Le Monde du dimanche 15 novembre 2015

Transcription

Le Monde du dimanche 15 novembre 2015
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Dimanche 15 - Lundi 16 novembre 2015
­ 71e année ­ No 22031 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ―
Fondateur
: Hubert
Beuve­Méry
Fondateur : Hubert Beuve­Méry
­ Directeur
: Jérôme
Fenoglio
VENDREDI 13 NOVEMBRE , 21 H 20
LA TERREUR
À PARIS
1
ÉDITORIAL
par jérôme fenoglio
L’EFFROI
ET LE SANG-FROID
La France est en guerre. En guerre
contre un terrorisme totalitaire,
aveugle, terriblement meurtrier.
On le savait depuis le mois de jan­
vier et les attentats contre Charlie
Hebdo et l’Hyper Cacher, à Paris.
En dépit de la mobilisation excep­
tionnelle du peuple français, le
11 janvier, en dépit de la solidarité
alors exprimée par les dirigeants de
toutes les démocraties du monde, le
président de la République, le pre­
mier ministre et les responsables
des services de sécurité n’ont cessé
de le rappeler : la menace n’a pas dis­
paru. La question n’était pas de
savoir s’il y aurait d’autres attentats
en France, mais quand.
Ce fut lors de cette soirée qui vient
d’ensanglanter Paris et sa banlieue,
vendredi 13 novembre. Et cette tragédie démontre que les terroristes
qui ont pris la France pour cible ne
mettent aucune limite à leur
œuvre de mort.
→ LIR E
Boulevard des-Filles-du-Calvaire, à Paris 11e. KAMIL ZIHNIOGLU/AP
AU MOINS
128 MORTS
DANS UNE SÉRIE
D’ATTAQUES
TERRORISTES
L A S U IT E PAGE 1 4
DANS LA SALLE
DU BATACLAN,
LE « CARNAGE » :
PLUS DE
80 MORTS
FRANÇOIS
HOLLANDE DÉCRÈTE
L’ÉTAT D’URGENCE.
DES RENFORTS
MILITAIRES À PARIS
LES ATTENTATS
PROVOQUENT
UNE ONDE
DE CHOC
INTERNATIONALE
Au Bataclan, « du sang partout,
des cadavres »
LA FRANCE,
CIBLE PRIVILÉGIÉE
L’antiterrorisme à la peine
face à une menace insaisissable
par élise barthet et nicolas chapuis
par benjamin barthe
et nathalie guibert
par jacques follorou
et simon piel
U
ne salve de coups de feu
retentit, suivie de trois
déflagrations sourdes
qui déchirent la nuit. Le silence se
fait sur le boulevard Voltaire (Pa­
ris, 11e arrondissement). Il est mi­
nuit vingt, ce samedi 14 novem­
bre, et trois des quatre terroristes
qui ont attaqué, trois heures plus
tôt, la salle du Bataclan viennent
d’actionner leur ceinture d’explo­
sifs. Le quatrième a été abattu au
cours du raid que vient de lancer
la brigade de recherche et d’inter­
vention (BRI) de la police judi­
ciaire. Les forces de l’ordre libè­
rent des dizaines d’otages.
La vieille salle de café­concert a
des allures de théâtre de guerre.
Au sol, des mares de sang, des
blessés en pagaille et des dizai­
nes de corps inanimés. Au
moins quatre­vingts spectateurs
venus assister au concert du
groupe Eagles of Death Metal
ont trouvé la mort, abattus par
les terroristes.
L’attaque a été lancée aux alen­
tours de 21 h 30, peu de temps
après le début du show. Quatre
hommes, équipés d’armes auto­
matiques, entrent dans la salle
de concert par l’entrée principale
après avoir tué les videurs. Ils tirent
quelques coups, puis des rafales.
→ LIR E
L A S U IT E PAGE 5
D
urant toute la nuit du
vendredi 13 au samedi
14 novembre, les sympa­
thisants de l’Etat islamique (EI) ont
bruyamment célébré sur les ré­
seaux sociaux le carnage perpétré
dans les rues de Paris et de Saint­
Denis sous le hashtag #Parisbrûle.
Mais l’organisation en tant que
telle n’a pas prononcé un mot, n’a
pas émis le moindre communi­
qué de revendication. C’est vers
elle pourtant que se tournent tous
les regards au lendemain de l’atta­
que terroriste la plus meurtrière
que la France ait jamais endurée.
→ LIR E
L A S U IT E PAGE 1 3
Le rythme des tueries terroristes
semble s’accélérer et rien ne pa­
raît pouvoir contredire des scéna­
rios qui, chaque fois, gagnent en
horreur. Les pouvoirs publics,
quant à eux, sont confrontés à
une équation qui paraît pour
l’instant insoluble : endiguer une
violence dont les auteurs par­
viennent régulièrement à échap­
per à l’attention des services de
sécurité. Déterminés, accoutumés
à la violence extrême, ces indivi­
dus, tous français à ce jour, frap­
pent sans prévenir des cibles sans
défense. Jamais les démocraties
européennes n’ont été confron­
tées à un phénomène djihadiste
aussi diffus et massif. Comment
s’organiser face à ce phénomène,
qui se fond aussi aisément dans
une société démocratique ? « C’est
le scénario catastrophique qu’on
craignait. » Depuis les attentats de
janvier contre Charlie Hebdo et
une épicerie casher, plusieurs
hauts responsables policiers
avaient confié au Monde les diffi­
cultés auxquelles ils étaient con­
frontés en matière de lutte anti­
terroriste et le fatalisme avec le­
quel ils attendaient le moment où
serait commis sur le sol français
un attentat de grande ampleur.
« Charlie c’était l’apéro, vous verrez », indiquait ainsi l’un des res­
ponsables de la Direction centrale
de la police judiciaire.
→ LIR E
L A S U IT E PAGE 1 2
REPORTAGE
« C’EST
LA GUERRE »
par florence aubenas
B
oulevard du Montpar­
nasse, à Paris, les gens sor­
tent du cinéma, petits
groupes joyeux. Il est presque mi­
nuit, ils ne sont encore au courant
de rien. Sur le trottoir, les autres se
retournent sur eux. Quelqu’un
dit : « Chut », à deux jeunes filles
qui rient fort. Elles réalisent sou­
dain que la foule autour d’elles
semble d’une gravité particulière.
« Qu’est-ce qui se passe ? On entre
au cinéma et, quand on ressort,
tout a changé. »
→ LIR E
L A S U IT E PAGE 1 0
Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF,
Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 10,50 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA
2 | les attaques terroristes à paris
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DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Soudain,
une détonation
retentit
Au Stade de France, au Bataclan, dans des restaurants
et des rues des 10e et 11e arrondissements de Paris, des
terroristes ont semé la terreur vendredi 13 novembre
au soir. Récit d’une nuit qui a déjà fait 128 morts
L
e match France­Allemagne a débuté depuis une quinzaine de
minutes, sur la pelouse du Stade
de France, à Saint-Denis (SeineSaint-Denis), aux portes de Paris.
Les quelque 80 000 places se
sont vendues sans difficulté et les tribunes
sont pleines pour ce match amical, sans enjeu véritable mais retransmis en direct par
TF1. Même François Hollande et le ministre
de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, se sont déplacés pour l’occasion et regardent, en amateur, la rencontre depuis l’une des loges officielles.
A l’entrée, le dispositif policier est important, comme il l’est chaque soir de match depuis les attentats de janvier contre Charlie
Hebdo et l’Hyper Cacher. Les spectateurs ont
été fouillés, les sacs ouverts, mais l’atmosphère est familiale et bon enfant.
Soudain, vers 21 h 20, une première détonation, puissante et nette, retentit à l’extérieur
de l’enceinte. Puis une deuxième, dans la
foulée. Sur la pelouse, les joueurs ont à peine
marqué une légère surprise. Dans les tribunes, les supporteurs des Bleus continuent
d’encourager la France, qui marque justement son premier but. Mais, aux abords du
stade, c’est la panique. A proximité des portes J, D et H du stade, deux bombes viennent
d’exploser devant le café Events, un Mac Donald et un Quick, et les policiers, présents en
nombre les soirs de match, ont vite compris
qu’il s’agissait d’attentats. Un homme hurle
dans les débris de verre : « Espèce d’enfoirés ! »
Quatre morts, déchiquetés, gisent sur le trottoir. Personne ne sait encore que trois d’entre
eux seront plus tard suspectés d’être des kamikazes.
Dans la tribune officielle, Bernard Cazeneuve a été rapidement prévenu par le préfet
de police de Paris du danger et il a été immédiatement décidé d’exfiltrer le président de
la République et le ministre. Le chef de l’Etat a
voulu d’abord passer par le PC de sécurité où
viennent d’arriver les premiers blessés, mais,
bientôt, les voitures officielles quittent la Seine-Saint-Denis et foncent vers l’Elysée et la
Place Beauvau. Craignant qu’une attaque ne
se produise à l’intérieur même du stade, le
préfet a fait discrètement boucler l’enceinte
et un hélicoptère survole le site. Pour éviter
toute panique, les autorités ont décidé de ne
pas interrompre le match, mais l’équipe logistique voit arriver les premiers blessés, soignés en première urgence. Dans les tribunes,
de nombreux journalistes venus suivre la
rencontre commencent à recevoir des informations stupéfiantes : non seulement les
deux explosions que tous ont entendues
étaient des bombes, mais d’autres attentats
sont en cours, au cœur de Paris.
Comme chaque soir, il y a foule au Petit
Cambodge et au Carillon, deux restaurants
joyeux au cœur des quartiers bobos du nord
de Paris, à deux pas du canal Saint-Martin.
On profite encore de la douceur du mois de
novembre et des deux terrasses chauffées
qui permettent de boire un verre et de fumer
en regardant les passants. Dans le fond de la
salle du Carillon, une dizaine d’internes en
médecine, venus de l’hôpital Saint-Louis, à
deux pas, écoutent de la musique en sirotant
une bière après une journée harassante.
Quelques habitués du quartier sont remontés chez eux suivre à la télévision le match de
football qui se déroule à vingt-cinq minutes
de voiture, un peu après le périphérique,
mais il y a encore beaucoup de monde, à ce
petit carrefour réputé pour son animation,
tout au long de l’année.
Soudain, vers 21 h 15, raconte un témoin,
« on a entendu comme des bruits de pétards.
Très forts. Le temps de réaliser qu’il s’agissait
de bien autre chose, des gens ont commencé à
se jeter par terre ». Un ou deux hommes, munis d’« armes de guerre » diront les témoins,
se sont arrêtés en voiture au croisement. Dans les restaurants voisins, les convives, qui avaient cru un instant à un feu d’artifice, viennent de comprendre. Des voix hurlent : « Planquez-vous ! » « Rentrez, ne restez
pas là ! » La devanture du Petit Cambodge a
sauté sous l’assaut, qui n’a duré qu’une ou
deux minutes. Sur le trottoir, des corps gisent dans des mares de sang, morts et blessés mélés.
Après le vacarme des tirs, un silence impressionnant s’est installé soudain. Mais,
dans les rues voisines, ça tire toujours,
comme si les terroristes poursuivaient leur
route meurtrière, mitraillant les passants
tout en descendant la rue Bichat, puis la rue
de la Fontaine-au-Roi, où les cafés et les restaurants sont nombreux. Au Carillon dévasté, les jeunes médecins qui buvaient tout
à l’heure dans l’arrière-salle, commencent à
sortir pour porter les premiers secours.
Une belle jeune femme blonde, d’une trentaine d’années, rédactrice en chef du magazine Lui, qui avait rendez-vous pour dîner, arrive au milieu de ce carnage. « Les gens
étaient allongés, il n’y avait pas un bruit, détaille-t-elle, comme glacée d’effroi. Au début,
j’ai cru qu’une voiture était entrée dans la vitrine du restaurant, puis j’ai vu un homme
avec une fille dans les bras, les yeux révulsés,
qui criait “help me”, puis une autre fille qui répétait en anglais “gun shot”. » Un jeune
homme raconte pour sa part : « J’habite juste
à côté, j’étais à la fenêtre, j’ai entendu trois rafales. Comme je joue beaucoup aux jeux vidéo, j’ai tout de suite compris que c’était du
gros calibre. La première rafale a été hyper
longue. » De leurs fenêtres, des témoins terrifiés voient cette scène tragique d’un jeune
homme qui porte une jeune fille inconsciente en la suppliant de se « réveiller ».
Aux abords
du Bataclan,
vendredi
13 novembre.
CHRISTIAN
HARTMANN/
REUTERS
« IL Y A DES MORTS ! »
Déjà, les premières sirènes annoncent l’arrivée des pompiers. Mais les terroristes sont
en fuite et redescendent les rues voisines.
« J’ai vu une Ford Focus noire qui tirait, à l’angle de la rue de la Folie-Méricourt et de la rue
Fontaine-au-Roi, sur la terrasse du restaurtant Cosa Nostra. Il y a eu plusieurs rafales. J’ai
vu une vingtaine de douilles par terrre », rapporte un témoin. Au Pyrenees Cévennes,
106, rue de la Folie-Mericourt, à une cinquantaine de mètres, une vingtaine d’Americains
venus pour le Salon Paris Photo, qui se déroule au Grand Palais jusqu’à dimanche, se
sont cachés sous les tables, convaincus de revivre le 11-Septembre. Le cuisinier hurle :
« Fermez la porte ! » Mais, avant qu’on ne se
barricade, quatre ou cinq jeunes gens se réfugient dans le restaurant en criant : « Il y a des
morts ! » Les visages se figent. « Ce sont des
gangsters ou Daech ? », demande un Américain.
Deux jeunes femmes entrent en pleurs
dans le restaurant, proches de l’hystérie. Impossible de leur parler. On leur donne de
l’eau. Et l’une raconte : « Je suis expert comptable, notre cabinet est en bas de la rue Fontaine-au-Roi. On avait des dossiers à finir tard.
Avec ma Smart, nous sommes allés après
21 heures au traiteur chinois, en bas de la rue
du Faubourg-du-Temple, au croisement de la
rue Fontaine-au-Roi, à côté du Palais des glaces. Le restaurant était bondé. Et puis on a entendu Tarata… De gros pétards… Des kalach…
Certains se sont réfugiés dans la cuisine. Nous,
on est montés à l’étage du Chinois. Le patron
du restaurant a baissé le rideau de fer. Une
fille a hurlé : « C’est des tirs, putain « Il y avait
tant de monde dehors qui faisait la queue… Ils
ont couru dans tous les sens. J’ai vu une Clio
avec une femme à côté qui baignait dans son
sang. Je crois qu’on a vu trois morts et un quatrième qui agonise… »
Dehors, les sirènes hurlent maintenant et
la police crie aux passants « Barrez-vous ! ».
DANS
LES RESTAURANTS
VOISINS DU PETIT
CAMBODGE,
LES CONVIVES,
QUI AVAIENT CRU
UN INSTANT À UN FEU
D’ARTIFICE, VIENNENT
DE COMPRENDRE.
DES VOIX HURLENT :
« PLANQUEZ-VOUS ! »
« RENTREZ,
NE RESTEZ PAS LÀ ! »
Comme assommés par le choc, des gens marchent hagards, racontant des scènes de
guerre. D’autres se ruent derrière les portes
cochères, dans les escaliers des immeubles.
Des dizaines de policiers dans la rue pointent
leurs armes jusque sous les voitures, mettent
en joues, parfois, des gens terrifiés, les obligeant à rester à l’abri des restaurants.
Les forces de police ont des raison de suspecter tout le monde. Car les informations
qui circulent sont terrifiantes. Après le Stade
de France, la rue Bichat, la rue de la Folie-Méricourt, l’équipée meurtrière des terroristes
se poursuit avenue de la République, puis rue
du Faubourg-du-Temple où un homme à
scooter à fait feu sur la terrasse du bar-brasserie Le Phare du Canal, tuant cinq personnes et en blessant gravement huit autres
sans que personne sache encore combien de
commandos sont en action. Boulevard Voltaire, un des terroristes s’est fait exploser en
pleine rue, heureusement sans tuer personne d’autre.
Il est près de 2 heures quand, cette fois, les
détonations retentissent au coin de la rue de
Charonne et de la rue Faidherbe, devant le
restaurant La Belle Equipe. Là aussi, la terrasse des beaux jours est encore dressée. Ce
café à deux pas du domicile privé du premier
ministre, Manuel Valls, est un rendez-vous
prisé des jeunes couples. « J’ai vu un homme
sortir d’une voiture, et tirer avec ce qui semblait être une kalachnikov, témoigne une riveraine. De longues rafales, méthodiques,
pour tuer. Puis il est remonte dans la voiture
rue Faidherbe. »
Un journaliste du Monde, qui dînait à deux
pas, arrive en hâte pour constater le carnage.
Au moins une vingtaine de corps jonchent le
trottoir. Les secouristes ne sont pas encore la
ni les policiers. On entend des cris déchirants, les visages sont hagards, des flaques de
sang maculent le sol. Une femme, le visage
couvert de sang, marche, les bras tendus devant elle, les yeux clos. Des cadavres, sur le bitume, des silhouettes penchées sur les tables, immobiles, dans des postures étranges.
Péniblement, les choses s’organisent. Mais
chacun hésite, ne sachant trop comment
agir. Faut-il coucher les corps ? Les laisser tels
quels ? Un homme, jeune, tente de se lever en
hurlant, puis s’écroule. Du sang coule sur son
cou. On tente de l’aider. Partout, des débris,
du verre cassé. Premières crises de nerfs.
Puis, la police et les pompiers arrivent en
nombre. Etablissent un périmètre de securité. Mais, à quelques rues, un autre attentat
est déjà en cours.
Sur le boulevard Voltaire, à deux pas de la
place de la République et de l’ancien siège de
Charlie Hebdo, le Bataclan et ses 1 500 places
a fait salle comble pour accueillir le groupe
de rock Eagles of Death Metal, un groupe californien dont l’un des albums phares s’intitule Peace, Love and Death Metal Un groupe
de quatre terroristes arrivent, tuent les vigiles à l’entrée et s’introduisent dans cette salle
de concert mythique du cœur de Paris ? Au
beau milieu d’une chanson, des hommes
font feu sur la foule et jettent des grenades.
« J’ai vu deux fous, arriver en criant : “Ce que
vous faites à la Syrie, on va vous le faire” », témoignera un peu plus tard une femme, blessée. Je me suis cachée sous un corps et soudain, bing, l’un des hommes m’a tiré dans la
cheville. »
ETAT DE SIÈGE
Les spectateurs les plus proches de la scène
sont les plus chanceux et peuvent sortir. Des
dizaines de personnes profitent des instants
où les terroristes rechargent leurs armes
pour fuir, grimpant sur les corps et provoquant l’affaissement de la scène. D’autres se
cachent derrière les enceintes, dans les combles. Certains membres du groupe de rock
parviennent eux aussi à s’échapper. Mais,
bientôt, des centaines de personnes sont prises au piège, otages des tueurs. Pierre Janaszak, 35 ans, animateur radio et TV qui se
trouve dans la salle, témoignera plus tard à
l’AFP qu’il a entendu clairement les attaquants lancer à leurs prisonniers terrorisés :
« C’est la faute de Hollande, c’est la faute de votre président, il n’a pas à intervenir en Syrie. Ils
ont aussi parlé de l’Irak. »
Habitant pratiquement au dessus du Bataclan, Daniel Psenny, journaliste au Monde, a
aussitôt prévenu la direction du journal. Descendu de son appartement jusque dans la
rue, il est touché par une balle au bras, juste
au moment où il secourait un blessé et tentait de le mettre à l’abri (lire ci-dessous).
Paris, maintenant, est en état de siège. A
les attaques terroristes à paris | 3
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DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Six attaques simultanées
au cœur de Paris
au moins 128 personnes ont
été tuées et 200 autres blessées,
dont 80 grièvement dans la soirée
de vendredi 13 novembre à Paris.
François Hollande, au milieu
de la nuit, a déclaré : « C’est une
épreuve terrible qui une nouvelle
fois nous assaille ».
Huit des terroristes sont
morts, sept d’entre-eux se seraient fait exploser.
Un conseil des ministres exceptionnel a été réuni vendredi
à minuit, un conseil de défense
le lendemain matin.
Six attaques simultanées ont
frappé les 10e et 11e arrondissements de la capitale et les abords
du Stade de France, à Saint-Denis, à partir de 21 h 20.
Au Bataclan, une salle de caféconcert du 11e arrondissement,
le bilan est très lourd : au moins
82 morts. Les témoins ont vu
« du sang partout, des cadavres ».
La COP21, la conférence sur le
climat qui doit s’ouvrir dans à
peine plus de deux semaines à
Paris, pourrait être menacée.
Des dizaines de chefs d’Etat y
sont invités.
Cette vague d’attentats est la
plus meurtrière depuis quarante ans en Europe, après les attentats de Madrid en mars 2004
(200 mors, 1400 blessés).
Les principaux partis politiques ont suspendu la campagne
des régionales.
Une enquête pour assassinats
en relation avec une entreprise
terroriste a été ouverte, samedi,
par le parquet de Paris.
L’état d’urgence a été décrété
quelques heures après les attentats par le président de la République, qui a fait rétablir les contrôles aux frontières. Des renforts militaires sont attendus.
l’Elysée, un conseil des ministres a été convoqué d’urgence, et le président François Hollande décide de prendre très vite la parole.
« Au moment où je vous parle, dit-il, la voix un
peu altérée par l’émotion, des attaques sont
en cours… C’est une horreur. » Puis le chef de
l’Etat annonce qu’il vient de décréter « l’état
d’urgence » et « la fermeture des frontières ».
Avant d’affirmer : « Ce que les terroristes veulent c’est nous faire peur, nous saisir d’effroi. Il
y a de quoi avoir peur, sentir de l’effroi. Mais il
y a aussi y a une nation qui saura vaincre les
terroristes. »
Les services de renseignement ont déjà fait
remonter jusqu’à la présidence cette information terrifiante : Tous les sites de l’Etat islamique « célèbrent » le massacre de Paris. Répétant notamment ce slogan cynique :
« Comme les USA le 11/09, vous n’oublierez pas
le 13 novemb… » Six attaques quasi simulta-
COMME ASSOMMÉS
PAR LE CHOC,
DES GENS MARCHENT
HAGARDS,
RACONTANT
DES SCÈNES
DE GUERRE
Les services de renseignement
ont été renforcés depuis les attentats de janvier, mais restent
débordés.
Quatre des assaillants sont
morts au Bataclan, dont trois en
actionnant une ceinture d’explosifs.
Pour la première fois en
France, les terroristes ont organisé « un attentat complexe »,
des attaques simultanées et avec
des kamikazes.
Devant le bar Le Carillon, dans le 10e arrondissement. CHRISTIAN HARTMANN/REUTERS
Six projets d’attentats en
France ont été déjoués depuis le
début de l’année, dont l’un dans
une salle de concert.
Les établissements scolaires et
universitaires d’Ile-de-France
ont tous été fermés samedi matin, et les voyages scolaires du
week-end supprimés.
Barack Obama a estimé qu’il
s’agissait « d’une attaque contre
toute l’humanité ». Il a promis
d’aider la France « à traduire les
terroristes en justice ». Les réactions de soutien sont venues du
monde entier.
L’Etat islamique n’a pas revendiqué la vague d’attentats, mais
la France reste une cible privilégiée après les frappes en Syrie.
Des spectateurs du match au Stade de France se réfugient sur la pelouse. CHRISTOPHE ENA/AP
nées ont été menées, entre Saint-Denis et Paris dans une stratégie manifestement préparée.
Aux abords du Bataclan, des policiers spécialisés se préparent à donner l’assaut, alors
que les témoignages des spectateurs en fuite
confirment tous qu’à l’intérieur de la salle de
concert, les terroristes tirent méthodiquement sur leurs otages (lire notre article sur
l’assaut). La RATP a fermé toutes les stations
de métro environnantes. un périmètre de sécurité de deux cents mètres autour de la salle
de concert a été tracé. Derrière les barrières,
des centaines de personnes, parfois des parents ou des amis des spectateurs encore pris
au piège, attendent, souvent en pleurs, l’attaque finale.
Au Stade de France, le match s’est enfin
achevé et, dès le dernier coup de sifflet, les organisateurs ont affiché sur l’écran géant un
message qui ne dit rien de la tragédie en
cours : « Suite à un incident extérieur au stade,
nous demandons à tous les spectateurs de
quitter l’enceinte par les portes secteur ouest,
sud et nord. » Las, le flux ne parvient pas à
quitter le stade et une partie de la foule reflue
et envahit calmement la pelouse. « Pas de panique, gardez votre calme », disent les hautparleurs. Beaucoup de spectateurs craignent
de prendre le métro et le RER. Des taxis décident de faire des courses gratuites. On partagent des voitures dans un covoiturage spontanément organisé.
De l’autre côté du périphérique, les rues de
Paris se sont vidées comme si la France connaissait vraiment la guerre et ses couvre-feu.
Des centaines de personnes, incapables de
rentrer chez elles, par manque de moyen de
transport ou parce qu’elles sont encore trop
choquées, cherchent un asile dans les restau-
rants ou les commerces encore ouverts. Sur
Twitter, des parisiens lancent un hashtag
#porteOuverte, afin d’accueillir pour un
café, et parfois pour la nuit, ces hommes et
femmes en errance. La mairie de Paris annonce que tout les lieux publics de la ville
(mairie compris) seront fermés le 14 novembre 2015. Seuls les services de l’état civil seront ouverts. Les manifestations sont aussi
suspendues.
Le boulevard des Filles-du-Calvaire, à côté
du Bataclan, est totalement envahi par les
ambulances, le Samu, la Croix-Rouge, les voitures de police, les motos, la police scientifique, le RAID, la BRI, les démineurs. Quatre
cent cinquante soldats de l’opération Sentinelle ont été appelés en renfort dans Paris, en
plus des 1 000 qui patrouillaient de façon habituelle quand les attentats sont survenus.
Ils viennent sécuriser les zones
aaa
4 | les attaques terroristes à paris
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DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
21 h 20 - 0 h 20, les terroristes sèment la mort
à Saint-Denis et dans l’Est parisien
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21 H 30
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Fusillade - Prise d’otages - Explosion
Au moins 82 morts
1 policier blessé pendant l’assaut
Saint-Ambroise M
Saint-Sébastien - Froissart M
PARIS
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Bouleva
4 terroristes morts
dont 3 en actionnant leur ceinture
d'explosifs et le dernier, abattu
par les forces de l’ordre lors de l’assaut.
rchais
Beauma
Voltaire M
Cimetière
du Père-Lachaise
21 H 36
92 RUE DE CHARONNE
XXe
Fusillade
Au moins 19 morts
14 urgences absolues
XIe
Ph
nue
Ave
IVe
XIIe
aaa d’intervention, mais les policiers souvent cagoulés sont très nerveux.
Un PC médical a été monté en urgence dans
et autour d’un « restaurant japonais ». Les
brancards ont été mis en ligne, prêts à recevoir les blessés. Quand le « plan blanc » a été
déclenché, vers 3 heures, des centaines d’infirmiers et de médecins ont été réquisitionnés dans tous les hôpitaux parisiens. La
maire de Paris, Anne Hidalgo, accourue au
milieu de la soirée, a le visage figé d’angoisse.
A 00 h 45, après que l’assaut a été donné et
que trois des quatre terroristes se sont fait
sauter, le ballet des brancards commence.
Par dizaines, les infirmiers et pompiers se dirigent en direction du Bataclan. Les premiers
personnels de secours qui ressortent de la
salle de concert décrivent un épouvantable
carnage. Près de 80 personnes sont mortes.
Les premiers blessés arrivent sur des brancards, des chaises roulantes. Ils portent des
couvertures de survie. Nombreux sont ceux
qui sont sous respiration médicale. D’autres,
allongés sur les brancards, ne bougent pas.
« ON A D’ABORD CRU À DES PETARDS »
A 1 h 20, François Hollande arrive par le boulevard Beaumarchais, accompagné par un
cortège impressionnant d’hommes en armes. Devant le PC médical, Laura, longs cheveux roux, raconte sa nuit d’effroi : « Cela a
commencé après près d’une demi-heure de
concert, on a d’abord cru à des pétards. Et puis
on a compris que les tirs étaient réels et qu’ils
ne faisaient pas partie du spectacle. Les hommes armés étaient deux ou trois, ils ont tiré,
tiré, tiré. Cela a duré une éternité, peut-être
une heure, je n’arrive pas à l’évaluer. C’était des
mitraillettes. J’ai commencé à voir des morts
tout autour de moi, des jeunes, que des jeunes.
Je ne sais pas comment j’ai survécu… »
Tous les hôpitaux de Paris reçoivent des dizaines de blessés. A l’hôpital Georges-Pompidou, dans le XVe arrondissement, au sudouest de Paris, ils arrivent dans un bus, escorté par une ambulance de la sécurité civile.
Enroulés dans des couvertures de survie dorées. Une jeune fille en larmes explique
qu’elle a des douleurs dans l’avant-bras, une
dame en tenue de soirée assure qu’une balle
lui a traversé le pied…
A l’intérieur, le personnel s’active, débordé.
Un jeune homme attend dans un fauteuil
roulant qu’on l’emmène faire une radio du
pied, sous le choc : « C’est irréel », répète-t-il,
effaré. Il était au Bataclan, avec deux amis. Sa
gorge se serre : « Je n’ai pas de nouvelles
d’eux. » Leurs téléphones ne répondent pas. Il
les a perdus de vue dès que le feu a été ouvert.
« La foule s’est fendue en deux, tout le monde a
« CE SONT DES
PLAIES DU THORAX
PAR ARMES À FEU,
DES HÉMORRAGIES
IMPORTANTES. IL Y A
AUSSI BEAUCOUP DE
FRACTURES PARCE
QUE LES GENS SE
SONT FAIT ÉCRASER
PAR LA FOULE »
DR PHILIPPE JUVIN
hôpital Georges-Pompidou
ire
21 h 43
TERRASSE DE LA BRASSERIE
COMPTOIR VOLTAIRE
Situation, samedi 14 novembre, à 9 h 30
M Stations de métro restant fermées le samedi 14 novembre au matin
Vo
lta
250 m
1 terroriste mort
qui se serait fait exploser
sans faire de victimes
plongé en même temps, on était tous par
terre, les uns sur les autres. »
Il a eu le sentiment que trois hommes armés avaient fait irruption dans la salle : « Ça
tirait, ça rechargeait. Ils ont dit que c’était
pour ce qu’on faisait à leurs frères syriens. C’est
à peu près tout ce qu’ils ont dit. L’un d’eux a dit
de ne pas parler et de ne pas bouger ou il nous
tuerait. A ce moment-là, je l’ai vu de profil,
c’était un jeune de moins de trente ans, avec
une petite barbe courte comme la mienne.
Après avoir dit ça, il a tiré à bout portant sur
une personne allongée devant lui ». Le jeune
homme est resté immobilisé. « Après ça, ça
s’est un peu calmé. Je crois qu’on est plusieurs
à avoir compris qu’ils prenaient l’escalier pour
monter au balcon, à l’étage. Alors je me suis
dit : “C’est maintenant.” J’ai enjambé les corps,
j’ai certainement marché sur des personnes, il
y avait du sang partout. Je suis tombé, je me
suis relevé et je suis sorti par l’entrée principale. Des policiers en faction nous ont dit de
courir ».
Quelque soixante-dix personnes au total
ont été dirigées, comme lui, vers l’hopital
Georges Pompidou, parmi lesquelles une
vingtaine de patients graves. Notre journaliste, Daniel Psenny, blessé au bras par une
balle qui lui a traversé le biceps, attend lui
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de la Bastille
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Place
de la Nation
SOURCES : LE MONDE ; AFP
Filles du Calvaire M
INFOGRAPHIE LE MONDE
IIIe
aussi d’être opéré, après avoir perdu beaucoup de sang.
Le chef du service des urgences, le Dr Philippe Juvin, n’a « jamais vu tant de victimes
d’un coup ». « Ce sont des plaies du thorax par
armes à feu, des hémorragies importantes. Il y
a aussi beaucoup de fractures parce que les
gens se sont fait écraser par la foule. Il y a également beaucoup de traumatismes, des personnes ont vu des membres de leur famille
mourir devant eux ». En plus de l’équipe de
garde, une cinquantaine de personnels sont
venus en renfort. Les quatre blocs opératoires sont saturés. Vers 4 heures du matin, une
trentaine de personnes attendaient d’être
opérées. Le premier bilan de la nuit est terrible : quelque 128 morts et des centaines de
blessés.
L’identification de certains cadavres est difficile. Des blessés se retrouvent incapables de
parler et de décliner leur identité. Sur Twitter
et l’ensemble des réseaux sociaux, des messages angoissés sont relayés. Ce sont des mères, des pères, des amants, des amis qui cherchent leurs proches, présents ce soir-là, au
Petit Cambodge, au Carillon, à La Belle
Equipe ou au Bataclan. Et cette longue litanie
d’appels angoissés est glaçante. p
la rédaction du « monde »
LE REGARD DE PLANTU
les attaques terroristes à paris | 5
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Au Bataclan, « du sang
partout, des cadavres »
Au moins 80 personnes ont été tuées dans cette salle
de spectacle du 11e arrondissement de la capitale
suite de la première page
Dans les premières secondes, les
spectateurs croient à une pétarade accidentelle. « J’ai pensé
qu’une enceinte avait explosé, puis
les lumières se sont allumées. Les
tireurs que j’ai vus avaient le visage
dissimulé par des capuches et des
écharpes », raconte Benoît. Il se
trouvait près d’une des sorties de
la salle et a réussi à s’échapper
avec son amie.
A l’intérieur, la panique gagne la
foule. Les gens se jettent au sol.
« J’étais allongé dans la fosse, la
fille à côté de moi est morte. Ils ont
beaucoup tiré », témoigne un
autre jeune homme, qui se souvient nettement avoir entendu
l’un des assaillants crier : « Tout
ça, c’est de la faute de votre président ! » D’autres rescapés évoquent l’intervention française en
Syrie.
Boulevard Voltaire, les forces de
l’ordre débarquent en trombe.
Des policiers en civil, arme au
poing, progressent en se cachant
derrière les voitures. Plusieurs rafales retentissent depuis le Bataclan. Aux premières salves, très
rapprochées, succèdent des tirs
ponctuels. Les abords n’ont pas
encore été évacués, des promeneurs du vendredi se retrouvent
nez à nez avec des agents à cran
qui les braquent, leur demandant
de « dégager le camp ». « Si je te
vois bouger, je te déglingue »,
hurle l’un des policiers à un passant téméraire.
Les riverains ont ordre de fermer leurs fenêtres. Les bars baissent leur grille, étouffant les chuchotements des clients apeurés.
Peu à peu, le quartier Oberkampf,
rendez-vous des fêtards, fait silence. Puis les sirènes des voitures
de police vrillent l’air. RAID, PJ,
BRI… tout ce que la police compte
de sigles défile. Des colonnes
d’hommes casqués, boucliers au
point, longent les façades.
