2010-16DRM - Base Institutionnelle de Recherche de l

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2010-16DRM - Base Institutionnelle de Recherche de l
CAHIER DE RECHERCHE DE DRM
N° 2010-16
Une analyse de l’efficacité des stratégies de labellisation
pour les marques des enseignes
Fabrice LARCENEUX
Chargé de Recherche CNRS – DRM - ERMES
[email protected]  : 01 44 05 44 50
Valérie RENAUDIN
Maître de Conférences - DRM - ERMES
[email protected]  : 06 10 99 23 56
Résumé :
Il n’existe plus une seule sorte de marques de distributeurs (MDD) : les enseignes
détiennent
aujourd’hui
de
larges
portefeuilles
de
MDD,
nécessitant
des
positionnements clairement différenciés. Et, dans la concurrence avec les marques
nationales (MN), elles utilisent de nombreux signes de qualité. Nous interrogeons la
pertinence des positionnements voulus par les enseignes d’une part et l’efficacité
des cette stratégie de marquage de la qualité. Une enquête terrain et une
expérimentation en sortie de caisse permettent de montrer que les MN sont perçues
de qualité équivalente à celle des MDD thématiques, toutes deux surpassant la
qualité perçue des MDD classiques. Contrairement à une idée souvent répandue, si
l’utilisation des labels officiels s’avère efficace pour améliorer la qualité perçue des
MDD classiques elle ne l’est pas pour les MDD thématiques et les MN. De plus, le
rapport qualité / prix de ces marques n’est jamais impacté. Ces résultats sont
discutés du point de vue des enseignes et des Pouvoirs publics.
Mots-clés : MDD, Label, biologique, enseignes, distributeurs, positionnement,
qualité, prix, rapport qualité / prix
Is quality seal of approval really useful to private labels?
Summary:
Retailers hold portfolios of complex and structured private labels (PL) brands from
low cost positioning to premium. In addition, in recent years, the competition between
these various brands with national brands invite to use many quality cues with the
aim of improving the quality perceived by client. We question the appropriateness
and effectiveness of this strategy of marking quality. An experiment shows that
national brands are perceived as equivalent in quality to that of premium PL (PL+),
both surpassing the perceived quality of classic private labels. The use of quality
seals seems much more effective to improve the perceived quality of classic private
label compared with PL+ and national brands, for which labels appear irrelevant.
Results are discussed.
Key-Words: private label, seal of approval, organic label, retailers, quality,
price, value for money.
Introduction : des MDD en plein essor
La part de marché des marques de distributeurs (MDD) connaît une croissance
spectaculaire dans la plupart des pays du monde. En France, elle a quasiment
doublé entre 1996 et 2009, passant de 20% à 36% des ventes en volume dans la
grande distribution alimentaire (Source Xerfi). Cette forte progression témoigne de
l’intérêt que les MDD suscitent auprès des distributeurs et de l’adhésion qu’elles
recueillent auprès des clients. Accompagnant cet accroissement, un changement
qualitatif s’est opéré. En quelques décennies, on est passé de marques dites « metoo », pâles copies génériques des marques nationales, à des MDD variées et
innovantes, ambassadrices du positionnement des enseignes.
Le taux de pénétration des MDD avoisine les 99% : presque tous les ménages en
achètent. Elles sont aujourd’hui présentes dans quasiment toutes les catégories de
produits. L’objectif affiché par la plupart des dirigeants d’enseignes consiste à vendre
une référence sur deux en MDD. Cette volonté de développer l’offre de MDD
s’appuie sur un contexte juridique favorable. La loi de modernisation de l’économie
(LME) ayant eu pour effet de faire baisser le prix des marques nationales leader et
de dégrader les marges des distributeurs sur ces références phare, les distributeurs
misent aujourd’hui davantage sur les MDD, plus rentables. Dans une visée plus
stratégique, les distributeurs font de leurs MDD le fer de lance de leur
positionnement marketing : à travers elles, ils expriment leurs valeurs, leurs
différences, et leurs engagements auprès de leurs clients. Leur image étant en jeu,
les enseignes sont extrêmement attentives à la qualité des produits vendus sous
leurs marques.
Dans l’environnement très concurrentiel de la grande distribution, les enseignes
cherchent non seulement à valoriser la qualité des MDD, mais surtout à faire
reconnaître l’excellence de leur rapport qualité / prix, censé être supérieur à celui des
marques nationales (MN). Pour atteindre cet objectif, une des stratégies
développées par les enseignes consiste à apposer sur le packaging des MDD divers
labels de qualité (label biologique AB, Label Rouge, Max Havelaar etc.). Cette
stratégie de labellisation des MDD devient de plus en plus fréquente, non seulement
sur les MDD classiques, mais surtout sur les MDD thématiques, en plein
développement.
Cette recherche a ainsi un double objectif. Il s’agit tout d’abord, via des entretiens
avec des professionnels, d’expliciter la stratégie de positionnement des différents
types de MDD, entre elles et par rapport aux MN, et de s’interroger sur l’intérêt de
leur labellisation. Puis, la stratégie de positionnement des MDD est analysée par
l’intermédiaire de deux études : dans un premier temps, des relevés de prix dans la
catégorie de saumons fumés sont effectués au sein de cinq enseignes et confrontés
au discours général des distributeurs. Dans un second temps, une expérimentation
est menée auprès de 270 clients de l’enseigne Monoprix afin d’explorer leur
perception de différentes marques de cette catégorie (M, Monoprix Bio, Monoprix
Gourmet et Labeyrie) selon qu’elles sont, ou non, labellisés AB et Label Rouge. La
structuration des MDD perçue par les clients est mise en regard de la structuration
de l’offre souhaitée par les enseignes. La pertinence de leur labellisation, tant via le
label biologique AB que le Label Rouge est alors discutée.
Quel positionnement en termes de rapport qualité / prix des
divers types de MDD ?
Les distributeurs cherchent aujourd’hui à détenir de véritables portefeuilles de MDD
structurés et optimisés. Chaque MDD est conçue de manière à se différencier du
reste de l’offre et à créer un capital de marque qui lui est propre. Des entretiens ont
été menés auprès de huit experts, managers d’enseignes (responsables MDD de
grandes enseignes) et spécialistes de la MDD (consultants, représentants
d’associations). Ceux-ci ont permis d’expliciter ce que recouvre aujourd’hui la
dénomination de MDD afin d’enrichir les catégorisations opérées dans la littérature
(4).
Il en ressort tout d’abord que le socle de la promesse commune à toutes les MDD est
le suivant : dans chaque enseigne et pour chaque segment du marché, la MDD est
conçue pour présenter la meilleure alternative au client en termes de rapport qualité /
prix. Cette promesse s’appuie sur un avantage concurrentiel structurel : les produits
commercialisés sous MDD intègrent des coûts marketing et de commercialisation
moindres par rapport aux MN cibles, ce qui leur permet, pour un niveau de qualité
donné, de pratiquer des prix inférieurs à ceux des MN. La condition du succès d’une
MDD réside donc dans le fait que le client perçoit clairement cet avantage.
