Irrigation de l`olivier

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Irrigation de l`olivier
Revue Ezzaitouna 10 (1 et 2), 2004
IRRIGATION DE L'OLIVIER :CAS DES JEUNES
PLANTATIONS INTENSIVES
C. Masmoudi - Charfi *, M. M. Masmoudi** et N. Ben Mechlia**
Résumé
La consommation hydrique d'une jeune olivette multi-variétale cultivée
dans la région de Mornag a été étudiée pendant deux années successives
afin de développer une méthodologie de calcul des besoins en eau des
oliviers selon leur état de développement. L'irrigation a été pratiquée sur
des arbres plantés à 6m x 6m. Les valeurs de l'ETo et de la pluie efficace
ont servi au calcul des quantités d'eau d'irrigation nécessaires pour couvrir
l’ETc = Kc.Kr.ETo. Durant les deux années de l'essai, les valeurs du
coefficient cultural Kc utilisées sont successivement 0.4 et 0.5. La
couverture du sol mesurée est passée de 22% à 31%, ce qui donne
respectivement un coefficient de réduction Kr de 0.7 et 0.75.
L'adoption de ces valeurs a permis de situer l’évapotranspiration annuelle
de l'olivier à 344 et 454 mm respectivement pour les arbres âgés de cinq ans
(2002) et six ans (2003). L’adéquation de la méthode de calcul a été
vérifiée à travers la mesure des performances agronomiques de l’arbre
durant les deux années de son application. Le suivi de l’accroissement
annuel de la hauteur de l’arbre, du diamètre de la frondaison et du tronc, de
la longueur des pousses et de la production d’olives a permis de vérifier la
concordance des niveaux de rendement, de l'efficience de l'utilisation de
l'eau et de la croissance obtenus avec ceux rapportés dans la littérature pour
des conditions culturales similaires.
Mots clés : Olivier, Méthodologie, Besoins en eau, Evapotranspiration,
irrigation.
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
*
Institut de l’Olivier Station Spécialisée du Nord. Email : [email protected]
Institut National Agronomique de Tunisie.
**
37
Abstract
The water consumption of a young olive orchard grown in the Mornag region is
studied during two successive years in order to develop a methodology for water
requirement estimation according to the trees development. Irrigation was applied
on five and six years old olive trees planted at 6 m x 6 m spacing. The reference
evapotranspiration (ETo) and the effective rainfall (Pe) were used to calculate
irrigation quantities to cover ETc = Kc.Kr.ETo. The values of crop coefficient
(Kc) used during the two years of experimentation were 0.4 and 0.5 respectively.
Measurement of area covered by the canopy during the same period resulted in
ground cover percentage of 22% and 31% which gives values of Kr respectively
0.70 and 0.75. Adoption of these values resulted in an annual crop
evapotranspiration of 344 and 454 mm respectively for trees aged five (2002) and
six years (2003). Monitoring of height, canopy and trunk diameters, shoot growth
and olive production allowed to verify that the values of these parameters as well
as water use efficiency obtained using this method are in accordance with those
reported in the literature for similar growing conditions.
Key words : Olive tree, methodology, water requirements, evapotranspiration,
irrigation
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Introduction
Les superficies de l'olivier irrigué ont connu une augmentation sensible en
Tunisie depuis quelques années. La pratique de l’irrigation estivale de
l'olivette a connu un essor surtout au Nord du pays où la pluviométrie
annuelle dépasse 400 mm. Les quantités d’eau délivrées par les agriculteurs
sont le fruit de pratiques locales et souvent, elles ne correspondent pas aux
besoins de l’olivier. Des apports insuffisants provoquent un ralentissement
du développement de l'arbre et affectent le rendement surtout lorsqu'ils se
produisent pendant les phases critiques. Des sur-irrigation peuvent
également dans certains cas avoir les mêmes effets à côté des pertes d'eau
qu'elles occasionnent.
