommage ! Le sujet autorisait toutes les audaces, toutes les dramatisations contemporaines. Mais rien n’approche, dans cette série, l’imagination d’un Dumas ou d’un Zévaco. Les inventions les plus criantes ne nourrissent pas le récit, le foisonnement de personnages empêche que l’on s’attache à l’un ou l’autre des ministres ou courtisans, et hors les scènes où intervient « Monsieur », frère du roi, l’ennui l’emporte, le plus souvent. Saluée pour être la série française la plus chère à ce jour, pour les 28 millions d’euros qu’a coûté cette première saison (une deuxième a été commandée), « Versailles » est pourtant portée par des producteurs aguerris (Capa Drama et Canal). Tout comme le sont, d’ailleurs, les auteurs anglo-saxons retenus pour écrire et diriger le scénario, Simon Mirren (« FBI Portés disparus », « Esprits criminels ») et David Wolstencroft (« MI-5 »). Peut-être « Versailles », de par son seul titre, attirera-t-il un public international nombreux, peut-être la série fera-t-elle recette à l’étranger, et on ne peut que le souhaiter pour Canal, mais elle s’avère en réalité si peu moderne et attachante que l’on a du mal à y croire. p philippe-jean catinchi et martine delahaye « Versailles », série créée par Simon Mirren et David Wolstencroft. Avec George Blagden, Alexander Vlahos, Amira Casar, Tygh Runyan, Dominique Blanc (Fr.-GB., 2015, 10 x 52 min). A partir de lundi 16 novembre, à 20 h 55 sur Canal+. Comment définiriez-vous la ligne éditoriale de vos chaînes ? F. de la P. : Pendant longtemps, à Canal, nous nous sommes distingués par des séries réalistes, sombres et violentes. On a contribué à renouveler le polar et le thriller. Aujourd’hui, nous souhaitons aller sur des terrains où l’on nous attend moins, en quittant un peu la réalité pour l’imaginaire et l’évasion, avec des personnages plus solaires. « Versailles » est un premier pas dans cette direction. Il restera toujours l’analyse et la réflexion, car nous avons besoin de sens, mais on l’accompagne d’une vraie jouissance, avec des personnages magnifiques. « Versailles » tranche complètement avec ce que l’on a déjà fait. Nous travaillons également sur les genres, en proposant de les revisiter, comme nous l’avons fait avec télévisions | 13 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 « Les Revenants » : science-fiction, western, romance, nous voulons être éclectiques. Nous disposons de 60 millions d’euros pour créer six à sept séries par an ainsi que deux ou trois coproductions internationales. Sur Canal, un épisode de 52 minutes d’une série française coûte environ un million d’euros, et se trouve multiplié par trois pour une coproduction internationale comme « Versailles ». Tout l’enjeu, pour nous, est d’occuper le terrain le plus possible et de faire des séries qui marquent. O.W. : Sur Arte, notre obsession éditoriale, c’est la singularité des projets. Cela se traduit par des sujets, des points de vue d’auteur forts, des angles, des univers visuels très différents. C’est un défi, avec nos vingt heures de productions françaises par an ! Notre budget est de 20 millions d’euros pour les séries et les unitaires français, et de 5 millions pour les pré-achats, achats et coproductions de séries étrangères. Il y a surtout le plaisir du récit et de la fiction. Notre public est plus attaché à la diversité et au renouvellement de nos univers qu’à une installation dans des séries longues. Notre programmation, depuis la rentrée, illustre bien cette démarche, avec « Ainsi soientils », « Au service de la France » et, demain, « Occupied ». En outre, nous sommes totalement européens, ce qui a une grande importance dans notre politique de coproductions et d’achats. Le but étant de monter le meilleur de la coproduction européenne. Si la Norvège était occupée... par les Russes l’histoire ne bégaie pas, mais elle peut parfois se télescoper avec la fiction. Ainsi, en mars 2014, peu de temps après le début du tournage dans le centre d’Oslo de la série d’anticipation « Occupied », qui raconte l’occupation de la Norvège par la Russie venue rouvrir le robinet du pétrole fermé par le gouvernement norvégien, des troupes prorusses occupaient une partie de la Crimée et Vladimir Poutine envoyait ses soldats à la frontière ukrainienne pour y maintenir l’ordre décidé par le Kremlin. Pour autant, ce télescopage n’a pas troublé l’équipe de la série qui, après courte réflexion, n’a modifié que quelques détails au scénario imaginé par