Aujourd’hui, les MDD s’affichent sur différents segments d’offre en termes de hauteur
de gamme, et occupent des niches stratégiques sur lesquelles les MN sont peu
présentes. On peut identifier trois grands types de MDD. A chacune correspond une
promesse spécifique en termes de qualité, de prix et de rapport qualité / prix.
1) Les MDD économiques, qui fondent leur positionnement sur une qualité
inférieure à celle des MN pour un prix environ 50% moins élevé. Il s’agit par exemple
des marques Eco+ de Leclerc, Bien Vu de Système U, ou Carrefour Discount
(dernière née plus qualitative que ses concurrentes et qui remporte un vif succès).
Elles sont censées concurrencer les premiers prix sans marque et l’offre des hard
discounters. Elles ont un rapport qualité / prix supérieur à celui des premiers prix
sans marque, en général grâce à une qualité supérieure pour un prix comparable.
2) Les MDD classiques ou cœur de gamme, par exemple la marque M de Monoprix
ou la marque Repère chez Leclerc. Elles entrent en concurrence avec la MN leader,
offrant des produits d’une qualité équivalente, vendus 20 à 30% moins cher. Il s’agit
en principe de l’offre présentant le meilleur rapport qualité / prix du marché. Ces
marques représentent en 2008, 71% des ventes de MDD (Source Kantar
Worldpanel).
3) Les MDD « + » : généralement situées dans le haut de gamme, elles reflètent une
démarche opportuniste d’occupation de niches. Elle vise directement un segment de
clientèle particulier ou mettent l’accent sur une dimension particulière du produit
supposée être recherchée par certains clients. Dans le premier cas, il s’agit de
marques thématiques transversales tel Rik et Rok (Auchan) qui offre des produits
spécifiquement adaptés aux besoins des enfants sur des catégories de produits très
variées (tomates cerises, cahiers d’écoliers, brosses à dents, etc.). Dans le second
cas, une propriété particulière du produit est valorisée. Dans l’alimentaire par
exemple, la dimension principale recherchée par les consommateurs concerne le
plaisir lié à l’expérience de consommation et le goût du produit. Ainsi, des MDD telles
que Monoprix Gourmet, Casino Délices ou Mmm ! (Auchan) sont clairement des
marques premium situées dans le dernier quartile (le plus haut de gamme). Elles
revendiquent une qualité supérieure à la MN leader du rayon. En marge de ce
positionnement « gourmand », d’autres dimensions sont aussi investies par les MDD,
dès lors qu’elles correspondent à la demande d’une certaine partie de la clientèle. Il
peut s’agir par exemple de produits sans allergènes tels ceux vendus sous la marque
Mieux vivre sans gluten (Auchan), de produits du terroir tels que Reflets de France
(Carrefour) ou de produits inspirés des préoccupations sociétales tels que Carrefour
Solidaire, etc. Deux grandes stratégies prix sont alors mises en œuvre par les
MDD+ (9) :
-
La stratégie dite « premium price » : elle consiste à proposer des MDD premium
clairement revendiquées comme de qualité supérieure à la MN leader et vendues
volontairement plus cher. Encore timidement appliquée en France (seules les
marques Monoprix Gourmet et Casino Délices la pratiquent dans certaines
catégories de produits), cette stratégie suppose que la MDD soit capable de
justifier l’écart de prix avec la MN de référence.
-
la stratégie dite « premium-lite » : elle consiste à proposer des MDD premium qui,
en dépit d’une qualité supérieure à la MN, que ce soit sur le plan gustatif ou en
raison d’attributs de qualité intrinsèque particuliers, conservent un prix légèrement
inférieur à celui de la MN leader. Il s’agit de la stratégie dominante des
distributeurs français.
Cette structuration en trois groupes de marques fait écho à la stratégie GBB (Good –
Better – Best) affichée par Tesco et la plupart des distributeurs britanniques ainsi que
par les enseignes suisses Migros et Coop. Cette stratégie repose sur le triptyque de
MDD suivant : l’offre économique Good (Tesco Value), l’offre intermédiaire Better
(marque standard Tesco) et l’offre premium Best (Tesco Finest). Aux côtés de ces 3
MDD structurantes, l’enseigne propose des gammes complémentaires, usant d’une
politique de prix à géométrie variable en fonction des catégories de produits (Tesco
Organic, Tesco FreeFrom…). En Suisse et en Grande-Bretagne, les deux pays les
plus avancés en termes de MDD (53% de ventes en volume sont réalisées par les
MDD en Suisse et 47% en Grande-Bretagne, Source PLMA), une stratégie de
premium price très nette est appliquée sur les produits Best et acceptée par les
clients.
En France, l’ensemble des MDD thématiques et premium représente un segment
encore faible, même s’il a passé le cap des 2% de part de marché en 2008 (Source
Kantar Worldpanel). Cependant entre 2008 et 2009, c’est sur ce segment que l’on a
constaté la plus forte croissance du CA (+ 23,3% pour les MDD thématiques contre
+8% pour le total des MDD) et du nombre de références (+34,5% contre +8,9% pour
le total des MDD). Le développement de ces gammes de produits constitue un enjeu
stratégique d’image et de rentabilité pour les distributeurs. Néanmoins, les enseignes
françaises hésitent souvent à afficher un prix plus élevé que celui de la MN leader.
La MDD+ française ne constitue pas en soi, comme dans le modèle GGB, un
segment identifié comme celui du très haut de gamme de la MDD. L’étude 1 explore
ce positionnement.
Etude 1 – Le positionnement des MDD opéré par les
enseignes
L’objectif de cette première étude consiste à confronter le positionnement souhaité
des différents types de MDD, tel qu’il ressort du discours des enseignes, à la réalité
du positionnement en rayon, traduite en termes d’échelles de prix en magasin
(encadré 1).
Encadré 1 : Le relevé de linéaire
Des relevés de linéaires - assortiment, espace alloué et prix - ont été réalisés sur la
catégorie des saumons fumés (packs de 4 tranches provenant d’Ecosse ou, à
défaut, de Norvège). Cette catégorie a été choisie pour trois raisons : les divers types
de MDD sont présents, la part de marché de l’ensemble des MDD (qui s’élève à
58,6% en 2007 d’après PLMA) est élevée, et, enfin, les labels AB et Label Rouge y
sont largement représentés. Les supermarchés sélectionnés (Casino, Monoprix,
Simply Market, Carrefour Market et Super U) sont de surface de vente comparable
(environ 1600 m2) et sont situés dans des zones de chalandise relativement
similaires. Les relevés sont le reflet d’une situation ponctuelle, à une date donnée :
ils ne peuvent être considérés comme le reflet de la politique générale des enseignes
mais constituent une étude de cas qui fournit des informations utiles sur des
stratégies de positionnement mises en œuvre.