Les travaux de recherche menés en Tunisie au Centre d’Etudes de l’Eau à
Tunis (Ben Mechlia et Hamrouni 1978) et à la Station expérimentale de
Ksar Ghériss (Bouaziz 1990) ont montré que les besoins optima en eau de
l’olivier se situent entre 0.3 et 0.6 ETP. Ils dépendent néanmoins de la
variété, de l’âge des arbres, de la densité de plantation, du stade
phénologique et de la charge en olives (Michelakis 2000, Dettori 2003). La
réponse de l’olivier à l’irrigation est variable selon le stade phénologique et
la dose appliquée. Une bonne alimentation en eau en période de croissance
printanière favorise l’élongation des rameaux (+20 à 50%), augmente le
nombre d’inflorescences par pousse (+25%) et améliore le taux de nouaison
(+20%). Le poids des olives ainsi que le rapport pulpe/noyau augmentent
respectivement dans des proportions de 30 à 60% et 5 à 15% lorsque l’eau
est apportée avant le stade de durcissement des noyaux et au cours des
38
périodes de grossissement des fruits (Psyllakis, 1974). Les valeurs du
rendement en olives et en huile ainsi que l’efficience de l’utilisation de
l’eau sont les plus élevées pour des apports représentant 0.6 ETP. Les
valeurs couramment observées en Tunisie sous diverses conditions
d’irrigation varient de 0.5 à 1.2 kg d’olives par m3 d’eau apporté (Vernet et
al., 1970).
Les méthodes lysimétriques (Le Bourdelles 1990 , Deidda et al., 1990) ou
celle du bilan hydrique (Dettori, 1987, Palomo and al., 2002) permettent
d'estimer l'évapotranspiration avec précision et de la relier au climat, mais
l'application de ces résultats aux cultures conduites en extensif ou en
association pose problème du fait du développement hétérogène du système
radiculaire et de la discontinuité du couvert végétal. En effet, dans les
vergers oléicoles, la surface du sol présente des zones évaporantes (sol nu)
et des zones transpirantes (végétation) dont les proportions varient en
fonction de la densité de plantation et de la vigueur des arbres. Le
pourcentage de couverture du sol par la végétation varie de 5% dans les
oliveraies extensives de Sfax (17 pieds/ha) à 70% dans les nouvelles
plantations hyper-intensives (1250 pieds/ha) dans le Nord du pays. La
connaissance des besoins en eau de l’olivier est de ce fait nécessaire pour
un pilotage efficient de l’irrigation, particulièrement dans les plantations
intensives.
Les méthodes basées sur l'utilisation de l'évapotranspiration de référence
(ETo) et des coefficients culturaux (F.A.O., 1998) présentent en
arboriculture le problème des valeurs à adopter lorsque l'espacement des
arbres ou leur âge s'écarte des conditions standards. Le présent travail
s'intéresse à ce problème. L'utilisation de cette méthode et de la pluie
efficace pour le pilotage de l'irrigation de jeunes oliviers conduits en
intensif est considérée. Les valeurs des divers paramètres et coefficients
intervenant dans cette méthode sont présentées et leurs variations en
fonction de l'âge et de la densité de plantation discutées. Cette méthode est
appliquée pendant deux années successives pour l'irrigation d'une jeune
plantation intensive d’oliviers de la région de Mornag. Le suivi de la
croissance et de la production donneront une indication sur sa capacité à
bien estimer les besoins en irrigation.
1. L'évapotranspiration de l'olivier dans les conditions standards
L’évapotranspiration de référence (ETo, mm jour-1) est déterminée par
mesure lysimétrique dans des conditions standardisées ou à l'aide de la
formule de Penman-Monteith (F.A.O., 1998) qui nécessite des mesures de
la température, de l’humidité relative de l’air, du rayonnement global et de
la vitesse du vent.
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L’évapotranspiration maximale d’une culture donnée (ETc) est définie pour
des conditions optimales d’alimentation hydrique et minérale en vue d’une
production maximale (F.A.O., 1998). Elle est le résultat d’un équilibre entre
la demande climatique qui est exercée sur la surface évaporante et l’eau
disponible dans le sol. L’ETc dépend de l’espèce, de la couverture du sol et
des pratiques culturales.
Le besoin en eau d’une culture durant une période donnée est la hauteur
d'eau (mm) nécessaire pour compenser les pertes par évapotranspiration
pendant cette période (F.A.O., 1998). L’approche de la F.A.O. exprime
cette quantité en fonction de l’évapotranspiration de référence (ETo) qui
traduit la demande climatique et des caractéristiques de la culture. Ces
caractéristiques dépendent de l'espèce, de la variété, de l'âge, du stade
phénologique et du mode de conduite et sont représentés par un coefficient
dit cultural Kc (Equation 1).