Vers 23 heures, un cordon de sécurité est tendu en travers du boulevard. Derrière le bandeau jaune
se massent journalistes et curieux, smartphone à la main,
prêts à immortaliser chaque ins-
Tous sont à terre,
les membres
paralysés
par la peur,
corps contre
corps, vivants
contre morts
tant. Les forces de l’ordre demandent régulièrement aux badauds
de se ranger le long des murs ou
derrière des voitures. « Reculez, il
y a peut-être des tireurs sur les
toits. » Camions de pompiers et
ambulances arrivent soudain par
dizaines. Une sorte d’hôpital de
campagne s’improvise rue Oberkampf, immédiatement à la sortie de la salle de concert. Sur le
boulevard Voltaire, une tente de la
police est dressée. Un QG temporaire s’établit également au comptoir du Baromètre, le bar voisin du
Bataclan.
Echappatoire
A l’intérieur de la salle de spectacle, les otages vivent un cauchemar. Les assaillants ont achevé les
blessés au sol. « J’avais un morceau de chair sur moi, il y avait du
sang partout, des cadavres », raconte un jeune homme, l’air hagard, des traces de sang séché sur
son pantalon beige. Il fixe le parquet du bar dans lequel il s’est réfugié. Il assistait au concert avec
son père, mais ignore à présent où
se trouve ce dernier. « Peut-être
avec les pompiers, peut-être
mort. » Quand la fusillade commence, père et fils sont dans la
fosse, près des barrières, à quelques mètres de la scène. Certains
de leurs voisins tombent sous les
balles. Tous sont à terre, les membres paralysés par la peur, corps
contre corps, vivants contre
morts… Dans les poches, les téléphones vibrent. L’attente dure
presque deux heures, jusqu’à l’assaut.
Une vingtaine de spectateurs au
balcon ont survécu en se cachant
dans les combles. D’autres sont
sortis par une trappe. « Quelqu’un
qui connaissait les lieux, un régisseur, l’a ouverte, explique John, un
survivant. Il y avait plusieurs enfants à l’étage, je revois encore le
gamin et la femme à côté de moi.
J’ai été l’un des premiers à sortir,
puis on a hissé un à un les gens sur
le toit de tôle. Une soixantaine en
tout. On a aperçu une fenêtre allumée qui donnait sur un appartement. Je ne sais pas ce qui était le
pire : les morts ou l’attente qui a
suivi. Quand les snipers de la police
sont arrivés sur le toit, les lasers
rouges de leurs fusils m’ont balayé
le visage. J’ignore ce que sont devenus la femme et le gamin. » Il n’y
avait pas d’enfants dans l’appartement.
D’après John, les policiers de la
BRI ont donné l’assaut en pénétrant par la même trappe qui a
servi d’échappatoire aux rescapés
du balcon. « Je n’osais plus m’approcher de la fenêtre de l’apparte-
Une vingtaine de
spectateurs ont
survécu en se
cachant dans les
combles. D’autres
sont sortis
par une trappe
ment, les autres me demandaient
ce qui se passait mais j’avais peur »,
confesse-t-il. Dans les loges, trois
des assaillants ont fait sauter leur
ceinture d’explosifs. Les rescapés
descendent du toit grâce aux quatre échelles de pompiers dressées
contre la façade, avant d’être regroupés dans l’un des bars à l’angle du boulevard Voltaire et de la
rue Oberkampf. La plupart des
survivants sont sans manteau,
l’air ébahi. Un à un, ils déclinent
leur identité, raconte aux agents
de police dépêchés pour les interroger ce qu’ils ont vu, entendu
surtout.
Sur des brancards, des hommes
et des femmes drapés dans des
couvertures de survie sont embarqués dans les ambulances.
Ceux qui peuvent marcher se déplacent par groupes, encadrés par
les sauveteurs. La rue déborde de
policiers en uniforme et en civil,
de pompiers. « C’est un carnage à
l’intérieur », souffle une secouriste qui aide à évacuer un
homme au tee-shirt maculé de
sang. Les plus mal en point sont
immédiatement évacués vers les
hôpitaux. Un homme, grièvement blessé à la poitrine, a le teint
cireux. « Il faut qu’on laisse les
morts à l’intérieur, c’est un boulot
pour la “Crim’”», lâche un policier.
Une silhouette, tout de noir vêtue, se glisse entre les uniformes
et les gilets pare-balles. La maire
de Paris, Anne Hidalgo, est la première personnalité politique sur
place. Le visage fermé, les yeux
embués, elle s’entretient avec le
préfet de police de Paris, Michel
Cadot. Un membre de la BRI leur
annonce que les lieux ont été
« sécurisés » et que toute menace
est écartée. Il est 1 h 40. Le champ
est libre pour la venue de François
Hollande, accompagné de Manuel
Valls, de Bernard Cazeneuve et de
Christiane Taubira. Déclaration
solennelle, soutien aux forces de
l’ordre, hommage aux morts… La
scène a des airs de déjà-vu. Le
siège de Charlie Hebdo, visé par les
frères Kouachi le 7 janvier, n’est
qu’à 500 mètres. p
elise barthet
et nicolas chapuis
Un blessé secouru
derrière le Bataclan.
Photo prise par
le journaliste du
« Monde » Daniel Psenny.
Daniel Psenny, journaliste au « Monde » :
« J’ai senti comme un pétard
qui explosait dans mon bras »
daniel psenny est journaliste au Monde.
Il habite derrière le Bataclan et a été blessé
vendredi 13 novembre, alors qu’il tentait de
secourir des blessés qui s’étaient échappés
de la salle de concert. Une balle, certainement tirée depuis une fenêtre, lui a traversé
le bras gauche. Vers 3 heures du matin, il a
été transporté aux urgences de l’hôpital
européen Georges-Pompidou, dans le 15e
arrondissement. Il attendait d’être opéré
samedi matin, comme une trentaine
d’autres victimes évacuées vers l’établissement de santé.
« J’étais en train de travailler chez moi.
La télé était allumée, elle diffusait un téléfilm dans lequel jouait Jean-Hugues Anglade. J’ai entendu un bruit, comme des
pétards, et j’étais persuadé au début que
c’était dans le film. Mais le bruit était fort,
alors je suis allé à la fenêtre. J’habite au
deuxième étage, et mon appartement
donne sur les sorties de secours du Bataclan. Parfois, il y a des évacuations un peu
agitées, mais là, tout le monde courait de
tous les côtés, j’ai vu des mecs par terre,
du sang… J’ai compris qu’il y avait quelque
chose de sérieux. J’ai demandé ce qui se
passait. Tout le monde refluait vers la rue
Amelot ou le boulevard Voltaire. Une
femme était agrippée à la fenêtre du Bataclan, au deuxième étage. J’ai pensé aux
images du 11-Septembre.
Je me suis alors dit que j’allais descendre
pour ouvrir aux gens afin qu’ils puissent
venir se réfugier. J’ai donc ouvert la porte
de l’immeuble. Il y avait un homme allongé sur le trottoir. Avec un autre
homme que je n’ai pas revu après, on l’a
tiré pour le mettre à l’abri dans le hall. J’ai
dû prendre la balle à ce moment-là. Je ne
sais plus, j’ai une absence.
Mais je me souviens avoir senti comme
un pétard qui explosait dans mon bras
gauche, et j’ai vu que ça pissait le sang. Je
pense que le tireur était à la fenêtre du Bataclan. On est montés chez un couple de
voisins au quatrième étage. Le type qu’on
a fait rentrer avait une balle dans la
jambe. C’est un Américain. Il vomissait, il
avait froid, on a cru qu’il allait mourir. On
a appelé les pompiers mais ils ne pouvaient pas nous évacuer. J’ai appelé une
copine médecin qui m’a expliqué comment me faire un garrot avec ma chemise.
Et on est restés coincés jusqu’à ce que l’assaut soit donné et que le RAID vienne
nous chercher. » p
Sur Twitter, les Parisiens proposent d’ouvrir leurs portes
Les réseaux sociaux ont été abondamment utilisés, pour des propositions d’hébergement comme pour rassurer les proches
P
eu après l’annonce des fusillades à Paris, vendredi
13 novembre, la solidarité
s’est rapidement organisée sur la
Toile. De nombreux internautes
ont fait part sur Twitter de leur
possibilité d’accueillir chez eux
des personnes cherchant à se réfugier en lieu sûr : « Rue Castagnary je peux encore héberger du
monde », « Je peux ouvrir mon appart dans le XXe », « Si quelqu’un
cherche un abri vers Belleville, prévenez moi »… Avec plusieurs variantes de mots-clés : #PortesOuvertes,
#OpenDoor
ou
#OffeneTüren – en pensant aux
nombreux Allemands présents
dans la capitale pour le match
France-Allemagne.
Peu après minuit, plus de
200 000 tweets contenant le motclé #PorteOuverte avaient été publiés, relayés par des comptes très
populaires comme celui du youtuber Norman ou, plus loin de la
France, de l’actrice britannique
Emma Watson. Et, semble-t-il,
avec succès, puisque certains internautes ont fait savoir sur le réseau social qu’ils avaient effectivement accueilli des personnes.
Mais les messages véritablement utiles ont été noyés dans la
masse. Pour remédier à ce problème, des internautes ont créé
des cartes interactives et des sites
rassemblant les offres d’abri.
Parallèlement, Facebook a activé son service safety check, qui a
permis aux Parisiens de rassurer
leurs proches en indiquant, d’un
clic sur un bouton, qu’ils étaient
en sécurité. Une alternative efficace au réseau téléphonique, parfois saturé. Ce service, lancé en
2014, avait notamment été déclenché en avril après le séisme
qui avait frappé le Népal.
Les autorités ont également utilisé les réseaux sociaux pour
communiquer, comme la préfecture de police, qui a invité les Parisiens à rester chez eux : « Suite à
plusieurs événements graves, la
préfecture de police recommande
dans les prochaines heures à ceux
qui se trouvent à domicile, chez des
proches ou dans des locaux professionnels en Ile-de-France, d’éviter
de sortir sauf nécessité absolue. »
#PrayForParis
Au fil de la nuit, un nouveau motclé est apparu sur Twitter :
#RechercheParis, encore très actif
samedi matin. Les internautes
l’utilisent pour publier des photos de leurs proches dont ils sont
toujours sans nouvelle, alors
qu’ils se situaient dans les zones
concernées par les attaques.
Auparavant, les internautes
avaient pu suivre quasiment en
direct les fusillades, de nombreux
témoins ayant signalé des tirs sur
Twitter et publié des photos des
lieux visés. Certains tirs ont
même été entendus en direct,
grâce à l’utilisation de Periscope,
une application qui permet de diffuser des vidéos en direct.
Comme après l’attentat du
7 janvier contre Charlie Hebdo,
avec le célèbre hashtag #JeSuisCharlie, les messages de soutien,
issus du monde entier, ont immédiatement déferlé sur les réseaux sociaux, notamment avec
le mot-clé #PrayForParis, partagé
plus de 3 millions de fois samedi à
8 heures.
Mais à côté de cette avalanche de
messages de solidarité, il n’a pas
fallu longtemps pour que les musulmans de France soient pris à
partie par certains internautes.
Des prises de position très critiquées, qui ont suscité une salve de
messages appelant à lutter contre
les amalgames et l’islamophobie,
comme celui de « ilias1104 » : « Ça
vous dit on arrête d’être raciste homophobe, antisémite, islamophobe, et on devient vraiment tous
unis face à ces barbares ? » p
william audureau, morgane
tual et pauline croquet
6 | les attaques terroristes à paris
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DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Un cauchemar éveillé
Scène de panique,
quai de Valmy,
dans le
10e arrondissement.
JÉRÔME SESSINI/MAGNUM
PHOTOS POUR « LE MONDE »
Hôpital de campagne, à proximité du Bataclan. OLIVIER LABAN-MATTEI/MYOP POUR « LE MONDE »
11e arrondissement. CHRISTIAN HARTMANN/REUTERS
les attaques terroristes à paris | 7
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Un homme est évacué de son bus par des policiers, dans le 11e arrondissement. CORENTIN FOHLEN/ DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
Un supporteur
sur la pelouse du
Stade de France,
après le match
France-Allemagne.
CHRISTOPHE ENA/AP
Des Parisiens fuient les environs du Bataclan. OLIVIER LABAN-MATTEI/MYOP POUR « LE MONDE »
A la sortie du Bataclan. CORENTIN FOHLEN/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
8 | les attaques terroristes à paris
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Des voix dissonantes chez les politiques
Plusieurs responsables d’extrême droite et de droite ont exprimé des critiques
A
RÉACTIONS
près les attentats du
mois de janvier, il avait
fallu attendre plusieurs jours avant que
les premières critiques apparaissent dans le champ politique. Le
11 janvier, tous les partis, sauf le
Front national, avaient marché
côte à côte dans les rues de Paris
pour dénoncer le terrorisme et offrir de la France un visage uni
dans la douleur. Dix mois plus
tard, après la série d’attaques qui
ont ensanglanté la capitale, vendredi 13 novembre, l’union nationale n’aura même pas vécu quelques heures.
Bien sûr, la majorité des responsables politiques, à gauche
comme à droite, ont tous exprimé
sans tarder leur « effroi » et leur
« solidarité ». L’ensemble des partis ont également décidé sans hésiter de suspendre leur campagne
pour les élections régionales prévues les 6 et 13 décembre. Et tous
ont salué peu ou prou les décisions prises par François Hollande de décréter l’état d’urgence
et de rétablir le contrôle aux frontières.
Mais on sent bien que le climat
politique dans le pays n’est pas le
même qu’au début de l’année. Entre les deux dates noires de janvier et de novembre 2015, la nation française a été confrontée à
de multiples crises, propres à déstabiliser ses plus solides fondements.
Critiques de « l’esprit Charlie »
de janvier, afflux de migrants aux
frontières de l’Europe nourrissant
des discours xénophobes et antimusulmans, débat sur l’identité
nationale, mise en cause de l’Etat
dans sa capacité à faire respecter
son autorité, poursuite de la crise
économique et sociale… la France
a subi en moins d’un an de multiples pressions. Elles rejaillissent
inévitablement sur sa classe politique.
Philippe
de Villiers n’a pas
hésité à attribuer
le drame au
« laxisme et à la
“mosquéisation”
de la France »
« La France doit faire bloc »
Le gouvernement anticipait
d’ailleurs une telle situation au
cours des derniers mois. Plusieurs ministres s’étaient en effet
félicités du comportement des
Français après les attentats de
janvier, mais tous s’inquiétaient
également de leur réaction en cas
de nouvelles attaques. « Les Français, comme les politiques, ont été
à la hauteur de la situation en janvier, mais qu’en sera-t-il en cas de
nouvel attentat ? » s’interrogeait
il y a quelques mois devant Le
Monde le premier ministre, Manuel Valls.
Vendredi soir, les principaux ténors du parti Les Républicains
(LR) ont exprimé leur soutien au
gouvernement ainsi qu’au chef de
l’Etat dans cette crise sans équivalent sous la Ve République. « Je
soutiens la décision prise ce soir de
décréter l’état d’urgence et la fermeture des frontières », a indiqué
Nicolas Sarkozy dans un communiqué peu après l’intervention de
François Hollande, ajoutant que
« dans ces circonstances tragiques, la solidarité de tous les Français s’impose ». Pour l’ancien président de la République, « les terroristes ont déclaré la guerre à la
France. Notre réponse doit exprimer une fermeté et une détermination de chaque instant ».
Même tonalité grave et responsable chez François Fillon. Pour
l’ex-premier ministre, « le président de la République a pris les décisions nécessaires à la sécurité des
Français. L’état d’urgence est décrété, et l’unité nationale est maintenant notre devoir ». « La France
“
Dans ces circonstances
tragiques, la solidarité de
tous les Français s’impose. C’est
dans cet esprit que je soutiens la
décision prise ce soir de décréter
l’état d’urgence et la fermeture
des frontières. »
Nicolas Sarkozy, président du
parti Les Républicains
“
A cette heure, toute
querelle s’interrompt.
Je forme le vœu que nul ne
s’abandonne à la vindicte et il
faut conserver sa capacité de
discernement. Je forme le vœu
que nos responsables gouvernementaux aient tous les moyens
d’agir comme ils le souhaitent.
Et que nous soyons tous capables de résister à la haine et à la
peur que les assassins veulent
incruster en nous. »
Jean-Luc Mélenchon,
cofondateur du Parti de gauche,
sur sa page Facebook
“
François Hollande, entouré de gardes du corps, s’est rendu au Bataclan après l’assaut, samedi 14 novembre. MIGUEL MEDINA/AFP
doit faire bloc », a renchéri Alain
Juppé, écrivant sur son compte
Twitter : « Compassion pour les
victimes. Détermination à mener
la guerre. Unité avec les autorités
et forces de sécurité. »
Mais des voix à droite, et surtout
à l’extrême droite, se sont désolidarisées du message général de
concorde nationale face au
drame. Et très vite, l’émotion a
laissé place chez certains élus à
une forme de récupération politique et de mise en accusation du
gouvernement. Le maire Les Républicains de Nîmes, Jean-Paul
Fournier, n’a pas hésité à évoquer
une « guerre civile » en France.
« Libanisation »
Son collègue Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes, a comparé la situation française à celle
du Proche-Orient. « Ce soir, Paris,
c’est Beyrouth ! Logique pour un
pays en voie de libanisation. Nous
paierons cher notre lâcheté face
au communautarisme ! » a-t-il
réagi. Dans la même veine, Philippe de Villiers, le président du
Mouvement pour la France, de retour récemment en politique et
en librairie avec un livre à succès,
n’a pas hésité à attribuer cet « immense drame à Paris » au
La campagne des régionales suspendue
Les partis politiques ont annoncé qu’ils suspendaient
leur campagne en vue des élections régionales, après les
attaques terroristes du vendredi 13 novembre. Le Parti
socialiste a fait part de cette décision dans un communiqué
diffusé durant la nuit de vendredi à samedi. Les Républicains
ont adopté la même position, tout comme le Front national
et Europe-Ecologie-Les Verts.
« A cette heure, toute querelle s’interrompt », a déclaré
de son côté Jean-Luc Mélenchon, le leader du Front de gauche,
sur sa page Facebook. Nicolas Sarkozy et François Hollande
avaient fait de même, en mars 2012, à quelques semaines
du premier tour de la présidentielle, après les attentats
commis à Toulouse par Mohamed Merah.
L’hypothèse d’un report du scrutin des 6 et 13 décembre
ne semble pas envisagée. « Ces sujets n’ont pas été évoqués
à ce stade, affirme-t-on à l’Elysée. Rien n’indique que leur
calendrier soit modifié. »
« laxisme et à la “mosquéisation”
de la France ».
Du côté du Front national, sa
présidente, Marine Le Pen, a annoncé devant « l’horreur » la suspension de la campagne des régionales de son parti. Mais son
compagnon, Louis Aliot, candidat
en Languedoc-Roussillon-MidiPyrénées, a aussitôt profité de
l’occasion pour tracer un parallèle
entre les attaques dans Paris et le
scrutin de décembre. Faisant référence aux propos récents de Ma-
François Hollande : « C’est une épreuve terrible
qui, une nouvelle fois, nous assaille »
peu avant de tenir un conseil des ministres
exceptionnel, vendredi 13 novembre à minuit, le président François Hollande s’est exprimé sur les attaques qui venaient de toucher Paris.
Au moment où je m’exprime,
des attaques terroristes d’une
ampleur sans précédent sont
en cours dans l’agglomération parisienne.
Il y a plusieurs dizaines de tués, il y a beaucoup de blessés. C’est une horreur. Nous
avons, sur ma décision, mobilisé toutes les
forces possibles pour qu’il puisse y avoir la
neutralisation des terroristes et la mise en
sécurité de tous les quartiers qui peuvent
être concernés. J’ai également demandé
qu’il y ait des renforts militaires ; ils sont
en ce moment sur l’agglomération parisienne, pour être sûr qu’aucune attaque ne
puisse de nouveau avoir lieu.
J’ai également convoqué le conseil des
ministres, il va se tenir dans quelques minutes. Deux décisions seront prises : l’état
d’urgence sera décrété, ce qui veut dire que
certains lieux seront fermés, la circulation
pourra être interdite et il y aura également
des perquisitions qui pourront être décidées dans toute l’Ile-de-France. L’état d’urgence, lui, sera proclamé sur l’ensemble du
territoire.
La seconde décision que j’ai prise, c’est la
fermeture des frontières, [il s’agit en fait du
rétablissement immédiat des contrôles aux
frontières]. Nous devons nous assurer que
personne ne pourra rentrer pour commettre quelque acte que ce soit. Et en même
temps que ceux qui auraient pu commettre les crimes qui sont hélas constatés puissent également être appréhendés s’ils devaient sortir du territoire.
« Sang-froid »
C’est une terrible épreuve qui, une nouvelle
fois, nous assaille. Nous savons d’où elle
vient, qui sont ces criminels, qui sont ces
terroristes. Nous devons, dans ces moments si difficiles, et j’ai une pensée pour
les victimes, très nombreuses, pour leurs
familles, pour les blessés, nous devons
faire preuve de compassion et de solidarité.
Mais nous devons également faire preuve
d’unité et de sang-froid.
Face à la terreur, la France doit être forte.
Elle doit être grande et les autorités de
l’Etat, fermes. Nous le serons. Nous devons
aussi appeler chacun à la responsabilité. Ce
que les terroristes veulent, c’est nous faire
peur, nous saisir d’effroi. Il y a effectivement de quoi avoir peur. Il y a l’effroi. Mais
il y a, face à l’effroi, une nation qui sait se
défendre, qui sait mobiliser ses forces et
qui, une fois encore, saura vaincre les terroristes.
Françaises, Français, nous n’avons pas
terminé les opérations. Il y en a encore qui
sont extrêmement difficiles. C’est, en ce
moment même, que les forces de sécurité
font assaut, notamment dans un lieu à Paris. Je vous demande de garder ici toute
votre confiance dans ce que nous pouvons faire avec les forces de sécurité pour
préserver notre nation des actes terroristes. Vive la République, et vive la
France. » p
nuel Valls dans lesquels il envisage la fusion des listes de droite
et de gauche face au « danger » de
l’extrême droite, il a déclaré sur
Twitter : « Monsieur Valls, vous
voyez où est le danger ? Le vrai ! Irresponsable ! » Et l’avocat Gilbert
Collard, député du Gard élu sous
les couleurs du Rassemblement
Bleu Marine, a écrit quant à lui sur
le réseau social : « Fusillade en
plein Paris, pauvre, pauvre France
abandonnée ! »
Pas du même ordre
Autant d’attaques directes contre le gouvernement qui montrent que le FN a fait le choix
d’utiliser les attentats dans la capitale à des fins politiques, ciblant le gouvernement et un prétendu laxisme face au terrorisme. Devant ces attaques, l’exécutif a préféré ne pas réagir.
L’Elysée a au contraire vanté le
« sang froid » et « la capacité de
réaction de l’appareil d’Etat français » face aux attentats. Pour la
présidence, les tueries de vendredi soir, si elles rejoignent dans
un même choc celles de janvier,
ne sont pas non plus du même
ordre.
« On ne peut pas faire de comparaison entre les deux drames, ils ne
sont pas de la même ampleur et ne
relèvent visiblement pas du même
degré d’organisation. Mais on retrouve, en janvier comme en novembre, la même volonté de l’Etat
de faire face au terrorisme par le
calme, par la force et par la République », a expliqué l’entourage de
François Hollande. p
bastien bonnefous
(avec le service france)
La guerre est parmi nous.
L’heure est à la résistance et
au combat contre le fanatisme
djihadiste. Tous ensemble nous
devons agir avec solidarité pour
les victimes et confiance à
l’égard de nos forces de sécurité.
Le président de la République a
pris les décisions nécessaires à
la sécurité des Français. L’état
d’urgence est décrété et l’unité
nationale est maintenant notre
devoir. »
François Fillon, député (LR)
de Paris, dans un communiqué
publié sur son blog
“
Arrivée gare de Lyon sous le
choc. Laisser les services de
sécurité et de secours travailler,
avec tout notre soutien et notre
gratitude. »
Cécile Duflot, députée (EELV) de
Paris et coprésidente du groupe
écologiste à l’Assemblée nationale, sur Twitter
“
Ce soir l’horreur encore…
Nous suspendons nos
campagnes jusqu’à nouvel
ordre. Une colère froide nous
serre le cœur. »
Marine Le Pen, présidente du
Front national, sur Twitter
“
Devant l’horreur du terrorisme aveugle, unité et solidarité de la nation. Prions pour
que la France puisse faire face à
cette terrible épreuve. »
Anouar Kbibech, président
du Conseil français du culte
musulman
“
Face à la violence des
hommes, puissions-nous
recevoir la grâce d’un cœur
ferme et sans haine. Que la
modération, la tempérance et
la maîtrise dont tous ont su faire
preuve jusqu’à présent se
confirment dans les semaines et
les mois qui viennent. »
André Vingt-Trois, archevêque
de Paris
les attaques terroristes à paris | 9
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
L’état d’urgence
instauré sur
l’ensemble
de la métropole
Le décret, qui s’applique depuis
samedi 0 heure, renforce les
pouvoirs de l’autorité administrative
I
l peut être déclaré « sur tout
ou partie du territoire métropolitain ou des départements
d’outre-mer ». On l’utilise
« en cas de péril imminent résultant
d’atteintes graves à l’ordre public »,
ou bien en cas d’« événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Instauré par la loi du
3 avril 1955, motivé alors par la situation en Algérie, l’état d’urgence
est un régime à part – entre la situation normale et l’état de siège –
qui renforce les pouvoirs de l’autorité administrative. C’est un régime intermédiaire avant l’état de
siège. Il n’est jamais décrété que
dans des situations exceptionnelles, à l’image de celle qu’à connue
Paris vendredi soir. Rarissime,
l’état d’urgence n’avait ainsi été
employé qu’à cinq reprises, jusqu’à ce que François Hollande le
mette de nouveau en œuvre après
la série d’attentats qui a ensanglanté la capitale et la ville de
Saint-Denis.
Des pouvoirs aux préfets
Le décret instaurant l’état d’urgence en France, vendredi, est
paru samedi au Journal officiel. Il
s’applique donc depuis samedi
0 heure « sur le territoire métropolitain et en Corse ». Un second décret comporte, lui, des dispositions applicables « à l’ensemble
des communes d’Ile-de-France »,
comme la possibilité d’assigner à
résidence toute personne « dont
l’activité s’avère dangereuse pour
la sécurité et l’ordre public », d’ordonner la fermeture provisoire de
salles de spectacle ou encore la
confiscation de certaines catégories d’armes. Le communiqué de
l’Elysée ne fait, en revanche, pas
référence à des « mesures pour assurer le contrôle de la presse »,
comme la procédure lui en donne
pourtant le droit, à condition que
le décret le prévoie explicitement.
Peu de temps avant la parution
au Journal officiel, la Mairie de Paris avait, de son côté, déjà fait savoir que tous les équipements de
la Ville seraient fermés samedi.
« Dès demain, fermeture de tous
les équipements de la Ville : écoles,
musées, bibliothèques, gymnases,
piscines, marchés alimentaires »,
pouvait-on lire sur le compte
Twitter@Paris.
Précision : l’état d’urgence est
déclaré par décret en conseil des
ministres et ne peut être prolongé
au-delà de douze jours que par la
loi. Il donne aux préfets concernés un certain nombre de pouvoirs. A commencer par celui d’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les
lieux et aux heures fixés par arrêté, d’instituer « des zones de protection ou de sécurité où le séjour
des personnes est réglementé »,
d’interdire de séjour « toute personne cherchant à entraver, de
quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ».
Ce n’est pas tout : le ministre de
l’intérieur ou les préfets concernés peuvent également « ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boissons
et lieux de réunion », ainsi que « les
réunions de nature à provoquer ou
à entretenir le désordre », et ordonner la remise des armes de
première, quatrième et cinquième catégories.
Par disposition expresse, le décret d’état d’urgence peut encore
permettre aux préfets et au ministre de l’intérieur d’ordonner
Devant l’Assemblée nationale, à Paris, samedi 14 novembre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCHPOLITICS POUR « LE MONDE »
La prophétie
du juge Trévidic
Contrôles
renforcés
à la frontière
belge,
à Tourcoing
(Nord),
vendredi
13 novembre.
OLIVIER TOURON/
DIVERGENCE
POUR « LE MONDE »
des perquisitions à domicile « de
jour et de nuit ». Un autre décret
d’accompagnement autorise la
juridiction militaire « à se saisir de
crimes, ainsi que des délits qui leur
sont connexes ». Le refus de se
soumettre peut être passible
d’emprisonnement pouvant aller
jusqu’à deux mois et d’une
amende de 3 750 euros.
Dans le passé, l’état d’urgence a
été décrété dans l’ensemble de la
métropole après le retour au pouvoir du général de Gaulle, le
13 mai 1958, pour faire face à un
éventuel coup de force, ainsi
qu’en 1961, après la tentative de
putsch fomentée par quatre généraux de l’armée française en Algérie. Plus tard, le gouvernement de
Laurent Fabius l’a employé en
Nouvelle-Calédonie en décem-
Incertitude sur la tenue à Paris de la COP21,
grand rendez-vous des chefs d’Etat du monde
40 000 participants sont attendus sur le site du Bourget du 30 novembre au 11 décembre
L
es attentats du 13 novembre
constituent un traumatisme épouvantable pour
les Français, qui survient au moment où Paris est au cœur de l’actualité internationale avec la tenue
de la conférence sur le climat, du
30 novembre au 11 décembre. La
COP21, censée déboucher sur un
accord mondial en faveur de la
lutte contre le réchauffement, doit
accueillir sur le site du Bourget
(Seine-Saint-Denis) une centaine
de chefs d’Etat, dont l’Américain
Barack Obama et le Chinois Xi
Jinping, lors d’un sommet le
30 novembre. Tous deux avaient
confirmé leur venue.
Quelque 40 000 membres des
196 parties prenantes, de représentants de délégations diverses et
de visiteurs sont attendus sur le
site : 7 000 délégués, 10 000 observateurs, 3 000 journalistes du
monde entier ont reçu une accréditation de la part du secrétariat
général de la Convention-cadre
des Nations unies sur les changements climatiques. La partie du
site du Bourget réservée aux négo-
Le gouvernement
va-t-il maintenir
l’événement ?
Les risques sont
énormes, mais
les attentes aussi
ciations diplomatiques est directement placée sous le contrôle d’une
centaine de gardes de l’Organisation des Nations unies. Au moins
autant de visiteurs doivent se rendre au Grand Palais du 4 au 10 décembre où sont programmées les
rencontres Solutions COP21 orchestrées par des entreprises.
Mais ONG et militants altermondialistes ont aussi l’intention de
s’exprimer alors que les caméras
seront braquées sur la capitale
française, placée pour deux semaines au cœur d’enjeux politiques et
économiques mondiaux. Après
des manifestations organisées un
peu partout dans le monde et dans
plusieurs grandes villes en région
à la veille de la COP21, le 28 novembre, une Marche pour le climat est
prévue le 29 novembre à Paris, lors
de laquelle les organisateurs espèrent réunir des centaines de milliers de participants, puis une seconde le 12 décembre, à la conclusion de la COP21. Sans compter les
rendez-vous officiels comme la
Conférence des jeunes ou le sommet des élus locaux et d’innombrables événements festifs, qui
sont programmés un peu partout
dans l’agglomération parisienne.
En bateau depuis Berlin, à cheval, à
vélo ou même en tracteur au départ de Notre-Dame-des-Landes,
la COP21 devait être un rendezvous plein d’espoir.
Déjà, le gouvernement avait décidé de rétablir des contrôles aux
frontières de la France pour quelques semaines, selon un dispositif
entré en vigueur vendredi. Va-t-il
maintenir un événement qu’il a
coutume de présenter comme « la
plus grande conférence diplomatique jamais organisée en France depuis la signature de la Déclaration
universelle des droits de l’homme »,
en 1948 ? Les risques sont énormes, mais les attentes aussi. « Nous
allons tenir une réunion de crise
avec l’équipe samedi matin, confie
le secrétaire général de la COP, Pierre-Henri Guignard. Le gouvernement décidera des suites à donner. »
Al Gore interrompt son émission
Depuis des mois, le président
François Hollande et Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, ont multiplié les voyages
pour convaincre leurs homologues de l’urgence à essayer de
maintenir le réchauffement sous
la barre des 2 degrés, en réduisant
les émissions mondiales de gaz à
effet de serre.
Durant la nuit, l’ex-vice-président américain Al Gore a interrompu l’émission mondiale de
vingt-quatre heures sur le climat,
diffusée sur Internet, qu’il organisait sur un plateau installé au pied
de la tour Eiffel, par « solidarité
avec le peuple français ». François
Hollande devait y participer samedi après-midi. p
martine valo
bre 1984, lors des incidents qui
avaient secoué le territoire de
l’océan Pacifique. Avant François
Hollande, la dernière utilisation
remontait au 8 novembre 2005,
par Jacques Chirac, face aux émeutes qui, trois semaines durant,
avaient agité les banlieues. Il avait
duré jusqu’au 4 janvier 2006. p
olivier zilbertin
et jean-baptiste de montvalon
Dans un entretien à Paris Match,
l’ancien juge antiterroriste Marc
Trévidic s’alarmait, le 30 septembre : « J’ai acquis la conviction
que les hommes de Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique]
ont l’ambition et les moyens de
nous atteindre beaucoup plus durement en organisant des actions
d’ampleur, incomparables à celles menées jusqu’ici. Je le dis en
tant que technicien : les jours les
plus sombres sont devant nous.
La vraie guerre que l’EI entend
porter sur notre sol n’a pas encore commencé. » Prophétique,
le magistrat, aujourd’hui en
poste à Lille, continuait : « La
France est, de fait, confrontée à
une double menace. Celle du déferlement de ce que j’appelle les
“scuds” humains du djihad individuel, ces hommes qui passent à
l’action sans grande formation ni
préparation, agissant seuls, avec
plus ou moins de réussite, comme
on a pu le voir ces derniers
temps. Et celle, sans commune
mesure, que je redoute : des actions d’envergure que prépare
sans aucun doute l’EI, comme
celles menées par Al-Qaida, qui
se sont soldées parfois par des
carnages effroyables. »
10 | les attaques terroristes à paris
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
« Cette nuit, la ville aussi, ils l’ont tuée »
Les nouvelles des attaques se sont diffusées au fil des heures, au son des sirènes et des ambulances
suite de la première page
Un serveur de La Coupole offre
une cigarette à la jeune fille. C’est
le genre de nuit où les gens se parlent soudain bien davantage que
d’habitude. Le serveur lui dit :
« Maintenant, rallume ton portable, ma belle et tu vas la perdre, ton
innocence. Dans ce monde-ci, c’est
la guerre. »
Sur la rive droite, dans le 9e arrondissement, vers le 84 rue Blanche, quelqu’un se penche pour accrocher un drapeau français à une
fenêtre au premier étage. Plusieurs lignes de métro s’arrêtent.
« Mesure de sécurité », annoncent
les haut-parleurs. Du coup, tout le
monde remonte à pied le boulevard Sébastopol.
« Je peux marcher avec vous ? »,
demande un garçon, une canette
à la main. Il ne veut pas être seul.
Sans même y prendre garde, certains se sont mis ensemble pour
cheminer. On entend en permanence des sirènes et des ambulances, plus ou moins loin dans la
ville. Il y a toujours quelqu’un
pour sursauter quand une voiture
freine un peu trop brutalement,
quelques-uns avancent collés le
long des façades au cas « où ça mitraillerait », mais tout se passe
dans le calme.