L’analyse des relevés montre que la structure de l’assortiment de la catégorie de
produits varie selon les enseignes, témoignant
de stratégies-volume
non
homogènes. Ainsi, la part de linéaire des MDD dans l’espace occupé par l’ensemble
des références varie fortement d’un magasin à l’autre : de 49% du linéaire chez
Simply Market à 90% chez Super U.
Dans chaque magasin, une marque premier-prix est proposée, que ce soit la MDD
économique de l’enseigne lorsqu’elle en détient une ou un produit sans marque. Le
premier-prix est généralement deux fois moins cher que la seconde référence la
moins chère de l’assortiment pour un nombre de tranches identique. Le segment de
l’offre économique est donc clairement positionné. On trouve systématiquement la
MDD classique, ainsi que des MDD+, en particulier bio et premium. Enfin, la MN
leader (Labeyrie) est très présente dans l’ensemble des magasins. L’assortiment est
souvent complété avec une seconde MN plus chère (par exemple Compartiment
Fumeur et Robert Delmas chez Simply Market) ou avec une marque challenger
moins chère (par exemple Delpierre chez Carrefour Market).
Globalement, sur cette catégorie de produits, il n’existe que les deux types de
labels : AB et Label Rouge. Outre les MDD+ bio, systématiquement labellisées AB, la
politique de labellisation des MDD+ premium diffère d’une enseigne à l’autre. Auchan
par exemple n’appose aucun label sur sa marque Mmm ! En revanche, chez Casino,
Carrefour Market et Simply Market, environ un tiers des MDD+ premium est
estampillé du Label Rouge, les autres n’étant pas labellisés.
Parmi les magasins étudiés, le cas de Monoprix est riche d’enseignement : il s’agit
de la seule enseigne qui labellise quasiment toutes les références de saumon fumé
(il n’y a qu’un seul saumon non labellisé hors émincés de saumon et saumons
marinés sur les 9 référencés dans le point de vente). Le Label Rouge est présent sur
5 références Monoprix Gourmet et cette enseigne propose 3 références Monoprix
Gourmet portant le label AB. Ce qui revient à distinguer au sein des MDD
biologiques, deux positionnements distincts : les produits d’une qualité standard
(commercialisés sous la marque Monoprix Bio) d’une part et les produits premium
« gourmands » qui justifient d’être commercialisés dans la gamme Monoprix
Gourmet. Monoprix est la seule enseigne à pratiquer ce distinguo de marques pour
un même label.
Du fait de cette grande variété de références, l’analyse des stratégies de prix
pratiquées est particulièrement intéressante (figure 1). On retrouve en haut de
gamme une stratégie premium price : le prix de la MDD+ (Monoprix Gourmet) est
nettement supérieur à celui de la MN (Labeyrie). La référence la plus chère de
l’assortiment, la MN premium (Le Borvo), permet d’ancrer le prix de la MDD+
(Monoprix Gourmet) dans un rapport plus facilement acceptable par le client via un
effet de compromis. De manière surprenante, on remarque enfin que la MDD+
labellisée AB (Monoprix Bio) constitue l’entrée de gamme du segment qualitatif
regroupant les MN et les MDD+.
Figure 1 - Relevé de prix pour le lot de 4 tranches de saumon fumé Ecosse ou
Norvège - Magasin Monoprix
André
Ledun
MN
6,60
Premier prix
PP
3,20
4,99
MDD
M (Norvège)
Labeyrie
MN
7,55
6,20
MDD+
Monoprix Bio
Label AB
LeBorvo
MN
9,99
8,95
MDD+
Monoprix gourmet
Label Rouge
Prix
euros
Globalement, les autres enseignes pratiquent une stratégie de premium lite, à
l’opposé des stratégies MDD+ « Best » d’inspiration anglo-saxonne. Les références
des MDD+ Carrefour Sélection, Mmm !, Casino Délices et Saveur U, qu’elles soient
labellisées ou non, restent toujours moins chères que la MN leader (Labeyrie). Pour
éviter sans doute un prix facial trop élevé des références labellisées, Carrefour
Market et Super U jouent sur le format du pack : ils choisissent de ne proposer des
références de MDD+ labellisées que sur des packs de deux tranches.
Cette étude conforte l’idée que l’on reste assez loin d’une application systématique
de la triple segmentation du modèle GBB anglo-saxon : si les premiers prix et les
MDD économiques sont bien identifiés, il n’existe pas de stratégie claire et partagée
sur la signalisation optimale de la qualité pour les MDD, même si l’on note
globalement une préoccupation autour de l’effet prix induit par les labels. Ces
positionnements divers mixant MN, MDD+ et MDD classique, avec ou sans labels,
peuvent être de nature à brouiller la perception des clients.
Le label, une opportunité pour les MDD ?
La stratégie de labellisation constitue aujourd’hui une opportunité d’autant plus
intéressante qu’il existe une forte réglementation limitant la possibilité pour les
marques d’user de simples allégations évocatrices trompeuses1 du type « produit
naturel », « biologique », « écologique », « bon pour la santé », etc.
Qu’est-ce qu’un label ?
La notion de label est en réalité ambiguë. Une définition large renvoie à l’idée d’un
signe qui garantit quelque chose aux yeux des consommateurs. Souvent associé à
un pictogramme iconique, il peut intégrer diverses allégations, marques et autolabellisations. La définition stricte juridique renvoie la notion de label2 a une marque
collective (Annexe 2). La loi d’orientation agricole de 2007 ne précise pas réellement
la définition d’un label mais structure trois niveaux de valorisation de la qualité des
produits : les certifications de conformité, les mentions valorisantes (type produit
fermier) et les signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (articles
L712-13 du code de la propriété intellectuelle). Parmi eux, le label bio AB et le Label
Rouge sont fortement présents en GMS, sur de nombreuses catégories de produits
et sont les signes officiels les plus connus des consommateurs français (Annexe 1).
Pourquoi un signal de qualité ?
Les signaux de qualité en général sont utiles dès lors que les individus n’ont pas
accès à toutes les informations sur les caractéristiques des produits. Ces situations
d’asymétrie d’information entre le fabricant et le consommateur peuvent concerner
trois stades dans le cycle de vie du produit :
-
le premier stade S1 est celui de l’avant-vente, de la conception du produit à la
logistique permettant sa mise en rayon. Il renvoie à la qualité des ingrédients
utilisés, au processus de production, aux termes de l’échange (processus de
fabrication respectueux, commercialisation équitable, etc.) et au circuit emprunté
par le produit (empreinte carbone, etc.) ;
-
le deuxième stade S2 concerne soit l’expérience de consommation, appréhendée
au travers des cinq sens (goût, odeur, etc.), soit l’utilisation du produit
(performance énergétique, etc.) ;
-
le troisième stade S3 concerne la vie du produit après sa première utilisation,
son impact sur l’environnement (capacité de recyclage, etc.) ou sur le
consommateur (risque pour la santé, etc.).