l’écrivain Jo Nesbo, un des maîtres du polar scandinave. Une histoire qui raconte, en dix épisodes, comment les Norvégiens s’organisent et résistent (ou pas) face à l’occupation de leur territoire par les Russes qui, avec le soutien de l’Union européenne, veulent rétablir l’exploitation et les exportations de pétrole stoppées par le premier ministre norvégien, Jesper Berg (solide interprétation de l’acteur Henrik Mestad), fidèle à ses engagements écolos. L’occupation est qualifiée de « pacifique » par les maîtres du Kremlin, mais les Norvégiens savent que le véritable objectif des Russes est de mettre la main sur leurs ressources pétrolières pour en faire profiter les oligarques liés au pouvoir de Moscou. La guerre est-elle proche ? En coulisses, les alliances se nouent et les trahisons se dessinent… « Le diable allemand » « L’idée d’Occupied m’est venue bien avant que la Russie ne décide d’envahir l’Ukraine », explique Jo Nesbo, rencontré à Oslo en novembre 2014, sur le plateau du tournage de la série. « La guerre fait partie de mon histoire personnelle et c’est un matériau intéressant à exploiter pour un romancier », poursuit-il en précisant avoir grandi avec l’image du « diable allemand ». Il raconte qu’à l’âge de 15 ans, il a appris que son père, dont les parents étaient anticommunistes, avait décidé en 1940 de collaborer avec les nazis pour combattre l’Armée rouge à la frontière russe. « Un choc » pour l’écrivain, né en 1960, qui s’est trimballé ce traumatisme pendant de nombreuses années avant de coucher cette histoire sur le papier qui deviendra la trame de la série. « Je me suis souvent posé la question de savoir ce que notre génération aurait fait dans cette situation, dit-il. Il est très difficile de juger les engagements de cette époque. Que savaient-ils ? Et nous, que serions-nous prêts à sacrifier ? Comment devrait-on se révolter ? » Erik Skjoldbjærg, le « showrunner » de la série, n’apporte pas de réponses. Mais, à travers cette série ambitieuse et à la mise en scène impeccable, il s’interroge aussi sur l’avenir des sociétés démocratiques face au totalitarisme. « Nous avons voulu montrer que la rébellion serait difficile, car chacun aurait trop à défendre : sa famille, ses biens, son statut social, dit-il. L’histoire nous a montré que les gens se sont toujours montrés pragmatiques dans ces situations, qu’ils se sont adaptés, ont négocié avec l’occupant, et que seule une minorité a osé se soulever. » p d. p. « Occupied », série créée par Erik Skjoldbjærg. Avec Henrik Mestad, Eldar Skar, Vegar Hoel (Fr.-Scan., 2015, 10 × 45 min). A partir du jeudi 19 novembre, à 20 h 55, sur Arte. Rencontrez-vous des contraintes du fait de votre spécificité franco-allemande, à Arte ? O.W. : Non. Arte fonctionne avec une programmation commune entre la France et l’Allemagne, et est ouverte sur l’Europe. Concernant la coproduction franco-allemande, elle se fait très en amont, en partageant le point de vue des deux pays. Un exemple : nous travaillons en ce moment sur les migrants en Europe, avec un point de vue croisé dans l’écriture qui fait sens sur cette question. Nous ne sommes pas dans le franco-français, même si les facteurs culturels restent très forts. Pensez-vous que se crée une forme de culture européenne de la série ? F. de la P. : Oui, certainement. Il est évident que, pour développer nos séries internationales aujourd’hui, nous devons nous tourner vers des partenaires britanniques, italiens, espagnols ou suédois. Cet appétit pour la coproduction est partagé en Europe. Ce n’est pas une guerre contre les Etats-Unis, mais une manière de s’épauler dans un marché difficile. Nous avons une histoire riche, avec beaucoup de compétences et de talents. Lorsqu’on s’associe, il est possible de rassembler des moyens importants. L’Europe de la fiction fonctionne plutôt pas mal, en comparaison de l’Europe politique… O.W. : Je ne sais pas s’il y a une culture européenne de la série, il existe différentes visions européennes. C’est l’éventail de la diversité. Lorsque nous allons vers des coproductions internationales, nous sommes d’abord séduits par l’univers, la cohérence et l’identité locale du projet. F. de la P. : L’ancrage est très important. Il y a un désir partagé, chez les diffuseurs et les producteurs, de se réunir pour être plus forts, mais la difficulté reste de trouver des sujets qui parlent à des publics européens différents. C’est une démarche parfois com- Sondre Larsen (Stefan