« Tout le monde s’est volatilisé »
Pas de taxi, les files s’allongent
aux stations. Porte de la Chapelle,
dans le nord de Paris, à côté des
pompes à essence, quelques
chauffeurs tiennent conciliabule.
Beaucoup décident de rentrer.
L’un raconte que du côté de
Bezons (Val-d’Oise), à l’annonce
du massacre, les voitures étaient
soudain si pressées « que le flash
du radar crépitait en continu. Et
vous savez quoi ? Tout le monde
s’en foutait, voire même on accélérait ». Des voitures de police passent dans un sens, d’autres dans
l’autre sens. Toutes les têtes se
tournent en même temps pour
suivre le mouvement de chacune
d’elle. « Maintenant, même nous,
ils nous tuent », dit un chauffeur
G7 Club VIP que tout le monde appelle « Bibiche ».
Quatre amis se sont installés
dans un fast-food libanais, rue de
la Boétie, dans le 8e arrondisse-
Devant
la cathédrale
Notre-Dame,
à Paris,
samedi
14 novembre.
GONZALO FUENTES/
REUTERS
ment. Au milieu de la table, ils ont
dressé comme un totem un téléphone portable qui diffuse
BFM-TV. Ils refusent de sortir tant
que les tueurs courent toujours.
« Ils ne sont pas habitués », dit le
cuistot, un Syrien de Homs.
« Vous croyez que maintenant, ça
va être comme ça tout le temps ? »,
interroge un des quatre. Un
autre : « Ça ressemble à ça quand
c’est vraiment la guerre. » On le
presse de questions, comme un
expert. Un téléphone sonne. « Ils
les ont eus ! » On embrasse le serveur et on échange les mails.
Il est 2 h 30 du matin sur les
Champs-Elysées. « Des policiers
sont arrivés vers 23 heures, en gilets pare-balles et en armes,
criant : “Partez, c’est dangereux”,
explique le groom de l’hôtel Marriott. Tout le monde s’est volatilisé, comme un tour de magie. »
Sur toute la longueur des
Champs, une seule personne descend l’avenue et une autre la remonte. Quand elles se croisent au
niveau du Fouquet’s, elles s’adressent un salut comme des randonneurs en haute montagne.
A Montmartre aussi, la même
consigne a été donnée et tout a
fermé d’un coup à l’annonce des
tueries, les cafés, les terrasses. On
aperçoit les rectangles colorés
des télés allumées par la fenêtre
de tous les appartements, ou
presque. « Cette nuit, la ville aussi,
ils l’ont tué », dit un clochard sur
la place Charles-Dullin. Tous ses
collègues ont déserté, partis dor-
Ecoles et musées fermés, rencontres sportives annulées
la vie sociale en région parisienne
est vitrifiée après les attentats du vendredi 13 novembre. L’Académie de Paris
a annoncé, sur son compte Twitter, la
fermeture de « l’ensemble des établissements scolaires et universitaires d’Ile-deFrance », samedi. De son côté, la ministre de l’éducation nationale a indiqué
que tous les voyages scolaires prévus ce
week-end « sur le territoire national »
étaient annulés. La décision s’applique
aux déplacements d’élèves à l’étranger
en raison de la fermeture des frontières,
a précisé le rectorat de Paris.
La préfecture de police a précisé que
« toutes les manifestations de voie publique sont suspendues jusqu’à nouvel ordre » dans la capitale. Toutes les mairies
d’arrondissements à Paris devaient rester portes closes, à l’exception des « permanences état-civil mariage ». Idem
pour tous les équipements de la Ville :
écoles, musées, bibliothèques, gymna-
ses, piscines, marchés alimentaires. Des
salles de spectacle cessent aussi provisoirement leur activité : le groupe U2,
qui se produit depuis plusieurs jours à
l’AccorHotels Arena (ex-Palais Omnisport Paris-Bercy), a décidé d’annuler
son concert programmé samedi. L’ensemble des compétitions sportives, qui
devaient avoir lieu, samedi et dimanche, en Ile-de-France ont été suspendues. Le secrétariat d’Etat aux sports a
fait passer ce message aux présidents
de fédérations sportives et aux directeurs techniques nationaux.
Hôpitaux : mobilisation générale
Plusieurs stations de métro, situées
dans les 10e et 11e arrondissements de
la capitale – où se sont produites la plupart des attaques –, étaient toujours
fermées, samedi matin.
Dans les établissements de santé,
l’heure est à la mobilisation générale.
L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a déclenché, vendredi soir, le « plan
blanc », un dispositif prévu pour les situations sanitaires d’urgence et de
crise. Dans la loi depuis 2004, il permet
de mettre en place des moyens humains et matériels pour absorber l’afflux de patients ou de victimes. Il avait
déjà été lancé pour faire face à des épidémies de grippe et de gastro-entérite.
Des organisations de médecins en
grève depuis vendredi (Le BLOC, le SML,
la FMF, l’UFML, le MPST) ainsi que la Fédération de l’hospitalisation privée ont
appelé à « reprendre l’activité » dans un
communiqué commun. « Devant les
attentats terroristes qui viennent de se
produire (…), nous appelons tous les médecins et professionnels de santé (…) à
être immédiatement disponibles afin de
pouvoir faire face à toute urgence sanitaire sur le territoire », indiquent-elles. p
bertrand bissuel
mir « en banlieue » ce soir.
Près de là, place Pigalle, des gamins font les malins dans la boulangerie ouverte toute la nuit.
« Est-ce que tu as des sandwichs
où il n’y a pas de cochon ? », se fâche un petit très énervé. Les
autres lui disent : « Arrête, pas ce
soir, s’il te plaît. »
« Vous, c’est pour qui ? »
Vers 4 h 30, très peu de voitures
roulent encore. Le café La Royale
dessine une flaque de lumière
très blanche sur le boulevard des
Filles du calvaire. A l’intérieur, les
chaises sont sur les tables, des serveurs s’assoupissent dans l’ombre près du bar, tandis qu’un inspecteur de police, seul sous l’ampoule comme un acteur en scène,
tape des témoignages sur son ordinateur portable. On est au cœur
de l’arrondissement où la tuerie a
eu lieu. Les cordons de sécurité
rouge et blanc s’enroulent dans le
vent le long des réverbères.
De l’autre côté de la Seine, c’est
près de la gare d’Austerlitz que
semblent s’être rassemblés tous
ceux qui sont dehors dans ce coin
cette nuit. Devant une grande entrée, une cinquantaine de personnes attendent, demandant des
nouvelles, cherchant à entrer.
« Vous, c’est pour qui ? », demande
une voix. Un soupir répond. Une
voisine traverse, portant un thermos de café. Par-dessus les têtes,
se déploie le nom « Hôpital de La
Pitié-Salpêtrière ». p
florence aubenas
Des vols vers Paris
reportés
Première compagnie aérienne
mondiale, American Airlines a
décidé, dès vendredi 13 novembre, de reporter ses vols vers Paris depuis les Etats-Unis, à la
suite des attentats parisiens.
United et Delta ont maintenu les
leurs. Au Japon, ANA et JAL prévoyaient un « trafic normal ».
Air France indiquait, samedi
matin 14 novembre, le maintien
de ses vols depuis et vers la
France. « Des retards au départ
et à l’arrivée sont à prévoir suite
aux renforcements des contrôles
aux frontières par les autorités »,
précisait la compagnie dans un
communiqué. Les aéroports
d’Orly et de Roissy fonctionnaient normalement samedi
matin.
Le tour-opérateur japonais JTB
a annulé les voyages prévus les
14 et 15 novembre sous sa marque « Look JTB », qui concernent plus de 300 personnes.
Une autre agence nippone,
H.I.S., a décidé de les maintenir,
tout en annonçant que d’éventuelles annulations feraient
l’objet de remboursements. En
Belgique, les tour-opérateurs
Jetair, Sunjets et Thomas Cook
ont proposé à leurs clients d’annuler et de rembourser leur
voyage à Paris. De son côté, le
parc de loisirs Disneyland Paris
a décidé de rester fermé samedi
14 novembre.
les attaques terroristes à paris | 11
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Un attentat « complexe »
inédit sur le sol français
Les attaques simultanées de commandos-suicides
sont typiques des pays où sévissent des guerres
asymétriques, Afghanistan, Irak ou Syrie
C’
est une première en
France en matière
d’attentat. Plusieurs
kamikazes se sont
fait exploser, dans la soirée du
vendredi 13 novembre, au terme
d’assauts meurtriers menés aux
abords du Stade de France, à
Saint-Denis, et dans cinq lieux à
Paris, rue de la Fontaine-au-Roi,
rue Bichat, boulevard Voltaire, rue
de Charonne et dans la salle de
spectacle du Bataclan, après la
prise en otage du public. Ces attaques, dites « complexes », au regard de modus operandi en plusieurs étapes, sont inspirées
d’une forme de violence ayant
cours depuis plusieurs années
dans des zones de conflit telles
que l’Afghanistan, l’Irak ou la
Syrie, où règne une forme de
violence dont la France se croyait
jusqu’alors protégée.
L’attaque « complexe » type,
telle qu’elle est mise en application en Asie du Sud ou au ProcheOrient par des groupes insurgés,
cumule plusieurs actions afin de
dérouter les futures victimes en
associant très souvent le commando suicide et l’assaut arme à
la main. Lors de montages plus
ambitieux, elle peut combiner
plusieurs attaques simultanées
contre un même lieu ou contre
Ce type
d’attaque
associe
très souvent
le commandosuicide et l’assaut
arme à la main
des endroits distincts. Les cibles
sont minutieusement choisies
pour le symbole qu’elles incarnent, mais les personnes qui s’y
trouvent sont souvent tuées au
hasard et pour leur seule présence
dans ces lieux. Le but est de faire le
maximum de victimes et de frapper les esprits par la peur.
Selon les premiers éléments de
l’enquête de flagrance conduite
par le parquet, notamment sur les
quatre assaillants qui ont pénétré
dans les locaux du Bataclan, ces
derniers portaient des ceintures
d’explosifs en entrant dans l’établissement. Ils ne les ont déclenchées que lors de l’assaut des forces de l’ordre. Seul un des quatre
assaillants ne parviendra pas à se
faire sauter. Il a été tué par les hommes de la brigade de recherche et
d’intervention lors de l’assaut.
Auparavant, ces quatre hommes
se sont appliqués à tuer leurs victimes par balles au moyen d’armes automatiques, en tirant soit
sur les gens à terre, soit sur ceux
qui tentaient de fuir. « Leur intention était clairement de mourir en
martyr », analyse un enquêteur
mobilisé tout au long de la nuit
sur les lieux du drame.
Comme sur des scènes de crime
identiques en Irak ou en Afghanistan, la police scientifique a rapidement pu identifier les corps
des kamikazes coupés en deux au
niveau des ceintures d’explosifs.
Un constat similaire a pu être fait
aux abords du Stade de France
concernant l’un des corps des
assaillants.
Les assaillants se déplaçaient
L’autre nouveauté de ce type d’attaque sur le sol français porte, selon certains magistrats antiterroristes parisiens, sur la simultanéité des attaques qui a permis
aux autorités, très vite dans la soirée, de considérer qu’elles étaient
confrontées à une attaque terroriste de grande ampleur et dont
on pouvait craindre le pire. La panique et la confusion sont grandement accrues lorsque les lieux
d’attaque sont ainsi démultipliés.
Le manque d’information a été
d’autant plus grand que plusieurs
assaillants se déplaçaient pour semer la terreur et ne se contentaient pas de viser un seul endroit.
Les services de renseignement
avaient, en théorie, envisagé un
tel scénario. « Lorsque j’étais à la
tête de la Direction centrale du renseignement intérieur, nous avions
envisagé ce type d’attaque contre
des gares, des stades ou des salles
de spectacle », rapporte au Monde
Bernard Squarcini, qui a dirigé le
service de 2008 à 2012. « Il ne s’agit
pas d’un acte aveugle, cette attaque complexe s’inscrit dans un
contexte politique particulier, celui
de la COP21 qui doit se tenir dans
deux semaines. »
L’histoire contemporaine des
attentats commis sur le sol français reflète un lent glissement
vers cette forme d’attentat propre
à des pays où sévissent des
guerres asymétriques entre des
puissances technologiques et des
opposants dépourvus de moyens
et sacrifiant leur vie pour provoquer le maximum de dégâts humains. Mais le mouvement s’est
accéléré depuis le début du conflit
syrien en 2011, la France craignant, comme d’autres grandes
démocraties occidentales, le moment où des djihadistes ayant
combattu dans ce pays reviennent en Europe pour y commettre des attentats.
« Cette attaque
complexe
s’inscrit
dans un contexte
politique
particulier, celui
de la COP21 »
BERNARD SQUARCINI
ancien directeur de la DCRI
Comme un signe avant-coureur,
la proximité entre les frères Saïd
et Chérif Kouachi, les deux
auteurs de l’attaque, le 7 janvier,
contre les locaux de Charlie
Hebdo, à Paris, et Amedy Coulibaly, qui a mené, seul, celle contre
une épicerie cacher, a pu laisser
penser qu’une forme de concertation aurait pu exister en amont.
L’enquête ne l’a pas démontré formellement à ce jour. Mais les liens
sont avérés. Entre 2010 et ce début
d’année 2015, sur le seul territoire
français, les frères Kouachi et
leurs amis de la filière dite des
« Buttes-Chaumont » (19e arrondissement de Paris) poursuivaient leur radicalisation, achetaient des armes et entretenaient
des contacts avec des proches
ayant choisi de combattre en
Syrie ou en Tunisie dans les rangs
djihadistes.
Violence inédite
L’année précédente, le 24 mai 2014,
Mehdi Nemmouche, revenant de
Syrie via la Thaïlande et l’Allemagne, assassinait quatre personnes
au Musée juif de Belgique, à
Bruxelles. Agissant seul, il présentait certaines similitudes avec Mohamed Merah, auteur, deux ans
plus tôt, des tueries des 11, 15 et
19 mars 2012 à Toulouse et à Montauban. Le premier avait été geôlier en Syrie dans les prisons de
l’Etat islamique. Le second avait
tenté l’aventure djihadiste en
Afghanistan et dans les zones tribales pakistanaises, avant de revenir en France. Leur évolution ne
s’était pas faite sans les encouragements et le soutien d’un entourage islamiste radical, mais leurs
actions restaient individuelles.
Les attentats à la bombe artisanale de l’été 1995 et 1996, commis
dans les transports parisiens,
montraient un mode opératoire
propre ressemblant à une signa-
LES DATES
1995
Neuf attentats commis entre
juillet et octobre à Paris font
dix morts. Ils sont revendiqués
par le Groupe islamique armé.
3 DÉCEMBRE 1996
Une bombe explose dans
la rame du RER B à la station
Port-Royal, faisant quatre morts.
11, 15 ET 19 MARS 2012
A Montauban et à Toulouse,
Mohamed Merah tue sept
personnes, trois militaires et
quatre civils, dont trois enfants.
7, 8 ET 9 JANVIER 2015
Dix-sept personnes tombent
sous les balles des frères
Kouachi et d’Amedy Coulibaly.
ture. Unité de lieu, choix d’une
heure de forte affluence, utilisation d’une bouteille de gaz et de
clous. Cette campagne d’attentats
avait été commanditée par les
émirs algériens du GIA associés à
des petites mains françaises, natives de la région lyonnaise.
Ce terrorisme restait cependant
circonscrit à certains réseaux
connus des services de renseignement et a pris fin dès que leur
démantèlement a été rendu possible. Il n’avait, en rien, le caractère massif des vagues djihadistes
qui irriguent la Syrie et qui ont
fini par submerger les filets antiterroristes et importer sur le sol
français une forme de violence
inédite. p
jacques follorou
Depuis « Charlie », une série
d’attaques ratées ou déjouées
Au moins six projets d’attentats ont visé la France depuis dix mois
D
epuis les attaques de
Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, les 7 et 9 janvier, les autorités françaises n’ont
eu de cesse de déjouer des projets
à visée terroriste plus ou moins
aboutis. Certains ont été stoppés
très en amont, alors même que les
plans des candidats au djihad n’en
étaient qu’à l’état de conversations sur Internet. D’autres l’ont
été plus tardivement. Certains
n’ont toutefois échoué que par
miracle. Parmi ceux formellement déjoués, une partie seulement a été révélée au grand public, tant les interpellations se
succèdent depuis des mois.
Trois attentats n’atteignent pas
la totalité de leurs objectifs
Quelques semaines seulement
après les tueries de Charlie Hebdo
et de l’Hyper Cacher, une attaque
isolée a lieu à Nice. On est le 3 février, et un homme de 30 ans,
Moussa Coulibaly, se rue au couteau sur trois militaires en faction
devant un centre communautaire
juif. En garde à vue, il va exprimer
sa haine de la France, de la police
et des juifs. L’« incident » apparaît
mineur au regard des attentats de
janvier : il est vite oublié.
Le 26 juin, un autre attentat est
entrepris par un homme seul à
Saint-Quentin-Fallavier (Isère). Le
patron d’une société de transports, Hervé Cornara, est décapité
par un de ses employés, Yassin
Salhi. Sa tête est retrouvée accrochée sur un grillage, encadrée par
deux drapeaux portant des insignes de l’Etat islamique (EI). L’assassin, dont les motivations sont
troubles, a tenté ensuite sans succès de faire exploser l’usine, classée Seveso, où il a pu pénétrer, en
précipitant son fourgon de livraison contre des bouteilles de gaz. Il
Le dernier
projet d’attentat
déjoué rendu
public remonte
au 11 novembre
n’a pas de casier judiciaire, mais
fait l’objet d’une fiche « S »
(« Surêté de l’Etat ») depuis 2006.
Il a été arrêté.
L’attaque ratée du train Thalys
reliant Amsterdam à Paris, le
21 août au soir, va rappeler que la
menace vise tout le monde.
Ayoub El-Khazzani, 25 ans, d’origine marocaine, fiché pour son islamisme radical, commence à
ouvrir le feu sur les passagers du
train bondé. Deux personnes
sont blessées, l’une par balle,
l’autre par arme blanche. Deux
militaires américains en permission et un de leurs amis réussissent à le maîtriser et empêcher ce
qui aurait pu être un carnage. Les
motivations du tireur restent inconnues.
Trois projets d’attentats officiellement déjoués Le 19 avril, un
étudiant algérien en informatique
de 24 ans, Sid Ahmed Ghlam, est
arrêté à Paris après avoir appelé les
secours parce qu’il s’est, dit-il, tiré
malencontreusement une balle
dans la jambe. Sid Ahmed Ghlam
est soupçonné d’avoir un peu plus
tôt tué une professeure de fitness
dans sa voiture, Aurélie Châtelain,
à Villejuif (Val-de-Marne), où il
aurait eu le projet d’attaquer une
église à l’heure de la messe. Il était
connu des services de renseignement pour avoir basculé dans l’islam radical, et plusieurs éléments
d’enquête attestent, là encore,
qu’il a reçu des instructions en
provenance, semble-t-il, de Syrie.
Le 13 juillet, un projet en apparence plus « anodin » est empêché
et révélé. Quatre jeunes de 16 à
23 ans sont soupçonnés d’avoir
voulu attaquer le camp militaire
du fort Béar, à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales), et d’avoir envisagé la décapitation d’un officier.
Ils revendiquent leur engagement
djihadiste aux côtés de l’EI.
Le dernier projet d’attentat déjoué rendu public remonte seulement au 11 novembre, quand le
ministère de l’intérieur confirme
l’interpellation d’un homme de
25 ans, Hakim M. Il a été arrêté le
29 octobre et mis en examen pour
« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » alors qu’il cherchait à se
procurer du matériel pour un projet d’attaque contre des militaires
de la marine nationale à Toulon. Il
était surveillé depuis un an pour
ses velléités de départ en Syrie et
son activité sur Facebook. Les enquêteurs ont pu établir qu’il était
en contact avec un donneur d’ordres situé en Syrie.
Un homme interpellé révèle
qu’il a reçu des consignes Le
15 août, un projet d’attentat peu
avancé est révélé par un homme
de 30 ans lors de sa garde à vue. Ce
n’est que le 18 septembre qu’ont
été officialisées son interpellation
et sa mise en examen pour « association de malfaiteurs en vue
d’une entreprise terroriste ».
Après avoir brièvement séjourné
dans les rangs djihadistes à Raqqa,
en Syrie, ce Français a expliqué
aux enquêteurs avoir reçu des
consignes très précises pour mener un attentat, « dans l’idéal »,
lors d’un concert en France. p
élise vincent
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12 | les attaques terroristes à paris
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
L’antiterrorisme
à la peine face
à une menace
insaisissable
Les djihadistes parviennent
à échapper à l’attention des services
jusqu’à leur passage à l’acte
suite de la première page
« La menace est quasiment impossible à prévenir dans sa globalité »,
ajoutait un cadre de la police
judiciaire de la Préfecture de police de Paris (PJPP). « Elle est trop
multiple, variée et complexe. Et on
ne peut pas mettre un policier sur
chaque menace répertoriée. Sans
compter les retours de Syrie et les
stratégies de dissimulation mises
en place par les intéressés qui compliquent la tâche des services de
renseignements. »
Une autre source issue de la
communauté du renseignement
français indiquait, début novembre, que la grande crainte des services portait, aujourd’hui, sur « les
retours dissimulés » de Syrie, « un
mode de déplacement manifestant la volonté claire de commettre des actes répréhensibles ».
Un jour seulement après les attentats de Charlie Hebdo, un
membre de la Direction générale
de sécurité intérieure (DGSI) expliquait : « Il faut prioriser, si les
gars ne commettent pas d’erreur,
c’est compliqué de justifier des
écoutes. On ne peut pas surveiller
H24 des personnes contre qui on
« La menace
est quasiment
impossible
à prévenir dans
sa globalité »,
indiquait un
cadre de la police
judiciaire
n’a rien. » Ainsi, les auteurs de l’attaque, les frères Kouachi, avaient
fait l’objet de surveillances de la
DGSI (entre novembre 2011 et
juin 2014 pour Saïd, entre novembre 2011 et fin 2013 pour Chérif),
avant que les services n’interrompent leur travail, les écoutes
n’ayant rien donné de probant.
Stratégie partiellement caduque
D’autres questions se posent sur
le suivi de certains profils radicalisés. Moustapha Mokeddem,
dont les services de renseignement supposent qu’il aurait
donné des consignes à Hakim
Marnissi pour commettre un
attentat à Toulon contre des militaires, était déjà connu de l’antiterrorisme. Arrêté en 2012,
Mokeddem avait été condamné
pour avoir proféré des menaces
contre Charlie Hebdo. Sorti de prison en avril 2013, il avait pourtant
pu rejoindre la Syrie, en décembre 2014, sans problème. Son
contrôle judiciaire n’était pas assorti de la saisie de son passeport.
Marnissi, lui, a été interpellé le
29 octobre et mis en examen le
2 novembre pour association de
malfaiteur en relation avec une
entreprise terroriste.
Des interrogations s’étaient également posées à propos de Mehdi
Nemmouche. Parti se battre en
Syrie en tant que geôlier dans les
prisons de l’Etat islamique (EI)
avant de rentrer en Belgique, où il
est accusé d’avoir assassiné, le
24 mai 2014, quatre personnes au
Musée juif de Belgique, à Bruxelles, il avait pu s’enfuir en France
sans être inquiété. Il avait emprunté, six jours plus tard, la ligne
internationale de bus Eurolines,
Des policiers boulevard des Filles-du-Calvaire, près du Bataclan, à Paris. OLIVIER LABAN MATTEI/MYOP POUR « LE MONDE »
qui effectue la liaison entre Amsterdam et Marseille. Il avait été
arrêté « de manière inopinée » par
les douaniers à sa descente du bus
à Marseille.
En 2013, la mission parlementaire sur le renseignement, dirigée par Jean-Jacques Urvoas, président (PS) de la commission des
lois de l’Assemblée nationale,
avait estimé, après les assassinats
en mars 2012 à Toulouse et Montauban commis par Mohamed
Merah, que la stratégie française
face au terrorisme était « partiellement caduque ». M. Urvoas considérait alors qu’il fallait remplacer
la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) par une
Direction générale de la sécurité
intérieure (DGSI). « L’affaire Merah ne procède pas des dysfonctionnements de la DCRI, elle les
révèle », affirmait-il.
Les conseils de la mission Urvoas avaient été entendus : la
DGSI a vu le jour le 2 mai 2014. La
DGSI, pas plus que la DCRI, n’a
cependant pas été en mesure
d’empêcher les agissements de
Mehdi Nemmouche, des assaillants de Charlie Hebdo ou
des auteurs du carnage du Bata-
clan du 13 novembre 2015 à Paris.
Par ailleurs, l’enquête sur l’attaque, en janvier, par les frères
Kouachi, de Charlie Hebdo et
d’une épicerie juive de la porte de
Vincennes, par Amedy Coulibaly,
a montré que ce qui était perçu
alors comme la plus grande des
violences imaginables avait été
perpétrée par d’anciens du djihad
ayant eu maille à partir avec la
justice dès 2004. Comme un paradoxe, la DGSI, qui se voyait reprocher précédemment de ne pas
avoir assez concentré ses efforts
sur les départs de français vers la
Syrie était, cette fois-ci, suspectée
d’avoir omis de travailler sur une
autre génération jugée, a posteriori, plus dangereuse.
Passage en prison
Pourtant, jusqu’en 2013, au
moins, la police judiciaire antiterroriste était saisie de dossier
concernant Chérif Kouachi et
Amedy Coulibaly. L’administration pénitentiaire ne fera rien remonter sur les dérives des intéressés lors de leur passage en prison.
Et si la DGSI sera en mesure de
fournir des adresses de possibles
caches lors des cavales des frères
Le cas de Sid
Ahmed Ghlam,
en avril, a rappelé
que la menace
pouvait venir
d’individus sans
passé judiciaire
Kouachi et de Coulibaly, aucune
alerte ne sera donnée, en amont,
sur leur basculement dans
l’ultraviolence.
Enfin, comme Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche ou les
frères Kouachi, Yassine Salhi était
connu des services de renseignement avant de décapiter son employeur dans le département de
l’Isère. Selon le procureur de la République de Paris, François Molins, il avait fait l’objet, de 2006 à
2008, d’une fiche « S » (sûreté de
l’Etat), délivrée par la Direction de
la surveillance du territoire (DST),
pour « islam radical ». La DST, devenue, en 2008, la Direction centrale du renseignement intérieur
(DCRI) après sa fusion avec la
Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) puis,
en 2014, la Direction générale de
la sécurité intérieure (DGSI), l’a
également suivi de 2011 à 2014,
pour ses liens avec la « mouvance
salafiste lyonnaise ».
Pour compliquer plus encore la
traque antiterroriste, alors que les
précédentes recrues de l’EI ou
d’Al-Qaida avaient fait leurs classes en prison ou dans des camps
d’entraînement, le cas de Sid Ahmed Ghlam, arrêté en avril, après
avoir projeté des attentats contre
des églises, est venu rappeler que
la menace pouvait venir d’individus sans passé judiciaire. Le jeune
homme faisait toutefois, lui aussi,
l’objet de l’attention des services
de renseignement pour avoir manifesté sur les réseaux sociaux sa
volonté de partir en Syrie. Une fiche « S » (pour « atteinte à la sûreté
de l’Etat ») avait été établie, mais
elle n’entraînait aucune action
automatique de coercition à son
encontre. Tout comme l’auteur
présumé de l’attaque commise
dans le TGV Thalys le 21 août,
Ayoub El-Khazzani. p
jacques follorou
et simon piel
Renforcés, les services de renseignement restent débordés
Loi renseignement, meilleure coordination… Depuis les attentats de janvier, le dispositif antiterroriste a été largement remodelé
D
epuis les attentats de
Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, à Paris, les 7 et
9 janvier, le dispositif antiterroriste a été largement remodelé :
loi renseignement en juin, étatmajor opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) placé
directement auprès du ministre
de l’intérieur en juillet.
Les nouveaux attentats de Paris
se sont produits un peu plus d’un
mois après l’entrée en vigueur de
plusieurs mesures phares de la loi
renseignement,
notamment
l’autorisation de nombreuses
techniques spéciales d’enquête
pour les services : sonorisation
des lieux privés, surveillance informatique en temps réel, etc.
Il est donc encore beaucoup trop
tôt pour juger de leur efficacité
– ou de leur inefficacité – dans la
détection et le suivi des terroristes
présumés. Quelques heures avant
les attentats, une source judiciaire
prévenait encore : « Nous n’avons
pas assez de recul sur la loi renseignement, il faudra attendre quelques mois. »
De même, les créations de postes annoncées par Manuel Valls
après les attentats de janvier
– 1 400 à l’intérieur, 950 à la justice, 250 à la défense – ne sont pas
encore effectives – elles le seront
d’ici à la fin du quinquennat.
M. Cazeneuve a précisé la répartition devant les députés, le 29 octobre : « 500 postes supplémentaires au sein de la DGSI [direction générale de la sécurité intérieure] sur
la période – ce qui porte à 1 000 le
nombre de postes créés dans cette
direction d’ici à la fin du quinquennat ; 500 postes au sein du service
central du renseignement territorial (SCRT) ; 100 postes au sein de la
direction du renseignement de la
préfecture de police de Paris
(DRPP) ; 106 postes au sein de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ; 60 postes au sein de la
police de l’air et des frontières (PAF)
(…) ; enfin, 40 emplois au sein du
service de la protection des personnalités (SDLP). » « Cela permettra à
nos services, qui étaient à la peine,
de disposer de moyens humains
supplémentaires pour faire face au
risque terroriste », a-t-il ajouté.
En interne, tous les responsables
reconnaissent donc que les services sont toujours « à la peine »,
pour reprendre l’expression du
ministre, face à l’afflux de dos-
siers à traiter. « La DGSI suit spécifiquement ce que nous appelons le
“haut du spectre”, c’est-à-dire les
individus les plus dangereux », a assuré M. Cazeneuve à Libération, le
12 novembre. Mais le haut du
spectre, dans le contexte actuel,
est large. Plus de 1 500 personnes
sont aujourd’hui impliquées dans
des filières du djihad en Syrie ou
en Irak, et donc suivies judiciairement ou administrativement.
La section judiciaire seule de la
DGSI traite 169 dossiers, qui correspondent à 370 interpellations.
Et le fichier des signalés pour la
prévention et la radicalisation à
caractère terroriste (FSPRT), créé
en mars et classé secret défense,
compte plus de 11 000 noms.
Plus de
1 500 personnes
sont suivies pour
leur implication
dans des filières
du djihad en
Syrie ou en Irak
La DGSI est donc débordée. A
Roissy, par exemple, où elle doit
traiter les retours de Syrie, ses
agents sont exclusivement mobilisés par leurs tâches judiciaires –
c’est-à-dire le traitement du haut
du spectre, les djihadistes de retour dont le cas est jugé immédiatement « judiciarisable ». Ailleurs,
les difficultés sont les mêmes, et
la rapidité de transmission de l’information en souffre. « En général,
quand ils préviennent qu’un de
leurs “clients” à l’intention de filer
en Syrie, on s’aperçoit qu’il y est
déjà », explique un policier d’un
autre service.
Car, et c’est la grande différence
avec l’avant-Charlie, et encore plus
avec l’avant-Merah, la circulation
de l’information entre les services
fonctionne désormais. Entre la
DGSI et le renseignement territorial (ex-RG), d’abord. Ce dernier
service, chargé du « renseignement de proximité », a été considérablement renforcé depuis
2012, de 1 900 à 2 200 personnes.
Même les gendarmes sont
aujourd’hui davantage intégrés
au circuit – une nécessité, alors
qu’un certain nombre de personnes suivies sont également pré-
sentes en zones rurales, par volonté de discrétion.
En revanche, l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) laisse les policiers
sceptiques. Le ministre de l’intérieur avait découvert, dans les
heures qui ont suivi l’attentat à
Charlie Hebdo, la forte capacité
des différents services de renseignement et de police judiciaire au
mieux à s’ignorer, au pire à se
nuire. Conséquence : des ratés au
démarrage de l’enquête, des fuites
d’informations désordonnées…
Désireux de remettre les choses
en ordre, il avait obligé chaque
service à s’asseoir autour de la
même table, dans la salle du « fumoir », place Beauvau, sous son
autorité directe. Ce moment, dont
l’importance est relativisée par
bon nombre de hauts responsables policiers, n’en est pas moins
devenu un élément-clé de la mythologie cazeneuvienne.
Concurrence entre services
Pour perpétuer cet esprit et garder
le contrôle, le ministre a donc souhaité créer un état-major permanent placé sous sa tutelle directe
– au risque de s’exposer politique-
ment en cas d’échec. Une douzaine des fonctionnaires de la
DGSI, du SCRT, de la DRPP, de la PJ,
de la gendarmerie travaillent sous
l’autorité d’un préfet. « Sur les
4 000 individus suivis pour radicalisation ou terrorisme, il ne doit
plus y avoir de loupé. Nous devons
savoir, sur chaque suspect, ce qui a
été fait à son sujet dans le passé et
quel service travaille désormais sur
lui », précisait-on, en juillet, Place
Beauvau.
Le problème, c’est que ce n’est
pas la première fois qu’une structure de « coordination » et
« d’échange d’informations » est
créée. Il y a déjà l’unité de coordination de la lutte antiterroriste
(Uclat), chargée « de la coordination opérationnelle des services
appelés à lutter contre le terrorisme » depuis 1984. Et puis il y a
les mesures post-Merah prises
par Manuel Valls, alors ministre
de l’intérieur : une multiplication
de « cellules de coordination ».
Tout ce petit monde doit désormais cohabiter – et le risque que la
concurrence entre services se
mue en concurrence entre coordinateurs est réel. p
laurent borredon
les attaques terroristes à paris | 13
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Obama : « Une attaque contre toute l’humanité »
Les dirigeants du monde entier témoignent de leur solidarité et appellent à combattre le terrorisme
B
arack Obama a été le
premier chef d’Etat à
réagir aux attaques du
13 novembre, avant
même François Hollande. Visage
fermé, le président américain a
pris la parole depuis la Maison
Blanche alors que les attaques
n’étaient pas encore finies vendredi soir. Ces attentats « ne sont
pas seulement une attaque contre
Paris », mais « une attaque contre
toute l’humanité et nos valeurs
universelles », a déclaré M. Obama
dans une allocution solennelle.
En français dans le texte, le chef de
l’Etat américain a cité la devise
« Liberté, Egalité, Fraternité » pour
rappeler qu’elles ne sont « pas seulement des valeurs françaises,
mais des valeurs que nous partageons tous ».
« La France n’est pas seule »
A l’unisson du président américain, les réactions de toute la planète ont afflué dans la nuit. Angela Merkel, la chancelière allemande, qui avait défilé à quelques
centaines de mètres du Bataclan
lors de la manifestation du 11 janvier contre les attentats de Charlie
Hebdo et de l’Hyper Cacher de la
porte de Vincennes, à Paris, s’est
dite « bouleversée ». « Choqué »
également, Jean-Claude Juncker,
le président de la Commission
européenne, qui avait lui aussi
fait partie de ce cortège. « La
France est en première ligne dans
la lutte contre le terrorisme. Mais
elle n’est pas seule. Ce combat est le
combat de tous les Européens, et
de tous les peuples du monde libre », a défendu le président du
Conseil européen, Donald Tusk.
