V3 TIPIAC NUMERO 7

Transcription

V3 TIPIAC NUMERO 7
Mars 2008
TIPIAC
NUMERO 7
Le tourisme gay et lesbien
développe à grande vitesse.
se
Après ses débuts limités avant les
années 90, ce phénomène a connu un
essor sans précédent, accompagné
d’un marketing très ciblé et de plus en
plus international. Les grands
rassemblements festifs se sont
multipliés et les pouvoirs publics s’y
sont lancés à leur tour. Mais déjà se
profilent les limites de ce phénomène.
Est-il bien certain que l’essor d’un
tourisme strictement communautaire
serve les intérêts des gays et
lesbiennes dans leur lutte historique
pour l’égalité des droits ?
Ce trimestre, nous continuons
également notre série de profils
d’associations LGBT à l’étranger en
évoquant le doyen des associations
européennes: le COC aux Pays Bas
Enfin, alors que des élections
importantes vont se dérouler en 2008
que ce soit aux États-Unis, en
Espagne, en Italie ou en France,
partout il est question des homos…
que ce soit à titre de repoussoir ou
pour montrer, au contraire, son
ouverture et s’attirer leurs voix.
Nous vous proposons donc de faire
le tour de quelques uns de ces pays
pour voir à quelle sauce les homos y
sont assaisonnés !
Au sommaire
du numéro 7
Les gays et lesbiennes,
des touristes de plus en
plus courtisés
Les gays et les lesbiennes,
des touristes de plus en plus courtisés
Si beaucoup de gays et de lesbiennes aiment voyager comme tout le monde sans se retrouver entre
soi, force est de constater que le tourisme communautaire est en constante progression depuis une
quinzaine d’années.
D’abord limité à quelques « resorts » bien cachés sous les cocotiers ou à quelques quartiers à la réputation sulfureuse, il n’hésite plus à s’exhiber sur l’espace public urbain. A tel point qu’aujourd’hui les
villes se livrent une concurrence acharnée pour vanter le caractère « gay-friendly » de leur destination.
Tentons d’analyser ce qui s’est donc passé.
A ses débuts, le phénomène reste limité à un certain périmètre
Avant les années 1990, les lieux de prédilection du tourisme gay sont surtoutd « sea, sex
and sun ». Aux Etats-Unis, les destinations-phares sont : Fort Lauderdale et Key West
en Floride, Venice Beach et San Diego en Californie, Fire Island et Provincetown sur la
côte Est. En Europe, on danse, on drague et on bronze sur les plages méditerranéennes
d’Ibiza, Mykonos et Sitgès. Les lesbiennes, elles, se retrouvent entre elles à Lesbos,
en Grèce ou en Provence, où se sont créés de nombreux gîtes tenus par des couples de
femmes.
En Amérique du Nord, on se retrouve entre garçons ou entre filles, sur les énormes
paquebots d’Atlantis Event, RSVP Cruise ou Olivia pour des croisières au rythme endiablé
dans les Antilles. EnEurope naissent des semaines de « ski gay » dans les stations des
Alpes.
Pages 1 à 5 Les rassemblements de la communauté cuir / latex se tiennent chaque année en mai à l’abri
Profil
Profil d’association,
le COC aux Pays Bas
des murs d’un immense hôtel de Chicago pour « International Mister Leather », en septembre dans quelques rues bien délimitées de San Francisco, avec la « Folsom Street Fair »,
et en novembre à l’intérieur un ancien théâtre d’Amsterdam reconverti en backroom géante
pour la « Leather Pride ».
Pages 6 à 7
Brèves spéciales
élections EtatsEtats-Unis
et l’Europe
Depuis 1983 existe l’« International Gay & Lesbian Travel Association » (IGLTA), qui
compte plus de 1.000 membres dans plus de 50 pays et qui regroupe des tour-opérateurs,
des agences de voyages, des compagnies aériennes, des croisiéristes, des hôtels et
résidences de tourisme, des agences de communication et de relations publiques, des
éditeurs et la presse spécialisée.
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S’ensuit un essor sans précédent dès les années 90
Au cours des années 1990 puis 2000, les gays et lesbiennes intensifient leur lutte pour l’égalité des droits et donnent de
l’ampleur à ces évènements uniques au monde que sont les « Lesbian & Gay Pride », mi-manifestations mi-carnavals. Il se crée
progressivement des médias LGBT (par exemple : « Têtu » en France ou « Zéro » en Espagne). Les gays et lesbiennes
conquièrent une visibilité sociale inconnue jusqu’alors. Ces importantes avancées politiques et sociales décoincent peu à peu
les décideurs politiques et économiques.
Longtemps frileuse, la classe politique reprend à son compte, avec un temps dé décalage selon les partis, les revendications
des gays et des lesbiennes, au nom de l’égalité des droits. Plus rien ne s’oppose, en principe, à ce que les politiques touristiques
intègrent désormais les gays et les lesbiennes dans les stratégies marketing de leurs territoires.
Idem pour les chefs d’entreprises et les tour-opérateurs qui ciblent de plus en plus cette clientèle sans craindre de faire fuir
les autres consommateurs, notamment pour le lancement de nouveaux produits touristiques.
Ce qui les motive avant tout, c’est la perspective (ou s’agit-il plutôt du mirage ?) du « marché rose ». En tant que DINKS
(« double income, no kids »), les gays et les lesbiennes disposeraient d’un revenu supérieur de 2,8 fois à la moyenne, et seraient
les clients idéaux pour les hôtels en raison de leurs dépenses ancillaires très supérieures à la moyenne.
Mais les deux principaux motifs de ce nouvel appétit de l’industrie de tourisme pour les touristes gays et lesbiens sont que
• cette clientèle réputée dépensière consacre une part de son budget aux loisirs et aux voyages plus forte que la moyenne
• en tant que « early adopters », elle détient le pouvoir d’influencer les autres couches de la population, dès lors qu’elle
est convaincue d’un nouveau produit tendance ou d’une nouvelle destination branchée.
Cet essor s’accompagne d’un marketing très ciblé et de plus en plus international
Face à la naissance d’un véritable marché, c’est, bien évidemment, aux Etats-Unis que se crée dès 1992 « Community Marketing », la plus grande agence de marketing et communication gay au monde.
C’est à ce jour le seul bureau d’études en mesure de fournir des statistiques
internationales sur le tourisme gay et lesbien. Il estime le poids de ce tourisme à 65 milliards de dollars, rien qu’aux Etats-Unis et avancent et que les
gays voyagent 4 fois plus que la moyenne. Ses évaluations sont confortées par le pourcentage de gays
américains disposant
d’un passeport : 84%, contre seulement 29% pour l’ensemble de la population américaine.
En revanche, cette agence a plus de difficulté a donner des statistiques concernant les lesbiennes. En effet, ces dernières
pratiquent un tourisme plus diffus, qui s’appuie davantage sur des séjours non marchands, passés chez des proches. Elles font
donc moins l’objet d’appétits commerciaux de toutes sortes.