Christensen) dans la série « Occupied ». AKSEL JERMSTAD pliquée, si l’on ne veut pas tomber dans l’artificiel. Il y a eu « Tunnel », une idée de coproduction assez simple entre deux personnages et deux pays, mais on ne peut pas faire que ça. Il faut aussi s’aventurer sur notre histoire commune, qui parle beaucoup aux gens. Le public sent immédiatement si c’est authentique. C’est le cas avec « Versailles ». A la différence de ce qui se passe chez les Anglo-saxons, il faut souvent attendre, en France, le verdict de l’audience avant que les diffuseurs lancent une deuxième saison. Pourquoi une telle frilosité ? F. de la P. : Les choses changent ! Le lancement de nouvelles saisons est devenu un enjeu pour les chaînes. On ne peut plus hésiter longtemps entre deux saisons. Il y a trop de concurrence, et l’offre est trop importante. Le public passe assez rapidement à autre chose, il faut donc le retenir. Mais l’écriture étant souvent longue, il est parfois difficile d’enchaîner les saisons. Par exemple, pour la série « Le Bureau des légendes », le réalisateur Eric Rochant est venu nous voir avec l’ambition de proposer une nouvelle saison chaque année. Cela faisait partie du projet, et Canal s’est donné les moyens de le faire. C’est la même chose pour « Versailles », dont la deuxième saison est en cours de tournage alors que la première n’est pas encore diffusée. George Blagden (Louis XIV) et Alexia Giordano (Nymphe) dans la série « Versailles ». THIBAULT GRABHERR/TIBO ET ANOUCHKA/CAPA DRAMA/CANAL+ Est-il plus facile d’enchaîner les saisons en faisant des mini-séries bouclées en six ou huit épisodes ? F. de la P. : Oui, une mini-série permet d’aller chercher des talents, notamment les acteurs, qui s’engagent alors plus facilement que sur des saisons longues. « True Detective » fonctionne ainsi. Et cela nous permet aussi de créer des événements. O.W. : A partir du moment où l’on entre dans une saisonnalité, cela doit être un rendez-vous très rapproché. Sur Arte, la saisonnalité n’est pas du tout un enjeu en soi. Nous choisissons le format des mini-séries pour des raisons éditoriales – ce sont des séries d’auteur – mais aussi économiques : la saisonnalité implique une autre organisation du travail et des moyens très lourds, dont nous ne disposons pas. Cette discontinuité entre saisons tient-elle à un manque d’auteurs ? F. de la P. : Non, mais nous n’avons pas encore acquis le rythme des productions anglo-saxonnes. Les chaînes y ont leurs responsabilités. L’industrie anglo-saxonne oblige les auteurs à écrire vite. Aux EtatsUnis, on écrit pendant qu’on produit et qu’on diffuse : c’est un marathon à un rythme très soutenu. Les auteurs sont formés comme cela, dans les universités. Ils ont intégré cette donnée. En France, nous n’avons pas eu cette nécessité-là pendant longtemps. Les chaînes n’ont pas insisté pour avoir des séries tous les ans et, du coup, les auteurs n’ont pas eu l’occasion de s’entraîner et d’apprendre. Il y a des talents qui écrivent bien mais qui ont du mal à le faire vite. Il faut accélérer le processus de création. Pourtant, quand une chaîne le souhaite vraiment, elle sait monter une équipe pour une écriture plus rapide… F. de la P. : L’écriture étant quelque chose de complexe, il ne suffit pas de réunir huit scénaristes autour d’une table pour que ça marche. J’en reviens à l’exemple d’Eric Rochant : en plus de son talent d’auteur, il possède aussi celui de chef d’équipe. D’autres auteurs ou scénaristes en sont incapables. Il faut savoir diriger des auteurs, les faire travailler et reprendre leur travail. C’est un poste qui existe encore peu en France. De par son sujet, « Occupied » aurait pu être diffusé sur Canal+. En serait-il de même de « Versailles » sur Arte ? O.W. : Ces deux séries sont très différentes dans leur mode de production. « Versailles » est une initiative de Canal, et « Occupied » une coproduction initiée par la Norvège dans laquelle Arte est entrée. Concernant les coproductions françaises, nous sommes sur des projets disposant de moins de budget que ceux de Canal, et nous sommes attachés à la langue et la culture naturelle du projet. « Occupied », série norvégienne, parle norvégien, et une série française parle français. Sans compter que nous n’avons pas les mêmes contraintes. Pour être compétitives à l’international, les séries doivent-elles être tournées en anglais ? F. de la P. : Avant même de lancer « Versailles » s’est posé le problème de la