David Cameron, le premier ministre britannique, a promis de
faire « tout ce [qui est possible]
Moscou a indiqué
« se tenir prêt
à fournir son
entière assistance
pour enquêter
sur ces crimes
terroristes »
damne vigoureusement ces attaques terroristes » par l’intermédiaire du ministère des affaires
étrangères chinois. Les réactions
de solidarité sont également venues du Brésil, de Cuba, de Belgique, des Pays-Bas ou du Canada.
De leur côté, les Philippines ont
assuré, samedi, qu’elles garantiraient « une sécurité renforcée »
aux leaders mondiaux attendus
au Forum de coopération économique pour l’Asie-Pacifique
(Apec), à Manille. Barack Obama
doit se rendre au sommet prévu
dans la capitale philippine les 18
et 19 novembre, aux côtés des responsables chinois, japonais, australien, canadien et de quinze
autres chefs d’Etat.
Le président américain, Barack Obama, après son allocution à la Maison Blanche, le 13 novembre. EVAN VUCCI/AP
pour venir en aide ».
Et l’Italie est « ensemble avec ses
frères français », après « l’atroce attaque contre Paris et contre l’Europe », a déclaré le premier ministre, Matteo Renzi, sur Twitter. En
Espagne, Mariano Rajoy a parlé au
téléphone avec Manuel Valls et
« lui a exprimé sa consternation
Le président iranien annule sa visite
Le président iranien, Hassan Rohani, qui devait arriver dimanche
15 novembre à Paris pour une visite officielle, a décidé de la reporter sine die. Dans un message envoyé à François Hollande, il a
qualifié ces attaques de « crime contre l’humanité ». Une réunion
cruciale sur l’avenir de la Syrie, qui devait se tenir samedi à
Vienne, a, elle, été maintenue. Il faut « utiliser l’occasion créée par
ces crimes pour une coordination internationale » contre le terrorisme, a défendu le ministre iranien des affaires étrangères, qui espère bien en tirer profit pour pousser l’idée d’une coalition contre
l’Etat islamique. « Dans les circonstances présentes, il est particulièrement important de coordonner les actions contre les terroristes de
Daech. C’est l’un des objectifs de la réunion de Vienne », a expliqué
au Monde Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères.
pour les terribles attentats et la solidarité du peuple espagnol ». Le
Vatican a dénoncé « une violence
terroriste folle ». « Nous condamnons [ces attentats] de la manière
la plus ferme, ensemble avec le
pape et avec tous ceux qui aiment
la paix », a déclaré le porte-parole
du Vatican.
A Moscou, le Kremlin a publié
un communiqué pour assurer
que « la Russie condamne ce massacre inhumain et se tient prête à
fournir son entière assistance pour
enquêter sur ces crimes terroristes ». Le président Vladimir Poutine est intervenu fin septembre
en Syrie pour lutter contre le terrorisme, mais sous les critiques
des Occidentaux qui l’accusent de
viser en priorité les rebelles modérés, plutôt que l’Etat islamique
(EI). Même message de solidarité
depuis la Turquie, où le président
Recep Tayyip Erdogan a présenté
à la télévision « ses condoléances
les plus profondes » en demandant un « consensus de la communauté internationale contre le terrorisme ». Le président turc fait lui
aussi l’objet de critiques, car il utilise la lutte contre l’EI pour attaquer le Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK).
« Israël se tient aux côtés du président François Hollande et du
peuple français dans la guerre
commune contre le terrorisme », a
déclaré de son côté le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Selon la chaîne Channel
2, le gouvernement a demandé à
Paris de renforcer davantage la
sécurité autour des institutions
et des bâtiments de la communauté juive. Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, a présenté ses condoléances et a appelé à combattre « le fléau du terrorisme, qui a pour but de
déstabiliser la sécurité et la stabilité dans différentes parties du
monde, sans distinction ».
Pour le secrétaire général des
Nations unies, Ban Ki-moon, il
s’agit « d’attaques terroristes méprisables ». Au Maroc, frappé
en 2003 et en 2011 par des attentats, le roi Mohammed VI a
adressé un message de condoléances au président français, exprimant « une vive émotion et une
profonde tristesse » face à ces
« odieuses attaques ».
En Asie, la présidente de la Corée
du Sud, Park Geun-hye, a présenté
ses « condoléances » à la France.
« Le terrorisme est un crime contre
l’humanité. Il est injustifiable et intolérable », a-t-elle expliqué.
« Quelle que soit la raison des attentats, ils restent impardonnables et hautement condamnables », a, lui, déclaré le ministre japonais des affaires étrangères, Fumio Kishida. La Chine s’est
déclarée « profondément choquée » et a fait savoir qu’elle « con-
Minutes de silence
Au-delà des chefs d’Etat et de gouvernement, les attaques ont suscité des réactions de solidarité
spontanées un peu partout sur la
planète. Aux Etats-Unis, le One
World Trade Center de New York
et le City Hall de San Francisco se
sont parés des couleurs du drapeau français en hommage à la
tragédie. Des minutes de silence
ont été observées avant les
matchs de basket de NBA. Et les
principaux candidats aux investitures démocrate et républicaine
pour la présidentielle de 2016,
Hillary Clinton, Bernie Sanders,
Donald Trump, Ben Carson, Jeb
Bush, Marco Rubio et Ted Cruz,
ont assuré « se recueillir » ou
« prier » pour les victimes.
A Berlin, des Allemands et des
Français sont venus spontanément déposer des bougies devant
l’ambassade de France. Même
réaction spontanée à New York
sur l’Union Square, où des dizaines de Français se sont rassemblés. A Barcelone, une minute de
silence devait être organisée samedi midi. p
service international
La France, ce pays que les djihadistes aiment haïr
Paris, menacée depuis des années, est devenue une cible privilégiée avec l’extension à la Syrie des frappes françaises contre l’Etat islamique
suite de la première page
Parce que le mode opératoire rappelle la déjà sanglante équipée des
frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, les auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo et le supermarché casher de la porte de Vincennes, au mois de janvier. Mais plus
profondément, parce que la
France, pour de multiples facteurs,
qui tiennent à sa sociologie, ses valeurs et sa relation passée et présente au Proche-Orient, constitue
une cible rêvée, quasi exemplaire,
pour l’organisation djihadiste.
La raison la plus apparente tient
à l’engagement de Paris dans la
coalition anti-EI conduite par les
Etats-Unis. Si la France ne s’est
mise à bombarder les positions
des extrémistes en Syrie que sur le
tard, en septembre de cette année,
elle fut l’un des premiers partenaires de l’offensive américaine,
en décidant, dès septembre 2014,
de bombarder des cibles en Irak.
Le dispositif de cette double opération, baptisée « Chammal »,
comprend 700 militaires, avec 12
avions de chasse basés aux Emi-
rats arabes unis et en Jordanie.
L’Elysée a annoncé le doublement
de ce potentiel, avec l’envoi dans
le Golfe, le 18 novembre, du porteavions Charles-de-Gaulle.
Politique intransigeante
L’engagement français comprend
aussi une centaine de conseillers
et des forces spéciales, qui sont
déployées en Irak, auprès des peshmergas kurdes à Erbil, et au sein
de la sixième division d’infanterie à Bagdad. Vendredi 13 novembre, les Kurdes, appuyés par l’aviation américaine, ont d’ailleurs
réussi à bouter les djihadistes
hors de la ville de Sinjar, à l’ouest
de Mossoul. Une victoire importante, susceptible de faciliter l’offensive attendue contre Rakka, la
capitale syrienne de l’EI, mais que
les tueries de Paris ont complètement éclipsée.
Au total en un an, avec 280 frappes en Irak, la France a contribué à
4 % des bombardements de la coalition. L’essentiel de sa contribution consiste en des vols de reconnaissance. La priorité de l’état-major demeure l’engagement contre
les « groupes armés terroristes » au
Sahel, qui mobilise 3500 soldats.
Mais l’extension à la Syrie du
domaine d’intervention des Rafale et des Mirage français a radicalisé le face-à-face entre Paris et
les dhihadistes. Justifiée au nom
de la « légitime défense », elle intègre une traque des recrues françaises de l’EI, qui menacent de revenir en France commettre des
attentats. Comme l’a révélé Le
Monde, le deuxième des trois
raids anti-EI réalisés à ce jour par
l’aviation tricolore en Syrie, dans
la nuit du 8 au 9 octobre, contre
un camp d’entraînement de
Rakka, visait entre autres un ressortissant hexagonal très précisément : Salim Benghalem, un trentenaire de Cachan (Val-deMarne), qui, aux dires des services de renseignement, officie
comme « responsable de l’accueil
des Français et des francophones
au sein de l’Etat islamique ».
Paradoxalement, la France, pays
le plus exposé en Europe à cette
confrontation, est aussi, de toutes
les puissances occidentales engagées au Proche-Orient, le plus pro-
sunnite et le plus favorable à l’opposition syrienne. Si l’on en croit
les témoignages des rescapés du
Bataclan, les assaillants de la salle
de spectacle parisienne ont justifié
leur action par « ce que fait la
France en Syrie ».
Or, depuis le début de la crise
dans ce pays, en 2011, celle-ci n’a
pas dévié d’une politique anti-Assad intransigeante. En sus de
l’aide fournie aux rebelles et de
son opposition, sur la scène diplomatique, à toute solution qui ne
prévoirait pas une mise sur la touche du tyran syrien, Paris fut en
août 2013 le plus chaud partisan
de frappes contre Damas, en re-
L’interdiction
du voile intégral
dans l’espace
public nourrit
un ressentiment
fondateur chez
les extrémistes
présailles à l’attaque chimique
menée quelques jours plus tôt
contre la Ghouta, la banlieue de la
capitale syrienne.
Si ce positionnement n’émeut
pas l’organisation au drapeau
noir, qui prétend pourtant défendre l’honneur sunnite face aux
menées de l’Iran dans la région,
c’est parce que Bachar Al-Assad
est un adversaire négligeable –
voire utile dans la mesure où il
combat ses rivaux sunnites – par
rapport à son but ultime, la restauration d’un empire islamique
perdu. Et à ce titre, la France fait
encore une fois figure d’ennemi
privilégié. Dans la logorrhée djihadiste, Paris est le gardien honni
du temple « Sykes-Picot ». Cet accord secret signé en 1916 a acté le
démantèlement de l’Empire ottoman, et le partage de ses dépouilles entre Paris et Londres
sous la forme d’Etats aux frontières arbitrairement dessinées.
En tant qu’ancienne puissance
coloniale, défenseure de l’intégrité
du Liban, un Etat créé là encore par
ses soins, en soutien aux minorités chrétiennes du Levant, et allié
de l’Etat d’Israël, la France est ce
pays que les djihadistes aiment
haïr, presque autant que les EtatsUnis.
A cela s’ajoute un ensemble de
valeurs, au premier rang desquels
la laïcité, qui heurte de front le
credo des extrémistes. Pour beaucoup d’entre eux, l’interdiction du
voile islamique intégral dans l’espace public nourrit un ressentiment fondateur, qui a conditionné leur relation à la France. La
présence au sein de sa population
d’une importante communauté
musulmane constitue un ultime
aimant pour les djihadistes.
Le sentiment de relégation sociale qu’éprouve une partie de ses
membres leur offre une porte
d’entrée rêvée, un terreau potentiellement fertile. Comme en Irak
et au Liban, où il vise principalement les chiites, pour les dresser
contre les sunnites, l’Etat islamique joue, avec un plaisir pervers,
sur les fractures sociales et identitaires françaises. p
benjamin barthe
(beyrouth, correspondant)
avec nathalie guibert (à paris)
14 | 0123
L’EFFROI
ET LE SANG-FROID
suite de la première page
Le bilan de leur carnage – plus de 128 morts, à cette
heure – est odieux, sans précédent dans notre pays.
Ils ont déclenché ce que les responsables policiers redoutaient par-dessus tout : plusieurs attaques simultanées dans la capitale et sa banlieue, aux abords du
Stade de France, où 80 000 personnes assistaient au
match de football France-Allemagne, en présence de
François Hollande, devant quatre cafés ou restaurants des 10e et 11e arrondissements, enfin à l’intérieur même du Bataclan, où plus d’un millier de personnes assistaient à un concert et se sont trouvées
prises en otage, avant que l’assaut ne soit donné par
les forces de l’ordre.
Pour la première fois en France, plusieurs de ces terroristes, bardés de ceintures d’explosifs, n’ont pas hésité à se transformer en bombes humaines. C’est la
France qu’ils ont voulu plonger dans la panique et
dans l’effroi. C’est la France qu’ils ont voulu briser.
Cette folie n’appelle qu’une seule réponse. Contre la
panique, la dignité. Contre les semeurs de mort, la
fermeté. Contre l’affolement, la lucidité. Contre l’effroi, le « sang-froid », comme l’a dit, justement, le président de la République au milieu de la nuit. Et, par-
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
dessus tout, l’unité de la nation dans l’épreuve.
Les interrogations ne manquent pas. Elles sont légitimes, et il faut y répondre. La première et la plus immédiate est celle de la sécurité générale du pays : estelle menacée, surtout à l’approche, dans trois semaines, de la conférence internationale sur le climat, qui
doit réunir, à Paris, plusieurs dizaines de chefs d’Etat
et de gouvernement, et se tiendra au même moment
que les élections régionales ? Le gouvernement a décrété l’état d’urgence et renforcé les contrôles aux
frontières. Cela s’imposait, pour faire face à cette
guerre que les « djihadistes » veulent nous imposer.
Comme s’impose, à nos yeux, de maintenir le calendrier de la conférence climatique et des élections. Les
différer, les reporter ou y renoncer reviendrait à céder au chantage et au défi des terroristes.
La deuxième question est celle de la politique de
lutte contre le terrorisme sur le territoire national.
Est-elle à la hauteur de la menace ? Est-elle efficace ?
Depuis deux ans, comme toutes les autres démocraties, la France n’a cessé d’accroître les moyens juridiques et policiers mis au service de l’Etat pour lutter
contre le terrorisme djihadiste. Toutes les démocraties l’ont fait en s’efforçant de préserver l’équilibre entre la sécurité et la liberté. Nous ne sommes pas sans
moyens ni sans volonté. A plusieurs reprises, ces dernières semaines, la police a déjoué des attentats qui
visaient le territoire français. La nuit tragique du
13 novembre le démontre, hélas ! Face à ce genre
d’agression, il n’existe pas de parade évidente, sauf à
se transformer en Etat policier ou à vendre des illusions.
La troisième interrogation porte sur la politique extérieure de la France et ses interventions militaires,
en Afrique et au Proche-Orient : sont-elles la cause de
cette spirale meurtrière et doivent-elles être reconsidérées ? Naturellement, la France est visée parce
qu’elle est en première ligne dans le combat contre le
djihadisme.
Elle se bat sur plusieurs fronts. Elle intervient en
Afrique subsaharienne, où, avec d’autres, elle cherche
à empêcher qu’un immense espace désertique ne
tombe totalement aux mains de réseaux criminels.
Elle a sans doute sauvé la capitale du Mali, Bamako,
d’un assaut islamiste début 2013. Sans l’intervention
de l’aviation française, la ville aurait pu devenir ce
que Kaboul, la capitale afghane, a été pour Al-Qaida
jusqu’en 2001 : un appui logistique clé pour des opérations terroristes à travers le monde.
A la demande du gouvernement de Bagdad, Paris
participe, avec une cinquantaine d’autres pays, à la
guerre (essentiellement aérienne) menée contre
l’« Etat islamique », qui s’est emparé d’une bonne
partie du territoire de l’Irak. La seule abomination
des pratiques de cette organisation barbare n’explique pas l’intervention de cette coalition internationale. Là encore, c’est la défense des intérêts stratégiques de l’Europe, donc de la France, qui est en cause.
Les zones pétrolières que contrôle l’EI lui donnent les
moyens de mener des actions contre l’Occident, qu’il
ne cesse de désigner à la vindicte de ses cellules terroristes. L’action des Européens en Irak peut être interprétée comme relevant d’une forme d’autodéfense.
Depuis le début de l’automne, la France a aussi
mené des interventions aériennes en Syrie. En ciblant des bases d’entraînement de l’Etat islamique,
elle a officiellement invoqué l’autodéfense. Elle fait
valoir que les commandos islamistes ont, ces der-
niers mois, cherché à plusieurs reprises à frapper le
territoire français, et qu’ils préparent leurs opérations à partir de la Syrie.
Ce combat que mène Paris contre le djihadisme expose la France. Mais il ne faut pas renverser l’ordre
des choses. Les autorités françaises sont en guerre
contre l’islamisme armé parce que celui-ci a nommément désigné la France comme l’une de ses cibles. Il
faut être aveugle ou sourd pour ne pas lire et entendre le discours de l’Etat islamique, d’Al-Qaida et
d’autres mouvements islamistes : ce sont des appels
à porter la « guerre sainte » en Europe, à tuer les « infidèles », les « juifs », les « croisés ». Ce n’est pas de la
rhétorique. Il faut prendre au mot le « programme »
de cette maladie régressive de l’islam qu’est l’islamisme.
Qui peut dire avec certitude que l’inaction serait la
garantie de l’immunité ? On touche là à la nature de
l’ennemi à combattre. En ce début de XXIe siècle, le fanatisme religieux, en l’espèce islamiste, a remplacé
les grands totalitarismes du XXe siècle. Comme
Le Monde l’a souvent expliqué, l’islamisme, par son
absolue radicalité, est un totalitarisme – cette promesse folle de régler tous les aspects de la vie des
hommes au nom d’une religion érigée en unique
source de rédemption.
Or ce « parti des purs », pour reprendre l’expression
du grand politologue Pierre Hassner, s’en prend prioritairement aux démocraties. Il nous combat autant
sinon plus pour ce que nous sommes que pour ce
que nous faisons ou ne faisons pas. Rester nous-mêmes est l’une des conditions du succès dans la guerre
qu’il faut mener contre ce fanatisme. p
jérôme fenoglio
L’émotion dans le monde
L’annonce des attentats de Paris a suscité immédiatement des hommages, des Etats comme des citoyens
Montréal. Devant le consulat français, vendredi 13 novembre.
GRAHAM HUGHES/THE CANADIAN PRESS VIA AP
New York. Le One World Trade
Center en bleu-blancrouge. KEVIN HAGEN/AP
Moscou. Devant l’ambassade de France, samedi 14 novembre
au matin. DMITRY SEREBRYAKOV/AFP
Mexico. Le Sénat mexicain aux couleurs de la France, samedi
14 novembre. TOMAS BRAVO/REUTERS
Las Vegas. A l’université du Nevada, avant un match de basket, « Priez
pour Paris », vendredi 13 novembre. SAM MORRIS/LAS VEGAS NEWS BUREAU VIA AP
Tirage du Monde daté samedi 14 novembre 2015 : 277 422 exemplaires
Dans Sinjar libérée par les Kurdes
▶ La ville irakienne, conquise en 2014 par
l’Etat islamique, a été reprise par les peshmergas
▶ C’est un des premiers revers sérieux de l’EI
▶ Envoyé spécial du « Monde », Allan Kaval
décrit la cité en ruine
C’
→ LIR E PAGE 2
Des combattants kurdes
sur la route de Sinjar,
jeudi 12 novembre.
ÉMILIEN URBANO/MYOPE
Réfugiés : Angela Merkel fait marche arrière
▶ La chancelière allemande, sous la pression de son parti, se résout à appliquer les accords de Dublin
bruxelles - bureau européen
L
e revirement d’Angela Merkel est
un coup de tonnerre. Il montre que
la politique européenne d’asile est
menacée d’implosion, et que l’espace
sans passeport de Schengen pourrait, lui
VOLKSWAGEN
LES VERTS EUROPÉENS
EXIGENT
UNE COMMISSION
D’ENQUÊTE
→ LIR E
LES SÉRIES
FRANÇAISES
EN QUÊTE D’AUDACE
PAGES 1 2 - 1 3
CULTURE
JOHNNY HALLYDAY,
CHANTEUR
DE NOUVEAU ENGAGÉ
→ LIR E
déposer leur demande d’asile dans leur
pays d’arrivée dans l’Union.
Angela Merkel a eu beau affirmer, vendredi, dans un entretien à la chaîne ZDF,
« la chancelière a la situation en main. Tout
le gouvernement également », sa décision
apparaît comme un aveu de faiblesse,
alors qu’elle est vivement contestée dans
son propre parti. En parallèle, l’Allemagne
a annoncé la prolongation pour trois
mois des contrôles à ses frontières.
Claude Guéant « a volontairement
transgressé les lois de la République »
L’ancien bras droit de Nicolas Sarkozy a été condamné à deux
ans de prison avec sursis dans l’affaire des primes de la police
PAGE 8
TÉLÉVISIONS
→ LIR E
aussi, être fondamentalement remis en
question. La chancelière allemande a finalement défendu, vendredi 13 novembre, la décision de son ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière, d’appliquer
de nouveau les règles européennes dites
« de Dublin », qui obligent les migrants à
PAGE 1 1
C
hacune des phrases du
jugement qui a condamné Claude Guéant,
vendredi 13 novembre, pour
« complicité et recel de détournement de fonds publics » dans
l’affaire dite des « primes en espèces de la police », est terrible.
Le tribunal de Paris considère
que l’ancien directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur a « volontairement transgressé les lois de
la République et détourné des
fonds publics, évalués à 210 000
euros » en donnant ordre à Michel Gaudin, alors directeur général de la police nationale
(DGPN) de prélever chaque
mois pendant deux ans, entre
2002 et 2004, 10 000 euros en
espèces sur les frais d’enquête
et de surveillance (FES) – normalement destinés à rémunérer les indicateurs de police –
afin de les verser comme complément de rémunération à
ses collaborateurs, lui-même
en gardant la moitié pour son
usage personnel.
La zone euro
au défi de
la croissance
molle
« Claude Guéant, pour des
motivations personnelles, s’est
enrichi au détriment de l’intérêt
général et des missions qui doivent être assurées par les fonctionnaires de police des services
actifs du ministère de l’intérieur », relève le tribunal, en
rappelant que ces sommes perçues en liquide, « de façon discrétionnaire », n’étaient en
outre pas déclarées à l’administration fiscale.
« Ces faits commis au sommet
de la hiérarchie du cabinet ministériel, par un éminent représentant du pouvoir exécutif
dont les fonctions exigent une
probité irréprochable, portent
une atteinte d’une extrême gravité à l’ordre public, dont le ministère de l’intérieur a précisément pour mission de faire assurer le respect, indiquent les juges. Ils constituent en outre une
atteinte aux valeurs de la démocratie républicaine et à la transparence de la vie publique, participant de la défiance que les citoyens peuvent nourrir à l’égard
o
Cahier
Dimanche
15 - Lundi
novembre
2015 - Ne
peut
êtrepeut
vendu
séparément
Cahier du
du «« Monde
Monde»»NNodaté
22031
daté Dimanche
15 -16
Lundi
16 novembre
2015
- Ne
être
vendu séparément
de la politique, des institutions
et de ceux qui les gouvernent. »
Selon eux, Claude Guéant ne
« pouvait ignorer » la réforme
intervenue sous le gouvernement de Lionel Jospin et la volonté qu’elle manifestait de
mettre fin aux pratiques des
rémunérations en espèces.
« Sa formation, son expérience
de la haute fonction publique et
ses qualités intellectuelles notoires ne permettent pas d’imaginer qu’il n’avait pas compris le
texte ni l’esprit de la réforme du
5 décembre 2001 ou qu’il ait pu
considérer que cette dernière ne
s’appliquait pas aux frais d’enquête et de surveillance de la
police, ou pas à sa personne. »
Avec la même sévérité, les juges balaient l’argument de sa
défense selon lequel les fonds
auraient été en partie utilisés
pour assurer des missions de
police, telles que la rémunération d’informateurs lors de la
traque d’Yvan Colonna.
pascale robert-diard
→ LIR E L A S U IT E PAGE 5
jean-pierre stroobants
(avec frédéric lemaître)
→ LIR E L A S U IT E PAGE 4
est moins que ce que
les économistes espéraient, mais ce n’est pas
non plus une catastrophe. Au
troisième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro
a progressé de 0,3 %, contre 0,4 %
sur les trois précédents mois. La
hausse est de 1,6 % en rythme annuel.
« La reprise se poursuit, mais
sans ampleur », résume JeanLouis Mourier, économiste chez
Aurel BGC. « Comme souvent
dans l’union monétaire, on peut
voir la bouteille à moitié vide ou à
moitié pleine », ajoute Maxime
Sbaihi, économiste à Bloomberg.
En moyenne, les quatre principales économies de la zone euro
affichent une croissance qui se
raffermit, même si elle reste très
poussive : 0,3 % pour la France et
l’Allemagne, 0,8 % pour l’Espagne
et 0,2 % pour l’Italie.
Les indicateurs de conjoncture
laissent penser que la consommation des ménages, soutenue
par l’inflation faible, a bien résisté. Elle a en partie compensé la
baisse des échanges avec les pays
émergents, dont la croissance ralentit. Mais l’investissement des
entreprises reste fragile en France
(+ 0,7 % au troisième trimestre),
en Italie et en Allemagne.
Quatre pays inquiètent particulièrement les économistes. La
Grèce, d’abord : au troisième trimestre, le PIB hellène a reculé de
0,5 %, alors qu’il s’était maintenu
à 0,4 % au second trimestre.
Autres maillons faibles : le Portugal, qui affiche une croissance
nulle au troisième trimestre, et la
Finlande, dont le PIB a replongé de
0,6 %. De même, les Pays-Bas déçoivent, avec une croissance de
0,1 % au deuxième comme au troisième trimestre. Cette reprise fébrile relance, sans surprise, les
spéculations sur d’éventuelles
nouvelles mesures d’assouplissement monétaire de la BCE. p
→ LIR E PAGE 7
2 | international
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Des combattants
kurdes,
à Sinjar,
vendredi
13 novembre.
EMILIEN URBANO/MYOP
Les Kurdes reprennent Sinjar à l’EI
Appuyés par la coalition internationale,
les Kurdes ont libéré la ville irakienne et
coupé un axe essentiel pour les djihadistes.
Mais le camp kurde reste miné par les rivalités
SYRIE
TURQUIE
IRAK
Sinjar
Mossoul
Hassaké
Erbil
REPORTAGE
L
sinjar (irak) - envoyé spécial
ongée de magasins abandonnés
aux rideaux de fer défoncés et
d’immeubles effondrés, parsemée de gravats et de douilles
rouillées, jalonnée par les carcasses calcinées de camions et
d’automobiles, l’artère qui permet d’accéder
à Sinjar depuis les hauteurs situées au nord
de la ville témoigne d’une dévastation peu
commune. Les membres des forces kurdes
qui sont entrés dans la matinée de vendredi
13 novembre dans cette localité désormais
perdue par les djihadistes la parcourent de
loin en loin, constatant, armes à l’épaule, les
destructions causées par les frappes aériennes de la coalition internationale contre
l’Etat islamique (EI). Elles se sont considérablement intensifiées aux cours des derniers
jours afin que les forces kurdes puissent en
prendre possession. Pour la seule journée de
jeudi, trente frappes aériennes ont été répertoriées sur la seule ville de Sinjar. « Nous sommes entrés dans ce quartier sans tirer un coup
de feu à huit heures du matin, Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique] s’est enfui
avant qu’on arrive », raconte un combattant
kurde irakien qui dit regretter de ne pas avoir
pu livrer bataille.
LES BÂTIMENTS TRUFFÉS DE BOMBES
A l’exclusion de quelques rares accrochages
rapportés dans d’autres parties de la ville et
qui auraient opposé certains groupes de
combattants kurdes à une force résiduelle
composée de tireurs d’élite et de djihadistes
isolés, chargés de mener des attaques suicides contre les nouveaux occupants de la
ville, les dernières heures de l’opération de libération de Sinjar se sont déroulées vendredi
sans combat majeur. De nombreux drapeaux kurdes flottent désormais sur les
squelettes des bâtiments officiels détruits
par les bombardements de la coalition, tandis que se font entendre à intervalles resserrés des rafales d’armes automatiques, tirées
en l’air ou pour la forme vers des bâtiments
déserts.
Au bord des rues, des bombes artisanales
laissées derrière eux par les djihadistes et désamorcées par les démineurs des forces kurdes attendent d’être emportées. Suivant une
tactique devenue systématique dans les villes et les villages qu’ils abandonnent, les
hommes de l’Etat islamiques ont truffé les
bâtiments en ruines de Sinjar de ces engins
explosifs qui constituent l’une des principales causes de pertes militaires sur le front
kurde irakien depuis le début de la guerre
contre l’Etat islamique. Elle a coûté la vie,
vendredi matin, à cinq des quinze combattants kurdes tués au cours de l’opération
d’après une source médicale, les dix autres
ayant péri dans les combats sporadiques qui
ont accompagné la veille la progression des
forces kurdes vers la ville.
Libérée, Sinjar n’est plus que l’ombre d’ellemême. Cette petite ville des confins syro-irakiens comptait 20 000 habitants avant sa
conquête par l’Etat islamique en août 2014,
lors de l’offensive menée par les djihadistes
contre les Kurdes irakiens dans le nord de
l’Irak. Les peshmergas (forces armées kurdes
irakiennes), alors chargés de la protection de
Sinjar et des campagnes environnantes,
avaient fui, abandonnant à eux-mêmes les
habitants majoritairement issus de la communauté religieuse yézidie.
Kurdes mais non-musulmans, perçus
comme hérétiques par les fanatiques de
l’Etat islamique, les Yézidis de Sinjar ont fait
Monts Sinjar
Rakka
Sinjar
Deir ez-Zor
IRAK
Rakka
SYRIE
Tikrit
100 km
LES RUINES
DE LA VILLE
APPARTIENNENT
MAINTENANT À CEUX
QUI Y CIRCULENT
EN ARMES
ET Y PLANTENT
LEURS DRAPEAUX
Les Etats-Unis disent avoir tué « Jihadi John »
Les Etats-Unis ont probablement tué dans un bombardement, jeudi
12 novembre, le bourreau britannique du groupe Etat islamique (EI) « Jihadi John », de son vrai nom Mohammed Emwazi, qui apparaît dans plusieurs vidéos de décapitations d’otages occidentaux, a annoncé l’armée
américaine depuis Bagdad. Par ailleurs, vendredi, un kamikaze a fait exploser sa ceinture d’explosifs lors des funérailles d’un combattant chiite à
Bagdad, tuant au moins 17 personnes. L’attentat n’a pas été revendiqué
mais son procédé rappelle celui utilisé par les extrémistes sunnites, dont
l’EI, qui considèrent les chiites comme des hérétiques.
l’objet d’exactions d’une ampleur inégalée
aux mains des hommes de l’Etat islamique.
Outre l’exode massif qui a jeté sur les routes
près de 200 000 personnes originaires de la
zone, plusieurs massacres de civils ont été
perpétrés par les djihadistes, tandis que des
milliers de femmes et d’enfants, capturés au
moment de la conquête fulgurante des djihadistes, étaient réduits en esclavage.
Des groupes armés yézidis, recrutant
parmi les survivants des massacres et ceux
ayant refusé de se résoudre à un exil définitif, se sont constitués de manière spontanée
avant de se rallier, pour la plupart, aux forces
kurdes irakiennes. Qassim Shesho, le chef de
la principale faction armée yézidie de Sinjar,
nommé par Massoud Barzani, le président
du Kurdistan irakien autonome, à la tête du
commandement militaire de la région, espère que leur présence aux côtés des peshmergas pourra rassurer une population traumatisée et la convaincre de revenir. « La libération de Sinjar est une première étape. Ce
sont nos terres, elles sont maintenant sécurisées et j’appelle tous les Yézidis à venir s’installer à nouveau dans leurs foyers », déclare-il à
proximité de Sinjar, tandis qu’une dizaine de
ses hommes, issus pour la plupart de sa proche parentèle, s’affairent à charger sur une
camionnette un drapeau kurde enroulé de
cent mètres de long et de soixante de large,
qu’il entend déployer sur la haute façade du
silo à grains de Sinjar.
Les ruines de Sinjar ne paraissent cependant pas près de voir revenir leur population.
Objet d’une compétition entre forces kurdes
rivales, elles appartiennent maintenant à
ceux qui y circulent en armes et y plantent
leurs drapeaux. Parallèlement aux peshmergas kurdes irakiens, les forces armées du
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ve-
nues de Turquie, ont également pris position
dans la ville. Actives dans la région depuis
août 2014, elles avaient contribué à évacuer
plusieurs milliers de Yézidis encerclés dans la
région de Sinjar par les djihadistes vers le
Kurdistan syrien grâce à un corridor militaire. Leur présence est cependant décriée
par le pouvoir kurde irakien, qui souhaite les
voir quitter la zone.
« Le PKK n’a rien à faire à Sinjar, cette zone
appartient aux Kurdes d’Irak, nous ne voulons pas de confrontation armée avec eux,
mais il faut qu’ils partent maintenant que la
ville est libérée », déclare ainsi un officier des
peshmergas souhaitant s’exprimer anonymement. Pour Zeki Shengali, un haut cadre
du PKK originaire de Turquie, où son organisation a repris les hostilités contre Ankara
en juin, il n’est pas question de se retirer :
« Toutes les déclarations selon lesquelles nous
devrions partir sont futiles, le PKK restera à
Sinjar tant que la population en aura besoin. » En attendant la perspective improbable d’un accord, les factions kurdes rivales et
les unités yézidies qui leur sont respectivement affiliées se croisent et s’ignorent dans
les rues désertées de la ville, hissant leurs
couleurs partout où elles le peuvent, marquant leur territoire dans une atmosphère
de paix armée.
SUCCÈS SIGNIFICATIF CONTRE L’EI
La reprise de Sinjar n’en demeure pas moins
un succès tactique significatif dans la guerre
régionale contre l’Etat islamique. A une cinquantaine de kilomètres de la frontière syrienne, la ville est en effet située sur la route
47, une voie de communication stratégique
reliant Rakka, en Syrie, à Mossoul, en Irak, les
deux capitales du « califat » décrété par Abou
Bark Al-Baghdadi. « Avec la libération de Sinjar, nous allons asphyxier Daech en rendant
impossibles les communications entre ses positions côté syrien et côté irakien », indique le
général peshmerga Zaim Ali, chargé de superviser les opérations.
« La guerre n’est pas finie pour autant, précise le haut gradé. Il revient maintenant au
gouvernement central irakien de prendre ses
responsabilités et de préparer sérieusement la
reprise de Mossoul. » Si la libération de Sinjar
et la coupure d’un axe routier essentiel peuvent contribuer à l’affaiblissement de l’Etat islamique dans toute la région, l’apparente impossibilité de chasser les djihadistes des villes
sans les détruire totalement et les difficultés
liées aux divisions qui traversent le camp
kurde éloignent d’autant la défaite finale. p
allan kaval
international | 3
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Hébron, épicentre des colères israélo-palestiniennes
Un tiers des Palestiens morts depuis le 1er octobre habitaient cette ville de Cisjordanie
hébron (cisjordanie) envoyé spécial
D
es phrases provocantes sortent de la bouche de Yishai Fleisher.
Il en est bien conscient. Cela lui procure un vertige
narcissique. Mais le propos le plus
inattendu arrive en fin de conversation. « Vous verrez. Dans quelques années, Hébron sera une ville
magnifique, étincelante, une destination mondiale. » Yishai Fleisher,
fils d’immigrés russes élevé dans
le New Jersey, est l’un des porte-parole des colons d’Hébron. Cinq
cents personnes regroupées sur
quelques centaines de mètres carrés au cœur de la vieille ville arabe,
claquemurées derrière des palissades, des barrières, des tourelles et
des grillages, protégés par un dispositif militaire imposant. Autour
d’eux, des rues fantômes angoissantes, puis 200 000 Palestiniens.