Le tourisme gay et lesbien a connu un essor quantitatif mais aussi une mutation dans sa typologie : autrefois concentré sur du
balnéaire long séjour, il se manifeste aujourd’hui en majorité par de courts séjours en milieu urbain. Les gays et les lesbiennes
ont bénéficié à plein de la facilité croissante de se déplacer, surtout en Europe : abolition des contrôles aux frontières par la réalisation du Marché Unique et de l’Espace Schengen, fin des contraintes de change avec l’avènement de l’Euro, baisse du prix du
billet d’avion grâce au succès des compagnies aériennes à bas coûts, multiplication des trains à grande vitesse grâce aux investissements publics et aux financements européens.
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Les grands rassemblements festifs se multiplient
C’est, étonnamment, au bout du monde que le déclic va se faire : les autorités locales de Sydney commandent en 1994 une étude
sur les retombées économiques du tourisme gay et lesbien à l’occasion de l’exubérant « Mardi Gras ». Elle révèle que cette
manifestation, devenue le plus grand événement touristique d’Australie avec son million de participants , rapporte 50 millions de
dollars à l’économie locale. L’affaire fait grand bruit. Le gouvernement australien et la municipalité de Sydney décident donc de
mettre le paquet en termes de promotion internationale dès l’année suivante. En 2000, le nombre de visiteurs atteint 2 millions.
A la même période, les grands rassemblements sportifs que sont les « Gay Games » professionnalisent leur organisation et
deviennent de véritables machines à business. Prenant modèle sur les Jeux Olympiques, les organisateurs exigent des villes
candidates qu’elles s’engagent à investir beaucoup d’argent pour la commercialisation de séjours touristiques. Résultats: 12.000
athlètes à New York en 1994 et à Chicago en 2006 et cent fois plus de visiteurs qui laissent quelques dizaines de millions de
dollars aux économies locales. La prochaine ville hôte, Cologne, en 2010, a notamment été choisie en raison de l’importance des
moyens financiers que la municipalité s’est engagée à déployer pour accueillir l’évènement.
Le phénomène est équivalent avec l’apparition des « Euro Pride » et des « World Pride » qui prennent également une ampleur
inégalée : Paris (1997) avec ses 500.000 participants, Rome (2000) avec son million de participants, Madrid (2007) avec ses 1,5
millions de participants.
En dehors de ces grand-messes mondiales, le tourisme gay et lesbien s’appuie sur le succès des
« circuit parties » qui rythment toute l’année au son des derniers DJs en vogue. En Amérique du
Nord, la « Winter Party » de Miami, la « White Party » de Palm Springs, et la « Black and Blue »
de Montréal ne se désemplissent pas. Idem en Europe avec la célébrissime « Démence »
à Bruxelles, « Rapido » à Amsterdam, « Greenkomm » à Cologne, « Under » à Paris et
« Loveball » à Barcelone.
Pour toutes ces manifestations, les opérateurs touristiques rivalisent d’imagination pour vendre à leurs clients des billets d’avion,
des nuits d’hôtels et des séjours additionnels leur permettant de visiter les villes hôtes et leurs environs. Citons l’initiative de
CTN Tours qui avait lancé en 2002 et 2003 des séjours thématiques « Paris Noir » et « Paris Rouge », à l’occasion de quelques
grands rendez-vous clubbing dans la capitale française.
Les pouvoirs publics s’y lancent à leur tour
Conscientes des enjeux économiques et d’image portés par ces évènements, les autorités locales en assurent désormais la
promotion internationale et parfois le financent partiel. Si San Francisco est la première ville au monde à voir naître une association de business gay en 1983, c’est Montréal qui crée la première Chambre de Commerce Gaie et Lesbienne du monde en 1998.
Dix ans après, elle reste toujours à la pointe de l’actualité avec le lancement en avril 2008 de la Chambre de Commerce Internationale Gaie et Lesbienne. Il faut dire qu’une étude de son office de tourisme chiffre à 400.000 le nombre annuel de visiteurs
gays, générant plus de 220 millions de dollars pour l’économie locale.
On ne compte plus aujourd’hui les villes qui ont lancé leur brochure touristique gay et lesbienne. Paradoxalement, ce ne sont pas forcément les destinations déjà les plus fréquentées qui font le plus d’efforts pour attirer cette population. C’est bien connu, les « outsiders » sont souvent plus dynamique que les leaders. Ainsi,
Vienne, plus connue pour ses pâtisseries et ses valses, défraie la chronique en 2003 en lançant son « Queer
Guide » à 80.000 exemplaires, illustré de photos explicites. Puis c’est au tour de Manchester de lancer en
2004 un ambitieux plan marketing à destination des gays et des lesbiennes pour booster le tourisme local.
Même Lisbonne et Porto – qui l’eût cru ? – se lancent dans l’édition de plaquettes ad hoc à partir de 2006.
La même année, l’office helvétique « Suisse Tourisme » dépense 320.000 francs suisses la même année pour une campagne de
publicité internationale vantant le caractère gay-friendly de villes comme Genève !
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Mais la palme de l’engagement en faveur du tourisme gay et lesbien revient incontestablement à la Ville de Berlin. Une retentissante étude de son office du tourisme estime en 2002 à 135 millions d’euros les retombées
économiques de la Gay Pride locale, et à 430 euros les dépenses moyennes des gays en
visite dans la capitale allemande. Dès son élection, Klaus Wowereit est le premier maire à
faire le tour du monde pour vanter personnellement les atouts de sa ville auprès des gays et
lesbiennes. Il le fait de façon remarquée à l’« Equality Forum » de Philadelphie en mai
2003. Par ailleurs, en facilitant toutes les autorisations nécessaires à leur organisation logistique, la municipalité permet à quatre évènements majeurs ( « Folsom Europe »,
« Leather Easter », « Strassenfeste », « CSD Pride » ) de faire aujourd’hui de cette ville
l’épicentre mondial du clubbing gay et de la communauté cuir. Ce dynamisme fait prendre
un terrible coup de vieux à des destinations plus traditionnelles comme San Francisco,
Amsterdam ou Londres. Cette dernière est, de surcroît, pénalisées par un coût de la vie exorbitantrix qui fait fuir de nombreux
touristes – et pas seulement les gays ou les lesbiennes. La roue tourne …...
Depuis peu, la promotion touristique vers les gays et les lesbiennes s’étend à de nouveaux pays occidentaux, comme en témoignent les récentes campagnes publicitaires de l’Afrique du Sud en faveur du Cap et de Durban, mais aussi celles de Rio
de Janeiro et de Buenos Aires. En Europe occidentale, seule l’Italie, encore largement sous pression vaticane, reste frileuse.
En Europe centrale et orientale, où l’homosexualité reste encore largement taboue, Budapest est sans conteste la plus
décomplexée.
