dans la mondialisation
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dossier La France dans la mondialisation La culture, alliée de l’économie dans la mondialisation S Par Anne-Marie Descôtes Saint Exupéry 1994 Directrice générale Direction de la mondialisation, du développement et des partenariats Ministère des Affaires étrangères et du Développement international En conclusion de la Conférence des ambassadeurs, consacrée cette année à « la diplomatie globale », le ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Laurent Fabius, a rappelé que l’un de ses objectifs était le redressement économique de notre pays, en précisant que celui-ci doit être « aidé par tous les autres outils dont nous disposons pour notre rayonnement. Inversement, il constitue la meilleure contribution qui puisse être apportée à ce rayonnement. » 14 / octobre 2014 / n°445 ans ambiguïté, la culture est pour le ministère des Affaires étrangères et du Développement international « l’alliée de l’économie dans la mondialisation ». La politique culturelle qu’il mène, à travers son réseau à l’étranger, l’Institut français et les Alliances françaises, a pour finalité de contribuer à notre influence dans le monde, qu’elle soit linguistique, intellectuelle ou artistique, mais aussi politique ou économique. Diplomatie économique et diplomatie d’influence sont intrinsèquement liées et doivent être menées de concert. Sur la scène internationale, dans une mondialisation caractérisée par le déve loppement des échanges économiques et des moyens de communication élec tronique, la culture est un secteur de plus en plus convoité. Nombreux sont nos par tenaires, tout particulièrement parmi les pays émergents, qui développent leur propre réseau d’instituts culturels dans le monde, comme la Chine qui, en dix ans, a créé plus de 440 Instituts Confucius. D’autres pays, dans le Golfe notamment, font le pari de la culture comme vecteur d’influence et de développement économique, en investissant massivement dans les musées ou les médias. La promotion de notre culture Le ministère a lancé plusieurs chantiers visant à ce que notre diplomatie culturelle contribue à renforcer la place de nos entreprises sur les marchés mondiaux et l’attractivité de notre territoire. Des études récentes ont mis en exergue l’importance économique des industries culturelles et créatives (ICC) françaises : d’après le rapport sur « l’apport de la culture à l’économie en France », elles représentent 3,2%1 de notre Pib, soit environ 58 Md€ et 670 000 emplois dans les entreprises culturelles. Elles comptent en outre pour 5 % de nos exportations et leur balance commerciale est excédentaire de plus de 300 M€2. Dans le secteur du jeu vidéo, 50 à 70 % du chiffre d’affaires français est réalisé à l’export. Aussi le ministère a-t-il fait du soutien aux opérateurs professionnels à l’export, comme UnifranceFilms, TVFI (programmes télévisés), le Bureau export de la musique, etc., l’une de ses priorités : maintien d’un important réseau d’attachés spécialisés (culture, audiovisuel, etc.), préservation de ses soutiens financiers en dépit d’un contexte budgétaire contraint, appui à la création de « bureaux export » à l’étranger, etc. Notre expertise culturelle est également source de revenus. De nombreux partenaires nous sollicitent en vue de bénéficier de notre savoir-faire, en particulier dans le domaine muséal, comme en témoigne le projet emblématique du Louvre Abou Dhabi, qui ouvrira ses portes en décembre 2015. C’est également un secteur où nos entreprises innovent et constituent des références à l’étranger, notamment en matière de scénographie et de reproduction de sites classés (grotte Chauvet). Ces enjeux doivent être pleinement intégrés à la réforme que nous menons actuellement de nos opérateurs de l’expertise. La promotion de notre culture et de ses industries est d’autant plus pertinente sur le plan économique que ce secteur est prescripteur de modes de vie et de consommation, qu’il a un effet d’en traînement qui va bien au-delà de son seul poids économique : chacun sait ce que la puissance américaine doit à la magie d’Hollywood. La culture est également porteuse de l’image de notre pays, entre patrimoine (nos monuments, nos paysages, notre gastronomie) et modernité (la mode, la création artistique – « le pays des 40 000 festivals », etc.) et, ce faisant, un des principaux facteurs de notre attractivité. Nos médias internationaux, comme France 24, RFI, Monte-Carlo Doualiya ou TV5Monde, contribuent à forger – et à faire évoluer – cette image : ils sont pour nous des acteurs dossier essentiels de notre diplomatie économique et d’influence. Notre ressource culturelle s’impose ainsi comme un élément « structurel » de notre attractivité touristique. Si la France demeure la première destination au monde, avec 84,7 millions de visiteurs en 2013, 7 % de son Pib et 2 millions d’emplois, c’est en partie en raison de sa richesse patrimoniale et artistique : le Louvre et Versailles ont accueilli en 2013 respectivement 8,7 et 6,7 millions de visiteurs. Or, on estime qu’entre 2013 et 2030, les flux mondiaux de touristes devraient doubler, passant de 1 à 2 milliards. Fort de ses nouvelles compétences dans le domaine du tourisme, le ministère est pleinement engagé en faveur de sa promotion : notre politique culturelle extérieure s’attache désormais à mieux valoriser l’attractivité de notre territoire et soutenir le rayonnement international des grands établissements culturels français. Nous devons à cet égard nous appuyer sur ces rendez-vous