1
comme le régit la note d'information n°2009-136 de la DGCCRF
A noter que le terme label serait réservé au seul « Label Rouge » d’après l’arrêt du 23/09/2004 rendu par la
cour d’appel de Versailles : le promoteur de cette marque ayant réalisé des investissements pour construire une
réputation distinctive, l’utilisation de ce terme dans un autre cadre relèverait de l’usurpation.
2
Ces asymétries d’information renvoient aux classiques dimensions d’expérience et
de croyance définies au début des années 1970 par Nelson (1). Pour évaluer les
phases amont du cycle de vie du produit (S1), le consommateur peut chercher des
informations sur les dimensions de croyance. Les labels (AB, Max Havelaar, etc.)
renseignent alors le consommateur mais il ne sera pas en mesure d’en vérifier la
promesse, même après consommation ou utilisation : impossible de vérifier que les
œufs que l’on a mangés sont bio ou qu’un chocolat est issu du commerce équitable.
A contrario, les dimensions de la qualité concernant l’expérience de consommation
(S2) sont classiquement renseignées via les promesses sur la satisfaction des cinq
sens lors de l’achat (marque gustative telles que Mmm !, allégation saveur, etc.). Le
consommateur est en mesure d’évaluer leur véracité au moment de la
consommation. Enfin, concernant l’après-consommation (S3), il est à nouveau
appréhendé à travers des signes dont le consommateur n’est pas en mesure
d’estimer la réalité (logo du recyclage, etc.). Dans l’ensemble, divers signes et
allégations sur le packaging peuvent alors pallier ces différents défauts d’information
mais la garantie des pouvoirs publics apportée par les signes officiels semble
d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’informer sur les dimensions de croyance que le
consommateur ne peut pas estimer seul.
Pour être utile, le signe de qualité doit être perçu comme crédible et porteur
d’informations pertinentes au moment de la décision d’achat (7). En effet, la stratégie
de labellisation est assimilable à une stratégie de « co-branding » qui permet de
créer des associations implicites entre le label et la marque support (6,11).
L’avantage
pour
la
marque
est
de
bénéficier
d’associations
positives,
caractéristiques des labels (image écologique, respect de l’environnement, etc.).
Mais il pose un double problème aux MDD : il s’agit d’une part, de savoir si le label
offre un positionnement qualitatif réellement supérieur, notamment pour les MDD+ et
d’autre part, d’identifier un éventuel risque d’une image-prix élevée. Ces deux points
sont détaillés ci-après.
Si les consommateurs ont souvent du mal à connaître la véritable signification de
chaque label, il est établi que celui-ci a d’autant moins de probabilité de les influencer
qu’il bénéficie d’une faible notoriété (5). En France, la notoriété apparaît aujourd’hui
très élevée tant pour le label AB que pour le Label Rouge (Annexe 1). Mais, la
plupart des enquêtes proviennent d’instituts de sondages évaluant une notoriété
spontanée ou assistée, déconnectée du produit ou du contexte d’achat. Dès lors, il
n’est pas surprenant qu’un label soit considéré comme la meilleure garantie pour se
rassurer sur la qualité d’un produit (40%), devant son prix ou sa marque (Ifop, 2010).
En réalité, de nombreux éléments contribuent à façonner l’image de qualité d’un
produit (13). Les marques qui bénéficient d’un fort capital garantissent de facto un
certain niveau de qualité et l’effet marginal supplémentaire du label sur la qualité
perçue du produit n’est pas toujours évident (14). Des recherches ont même montré
que les marques constituaient une information parfois plus utile pour les
consommateurs que certains labels (3,7). Ainsi, la question de la capacité du label à
communiquer une qualité supérieure paraît particulièrement pertinente pour les
MDD, dont on peut penser que le capital de marque est moins porteur d’image de
qualité que celui des MN.
Le contexte informationnel en général, la publicité ou l’expérience d’achat conduisent
à établir dans l’esprit des consommateurs un lien implicite entre qualité et prix (12).
Fondé sur des raccourcis cognitifs, appelés heuristiques de jugement, ce lien est
souvent opéré de manière inconsciente. La présence d’un label sur une MDD est
donc potentiellement de nature à véhiculer une image-prix plus élevée du produit,
menaçant ainsi l’avantage concurrentiel en termes de rapport qualité / prix perçu. Si
la relation entre l’image-prix d’un produit et sa qualité objective est loin d’être
évidente (certains chercheurs ont par exemple trouvé une corrélation très faible,
r=0,27 (16)), elle apparaît aujourd’hui encore justifiée pour les produits labellisés, y
compris ceux distribués en grande distribution, du fait notamment du discours sur le
renchérissement des matières premières et du processus de production. De fait,
dans le cas des produits biologiques, il existerait une prime de prix de 20 à 30 %
selon des sources officielles telles que l’Agence Bio, différence qui peut monter
jusqu’à près de 70% dans certaines enseignes (Linéaire, 2009). Cette image-prix
n’est évidemment pas uniforme et varie en fonction des consommateurs (15), des
catégories de produits et des marques support (8). Il reste donc crucial d’explorer
d’une part la structuration réelle des MDD par rapport aux MN et d’autre part
d’interroger la labellisation comme stratégie pertinente en termes de rapport qualité /
prix, notamment face à la MN. L’étude 2 s’y attache.
Etude 2 – MDD, MDD+, MN, labels, quels positionnements
perçus par les clients ?
Afin d’estimer la perception qu’ont les clients de la structuration des différentes
marques (MDD, MDD+ et MN), ainsi que l’effet des labels sur le positionnement de
ces marques, une expérimentation en sortie de magasin a été mise en place
(encadré 2). La catégorie de produits étudiée est, comme dans l’étude 1, celle des
saumons fumés (packs de 4 tranches). L’enseigne Monoprix a été choisie comme
terrain d’étude en raison de la variété et de la force de ses MDD thématiques, dont la
part de marché est nettement plus élevée que dans les autres enseignes.
Encadré 2 : Une expérimentation en sortie de caisse
L’expérimentation 3*3, manipulant les types de marques supports (MDD : M de
Monoprix ; MDD+ = Monoprix Gourmet ; MN = Labeyrie) et les labels (non labellisé ;
label AB ; Label Rouge), est menée et décomposée en trois niveaux d’analyse. Les
packagings des 9 produits testés sont présentés en annexe 3. Le premier niveau
d’analyse consiste à étudier la perception de la structuration de ces trois marques, le
second niveau étudie l’effet du label AB sur ces marques, et le troisième, l’effet du
Label Rouge.