Ici, la colère est un mode de vie.
Nulle surprise lorsqu’une nouvelle fois la cuvette déborde.
Vendredi 13 novembre, une voiture israélienne a été visée par balles près de la colonie d’Otniel, dans
les collines au sud de la ville. Deux
personnes – un père et son fils –
ont été tuées devant plusieurs
membres de leur famille. Le
même jour, un Palestinien a été
tué lors d’affrontements avec des
soldats israéliens. Ces violences
sont intervenues au lendemain
d’une opération spéciale israélienne dans un hôpital d’Hébron
pour arrêter un homme suspecté
d’agression au couteau. Au cours
du raid, illustré en partie par les caméras de surveillance, le cousin
du suspect a été abattu par les
agents infiltrés.
Hébron, c’est la névrose des névroses, en Cisjordanie. La cité a
toujours apporté sa contribution,
ses « martyrs », aux soulèvements
palestiniens. Depuis le début de la
vague de violences, le 1er octobre,
25 des 72 morts palestiniens venaient d’ici. Selon une source militaire, au cours de cette période,
près de 200 personnes ont été ar-
« Les jeunes se
sentent frustrés,
ils préfèrent
mourir dans la
dignité. La vieille
ville est devenue
une prison »
CHEIKH ABOU KHADER
JABARI
rêtées dans la ville, soit le tiers du
total en Cisjordanie. « Depuis la
première Intifada, on a vu qu’Hébron se réveillait lentement, plus
tard, avant de prendre toute sa
vitesse », note un fin connaisseur
israélien.
C’est aussi une ville dont les traditions commerçantes ont été mises à mal par le massacre de 1994
dans le caveau des Patriarches : un
colon, Baruch Goldstein, y a tué 29
personnes. Depuis, près de 500
petits commerces et des centaines de logements palestiniens
ont été condamnés dans la vieille
ville, pour « stériliser » – expression courante chez les militaires
israéliens – les environs des maisons occupées par les colons. « Les
juifs n’ont le droit de vivre que dans
3 % de la ville, le reste leur est interdit par la loi, se plaint Noam Arnon, autre porte-parole des colons d’Hébron. C’est un ghetto du
Moyen Age. La division de la ville,
ce n’est pas notre choix. »
Le caveau des Patriarches, vénéré
aussi bien par les juifs que les musulmans, concentre les tensions.
Le 6 novembre, deux adolescents
israéliens effectuant le pèlerinage
ont été blessés par balles à la sortie. Au même moment, à la lisière
de la ville, près de Beit Anoun, un
soldat a été sérieusement atteint
par balles. Depuis plusieurs jours,
l’armée avait déjà bouclé Hébron,
multipliant les barrages et les
points de contrôle. L’administration civile israélienne a aussi demandé aux habitants de la vieille
ville de s’enregistrer comme « résidents permanents », tout en décla-
Affrontements meurtriers entre Palestiniens et soldats israéliens, vendredi 13 novembre, à Hébron. MUSSA ISSA QAWASMA/REUTERS
rant leurs quartiers zone fermée.
« Ils empêchent les gens de se déplacer, sauf ceux qui habitent dans la
vieille ville même, explique le gouverneur d’Hébron, Kamel Hmaid.
La situation est très difficile. L’objectif-clé des Israéliens et des colons
est d’obliger tout le monde à quitter
le centre, pour en faire une ville
juive, à terme. »
Désarroi
A Hébron, où l’Autorité palestinienne a une assise limitée, le
gouverneur reconnaît son désarroi. Il a essayé pendant des jours
de convaincre l’armée de rendre
tous les corps des Palestiniens
tués. Mais les Israéliens redoutaient la célébration des « martyrs ». Des milliers de personnes
se sont rassemblées le 31 octobre
devant la mosquée Al-Hussein
pour célébrer la mémoire de cinq
jeunes tués par l’armée, dont
Houssam Jabari, 17 ans, et Bashar
Jabari, 15 ans.
Leur patriarche, le sheikh Abou
Khader Jabari, chef d’un clan qui
compte près de 25 000 personnes,
est l’un des personnages les plus
influents de la ville. Il a été directement en contact avec les Israéliens pour obtenir enfin la restitution des corps.
Il assure que les deux adolescents étaient innocents, mais met
en garde. « La situation empire à
Hébron. Les jeunes se sentent frustrés, trompés. ils préfèrent mourir
dans la dignité. Plus de 100 points
de contrôle ont été installés. La
vieille ville est devenue une prison.
On est les Indiens d’Amérique, parqués dans des réserves. »
Beaucoup sont persuadés que
Moscou feint d’ignorer les signaux d’alerte
Les messages de menaces djihadistes se multiplient depuis le crash dans le Sinaï
moscou - correspondante
L
es valises, rapatriées séparément de leurs propriétaires depuis la station égyptienne de Charm El-Cheikh, s’accumulent dans les aéroports russes. Chaque jour aussi, les
autorités russes dressent le décompte des vols spécialement affrétés pour organiser le retour de
milliers de touristes russes
d’Egypte.
Mais la thèse de l’attentat, lors
du crash dans le nord du Sinaï, le
31 octobre, de l’A321 qui reliait
Charm El-Cheikh à Saint-Pétersbourg avec 224 personnes à bord,
reste présentée du bout des lèvres par le Kremlin comme
« l’une des causes possibles ». Et
aucun lien n’est officiellement
établi avec l’intervention militaire russe en Syrie, malgré les
menaces qui se multiplient.
Une nouvelle vidéo dans laquelle l’organisation Etat islamique (EI) menace d’attaquer
« bientôt » la Russie est pourtant
apparue jeudi. Diffusé en langue
russe sur le site El-Hayat, la branche média de l’organisation djihadiste, le message, sur fond de
scènes ignobles de décapitation
et de combattants suréquipés,
promet que les « villes russes vont
trembler, surtout Moscou ».
Cette vidéo succède à une autre,
provenant cette fois d’une filière
irakienne de l’EI, dans laquelle un
djihadiste russophone s’en prenait violemment à Vladimir Poutine en lui promettant de « payer
le prix fort » pour son intervention en Syrie. En dehors de quelques mots hâtifs sur l’« immense
tragédie » de l’A321, la plus grande
catastrophe aérienne de Russie,
le président russe s’est bien gardé
d’établir une quelconque relation entre les deux événements.
Tout juste, Vladimir Poutine
s’est-il contenté d’indiquer, dans
un entretien accordé conjointement vendredi 13 novembre à
l’agence russe Interfax et à son
homologue turque Anadolu, à la
veille du sommet du G20, que
« les opérations en Syrie ainsi que
les risques et les conséquences ont
été plusieurs fois calculés ».
Hausse du niveau d’alerte
« Il semble que le Kremlin s’efforce
de fuir ne serait-ce que l’évocation
d’un tel lien », relevait dans son
éditorial du 9 novembre le quotidien Vedosmosti, en critiquant
« l’ignorance délibérée des risques
liés à la participation à un conflit
multidimensionnel complexe ».
« La méthode, mise en point au
cours du conflit ukrainien, qui
consiste à créer de l’incertitude,
pourrait être une solution pour le
Kremlin, assénaient ses auteurs,
Andreï Sinitsine et Maxime Troudolioubov. En refusant jusqu’au
bout la version de l’attentat et en
essaimant au passage d’autres
versions (…), le Russe moyen pensera qu’il est dangereux de prendre l’avion pour se rendre quelque
part, sans savoir qui est à blâmer. » Des nouvelles menaces, ce
concitoyen n’en a en tout cas quasiment pas entendu parler.
Aucune télévision d’Etat ne s’y
est risquée. Rien sur la première
chaîne, ni même sur le réseau
Russia Today.
Seuls quelques journaux ont
fait allusion à la vidéo de l’EI, que
la chaîne de télévision NTV a balayée d’un rapide commentaire
– « ce n’est pas la première fois que
les terroristes de l’EI menacent la
Russie par Internet ».
Interrogé, le porte-parole du
Kremlin, Dmitri Peskov, a répondu, jeudi, de façon tout aussi
lapidaire : « Je n’ai pas vu cette vidéo et je ne sais pas si elle fiable ni
même d’où elle provient. En tout
cas, je ne doute pas que cela sera
examiné par nos services spéciaux. » Mais tout indique que,
derrière le calme apparent, et
tandis que les raids en Syrie de
l’aviation russe s’intensifient, le
niveau d’alerte a considérablement augmenté en Russie.
Vendredi, les autorités ont interdit à la compagnie aérienne
égyptienne EgyptAir d’effectuer
des vols vers la Russie, sur la base
d’une directive de l’Agence fédé-
rale russe chargée de transport
aérien, Rosaviatsia, tandis qu’Aeroflot, la compagnie nationale
russe, a annoncé qu’elle cesserait
totalement, après les derniers
vols de rapatriement, de desservir ce pays à partir du 1er décembre.
Visas de sortie
Le même jour, Vadim Soloviev,
député communiste de la
Douma, la Chambre basse du Parlement, a lancé l’idée d’« introduire des visas de sortie » afin de
« protéger » la population. Un peu
plus tôt, d’autres élus communistes avaient réclamé la suspension des vols à destination de la
Tunisie et la Turquie.
Les services de sécurité sont sur
le qui-vive. « Nous avons renforcé
le fonctionnement de la police à
Moscou à cause des menaces que
nous recevons de différentes sources », a récemment confié le chef
du département Anatoli Iakounine, tandis que l’ambassade de
France a lancé un appel à la communauté française, « résidents ou
de passage, notamment à Moscou,
à faire preuve de la plus grande vigilance dans les lieux publics (…) et
lors de leurs déplacements dans les
transports en commun ».
Mais officiellement, à Moscou,
rien ne doit troubler le succès de
l’opération russe en Syrie. p
isabelle mandraud
les soldats israéliens ont reçu
pour consigne de tirer sans état
d’âme, au moindre doute, sur tout
individu suspect. Comment ensuite établir la vérité ? Les versions sont inconciliables, faute de
vraie enquête. Selon le propre décompte du gouverneur d’Hébron,
« 14 personnes sur 30 ont été tuées
sans raison et tout le monde le
sait ». A l’en croire, un même couteau aurait été exhibé à plusieurs
reprises comme preuve de l’agression. La multiplication des barrages expose aussi les soldats israéliens aux attaques. Au lieu de baisser la tension, elle nourrit la
rancœur.
« Israël ne se défend pas, il défend
l’occupation et son racisme », assène Issa Amro, 35 ans. Celui-ci a
fondé l’ONG Jeunes contre les colonies, qui cherche à documenter
02.,.(:, $" 0;:7(4,;.20"
REPORTAGE
en vidéo les violences dont se rendent coupables les colons dans la
région d’Hébron. Au fil des ans,
on l’a cogné, arrêté, menacé. Mais
Issa Amro est du genre buté. Sûr
de son droit. A l’écouter, les violences à Hébron ont commencé
cette fois-ci lorsque des colons de
Kyriat Arba, la ville voisine, ont
cherché à s’en prendre à une famille palestinienne, provoquant
une mobilisation générale. L’activiste prône la résistance pacifique. Il a refusé de s’enregistrer
auprès de l’administration civile
israélienne afin de pouvoir circuler dans la zone réglementée,
autour du caveau des Patriarches.
« Je ne suis pas un numéro, mais un
être humain. Pour rentrer chez
moi, j’escalade des murs et je traverse des champs. » p
piotr smolar
Catherine
Marquot
Philanthrope
au nom des arbres
Sa décision a été mûrement réléchie : l’argent hérité de son
père, manne qu’elle ne souhaite pas utiliser pour changer sa
vie quotidienne, Catherine le destinera à une cause juste. Celle
de ses amis les arbres : « Ma passion pour eux remonte à mon
adolescence, les arbres sont pour moi des êtres vivants que
j’écoute et respecte, avec qui j’ai une relation d’égalité » conie
Catherine Marquot qui a dédié sa vie à l’environnement et la
lutte anti-pollution. En novembre 2014, avec l’accord de ses
enfants et sous l’égide de la Fondation de France, elle a consacré
300 000 euros à la création de sa Fondation, “Toi, l’arbre”.
Son but : favoriser l’existence d’arbres en pleine santé, acteurs
de la biodiversité.
« Accompagnée par la Fondation de France, j’ai pu mieux
cerner mes axes d’action, à savoir la protection des arbres
remarquables, l’appui à l’agroforesterie et le soutien à la gestion
durable de la forêt » explique Catherine. C’est ainsi qu’avec
le réseau Arbres et paysages, à l’origine d’un inventaire des
arbres remarquables en France, “Toi, l’arbre” a inancé la
formation de techniciens chargés de conseiller les heureux
propriétaires de ces trésors de la nature. A La Haye-de-Routot
dans l’Eure, un if millénaire a pu aussi bénéicier de travaux
d’entretien urgents. Dans le sud-ouest, “Toi, l’arbre” a inancé
l’implantation de parcelles de peupliers noirs en terre agricole,
essence d’arbres aux vertus écologiques reconnues.
Consciente que l’argent dédié à “Toi, l’arbre” s’épuisera bientôt,
Catherine multiplie les soutiens, étudie les projets, histoire de
pérenniser son engagement. Comme par exemple participer à
de nouvelles formes collectives de protection et de propriété
de la forêt. « Avec “Toi, l’arbre”, je crois avoir trouvé une
façon d’utiliser mon argent qui a du sens » conie à mots couverts
mais non sans ierté Catherine Marquot, après une année
d’actions d’ores et déjà fertiles.
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4 | international
La chancelière se résout à appliquer
de nouveau les accords de Dublin
suite de la première page
Alors qu’Angela Merkel répète
depuis des semaines que les accords de Dublin sont « obsolètes »
et que l’Allemagne n’exige plus le
retour des réfugiés dans le pays
où ils ont été enregistrés, la chancelière a fini par donner raison à
son ministre de l’intérieur. Thomas de Maizière avait décidé fin
octobre – sans avertir ni Mme Merkel ni le secrétaire général de la
chancellerie, Peter Altmaier,
pourtant chargé de superviser la
crise des réfugiés – de respecter à
nouveau ces accords. La nouvelle
a été confirmée mardi 10 novembre et Angela Merkel l’a approuvée, a posteriori, vendredi 13.
La démarche de Thomas de Maizière s’explique notamment par
des tensions politiques internes,
alors qu’Angela Merkel avait dessaisi fin octobre le ministère de
l’intérieur – peu favorable face à la
générosité d’Angela Merkel sur le
sujet – d’une partie de ses prérogatives dans ce dossier en centralisant la stratégie à la chancellerie.
Vendredi, Angela Merkel a validé
la stratégie de son ministre en
donnant une autre explication.
Sa « plus grande déception », ces
dernières semaines, est la difficulté à répartir les réfugiés entre
les pays européens, a-t-elle dit
dans l’entretien.
Respecter à nouveau les accords
de Dublin revient à reporter une
grande partie de la charge sur les
pays à la périphérie de l’Union et
donc à fortement inciter les pays
européens à accepter de répartir
les réfugiés de façon plus équitable. Berlin veut « élaborer une clé
de répartition aussi juste que
possible en Europe », avait-elle
précisé lors d’une conférence de
presse, vendredi. « Nous devons
partager le fardeau équitablement, c’est évident », a encore
commenté Mme Merkel, confirmant la colère de son gouvernement contre l’inaction de beaucoup de ses partenaires et le refus
de l’Allemagne de continuer à accueillir des milliers de réfugiés
supplémentaires.
L’annonce du renvoi de réfugiés dans d’autres pays a également comme objectif de montrer aux Allemands que le pays
La Commission
européenne
craint désormais
que les accords
de Schengen
ne soient
détricotés
BU R U N D I
L’UE évacue une partie
de son personnel
L’Union européenne a décidé
d’« évacuer » les familles et
des personnels non essentiels
de sa délégation au Burundi,
secoué depuis six mois par
une violente crise politique
renforcée par des tensions
ethniques. La Belgique a également « conseillé » à ses ressortissants de quitter le pays.
Le président du parti présidentiel avait accusé, mercredi
11 novembre, « le colonisateur
belge » de financer et d’armer
les opposants. – (AFP.)
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n’est pas « submergé » par les
réfugiés, comme l’a laissé entendre Wolfgang Schäuble, le ministre des finances qui a parlé
d’« avalanche ». Un terme qu’Angela Merkel refuse de prendre à
son compte. Selon un sondage
paru vendredi, 52 % des Allemands ne sont pas satisfaits de la
politique d’Angela Merkel à
l’égard des réfugiés, 43 %
l’approuvent.
La décision allemande va incontestablement peser sur la situation des demandeurs d’asile
et sur certains pays de transit et
d’arrivée de ceux-ci. Dès vendredi, la Croatie a demandé, par
la voix de son ministre de l’intérieur, Ranko Ostojic, une réunion
d’urgence de ses homologues de
l’Union. Du côté allemand, Thomas de Maizière a en effet évoqué
le renvoi de réfugiés vers la
Croatie (non-membre de l’espace Schengen) et la Slovénie.
Selon le ministre croate, les
demandeurs d’asile doivent plutôt être, pour la plupart d’entre
eux, renvoyés en Grèce, et non
vers son pays.
Schengen fragilisé
Problème : la Cour européenne de
justice estime, dans sa jurisprudence récente, que le traitement
des demandeurs d’asile en Grèce
et en Hongrie n’était pas
conforme aux règles de la dignité
humaine. « Je ne souhaite pas que
la Croatie soit étiquetée comme
inhumaine mais elle ne peut être
punie pour avoir effectué sa part
de travail avec humanité et professionnalisme », a déclaré M. Ostojic. La crise des réfugiés a atteint
son pays en septembre, lorsque la
Hongrie de Viktor Orban a fermé
sa frontière avec la Serbie et érigé
des barrières sur celle qui la sépare de la Croatie. Quelque
370 000 réfugiés sont, depuis,
arrivés dans ce pays.
La Croatie s’en prend aussi à sa
voisine, la Slovénie – membre de
l’espace Schengen –, qui a érigé
cette semaine une barrière de barbelés sur une partie de sa fron-
L’espace Schengen
se barricade...
... et renforce ses frontières
intérieures...
Espace Schengen
... face à l’arrivée
de migrants
Rétablissement
des contrôles
aux frontières
Pays de l’Union européenne
hors Schengen
204
(xxx) Date du rétablissement
Mur ou barrière anti-migrants
(date de construction)
Nombre de migrants
interceptés, en milliers,
de janvier à fin septembre 2015
Principal camp de transit
de migrants attendant
de poursuivre leur route
Barrière en projet
SUÈDE
(11 nov.)
DANEMARK
ROYAUMEUNI
ALLEMAGNE
(13 sept.)
Calais
(2014)
SOURCES : COMMISSION EUROPÉENNE ; FRONTEX ; AFP ; LE MONDE
Migrants :
le revirement
d’Angela Merkel
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Spielfeld
AUTRICHE
(15 sept.)
FRANCE
HONGRIE
(sept.-oct.)
SLOVÉNIE
(nov. )
Berkasovo
204
Vintimille
Presevo
Brezice
ESPAGNE
Ceuta
(1993)
Melilla
(1993)
8
tière. Le tout alors que la Suède a
officiellement averti la Commission de Bruxelles qu’elle instaurait à son tour des contrôles à ses
frontières, tandis que le Danemark va, lui, les renforcer…
Manifestement dépassée par les
événements, la Commission voit
voler en éclats ses espoirs d’une
atténuation de la crise et d’une répartition équitable des réfugiés.
Elle craint désormais que les accords de Schengen, piliers de la
construction européenne et symboles de la liberté de mouvement,
soient détricotés.
Slavonski
Brod
128
Idomeni
GRÈCE
(2012)
BULGARIE
(2014)
TURQUIE
Lesbos
359
Chios
Samos
Kos
La décision allemande de prolonger et durcir les contrôles à ses
frontières est toutefois peu surprenante : M. de Maizière avait,
dès octobre, prévenu la Commission qu’il userait de cette procédure si les flux migratoires vers
son pays ne se réduisaient pas.
Berlin, qui devrait accueillir un
million de demandeurs d’asile
cette année, s’appuie désormais
sur une procédure d’exception
incluse dans le « code Schengen ». Elle permet la mise entre
parenthèses des règles de libre
circulation pour une période
pouvant aller jusqu’à deux ans.
L’Allemagne va concentrer ses
contrôles à la frontière autrichienne, par laquelle transite l’essentiel des migrants après leur
traversée des Balkans.
Vendredi, par ailleurs, l’Autriche
a annoncé l’installation d’un
grillage de près de 4 kilomètres de
long et 2,2 mètres de hauteur à sa
frontière avec la Slovénie. Une
autre première qui concerne,
cette fois, deux Etats d’un espace
Schengen plus que jamais sous
pression. p
jean-pierre stroobants
La Fédération russe d’athlétisme suspendue
Accusée de « dopage organisé », la Russie a été suspendue provisoirement de toute compétition
L
a décision était attendue. Le
Conseil de la Fédération internationale d’athlétisme
(IAAF) a voté, vendredi 13 novembre, par 22 voix contre une, la suspension provisoire de la fédération russe de toute compétition,
sans durée déterminée. L’horizon
olympique des athlètes russes
s’inscrit désormais en pointillé, à
moins de neuf mois des prochains
Jeux de Rio, en août. La Russie n’organisera pas les championnats du
monde d’athlétisme juniors, qui
devaient avoir lieu à Kazan en
juillet, ni la Coupe du monde de
marche, prévue à Tcheboksary.
L’IAAF n’avait pas vraiment
d’autre choix que de sanctionner
la fédération russe, au vu du contexte de crise actuel. Lundi 9 novembre, la commission d’enquête
indépendante de l’Agence mondiale antidopage (AMA) avait
rendu public un rapport accablant
pour l’athlétisme russe.
Dopage généralisé, athlètes rackettés par des entraîneurs et des
dirigeants afin de dissimuler des
contrôles positifs, destruction
d’échantillons au laboratoire de
Moscou, le sombre tableau peint
au fil des 330 pages du document
soulignait « une culture profondément enracinée de la tricherie ». Les
auteurs de la commission d’enquête recommandaient, en conclusion, de suspendre la Fédération russe d’athlétisme (ARAF).
L’IAAF avait donné jusqu’à la fin
de la semaine à l’ARAF pour répondre à ces graves accusations. Dans
la soirée du 12 novembre, Vladim
Zelitchenok, le président de la fédération russe, avait envoyé le rapport demandé lundi par l’IAAF.
Si le directeur du laboratoire antidopage de Moscou, Grigori Rod-
chenkov, a démissionné, mardi
10 novembre, les Russes avaient
répété ces derniers jours leur souhait qu’il n’y ait pas de sanction
collective.
Mercredi 11 novembre, le président Vladimir Poutine, qui intervenait pour la première fois publiquement sur le sujet, avait tenu à
démentir toute responsabilité de
l’Etat dans le scandale de dopage
qui touche son pays. « En même
temps, si nous arrivons à la conclusion que quelqu’un doit être responsable [du dopage], la responsabilité doit être personnifiée. (…) La
responsabilité doit toujours être
personnelle », avait-il déclaré. Il n’a
visiblement pas été entendu.
Avant le vote de vendredi, le ministre des sports, Vitali Moutko, avait
indiqué que la Russie ne prévoyait
« pas le moindre boycott », en cas de
suspension des athlètes russes, et
que son pays accepterait « n’importe quelle mesure ».
D’autres fédérations visées ?
Au-delà de cette décision à l’égard
de la Russie, l’IAAF est très loin d’en
avoir fini avec les scandales liés au
dopage. L’instance pourrait bientôt avoir à sanctionner d’autres fédérations nationales touchées par
des problèmes de dopage généralisé. « Il semble plutôt clair (…) que le
Kenya a un vrai problème. Et cela a
pris beaucoup de temps pour reconnaître qu’il y en avait un », a expliqué le président de la commission indépendante, le Canadien
Dick Pound, lors de sa conférence
de presse lundi.
Un autre rapport est par ailleurs
attendu d’ici à la fin de l’année. La
commission indépendante de
l’AMA s’est saisie, début août, des
révélations de la chaîne allemande
ARD et de l’hebdomadaire britannique The Sunday Times qui faisaient état d’une liste de plus de
12 000 tests sanguins effectués sur
plus de 5 000 athlètes, entre 2001
et 2012, et parmi lesquels 800 sportifs avec des « valeurs suspectes ou
hautement suspectes ».
Mais c’est bien la Russie qui
pourrait être l’épine la plus douloureuse pour la fédération internationale. Deux de ses anciens dirigeants, l’ex-président Lamine
Diack et l’ancien responsable de
l’antidopage, Gabriel Dollé, ont été
mis en examen par le juge Renaud
Van Ryumbeke, début novembre,
pour corruption, tout comme Habib Cissé, conseiller juridique de
M. Diack. Ils sont soupçonnés
d’avoir touché de l’argent de l’ARAF
pour cacher des cas de dopage.
Une dossier sur lequel la commission de l’AMA n’a pas souhaité
communiquer pour l’instant, afin
de ne pas perturber l’avancement
de l’information judiciaire ouverte
le 1er octobre par le parquet national financier. p
yann bouchez
Ce dimanche à 12h10
ALIZA BIN-NOUN
Ambassadrice d’Israël en France
répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE),
Sophie Malibeaux (RFI), Christophe Ayad (Le Monde).
Diffusion sur les 9 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr
0123
france | 5
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Primes de la police: Claude Guéant
lourdement condamné
Deux ans de prison avec sursis, 75 000 euros d’amende et cinq ans
d’interdiction de fonction publique pour l’ex-bras droit de Nicolas Sarkozy
suite de la première page
Les juges relèvent que le directeur de cabinet du ministre de
l’intérieur « n’est pas fonctionnaire de police, ni officier de police
judiciaire, ni informateur, et dispose d’une enveloppe de remboursement de frais par le cabinet
ministériel ».
Plus cruelles encore sont les
phrases qui motivent la peine de
deux ans d’emprisonnement avec
sursis et 75 000 euros d’amende
prononcée contre Claude Guéant.
« La question de la peine, et du sens
de cette peine, dans le cadre d’une
décision de justice rendue au nom
du peuple français prend une portée singulière en matière de détournement de fonds publics commis par un des plus hauts personnages de l’Etat et ayant par la suite
exercé d’éminentes fonctions politiques », écrivent les juges.
« Eu égard à la gravité exceptionnelle de l’atteinte portée à l’ordre
public par [ses] agissements, la
question d’une éventuelle peine
d’emprisonnement ferme ne semble pouvoir être éludée », poursuivent-ils avant d’expliquer que l’âge
du prévenu, 70 ans, son casier judiciaire vierge et l’ancienneté des
faits, « ne rendent pas nécessaire »
sa condamnation à de la prison
ferme. La question a donc été au
moins envisagée. Le souligner
n’est évidemment pas anodin.
Mais pour l’ancien préfet de la
République, la vraie sanction apparaît dans la peine complémen-
Claude Guéant
n’a « pas cherché
à rétablir
une certaine
transparence »,
estiment
les juges
taire de cinq ans d’interdiction
d’exercice de toute fonction publique retenue par les juges. Ils la justifient en observant qu’à
l’audience, Claude Guéant n’a
« pas cherché à assumer une quelconque part de responsabilité et à
rétablir une certaine transparence
concernant les pratiques opaques
qui lui sont reprochées ».
Au contraire, relèvent-ils, il a
toujours affirmé n’avoir rien
commis d’irrégulier, concédant
seulement : « Je ne le referais pas,
compte tenu des ennuis judiciaires. » Une attitude qui, pour le tribunal, témoigne « d’une certaine
indécence », d’un « mépris assumé
de la loi » et d’une « résistance déterminée à la modernisation de la
gestion publique ».
Quel contraste avec le ton employé à l’égard de Michel Gaudin,
qui est pourtant considéré, en
droit, comme l’auteur principal
du délit de détournement de
fonds publics. Lui aussi est reconnu coupable mais chaque attendu du jugement semble avoir
été rédigé pour adoucir la peine
symbolique de dix mois d’emprisonnement avec sursis prononcée contre lui. Après avoir insisté
sur le fait qu’il « ne s’est pas enrichi
personnellement », le tribunal estime que l’ancien DGPN, hiérarchiquement soumis au directeur
de cabinet du ministre de l’intérieur, a agi « par fidélité, proximité
amicale, professionnelle ou politique » en acceptant de verser des
fonds à Claude Guéant, tout en sachant que l’usage qui en serait fait
n’était pas conforme aux textes.
« Arrière, Satan »
« Il a aussi agi au mépris, manifestement, de ses propres valeurs
puisqu’il n’est pas contesté qu’il a,
dans ses fonctions successives au
sein du ministère de l’intérieur,
œuvré pour une plus saine gestion
des deniers publics et l’amélioration des conditions et des moyens
d’exercice de l’action des forces de
police », indiquent les juges, qui
poussent l’hommage – et l’ironie – jusqu’à rappeler que Michel
Gaudin est celui qui, à la direction
générale de la police nationale, a
mis fin à l’utilisation des fonds
destinés aux frais d’enquête et de
surveillance comme rémunérations complémentaires en vertu
d’une note rédigée, des années
plus tôt, par… Claude Guéant.
« Les faits dont il a été reconnu
coupable apparaissent ainsi
comme un acte détachable de l’ensemble de sa carrière, qui ne remet
pas en cause les qualités et l’enga-
gement de Michel Gaudin au service de l’Etat, dont plusieurs hauts
responsables de la hiérarchie policière sont venus témoigner avec
conviction à la barre du tribunal »,
précise le jugement.
Le tribunal prononce enfin des
peines de six à huit mois d’emprisonnement avec sursis assorties
d’amendes
de
20 000 à
40 000 euros, contre les trois
autres prévenus, Michel Camux,
Gérard Moisselin et Daniel Canepa, qui ont perçu des primes en
espèces en qualité de membres
du cabinet. Ultime brûlure à l’intention de Claude Guéant, le jugement évoque longuement la déposition de Gérard Moisselin, le
seul des trois anciens préfets à
avoir « osé » interroger le directeur du cabinet sur la régularité de
ces versements. A la présidente
qui s’étonnait de la « facilité » avec
laquelle il avait accepté l’enveloppe que lui tendait Claude
Guéant, Gérard Moisselin avait répliqué, agacé : « Mais vous auriez
voulu quoi ? Que d’un geste noble,
je lui renvoie son enveloppe à la figure en criant : “Arrière, Satan” ? »
Claude Guéant et les trois anciens membres de son cabinet
sont en outre condamnés solidairement à verser à l’Etat
210 000 euros de dommages et intérêts, soit le montant des sommes qu’il leur est reproché d’avoir
détournées. L’ancien ministre de
l’intérieur a annoncé qu’il faisait
appel du jugement. p
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Des réfugiés syriens enfermés dans
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La Cimade a recensé 139 Syriens sur les 803 migrants éloignés de Calais et placés en rétention
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mandé que les Syriens de Calais ne
soient pas arrêtés arbitrairement
comme les Afghans ou les Soudanais, et mis en rétention puisqu’ils
ne peuvent être renvoyés.
Et pourtant, la citation résiste
mal aux faits. Depuis le 21 octobre,
la Cimade a comptabilisé 139 Syriens parmi les 803 migrants placés en rétention pour les éloigner
du bidonville de Calais. « Les dix
premiers jours, les personnes enfermées comptaient 25 % de Syriens, aujourd’hui on est à 17 % »,
observe-t-on à la Cimade. Sur ces
139, 29 ont été enfermés à Nîmes,
32 au Mesnil-Amelot (près de
Roissy), 30 à Toulouse, 14 à Metz,
11 à Marseille, 6 à Rouen et 17 à
Vincennes.
Grève de la faim
C’est dans ce dernier lieu, dans le
Val-de-Marne, que la sénatrice
(EELV) Esther Benbassa s’est rendue le 10 novembre. Elle y confirme bel et bien la présence de ressortissants de ce pays et d’autres
pays en guerre, qui ne devraient
Calais : condamné, l’Etat fait appel
L’Etat a fait appel de sa condamnation à réaliser des aménagements sanitaires à Calais, où vivent 4 500 migrants dans des
conditions insalubres. Saisi par Médecins du monde et le Secours
catholique, le tribunal administratif de Lille avait constaté une
« atteinte grave et manifestement illégale » au droit des migrants
« à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants ».
Pour le ministre de l’intérieur, l’Etat n’a ni « le pouvoir ni le devoir
d’installer des équipements de première nécessité » sur un site occupé illégalement, et « toute autre interprétation conduirait à la
définition d’une obligation juridique pour l’Etat d’aménager les
campements sauvages ». L’audience se tiendra jeudi 19 novembre
devant le conseil d’Etat.
Les ressortissants
de pays en guerre
ne devraient pas
être dans ces
centres, puisque
la France ne peut
pas les renvoyer
donc pas être là puisque la France
ne peut pas les renvoyer.
« Vendredi 13 novembre, il y
avait encore 3 Syriens – arrêtés à
Paris gare du Nord ou de l’Est –,
18 Irakiens, 2 Soudanais et
18 Afghans à Vincennes, préciset-elle. Un petit groupe a même entamé une grève de la faim. Car ces
gens ne comprennent pas ce qui
leur arrive. Ils veulent rejoindre
leur famille en Grande-Bretagne
et on les amène là. »
Ces enfermements sont une des
facettes du dispositif pensé par
M. Cazeneuve pour désengorger
Calais. Un dispositif massif qui a
du mal à faire le distinguo entre
les nationalités. Ses mesures annoncées le 21 octobre font coexister un éloignement consenti de
ceux qui le souhaitent vers des hébergements situés aux quatre
coins de la France avec des arrestations arbitraires suivies d’un départ en centre de rétention. Les
803 arrestations arbitraires devant la gare de Calais ou en centreville qui ont été suivies d’un
transfert en bus ou en avion vers
sept centres de rétention répartis
sur tout le territoire.
Qualifiée de « politique de gribouille » par un haut fonctionnaire, cette pratique se solde par
un gâchis d’argent public et un
brouillage politique. A l’heure où
le gouvernement fait voter une
loi sur les titres de séjours rappelant que la privation de liberté
doit rester exceptionnelle, il use
et abuse de la formule. Et ce,
même si plus de 97 % des personnes arrêtées à Calais sont remises
en liberté par les juges au bout de
cinq jours, voire avant, lorsque
l’erreur de « casting » est trop manifeste.
Dans l’entourage du ministre,
on explique que ces personnes
« ne disposaient sans doute pas de
papiers prouvant leur nationalité.