ETc (mm) = Kc * ETo (mm)
[1]
Le coefficient cultural (Kc) est donné dans le bulletin de la F.A.O. (1998)
sous forme de table pour les différentes espèces en fonction du stade de
développement. Ces valeurs ont été établies pour des pratiques culturales
moyennes et des conditions standards.
Pour les cultures ou les stades pendant lesquels le sol n’est pas totalement
couvert par la végétation, la part de l’évaporation est importante surtout
lorsque la surface du sol est humidifiée à la suite des pluies ou de
l'irrigation. Dans ce cas, le coefficient cultural simple (Kc) qui intègre les
deux composantes : transpiration de la culture et évaporation directe du sol
ne traduit pas correctement la situation. L’approche utilisant le coefficient
cultural double (Equation 2) permet de considérer ces deux processus
séparément. Le coefficient Kc est dans ce cas la somme du coefficient de
base Kcb qui représente la transpiration de la plante et du coefficient Ke qui
tient compte uniquement de l’évaporation du sol.
Kc = Kcb + Ke
[2]
Pour l'olivier adulte conduit en intensif ayant un pourcentage de couverture
du sol supérieur à 60%, la valeur donnée dans le bulletin n°56 de la F.A.O.
(1998) du coefficient simple varie de 0.65 à 0.70 selon le stade
phénologique. Pour le coefficient double, les valeurs du coefficient de base
Kcb varie de 0.55 à 0.65 alors que Ke est calculé à l'aide de l'équation du
bilan hydrique dans la zone humectée par la pluie ou l'irrigation.
40
2. Evapotranspiration de l'olivier dans les conditions non standards
En arboriculture et particulièrement dans les vergers oléicoles, l'approche
de la F.A.O. établie pour des conditions standards présente ses limites
lorsque la densité de plantation, l'âge des arbres ou le mode de conduite
affectent le pourcentage de couverture du sol et le rapport transpiration /
évaporation.
Pour des olivier adultes, le volume de la frondaison évolue peu en dehors
des périodes de taille. De ce fait, le coefficient Kc peut être considéré
comme indépendant de l’âge mais présente des variations saisonnières liées
à la physiologie de l’arbre et à l’état hydrique du sol. Les valeurs
rencontrées dans la littérature se situent entre 0.45 et 0.70. Les travaux
entrepris durant la dernière décennie au Sud de l’Espagne (Fernandez and
Moreno, 1999) ont permis de situer les valeurs moyennes mensuelles de Kc
pour des plantations adultes et irriguées d’olivier, d’une densité comprise
entre 250 et 300 pieds / ha et couvrant 30 à 35% du sol (tableau I). Elles
pourraient être adoptées en première approximation dans les olivaies du
Nord de la Tunisie.
Tableau I : Valeurs mensuelles de Kc pour des oliviers adultes plantés au
Sud de l’Espagne à la densité de 286 pieds / ha et couvrant 34% du sol
(Pastor and Orgaz, cités par Fernandez and Moreno, 1999).
Kc
J
F
M
A
M
J
Jt
A
S
O
N
D
0.50
0.50
0.65
0.60
0.55
0.50
0.45
0.45
0.55
0.60
0.65
0.50
La variation des valeurs de Kc traduit la variation de l’activité de la plante
et de l’état hydrique du sol en surface. Durant les mois du printemps et de
l’automne, les vagues de croissance végétative et la fréquence élevée de
l’humectation du sol par les pluies se traduisent par des valeurs élevées de
Kc. En période estivale, les faibles valeurs de Kc sont le résultat du
ralentissement de l’activité physiologique de la plante et de la diminution
des évènements pluvieux.
Afin de tenir compte des variations du pourcentage de couverture du sol
liées à la densité de plantation, l'utilisation d'un facteur de correction (Kr)
est proposée (C.O.I., 1997) ; dans ce cas l’évapotranspiration est exprimée
par l’équation [3].