langue. Nous avons décidé de tourner cette série en anglais pour augmenter son potentiel de ventes et qu’un distributeur mette davantage d’argent : c’est toujours le cas sur un projet produit en anglais. D’où, ensuite, le choix d’auteurs britanniques… qui avaient donc une sensibilité européenne. Les Britanniques ont, en plus, l’avantage de savoir ce qu’est une monarchie. On s’est donc amusé, avec leur regard décomplexé, autour du souverain le plus connu de la monarchie française. L’enjeu était de ne surtout pas faire une série historique conventionnelle, avec la figure imposante de Louis XIV. On le voulait jeune, fragile, héros de série moderne. Quelles sont les prochaines séries que vous préparez ? F. de la P. : Elles sont nombreuses et dans des genres différents. Olivier Marchal prépare une nouvelle série d’anticipation, « Section zéro », et nous diffuserons bientôt « Jour polaire », un polar suédois avec Leïla Bekhti. O.W. : Arte proposera bientôt « Trepalium », une formidable série d’anticipation sociale. Nous travaillons aussi sur un thriller, « Cannabis » (6 x 52 min), de Lucie Borleteau, dont Virginie Brac est coscénariste et Tonie Marshall la productrice, ainsi que sur des comédies (3 x 52 min). Par ailleurs, nous réfléchissons à un western moderne en en revisitant le genre. p propos recueillis par martine delahaye et daniel psenny 14 | télévisions 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 Laurent Goumarre installe son rendez-vous à la radio SÉLECTION RADIO M USIQUE Présent sur France Inter à 21 heures, le journaliste pourrait céder la présentation d’« Entrée libre » sur France 5 à Claire Chazal L aurent Goumarre aime bien se compliquer les choses. Après six ans passés à donner « RenDezVous » à 19 heures sur France Culture, c’est désormais sur France Inter à 21 heures qu’il convie ses invités. Mais son « Nouveau rendezvous » n’a pas grand-chose à voir avec le précédent. « Deux heures au lieu de cinquante minutes, c’est une autre histoire. J’avais l’impression que la machine fonctionnait très bien, je désirais cependant bousculer les choses », raconte cet ancien professeur reconverti dans le journalisme culturel et arrivé à la radio à la fin des années 1990. Il y a seize ans, c’était à Laure Adler, alors directrice de France Culture, qu’il avait proposé ses services pour une émission consacrée à la danse. Cette année, c’est Laurence Bloch, la directrice de France Inter, qu’il a contactée, lorsqu’il a appris que Pascale Clark libérait la tranche du début de soirée. Mais pas question de reprendre les habits d’interviewer qui lui vont si bien. C’est en animateur de débat qu’on le retrouve désormais. Ou plutôt en chef d’orchestre, qui fait parler ses invités avec des questions brèves, les lance avec de grands gestes et tape du pied quand il intervient. « Je voulais quelque chose de dynamique », indique-t-il. Le rythme ne nuit pas pour autant à la qualité de la discussion : chacun a le temps de développer ses arguments. De la réédition de Mein Kampf aux quotas de chansons françaises à la radio, les thèmes choisis peuvent être polémiques. Ou pas. Le soir de l’anniversaire de la mort de Louis XIV, il a ainsi consacré la première partie de l’émission à la façon dont le monarque est traité dans les livres. Cette première heure est ponctuée par la chronique de Julia Molkhou, sorte de revue de presse d’Internet et des médias étrangers. Elle est entrecoupée par un live introduit par Marion Guilbaud, déjà présente chez Pascale Clark. Et se termine par des « bon- Laurent Goumarre, le 31 août, à la Maison de la radio. GUILLAUME HERBAUT nes feuilles », un zoom sur une exposition, la question d’un musicien adressée à l’invité de la deuxième heure. C’est alors le moment pour Laurent Goumarre de retrouver un format qu’il apprécie particulièrement, celui de l’interview. Mais, là aussi, le journaliste a voulu pimenter un peu les choses. Déjà quelques ajustements Ce grand entretien se fait sur un tempo plus lent que la première partie. Il permet d’« apprendre des choses que l’on ne savait pas sur l’invité », insiste Laurent Goumarre. « Je travaille beaucoup les interviews, mais je me garde aussi des choses à découvrir. Je suis très attentif à ce que j’entends et je reste prêt à m’orienter vers des directions que je n’avais pas prévues au départ. » Enfin, lors du dernier quart d’heure, une personnalité met en lumière un aspect inattendu de l’invité. « Sans être “Sacrée