Sinon, ils ne se seraient pas retrouvés là ». Pas vraiment : au CRA du
Mesnil-Amelot, au moins 5 des
32 Syriens venus de Calais ont pu
prouver leur identité par une
carte d’identité et/ou un passeport. Et plus globalement, les 139
« Syriens » dont la nationalité est
contestée par le ministère ont été
enregistrés comme tels par les
préfectures…
« Les gens que j’ai rencontrés
sont écœurés de l’attitude de la
France. L’un d’eux m’a dit droit
dans les yeux que lorsqu’il aura refait sa vie, il ne remettra jamais les
pieds en France. Et même s’il devient riche, il ne dépensera jamais
un centime ici », confie Esther
Benbassa. D’autres pourraient
bientôt nourrir le même ressentiment puisque le CRA de Vincennes attend de nouvelles arrivées
les 15, 21 et 26 novembre. p
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a France mènerait-elle une
double politique à l’égard
des Syriens ? Côté pile, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, conduit une opération de
séduction et d’accueil, depuis l’annonce par le chef de l’Etat que
30 000 trouveront place dans
l’Hexagone avant fin 2016. Côté
face, ce même ministère de l’intérieur enferme en centres de rétention administrative (CRA) des Syriens arrêtés arbitrairement à Paris ou Calais, à qui a été notifiée
une « obligation de quitter le territoire », impossible à mettre en
œuvre vers un pays en guerre.
Difficile à assumer, ce brouillage
a été clarifié par le ministre de l’intérieur. Ce dernier a rappelé dans
un entretien accordé à Libération,
jeudi 12 novembre, avoir « donné
des instructions précises pour que
ne soient pas éloignés à partir de
Calais vers des centres de rétention
des migrants dont nous connaissons la nationalité et dont nous savons qu’ils ne sont pas éloignables ». En clair, il dit avoir de-
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economie & entreprise | 7
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
La croissance
de la zone euro
en manque
de ressort
Au troisième trimestre,
le produit intérieur brut de l’union
monétaire a progressé de 0,3 %
L’Europe déçoit
FINLANDE
Evolution du PIB
au 3e trimestre 2015,
en %
ESTONIE
PAYS-BAS
LETTONIE
BELG.
LITUANIE
De 0,7 à 1,4
ROYAUME-UNI
POLOGNE
De 0,2 à 0,6
ALLEMAGNE
R. TCHÈQUE
De 0,1 à – 0,6
SLOVAQUIE
FRANCE
Données non
disponibles
AUTRICHE
HONGRIE
PORTUGAL
Zone euro : 0,3 %
ROUMANIE
BULGARIE
ITALIE
GRÈCE
C’
est moins que ce que
les économistes espéraient, mais ce
n’est pas non plus
une catastrophe. Au troisième trimestre, le produit intérieur brut
(PIB) de la zone euro a progressé
de 0,3 %, contre 0,4 % sur les trois
précédents mois. Par rapport au
troisième trimestre 2014, la
hausse est de 1,6 % en rythme annuel. « La reprise se poursuit mais
sans ampleur », résume JeanLouis Mourier, économiste chez
Aurel BGC. « Comme souvent dans
l’union monétaire, on peut voir la
bouteille à moitié vide ou à moitié
pleine, ajoute Maxime Sbaihi, économiste à Bloomberg. « Les optimistes diront que la croissance
européenne tient bon malgré le ralentissement chinois, tandis que
les pessimistes la jugeront décevante. »
La consommation résiste en
France, Italie, Espagne et Allemagne Si la croissance allemande a un peu ralenti (0,3 %,
après 0,4 % au deuxième trimestre), la France, elle, a plutôt rassuré
(0,3 % après 0 %). A première vue,
le PIB italien, en hausse de 0,2 %
seulement, est quant à lui plutôt
décevant. « Il confirme néanmoins
que le pays est enfin sorti de trois
longues années de récession »,
ESPAGNE
L’investissement
des entreprises
repartira-t-il
enfin ? Rien
n’est moins sûr,
tant il est fragile
en France, en Italie
et en Allemagne
CHYPRE
Espagne
Roumanie
Pologne
Grèce
Portugal
1,4
1,5
1,5
1
0,9
1
1
0,5
0,8
0,5
T1 2015
T2 2015
– 0,5
T3 2015
T4 2014
T1 2015
tant il reste fragile en France (+
0,7 % au troisième trimestre), Italie et Allemagne.
Inquiétudes sur le Portugal, la
Grèce, la Finlande et les PaysBas Quatre pays inquiètent particulièrement les économistes. La
Grèce, d’abord. Au troisième trimestre, le PIB hellène a en effet reculé de 0,5 %, alors qu’il s’était
maintenu à 0,4 % au deuxième
trimestre. En cause ? La mise en
place du contrôle des capitaux cet
été, qui a particulièrement pénalisé le secteur bancaire et les PME
grecques, déjà mal au point. Mais
le tourisme, lui, a bien résisté.
Le tourisme et les exportations tirent la reprise espagnole
cilitée par la reprise du crédit ; des exportations fortes, grâce notamment à la bonne
santé de l’automobile ; et un secteur touristique au beau fixe.
Chômage élevé
Selon le Fonds monétaire international, l’Espagne est le quatrième pays avec la croissance la plus forte de la zone euro, derrière
l’Irlande, le Luxembourg et la Slovaquie. Le
gouvernement conservateur de Mariano
Rajoy, qui a profité de la reprise pour appliquer une baisse de l’impôt sur le revenu, espère briguer un second mandat.
Néanmoins, les signes de reprise ne semblent pas convaincre les électeurs, à en
croire les sondages qui augurent une forte
chute du PP. La précarisation des emplois,
les baisses de salaires, la hausse de la TVA et
T2 2015
Finlande
autres mesures de rigueur, ont augmenté
les inégalités sociales. Le chômage, bien
qu’il ait baissé de près de cinq points en
deux ans, reste très élevé avec 21,2 % des actifs à la recherche d’un emploi en Espagne.
D’autre part, Bruxelles a mis en garde Madrid en octobre sur le risque de « non-conformité » de son déficit public par rapport
aux objectifs fixés. Selon ses estimations, le
déficit budgétaire espagnol dérapera de
0,3 point pour 2015 (à 4,5 %, contre 4,2 % prévus) et de 0,7 point en 2016 (à 3,5 %, contre
les 2,8 % auxquels s’est engagé Madrid
en 2013). Si ces estimations se confirment,
l’Espagne pourrait ainsi être contrainte à
réaliser 10 milliards d’euros d’économies
en 2016. De quoi affecter la croissance. p
sandrine morel
(madrid, correspondance)
0
T3 2015
– 0,5
– 0,5
– 0,5
taillées des PIB ne sont pas encore
disponibles, sauf pour la France »,
indique Luc Meier, chez Oxford
Economics. Les derniers indicateurs de conjoncture laissent
néanmoins penser que la consommation des ménages, soutenue par l’inflation faible, a bien résisté. Et a en partie compensé la
baisse des échanges avec les pays
émergents, dont la croissance ralentit. « La demande domestique
tient bon dans ces pays, c’est encourageant, analyse M. Sbaihi.
Mais la croissance devra trouver
d’autres relais en 2016. » L’investissement des entreprises repartirat-il enfin ? Rien n’est moins sûr,
Estonie
0,5 0,5
0,3
0,2 0
0
T4 2014
la croissance espagnole maintient sa
courbe ascendante malgré une légère perte
de vitesse. Au troisième trimestre, le PIB a
augmenté de 0,8 %, après avoir crû de 0,9 %
au premier trimestre et de 1 % au deuxième.
Présentée comme le bon élève de l’Union
européenne, après avoir appliqué une politique d’austérité sévère pour sortir de la
crise, l’Espagne devrait terminer l’année
avec une croissance deux fois plus forte que
la moyenne européenne : 3,3 % selon les prévisions du gouvernement. Cette croissance
est le principal argument de la précampagne du Parti populaire (PP) avant les élections législatives du 20 décembre. Elle est
soutenue par la hausse de la consommation
intérieure grâce à la création de plus de
540 000 emplois ces douze derniers mois ;
une augmentation des investissements fa-
Italie
1,5
0
nuance Philippe Waechter, chef
économiste chez Natixis AM.
Une fois de plus, l’Espagne surpasse ses voisins, avec une croissance en hausse de 0,8 %. Un dynamisme qui tient en partie à un
effet de rattrapage, après la profonde récession enregistrée par le
pays (– 3,6 % en 2009). De fait, Madrid doit encore créer 3 millions
d’emplois pour rattraper le niveau d’avant-crise. « Pour l’instant, les postes créés sont surtout
des contrats précaires », détaille
Denis Ferrand, directeur général
de l’institut de conjoncture CoeRexecode.
En moyenne, les quatre principales économies de la zone euro
affichent donc une croissance qui
se raffermit, même si elle reste
très poussive. « Il est délicat d’en
dire plus, car les composantes dé-
France
Allemagne
Royaume-Uni
SOURCE : EUROSTAT
– 0,6
T4 2014
« Sans cela, les chiffres auraient pu
être bien pires », estime Platon
Monokroussos, chef économiste
d’Eurobank, à Athènes.
Autre maillon faible : le Portugal,
qui affiche une croissance nulle
au troisième trimestre. Jusqu’à cet
été, Lisbonne était pourtant présentée comme le bon élève de
l’austérité, appliquant les réformes exigées par ses partenaires
européens sans rechigner. Mais le
vote, le 10 novembre, d’une motion de censure du Parlement contre le gouvernement de centredroit, laisse aujourd’hui craindre
que le pays entre dans une phase
d’instabilité politique comparable
à celle traversée par la Grèce ces
derniers mois. « Malgré les efforts
fournis, le Portugal n’a pas réussi à
relancer franchement sa croissance », se désole M. Mourier.
Au nord de l’Europe, la Finlande
est elle aussi en mauvaise passe.
Son PIB, qui avait péniblement
progressé de 0,2 % au deuxième
trimestre, a replongé de 0,6 % au
troisième. Motif : la proximité
commerciale du pays avec la Russie, qui a enregistré une récession
de 4,1 % sur un an au troisième trimestre. Mais aussi, les déboires de
ses deux industries phares, l’électronique et la filière bois.
De même, les Pays-Bas déçoivent, avec une croissance de 0,1 %
seulement au deuxième comme
au troisième trimestre. « Là encore, il est délicat de poser un diagnostic avant de connaître les
composantes détaillées de la crois-
T1 2015
T2 2015
T3 2015
sance, mais il est probable que la
Hollande soit elle aussi pénalisée
par le ralentissement des pays
émergents et du commerce mondial », avance Ludovic Subran,
chef économiste d’Euler Hermes.
La Banque centrale européenne
(BCE) devrait prendre de nouvelles mesures Cette reprise fébrile
relance, sans surprise, les spéculations sur d’éventuelles mesures
d’assouplissement monétaire de
la BCE. D’autant que l’inflation,
qui est ressortie à 0 % dans
l’union monétaire au mois d’octobre, est encore loin de la cible de
2 % de l’institut de Francfort.
« Tout cela devrait l’inciter à en
faire plus pour soutenir l’activité et
tenter de relancer l’investissement
des entreprises », juge M. Subran.
Selon lui, la BCE pourrait décider, en décembre, d’augmenter de
60 milliards à 80 milliards
d’euros mensuels le volume de
ses rachats de dettes publiques et
privées. Elle pourrait également
baisser encore son taux de dépôts, de – 0,2 % à – 0,3 %. Une mesure de nature à tirer l’euro vers le
bas face aux autres devises. Et
donc, à soutenir les exportations
européennes. Cela suffira-t-il ?
C’est toute la question. Car certaines faiblesses de l’économie européenne, comme le niveau élevé de
l’endettement et du chômage, ne
pourront pas être réglées par la
seule politique monétaire, aussi
généreuse soit-elle… p
marie charrel
L’économie grecque se contracte de nouveau
La consommation s’effondre et les entreprises manquent de liquidités pour relancer leurs activités
athènes - correspondance
R
echute. Le produit intérieur brut (PIB) grec s’est
contracté de 0,5 % au troisième trimestre a indiqué, vendredi 13 novembre, l’agence nationale des statistiques, Elstat. Ce
plongeon de la croissance conforte les scénarios de ceux qui,
comme la Commission européenne, prédisent que l’économie
grecque, qui n’a émergé d’une
longue période de récession de
six ans qu’en 2014 (+ 0,7 %), devrait voir le PIB s’enfoncer à nouveau dans le rouge, avec une
baisse anticipée à 1,4 % en 2015 et
de 1,3 % en 2016.
Moins pessimiste, le gouvernement grec estime, lui, que le pays
devrait reprendre le chemin de la
croissance dès le second semestre
2016. « A condition que la stabilité
politique et sociale se maintienne », souligne l’économiste
proche du parti centriste To Potami, George Pagoulatos. Il voit
même dans les chiffres publiés
vendredi des motifs de satisfaction. « Au moment du référendum
en juillet, les créanciers du pays tablaient sur forte récession de 2,9 %
ou 3 % au troisième trimestre, en
raison notamment du contrôle des
capitaux mis en place fin juin. Finalement, c’est moins, notamment
parce que la saison touristique a
été exceptionnelle. » Après plus de
21 millions de visiteurs en 2014, la
Grèce a en effet atteint le chiffre
record de 28 millions de touristes
cette année.
Relancer la machine
Baisse des salaires et des retraites,
hausse du chômage…. entre 2009
et 2015, la consommation intérieure, qui soutenait jusqu’alors le
développement grec, s’effondre.
« Pour survivre, j’ai licencié mon
employé et je ne paie plus mes cotisations sociales », témoigne
M. Georges, propriétaire d’un magasin de chaussures sur Ermou.
En négociation avec l’Etat pour
échelonner le remboursement de
ses dettes, le commerçant ne souhaite pas donner son nom de famille.
« L’instabilité politique de ces derniers mois a de nouveau freiné la
consommation des ménages », explique Vassilis Korkidis, patron de
la Fédération des commerçants
grecs. « Sur les dix premiers jours de
novembre, période de soldes, nous
observons un recul de 15 % des ventes par rapport à la même période
en 2014. Avec les nouvelles baisses
de retraites et de salaires qui s’annoncent, les Grecs sont prudents. »
Pour relancer la machine, les entrepreneurs grecs ont besoin de liquidités. « Il y a déjà eu deux recapitalisations des banques, mais cela
ne s’est pas traduit par une amélioration de notre accès à l’emprunt.
Nous espérons donc que se concrétise enfin la semaine prochaine la
recapitalisation annoncée depuis
des mois », précise M. Korkidis. Le
31 octobre, la Banque centrale
européenne a estimé à 14,4 milliards d’euros au maximum les besoins en fonds propres des quatre
banques systémiques grecques.
« Le gouvernement devrait arriver
à un accord avec les créanciers d’ici
lundi 16 novembre, et débloquer
ainsi le processus de recapitalisation dès la semaine prochaine »,
veut croire M. Pagoulatos.
Au centre des discussions toujours, la manière de réduire le ni-
veau des créances douteuses qui,
en octobre 2015, s’élevaient à
107 milliards d’euros et représentent 52 % de l’ensemble des prêts.
Une partie importante étant composée de prêts immobiliers, les
créanciers font pression sur le gouvernement pour lever une série de
mesures mises en place depuis la
crise pour protéger les habitations
principales de saisie et mise aux
enchères. Le gouvernement grec
résiste, convaincu qu’assurer un
toit aux Grecs a largement participé à amortir les conséquences
sociales de l’interminable crise
dans laquelle est plongé le pays depuis maintenant six ans. p
adéa guillot
8 | economie & entreprise
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
La régulation bancaire au menu du G20 d’Antalya
En Turquie, un accord sur le niveau de fonds propres dont doivent se doter les banques pourrait être trouvé
L
a crise des réfugiés et la
lutte contre le terrorisme,
notamment à la suite des
attentats de Paris, devraient occuper le devant de la
scène à Antalya (Turquie), où devaient se retrouver, dimanche 15 et
lundi 16 novembre, les chefs d’Etat
et de gouvernement des 19 pays
du G20, ainsi que le représentant
de l’Union européenne (UE), pour
le dernier sommet sous présidence de la Turquie. Un pays frontalier de la Syrie et frappé, lui aussi,
le 10 octobre, par l’attentat le plus
meurtrier de son histoire.
Les questions économiques, qui
ont fait l’objet de réunions officielles ou informelles en 2015, devraient rester reléguées au second
plan. Même si le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui va céder la
présidence du G20 (85 % de l’économie mondiale) à son homologue chinois, Xi Jinping, pourra se
targuer de véritables avancées
dans le domaine de la régulation
financière et de la fiscalité.
A deux semaines de l’ouverture
de la conférence de Paris (COP21),
les nombreux volets de la question climatique, qui avait émergé
pour la première fois au G20
en 2014 à Brisbane (Australie), devraient être évoqués à Antalya,
qu’il s’agisse des obligations qui
s’imposeront aux Etats, de la nature du texte qui sera signé à Paris
– accord ou traité ? –, de la réduction des subventions aux énergies
fossiles que l’ONG Oxfam a chiffrées à 450 milliards de dollars
(419,7 milliards d’euros), etc.
Pour les régulateurs et les gouvernements qui s’efforcent, depuis
2008, d’empêcher les banques ou
les assurances « too big to fail »
– « trop grosses pour faire
faillite » – de prendre des risques
excessifs susceptibles d’entraîner
des crises financières systémiques, Antalya fera date. Un accord
devrait y être annoncé sur les exi-
Si une banque
a de grosses
difficultés
financières,
ses actionnaires
seront mis
à contribution
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pourra se targuer de vraies avancées en matière de régulation financière. AFP
gences minimales qui seront imposées aux banques en termes de
fonds propres et de dettes susceptibles d’être dépréciés ou convertis
en capital en cas de nécessité. Le
futur TLAC (« total loss-absorbing
capacity ») ou ratio de sécurité a
été fixé, pour 2019, à 16 % des actifs
pondérés par le risque et à 6 % des
actifs non pondérés du risque, ces
proportions respectives montant
à 18 % et à 6,75 % en 2022. L’idée est
que si une banque a de grosses difficultés financières, ses actionnai-
res seront mis à contribution. Les
discussions ont aussi progressé au
sujet des assurances et d’autres
institutions financières.
Encadrer les prix de transfert
Côté fiscalité, tout a été bouclé à
Lima (Pérou) où s’est déroulé début octobre, en marge des assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la
Banque mondiale, l’ultime G20 finances de la présidence turque qui
a réuni, comme c’est l’usage, les
« Dieselgate » : les Verts européens
veulent une commission d’enquête
L’ONG américaine à l’origine du scandale Volkswagen aurait été
informée par des fonctionnaires européens, selon la presse allemande
bruxelles - bureau européen
C
haque jour apporte son lot
de révélations, plus ou
moins avérées, sur l’affaire
Volkswagen (VW). Vendredi 13 novembre, l’hebdomadaire allemand Wirtschaftswoche affirmait
que l’ONG américaine ICCT, à l’origine de la découverte de la triche
aux émissions de gaz polluants
(les oxydes d’azote, NOx) du constructeur allemand, avait été informée par des fonctionnaires européens, « frustrés de l’inaction de la
Commission européenne ».
Le magazine s’appuie sur des déclarations que lui aurait faites
Mary Nichols, patronne de
l’agence californienne de protection de l’environnement (Carb).
Contactée par l’AFP, vendredi, la
Carb a toutefois assuré que cette
citation était « inexacte » et a soutenu qu’elle n’avait jamais évoqué
spécifiquement le cas de Volkswagen avec les autorités européennes. L’ONG ICCT a également nié,
vendredi, avoir été alertée par des
fonctionnaires européens... Tout
comme la Commission, à Bruxelles, qui a fermement démenti.
Pêche aux signatures
Certes, l’institution savait, depuis
au moins 2011, que les tests en laboratoire utilisés pour les homologations des véhicules en Europe
minimisaient considérablement
les émissions réelles en gaz polluants. Elle savait aussi que les
constructeurs – pas seulement
VW – « optimisaient » leurs véhicules en prévision de ces tests. Et
elle n’est parvenue à définir de
nouveaux tests – en conditions
réelles, sur route –, qu’il y a trois
semaines, tant les pays membres,
à commencer par l’Allemagne,
ont fait un lobbying efficace. En
4,84 MILLIONS
C’est le nombre de véhicules Volkswagen vendus sur les dix premiers mois de l’année, en recul de 4,7 % par rapport à la même période 2014. Au niveau du groupe, 8,26 millions de véhicules ont été
écoulés, en baisse de 1,7 %. Sur le mois d’octobre, les ventes de VW
ont baissé de 5,3 %. Un premier effet du scandale des émissions de
polluants ? C’est trop tôt pour le dire. Si l’Europe, les Etats-Unis et la
Chine résistent, les marchés brésilien (- 34 %) et russe (- 39 %) sont
en pleine dégringolade. Tous les constructeurs sont concernés.
revanche, « nous n’avions pas connaissance, pas de preuve, de la
fraude avec les logiciels tricheurs
chez VW », a assuré, vendredi, une
porte-parole de la Commission.
En tout cas, les élus Verts du Parlement européen, qui militent
pour la création d’une commission d’enquête au sein de l’hémicycle, en ont profité pour revenir à
la charge, vendredi. Leur requête
avait été repoussée, il y a quelques
jours, par les chefs des principaux
groupes politiques du Parlement.
Les eurodéputés écologistes veulent contourner l’obstacle en allant à la pêche aux signatures :
s’ils réussissent à convaincre au
moins 188 autres élus européens,
leur demande pourra être à nouveau plaidée. Elle serait alors difficile à refuser par la présidence du
Parlement.
Les eurodéputés ont un autre
moyen d’agir pour corriger les
failles dans la régulation européenne en la matière. Fin octobre,
la Commission et les 28 Etats
membres se sont mis d’accord, à
huis clos, pour accorder aux constructeurs,
pendant
encore
trois ans, des dépassements conséquents par rapport aux plafonds
d’émissions de NOx réglementaires (210 %), lors des tests d’homologation. Le Parlement européen a
trois mois, à compter de la notification officielle de cette décision,
pour y opposer son veto... p
cécile ducourtieux
ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du
groupe. Lesdits ministres ont
adopté à l’unanimité le plan de
lutte contre l’évasion fiscale mis au
point par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Connu sous
son acronyme anglais de BEPS, le
projet de lutte contre l’érosion des
bases d’imposition et le transfert
de bénéfices a pour objectif de
« réaligner l’imposition sur la substance économique et la création de
F IN AN C ES
Le président du Crédit
mutuel Arkéa s’alarme
Dans une lettre adressée
vendredi 13 novembre aux
9 000 salariés de son groupe,
le président du Crédit mutuel
Arkéa (CMA), Jean-Pierre Denis, indique redouter une
« cascade de destructions
d’emplois » si son organe central, la Confédération nationale du Crédit mutuel, menait à bien son projet de
réforme de ses statuts.
J UST IC E
Alstom : 772 millions
de dollars d’amende
pour corruption
Alstom a été condamnée à
payer 772,30 millions de dollars (717,40 millions d’euros)
par la justice américaine pour
des faits de corruption en Indonésie, en Arabie saoudite,
en Egypte, au Bahamas et à
Taïwan, a annoncé vendredi
13 novembre le ministère de
la justice. – (AFP.)
POLIT IQU E MON ÉTAI R E
Selon le FMI, le yuan
peut devenir l’une des
monnaies de référence
Le yuan chinois remplit les
conditions requises pour rejoindre le panier des monnaies de référence du Fonds
monétaire international (FMI),
a indiqué, vendredi 13 novembre, Christine Lagarde, la
directrice générale de l’institution. La décision sera prise le
30 novembre par le conseil
d’administration du Fonds,
qui se prononcera sur l’intégration de la monnaie chinoise aux Droits de tirage spéciaux du FMI, actuellement
composés de quatre devises
(dollar, euro, livre et yen).
valeur, tout en empêchant la double imposition ».
Parmi les 15 mesures du plan
BEPS, qui représente, selon l’OCDE,
« le premier remaniement d’importance des règles fiscales internationales depuis près d’un siècle », figure l’encadrement « des prix de
transfert » utilisés par les multinationales pour exporter leurs profits vers les territoires à fiscalité
nulle ou faible. Les autres mesures
mises en œuvre par tous sont :
l’échange automatique des « ru-
lings », ces accords fiscaux consentis par des Etats aux multinationales étrangères ; la localisation des
« boîtes à brevets » (régimes fiscaux privilégiés) là où se trouvent
leurs chercheurs ; l’obligation pour
les entreprises de déclarer leurs activités pays par pays...
En matière de croissance, le plan
d’action d’Antalya devrait être des
plus modestes. Les dirigeants du
G20 s’étaient engagés à Brisbane à
stimuler la croissance et à prendre
des initiatives, notamment en matière d’infrastructures, susceptibles de relever de 2,1 % leur PIB cumulé. Cet objectif n’a pas été atteint, compte tenu du ralentissement général, et le G20 devrait
l’admettre mais discrètement.
Le sommet du G20 prendra acte
de la nécessité de soutenir par des
mesures supplémentaires, variant
d’un pays à l’autre, une croissance
« beaucoup plus faible » que prévu.
A l’évidence, cet agenda s’imposera et s’impose déjà à la Chine. A
deux semaines d’un conseil d’administration du FMI, qui devrait
donner son feu vert à l’entrée du
yuan dans le panier de devises
constituant les droits de tirage spéciaux (DTS), les chefs d’Etat et de
gouvernement devraient redire
qu’ils sont attachés à ce que cet actif de réserve international reflète
l’état de l’économie mondiale. Une
manière de soutenir les Chinois
mais sans forcer la main du FMI. p
claire guélaud
L’HISTOIRE DU JOUR
Effectifs rétrécis
pour les tee-shirts Little Marcel
L
a marque de vêtements et accessoires pour enfants Little
Marcel va voir ses effectifs rétrécir comme un pull de
laine dans une machine à 90 degrés : 80 licenciements
ont été annoncés au personnel, sur un total de 121 salariés. Les
tee-shirts aux petites rayures multicolores sur fonds noir, ornées du nom de la marque écrite à la manière d’un écolier, ne
faisaient plus assez recette.
Joint vendredi 13 novembre, Eric Schieven, cofondateur de
cette PME créée il y a dix ans au Grau-du-Roi (Gard), assure que
le déficit s’est creusé depuis deux ans « en raison de la mauvaise
conjoncture économique, de la baisse de la consommation de vêtements et de l’impossibilité de réviser à la baisse les loyers, beaucoup trop élevés, dans quinze centres commerciaux dans le Nord
de la France et cinq dans le Sud ».
A ses yeux, c’est ce qui a plombé les comptes. Bien plus, selon
lui, que la construction du nouveau
siège social de l’entreprise, à AiguesMortes, pour 3 millions d’euros. Ou enLE PROCÈS PERDU
core les coûteux procès perdus contre
CONTRE SONIA RYKIEL Sonia Rykiel, qui l’accusait d’avoir plagié ses rayures, et avait tout de même
A DÉLESTÉ
délesté la trésorerie de Little Marcel de
plus de 500 000 euros.
LA MARQUE DE PLUS
DE 500 000 EUROS
Aucun repreneur solide
De façon pour le moins inhabituelle,
c’est la maison mère Mark Holding qui va reprendre sa filiale,
KLS, le licencié textile de Little Marcel, mis sous procédure de
sauvegarde dès le 5 juin. La cessation des paiements a été constatée le 22 juillet, mais aucun repreneur solide ne s’est présenté.
« C’est pour éviter que les activités textile ne soient purement et
simplement liquidées que l’offre de Mark Holding – qui gère aussi
les licences de papeterie, bijouterie et linge de maison – a été choisie par le tribunal de commerce de Nîmes », explique Jean-Pascal
Pellegrin, l’avocat de Mark Holding.
Pour que l’opération soit possible juridiquement, Little Marcel
a été placé en redressement judiciaire le 28 juillet. Le représentant des salariés, Loïc Bertrand, a apporté son soutien à cette solution, même si la reprise de l’entreprise par les mêmes actionnaires revient à licencier deux tiers du personnel. M. Schieven
plaide avoir déjà injecté 4 millions d’euros dans cette filiale, qui
repartira sur de nouvelles bases, en ne conservant qu’une dizaine de boutiques. p
nicole vulser
bourses & monnaies | 9
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
PARIS
FRANCFORT
LONDRES
– 3,54 %
– 2,54 %
– 3,71 %
CAC 40
DAX 3 0
F TS E 10 0
EURO STOXX 50
NEW YORK
NASDAQ
TOKYO
– 3,10 %
– 3,71
– 4,26 %
DOW JONES
+ 1,72 %
NIKKEI
4 807,95 POINTS
10 708,40 POINTS
6 118,28 POINTS
3 360,65 POINTS
17 245,24 POINTS
4 927,88 POINTS
19 596,91 POINTS
Les investisseurs temporisent avant un mois de décembre crucial
Accros à l’action des banques centrales, les marchés pourraient déchanter si la croissance des entreprises n’accélère pas
A
près un mois et demi de
hausse quasi continue, le
CAC 40 a lâché du lest cette
semaine, la réalité de la conjoncture économique se rappelant au
bon souvenir des investisseurs.
Lundi 9 novembre, l’Organisation
de coopération et de développement économiques a de nouveau
réduit ses prévisions de croissance
mondiale pour 2015 et 2016 en soulignant la détérioration de la situation dans les pays émergents et
celle du commerce mondial. Le
même jour, en Chine, la publication
d’une inflation en net ralentissement, signe d’une faible demande,
a fait ressurgir les inquiétudes entourant la deuxième économie
mondiale. Jeudi 12 novembre, ce
sont des statistiques américaines
(sur l’emploi et les stocks de pétrole)
mitigées qui faisaient tanguer les
marchés. Le lendemain, les chiffres
de la maigre croissance en zone
euro (+ 0,3 % au troisième trimestre) ajoutaient à la morosité ambiante. A l’arrivée, le CAC 40 a perdu
3,54 % en cinq séances.
Bravant la fébrilité des investisseurs, le poids lourd de la gestion
d’actifs Amundi a néanmoins
réussi ses premiers pas à la Bourse
de Paris à l’occasion de la plus
grosse opération de l’année sur la
cote. Et ce, malgré un contexte difficile sur le marché des introductions, le site de streaming musical
Deezer ou le fabricant de cartes à
puce Oberthur ayant reporté leur
mise en Bourse.
En dépit de cette opération, l’attentisme des marchés prévaut
avant deux rendez-vous majeurs
Des bénéfices artificiellement gonflés
Une performance en trompe-l’œil. « Au troisième trimestre, les
bénéfices par action des entreprises américaines sont, en
moyenne, supérieurs aux attentes du marché, mais cela s’explique en partie par un artifice qui consiste à réduire le nombre
d’actions », explique Bernard Aybran, directeur général délégué
d’Invesco. Diminuer le nombre de titres en circulation permet,
en effet, d’augmenter mécaniquement le bénéfice rapporté au
nombre d’actions, cet indicateur scruté par les investisseurs.
Or, les groupes américains ne s’en privent pas. « Cette année,
les rachats d’actions des entreprises du Standard & Poor’s 500
devraient représenter 4 % de leur capitalisation boursière, contre 3,1 % en 2014 et 2,6 % en 2010 », note M. Aybran. Le bénéfice
par action du S&P devrait donc limiter sa baisse à 0,6 %
en 2015, lorsque les résultats réels reculeront de 4,6 %.
en décembre : la réunion de la Banque centrale européenne (BCE), le 3,
et celle de son homologue américaine quinze jours plus tard. A cette
occasion, les deux institutions
vont décider de politiques diamétralement opposées.
Pour les économistes, il ne fait désormais guère de doute qu’après
plusieurs mois d’hésitation, la Réserve fédérale américaine (Fed) relèvera ses taux : 70 % des professionnels interrogés s’attendent à ce
changement de cap, selon une enquête publiée par Reuters mardi.
L’attentisme
des marchés
prévaut avant
deux rendez-vous
majeurs : la
réunion de la BCE,
le 3 décembre,
et celle de la Fed
quinze jours après
Une politique qui ne peut pas tout
Cette décision, logique au regard
du cycle de l’économie américaine,
devrait entraîner quelques soubresauts avec un regain de volatilité
sur les monnaies – l’euro va continuer de baisser face au dollar –, sur
les taux, puis sur les actions. « Mais
l’impact devrait rester limité sur les
marchés et cette décision pourrait
même être bien accueillie si Janet
Yellen, la présidente de la Fed, confirme dans son discours que l’économie américaine s’améliore », explique Franz Wenzel, responsable de
la stratégie d’investissement chez
AXA IM.
Les investisseurs devraient
d’autant plus facilement digérer la
nouvelle que, dans le même temps,
la BCE devrait amplifier son action.
Mario Draghi, son président, n’at-il pas une nouvelle fois déclaré,
jeudi, que l’institution était prête à
prendre des mesures supplémentaires pour soutenir les prix et l’activité dans la zone euro ? Une
bonne nouvelle pour des marchés
plus que jamais dépendants aux liquidités injectées par les banques
centrales.
« Entre l’action de la BCE et la progression attendue des bénéfices
dans la zone euro, nous tablons sur
une hausse des marchés européens
de l’ordre de 5 % d’ici à la fin de l’année », avance M. Wenzel. Un gain appréciable, sachant que les indices
réalisent déjà depuis janvier des
parcours très honorables : le CAC 40
s’adjuge plus de 12 %, le Dax 9 %.
Ajoutez à cela la hausse du Nasdaq aux Etats-Unis (près de 9 %) et
ces performances peuvent même
sembler déconnectées de la réalité
au regard de l’environnement économique et de la croissance des entreprises. « Depuis août 2011, l’in-
dice MSCI mondial a bondi de 60 %,
lorsque, dans le même temps, les bénéfices ont progressé de seulement
10 %, abonde M. Wenzel. Il faut
maintenant que la croissance des
résultats prenne le relais, sinon les
marchés seront sous pression. »
Même son de cloche pour Laurent Denize, coresponsable des investissements chez Oddo Meriten
Asset Management. « Malgré une
conjonction d’éléments favorables –
euro faible, chute du prix des matières premières, baisse des taux –, le
rythme de progression des bénéfices
a quelque peu déçu en Europe au
troisième trimestre. Les résultats
doivent désormais accélérer pour
justifier les valorisations actuelles. Il
faut aussi que les entreprises profitent de la faiblesse des taux pour se
refinancer, investir et ainsi préparer
la croissance future. »
Car la politique accommodante
des banques centrales n’est pas
éternelle et surtout ne peut pas
tout. « Si toute la politique de croissance de la zone euro repose sur les
épaules de la BCE, alors cela va mal
se finir », insistait Benoît Cœuré,
membre du directoire de la BCE,
dans une interview au quotidien
allemand Die Welt du 12 novembre.
Cette mise en garde est certes destinée aux gouvernements européens, mais elle peut aussi s’appliquer aux investisseurs qui placent
tous leurs espoirs dans l’action des
banques centrales. p
frédéric cazenave
MATIÈRES PREMIÈRES
TAUX & CHANGES
La descente aux enfers du fer
La délicate arme du taux négatif
L
es groupes miniers ont le
moral dans les chaussettes.
Les cours des métaux,
comme celui du pétrole, poursuivent leur dégringolade. Le minerai
de fer ne fait pas exception, s’enfonçant à des niveaux qu’il n’avait
pas connus depuis 2009. La barre
symbolique des 50 dollars la
tonne, après un nouvel effondrement de 15 % en deux mois, vient
d’être franchie. Vendredi 13 novembre, la tonne se négociait à
47,66 dollars. En janvier 2014, elle
brillait à plus de 130 dollars. Une
véritable descente aux enfers.
Le diagnostic est connu. Tant
que le dragon chinois était pris
d’une boulimie de matières premières pour alimenter une croissance fulgurante, il faisait souffler
un air chaud qui propulsait les
cours vers des sommets. Les
groupes miniers ont ouvert de
nouveaux puits et fait tourner
leurs excavatrices à pleine vitesse.