En France, la situation a beaucoup bougé ces dernières années, notamment grâce au vaste débat de société qu’a entraîné le
projet puis le vote du PACS en 1999, bien avant la beaucoup d’autres pays européens. Dès 2000, l’organisme officiel de
promotion touristique de la France en direction des étrangers (Maison de la France) publie à 50.000 exemplaires une brochure,
« Gay-friendly France », à destination du marché nord-américain. Ses concurrents britanniques et allemands n’hésiteront pas à la
copier les années suivantes. L’organisme français participe également à des salons professionnels sur le tourisme gay à
New York et à Las Vegas.
Depuis 2001, la Ville de Paris organise chaque année des accueils de la presse gay internationale et met à jour une rubrique
spécifique sur le site web de son office de tourisme. Elle se fonde notamment sur des enquêtes de Community Marketing
qui estiment à 300.000 le nombre de visiteurs homosexuels américains – dont seulement 20% de femmes – dans la capitale
française. L’atout majeur du tourisme gay à Paris est qu’il s’étale de façon assez identique tout au long de l’année ; il est moins
concentré à l’occasion de quelques grands évènements, comme c’est le cas à Berlin. Par ailleurs, Paris est la seule ville d’Europe
à accueillir un salon grand public sur les modes de vie des gays et des lesbiennes : « Rainbow Attitude » de 2004 à 2006, devenu
« SIGL » depuis 2007. Elle est également la seule à héberger une association (Paris Gai Village) qui organise des visites
originales sur l’histoire des homosexuels dans différents quartiers
Paradoxalement, ce sont des destinations beaucoup plus modestes qui défraient la chronique, en établissant des « chartes
d’accueil gay-friendly », là où on ne les attendait pas. Elles partent du principe (légitime) que la promotion seule est vaine, si
l’on ne s’est pas assuré en amont que les opérateurs ont bien intégré l’accueil des gays et les lesbiennes dans leur quotidien.
En 2002, la Ville du Mans provoque un véritable raz-de-marée médiatique en lançant sa charte, suivie l’année d’après du
Département du Gers et de l’île de la Réunion, à grands renforts de conférences de presse et de stands de promotion !
Parallèlement, les réseaux régionaux de commerçants et de professionnels du tourisme se structurent, à l’instar de
« Gay Provence », dans le midi, « AGLAE » sur la Côte d’Azur, ou « Gay Map » à Marseille. En 2006, le Syndicat National des
Entreprises Gaies (SNEG) lance une action de lobbying auprès de Maison de la France, pour qu’elle renforce les moyens
attribués à la promotion de la France auprès des gays et des lesbiennes. Pourtant, à ce jour, un vrai plan d’actions à l’échelle
internationale se fait encore attendre……..
Mais déjà se profilent des limites du phénomène
Peut-on donc dire en 2008 que tout va pour le mieux pour le tourisme gay et lesbien ? Rien n’est moins sûr.
Tout d’abord des blocages continuent à exister, comme, par exemple, ce retard de Maison de la France dans la mise en œuvre
d’une véritable stratégie marketing de niches. Ensuite il ne faut pas oublier que ce phénomène reste encore largement circonscrit
au monde occidental ! Point de Gay Pride, de Gay Games et encore moins de rassemblements cuir en Russie, en Chine, en Iran
ou sur le continent africain, où l’homophobie continue à faire des victimes au quotidien. Par ailleurs, ces initiatives ont une
motivation éminemment mercantile à l’exception notoire des démarches de concertations locales plus abouties comme celles de
Berlin ou de destinations françaises engagées dans des chartes d’accueil. La plupart des opérateurs ciblent les gays parce qu’ils
représentent une aubaine permettant de vendre certains séjours haut de gamme en basse saison sans même s’assurer s’ils seront
reçus de façon « gay friendly » dans leurs destinations de vacances.
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Plus fondamentalement, le tourisme gay et lesbien colle aux évolutions sociétales. Il est le reflet de l’état d’esprit de la société à
l’égard des homosexuels. A ce titre, on constate depuis quelques temps le recul de certains commerces, quartiers ou évènements
strictement communautaires. Ainsi l’illustrent les difficultés des commerçants du Marais à Paris, du West Village à New York
ou de Castro à San Francisco, l’échec du lancement d’Oléa, le premier club de vacances gay en Europe, la disparition de magazines de voyages gays comme Voyages G, le lourd déficit des Outgames 2006 de Montréal, ou bien encore le récent déclin de la
fréquentation du Mardi Gras de Sydney. Alors, mirage du « marché rose » ? Il semblerait en fait que la réussite récente de
l’intégration sociale des gays et des lesbiennes conduise les jeunes générations à moins ressentir le besoin de se retrouver entre
soi, à l’occasion d ’un séjour touristique. Cette tendance est d’autant tangible qu’elle se manifeste d’abord dans des destinations
historiquement gay-friendly, et non dans celles qui offrent depuis peu de plus grandes libertés individuelles.
Enfin, et surtout, est-il bien certain que l’essor d’un tourisme strictement communautaire serve les intérêts des gays et lesbiennes
dans leur lutte historique pour l’égalité des droits ? L’organisation de jeux sportifs « gays et lesbiens » sert-elle plus leur cause
que le combat contre l’homophobie au sein de manifestations rassemblant les athlètes du monde, quelle que soit leur couleur de
peau leur nationalité ou leur orientation sexuelle ? La multiplication des croisières réservées aux seuls gays facilite t’elle
davantage l’acceptation de l’homosexualité par les populations antillaises qui les voient débarquer par paquebots entiers, que des
croisières mélangeant tous types de clientèles ? La création de chartes d’accueil spécifiquement « gay-friendly » est-elle plus
efficace que l’intégration des gays et des lesbiennes, comme d’autres types de publics spécifiques, au sein de démarches qualité
globales ?
Le débat reste ouvert !
Comme en témoigne, par exemple, un commentaire récent du responsable du "Gay & Lesbian Travel Pavilion", un regroupement de voyagistes spécialisés dans la clientèle LGBT (voir l’article de presse ci dessous) !
Tourisme : la nouvelle tendance est aux destinations hétéro-friendly
Après la vogue du voyage "gay-friendly", les spécialistes du tourisme estiment qu'une nouvelle niche de marché a fait son
apparition : les destinations "hétéro-friendly".
Si l'on en croit les experts du tourisme international, un nouveau concept pourrait voir le jour à côté de celui maintenant bien
connu de "gay-friendly". "
A côte des destinations clairement gay ou lesbiennes, on voit apparaître un réseau d'hôtels qui ne sont pas gay-friendly, mais qui
ciblent principalement des hommes gay", explique le responsable du "Gay & Lesbian Travel Pavilion", un regroupement
de voyagistes spécialisés dans la clientèle LGBT. "Les hétéros sont, dans la plupart des cas, autorisés à y séjourner aussi.
Le mot magique, c'est 'straight-friendly'", poursuit-il.