Au total, 270 personnes ont été soumises à un packaging spécifique et interrogées
en sortie de caisse (ventilation des effectifs en annexe 3). Chaque répondant devait
évaluer le packaging présenté, sur une échelle de 1 à 7, en termes de qualité globale
perçue, d’image-prix (la fourchette du prix psychologique est calculée à partir des
deux questions suivantes : « En dessous de quel prix n’achèteriez vous pas ce
produit ? » et « A partir de quel prix considérez vous que ce produit est vendu à un
prix excessif ? », l’image prix résultant de la moyenne de ces deux valeurs). Le
rapport qualité / prix a été calculé à partir du niveau de qualité globale perçue et du
prix moyen perçu. De plus, les trois niveaux du cycle de vie du produit sont
questionnés : l’aspect respectueux de l’environnement du mode de production (S1),
le goût perçu (S2) et le risque perçu pour la santé (S3). Les variables sociodémographiques, la fréquence d’achat du type de produits et la fréquence de visite
de l’enseigne ont été contrôlées.
Une MDD+ comparable à la MN
Une première analyse des résultats confirme la double structure identifiée dans
l’étude 1 : il n’existe pas de différence significative entre la qualité perçue de la
MDD+ et celle de la MN. En revanche, la qualité de la MN et de la MDD+ sont
perçues comme significativement supérieures à celle de la MDD classique (cf. figure
2).
Figure 2
Perception des trois types de marques
7,00
5,87
6,00
5,44
5,03
5,00
4,00
4,41
MDD
3,63 3,73
3,65
3,60
3,27
MDD +
2,87
3,00
2,10
2,00
2,07 2,01
2,37
1,73
2,50
MN
1,63 1,70
1,00
0,00
Qualité globale
Prix moyen
Qualité/prix
Goût
Elevage respectueux
Risque perçu
Différence significative (p=0,05)
Le positionnement au sein des MDD apparaît correctement hiérarchisé dans l’esprit
des clients : la MDD+ surpasse en qualité et en prix perçus la MDD classique. En
revanche, contrairement à ce qui est souhaité par les enseignes, les clients ne
perçoivent pas la supériorité qualitative de la MDD+ sur la MN leader. De surcroît, la
MDD classique souffre d’un déficit d’image par rapport à la MN leader : la qualité est
jugée significativement inférieure. En conséquence, le rapport qualité / prix n’est pas
significativement différent pour la MDD, la MDD+ et la MN : le discours des
enseignes sur un meilleur rapport qualité / prix des MDD n’est pas perçu comme tel
par les clients.
Finalement, la structuration des marques s’opère via des clés d’entrée par deux
niveaux de prix : un univers de prix bas (avec quelques premiers prix et la MDD
classique) et un univers de prix plus élevés (MDD+ et MN). On observe donc que les
clients de l’enseigne n’ont pas intégré la supériorité du prix de la MDD+ par rapport à
celui de la MN dans la catégorie des saumons fumés. La question de la légitimité de
la stratégie de premium price poursuivie par l’enseigne est donc posée.
Une MDD classique labellisée qui monte en gamme
La labellisation AB de la MDD classique (M de Monoprix) augmente significativement
la qualité perçue du produit. Ce faisant, cette labellisation positionne le produit sur un
autre segment de marché, plus qualitatif, avec une image-prix en correspondance,
significativement plus élevée. Conséquence de cette stratégie, qualité et prix
augmentent de manière proportionnelle, conduisant à une stabilité du rapport qualité
/ prix perçu. Cette stratégie ne se révèle donc pas particulièrement pertinente sur ce
critère.
Figure 3
Effet du label AB sur la perception des MDD classiques
6,00
5,23
5,00
4,60
4,00
4,60
3,60
3,15
2,10
MDD
2,87
3,00
2,37
2,07 2,12
2,00
2,50
MDD AB
1,57
1,00
0,00
Qualité globale
Prix moyen
Qualité/prix
Goût
Elevage respectueux
Risque perçu
Différence significative (p=0,05)
Lorsque le logo AB est apposé sur la MDD classique, cette dernière bénéficie d’une
amélioration du goût perçu et de la perception d’un élevage respectueux de
l’environnement. Le risque perçu, relativement faible sur la MDD classique reste
stable.
Une MDD+ et une MN qui ne bénéficient pas de l’effet du label AB
Pour ce qui concerne la MDD+, de manière surprenante, la labellisation AB a peu
d’impact (figure 4) : elle n’augmente ni la qualité perçue ni le prix perçu et ne fait
donc pas varier le rapport qualité / prix perçu. La marque reste dans le même
segment de marché. Cet absence d’effet peut s’expliquer par le fait que la marque
thématique (Monoprix Gourmet) est positionnée sur un niveau de qualité tel, que la
mise en place d’un label (label AB sur Monoprix Bio) se révèle une information peu
utile pour le consommateur, tant pour communiquer sur le goût, que sur la notion
d’élevage respectueux ou sur le risque perçu.
Figure 4
Effet du label AB sur la perception des MDD+
6,00
5,44
5,17
5,00
4,41
3,79
4,00
3,27 3,43
4,00
3,63
MDD+
3,00
MDD+ AB
2,01 1,86
2,00
1,63 1,55
1,00
0,00
Qualité globale
Prix moyen
Qualité/prix
Goût
Elevage respectueux
Risque perçu
Les résultats sont identiques pour la MN (Labeyrie) et corroborent l’idée que la
labellisation AB apporte peu d’informations utiles et différenciantes aux clients
(Annexe 4). La qualité globale est déjà perçue particulièrement élevée pour la
marque non labellisée. Le label n’améliore pas la perception de la qualité globale du
produit vendu ni n’influence significativement le rapport qualité / prix.
Des effets similaires pour le Label Rouge
Les mêmes analyses ont été conduites afin d’explorer l’effet du Label Rouge sur ces
trois types de marques. Les résultats sont globalement répliqués (annexe 5) :
-
la MDD classique bénéficie d’un réel avantage en termes de qualité perçue
lorsqu’elle bénéficie du Label Rouge, mais sans pour autant véhiculer une
image de cherté. Cette stratégie ne conduit cependant pas à une amélioration
significative du rapport qualité / prix de la MDD disposant du Label Rouge par
rapport à la MDD sans label.
-
Comme pour le label AB, la MDD+ et la MN ne bénéficient pas d’une
augmentation significative de la qualité perçue. L’image prix n’étant pas
dégradée, on ne note pas d’amélioration du rapport qualité / prix.
-
Cette labellisation de la MDD ne permet pas de concurrencer directement la
MN en termes de positionnement de rapport qualité / prix.