L’empire du Milieu représentant à
lui seul 60 % du commerce mondial du fer. Las. Le moteur chinois
a brusquement décéléré. Chacun
se retrouve en surcapacité et assiste au décrochage des prix.
Les spéculateurs ont trouvé un
autre motif d’inquiétude. Côté
américain cette fois. L’anticipation d’une hausse des taux de la
Réserve fédérale américaine, qui
pourrait renforcer le dollar, contribue au pessimisme.
Désastre meurtrier
Dans ce contexte tendu, le drame
brésilien a accru la pression. Jeudi
5 novembre, deux barrages retenant les eaux usées d’une mine de
fer dans le Minas Gerais (sud-est)
ont cédé. Un désastre meurtrier
qui a enseveli une vaste zone sous
Plongeon
COURS DU FER, À NEW YORK, EN DOLLARS LA TONNE
133,33
47,66
10,39
– 64,6 %
2 JANVIER 2014
13 NOVEMBRE 2015
SOURCE : BLOOMBERG
la boue et les déchets contaminés.
Samarco, le propriétaire de la
mine, a deux actionnaires de
poids : l’anglo-australien BHP Billiton et le brésilien Vale. Les deux
géants miniers sont désormais sur
la sellette. Sous le poids du drame
humain, environnemental et financier, les entreprises, dont la
réputation risque d’être ternie durablement, ont dégringolé en
Bourse. Leurs cours ont plongé de
plus de 10 % depuis la catastrophe.
La présidente du Brésil, Dilma
Rousseff, a exigé de Samarco qu’il
paie des indemnisations.
Nul ne sait quand cette mine
rouvrira. Elle a représenté 6 % de
la production totale de minerai de
fer de BHP Billiton en 2014. Avant
le drame, celui-ci estimait à
247 millions de tonnes la quantité
de métal qu’il souhaitait extraire
en 2015-2016. Un volume en progression de près de 6 %. Vale, BHP
Billiton ou son compatriote Rio
Tinto n’ont pas réduit leur rythme
d’extraction. Bien au contraire.
En mars, alors que le quatrième
acteur du marché, l’australien
Fortescue Metals, avait incité ses
concurrents à l’imiter et à mettre
la pédale douce. Le trio de tête
s’était engagé dans un bras de fer
redoutable. Dans cette guerre des
nerfs, les groupes miniers les plus
solides, bénéficiant d’un prix de
revient moindre, ne verraient pas
d’un mauvais œil les rangs de la
concurrence se dépeupler. Quitte
à laisser plonger les cours. Sauf
que, désormais, BHP et Vale vont
devoir, malgré eux, lever le pied. p
laurence girard
L
a Banque centrale européenne (BCE)
s’apprête à prendre de nouvelles mesures pour lutter contre la faible inflation et soutenir la croissance de la zone
euro. Mario Draghi, le président de l’institut de Francfort, l’a clairement laissé entendre jeudi 22 octobre. Il l’a encore répété
le 12 novembre, devant le Parlement européen : la dynamique de l’inflation en zone
euro s’est « affaiblie », a assuré M. Draghi.
La politique monétaire, qui ne remplit pas
son objectif, doit donc être « réexaminée ».
Et, si la BCE le juge, de nouveau assouplie.
L’institution pourrait ainsi augmenter le
volume de ses rachats de dettes publiques
et privées sur les marchés, aujourd’hui de
60 milliards d’euros par mois. Ou bien les
prolonger au-delà de septembre 2016,
comme envisagé. Autre option : baisser encore son taux de dépôt, pourtant déjà à
– 0,2 %. Cette mesure équivaut à taxer les
banques sur les liquidités excédentaires
qu’elles laissent dans les coffres de la BCE.
Les investisseurs découragés
Objectif ? Le plus souvent, on avance
qu’une telle mesure, en pénalisant les liquidités dormantes, est censée encourager
les banques à augmenter leurs prêts aux
ménages et aux entreprises. Pour savoir si
cela fonctionne, il suffit de se pencher sur
le cas des pays qui l’ont déjà appliquée. A
savoir la Suède, qui a passé son taux de dépôt à – 0,25 % entre juillet 2009 et septembre 2010. Et, surtout le Danemark, qui
a baissé le sien à – 0,2 % en juillet 2012
avant de le ramener à – 0,1 %. Dans les
deux cas, l’effet sur les prêts a été peu concluant, jugent les économistes.
De fait, l’objectif du taux de dépôt négatif
est moins de relancer le crédit que d’agir
sur le cours de la monnaie. En rendant les
dépôts moins attractifs, le taux négatif décourage les investisseurs à placer leurs
fonds dans le pays concerné. Ce qui fait
baisser le cours de la devise en question.
En réduisant encore son taux de dépôt, la
BCE pourrait donc chercher à tirer l’euro
vers le bas face au dollar. C’est d’ailleurs
l’un de ses objectifs officieux depuis plusieurs mois. Le raisonnement de M. Draghi
est le suivant : lorsque la monnaie unique
chute, le prix des produits importés monte
– en particulier ceux libellés en dollars. De
quoi enrayer le risque d’une spirale déflationniste, ce phénomène délétère où, constatant la baisse des prix, les consommateurs reportent leurs achats pour profiter
de tarifs encore plus bas dans le futur, sabordant ainsi la croissance au passage…
L’ennui, c’est que le taux de dépôt négatif
n’a pas que des avantages. Même si elles
s’en défendent, rien n’interdit en effet aux
banques de répercuter une partie de ce que
leur coûte cette mesure sur leurs clients.
Par exemple, en réduisant les taux d’intérêt rémunérant les différents produits
d’épargne. De quoi inciter les particuliers,
surtout ceux qui préparent leur retraite, à
mettre encore plus de côté pour compenser. Et donc, à réduire leur consommation,
ce qui n’est jamais bon pour la croissance.
Résultat : les analystes de la banque Pictet
estiment que la BCE ne choisira de baisser
son taux de dépôt que si l’euro, aujourd’hui
autour de 1,07 dollar, repasse au-dessus de
la barre de 1,10 dollar. Réponse jeudi 3 décembre, lors de la prochaine réunion du
conseil des gouverneurs de la BCE… p
marie charrel
LA SOCIÉTÉ DES LECTEURS DU « MONDE »
0,80€
COURS DE L'ACTION
VENDREDI 13 NOVEMBRE
Société des lecteurs du « Monde »
80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13
Tel. : 01 57 28 25 01 - [email protected]
10 | débats
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Cessons d’investir dans les énergies fossiles !
Alors que la menace climatique
doit conduire l’industrie
des combustibles à réorienter
son activité vers le renouvelable,
celle-ci extrait au contraire
davantage de pétrole, de charbon
et de gaz. Un autre modèle
de développement est possible
PARIS CLIMAT 2015
par tim jackson et thomas piketty
C’est un moment rare et décisif dans l’histoire. La
science, l’éthique et l’économie se rejoignent pour envoyer un signal très clair aux marchés :
en amont de la COP21, les investisseurs
responsables doivent désinvestir des
énergies fossiles. Les décisions d’investissement sur le long terme doivent
prendre en considération les externalités d’un modèle économique en conflit
avec les réalités physiques. Malgré les
événements climatiques extrêmes qui
se déroulent en toile de fond, le capital
continue de se déverser dans les projets
d’exploration et d’exploitation d’énergie sale. Ces investissements sont des
paris sur un futur dans lequel de vastes
réserves de carbone potentielles pourraient être exploitées – un pari contre le
bien public.
D’un point de vue financier, de nombreux indicateurs montrent que les investissements dans les énergies fossiles
présentent un risque significatif. Nous
demandons aux investisseurs de reconnaître ce risque et d’opter pour des stratégies d’investissement compatibles
avec le but de limiter le dérèglement climatique sous la barre des 2 °C, idéalement 1,5 °C.
En amont de la COP21, la communauté
financière a un rôle vital à jouer dans la
transition vers une nouvelle économie,
qui laisse les combustibles fossiles dans
le sol. Le climat a déjà changé, atmosphériquement bien sûr, mais aussi politiquement, économiquement et socialement.
LES PLUS GROS
FONDS
SOUVERAINS
ONT TOUS
EXPRIMÉ LEURS
INQUIÉTUDES
rienter son cœur d’activité vers les énergies renouvelables, celle-ci fait exactement l’inverse et redouble d’efforts pour
extraire plus de charbon, de pétrole et
de gaz. Le secteur énergétique s’est
transformé, passant de projets à rendement élevé et à coût réduit à des projets
à coût élevé, à haute intensité capitalistique, pariant ainsi des milliards sur le fait
qu’on brûlerait ces combustibles sur le
long terme. Pendant ce temps, la transition vers une énergie propre et décarbonée devient de plus en plus rentable.
Ces évolutions récentes, tant politiques qu’économiques, sont poussées
par un changement majeur dans le climat social. Le dérèglement climatique
est désormais une préoccupation citoyenne. Il y a plus de combustibles fos-
TRANSITION MAJEURE
Les législations climatiques et les objectifs de réduction des émissions de gaz à
effet de serre se sont imposés ces dernières années. Mais au moment où l’industrie des combustibles fossiles doit réo-
20 NOVEMBRE
LANCEMENT DES PRIX DE
L’INNOVATION SMART CITIES
9 H - 16 H • AUDITORIUM DU MONDE
80 bd Auguste-Blanqui, Paris 13e
UNE JOURNÉE DE DÉBATS SUR LE THÈME :
CLIMAT, LES VILLES SONT-ELLES LA SOLUTION ?
9 H - 10 H
Introduction par Célia Blauel, adjointe à la Maire de Paris,Anne Hidalgo, chargée du développement
durable, de l’environnement et de l’Eau, présidente d’Eau de Paris,
suivie d’une conversation avec Saskia Sassen, professeur de sociologie
à Columbia University et à la London School of Economics
10 H - 11 H
Table ronde : Transformer la mobilité pour diminuer la pollution urbaine
Albert Asséraf, directeur général stratégie de JC Decaux
Sylvain Géron, directeur associé Polyconseil
Marie-Hélène Massot, professeur à l’UPEC, spécialiste des mobilités urbaines
Pierre Messulam, directeur général adjoint de SNCFTransilien
Louis Treussard, directeur général de L’Atelier BNP Paribas
Table ronde : Comment les villes peuvent-elles réduire la consommation d’énergie ?
Michel Derdevet, membre du directoire et secrétaire général d’ERDF
Quentin Martin-Laval, cofondateur d’Echy
Marjorie Musy, directrice adjointe de l’Institut de recherche en sciences
et techniques de la ville de Nantes
Michel Salem-Sermanet, directeur général délégué d’Eficacity
14 H - 15 H 15
Face-à-face : Citoyens, maires, entrepreneurs : quels engagements pour le climat ?
Emmanuel Desmaizières, directeur général UrbanEra®
Nathalie Leboucher, directrice stratégie, innovation et développement du groupe RATP
Matthieu Orphelin, vice-président de la Région Pays de la Loire,
porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot
André Santini, député-maire (UDI) d’Issy-les-Moulineaux
15 H 15 - 16 H
Conclusion : Que faire pour diminuer l'empreinte des villes ?
Pierre Radanne, président de l’Association 4D
Programme susceptible d’être modiié
INSCRIPTION AU(X) DÉBAT(S) : lemondesmartcities.eventbrite.fr
Partenaire principal :
Partenaires :
MONTRER LA VOIE
Plus de 456 institutions se sont désormais engagées à désinvestir, le montant
total des actifs cumulés de ces institutions s’élevant à 2 600 milliards de dollars (2 400 milliards d’euros). Nous encourageons la communauté des investisseurs à être les chefs de file d’une économie bas carbone, et à désinvestir des
énergies fossiles. Le désinvestissement
montre également la voie pour les engagements des gouvernements. Au G20,
nous attendons d’eux qu’ils prennent
des décisions efficaces pour arrêter toute
subvention aux énergies fossiles. p
¶
Thomas Piketty
est économiste,
directeur d’études
à l’Ecole des hautes
études en sciences
sociales (EHESS) et
professeur à l’Ecole
d’économie de Paris.
Il a notamment
publié « Le Capital
au XXIe siècle »
(Seuil, 2013).
Tim Jackson est
un économiste britannique, professeur
en développement
durable à l’université
de Surrey. Il a
notamment publié
« Prospérité sans
croissance : la transition vers une économie durable » (Editions de Boeck,
2010).
En Turquie, on
muselle les chiens de
garde de la démocratie
Les prix de l’innovation
11 H 15 - 12 H 30
siles dans le sol que nous ne pouvons en
brûler. Plus nous extrairons de charbon,
de pétrole et de gaz, plus la catastrophe
climatique sera inévitable. Voici la contradiction inhérente à l’industrie fossile.
Un certain nombre d’investisseurs ont
déjà entamé une transition majeure en
désinvestissant des énergies fossiles. Les
plus gros fonds souverains, tels que le
fonds souverain de la Norvège, celui des
Rockefeller Brothers, ou encore l’université de Californie, ont tous exprimé leurs
inquiétudes quant aux risques liés aux
investissements carbonés en ajustant
leurs portefeuilles et en se séparant de
leurs actifs dans les énergies fossiles.
Alors que la presse mondiale suivra le G20
à Antalya, le pouvoir d’Erdogan bâillonne
les journalistes turcs. Aux chefs d’Etat invités
d’aider les partisans d’une information libre
par christophe deloire
et noam chomsky
L
es journalistes sont les
« chiens de garde de la démocratie », selon la Cour
européenne des droits de
l’homme. Qui veut contrôler un
pays sans être confronté aux critiques tente de museler les reporters. Le président turc, Recep
Tayyip Erdogan, est malheureusement passé maître pour étouffer
les aboiements de la liberté. Tandis que des journalistes du
monde entier affluent à Antalya
pour couvrir le sommet du G20,
nombre de leurs collègues turcs
ne sont pas accrédités. Boycotter
les médias d’opposition est devenu une habitude dans ce pays,
149e sur 180 au dernier classement mondial de la liberté de la
presse publié par Reporters sans
frontières.
SPIRALE RÉPRESSIVE
Quatre jours avant les élections législatives du 1er novembre, la police prenait d’assaut la rédaction
du groupe Ipek et mettait fin en
direct aux activités de deux quotidiens et de deux chaînes de télévision d’opposition. Une fois la direction reprise en main et 71
journalistes mis à pied, ces quatre
titres ressuscitaient le 30 octobre
avec une ligne éditoriale devenue
progouvernementale jusqu’à la
caricature : la photo du président
Erdogan s’étalait en « une » des
quotidiens Bugün et Millet, dont
les gros titres respectifs étaient
« Le président parmi le peuple » et
« La Turquie unie ». De la parole
officielle pur jus.
C’est le journalisme qu’on assassine. La majorité absolue retrouvée par le parti AKP, au pouvoir
depuis treize ans, ne freine pas la
spirale répressive. Dès le lendemain du scrutin, deux journalistes étaient jetés en prison, accusés
d’« incitation à la révolte armée
contre l’Etat » à cause d’une couverture. Depuis, une trentaine de
leurs collègues font déjà l’objet
d’enquêtes pour « propagande
terroriste » ou « insulte au président de la République », les chefs
d’accusation les plus courants.
Mardi 17 novembre s’ouvre le
procès de 18 rédacteurs en chef et
directeurs de publication, accusés
de « propagande terroriste » pour
une photo. Ils risquent sept ans et
demi de prison. L’un de ces journalistes, Can Dündar, avait déjà
personnellement été accusé
d’« espionnage » par Recep
Tayyip Erdogan, qui avait promis
qu’« il ne s’en sortira[it] pas
comme cela ». Son quotidien, Cumhuriyet, venait d’apporter la
preuve que des camions affrétés
par les services secrets turcs à
destination de la Syrie étaient
chargés d’armes.
Les chefs d’Etat du G20 doivent
prendre toute la mesure de la
dangereuse dérive dans laquelle
s’enfonce leur hôte. Tous ont besoin d’une Turquie stable, qui limite l’expansion du chaos syrien
et garantisse la sécurité et la prospérité de son peuple. Pour ce faire,
Ankara doit cesser d’alimenter les
tensions, et pour cela, il est essentiel que les vérités puissent être
dites. N’en déplaise au président
de la Commission européenne,
Jean-Claude Juncker, « rabâcher »
à la Turquie ses violations de la liberté de la presse n’interdit pas de
coopérer sur les problèmes d’intérêt commun. Au contraire, rouvrir
l’espace du débat démocratique et
favoriser le dialogue entre les différents segments de la société
sont des conditions essentielles à
la stabilisation du pays. La liberté
de l’information fait partie de la
solution. p
Lire l’intégralité du texte
sur Lemonde.fr
¶
Noam Chomsky est professeur
au Massachusetts Institute
of Technology (MIT),
Christophe Deloire
est secrétaire général de
Reporters sans frontières (RSF)
culture | 11
0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
L’HISTOIRE DU JOUR
« 4 » : des volailles en baskets,
mais sans queue ni crête
Johnny Hallyday,
à nouveau libre dans sa tête
Sur son nouvel album, « De l’amour », le rockeur renoue avec
un engagement sociopolitique abandonné depuis belle lurette
Deux sosies de l’idole flirtent avec le FN
ticia avaient insisté sur le retour
du chanteur à un engagement
sociopolitique abandonné depuis belle lurette, depuis peutêtre Diego libre dans sa tête, une
chanson écrite par Michel Berger
pour s’insurger contre les dictatures sud-américaines, et dont
Johnny Hallyday s’était emparé à
la fin des années 1980.
Jeanne Cherhal qui, comme
beaucoup d’artistes de sa génération (elle a 37 ans), sait écrire des
textes amoureux et ciselés, n’a
pas su éviter l’écueil des poncifs.
« Pour apaiser la peine/De tout un
pays soulevé/Nous étions venus
sans peur et sans haine », écritelle, ce qui, dans la voix d’Hallyday, sonne comme l’obligation
d’une bonne action. Elle a cependant le mérite de poser dans le
dernier vers la question qui fâche : « Que nous reste-t-il de ce dimanche de janvier ? »
Une fracture insoupçonnée va-t-elle se creuser entre Johnny et
certains de ses sosies ? Dans son dernier album, le chanteur consacre un de ses titres, La Valise ou le cercueil, au sort des réfugiés.
Pour deux de ses admirateurs qui ont fait de leur ressemblance
avec leur idole une activité à part entière, voilà qui est perturbant. Le premier, Johnny Rock (Denis Le Men), s’est affiché au
côté de Florian Philippot, tête de liste du FN en Alsace-LorraineChampagne-Ardennes, début octobre. Le second, Jean-Claude
Bader, est allé plus loin encore. Lui qui animait « en Johnny » certaines fêtes de l’UMP est passé avec armes et bagages au FN et figure désormais en quatrième place sur la liste frontiste dans le
Bas-Rhin, toujours aux côtés de M. Philippot.
« Désagraver » la situation
Au rayon engagé, il y a mieux.
Dans la peau de Mike Brown, par
exemple, à propos du jeune AfroAméricain abattu par un policier
blanc à Ferguson (Missouri)
en 2014. L’auteur, Pierre-Dominique Burgaud, déjà présent sur
Rester Vivant, écrit au cordeau ; il
est servi par les arrangements
très Nashville de Yodelice. On notera que ce dernier a une bonne
L
e 9 octobre, au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq (Nord), Johnny
Hallyday avait créé la surprise en
invitant sur scène le guitariste et
chanteur Yodelice pour y interpréter De l’amour, un titre inédit,
enlevé et rockabilly. C’était une
façon astucieuse d’annoncer à
son public, et à la presse dûment
convoquée, la sortie d’un nouvel
album. C’est chose faite, vendredi 13 novembre, un an presque jour pour jour après Rester vivant, objet de la tournée qui
mène Johnny de ville en ville jusqu’au printemps 2016, et plus si
affinités. Hallyday devrait pouvoir jongler avec ces productions
parallèles sans trop d’efforts, la
présence des guitares et de Yodelice assurant la continuité esthétique.
Voici donc De l’amour, cinquantième album du rocker national,
dix chansons dont les musiques
ont été écrites par Yodelice
(Maxim Nucci, 36 ans), plus un
« ghost track », un titre caché en
fin d’opus. Ce dernier s’appelle
Voyageur clandestin et les paroles sont de la chanteuse Jeanne
Cherhal, également auteure de
Un dimanche de janvier, qui conclut officiellement l’album.
L’une décrit les galères d’un travailleur immigré, l’autre la
grande marche qui a suivi les attentats contre Charlie Hebdo et
l’hypermarché casher, en janvier.
Après le concert d’octobre, Johnny Hallyday et son épouse Lae-
‘‘ LA NOUVELLE PÉPITE DES FRÈRES LARRIEU ’’ TÉLÉRAMA
PRIX DU JURY POUR LE MEILLEUR SCÉNARIO
Un film de Arnaud et Jean-Marie LARRIEU
Les plaisirs sont faits
pour être partagés.
LE 25 NOVEMBRE
oreille, qu’il peut à l’occasion reproduire une ligne de basse entendue chez Kanye West et Jay Z,
donner dans l’épure ou le pompeux, s’adapter à la légèreté
d’une chanson twistée (De
l’amour, paroles de Christophe
Miossec) faite pour « désagraver »
la situation présente (le terme est
de Johnny).
Pierre Jouishomme signe trois
chansons, dont la frontale Valise
ou cercueil, sur la crise des migrants, et Avant de frapper, cinématographique, à propos des
tentations du djihad. C’est de
belle facture, assez subtil pour
être crédible. Et assez proche du
personnage Hallyday pour ne pas
y voir une tentation marketing.
Hallyday est avant tout un interprète. Il doit trouver des
auteurs-compositeurs qui l’habillent au mieux. C’est une sorte
d’appel d’offres. Vincent Delerm
y a répondu, et a troussé un joli
portrait de la star, sa solitude, sa
richesse, sa lassitude : « Le rondpoint à Châtellerault/Les néons
café désert/un aquarium, un mégot/Mon visage sur un poster » et
ce long fleuve d’ennui que serait
la vie d’un chanteur si la musique
ne le prenait pas tout entier. p
véronique mortaigne
De l’amour, de Johnny Halliday.
1 CD Warner Music.
G A L E R I E
VARIÉTÉ
V INC ENT BIO UL ÈS
Galerie Marie Hélène
de La Forest Divonne
Vincent Bioulès cherche
la difficulté : non seulement il peint et dessine
des paysages d’après le
motif dans une époque
où ce genre n’a plus
guère cours, mais encore
il se donne pour motifs la
montagne Sainte-Victoire, le jardin à travers la
fenêtre ou la mer au soleil. C’est se mesurer à Cézanne, Matisse, Seurat,
Bonnard, Chabaud et
quelques autres.
L’exercice est donc passablement risqué. Mais
Bioulès est possédé par
une passion enragée
pour la couleur. Elle lui
fait tenter des accords de
très forte intensité, l’attire du côté du monochrome, l’incite à simplifier les formes
radicalement et, comme
au temps – les années
1970 – où Bioulès, qui est
né en 1938, était un peintre abstrait géométrique,
les structures de la composition sont d’une résistance à toute épreuve. Elles maintiennent
perceptible la présence
de la nature même
quand la stylisation est à
son comble et quand la
transposition chromatique invente un autre
monde, où tout serait
beaucoup plus lumineux
et voluptueux que dans
la réalité, particulièrement les jaunes et les
bleus que le peintre aime
à pousser à leur paroxysme. p
philippe dagen
Vincent Bioulès. Galerie Marie
Hélène de La Forest Divonne,
12, rue des Beaux-Arts,
Paris 6e. Tél. : 01-40-29-97-52.
Du mardi au samedi de
11 heures à 19 heures,
jeudi jusqu’à 21 heures.
Jusqu’au 21 novembre.
galeriemhlfd. com
THÉÂTRE
montpellier - envoyée spéciale
U
n bar stylé, de l’ambiance, du monde : il fait bon se retrouver dans le hall de hTh (humain trop humain), le
Centre dramatique national de Montpellier. Depuis
qu’il en a pris la direction, le 1er janvier 2014, Rodrigo Garcia l’a
rendu très vivant. Non sans susciter des polémiques : il doit
faire front contre ceux qui lui reprochent de ne pas programmer de pièces du répertoire, et contre ceux qu’ulcère le traitement qu’il fait subir aux animaux dans ses pièces.
En décembre 2014, il y a eu des manifestations, gentilles,
quand Rodrigo Garcia a créé Flame, où l’on voyait un homard
tué net, d’un coup de couteau, avant d’être grillé et mangé. Cette
année, tout se passe bien avec les volailles qui participent à 4, la
nouvelle création de Rodrigo Garcia, invitée à Paris par le Festival d’automne.
Ces volailles portent des baskets colorées qui leur donnent une allure irUN HOMME JOUE AU
résistible. Leur présence sur le plateau n’est pas plus insolite que celle
TENNIS ET ENVOIE LA d’un savon de Marseille grand
comme une baignoire, d’un micro,
BALLE CONTRE UN
d’une peau de chien ou de trois hommes et d’une femme.
ÉCRAN, OÙ EST
Le vivant et l’artificiel s’imbriquent
REPRODUIT « L’ORId’une manière organique, et apparemment anarchique, dans ce 4 qui
GINE DU MONDE »
ne s’inscrit pas dans la lignée la plus
DE GUSTAVE COURBET attendue des spectacles de l’HispanoArgentin. Il y a moins de références
au quotidien, moins d’imprécations directes contre la société,
moins de textes, et pas de narration, sinon celle que s’invente
chaque spectateur.
Eclatant dans sa forme, 4 reste souterrain dans ses intentions.
Et, il faut le dire, décevant : on ne voit pas où Rodrigo Garcia
veut en venir. Ou alors, on n’a rien compris. Le spectacle est un
« work in progress », fait-on savoir au hTh. Il risque donc de
n’être plus tout à fait le même à Nanterre-Amandiers qu’il était
le 5, deux jours après sa création. Ce soir-là, à Montpellier, nous
avons vu (dans le désordre du souvenir, et sans exhaustivité) :
un homme qui jouait au tennis et envoyait la balle contre
l’écran du fond de plateau, où le sexe de L’Origine du monde, de
Gustave Courbet, reproduit en grand, prenait un coup à chaque
balle ; deux fillettes maquillées et habillées comme des femmes
à un concours de beauté, qui dansaient, sur des talons très
hauts ; un homme arrosant au jet d’eau un couple englué dans
le savon de Marseille…
Il y eut aussi : des textes, sans lien avec les images, où l’on retrouvait des éclats de l’humour, de la colère et de la tendresse de
Rodrigo Garcia ; de la musique, parfois en direct (guitare), souvent électrique ; et des acteurs, quatre fidèles de l’auteur et metteur en scène, talentueux, magnifiques d’insolence. Quand l’un
d’eux, déguisé en samouraï, raconte longuement un souvenir
d’enfance de Rodrigo Garcia, quelque chose s’apaise, dans le
brouhaha du spectacle. Et l’on se dit que c’est peut-être de cela
que 4 voudrait rendre compte : du brouhaha ambiant qui habite
nos têtes, pauvres petites volailles métaphysiques que nous
sommes. p
brigitte salino
« 4 », de et mis en scène par Rodrigo Garcia. Avec Gonzalo Cunill,
Nuria Lloansi, Juan Loriente, Juan Navarro. Nanterre-Amandiers,
7, avenue Pablo-Picasso, Nanterre. Tél. : 01-46-14-70-00. Jusqu’au
22 novembre.
Compilation 2CDS
toutES lES pluS bEllES ChanSonS DE Sa CarrièrE réuniES DanS CE DoublE album
inCluS lE titrE inéDit “mErCi” éCrit par mioSSEC
En tournéE D’aDiEux DanS toutE la FranCE En 2015 / 2016
12 |
télévisions
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DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Fabrice de la
Patellière,
directeur de la
fiction
sur Canal+,
et Olivier Wotling,
directeur
de l’unité de
programme
fiction au sein
d’Arte France. MARC
CHAUMEIL/DIVERGENCE
POUR LE MONDE
Succès français en série
Les directeurs des fictions de Canal+, Fabrice de la Patellière, et d’Arte, Olivier Wotling,
confrontent la ligne éditoriale de leurs chaînes respectives
ENTRETIEN
S
i c’est à France Télévisions que l’on
doit la contribution la plus importante à la fiction (elle représente
près de 60 % du financement total
apporté par les chaînes françaises), c’est indéniablement à Canal+ et Arte que l’on doit,
depuis de nombreuses années, les tentatives les plus audacieuses et les réussites les
plus marquantes dans le domaine de la
création de séries originales. Or, la même
semaine, chacune de ces deux chaînes propose sa série phare de la rentrée : Canal+ diffusera « Versailles » lundi 16 novembre,
Arte « Occupied » jeudi 19.
Des coproductions aux antipodes l’une
de l’autre. Alors que « Versailles » a été
écrite par des Anglo-Saxons, tournée en anglais, et revisite le patrimoine français,
« Occupied » a été créée par deux scénaristes norvégiens, tournée dans la langue du
pays et nous interroge sur notre capacité de
résistance actuelle face à une invasion sans
tanks ni coups de feu (la Russie prenant le
pouvoir en Norvège, avec l’accord de
l’Union européenne, pour son pétrole et
son gaz).
Voilà qui nous a amenés à réunir les patrons de la fiction de ces deux chaînes, pour
mieux cerner la ligne éditoriale qu’ils impulsent et représentent, ainsi que les contraintes qui sont les leurs.
L’un, Fabrice de la Patellière, directeur de
la fiction sur Canal+ depuis 2002, a lancé un
rendez-vous sériel hebdomadaire et transformé la chaîne cryptée en une niche de
créations originales. L’autre, Olivier Wotling, directeur de l’unité de programme fiction au sein d’Arte France, n’a pris ses fonctions que début 2015 et dispose d’un budget
trois fois moindre que celui de son confrère.
Après avoir longtemps cherché
leurs marques, les séries françaises
rivalisent-elles, désormais,
avec les séries étrangères,
notamment anglo-saxonnes ?
Fabrice de la Patellière : Oui, je pense que
les chaînes françaises ont fait énormément
de progrès depuis quelques années. Nous
avons comblé le fossé avec les AngloSaxons. Les séries françaises sont remarquées sur le marché international et font
rayonner la production française. Mais il
reste du chemin à faire pour arriver au degré de maîtrise des Américains, notamment en termes de budget et d’écriture. Ils
possèdent une grande maturité dans ces
deux domaines, tout en conservant un regard très critique sur la société. La compétition est dure, mais nous y arriverons.
Rappelons qu’« Engrenages » a été la première de nos séries à être diffusée sur la
BBC. A l’époque, cela faisait vingt ans
qu’une chaîne anglaise n’avait pas diffusé
une série française. Et, récemment, la série
« Les Revenants » a été un véritable phénomène à l’international. Elle a été diffusée en
Angleterre en version originale sous-titrée,
les Américains en ont fait un remake. Depuis quelques années, il y a donc une véritable attention, une curiosité des profes-
« Les séries
françaises ont
effectivement
atteint une
qualité dans
l’écriture et dans
la production »
OLIVIER WOTLING
directeur de l’unité
de programme fiction
à Arte France
sionnels anglo-saxons pour la création
française.
Olivier Wotling : Les séries françaises ont
effectivement atteint une qualité dans
l’écriture et dans la production. Cela a contribué à changer le fond des projets et permis d’en améliorer l’exportation. Il existe
aujourd’hui une grande effervescence chez
les créateurs français. Ils se disent que c’est
dans la série que l’on peut tenter des formes
et exploiter des univers plus originaux. En
revanche, je ne pense pas que l’on puisse
parler de rivalité avec les séries anglosaxonnes. A Arte, nous ne jouons pas sur
les mêmes terrains ni avec les mêmes sujets. Par ailleurs, lorsqu’on parle, en France,
de séries américaines, il s’agit en fait d’une
toute petite catégorie d’entre elles, pas de
toutes celles des grands networks.
« Versailles », une intrigue sans audace
Il fut un formidable enjeu pour
la monarchie française. L’ampleur du
chantier du château de Versailles atteste de la volonté politique de
Louis XIV de donner, au travers de
l’architecture et des jardins, une
image solaire de sa puissance.
Or, la série de Canal+, « Versailles »,
réduit cette décision stratégique au
caprice d’un roi de 28 ans fébrile et
tourmenté, obsédé par des complots
qui, s’ils furent réels durant son enfance, n’étaient plus que chimériques
à la fin des années 1660, lorsque la série commence. Le pari réel de Louis
XIV y perd donc force et pertinence.
Certes, décors et costumes impressionnent, et l’on peut comprendre, à
défaut d’y souscrire, que, pour voir
sa série rayonner à l’international,
Canal+ ait choisi l’anglais comme
langue de tournage (avec une version doublée en français). Mais les
ressorts narratifs, terriblement répétitifs, tout comme les archétypes
de courtisans, caricaturaux à l’extrême, dénotent une telle paresse
scénaristique et une si grande indifférence à l’information historique
qu’elles risquent de décourager
même les meilleures volontés.
Si la relation entre Louis et son
frère Philippe, faite d’attachement
autant que de rivalité, se révèle d’une
étonnante justesse (permettant de
mesurer combien la rigueur aurait
pu être payante), si la dimension carcérale que va prendre Versailles pour
la cour y est fort bien rendue – le cas
de Louise de La Vallière, qui ne peut
partir vivre hors du palais tant que le
roi ne l’y a pas autorisé en est exemplaire –, la vraie portée du projet
pharaonique du roi se réduit ici, peu
ou prou, au canevas d’un jeu vidéo
première génération…
Producteurs aguerris
Dommage ! Le sujet autorisait toutes
les audaces, toutes les dramatisations
contemporaines. Mais rien n’approche, dans cette série, l’imagination
d’un Dumas ou d’un Zévaco. Les inventions les plus criantes ne nourrissent pas le récit, le foisonnement de
personnages empêche que l’on s’attache à l’un ou l’autre des ministres ou
courtisans, et hors les scènes où intervient « Monsieur », frère du roi, l’ennui l’emporte, le plus souvent. Saluée
pour être la série française la plus
chère à ce jour, pour les 28 millions
d’euros qu’a coûté cette première saison (une deuxième a été commandée), « Versailles » est pourtant portée
par des producteurs aguerris (Capa
Drama et Canal). Tout comme le sont,
d’ailleurs, les auteurs anglo-saxons
retenus pour écrire et diriger le scénario, Simon Mirren (« FBI Portés disparus », « Esprits criminels ») et David
Wolstencroft (« MI-5 »).
Peut-être « Versailles », de par son
seul titre, attirera-t-il un public international nombreux, peut-être la série
fera-t-elle recette à l’étranger, et on ne
peut que le souhaiter pour Canal,
mais elle s’avère en réalité si peu moderne et attachante que l’on a du mal
à y croire. p
philippe-jean catinchi et
martine delahaye
« Versailles », série créée par Simon
Mirren et David Wolstencroft.
Avec George Blagden, Alexander
Vlahos, Amira Casar, Tygh Runyan,
Dominique Blanc (Fr.-GB., 2015,
10 x 52 min). A partir de lundi 16
novembre, à 20 h 55 sur Canal+.
Comment définiriez-vous la ligne
éditoriale de vos chaînes ?
F. de la P. : Pendant longtemps, à Canal,
nous nous sommes distingués par des séries réalistes, sombres et violentes. On a
contribué à renouveler le polar et le thriller.