ETc = ETo * Kc * Kr
[3]
Les valeurs de Kr à utiliser lorsque le pourcentage de couverture du sol par
la végétation est inférieur à 60% sont données au tableau II. (C.O.I. 1997).
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Tableau II : Valeurs du coefficient Kr pour différents pourcentages de
couverture du sol par la végétation (COI, 1997).
Pourcentage de couverture du sol par la
végétation
Plus de 50%
Kr
1.00
40 - 50 %
0.90
35 - 40 %
0.80
30 - 35 %
0.75
Inférieure à 30 %
0.70
D'autre part, durant les premières années après la plantation, la croissance
relative de l’olivier est rapide. La masse transpirante ainsi que le surface
couverte du sol sont faibles et varient considérablement d'une année à
l'autre ce qui place les cultures dans des conditions non standard.
L’adoption d’une valeur du coefficient cultural adaptée à l’âge de l’arbre
est nécessaire pour tenir compte de ces écarts. Sur la base de mesures du
bilan hydrique et aéro-dynamiques, Testi et al., (2004) ont trouvé pour des
oliviers de la variété Arbéquina plantés selon l'espacement 7x3.5m des
valeurs de Kc de 0.19, 0.24 et 0.34 respectivement deux, trois et quatre
années après plantation. Pour de jeunes oliviers âgés de moins de 6 ans, Le
Bourdelles (1977) suggère une valeur de Kc entre 0.3 et 0.5 et recommande
l'utilisation de la valeur 0.3 pendant les deux premières années après
plantation, la valeur de 0.4 pour les trois années suivantes et à partir de la
sixième année, la valeur de 0.5.
Des valeurs comparables ont été rapportées par Cruz-Conde et Fuentes
(1989) pour de jeunes oliviers de la variété Picual cultivés au Sud de
l’Espagne. A partir de mesures de la transpiration d’olivier cultivés en pots
et des mesures des dimensions de l’arbre et de la surface des feuilles, les
auteurs ont extrapolé vers différents écartements en rapportant la
consommation en eau à la surface foliaire. Le modèle proposé donne les
valeurs de la consommation journalière moyenne durant la période de juinaoût et du rapport T/ETP (tableau III).
42
Tableau III : Variation du coefficient cultural et des pertes d'eau par
transpiration (T) de l’olivier Picual en fonction de la densité de plantation.
Valeurs observées sur de jeunes oliviers bien développés (Cordoue,
Espagne, Cruz-Conde et Fuentes, 1989).
Nombre d'oliviers/ha
Pourcentage
de couverture du sol
Tmax. / jour
(litre / olivier)
Dose
(mm / jour)
T / ETP
100 (10mX10m)
25
135
1.35
0.25
150 (8mX8m)
36
103
1.53
0.29
200 (7mX7m)
40
85
1.70
0.32
250 (6mX7m)
43
73
1.82
0.34
300 (6mX6m)
45
65
1.95
0.36
400 (5mX5m)
50
54
2.16
0.40
NB : Valeur moyenne transpirée par olivier jeune durant la période juin-août: 0.35
2
l/m de feuille. Evaporation bac A de 6.6 mm et ETP-Thorntwhite de 5.4 mm. ETP
(avril-octobre): 820 mm.
Le rapport T/ETP peut être considéré comme étant le coefficient cultural en
dehors des périodes ou le sol est humecté en surface.
3. Conditions de l’essai
La méthode de calcul des besoins en eau a été appliquée pendant les années
2002 et 2003 pour la conduite de l’irrigation d’une jeune plantation
multivariétale d’olivier installée à la station expérimentale de l’INAT à
Mornag à 15 km au Sud de Tunis.
La région de Mornag est caractérisée par une pluviométrie annuelle
moyenne de l’ordre de 450 mm et une évapotranspiration de référence
moyenne de 1200 mm an-1. Les mesures effectuées au cours des années
2002 et 2003 à la station expérimentale ont permis le suivi des paramètres
climatiques et le calcul de l’ETo selon la méthode de Penman-Monteith. La
figure 1 donne les valeurs mensuelles de la pluviométrie et de
l’évapotranspiration de référence au cours de ces deux années. Les
quantités de pluie annuelles pour l'année 2002 et 2003 ont été
respectivement de 345 mm et 790 mm alors que l'ETo annuelle est passée
de 1227 à 1211 mm.