Finalement, des analyses de régression (tableau 1) menées sur l’ensemble de
l’échantillon montrent que les labels (AB et Label Rouge), une fois contrôlé l’effet de
la marque, n’impactent que légèrement la qualité globale perçue du produit (impact
significatif au seuil de 10%). Il existe un net renchérissement de l’image prix d’un
produit labellisé bio dans l’esprit du client, mais ce n’est pas le cas pour le Label
Rouge. Quel qu’il soit, le label ne modifie pas le rapport qualité / prix des produits, ni
le goût perçu. Le label AB ne comporte aucune promesse liée au goût, ce résultat est
donc cohérent. En revanche, les clients ne perçoivent pas la promesse pourtant forte
d’une qualité gustative supérieure des produits disposant du Label Rouge. La
labellisation ne parvient pas non plus à réduire la perception d’un risque pour la
santé (on peut penser qu’en dehors des périodes de crises alimentaires, la sécurité
sanitaire des produits, quelle que soit leur marque et la présence ou non de labels,
est jugée élevée). En revanche, la labellisation AB et Label Rouge rassure de
manière claire le client sur les conditions d’élevage des animaux.
Il faut remarquer en outre que les clients forment leur jugement global sur la qualité
du produit en intégrant les dimensions goût et santé, mais sans prendre en compte
l’aspect respectueux de l’environnement. Le label les rassure sur cette dimension qui
reste périphérique pour le client.
Tableau 1
Effet du label (une fois contrôlé l’effet-marque)
Label
AB
Label
Rouge
qualité
globale
+
(p=0,055)
+
(p=0,051)
prix
moyen
+
(p=0,003)
qualité
/ prix
goût
NS
NS
NS
NS
NS
élevage
respectueux
+
(p=0,000)
+
(p=0,029)
risque
santé
NS
NS
Conclusion
Cette recherche avait pour objectif d’explorer la structuration de l’offre MDD par
rapport aux MN et l’intérêt d’adopter une stratégie de labellisation pour véhiculer des
informations sur la qualité des produits auprès des clients. Il ressort qu’en dehors
d’un segment « bas prix » bien identifié, il reste encore une grande confusion autour
du positionnement des différentes marques. Le cas étudié du saumon fumé a mis en
exergue la multitude d’offres disponibles en termes de MDD+ et de labels.
Le décalage entre le positionnement voulu et le positionnement
perçu
L’attitude des clients vis à vis des MDD ne cesse de s’améliorer : certains acheteurs
inconditionnels de MDD considèrent même que le prix des MN est sujet à caution et
que c’est la MDD qui indique le « prix juste » (10). L’achat de MDD correspond donc
à un « achat malin ». Les tests gustatifs en aveugle donnent souvent raison à cet
engouement des consommateurs pour les MDD. Une récente enquête a par exemple
montré que pour 11 catégories de produits sur 15 testées (Capital, 2010), la MDD
était préférée à la MN leader. Ce résultat s’explique assez bien aujourd’hui car la
plupart des enseignes en font un critère de lancement de leurs produits : elles testent
dans leurs laboratoires le goût des produits MDD et ne les lancent que s’ils sont
perçus comme au moins aussi bon que le produit de la MN cible. Or, nos résultats
montrent que, sur la catégorie de produits étudiée, la qualité perçue par les clients
est significativement moins élevée pour les MDD classiques que pour les MN. Plus
encore, les MDD+ ne parviennent pas, même en faisant appel à des stratégies de
labellisation, à démontrer leur supériorité qualitative sur les MN. Afin de renforcer la
qualité perçue, les enseignes ont probablement intérêt à faire découvrir la qualité
intrinsèque des produits à travers des expériences directes avec le produit
(dégustations en magasin, échantillons gratuits, etc.) et à travailler les packagings en
détaillant davantage les attributs de la qualité des produits, avec un discours
publicitaire allant également dans ce sens, tout en assurant une image-prix qui reste
faible : mise en avant promotionnelle, réduction de prix, etc.
L’évaluation de la qualité des produits décrite ci dessus (MN équivalente aux MDD+
et supérieures aux MDD classiques) est le reflet de la politique de prix des
enseignes. Les clients ne semblent donc pas avoir intégré l’idée d’un rapport qualité /
prix supérieur pour les MDD. Peut-être ce résultat varierait-il selon les enseignes,
Monoprix ayant des clients moins sensibles aux prix d’autres enseignes ?
Néanmoins, la question du positionnement prix des MDD reste posée, en particulier
pour les MDD premium. On peut se demander si la stratégie « premium lite »
poursuivie par la grande majorité des enseignes permet réellement aux enseignes
d’affirmer la suprématie qualitative de leurs produits MDD+, et ce d’autant plus que la
politique de prix n’est pas toujours comparable d’une catégorie à l’autre pour une
même MDD.
Labelliser la MDD classique ?
L’expérimentation menée en sortie de caisse montre que seules les MDD classiques
semblent avoir un réel intérêt à être labellisées, puisque la qualité perçue s’en trouve
fortement améliorée. Ce faisant, via le lien qualité-prix, le label dégrade l’image prix
de la MDD classique : les produits proposés évoluent ainsi vers un autre segment de
marché, plus qualitatif et directement en concurrence avec les MDD+ et des MN.
En choisissant la stratégie de labellisation pour renforcer la qualité perçue de la MDD
classique, les enseignes doivent faire face à un risque de brouillage de l’image des
différentes gammes au sein du portefeuille de MDD des enseignes. Rappelons qu’à
ce jour, seule l’enseigne Leclerc privilégie cette piste en labellisant directement les
produits de sa MDD classique Repère (avec les labels AOC, Label Rouge, Max
Havelaar). Mais, de ce fait, elle ne développe pas de MDD+ spécifiques.
Quelles conséquences pour les organismes de labellisation
officiels ?
Les résultats de cette recherche peuvent interpeller les instances en charge des
labels officiels. Ces labels n’apparaissent pas suffisamment différenciants pour les
marques et tendent à devenir, au mieux, « le plus petit dénominateur commun de la
qualité » selon un responsable d’enseigne. Face à l’amélioration gustative et
sanitaire des marques disponibles en linéaire, il devient dès lors crucial pour les
pouvoirs publics de réaffirmer l’intérêt des labels pour les consommateurs, non en
tant que tels, mais au regard des marques actuelles : dans un contexte sans crise
alimentaire, MDD+ et MN étant positionnées sur l’axe qualité et plaisir, l’intérêt du
label est loin d’être évident pour les consommateurs. Un véritable effort de réflexion
est donc à fournir sur les avantages concurrentiels différenciants des produits
labellisés. Cet effort semble devoir être impulsé par les pouvoirs publics et les
producteurs.
Un des axes de réflexion consiste à faire prendre conscience aux consommateurs
que les dimensions intrinsèques et extrinsèques de la qualité valorisées dans le
cahier des charges sont fondamentaux pour expliquer le jugement sur la qualité
globale,
ce
qui
n’apparaît
pas
aujourd’hui
(la
dimension
« respect
de
l’environnement » n’est pas suffisamment liée à ce jugement de qualité). Il peut s’agir
de la valorisation des circuits courts, de l’empreinte carbone, de l’argument santé
lorsqu’il existe, etc.