ITB Berlin, le plus important salon du tourisme mondial, qui se déroule du 5 au 9 mars confirme que les destinations qui ont déjà
assis leur image gay-friendly font désormais savoir qu'elles sont aussi ouvertes aux hétérosexuels. Cette nouvelle niche
marketing traduit-elle un certain déclin du tourisme 100% gay, la fin d'un certaine formule parfois perçue comme un "ghetto"
ou une nouvelle subtilité dans la recherche de "produits" plus mélangés et plus "open".
Si le mélange hétéros/homos semble à même de pimenter les "nouvelles vacances"qu'on nous concocte, reste à savoir comment
réagira la clientèle straight à l'épreuve du feu...
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Profil d’association : l’association néerlandaise COC
Bref historique et information pratiques
En 1946 - date de sa fondation - le sigle du C.O.C. signifiait alors Cultuur en Ontspannings-Centrum (Centre Culturel Récréatif).
Plus tard, ce -nom de code- fut abandonné, mais les 3 lettres subsistèrent. COC Nederland est la plus ancienne organisation
LGBT (Lesbienne, Gay, Bisexuelle et Transgenre) du monde.
Depuis sa fondation, le COC a vu naître d'importants changements sociaux tant pour les homosexuels
que pour les lesbiennes, aux Pays-Bas comme ailleurs. Considéré comme l'une des plus importantes
organisations homosexuelles du monde, le COC milite en faveur d'une société où chaque individu doit
pouvoir profiter intégralement de l'ensemble de ses droits, quelles que soient ses orientations sexuelles.
Conformément à la Déclaration Universelle des Droits dé l'Hommes, le COC s'est battu ardemment
pour une plus grande visibilité, plus de tolérance, une meilleure considération, plus d'information,
l'égalité des droits, la signature d'accords sur les retraites, la possibilité de devenir parent et la prévention du sida. Ses efforts ont été couronnés de nombreux succès.
Le COC dispose de connaissances, d'aptitudes et de réseaux qui lui permettent de répondre pratiquement dans le monde entier à
différentes demandes de soutien: stratégie, formation de réseaux, défense d'intérêts, organisation, hébergement, gestion de personnel, trésorerie, etc. Le COC peut se charger de ces tâches directement et/ou indirectement. Et ceci à l'échelle requise par chaque situation donnée.
Les quatre priorités de leur politique
Jeunesse et enseignement
Les jeunes ont encore souvent beaucoup de mal à affirmer leur homosexualité à l'école. Cela devient également de plus en plus
difficile pour les enseignants.
Personnes âgées et services de soin
Il n'est pas rare qu'une personne qui a affirmé toute sa vie son homosexualité et qui doit faire appel à des services de soin soit
confrontée à des surprises déplaisantes. Les lesbiennes et les homosexuels âgés doivent pouvoir faire appel à des services de soin
adaptés.
Société multiculturelle
Notre société est de plus en plus diverse. Un nombre croissant de jeunes et de personnes âgées d'origines culturelles et ethniques
différentes sont confrontés à l'homosexualité. En raison des différences culturelles, ethniques et religieuses, cela peut parfois poser des problèmes.
Solidarité internationale
Dans certains pays, la situation des homosexuels et des lesbiennes est parfois dramatique. Riche de plus de 50 ans d'expérience
dans ce domaine, il arrive que le COC puisse intervenir. Ils soutiennent actuellement des groupes en Roumanie Moldavie, Bulgarie et travaillent avec d'autres pays à des projets européens qui s'adressent principalement à la police, aux enseignants et à l'amé-
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lioration de la situation des homosexuels dans le cadre de leur travail.
Fédération
COC Nederland est une fédération constituée de 24 antennes réparties dans les plus grandes villes des Pays-Bas. La fédération
est pourvue d'un comité directeur. Le bureau de la fédération assiste les groupes de travail nationaux et le bureau de projet. Il
gère aussi l'administration relative aux adhérents.
Antennes du COC
Les activités des antennes du COC sont principalement locales. Elles organisent l'accueil, des groupes de discussion, la diffusion
d’informations, la défense des intérêts privés et l'organisation de lieux de rencontre.
Groupes de travail nationaux du COC
COC Nederland comprend également plusieurs groupes de travail nationaux qui opèrent à partir d'un plan de stratégie et conseillent le comité directeur. Il existe par exemple des groupes de travail axés sur la formation et l'éducation, la politique nationale, la
politique internationale, les sourds et les malentendants, les pères homosexuels et les mères lesbiennes, les personnes âgées, etc.
COC Nederland est adhérent de l'ILGA et d'ILGA-Europe.
Bureau de projet
La politique du COC est également mise en oeuvre à travers des projets organisés par des employés
rétribués. Sur le plan international, le COC travaille à la mise en place d'organisations LGBT dans plusieurs
pays d'Europe de l'Est.
Au sein de l'Union européenne, le COC collabore avec d'autres organisations LGBT européennes, dans le
cadre de programmes organisés par l'UE. Au niveau national, le COC participe également à des projets en
rapport avec les personnes handicapées, l'éducation, les immigrés, etc.
Trésorerie
Les sources de revenus du COC sont les suivantes: cotisations des adhérents, dons et legs, subventions (généralement par projet)
et activités commerciales (de nombreuses antennes du COC exploitent leur propre bar).
Périodiques et publications
COC Nederland dispose des publications suivantes: COC update, magazine destiné aux adhérents, et Expreszo, magazine pour
les jeunes.
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Les breves de la Tipiac : Spécial Elections
Des élections importantes vont se dérouler en 2008 que ce soit aux Etats-Unis, en Espagne, en Italie ou en France, et partout
il est question des homos… que ce soit à titre de repoussoir, ou pour montrer au contraire son ouverture et s’attirer leurs voix.
Nous nous proposons de faire le tour de quelques uns de ces pays pour voir à quelle sauce les homos sont assaisonnés !
Les Etats-Unis : Chasse à l’homo versus pêche à l’Homo…choisissez votre camp !
Alors que la bataille fait rage dans le camp des démocrates entre Barack Obama et Hillary Clinton pour s’attirer
les voix de la communauté LGBT, il est de bon ton dans le camp des républicains, au contraire, d’affirmer son
homophobie pour s’attirer la sympathie de la frange la plus conservatrice des électeurs républicains.
C’est Mike Huckabee, un des candidats républicains à la Maison Blanche, qui avait lancé les festivités au début de cette campagne en comparant l'homosexualité à la bestialité en expliquant pourquoi, s'il était élu président, il
demanderait d'amender la Constitution. "La Bible n'a pas été écrite pour être amendée, la Constitution
si", affirmait il. En 1998 déjà, il avait assimilé l'homosexualité à une
sexualité déviante et à un comportement criminel, dans un de ses livres. Dans son programme de campagne, il proposait également
d'amender la Constitution pour interdire l'avortement. Vainqueur des caucus de l'Iowa, il était un des
favoris républicains des primaires de Caroline du Sud, et comptait notamment sur les électeurs de la
droite chrétienne pour faire la différence avec ses rivaux.