soirée”, explique-t-il, c’est très compliqué à mettre en place, cela demande de préparer la confrontation. » Le nouveau rendez-vous de Laurent Goumarre n’a que trois mois d’existence, mais il semble déjà installé. Avant les premiers résultats d’audience à la mi-novembre, le journaliste a néanmoins opéré quelques ajustements. « Je ne subis pas une pression de fou, mais je me la mets car j’ai envie que cela soit écouté », admet-il, ajoutant : « Quand le cadre sera bien fixé, on fera tout péter pour faire une émission concert, par exemple. » Laurent Goumarre doit savoir que dans le monde bouillonnant des médias, rien n’est jamais acquis. Ainsi, sur France 5, il pourrait céder sa place de présentateur d’« Entrée libre », le « JT » culturel de la chaîne, à Claire Chazal. Même si, pour l’heure, France 5 n’a pas confirmé l’arrivée de l’ancienne star des journaux du week-end de TF1. p Une déambulation singulière à travers Paris saisie à travers la question du genre D Si Nedjma Bouaka et Christine Diger ont choisi pour cadre cette singulière déambulation dans Paris et sa proche banlieue, sans doute est-ce davantage par commodité que pour une quelconque spécificité de la capitale en la matière. Car que l’on se trouve à Lyon, Marseille ou Lille, l’assignation des rôles demeure immuable, comme le soulignent les deux auteurs : « Les femmes traversent la rue, mais ne s’y attardent pas, elles vont quelque part, tandis que les hommes occupent le terrain, s’y postent, y jouent, y sont invités. » Et ce, dès le plus jeune âge. A cet égard, il faut écouter ce que dit Nicole Abare, ancienne internationale de foot, sur les injonctions maternelles qui limitent la motricité des petites filles et leur capacité à traverser les espaces. Par et pour les hommes Des espaces urbains qui plus est construits, pensés par et pour les hommes. Il n’est qu’à s’arrêter sur un terrain de sport ou sur les aires de jeux et observer leurs différents équipements pour en prendre la mesure, ainsi que le souligne la géographe Marianne Maruejouls : « Quand on met en place de l’équipement public et qu’il est fréquenté par 2/3 des hommes et 1/3 de femmes, alors on doit se poser la question de savoir le dévoiement de cet équipement et pourquoi l’impôt n’est pas redistribué à égalité entre les filles et les garçons. Au-delà de la question de l’égalité, il y a la question du projet politique. (…) L’espace public est un espace de relation qui questionne la violence de la relation. » Si, au fil de cette déambulation éclairante bien qu’un peu brouillonne, la question de la MARDI 17 NOVEMBRE – FRANCE MUSIQUE – À PARTIR DE 7 HEURES. L ITTÉ RATUR E joël morio L’espace urbain, cadre masculin par excellence epuis une quinzaine d’années, les études sur le genre ont essaimé dans toutes les disciplines, que ce soit l’histoire, la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, le droit, jusqu’à l’architecture et l’urbanisme, battant en brèche l’idée selon laquelle la différence des sexes est d’ordre naturel, biologique. Et quoi de mieux pour se convaincre de cette hiérarchisation culturelle opérée par la société, que de s’offrir une balade dans une ville guidée par une sociologue, une ethno-urbaniste, une géographe ou encore une anthropologue. Une journée avec Rolando Villazon Alors qu’il vient de sortir un nouvel album (Treasures of Bel Canto, DG) et qu’il s’apprête à partir en tournée européenne avec Cecilia Bartoli, Rolando Villazon sera, toute la journée, sur les ondes de France Musique. De « La Matinale culturelle », de Vincent Josse (7 h 30-9 heures), au « Classic Club », de Lionel Esparza, l’occasion sera donnée d’entendre le ténor mexicain se raconter, et aussi de réécouter certains concerts dont le récital qu’il a donné, en 2006, avec Natalie Dessay. violence, du harcèlement et de la peur est largement abordée pour mieux combattre les représentations – comme celle consistant à faire croire que la rue serait plus dangereuse que l’espace privé –, on peut regretter toutefois qu’aucun homme n’ait été interrogé, de même qu’aucune personnalité politique. p christine rousseau Sur les docks. La ville à l’épreuve du genre, de Nedjma Bouaka et Christine Diger. Sur France Culture, mardi 24 novembre à 17 heures. « Le Masque et la Plume » La plus ancienne émission radiophonique d’Europe fête ses 60 ans. A cette occasion, l’esprit du « Masque » sera décliné dans plusieurs émissions, dont « Le 7/9 », de Patrick Cohen, « Un jour en France », de Bruno Duvic, ou « Vous avez dit classique ? », d’Elsa Boublil. Outre cette journée, le dimanche 22 novembre, de 20 heures à 22 heures, Jérôme Garcin présentera une émission spéciale avec de nombreuses archives et trois plateaux sur le thème « la critique critiquée », lors de laquelle des metteurs en scène, des écrivains, des cinéastes répondront à leurs détracteurs. VENDREDI 20 – FRANCE INTER – À PARTIR DE 7 HEURES. CON CE RT Dans le cadre « L’Heure du jazz », Ibrahim Maalouf et ses deux formations se produisent sur la scène du « Grand Studio RTL ». DIMANCHE 15 – RTL – À 22 HEURES. 