Cette réflexion est d’autant plus importante que le label peut générer des inférences
négatives pour le consommateur : par exemple, l’image prix du bio s’avère
préjudiciable, alors même que nos relevés de prix révèlent un positionnement
relativement peu cher sur cette catégorie de produits (étude 1). Des initiatives pour
diminuer cette image de cherté commencent à être menées par les distributeurs : le
bio bénéficie d’un élargissement des assortiments, de stratégies de positionnement
bas prix promotionnelles ou permanentes (lebiomoinscher.com de Leclerc, ou 50
produits bio à moins de 1 euro pour Auchan) mais sont directement liées aux
capacités de production, encore insuffisantes, et au soutien des pouvoirs publics. A
ce titre le logo européen biologique, nouvellement obligatoire, doit fournir
l’opportunité de mettre en place une véritable stratégie de communication visant non
seulement à établir sa reconnaissance et sa notoriété, mais aussi à affirmer l’intérêt
qu’il représente concrètement pour les consommateurs. De manière générale, la
campagne de communication des labels officiels doit répondre explicitement aux
inférences négatives générées par certains labels (effet prix, arnaque marketing,
faible durée de conservation, etc.). Le discours sur le label ne peut plus se réduire à
une « simple » marque officielle qui serait par essence une chance pour les
producteurs et les consommateurs. Ce n’est pas le cas et les concurrents. Les
Pouvoirs publics doivent intégrer les effets contre-productifs d’un outil incitatif
insuffisamment pensé comme un outil marketing. Cela signifie qu’à l’instar des
entreprises privées, il s’agit de mettre en place une véritable stratégie de marquelabel, avec une marque mère (le label européen) et d’éventuelles marque-filles (les
Etats-Unis ont par exemple trois labels biologiques selon le degré de présence
d’ingrédients biologiques – 70%, 90% ou 95%), correspondant à un véritable modèle
de production inspiré des circuits courts.
L’absence d’effet du label AB sur la MDD+ signifie que le distributeur pourrait, en
théorie, s’affranchir de la labellisation officielle sur sa marque thématique spécialisée.
Bien évidemment, si le label ne paraît pas indispensable, c’est sans doute grâce au
capital de confiance construit patiemment par les MDD thématiques. Néanmoins, ce
résultat a des implications fortes en termes de régulation et justifie pleinement
l’interdiction qui est faite aux marques de mettre en place des stratégies de « me
too » labels, d’auto-labellisation ou d’utilisation de marques sans le label officiel (il est
interdit d’utiliser Monoprix Bio sans le label AB, mais Reflets de France n’est pas
contraint à utiliser les AOP). L'adoption d'une réglementation européenne interdisant
l'usage de termes généralement considérés par le consommateur comme une
référence au mode de production biologique (Bio, écolo, etc.) apparaît donc
nécessaire mais pas suffisante. Finalement, penser le label du point de vue des
consommateurs, i.e. d’un point de vue marketing et non seulement légal, paraît une
condition de survie à terme des labels officiels actuels et une condition de réussite de
ceux à venir.
Aujourd’hui, des initiatives privées se créent, à l’image de la mise en place de la
marque (label « non officiel » ?) Produit en Bretagne, créée conjointement par des
industriels bretons (Even, Chancerelle, Doux, Hénaff, Savéol et Saupiquet) et des
distributeurs (Leclerc, Intermarché, Casino et Carrefour). L’idée est d’inciter les
habitants de la région et les touristes de passage à acheter les produits régionaux.
Des budgets importants (plus de 330 000 € en 2009) sont consacrés à stratégie de
communication de ce label régional : presse quotidienne régionale, événementiels
(Nuit celtique au stade de France), foires commerciales pour faire connaître ses
produits labellisés ou trophées offrant aux lauréats un an de référencement en
grande distribution. En développant une véritable stratégie de marque pour ce label,
la grande distribution est devenue un acteur majeur du développement des produits
régionaux et de la promotion des circuits courts. Ce type d’initiative a des retombées
directes en termes d’emplois et de maintien de la culture locale, même si elle
apparaît éloignée de la vision officielle et ministérielle des labels.
Afin d’étendre cette étude, il peut être utile d’explorer d’autres catégories de produits,
d’autres enseignes, d’autre signes de qualité et les éventuels effets de surinformation
que peut créer la multiplication des labels pour chaque dimension de la qualité non
observée (lorsqu’un produit d’une MDD thématique comporte à la fois son logo, celui
de Max Havelaar, le logo AB et le logo bio européen, le logo régional, comment le
client interprète-t-il cette profusion de signes ?). Une autre piste serait d’explorer la
capacité d’évocation des divers pictogrammes utilisés, sachant que nombre de logo
de MDD tendent à apparaître comme des signaux de qualité en eux-mêmes aux
yeux des consommateurs : Grand Jury, Marque Repère, filière qualité Carrefour, etc.
(1). Enfin, de nouveaux enjeux apparaissent avec les inscriptions concernant
l’empreinte carbone du produit. Tesco prévoit par exemple d’établir un bilan carbone
pour 70 000 références et en France, Casino va afficher un logo informatif pour 3000
produits MDD. Sachant qu’une très grande partie de l’offre alimentaire labellisée AB
provient aujourd’hui de Chine, cette information risque de venir en contradiction avec
le principe de respect de l’environnement, affaiblissant un peu plus le sens des labels
actuels. Si les MN ont été les premières à utiliser les labels officiels, sur ce nouveau
territoire de communication avec le client, les MDD ont pris une longueur d’avance,
poussant les Pouvoirs publics à réfléchir à une véritable réflexion marketing sur leurs
outils incitatifs.
Bibliographie
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Annexe 1 : Label AB et Label Rouge
Le label Biologique AB : crée en 1986, ce label garantit essentiellement un procédé
de fabrication strict, défini dans un cahier des charges imposé aux producteurs. Les
contrôles réglementaires interdisent les OGM, les intrants chimiques de synthèse,
etc. Par exemple, pour qu’un saumon fumé soit labellisé AB, il est exigé un bon
renouvellement des eaux, suffisamment d’oxygène, une densité de poisson
inférieure à 20kg/m3, une alimentation composée essentiellement d’ingrédients issus
du mode de production biologique, etc. Ces procédés sont certifiés par un organisme
agréé par les pouvoirs publics (en particulier Ecocert) et encadrés par la norme
européenne EN 45011. En 2008, le label AB est connu de 85% des Français (source
CSA / Agence Bio). D’après une étude TNS Sofres de 2009, il s’agit encore
majoritairement d’achats occasionnels. Le marché du bio, évalué à plus de 3
milliards d’euros, représente moins de 2 % du marché alimentaire national, mais les
taux de croissance annuels sont à deux chiffres (entre 20 et 30% selon les
catégories de produits), soutenus par l’augmentation des MDD labellisées (Agence
Bio).