43
Fig. 1 : Evapotranspiration mensuelle (mm) et pluviométrie
enregistrée (mm) à la station expérimentale de Mornag
au cours des années 2002 et 2003.
La parcelle d’oliviers a été installée en 1998 sur un sol argilo-limoneux
(29% A et 49% L), couvrant une superficie de 1.6 ha. Les oliviers Cv.
Chétoui, Meski, Manzanille et Picholine sont plantés à la densité de 278
pieds ha-1 avec un espacement de 6 m X 6 m. L'irrigation est réalisée par un
système goutte à goutte au moyen de deux rampes placées de part et d’autre
de la ligne d’olivier. Chaque plant dispose de 4 goutteurs ayant un débit
nominal de 4 litres / heure.
4. Conduite de l’irrigation
L’irrigation pratiquée est une irrigation de complément destinée à couvrir
les besoins de l’arbre durant la période allant du mois de mars au mois de
septembre. Les dates des irrigations ont été choisies de façon à éviter les
stress hydriques durant les stades sensibles. Dans les conditions du nord de
la Tunisie, l’irrigation démarre habituellement au printemps en vue de
stimuler la croissance de la nouvelle pousse et favoriser la différenciation
de fleurs parfaites, mais elle peut être retardée lorsque les quantités de pluie
automnale et hivernale sont excédentaires. En 2002, la première irrigation a
eu lieu au mois de mars compte tenu du déficit pluviométrique enregistré en
hiver. Les quantités de pluie tombées entre septembre 2001 et février 2002
n’ont été que de 170 mm. Pour la même période de l’année 2003, les
quantités de pluie ont atteint 450 mm ce qui a permis de retarder l’irrigation
jusqu’au mois de Mai. Les irrigations suivantes ont été appliquées de façon
à couvrir le stade de durcissement des noyaux qui démarre durant la
dernière semaine de juin et dure trois semaines et la période d’induction
florale qui a lieu entre fin juillet et le 20 Août. La dernière irrigation est
apportée entre fin août et mi-septembre selon la précocité des pluies
automnales. Les premières pluies importantes ont été enregistrées le
6/9/2002 (25 mm) et le 17/9/2003 (79 mm).
44
Afin de nous rapprocher des autres modes d’apport de l’eau nous avons
réduit le nombre d’irrigation et appliqué des quantités qui permettent de
remplir le réservoir sol de la zone radiculaire sur une profondeur d’un
mètre. Avec un système goutte à goutte qui délivre 16 litres / heure / arbre,
l’irrigation dure une semaine à dix jours successifs. Les quantités d’eau
d’irrigation ont été calculées en considérant la pluie et les besoins en eau
estimés par la méthode de la F.A.O. (1998) en adoptant les coefficients
culturaux et les termes correctifs donnés au tableau II. A cet effet la surface
ombragée du sol a été estimée à partir de mesures de la frondaison
effectuées sur 12 arbres par variété avant et après la taille. Le tableau IV
récapitule les différentes valeurs de l’ETo, des coefficients culturaux Kc et
correctifs Kr et des besoins en eau annuels et durant la période d’irrigation.
Tableau IV : Valeurs annuelles et celles relatives à la période marsseptembre de l’ETo, des coefficients cultural Kc et correctif Kr et des
besoins en eau ETc d’une plantation d’oliviers âgés de cinq et six ans
dans la région de Mornag.
Année (âge de l'arbre)
2002 (5 ans)
2003 (6 ans)
ETo annuel (mm)
1227
1211
ETo (mm) mars-septembre
979
982
Kc
0.40
0.50
22
31
Kr
0.70
0.75
ETc annuel (mm) = ETo * Kc * Kr
344
454
ETc mars-septembre (mm)
274
368
Pourcentage de couverture du sol (%)
Bien que la valeur de l’évapotranspiration de référence n’a pas varié d’une
manière significative, les besoins en eau ont augmenté d’environ 25% à
l’échelle de l’année et pour la période mars-septembre. Ces augmentations
sont essentiellement dues à l’augmentation des coefficients Kc et Kr dont
les valeurs sont liées au développement important de la frondaison. En
effet, la surface couverte du sol par la végétation est passée de 22% en 2002
à 31% en 2003.