0123 est édité par la Société éditrice HORIZONTALEMENT I. Un relais du cerveau vers les voies GRILLE N° 15 - 270 PAR PHILIPPE DUPUIS optiques et auditives. II. Renvoie sur du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 3289 (Service 0,30 e/min + prix appel) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique : [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs blog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/ ; Par courrier électronique : [email protected] Médiateur : [email protected] Internet : site d’information : www.lemonde.fr ; Finances : http://inance.lemonde.fr ; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier : http://immo.lemonde.fr Documentation : http ://archives.lemonde.fr Collection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Monde sur microilms : 03-88-04-28-60 SUDOKU N°15-270 le cubitus. Mettre de côté. III. Fait voir la marchandise. Travaillera en bor- 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 I II dure. IV. Passe. Très atteinte. Préposition. V. S’introduisent dans nos courriers d’aujourd’hui. Geste écologique. VI. Trésor égyptien. Préparer la suite III avant de partir. VII. Dieu ou déesse. Sauvage qui peut vous monter au IV V nez. VIII. Piégées. Lancé en piste. Manifester son humeur. IX. Cité antique. Beau bavard. Il se porte, elle vous em- VI VII porte. X. Permettent de faire marche arrière. VERTICALEMENT VIII IX 1. Pratique la politique de la main La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 tendue. 2. Arrivera toujours plus tard. 3. L’Asie Mineure des Byzantins. X 4. Rien avec que. Porteur de couronne disparu. 5. Un peu ridicule. IE HORS-SÉR VRE S, UNE ŒU UN HÉRO Reluqué. Dieu à tête de faucon. SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 269 6. Bras de mer en Bretagne. Son Os HORIZONTALEMENT I. Protège-dents. II. Larigots. Ira. III. Agacera. Aloi. ne manquait pas de moelle. 7. Passe IV. Soc. Remus. US. V. Tula. Tirerai. VI. Items. Na. VII. CA. Attentais. sans possibilité de retour. 8. Demeure. VIII. Ingrat. Irisa. IX. Etais. Tua. Bn. X. Négligemment. Convient. 9. Lune en mer. Délimite VERTICALEMENT 1. Plasticien. 2. Ragoutante. 3. Oracle. Gag. 4. Tic. Ama- ril. 5. Eger. Stasi. 6. Goret. Tt. 7. Etamine. Té. 8. DS. Uranium. 9. Ase. Tram. 10. Nil. Ruai. 11. Troua. ISBN. 12. Saisissant. L’IRRÉDUCTIBLE Un hors-série du « Monde » en remontant. 10. Quart de tour. Facilite la traction. 11. Bien dégager. Fait l’enfant. 12. Comme des zones prometteuses d’énergie. ASTÉRIX Astérixtible L’irréduc fix élix et Idé sont nés Ob comment c Uderzo : exclusif ave Entretien 124 pages - 7,90 € chez votre marchand de journaux et sur Lemonde.fr/boutique Présidente : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 L’Imprimerie, 79 rue de Roissy, 93290 Tremblay-en-France Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») MÉDIAS&PIXELS | 15 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 en vente actuellement K En kiosque Ng Ectpgv Xqu itcpfu fixfipgogpvu Pckuucpegu. dcrv‒ogu. hkcp›cknngu. octkcigu Cxku fg ffieflu. tgogtekgogpvu. oguugu. eqpfqnficpegu. jqoocigu. uqwxgpktu Eqnnqswgu. eqphfitgpegu. ufiokpcktgu. vcdngu/tqpfgu. Hors-série rqtvgu/qwxgtvgu. hqtwou. rtqlgevkqpu/ffidcvu. cuugodnfigu ifipfitcngu Uqwvgpcpegu fg ofioqktg. vjflugu. JFT Gzrqukvkqpu. xgtpkuucigu. ukipcvwtgu. ffifkecegu. eqoowpkecvkqpu fkxgtugu Xqwu rqwxg| pqwu vtcpuogvvtg xqu cppqpegu nc xgknng rqwt ng ngpfgockp < Hors-série s fw nwpfk cw xgpftgfk lwuswÔ 38 j 52 *lqwtu hfitkfiu eqortku+ s ng fkocpejg fg ; jgwtgu 34 j 52 Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < 23 79 4: 4: 4: 23 79 4: 43 58 ectpgvBorwdnkekvg0ht Hors-série AU CARNET DU «MONDE» Collections --------------------------------------------------------UNE COLLECTION VIN PARTEZ À LA DÉCOUVERTE DU avec Pierre ARDITI Décès M. Bruno Tavernier, son époux, Benjamin, Valentin et