Mais c’est finalement John Mc Cain qui l’a emporté dans cet état. Au moment où nous écrivons ces lignes, John Mc Cain
semble imbattable dans le camp républicain pour les élections de novembre prochain. Mais pour s’assurer cette victoire,
notamment en Floride, John McCain n’a pas fait dans la dentelle. Voyez plutôt : dans les dernières heures avant le scrutin,
l’équipe McCain a organisé une importante campagne téléphonique auprès de milliers d’électeurs.
Le message automatique qui était diffusé s’en prenait directement à Mitt Romney et à ses changements d’opinions, notamment sur deux sujets très controversés chez les électeurs républicains les plus
conservateurs : l’avortement et les droits des gays. Dans les deux cas, avant d’être candidat à la présidentielle, Romney avait pris des positions progressistes avant de se rétracter une fois en lice pour
l’investiture républicaine. En faisant cela, John McCain tentait d’exploiter le sentiment anti-gay très
fort dans la droite religieuse si puissante parmi les troupes républicaines. Notons que jusqu’alors,
cette frange de l’électorat semblait plus séduite par le très homophobe pasteur Mike Huckabee, que
par McCain. Sur la plupart des sujets de société, John McCain est un conservateur résolu. Il est
opposé au droit à l'avortement, au contrôle des armes à feu et au mariage des couples homosexuels.
Bien qu'il se soit prononcé contre un amendement à la Constitution visant à restreindre le mariage aux couples hétérosexuels
de façon fédérale, préférant laisser ce choix aux États, il a soutenu en 2006 l'initiative de l'Arizona d'interdire localement le
mariage des couples gays. Il est également opposé à l'engagement des homosexuels dans l'armée. En novembre 2007, il a
déclaré que la loi "Don't ask don't tell" est très efficace. Il a même précisé dans une lettre à des militaires: " [Cette loi]
affirme sans ambiguïté que l'homosexualité explicite dans les services de l'armée représente un risque intolérable pour le
moral, la discipline et la cohésion des troupes. "
Dans le camp démocrate au contraire, ce serait plutôt la pêche à l’homo. C’est à l'occasion de la journée, fériée aux
États-Unis, en mémoire de Martin Luther King, que Barack Obama a pris la parole, le dimanche
20 janvier, à Atlanta (Géorgie), dans l'église du pasteur militant des droits civiques assassiné en
1968. Il a parlé d'unité, d'injustice
raciale et sociale. Il a également demandé aux Noirs de
combattre l'homophobie, l'antisémitisme et la xénophobie. Il a récidivé à la tribune de l’académie
de Washington le dimanche 27 janvier, alors qu’il venait de recevoir l’appui public et très
symbolique de la famille Kennedy dans sa course à l’investiture, en prononçant une phrase qui
n’était pas écrite dans son discours officiel. C’est donc d’autant plus marquant. Il a ainsi défini
l’espoir qu’il espère porter dans cette campagne, comme Kennedy l’a fait dans les années 60 :
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" Et il vit [cet espoir] chez tous les Américains — jeunes et vieux, riches et pauvres, noirs et blancs, latinos ou d’origine asiatique, homos et hétéros — qui sont fatigués de cette politique qui les divise. " Un peu plus tôt dans la soirée, le sénateur Edward
Kennedy, frère du président assassiné, héritier du clan Kennedy et conscience morale de l’Amérique avait justifié son soutien à
Obama en associant les droits des gays à ceux des autres minorités : " Avec Barack Obama, nous fermerons le livre des vieilles
politiques de race contre race, de genre contre genre, de groupe ethnique contre groupe ethnique, et d’hétéros contre homos. "
En plaçant ainsi les gays parmi les groupes auxquels il s’adresse nommément et à qui il promet une forme de reconnaissance,
Obama a cherché à élargir sa base électorale au-delà de la communauté noire qui était à cet instant son principal soutien. Sans
être favorable au mariage pour les homosexuels, Obama a rappelé ainsi qu’il est, comme sa principale rivale démocrate, Hillary
Clinton et comme l’était feu John Edwards, en faveur des unions civiles pour les couples de même sexe, pour les droits des
transsexuels et pour le dépassement de la politique du " don’t ask, don’t tell " au sein de l’armée.
De son côté, à quelques heures du Super Mardi du 5 février dernier, la sénatrice Hillary Clinton s’est prêtée au jeu de l’interview
sur la chaîne gay on-line Logo, où elle s’est prononcée notamment pour les droits LGBT. Longtemps favorite pour l’investiture
démocrate, mais désormais devancée par Barack Obama, Hillary Clinton a bien compris que c’est en ciblant les minorités qu’elle
pouvait faire la différence. D’un côté, elle tentait de conforter son avantage chez les latinos, de l’autre,
elle cherchait à séduire ces gays dont les sondages montrent qu’elle est leur favorite. Lors de son
interview pour Logo, on l’a interrogée sur diverses questions liées aux droits des personnes LGBT et
notamment à la politique envers les gays dans l’armée. Après des années de discriminations et
d’interdiction, la position de l’armée américaine s’était adoucie en devenant très hypocrite sous le mandat
de Bill Clinton en adoptant la règle du " Don’t ask, don’t tell ". Pour Hillary Clinton, cette politique est
dépassée, et l’armée américaine doit évoluer sur cette question en observant comment font les militaires
des pays alliés, c’est-à-dire en ouvrant officiellement ses portes aux gays et aux lesbiennes. Comme le
signalait le journaliste de Logo, il sera intéressant de suivre le débat sur cette question si Hillary Clinton est la candidate
démocrate et doit être opposée au favori républicain, qui est lui aussi très opposé au " Don’t ask, don’t tell ", mais pour des
raisons exactement inverses à celle de la sénatrice : pour lui, comme pour les groupes conservateurs et religieux qu’il doit séduire pour décrocher l’investiture de son parti, les homosexuels n’ont pas leur place dans l’armée US.
En difficulté dans la course à l'investiture démocrate face à Barack Obama, et forte des études qui la placent toujours devant
Obama dans cette catégorie de la population, Hillary Clinton a récidivé le 13 février en donnant une interview à un journal gay
pour se présenter comme la candidate pour laquelle les personnes LGBT doivent voter. S'exprimant dans les colonnes du
"Washington Blade", elle a promis de renforcer la protection des gays dans le travail et de faire adopter la législation sur les
crimes de haine liés à l'orientation sexuelle actuellement bloquée par George Bush, encore connue sous le nom du Matthew
Shepard Act. Elle a même franchi un pas très symbolique en promettant d'être la première présidente des Etats-unis à prendre
part à une gay pride si elle est élue en novembre. Bien qu'opposée, comme Obama, au mariage gay, Hillary Clinton souhaite
également que les couples homosexuels enregistrés puissent bénéficier des mêmes droits partout aux Etats-Unis et ne soient pas
tributaires des seules lois des états où ils résident. Dans l'interview, la sénatrice de New York s’est encore présentée comme
"compagnon de longue date de la communauté gay" et n’a pas manqué d’égratigner au passage son rival pour avoir permis à un
activiste "ex-gay" de prendre part à sa campagne.