Le Label Rouge : créé en 1960, il impose un processus de production rigoureux
ainsi que des tests gustatifs, à la différence du label AB. Par exemple, pour les
saumons fumés, un test sensoriel indépendant est réalisé deux fois par an. Le cahier
des charges impose une sélection d’espèces à croissance lente, un mode d'élevage
à densité limitée, une proportion élevée de protéines de source marine dans
l'aliment, ainsi que des procédés de transformation rigoureux (parage sévère, salage
au sel sec, fumage traditionnel), et finalement un taux de matières grasses sur le
saumon frais limité à 16%. Spécifique à la France, le Label Rouge est le plus connu
des labels avec 92% de notoriété (Source Crédoc 2007). D’après une étude Opinion
Way de 2010, 94% des français savent qu’ils peuvent trouver ce label en grande
distribution et ils sont 87% à déclarer en avoir déjà consommé. La « réalité » de la
supériorité gustative des produits est montré par l’étude des experts de Que Choisir
(n°476, 2009) : sur les 20 références de saumons fumés testées, les quatre
premières places sont obtenues par des marques labellisées Label Rouge.
Annexe 2 - Différences et points communs entre MN, MDD, labels et allégations
MN
Marque nationale
Statut
juridique
Caution
et
propriétaire
Acteurs
Utilisation
Marques
simples
Caution apportée par
le producteur de la
marque,
spécialiste
de la catégorie
Le
producteur
propose une offre à
partir de son propre
cahier des charges
Généralement limitée
à une catégorie de
produits,
dans de multiples
enseignes
MDD
Marque
distributeur
Marques
simple
de
Caution apportée
par le distributeur
propriétaire via le
transfert
de
confiance
de
l’enseigne
aux
références MDD
Le
distributeur
établit le cahier
des charges du
produit
et
sélectionne
un
producteur qui y
satisfait
Sur de multiples
catégories
de
produits,
dans une seule
enseigne
Labels ou MCC
Marque collective de
certification
Marques
collectives
Caution apportée par
l’organisme extérieur
mandaté
par
le
Ministère
de
l’Agriculture
(propriétaires
des
labels AB et Rouge)
L’organisme
certificateur établit le
cahier des charges
du label et vérifie son
respect
par
le
producteur
Sur de multiples
catégories
de
produits,
dans de multiples
enseignes,
sur
de
multiples
marques
Allégations
Autres logos
Non déposées
ou
marques
simples
aucune
Certains
producteurs ou
distributeurs
Sur de multiples
catégories de
produits,
dans
de
multiples
enseignes,
sur de multiples
marques
Extrait l’ordonnance n°2010-462 du 6 mai 2010 - art. 1
Est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 37 500 € le fait :
1) De délivrer une appellation d'origine protégée, une indication géographique
protégée ou une spécialité traditionnelle garantie sans satisfaire aux conditions
prévues à l'article L. 642- 3 du code rural et de la pêche maritime ;
2) De délivrer une appellation d'origine protégée, une indication géographique
protégée ou une spécialité traditionnelle garantie qui n'a pas fait l'objet de
l'homologation prévue respectivement aux articles L. 641-10, L. 641-11 et L. 641-12
du code rural et de la pêche maritime ;
3) D'utiliser ou de tenter d'utiliser frauduleusement une appellation d'origine
protégée, une indication géographique protégée ou une spécialité traditionnelle
garantie ;
4) D'apposer ou de faire apparaître, par addition, retranchement ou par une altération
quelconque, sur des produits, naturels ou fabriqués, mis en vente ou destinés à être
mis en vente, une appellation d'origine protégée, une indication géographique
protégée ou une spécialité traditionnelle garantie en les sachant inexactes ;
5) D'utiliser un mode de présentation faisant croire ou de nature à faire croire qu'un
produit bénéficie d'une appellation d'origine protégée, d'une indication géographique
protégée ou d'une spécialité traditionnelle garantie ;
6) De faire croire ou de tenter de faire croire qu'un produit assorti d'une spécialité
traditionnelle garantie, d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication
géographique protégée est garanti par l'Etat ou par un organisme public.
Annexe 3 : Stimuli présentés aux répondants
Ventilation
des effectifs
de
l’expérimentation en terrain réel
Type de marque évalué
Sans
label
Label AB
Label
Rouge
Total
MDD
M
30
30
30
90
MDD+
Monoprix Gourmet / Bio
32
29
29
90
MN+
Labeyrie
30
32
28
90
Total
92
91
87
270
Une limite de cette expérimentation concerne la marque thématique non labellisée
utilisée : par souci de réalisme, il s’agit de la MDD+ Monoprix Gourmet, différente de
la marque thématique Bio utilisée dans le cas de la labellisation AB puisqu’il s’agit
de la MDD+ qui comporte la majorité des références labellisées AB. Des variables
telles que la fréquence d’achat, le sexe et l’âge, susceptibles d’influencer la
perception des variables dépendantes, ont été contrôlées dans les différents
traitements statistiques. La distribution des variables est normale et autorise les
analyses de variances. Les différences obtenues résultent de la variation des stimuli
présentés aux clients.
Annexe 4 - Effet du label AB sur la perception des MN
7,00
6,00
5,87
5,66
5,03
5,00
4,50
4,88
3,73
3,65
4,00
4,81
MN
MN AB
3,00
1,73
2,00
1,70
1,42
1,90
1,00
0,00
Qualité globale
Prix moyen
Différence significative (p=0,05)
Qualité/prix
Goût
Elevage respectueux
Risque perçu
Annexe 5 – Effet du Label Rouge sur la perception des trois types de marques
Effet du Label Rouge sur la perception de la MDD classique M de Monoprix
4,73
5,00
4,00
3,80
3,60
3,33
3,00
2,62
2,49
2,87
2,50
2,37
2,10
2,07
Prix moyen
Qualité/prix
MDD
1,83
2,00
MDD LR
1,00
0,00
Qualité globale
Goût
Elevage respectueux
Risque perçu
Différence significative (p=0,05)
Effet du Label Rouge sur la perception de la MDD+ Monoprix Gourmet
6,00
5,44
5,21
5,00
4,41
3,93
4,00
3,79
3,63
3,27
3,00
MDD+
3,00
MDD+ LR
2,01
1,67
2,00
1,63
1,91
1,00
0,00
Qualité globale
Prix moyen
Qualité/prix
Goût
Elevage respectueux
Risque perçu
Effet du Label Rouge sur la perception de la MN Labeyrie
7,00
6,00
5,87
6,11
5,03
5,32
4,61
5,00
3,65
4,00
3,73
3,55
3,00
MN
MN LR
2,49
1,73
2,00
1,70
1,14
1,00
0,00
Qualité globale
Prix moyen
Qualité/prix
Goût
Elevage respectueux
Risque perçu

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