Clara, ses enfants, M. et Mme Jean-Christophe Aloé, M. et Mme Gilbert Tavernier, M. (†) et Mme Arnaud Hoarau de La Source, née Tavernier, Mme Virginie Tavernier Caget, M. et Mme Patrice Laffont, Ses neveux et nièces, ont la tristesse de faire part du décès de Mme Frédérique ALOÉ TAVERNIER, À partir du 17 novembre, le livret n° 5 ALSACE AOC + L’ARÔME survenu le 5 novembre 2015. La cérémonie aura lieu le jeudi 19 novembre, à 10 h 30, au crématorium du Parc, 104, rue Porte-de-Trivaux, à Clamart (Hauts-de-Seine), suivie de l’inhumation à 14 heures, dans la stricte intimité familiale, à l’ancien cimetière de Boulogne-Billancourt, rue Pierre Grenier, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Cet avis tient lieu de faire-part. 5, rue René, 78220 Virolay. Les familles Buhler, Cruz Mermy Et la municipalité de la ville de Issy-les-Moulineaux, Dès mercredi 18 novembre, le vol. n° 2 LA BATAILLE DE STALINGRAD et le volume n° 3 COMBATTANTS DE LA RÉSISTANCE FRANÇAISE ont la tristesse de faire part du décès de Marianne BUHLER-CRUZ MERMY, survenu le 9 novembre 2015, à son domicile. L’inhumation aura lieu le jeudi 19 novembre, à 11 heures, au cimetière intercommunal de Clamart, 108, rue de la Porte-de-Trivaux. 30, rue Henri Tariel, 92130 Issy-les-Moulineaux, [email protected] Dès mercredi 18 novembre, le volume n° 12 ITALIE : DE ROME À LA SICILE Nos services ---------------------------------------------------------------Lecteurs K Abonnements www.lemonde.fr/abojournal K Boutique du Monde www.lemonde.fr/boutique K Le Carnet du Monde Tél. : 01-57-28-28-28 Laurent et Jean-Rémi Calixte, Renaud Calixte (†), ses ils, Claude Mercier-Calixte, la mère de ses enfants, Laurence Calixte, Teresa Saraguro (†), ses belles-illes, Thibaut, Julie, Yelena, Damien, ses petits-enfants, Sa famille et ses proches, font part du rappel à Dieu de Gérard CALIXTE, préfet honoraire, chevalier de la Légion d’honneur, oficier de l’ordre national du Mérite, ancien élève de l’Ecole nationale de la France d’Outre-Mer, survenu le 7 novembre 2015, dans sa quatre-vingtième année. La cérémonie religieuse aura lieu le vendredi 20 novembre, à 14 h 30, en l’église Saint-Ambroise, 2, rue SaintAmbroise, Paris 11 e , et sera suivie de l’inhumation au cimetière de Bagneux. Cet avis tient lieu de faire-part. Marie-Jeanne Cribier, sa mère, Jean-Philippe et Denis Cribier, ses frères, Eric Choquet Et ses amis ont la douleur de faire part du décès de Pascal CRIBIER, survenu le 4 novembre 2015. Une cérémonie sera célébrée en l’église Saint-Sulpice, Paris 6 e , le mercredi 18 novembre, à 10 h 30, suivie d’une crémation au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, à 15 h 30. Un dernier hommage lui sera rendu en l’église de Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), le 20 novembre, à 15 heures. Cet avis tient lieu de faire-part. (Le Monde du 9 novembre.) Cannes. Paris. Claire-Marie EYMERIC RIGUCCI nous a quittés le 8 novembre 2015, à Aix-en-Provence. Michel, Franck et Pol Enault ont la tristesse de faire part du décès de Françoise HEBERT, survenu le 10 novembre 2015, à l’âge de quatre-vingts ans. La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 18 novembre, à 10 h 30, en l’église Saint-Albert-le-Grand, 122, rue de la Glacière, Paris 13e, suivie de son inhumation, à 16 heures, au cimetière de Veneux-les-Sablons (Seine-et-Marne). Florence de Lombardon-Montézan, son épouse, Marie-Hélène de Lombardon-Montézan, sa mère, Antoine et Juliette, Benoît et Yomi, Marie et Damien, ses enfants, Suzanne, Olive et Margaux, ses petites-illes, Son frère, ses sœurs et sa belle-sœur, Son neveu et sa nièce, ont le chagrin de faire part du décès soudain de Nicolas de LOMBARDON-MONTÉZAN, survenu le 12 novembre 2015, à l’âge de soixante-six ans. La cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 17 novembre, à 14 h 30, en l’église Saint-Léon, Paris 15e, suivie de l’inhumation au cimetière du Montparnasse, Paris 14e. Colette, son épouse, Louisette et Georges Et toute la famille, Le professeur Michel Robineau, son époux, Ses enfants Et ses petits-enfants, Toute sa famille, ont la grande tristesse de faire part du décès, après un long et courageux combat contre la maladie, le 11 novembre 2015, à l’âge de soixante-treize ans, de Mme Nicole ROBINEAU, La cérémonie religieuse sera célébrée en l’église Notre-Dame de L’Arche d ’ A l l i a n c e , P a r i s 1 5 e, l e l u n d i 16 novembre, à 14 heures. Elle disait : « Il doit y avoir