La campagne des primaires démocrates va se jouer le 4 mars prochain au Texas et dans l'Ohio. Si Barack Obama remporte le
vote des militants démocrates dans ces deux États, Hillary Clinton pourrait être définitivement hors course. Chaque vote
démocrate est donc précieux, Barack Obama n'a donc pas hésité à placer des publicités
électorales dans des magazines gays du Texas et de l'Ohio. "Bien qu'un long chemin
ait été fait depuis 1969, écrit le candidat, il nous reste beaucoup de travail. Trop souvent, le problème des droits LGBT est exploité par ceux qui essaient de nous diviser.
Mais, profondément, ce sujet nous parle de ce que nous sommes en tant qu'Américains. Il s'agit de savoir si cette nation va respecter sa promesse fondatrice d'égalité
en traitant tous ses citoyens avec dignité et respect. " C'est la première fois dans une
campagne présidentielle qu'un candidat fait publier une publicité avec un message
spécifique pour la communauté LGBT. Selon plusieurs sondages, Hillary Clinton a
toujours l'avantage sur le plan national sur la ommunauté LGBT, mais Barack Obama
bénéficierait d'une légère avance au Texas dans la communauté gay (52% contre 48%
pour Clinton). Une partie de l’histoire sera déjà écrite lorsque vous lirez ces lignes.
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L’Espagne : quand l’église catholique intervient dans la politique, c’est haro sur les homos
Le droit au mariage et à l’adoption en 2005, et récemment la loi unique en Europe sur l’identité de genre sont des victoires des
homosexuels et transsexuels qui ont marqué le mandat de l’actuel président du gouvernement, José-Luis Rodriguez Zapatero.
Mais à la veille du nouveau scrutin, le 9 mars prochain, ces lois sont loin de faire l’unanimité en Espagne. Le 30 décembre
dernier, plusieurs centaines de milliers d’Espagnols
venus des quatre coins du pays se sont
rassemblés Plaza Colon à Madrid. Ils ont ainsi répondu à l’appel de l’archevêché de la capitale afin
de revendiquer la modification de la loi sur le divorce, l’abolition de l’avortement et du mariage
homosexuel et revenir sur la suppression du caractère obligatoire de l'enseignement de la religion
catholique à l'école publique. Le Pape Benoît XVI, sur écran géant, est même venu en direct
apporter sa bénédiction à l’Eglise et à la droite conservatrice espagnole. Le PSOE de Zapatero a bien
sûr très vite réagi et condamné cette demande jugée irrecevable. Mais l’église, période électorale
oblige, n’en est pas restée là. Elle s’en est prise début janvier, aux cliniques de Madrid pratiquant
l’avortement.
Il est clair que l'Eglise catholique d'Espagne souhaite faire battre Zapatero. La Conférence épiscopale espagnole a même rendu
publique une note "d'orientation morale" visant à "stimuler le vote responsable" des Espagnols dans laquelle les évêques épousent le discours du Parti populaire (PP, droite). Ils sont revenus à la charge en critiquant par la voix de leur porte-parole,
Juan Antonio Martinez Camino, les lois socialistes "gravement injustes et qui doivent être changées". Leur note enfonce le clou
en assurant que "si les catholiques peuvent soutenir différents partis politiques et y militer (...), tous les programmes ne sont pas
compatibles de la même manière avec la foi et les exigences de la vie chrétienne." "Le fondamentalisme laïc des socialistes
porte atteinte aux droits de l'homme et de la famille et nous conduit tout droit vers la dissolution de la démocratie", accusent les
prélats. Plus encore que les autres réformes de société, les évêques n'ont pas pardonné à Zapatero sa réforme de l'enseignement,
domaine dans lequel l'Eglise conserve beaucoup de pouvoir. Sous le précédent gouvernement du conservateur José Maria Aznar,
les prélats avaient non seulement obtenu que le catéchisme soit obligatoire à l'école, mais aussi que cette matière soit plus décisive que les sciences naturelles ou les mathématiques pour l'entrée à l'université. Or, dès son arrivée, Zapatero a brisé net leur
enthousiasme en dérogeant à la loi et en faisant de la religion une discipline optionnelle. Pire, depuis septembre 2007, le premier
ministre a introduit l'instruction civique, une matière obligatoire qui, dans la pratique, supplante le catéchisme. D'où une perte
d'influence importante. "Cette Eglise rappelle les pages les plus sombres du national-catholicisme", a rétorqué le porte-parole
socialiste, José Blanco, en référence à l'idéologie de la dictature franquiste.
Début février, l’ambassadeur d'Espagne auprès du Saint-Siège Francisco Vasquez a officiellement protesté contre cette ingérence des évêques espagnols dans la campagne électorale en cours. Le ministre espagnol des Affaires étrangères a indiqué que
l'ambassadeur avait fait part au Vatican de son "malaise" et son "indignation" face aux prises de position de l'Eglise catholique
d'Espagne dans cette campagne. Dans le camp socialiste, la colère est d'autant plus grande qu'on estime avoir souvent tenu
compte des objections cléricales. Pour preuve, souligne-t-on, la réforme de la loi sur l'avortement et le débat sur l'euthanasie ont
été reportés aux calendes grecques; le concordat signé avec le Vatican en 1979, qui accorde de considérables privilèges à l'Eglise
espagnole (en particulier les exemptions fiscales), n'a pas été remis en cause; en outre, le financement de l'Eglise, connu ici
comme «l'impôt religieux», est passé de 0,5 à 0,7% du budget de l'Etat. Parallèlement, l'évêque d'Orihuela-Alicante (côte est de
l'Espagne). Rafael Palmero, a déclaré que "la biologie reconnaît que l'homosexualité est une maladie" et que "personne ne souhaite être homosexuel". La section des affaires religieuses de la FELGT, la Fédération Espagnole des Lesbiennes, Gays, Transsexuels et Bisexuels, a dénoncé cette offensive, et rappelé que l'Organisation mondiale de la santé a rayé l'homosexualité du registre des maladies depuis 1993. "Une grande partie d'entre nous est membre de communautés chrétiennes, a précisé la FELGT,
mais nous ne pouvons accepter de tels propos. "
Côté PP (le Partido Popular de droite de Mariano Rajoy), on a navigué en eau trouble pendant 10
jours. Manifestement pour ne pas effaroucher leur électorat modéré, les conservateurs se sont
maintenus à l'écart de l'affrontement entre les socialistes et l'Eglise pour terminer par un "c’est au
tribunal constitutionnel de trancher la question ", puisque le Parti Populaire a déposé un recours
contre le mariage homosexuel devant cette Cour. A deux mois du scrutin, le PP a donc fini par
botter en touche, pas question de se mettre à dos la communauté homosexuelle. Le parti de Rajoy,
outsider dans ces élections, doit pouvoir ratisser large s'il veut remporter le scrutin. Dans une
interview au quotidien El Mundo, Mariano Rajoy a déclaré que " les droits et les obligations établis
par la loi sur le mariage homosexuel ne seraient pas modifiés" en cas de victoire de la droite
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espagnole aux élections générales en précisant toutefois, dans la même interview: "Il y a seulement trois pays [dont l'Espagne]
qui appellent mariage l'union entre personnes de même sexe, et cela ne me plaît pas. " Le recours déposé contre cette loi par son
parti, devant le tribunal constitutionnel, conteste précisément l'appellation " mariage. " Bien qu'ambiguë, la position de la droite
espagnole sur ce texte de loi semble donc se préciser dans la mesure où son leader indique que le texte de loi serait revu sur la
forme (le nom du contrat) mais pas sur le fond (les droits et devoirs qui y sont liés).