importants que sont l’inauguration de la Fondation Louis Vuitton et de la Philharmonie de Paris et la réouverture du Musée Picasso. L’économie, alliée de la culture Ultime chantier : la langue française. Notre espace francophone peut être une source de croissance économique, comme le rappelle le récent rapport de Jacques Attali au président de la République « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable ». La vingtaine de pays dans lesquels le français est langue officielle ou est parlé par au moins 20 % de la population forme un ensemble économique de 480 millions d’habitants, représentant 6,5 % de la population mondiale et réalisant 12 % du commerce mondial. L’appartenance à cet espace francophone a pour effet, en abaissant les coûts de transaction, de stimuler le commerce : sur la période 1995-2006, les flux commerciaux entre deux pays de cet espace ont été plus importants de 22 % à ceux entre deux pays ayant des caractéristiques comparables mais n’y appartenant pas3. Afin d’exploiter ce gisement de croissance partagée, la France doit continuer à promouvoir la langue française et à appuyer ses partenaires africains dans la mise en place de systèmes éducatifs de qualité. Cette idée que la culture est l’alliée de l’économie est un principe que nous tentons de faire partager à nos partenaires, notamment dans les enceintes européennes et internationales, en mettant l’accent sur les liens entre culture, création d’emplois et développement. Mais il est important également de travailler plus étroitement avec le secteur économique en vue de contribuer à notre rayonnement culturel : l’économie est l’alliée de la culture, c’est aussi notre conviction. La croissance économique soutenue que connaissent les pays émergents depuis quelques années constitue une oppor tunité à saisir : elle se traduit en effet par l’émergence d’une demande de plus en plus forte de biens et services culturels. Notre réseau culturel à l’étranger et l’Institut français s’attachent ainsi aujourd’hui à mieux définir leurs publics cibles et à développer leur audience auprès des nou velles classes moyennes des pays émergents ou des jeunes. La fameuse « exception culturelle » Le recours au mécénat pour mener à bien notre diplomatie culturelle, dans un contexte budgétaire contraint, est de nos jours déterminant. L’Institut français propose ainsi chaque année aux mécènes potentiels plus de 2000 projets, événements majeurs de la scène culturelle internationale ou Saisons françaises à l’étranger ou étrangères en France. À cet égard, le dynamisme du Comité des mécènes constitué pour le cinquantenaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine témoigne de l’intérêt de nos entreprises pour notre offre culturelle, dès lors que celle-ci est de qualité. Le développement d’Internet et des nou veaux médias représente enfin un enjeu majeur pour la diffusion de notre culture. De manière générale, les industries culturelles ont pleinement intégré les technologies numériques, et les innovations de ces dernières années ont représenté un moteur de développement. Il importe toutefois que la création française, notamment dans les domaines audiovisuel et cinématographique, profite pleinement de cette révolution et de son effet d’entraînement sur la production. L’arrivée en France de Netflix, plateforme américaine de vidéos en ligne par abonnement, constitue à cet égard un défi tant pour les entreprises françaises de ces secteurs que pour nos systèmes de régulation, qu’il nous faut peut-être repenser, y compris dans une perspective européenne. L’exploitation des liens entre culture et économie ne doit toutefois pas conduire, comme l’a rappelé à juste titre Jérôme Clément, nouveau président de la Fondation Alliance française, lors de la Conférence des ambassadeurs, à une « marchandisation de la culture ». C’est pour cette raison que la France a fait le choix d’un modèle qui préserve la culture des seules lois du marché et milite, dans les instances européennes et internationales, pour que les États puissent conserver la possibilité de mener des politiques publiques de soutien à ce secteur, y compris dans l’environnement numérique. C’est la fameuse « exception culturelle », consacrée en 2005 par la convention de l’Unesco sur la diversité culturelle. Pour nous, « alliée de l’économie » ne veut pas dire otage. Soustraire la culture aux seules consi dérations mercantiles implique aussi que les pouvoirs publics puissent disposer de moyens budgétaires suffisants pour garantir la liberté de création et accompagner et promouvoir la diversité des expressions artistiques. Or, c’est en exploitant pleinement le lien entre culture et économie que nous parviendrons à préserver une politique publique ambitieuse, dotée de moyens à la hauteur de notre formidable potentiel et de la richesse de notre patrimoine culturel. Et c’est en affirmant ce qui fait l’une des spécificités de notre identité culturelle, la valeur intrinsèque et la résonnance dans le monde de notre culture – sa créativité, son ouverture à l’autre, son impertinence, son « penser autrement » – que l’image et l’influence de notre pays seront les plus fortes, les mieux à même de contribuer durablement à notre attractivité et à notre dynamisme. ■ 1 - L’apport de la culture à l’économie en France, IGF-IGAC, décembre 2013. 2 - Chiffres clés 2013 Commerce extérieur – statistiques de la culture. 3 - « Le poids économique de la langue française dans le monde » – Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) - 4 décembre 2012. / octobre 2014 / n°445 15