une terre lointaine, un jour, nous nous y retrouverons. » La famille remercie vivement les services d’oncologie des professeurs Morère et Zelek (hôpitaux Avicenne et Paul Brousse), ainsi que celui des soins palliatifs de Cognacq-Jay. Anniversaire de décès Il y a cinq ans Nicole DECOOPMAN, professeur des Universités nous quittait. Nous ne l’oublions pas. Sa famille, Ses amis, Ses collègues. La librairie Texture vous convie à une rencontre avec Bernard Pautrat, à l’occasion de la parution du Traité théologico-politique de Spinoza traduit par J.G. Prat, jeudi 19 novembre 2015, à 19 h 30, 94, avenue Jean Jaurès, Paris 19e (métro Laumière). Les Amphis de l’AJEF Nouveau cycle : travail et emploi. Souvenir Une messe sera célébrée le 21 novembre 2015, à 9 h 30, en l’église SaintGermain-des-Prés, Paris 6e, en souvenir de M. Antoine RÉVAY, Mercredi 18 novembre 2015, à 20 heures, avec Jean Pisani-Ferry et Christian de Boissieu « Quel avenir attend les jeunes ? ». Lycée Louis-le-Grand, 123, rue Saint-Jacques, Paris 5e. décédé le 19 juillet 2015. Colloques Inscriptions : [email protected] Conférence Bernard et Georgia Rœhrich, Marguerite et Bernd Vischner, Monique et Dominique Gouze, ses enfants et leurs conjoints, Anne-Juliette, Olivier, Charles-Edouard et Anne-Victoria, ses petits-enfants, Marianne Chocq, sa sœur Et les familles Roehrich, Berger, Chocq, Rois et Scala, ont la grande tristesse de faire part du décès, dans sa quatre-vingt-onzième année, de Roger ROEHRICH Ph. D, INA43, directeur de recherches honoraire à l’INRA. « L’herbe sèche, la leur tombe mais la parole de notre Dieu subsiste éternellement. » Esaïe 40 v 8. Les obsèques ont eu lieu au temple protestant de Talence, le lundi 9 novembre 2015. [email protected] Boussy-Saint-Antoine. M. Pierre Sigrist, son époux, M. et Mme Pascal Sigrist, son ils et sa belle-ille, Quentin, Clément et Léonard, ses petits-enfants, ont la douleur et le chagrin de faire part du décès de Mme Suzanne SIGRIST, survenu le 10 novembre 2015, à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Ses obsèques religieuses seront célébrées mardi 17 novembre, à 10 h 30, en l’église Saint Pierre de Boussy-SaintAntoine (Essonne), suivies de l’inhumation au cimetière de la commune. L’Association française de psychiatrie propose un colloque Le désir mimétique, Entre psychopathologie et neurosciences le 20 novembre 2015, à Paris. Nous nous interrogerons au concept de désir mimétique, interférence immédiate du désir imitateur et du désir imité, en d’autres termes, ce que le désir imite est le désir de l’autre, le désir lui-même, à travers des approches différentes en relation avec les travaux de René Girard. Programme et inscription : www.psychiatrie-francaise.com 25 novembre 2015, à partir de 9 h 30, Institut National du Patrimoine, Auditorium Colbert, 2, rue Vivienne, Paris 2e. Inscription obligatoire et gratuite au 01 40 15 34 21. Communications diverses Frontières / 7. Autour de Bernard Plossu. En présence de l’artiste, mercredi 18 novembre 2015, à 19 heures. Entrée libre, inscription citechaillot.fr Cité de l’architecture & du patrimoine, Palais de Chaillot - Auditorium (métro Iéna ou Trocadéro). Samedi 21 novembre 2015, à 14 h 30, avec Jacques Arnould, philosophe, chercheur, théologien et ingénieur au CNES Dieu et la science. Entrée Libre. Temple Pierre Brossolette à la Grande Loge de France, 8, rue Puteaux, Paris 17e. Colloque « Les Patrimoines de l’Océan Indien » Architecture et Photographie, Images / Cité. Conférence publique « Enjeux et Perspectives » # # $ !# $ # #$ $# &. + *1.+ #$ $ #$ $ $# $ # *'$ %&# & #$ # . *&%%* # $ !# ! #! *%& + &/& #$ %# # # " $ #$ ! #! # %&!- &(). % * ** %%#&%. * % # %* # * .* # # ** &.*-& + # % *&% 1#/ .$%% *%. 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Ng Ectpgv ! « La philosophie, c’est peut-être une manière d’aborder les questions ultimes de la condition humaine sans se donner d’avance, subrepticement ou non, les réponses… » L e s m e m b r e s d e l ’ A s s o c i a t i on pour la promotion de la phénoménologie ont la tristesse de faire part du décès du philosophe et phénoménologue, Marc RICHIR, survenu le 9 novembre 2015, dans sa soixante-treizième année. Sa vie aura été consacrée à une inlassable quête du sens. " " Pqokpcvkqpu. eqpitflu. eqnnqswgu. vcdngu/tqpfgu. hqtwou. ufiokpcktgu. eqoowpkecvkqpu fkxgtugu Vctkh < 4; ` VVE Rtkz nc nkipg 16 | spéciaux 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015