Depuis cette première mise en bouche, le Parti Populaire espagnol a poursuivi son offensive contre le mariage homosexuel.
Après son premier coup d’essai timide, le PP a ainsi promis de créer un ministère de la famille en cas de retour au pouvoir en
mars prochain, car selon le dirigeant de droite, "la famille traditionnelle a besoin d'une protection particulière. " Il s'est également
déclaré opposé à l'adoption d'enfants par des couples homosexuels. Dans une interview au quotidien 20 Minutos, il affirme très
clairement qu'il supprimera le droit à l'adoption pour les homosexuels s'il gagne les élections. Pour Antonio Poveda, le président
de la FELGT, la fédération espagnole LGBT, «les déclarations de Rajoy sont une gifle cruelle pour l'égalité et les droits de nos
enfants. Qu'un dirigeant politique se préoccupe de supprimer des droits plutôt que de les accorder est terrible, dramatique».
Pour sa part, le Parti socialiste dénonce les contradictions du Parti popular, qui a donné ces dernières semaines différentes versions sur sa position à propos du mariage des homosexuels et de l'adoption. Les socialistes cherchent donc à mobiliser leur électorat en agitant la perspective d'un retour au pouvoir d'une droite "radicale" qui serait l'otage des évêques les plus conservateurs.
"Le PP a soutenu l'aile la plus dure des évêques et aujourd'hui, le secteur le plus dur des évêques soutient le PP", estiment les
socialistes donnés vainqueurs des prochaines législatives d'une courte tête sur la droite dans les sondages.
En cela, selon Pedro Zerolo (photo), secrétaire aux questions sociales du Parti socialiste espagnol, le Parti populaire "suit parfaitement le scénario que la hiérarchie ecclésiastique lui impose, alors que 65% des Espagnols sont
favorables à la loi sur le mariage homosexuel (…) Si cette croisade n'avait pas été lancée auparavant contre des gouvernements dont ils se sentaient plus proches, c'est parce que la vie et la famille
sont un alibi pouvant leur permettre d'obtenir ce qui compte vraiment pour eux : que le pouvoir politique soit de nouveau au service de la foi". Il a également répondu très clairement aux propos tenus par le leader du Parti populaire sur l'éventualité d'une remise en question de la loi sur le mariage
homosexuel, en cas de victoire de la droite aux élections législatives. "L'attitude de Rajoy est hypocrite et lâche. Un parti sérieux ne peut se cacher derrière la sentence du tribunal constitutionnel
pour expulser les lesbiennes et les gays du Code civil, c'est un recours contre l'égalité des personnes
homosexuelles", a-t-il lancé. Inquiet pour l'avenir des 80.000 enfants qui vivent dans des familles
homoparentales, il a ajouté: " Rajoy est un vrai danger pour l'égalité des droits des LGBT. Si Rajoy croit en l'égalité, qu'il la
défende avec panache pour tous avec les mêmes obligations et sous le même nom. Dans le cas contraire, il s'agit d'apartheid. "
Afin de contrer ces annonces du Parti Popular, les organisations de défense des droits des homosexuels ont convoqué le samedi 16 février une manifestation contre " l'homophobie" de la droite
espagnole, devant le siège du PP à Madrid. Le rassemblement, sous les signes de la contestation et
de l'ironie, derrière des banderoles revendiquant les droits désormais non négociables des homosexuels, a réuni les membres des associations gays et lesbiennes mais aussi des vedettes de la télévision comme le célèbre présentateur Boris Izaguirre (photo), marié grâce à la loi qui autorise le mariage des homosexuels. Toni Poveda, président de la FELGT, a déclaré: " C'est la première fois depuis l'avènement de la démocratie qu'un parti annonce qu'il va remettre en question le droit des familles. "
Dans une longue interview accordée au magazine gay espagnol Zero, José Luis Rodriguez Zapatero, le Premier Ministre
socialiste sortant, a tenté de rassurer la communauté LGBT en déclarant qu'il ferait "l'impossible, en cas de
victoire de la droite, pour que son leader ne prive aucune famille de ses droits. Il faut empêcher, a-t-il dit,
tout retour en arrière. " Le Premier ministre a expliqué que désormais il fallait "faciliter l'application des
droits que nous avons déjà approuvés: le droit à l'adoption (pour les couples de même sexe), bien sûr, et le
droit au changement légal de sexe, lutter contre les attitudes homophobes et discriminatoires dans
l'ensemble de la société. " Par ailleurs, dans une allusion à l'éventualité que le Tribunal constitutionnel puisse
accepter le recours présenté par la droite contre la réforme du Code civil sur le mariage homosexuel,
Zapatero a appelé les électeurs à voter pour le Parti socialiste. En faisant leur une sur le Premier ministre
pour la troisième fois depuis 2002, les journalistes de Zero déclarent qu'ils ont "voulu ainsi remercier le
gouvernement pour la politique qu'il a menée en faveur des droits LGBT" Le Parti socialiste espère
conserver la majorité au Parlement le 9 mars prochain face à l'opposition de droite du Parti Populaire. Selon un sondage publié
vendredi 15 février, la gauche arriverait en tête, mais avec une avance d'à peine 1,5 point sur la droite conservatrice.
Là encore, la fin de l’histoire sera déjà écrite lorsque vous lirez ces lignes.
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L’Italie : la reconnaissance des unions civiles, hétérosexuelles et homosexuelles repoussée aux calendes grecques, à moins que le nouveau Parti Démocratie ne l’emporte aux prochaines élections législatives…
Nous avions rédigé un numéro spécial Italie dans le TIPIAC#3 d’octobre 2006 que nous avions poursuivi dans le numéro suivant
d’avril 2007, dans lesquels nous évoquions la possibilité que le gouvernement Prodi promulgue le DICO, sorte de PACS à l’italienne, mais l’affaiblissement de plus en plus inexorable de sa coalition de centre gauche composite, allant des communistes aux
catholiques modérés, dont l'antiberlusconisme était l'unique ciment véritable, a fini par le forcer à la
démission le 24 janvier
dernier, signant de facto aussi l'enterrement définitif du projet de loi sur la reconnaissance juridique des unions libres, hétérosexuelles ou homosexuelles, pourtant inscrite au programme électoral de la coalition et qui devait être discuté très bientôt. L’Italie se retrouve donc elle aussi en pleine campagne électorale en prévision des législatives anticipées des 13 et 14 avril prochains.