Les apports d’eau par irrigation ont été calculés de façon à satisfaire les
besoins tout en tenant compte de la pluie efficace. La pluie efficace est
calculée par la méthode de l'USDA SCS recommandée par la F.A.O.
(1976). L’intervalle maximal entre deux irrigations a varié de 30 à 40 jours.
Le tableau V présente les données relatives à la pluie et à l’irrigation durant
la période mars-septembre.
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Tableau V : Quantités de pluie et apports par irrigation durant la
période mars-septembre de la jeune plantation d’oliviers au
cours des années 2002 et 2003.
2002
2003
Pluie brute (mm)
159
346
Pluie efficace (Pe, mm)
110
239
ETc (mm)
274
368
4
7
Apport d’eau par irrigation (mm)
138
151
Apport d’eau total : Pe + I (mm)
248
390
(P+I) / ETc
0.91
1.06
Nombre d’irrigations
Les quantités d’eau réellement apportées par irrigation sont passées de
5.0 m3/arbre environ en 2002 à 5.4 m3 / arbre en 2003. Ils ont couvert et
dépassé légèrement les besoins en eau de l’olivette en raison de
l’interférence de la pluie. La figure 2 montre l’évolution des apports par
pluie efficace et par irrigation (Pe+I) et de l’évapotranspiration calculée
durant les deux années d’expérimentation. Il apparaît que les besoins ont
été globalement satisfaits avec un léger déficit à partir du mois de juin. Le
réservoir sol remplis par les précipitations hivernales est supposé en mesure
de contribuer à la satisfaction des besoins au début de la période estivale.
Fig. 2 : Evolution de l’évapotranspiration de l’olivier (ETc = ETo*Kc*Kr)
et des apports d’eau par pluie efficace et par irrigation (Pe +I) durant la
période septembre 2001-septembre 2003. Les oliviers sont âgés de
cinq ans (2002) et six ans (2003).
46
5. Production et développement végétatif
Afin de situer l'adéquation de la méthode de pilotage, la production et la
croissance de l'arbre ont été évaluées à travers des mesures sur l'arbre et au
niveau des rameaux. Le rendement de 12 arbres par variété (Manzanille,
Chétoui, Meski et Picholine) et l’efficience de l’utilisation de l’eau (EUE)
ont été déterminés et sont donnés au tableau VI. L’efficience est définie
comme étant la quantité d’olives produite par m3 d’eau consommé. La
consommation réelle de la culture est difficile à estimer, elle a été prise en
première approximation égale à la quantité d’eau apportée par irrigation et
par précipitation efficace.
Tableau VI : Rendements (t / ha ) et efficience d’utilisation de l’eau
(EUE, kg m-3) obtenus sur des oliviers âgés de cinq et six ans au cours
des années 2002 et 2003.
Variété
Manzanille
2002
Rendement Efficience
(t / ha)
(Kg / m3)
2.5
0.66
2003
Rendement Efficience
(t / ha)
(Kg / m3)
2.3
0.33
Chétoui
3.0
0.79
2.1
0.30
Meski
0.5
0.13
0.3
0.05
Picholine
2.3
0.61
3.0
0.43
Moyenne
I (mm)
Pe (mm)
Pe + I (mm)
2.1
0.55
1.9
0.28
138
238
376
151
546
697
L’efficience moyenne est passée de 0.55 kg d’olives par m3 d’eau apporté
en 2002 à 0.28 kg/m3 en 2003 probablement à cause d'une chute prématurée
des olives. En effet d'importantes quantités de pluies enregistrées au mois
de septembre 2003 ont provoqué l’engorgement du sol et la stagnation de
l’eau pendant une longue période ce qui a occasionné une forte chute des
olives. Malgré cette baisse, les rendements et les efficiences des variétés
Manzanille, Picholine et Chétoui semblent être conformes aux valeurs
habituelles observées au Nord et au Centre de la Tunisie (Vernet et al.,
1970 ; Bouaziz, 1990). Les faibles valeurs observées pour la variété Meski
ne sont pas dues à l'irrigation mais semblent plutôt liées à des problèmes de
pollinisation en l'absence dans la parcelle d'arbres de la variété
pollinisatrice « Besbessi ».