Aujourd’hui, nous souhaitons aller sur des
terrains où l’on nous attend moins, en quittant un peu la réalité pour l’imaginaire et
l’évasion, avec des personnages plus solaires. « Versailles » est un premier pas dans
cette direction. Il restera toujours l’analyse
et la réflexion, car nous avons besoin de
sens, mais on l’accompagne d’une vraie
jouissance, avec des personnages magnifiques. « Versailles » tranche complètement
avec ce que l’on a déjà fait. Nous travaillons
également sur les genres, en proposant de
les revisiter, comme nous l’avons fait avec
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« Les Revenants » : science-fiction, western,
romance, nous voulons être éclectiques.
Nous disposons de 60 millions d’euros
pour créer six à sept séries par an ainsi que
deux ou trois coproductions internationales. Sur Canal, un épisode de 52 minutes
d’une série française coûte environ un million d’euros, et se trouve multiplié par trois
pour une coproduction internationale
comme « Versailles ». Tout l’enjeu, pour
nous, est d’occuper le terrain le plus possible et de faire des séries qui marquent.
O.W. : Sur Arte, notre obsession éditoriale,
c’est la singularité des projets. Cela se traduit par des sujets, des points de vue
d’auteur forts, des angles, des univers visuels très différents. C’est un défi, avec nos
vingt heures de productions françaises par
an ! Notre budget est de 20 millions d’euros
pour les séries et les unitaires français, et de
5 millions pour les pré-achats, achats et coproductions de séries étrangères. Il y a surtout le plaisir du récit et de la fiction. Notre
public est plus attaché à la diversité et au renouvellement de nos univers qu’à une installation dans des séries longues. Notre
programmation, depuis la rentrée, illustre
bien cette démarche, avec « Ainsi soientils », « Au service de la France » et, demain,
« Occupied ». En outre, nous sommes totalement européens, ce qui a une grande importance dans notre politique de coproductions et d’achats. Le but étant de monter le
meilleur de la coproduction européenne.
Si la Norvège était occupée... par les Russes
l’histoire ne bégaie pas, mais elle peut parfois
se télescoper avec la fiction. Ainsi, en mars 2014,
peu de temps après le début du tournage dans le
centre d’Oslo de la série d’anticipation « Occupied », qui raconte l’occupation de la Norvège par
la Russie venue rouvrir le robinet du pétrole fermé
par le gouvernement norvégien, des troupes prorusses occupaient une partie de la Crimée et Vladimir Poutine envoyait ses soldats à la frontière
ukrainienne pour y maintenir l’ordre décidé par le
Kremlin.
Pour autant, ce télescopage n’a pas troublé
l’équipe de la série qui, après courte réflexion, n’a
modifié que quelques détails au scénario imaginé
par l’écrivain Jo Nesbo, un des maîtres du polar
scandinave. Une histoire qui raconte, en dix épisodes, comment les Norvégiens s’organisent et résistent (ou pas) face à l’occupation de leur territoire
par les Russes qui, avec le soutien de l’Union européenne, veulent rétablir l’exploitation et les exportations de pétrole stoppées par le premier ministre norvégien, Jesper Berg (solide interprétation de l’acteur Henrik Mestad), fidèle à ses engagements écolos. L’occupation est qualifiée de
« pacifique » par les maîtres du Kremlin, mais les
Norvégiens savent que le véritable objectif des
Russes est de mettre la main sur leurs ressources
pétrolières pour en faire profiter les oligarques liés
au pouvoir de Moscou. La guerre est-elle proche ?
En coulisses, les alliances se nouent et les trahisons se dessinent…
« Le diable allemand »
« L’idée d’Occupied m’est venue bien avant que la
Russie ne décide d’envahir l’Ukraine », explique Jo
Nesbo, rencontré à Oslo en novembre 2014, sur le
plateau du tournage de la série. « La guerre fait partie de mon histoire personnelle et c’est un matériau
intéressant à exploiter pour un romancier », poursuit-il en précisant avoir grandi avec l’image du
« diable allemand ». Il raconte qu’à l’âge de 15 ans, il
a appris que son père, dont les parents étaient anticommunistes, avait décidé en 1940 de collaborer
avec les nazis pour combattre l’Armée rouge à la
frontière russe. « Un choc » pour l’écrivain, né
en 1960, qui s’est trimballé ce traumatisme pendant de nombreuses années avant de coucher
cette histoire sur le papier qui deviendra la trame
de la série. « Je me suis souvent posé la question de
savoir ce que notre génération aurait fait dans cette
situation, dit-il. Il est très difficile de juger les engagements de cette époque. Que savaient-ils ? Et nous,
que serions-nous prêts à sacrifier ? Comment devrait-on se révolter ? »
Erik Skjoldbjærg, le « showrunner » de la série,
n’apporte pas de réponses. Mais, à travers cette série ambitieuse et à la mise en scène impeccable, il
s’interroge aussi sur l’avenir des sociétés démocratiques face au totalitarisme. « Nous avons voulu
montrer que la rébellion serait difficile, car chacun
aurait trop à défendre : sa famille, ses biens, son statut social, dit-il. L’histoire nous a montré que les
gens se sont toujours montrés pragmatiques dans
ces situations, qu’ils se sont adaptés, ont négocié
avec l’occupant, et que seule une minorité a osé se
soulever. » p
d. p.
« Occupied », série créée par Erik Skjoldbjærg.
Avec Henrik Mestad, Eldar Skar, Vegar Hoel
(Fr.-Scan., 2015, 10 × 45 min). A partir du jeudi
19 novembre, à 20 h 55, sur Arte.
Rencontrez-vous des contraintes du fait
de votre spécificité franco-allemande,
à Arte ?
O.W. : Non. Arte fonctionne avec une programmation commune entre la France et
l’Allemagne, et est ouverte sur l’Europe.
Concernant la coproduction franco-allemande, elle se fait très en amont, en partageant le point de vue des deux pays. Un
exemple : nous travaillons en ce moment
sur les migrants en Europe, avec un point
de vue croisé dans l’écriture qui fait sens
sur cette question. Nous ne sommes pas
dans le franco-français, même si les facteurs culturels restent très forts.
Pensez-vous que se crée une forme
de culture européenne de la série ?
F. de la P. : Oui, certainement. Il est évident
que, pour développer nos séries internationales aujourd’hui, nous devons nous tourner vers des partenaires britanniques, italiens, espagnols ou suédois. Cet appétit
pour la coproduction est partagé en Europe.
Ce n’est pas une guerre contre les Etats-Unis,
mais une manière de s’épauler dans un
marché difficile. Nous avons une histoire riche, avec beaucoup de compétences et de talents. Lorsqu’on s’associe, il est possible de
rassembler des moyens importants. L’Europe de la fiction fonctionne plutôt pas mal,
en comparaison de l’Europe politique…
O.W. : Je ne sais pas s’il y a une culture
européenne de la série, il existe différentes
visions européennes. C’est l’éventail de la
diversité. Lorsque nous allons vers des coproductions internationales, nous sommes d’abord séduits par l’univers, la cohérence et l’identité locale du projet.
F. de la P. : L’ancrage est très important. Il y
a un désir partagé, chez les diffuseurs et les
producteurs, de se réunir pour être plus
forts, mais la difficulté reste de trouver des
sujets qui parlent à des publics européens
différents. C’est une démarche parfois com-
Sondre Larsen
(Stefan Christensen)
dans la série
« Occupied ».
AKSEL JERMSTAD
pliquée, si l’on ne veut pas tomber dans l’artificiel. Il y a eu « Tunnel », une idée de coproduction assez simple entre deux personnages et deux pays, mais on ne peut pas faire
que ça. Il faut aussi s’aventurer sur notre histoire commune, qui parle beaucoup aux
gens. Le public sent immédiatement si c’est
authentique. C’est le cas avec « Versailles ».
A la différence de ce qui se passe
chez les Anglo-saxons, il faut souvent
attendre, en France, le verdict
de l’audience avant que les diffuseurs
lancent une deuxième saison.
Pourquoi une telle frilosité ?
F. de la P. : Les choses changent ! Le lancement de nouvelles saisons est devenu un
enjeu pour les chaînes. On ne peut plus hésiter longtemps entre deux saisons. Il y a
trop de concurrence, et l’offre est trop importante. Le public passe assez rapidement
à autre chose, il faut donc le retenir. Mais
l’écriture étant souvent longue, il est parfois difficile d’enchaîner les saisons. Par
exemple, pour la série « Le Bureau des légendes », le réalisateur Eric Rochant est
venu nous voir avec l’ambition de proposer
une nouvelle saison chaque année. Cela faisait partie du projet, et Canal s’est donné les
moyens de le faire. C’est la même chose
pour « Versailles », dont la deuxième saison
est en cours de tournage alors que la première n’est pas encore diffusée.
George Blagden
(Louis XIV) et
Alexia Giordano
(Nymphe)
dans la série
« Versailles ».
THIBAULT GRABHERR/TIBO
ET ANOUCHKA/CAPA
DRAMA/CANAL+
Est-il plus facile d’enchaîner les saisons
en faisant des mini-séries bouclées
en six ou huit épisodes ?
F. de la P. : Oui, une mini-série permet
d’aller chercher des talents, notamment les
acteurs, qui s’engagent alors plus facilement que sur des saisons longues. « True
Detective » fonctionne ainsi. Et cela nous
permet aussi de créer des événements.
O.W. : A partir du moment où l’on entre
dans une saisonnalité, cela doit être un rendez-vous très rapproché. Sur Arte, la saisonnalité n’est pas du tout un enjeu en soi.
Nous choisissons le format des mini-séries
pour des raisons éditoriales – ce sont des
séries d’auteur – mais aussi économiques :
la saisonnalité implique une autre organisation du travail et des moyens très lourds,
dont nous ne disposons pas.
Cette discontinuité entre saisons
tient-elle à un manque d’auteurs ?
F. de la P. : Non, mais nous n’avons pas encore acquis le rythme des productions
anglo-saxonnes. Les chaînes y ont leurs
responsabilités. L’industrie anglo-saxonne
oblige les auteurs à écrire vite. Aux EtatsUnis, on écrit pendant qu’on produit et
qu’on diffuse : c’est un marathon à un
rythme très soutenu. Les auteurs sont formés comme cela, dans les universités. Ils
ont intégré cette donnée. En France, nous
n’avons pas eu cette nécessité-là pendant
longtemps. Les chaînes n’ont pas insisté
pour avoir des séries tous les ans et, du
coup, les auteurs n’ont pas eu l’occasion de
s’entraîner et d’apprendre. Il y a des talents
qui écrivent bien mais qui ont du mal à le
faire vite. Il faut accélérer le processus de
création.
Pourtant, quand une chaîne le souhaite
vraiment, elle sait monter une équipe
pour une écriture plus rapide…
F. de la P. : L’écriture étant quelque chose
de complexe, il ne suffit pas de réunir huit
scénaristes autour d’une table pour que ça
marche. J’en reviens à l’exemple d’Eric Rochant : en plus de son talent d’auteur, il possède aussi celui de chef d’équipe. D’autres
auteurs ou scénaristes en sont incapables.
Il faut savoir diriger des auteurs, les faire
travailler et reprendre leur travail. C’est un
poste qui existe encore peu en France.
De par son sujet, « Occupied » aurait pu
être diffusé sur Canal+. En serait-il de
même de « Versailles » sur Arte ?
O.W. : Ces deux séries sont très différentes
dans leur mode de production. « Versailles » est une initiative de Canal, et « Occupied » une coproduction initiée par la
Norvège dans laquelle Arte est entrée. Concernant les coproductions françaises, nous
sommes sur des projets disposant de
moins de budget que ceux de Canal, et nous
sommes attachés à la langue et la culture
naturelle du projet. « Occupied », série norvégienne, parle norvégien, et une série
française parle français. Sans compter que
nous n’avons pas les mêmes contraintes.
Pour être compétitives à l’international, les séries doivent-elles être
tournées en anglais ?
F. de la P. : Avant même de lancer « Versailles » s’est posé le problème de la langue.
Nous avons décidé de tourner cette série en
anglais pour augmenter son potentiel de
ventes et qu’un distributeur mette davantage d’argent : c’est toujours le cas sur un
projet produit en anglais. D’où, ensuite, le
choix d’auteurs britanniques… qui avaient
donc une sensibilité européenne. Les Britanniques ont, en plus, l’avantage de savoir
ce qu’est une monarchie. On s’est donc
amusé, avec leur regard décomplexé,
autour du souverain le plus connu de la
monarchie française. L’enjeu était de ne
surtout pas faire une série historique conventionnelle, avec la figure imposante de
Louis XIV. On le voulait jeune, fragile, héros
de série moderne.
Quelles sont les prochaines séries
que vous préparez ?
F. de la P. : Elles sont nombreuses et dans
des genres différents. Olivier Marchal prépare une nouvelle série d’anticipation,
« Section zéro », et nous diffuserons bientôt « Jour polaire », un polar suédois avec
Leïla Bekhti.
O.W. : Arte proposera bientôt « Trepalium », une formidable série d’anticipation
sociale. Nous travaillons aussi sur un thriller, « Cannabis » (6 x 52 min), de Lucie
Borleteau, dont Virginie Brac est coscénariste et Tonie Marshall la productrice, ainsi
que sur des comédies (3 x 52 min). Par
ailleurs, nous réfléchissons à un western
moderne en en revisitant le genre. p
propos recueillis par
martine delahaye et daniel psenny
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DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
Laurent Goumarre
installe son
rendez-vous à la radio
SÉLECTION
RADIO
M USIQUE
Présent sur France Inter à 21 heures,
le journaliste pourrait céder la présentation
d’« Entrée libre » sur France 5 à Claire Chazal
L
aurent Goumarre aime
bien se compliquer les
choses. Après six ans passés à donner « RenDezVous » à 19 heures sur France Culture, c’est désormais sur France Inter à 21 heures qu’il convie ses invités. Mais son « Nouveau rendezvous » n’a pas grand-chose à voir
avec le précédent. « Deux heures
au lieu de cinquante minutes, c’est
une autre histoire. J’avais l’impression que la machine fonctionnait
très bien, je désirais cependant
bousculer les choses », raconte cet
ancien professeur reconverti dans
le journalisme culturel et arrivé à
la radio à la fin des années 1990.
Il y a seize ans, c’était à Laure
Adler, alors directrice de France
Culture, qu’il avait proposé ses services pour une émission consacrée à la danse. Cette année, c’est
Laurence Bloch, la directrice de
France Inter, qu’il a contactée, lorsqu’il a appris que Pascale Clark libérait la tranche du début de soirée. Mais pas question de reprendre les habits d’interviewer qui lui
vont si bien. C’est en animateur de
débat qu’on le retrouve désormais. Ou plutôt en chef d’orchestre, qui fait parler ses invités avec
des questions brèves, les lance
avec de grands gestes et tape du
pied quand il intervient. « Je voulais quelque chose de dynamique »,
indique-t-il. Le rythme ne nuit pas
pour autant à la qualité de la discussion : chacun a le temps de développer ses arguments. De la réédition de Mein Kampf aux quotas
de chansons françaises à la radio,
les thèmes choisis peuvent être
polémiques. Ou pas. Le soir de
l’anniversaire de la mort de
Louis XIV, il a ainsi consacré la première partie de l’émission à la façon dont le monarque est traité
dans les livres.
Cette première heure est ponctuée par la chronique de Julia
Molkhou, sorte de revue de presse
d’Internet et des médias étrangers. Elle est entrecoupée par un
live introduit par Marion Guilbaud, déjà présente chez Pascale
Clark. Et se termine par des « bon-
Laurent Goumarre,
le 31 août, à la
Maison de la radio.
GUILLAUME HERBAUT
nes feuilles », un zoom sur une exposition, la question d’un musicien adressée à l’invité de la
deuxième heure. C’est alors le moment pour Laurent Goumarre de
retrouver un format qu’il apprécie
particulièrement, celui de l’interview. Mais, là aussi, le journaliste a
voulu pimenter un peu les choses.
Déjà quelques ajustements
Ce grand entretien se fait sur un
tempo plus lent que la première
partie. Il permet d’« apprendre des
choses que l’on ne savait pas sur
l’invité », insiste Laurent Goumarre. « Je travaille beaucoup les
interviews, mais je me garde aussi
des choses à découvrir. Je suis très
attentif à ce que j’entends et je reste
prêt à m’orienter vers des directions
que je n’avais pas prévues au départ. » Enfin, lors du dernier quart
d’heure, une personnalité met en
lumière un aspect inattendu de
l’invité. « Sans être “Sacrée soirée”,
explique-t-il, c’est très compliqué à
mettre en place, cela demande de
préparer la confrontation. »
Le nouveau rendez-vous de Laurent Goumarre n’a que trois mois
d’existence, mais il semble déjà
installé. Avant les premiers résultats d’audience à la mi-novembre,
le journaliste a néanmoins opéré
quelques ajustements. « Je ne subis
pas une pression de fou, mais je me
la mets car j’ai envie que cela soit
écouté », admet-il, ajoutant :
« Quand le cadre sera bien fixé, on
fera tout péter pour faire une émission concert, par exemple. »
Laurent Goumarre doit savoir
que dans le monde bouillonnant
des médias, rien n’est jamais acquis. Ainsi, sur France 5, il pourrait
céder sa place de présentateur
d’« Entrée libre », le « JT » culturel
de la chaîne, à Claire Chazal. Même
si, pour l’heure, France 5 n’a pas
confirmé l’arrivée de l’ancienne
star des journaux du week-end de
TF1. p
Une déambulation singulière à travers Paris saisie à travers la question du genre
D
Si Nedjma Bouaka et Christine
Diger ont choisi pour cadre cette
singulière déambulation dans
Paris et sa proche banlieue, sans
doute est-ce davantage par commodité que pour une quelconque spécificité de la capitale en la
matière. Car que l’on se trouve à
Lyon, Marseille ou Lille, l’assignation des rôles demeure immuable, comme le soulignent les
deux auteurs : « Les femmes traversent la rue, mais ne s’y attardent pas, elles vont quelque part,
tandis que les hommes occupent
le terrain, s’y postent, y jouent, y
sont invités. » Et ce, dès le plus
jeune âge. A cet égard, il faut
écouter ce que dit Nicole Abare,
ancienne internationale de foot,
sur les injonctions maternelles
qui limitent la motricité des petites filles et leur capacité à traverser les espaces.
Par et pour les hommes
Des espaces urbains qui plus est
construits, pensés par et pour les
hommes. Il n’est qu’à s’arrêter
sur un terrain de sport ou sur les
aires de jeux et observer leurs différents équipements pour en
prendre la mesure, ainsi que le
souligne la géographe Marianne
Maruejouls : « Quand on met en
place de l’équipement public et
qu’il est fréquenté par 2/3 des
hommes et 1/3 de femmes, alors
on doit se poser la question de savoir le dévoiement de cet équipement et pourquoi l’impôt n’est pas
redistribué à égalité entre les filles
et les garçons. Au-delà de la question de l’égalité, il y a la question
du projet politique. (…) L’espace
public est un espace de relation
qui questionne la violence de la relation. »
Si, au fil de cette déambulation
éclairante bien qu’un peu
brouillonne, la question de la
MARDI 17 NOVEMBRE – FRANCE MUSIQUE –
À PARTIR DE 7 HEURES.
L ITTÉ RATUR E
joël morio
L’espace urbain, cadre masculin par excellence
epuis une quinzaine d’années, les études sur le
genre ont essaimé dans
toutes les disciplines, que ce soit
l’histoire, la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, le droit, jusqu’à l’architecture et l’urbanisme,
battant en brèche l’idée selon laquelle la différence des sexes est
d’ordre naturel, biologique. Et quoi
de mieux pour se convaincre de
cette hiérarchisation culturelle
opérée par la société, que de s’offrir
une balade dans une ville guidée
par une sociologue, une ethno-urbaniste, une géographe ou encore
une anthropologue.
Une journée
avec Rolando Villazon
Alors qu’il vient de sortir un nouvel
album (Treasures of Bel Canto, DG) et
qu’il s’apprête à partir en tournée
européenne avec Cecilia Bartoli,
Rolando Villazon sera, toute la
journée, sur les ondes de France
Musique. De « La Matinale culturelle »,
de Vincent Josse (7 h 30-9 heures), au
« Classic Club », de Lionel Esparza,
l’occasion sera donnée d’entendre le
ténor mexicain se raconter, et aussi
de réécouter certains concerts dont le
récital qu’il a donné, en 2006, avec
Natalie Dessay.
violence, du harcèlement et de la
peur est largement abordée pour
mieux combattre les représentations – comme celle consistant à
faire croire que la rue serait plus
dangereuse que l’espace privé –,
on peut regretter toutefois
qu’aucun homme n’ait été interrogé, de même qu’aucune personnalité politique. p
christine rousseau
Sur les docks. La ville à l’épreuve
du genre, de Nedjma Bouaka
et Christine Diger. Sur France
Culture, mardi 24 novembre
à 17 heures.
« Le Masque et la Plume »
La plus ancienne émission
radiophonique d’Europe fête ses
60 ans. A cette occasion, l’esprit du
« Masque » sera décliné dans plusieurs
émissions, dont « Le 7/9 », de Patrick
Cohen, « Un jour en France », de Bruno
Duvic, ou « Vous avez dit classique ? »,
d’Elsa Boublil. Outre cette journée, le
dimanche 22 novembre, de 20 heures
à 22 heures, Jérôme Garcin
présentera une émission spéciale
avec de nombreuses archives et trois
plateaux sur le thème « la critique
critiquée », lors de laquelle des
metteurs en scène, des écrivains, des
cinéastes répondront à leurs
détracteurs.
VENDREDI 20 – FRANCE INTER – À PARTIR
DE 7 HEURES.
CON CE RT
Dans le cadre « L’Heure du jazz »,
Ibrahim Maalouf et ses deux
formations se produisent sur la
scène du « Grand Studio RTL ».
DIMANCHE 15 – RTL – À 22 HEURES.
0123 est édité par la Société éditrice
HORIZONTALEMENT
I. Un relais du cerveau vers les voies
GRILLE N° 15 - 270
PAR PHILIPPE DUPUIS
optiques et auditives. II. Renvoie sur
du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans
à compter du 15 décembre 2000.
Capital social : 94.610.348,70 ¤.
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SUDOKU
N°15-270
le cubitus. Mettre de côté. III. Fait voir
la marchandise. Travaillera en bor-
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
I
II
dure. IV. Passe. Très atteinte. Préposition. V. S’introduisent dans nos courriers d’aujourd’hui. Geste écologique.
VI. Trésor égyptien. Préparer la suite
III
avant de partir. VII. Dieu ou déesse.
Sauvage qui peut vous monter au
IV
V
nez. VIII. Piégées. Lancé en piste. Manifester son humeur. IX. Cité antique.
Beau bavard. Il se porte, elle vous em-
VI
VII
porte. X. Permettent de faire marche
arrière.
VERTICALEMENT
VIII
IX
1. Pratique la politique de la main
La reproduction de tout article est interdite
sans l’accord de l’administration. Commission
paritaire des publications et agences de presse
n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037
tendue. 2. Arrivera toujours plus tard.
3. L’Asie Mineure des Byzantins.
X
4. Rien avec que. Porteur de couronne disparu. 5. Un peu ridicule.
IE
HORS-SÉR
VRE
S, UNE ŒU
UN HÉRO
Reluqué. Dieu à tête de faucon.
SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 269
6. Bras de mer en Bretagne. Son Os
HORIZONTALEMENT I. Protège-dents. II. Larigots. Ira. III. Agacera. Aloi.
ne manquait pas de moelle. 7. Passe
IV. Soc. Remus. US. V. Tula. Tirerai. VI. Items. Na. VII. CA. Attentais.
sans possibilité de retour. 8. Demeure.
VIII. Ingrat. Irisa. IX. Etais. Tua. Bn. X. Négligemment.
Convient. 9. Lune en mer. Délimite
VERTICALEMENT 1. Plasticien. 2. Ragoutante. 3. Oracle. Gag. 4. Tic. Ama-
ril. 5. Eger. Stasi. 6. Goret. Tt. 7. Etamine. Té. 8. DS. Uranium. 9. Ase.
Tram. 10. Nil. Ruai. 11. Troua. ISBN. 12. Saisissant.
L’IRRÉDUCTIBLE
Un hors-série du « Monde »
en remontant. 10. Quart de tour. Facilite la traction. 11. Bien dégager. Fait
l’enfant. 12. Comme des zones prometteuses d’énergie.
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0123
DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015
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23 79 4: 43 58
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Hors-série
AU CARNET DU «MONDE»
Collections
--------------------------------------------------------UNE
COLLECTION
VIN
PARTEZ À LA
DÉCOUVERTE DU
avec
Pierre ARDITI
Décès
M. Bruno Tavernier,
son époux,
Benjamin, Valentin et Clara,
ses enfants,
M. et Mme Jean-Christophe Aloé,
M. et Mme Gilbert Tavernier,
M. (†) et Mme Arnaud Hoarau
de La Source, née Tavernier,
Mme Virginie Tavernier Caget,
M. et Mme Patrice Laffont,
Ses neveux et nièces,
ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Frédérique
ALOÉ TAVERNIER,
À partir du 17 novembre,
le livret n° 5
ALSACE AOC + L’ARÔME
survenu le 5 novembre 2015.
La cérémonie aura lieu le jeudi
19 novembre, à 10 h 30, au crématorium
du Parc, 104, rue Porte-de-Trivaux,
à Clamart (Hauts-de-Seine), suivie
de l’inhumation à 14 heures, dans la stricte
intimité familiale, à l’ancien cimetière de
Boulogne-Billancourt, rue Pierre Grenier,
à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
Cet avis tient lieu de faire-part.
5, rue René,
78220 Virolay.
Les familles Buhler, Cruz Mermy
Et la municipalité de la ville
de Issy-les-Moulineaux,
Dès mercredi 18 novembre,
le vol. n° 2 LA BATAILLE DE STALINGRAD
et le volume n° 3 COMBATTANTS
DE LA RÉSISTANCE FRANÇAISE
ont la tristesse de faire part du décès de
Marianne
BUHLER-CRUZ MERMY,
survenu le 9 novembre 2015,
à son domicile.
L’inhumation aura lieu le jeudi
19 novembre, à 11 heures, au cimetière
intercommunal de Clamart, 108, rue de la
Porte-de-Trivaux.
30, rue Henri Tariel,
92130 Issy-les-Moulineaux,
[email protected]
Dès mercredi 18 novembre,
le volume n° 12
ITALIE : DE ROME À LA SICILE
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K Le Carnet du Monde
Tél. : 01-57-28-28-28
Laurent et Jean-Rémi Calixte,
Renaud Calixte (†),
ses ils,
Claude Mercier-Calixte,
la mère de ses enfants,
Laurence Calixte, Teresa Saraguro (†),
ses belles-illes,
Thibaut, Julie, Yelena, Damien,
ses petits-enfants,
Sa famille et ses proches,
font part du rappel à Dieu de
Gérard CALIXTE,
préfet honoraire,
chevalier de la Légion d’honneur,
oficier de l’ordre national du Mérite,
ancien élève
de l’Ecole nationale
de la France d’Outre-Mer,
survenu le 7 novembre 2015,
dans sa quatre-vingtième année.
La cérémonie religieuse aura lieu
le vendredi 20 novembre, à 14 h 30,
en l’église Saint-Ambroise, 2, rue SaintAmbroise, Paris 11 e , et sera suivie
de l’inhumation au cimetière de Bagneux.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Marie-Jeanne Cribier,
sa mère,
Jean-Philippe et Denis Cribier,
ses frères,
Eric Choquet
Et ses amis
ont la douleur de faire part du décès de
Pascal CRIBIER,
survenu le 4 novembre 2015.
Une cérémonie sera célébrée en l’église
Saint-Sulpice, Paris 6 e , le mercredi
18 novembre, à 10 h 30, suivie d’une
crémation au cimetière du Père-Lachaise,
Paris 20e, à 15 h 30.
Un dernier hommage lui sera rendu
en l’église de Varengeville-sur-Mer
(Seine-Maritime), le 20 novembre,
à 15 heures.
Cet avis tient lieu de faire-part.
(Le Monde du 9 novembre.)
Cannes. Paris.
Claire-Marie
EYMERIC RIGUCCI
nous a quittés le 8 novembre 2015,
à Aix-en-Provence.
Michel, Franck et Pol Enault
ont la tristesse de faire part du décès de
Françoise HEBERT,
survenu le 10 novembre 2015,
à l’âge de quatre-vingts ans.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 18 novembre, à 10 h 30,
en l’église Saint-Albert-le-Grand, 122, rue
de la Glacière, Paris 13e, suivie de son
inhumation, à 16 heures, au cimetière
de Veneux-les-Sablons (Seine-et-Marne).
Florence de Lombardon-Montézan,
son épouse,
Marie-Hélène
de Lombardon-Montézan,
sa mère,
Antoine et Juliette,
Benoît et Yomi,
Marie et Damien,
ses enfants,
Suzanne, Olive et Margaux,
ses petites-illes,
Son frère, ses sœurs et sa belle-sœur,
Son neveu et sa nièce,
ont le chagrin de faire part du décès
soudain de
Nicolas
de LOMBARDON-MONTÉZAN,
survenu le 12 novembre 2015,
à l’âge de soixante-six ans.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mardi 17 novembre, à 14 h 30,
en l’église Saint-Léon, Paris 15e, suivie
de l’inhumation au cimetière du
Montparnasse, Paris 14e.
Colette,
son épouse,
Louisette et Georges
Et toute la famille,
Le professeur Michel Robineau,
son époux,
Ses enfants
Et ses petits-enfants,
Toute sa famille,
ont la grande tristesse de faire part
du décès, après un long et courageux
combat contre la maladie, le 11 novembre
2015, à l’âge de soixante-treize ans, de
Mme Nicole ROBINEAU,
La cérémonie religieuse sera célébrée
en l’église Notre-Dame de L’Arche
d ’ A l l i a n c e , P a r i s 1 5 e, l e l u n d i
16 novembre, à 14 heures.
Elle disait :
« Il doit y avoir une terre lointaine,
un jour, nous nous y retrouverons. »
La famille remercie vivement
les services d’oncologie des professeurs
Morère et Zelek (hôpitaux Avicenne
et Paul Brousse), ainsi que celui des soins
palliatifs de Cognacq-Jay.
Anniversaire de décès
Il y a cinq ans
Nicole DECOOPMAN,
professeur des Universités
nous quittait.
Nous ne l’oublions pas.
Sa famille,
Ses amis,
Ses collègues.
La librairie Texture
vous convie à une rencontre
avec Bernard Pautrat,
à l’occasion de la parution du
Traité théologico-politique de Spinoza
traduit par J.G. Prat,
jeudi 19 novembre 2015, à 19 h 30,
94, avenue Jean Jaurès, Paris 19e
(métro Laumière).
Les Amphis de l’AJEF
Nouveau cycle : travail et emploi.
Souvenir
Une messe sera célébrée le 21 novembre
2015, à 9 h 30, en l’église SaintGermain-des-Prés, Paris 6e, en souvenir
de
M. Antoine RÉVAY,
Mercredi 18 novembre 2015,
à 20 heures,
avec Jean Pisani-Ferry
et Christian de Boissieu
« Quel avenir attend les jeunes ? ».
Lycée Louis-le-Grand,
123, rue Saint-Jacques, Paris 5e.
décédé le 19 juillet 2015.
Colloques
Inscriptions : [email protected]
Conférence
Bernard et Georgia Rœhrich,
Marguerite et Bernd Vischner,
Monique et Dominique Gouze,
ses enfants et leurs conjoints,
Anne-Juliette, Olivier,
Charles-Edouard et Anne-Victoria,
ses petits-enfants,
Marianne Chocq,
sa sœur
Et les familles Roehrich, Berger, Chocq,
Rois et Scala,
ont la grande tristesse de faire part
du décès,
dans sa quatre-vingt-onzième année, de
Roger ROEHRICH Ph. D,
INA43,
directeur de recherches honoraire
à l’INRA.
« L’herbe sèche, la leur tombe
mais la parole de notre Dieu
subsiste éternellement. »
Esaïe 40 v 8.
Les obsèques ont eu lieu au temple
protestant de Talence, le lundi 9 novembre
2015.
[email protected]
Boussy-Saint-Antoine.
M. Pierre Sigrist,
son époux,
M. et Mme Pascal Sigrist,
son ils
et sa belle-ille,
Quentin, Clément et Léonard,
ses petits-enfants,
ont la douleur et le chagrin de faire part
du décès de
Mme Suzanne SIGRIST,
survenu le 10 novembre 2015,
à l’âge de quatre-vingt-huit ans.
Ses obsèques religieuses seront
célébrées mardi 17 novembre, à 10 h 30,
en l’église Saint Pierre de Boussy-SaintAntoine (Essonne), suivies de l’inhumation
au cimetière de la commune.
L’Association française de psychiatrie
propose un colloque
Le désir mimétique,
Entre psychopathologie
et neurosciences
le 20 novembre 2015, à Paris.
Nous nous interrogerons au concept
de désir mimétique,
interférence immédiate du désir imitateur
et du désir imité, en d’autres termes,
ce que le désir imite est le désir
de l’autre, le désir lui-même,
à travers des approches différentes
en relation avec les travaux
de René Girard.
Programme et inscription :
www.psychiatrie-francaise.com
25 novembre 2015, à partir de 9 h 30,
Institut National du Patrimoine,
Auditorium Colbert,
2, rue Vivienne, Paris 2e.
Inscription obligatoire et gratuite
au 01 40 15 34 21.
Communications diverses
Frontières / 7.
Autour de Bernard Plossu.
En présence de l’artiste,
mercredi 18 novembre 2015,
à 19 heures.
Entrée libre, inscription citechaillot.fr
Cité de l’architecture & du patrimoine,
Palais de Chaillot - Auditorium
(métro Iéna ou Trocadéro).
Samedi 21 novembre 2015, à 14 h 30,
avec Jacques Arnould,
philosophe, chercheur,
théologien et ingénieur au CNES
Dieu et la science.
Entrée Libre.
Temple Pierre Brossolette
à la Grande Loge de France,
8, rue Puteaux, Paris 17e.
Colloque
« Les Patrimoines de l’Océan Indien »
Architecture et Photographie,
Images / Cité.
Conférence publique
« Enjeux et Perspectives »
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ont la douleur de faire part du décès de
Claude Charles MORICE,
survenu le 10 novembre 2015,
dans sa quatre-vingtième année.
Un hommage lui sera rendu le jeudi
19 novembre, à 15 heures, au crématorium
du Mont Valérien, 104, chemin
du Calvaire, à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Merci au docteur Clapsom,
son équipe, Loïc pour les soins apportés
à Claude et leur grande humanité.
8, rue de Verdun,
92150 Suresnes.
Ng Ectpgv
!
« La philosophie, c’est peut-être
une manière d’aborder les questions
ultimes de la condition humaine
sans se donner d’avance, subrepticement
ou non, les réponses… »
L e s m e m b r e s d e l ’ A s s o c i a t i on
pour la promotion de la phénoménologie
ont la tristesse de faire part du décès
du philosophe et phénoménologue,
Marc RICHIR,
survenu le 9 novembre 2015,
dans sa soixante-treizième année.
Sa vie aura été consacrée à une
inlassable quête du sens.
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DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015