S’il est clair que la droite italienne, notamment celle menée par Silvio Berlusconi s’oppose à toute modification de la loi en
faveur des homosexuels, et a même envisagé à un moment de revenir sur les lois concernant l’avortement, le programme
électoral du nouveau parti de centre gauche, le Parti Démocrate, présenté lundi 25 février, par son leader Walter Veltroni (photo), ancien maire de Rome, s'ouvre aux couples de fait et s'engage contre l'homophobie. "Le Parti démocrate, lit-on au point numéro 4 de son programme, encourage la reconnaissance juridique des droits, des prérogatives et des facultés des personnes vivant en permanence sous
le même toit,
indépendamment de leur orientation sexuelle.» De plus, "il est indispensable de reprendre et
d'approuver le projet de loi contre les harcèlements répétés et l'homophobie, déjà approuvé par la Commission de la justice de la Chambre des députes lors de la XVe législature." Le Parti démocrate (PD) de Walter Veltroni a conclu une alliance la semaine dernière avec le Parti radical de
Marco Pannella, une formation politique qui défend ardemment la laïcité en Italie, et qui défend
aussi la reconnaissance des unions civiles, hétérosexuelles et homosexuelles, ainsi que le droit à l'avortement ou à l'euthanasie.
Le Parti socialiste a choisi, lui, de s'adresser explicitement aux gays et aux couples de fait d'une façon
directe et sans ambiguïté. "Je suis gay et je suis en colère", lit-on sur l’affiche choc qui montre le
visage d'un beau garçon qui déclare: "…Regarde-moi, n'as tu pas l'impression que je ressemble au fils
d'un dieu inférieur? Aucun droit, aucune reconnaissance. Je les dérange. Je ne veux plus me cacher.
" Même le slogan concernant la reconnaissance des unions civiles, hétérosexuelles et homosexuelles,
est clair et percutant: "À l'Italie laïque: couples de fait, de droit et de liberté. " Selon un sondage
récemment publié par le site internet Gay.it, 5% des homosexuels transalpins voteraient pour le Parti
socialiste.
Tout comme en Espagne, l’Eglise entend jouer un rôle moteur dans cette élection et c’est en réaction que près de 2.000 manifestants ont défilé le samedi 9 février dernier dans la capitale italienne pour protester contre "l'ingérence
du Vatican dans la vie politique, dans le débat sur l'avortement, la fécondation assistée et les unions
de fait. " " M. Sarkozy, reprenez le pape à Avignon!», «Non aux ingérences du Vatican" pouvait-on
lire sur les banderoles des manifestants, essentiellement des jeunes appartenant à des associations de
défense des droits des homosexuels, de féministes ou de la gauche radicale. Ils ont également demandé "davantage de laïcité. " Rappelons pour ceux qui auraient oublié, les attaques répétées du
pape Benoît XVI et de Monseigneur Bagnasco, président de la CEI en 2007 contre le DICO, qui ont
réussi à fissurer la coalition déjà fragile du gouvernement de Romano Prodi sur ce projet de loi.
Les élections ailleurs en Europe…
Nous ne nous étendrons pas ici sur les tracts homophobes et autres insinuations sur l’homosexualité présumée de tel ou tel
candidat, tous partis confondus, ou sur de supposées subventions aux associations juives et homosexuelles qui fleurissent
actuellement en France dans le cadre des élections municipales des 9 et 16 mars prochains dans un certain nombre de villes,
ni même le ralliement à la
cause homosexuelle de candidats jusque là opposés au PACS et à toute avancée en faveur
des
populations LGBT, mais qui découvrent subitement l’intérêt de modifier leur position...
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On ne s’étendra pas trop longtemps non plus sur les élections municipales en Russie, où un jeune militant communiste qui avait
pris part aux violences qui ont émaillé la Gay Pride de Moscou en 2006 et 2007, Pavel Tarasov, est officiellement soutenu par
son parti en tant que candidat à Moscou. Il est même apparu à la télévision comme porte-parole du candidat communiste à l'élection présidentielle russe, Gennady Zyuganov. Tarasov a été identifié comme un des participants aux échauffourées des deux dernières Gay Pride de Moscou. Il dirigeait un petit groupe de jeunes communistes qui s'opposait manu militari au défilé organisé
par les militants LGBT. Sur des bandes vidéo filmées alors, on le voit portant un T-shirt recouvert des symboles communistes et
proférant des slogans tels que "Mort aux pédés!". Sa déclaration la plus retentissante remonte à 2006 sur un site des jeunesses
communistes. Il déclarait alors : "Les pédés attirent l'attention sur eux pour être considérés comme 'gays'. Mais un bon pédé est
un pédé mort!". Le Parti Communiste russe est un des partis les plus homophobes du pays. Son leader, Gennady Zyuganov,
considère que "l'homosexualité est contraire aux traditions nationales russes."
Nous noterons en revanche avec plaisir la candidature de Franco Grillini, président honoraire d'ArciGay, la principale association de défense des droits des homosexuels en Italie, comme tête de liste du
parti socialiste aux élections municipales de Rome, pour le poste laissé vacant par Walter Veltroni,
ayant démissionné de ses fonctions afin de conduire la liste du Parti démocrate (centre gauche) aux
élections législatives d‘avril.
A Londres, enfin, l'ex-officier de police gay Brian Paddick, (photo ci-dessous) candidat Libéral Démocrate à la mairiede
Londres arrive en tête d'un sondage sur les intentions de vote des gays aux municipales de la capitale. Il dépasse de peu le
Travailliste Ken Livingstone. Le site d'information gay PinkNews a sondé ses lecteurs londoniens pour
savoir lequel des trois candidats à la mairie avait leurs faveurs. Le candidat Libéral Démocrate Brian
Paddick, très connu de la communauté gay à laquelle il appartient, bouscule le jeu politique traditionnel.
Il coiffe au poteau l'actuel maire travailliste Ken Livingstone et distance le conservateur Boris Johnson.
Selon les divers critères d'analyse du sondage, Ken Livingstone arrive en tête si un seul choix est offert
à l'internaute, mais le résultat est corrigé par le critère du "second choix" qui donne l'avantage à
l'ex-officier homosexuel. Ce résultat, même s'il est serré entre le travailliste et le centriste, constitue
néanmoins une surprise. Néanmoins, face au maire travailliste en place Ken Livingstone et au
Conservateur Boris
Johnson, Brian Paddick n’est crédité que de 7% d'intentions de vote dans les
sondages portant sur la population globale.
(Ndlr : Brèves rédigées à partir des articles parus sur les sites tetu.com, E-llico.com, 360.ch, El pais et Courrier International
notamment)

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