47
L’élongation annuelle des rameaux a été mesurée sur la variété Chétoui. La
valeur moyenne de 48 rameaux pris sur trois arbres est de 25.1 cm.
L’allongement estival mesuré entre début mai et début septembre
représente 50% du total annuel. Des valeurs comparables ont été rapportées
par Gouard (1975) sur la variété « Souri » cultivée à Hendi-Zitoun (région
de Kairouan) dont les rameaux s’allongent en moyenne de 22 cm / an. Chez
la variété Arbequina, Sole-Riera (1990) rapporte des valeurs moyennes
comprises entre 9.6 et 12.7 cm / an en fonction de la dose d’irrigation.
Le développement de l'arbre a été quantifié à travers la mesure de la
hauteur, la circonférence de la frondaison et le diamètre du tronc. Les
valeurs moyennes de ces paramètres obtenues sur 12 oliviers par variété
sont présentées dans le tableau VII.
Tableau VII : Hauteur, diamètre de la frondaison et du tronc des oliviers
âgés de 5 et 6 ans conduits en intensif dans la région de Mornag. 2002-2003
Age des arbres
5 ans
6 ans
Hauteur (cm)
460
490
Diamètre de la frondaison (cm)
318
374
Diamètre du tronc (cm)
12.9
15.8
Ces valeurs sont plus élevées que celles rapportées par Michelakis and
Vougioucalou (1988) et Deidda et al., (1990). Les valeurs obtenues pour
des oliviers Cv. Kalamon âgés de 6 ans et cultivés en intensif (5mX5m)
sous 750 mm dans la région de Chania, sont de 247 cm pour le diamètre de
la frondaison et de 284 cm pour la hauteur. Ces différences seraient liées au
cultivar et aux conditions de l’essai, notamment au mode de taille adopté.
Conclusion
Ce travail présente une méthode de pilotage de l'irrigation des plantations
intensives d’oliviers basée sur des estimations de l’évapotranspiration de la
culture et de la pluie efficace. L'application de cette méthode a été effectuée
dans la région de Mornag durant deux années consécutives sur une jeune
olivette irriguée.
Les résultats obtenus dans le bassin méditerranéen, en particulier en
Espagne et en Italie ont été utilisés pour adapter la méthode de calcul
standard aux conditions de jeunes oliviers conduits en intensif. L'adoption
d'un coefficient cultural (Kc) dépendant de l'âge et d'un coefficient de
correction (Kr) qui tient compte de la surface du sol réellement couverte par
la végétation ont permis de mieux se rapprocher des conditions réelles de ce
mode de conduite. L'evapotranspiration de référence (ETo) calculée par la
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méthode de Penman- Monteith et la pluie efficace calculée selon la
méthode de l'USDA SCS ont permis le calcul des quantités d'eau à
apporter. En l'absence de mesures climatiques locales, les valeurs
moyennes inter-annuelles de l'ETo peuvent être utilisées vu sa faible
variation inter-annuelle ; des moyennes sur 20 ans pour différentes régions
de la Tunisie sont données par Nasr (2002).
Le travail expérimental mené à Mornag a permis de vérifier l’applicabilité
de ces résultats dans le Nord de la Tunisie. La valeur du coefficient cultural
utilisé est de 0.4 et 0.5 respectivement pour les oliviers âgés de cinq ans et
six ans. Le pourcentage de couverture du sol est passé de 22% à 31% pour
la même période, ce qui donne des valeurs respectives du terme correctif Kr
de 0.7 et 0.75. Ainsi, l'évapotranspiration de l'olivette durant la période
mars-septembre à la 5ème et la 6ème année de culture ont été estimés
respectivement à 273 et 368 mm. Les quantités d'eau d'irrigation délivrées
sur la base de ces valeurs et de la pluie efficace ont permis de couvrir
globalement les besoins de la plantation malgré un léger déficit observé
durant le mois de juin. Les rendements obtenus ainsi que les accroissements
annuels de la biomasse sont en concordance avec les résultats obtenus en
Tunisie et dans le bassin Méditerranéen.
Remerciement
Les auteurs remercient Messieurs Mahmoud Lamine et Lotfi Othmani de la
station expérimentale de l'INAT pour leur collaboration technique.
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