DISCOURS M. BOURREL REMISE DIPLOMES PROMOTION 2015

Transcription

DISCOURS M. BOURREL REMISE DIPLOMES PROMOTION 2015
DISCOURS REMISE DIPLOMES PROMOTION 2015 UPPA
Vendredi 13 mai 2016
Maurice BOURREL
Mesdames et messieurs, chers filleuls, bonjour.
Lorsque j’ai été sollicité pour parrainer cette cérémonie, je me suis
évidemment senti très honoré et j’ai immédiatement accepté.
Puis je me suis demandé : mais qu’est-ce qu’on attend de moi ?
Etre parrain, ça consiste en quoi ?
Je suis donc allé consulter l’encyclopédie, et j’ai trouvé les définitions
et fonctions suivantes :
Parrain :
• Chef de famille mafieuse…
• Personne de sexe masculin qui joue le responsable spirituel…
• Dans un contexte religieux, un parrain est une personne qui
s’engage à soutenir son filleul dans sa vie chrétienne, à l’aider à
grandir dans sa foi…
• Personne qui tient un enfant au baptême…
Comme vous êtes près de 90, dont beaucoup de constitution fort
robuste, je préfère ne pas retenir cette fonction du parrain. Ni aucune
autre de celles qui précèdent d’ailleurs !
Alors ? Que reste-t-il ? Eh bien la fonction discours ! Le parrain est celui
qui fait un discours.
Oui mais : un discours pour quoi dire à une assemblée de jeunes
docteurs venant en plus de disciplines très différentes ?
Et puis d’ailleurs, pourquoi moi ?
Page 1 sur 5
Là, je pense avoir un embryon de réponse : sans doute parce que,
comme il vient d’être dit, je suis un ancien de la maison… Peut-être
aussi parce que, fraichement embauché chez Total, la SNPA à
l’époque, je me suis appuyé sur les laboratoires de la Faculté des
Sciences, précisément sur celui de Jean Lachaise et Alain Graciaa, pour
m’aider à défricher le sujet de recherche qui m’était confié. Cette
collaboration s’est depuis largement développée, et Total est devenu
un partenaire important de l’UPPA, évidemment surtout dans le
domaine des sciences exactes.
Mais la raison essentielle qui fait que je me retrouve devant vous
aujourd’hui est très certainement le nombre d’années écoulées depuis
cette époque, et qui fait que je suis censé avoir acquis de l’Expérience,
avec un grand E bien sûr.
L’Expérience ! Nous y voilà ! L’Expérience, dont je suppose qu’on
attend que je vous la fasse partager. Ou du moins que je m’en serve
pour vous distiller quelques conseils qui vous serviraient comme
autant de lucioles indiquant la bonne direction tout au long de votre
carrière…
Et c’est là que surgit le problème : il se trouve que j’ai maintes fois
expérimenté cette vérité d’évidence : l’Expérience des uns est de très
peu d’utilité pour les autres !
C’est en s’approchant soi-même du feu que l’on peut intimement se
convaincre qu’il brûle. Comment apprécier le risque si l’on n’en a pas
soi-même pris la mesure ?
Du coup, je suis allé voir ce qu’en pensaient les philosophes. Leur
définition de l’Expérience est claire : connaissance ou savoir-faire
acquis par la pratique, hors d’un enseignement théorique.
Autrement dit : l’Expérience m’apprend quelque chose, mais elle ne
l’apprend qu’à moi seul, et encore faut-il avoir la volonté de retenir
l’enseignement. Ce que l’Expérience m’apprend, je ne peux le
transmettre à d’autres…
Ce point de vue était admirablement résumé par ma mère, qui me
disait :
« C’est en forgeant qu’on devient forgeron ! ».
Page 2 sur 5
Elle tenait ça de ses parents, qui eux-mêmes le tenaient de leurs
parents, qui eux-mêmes etc., etc. qui eux-mêmes le tenaient
d’Aristote !
C’est dire la pertinence de cette observation, puisqu’elle lui a fait
traverser les siècles !
Pourtant, même si j’ai renoncé à l’ambition de transmettre mon
expérience, il y a un ou autre message que j’aimerais tenter de passer.
Si l’expérience des uns est de peu d’utilité pour les autres, il ne faut en
revanche jamais se lasser de partager son savoir, de communiquer ses
connaissances, ses découvertes.
Personnellement, je pense d’ailleurs que cette règle a une portée toutà-fait générale…
Mais pour ceux d’entre vous qui se destinent à la recherche,
éventuellement couplée à l’enseignement, elle est impérative ! Audelà de la dimension humaine, c’est l’efficacité qui le commande. Le
travail en équipe est la seule réponse au déferlement d’informations
qui nous arrivent de toute part, quelle que soit la discipline. Je ne vous
apprends sans doute rien : c’est certainement quelque chose que vous
avez eu l’occasion de vérifier dans votre parcours de doctorant. Je
tenais quand même à insister : le partage des idées et leur
confrontation sont essentiels.
J’ai eu un patron qui racontait que, jeune chercheur, il était allé se
plaindre auprès du directeur du laboratoire : il avait un problème avec
un collègue qui lui avait pris son idée. Il s’entendit répondre : « le
problème, ça serait que vous n’ayiez que celle-là ! »
Page 3 sur 5
Une autre question qu’il peut être intéressant d’aborder est celle de
l’utilité de faire une thèse.
Vous avez bien sûr vos réponses à cette question, puisque vous ne
vous êtes pas retrouvés un beau jour en train de préparer un doctorat
par hasard ! Mais j’ai eu l’occasion de faire quelques observations
pendant toutes ces années, et je suis sûr que vous brûlez d’envie que
je vous en fasse part…
3 années de thèse signifient 3 années passées en recherche, à se
questionner, à douter, à se remettre en cause, et je suis
profondément convaincu que la recherche est une excellente école
de rigueur et d’humilité. On apprend à s’incliner devant les résultats,
même s’ils nous sont défavorables, et donc à accepter la réalité pour
ce qu’elle est, et non pour ce qu’on voudrait qu’elle soit. C’est
évident pour les disciplines scientifiques dites exactes, mais je ne
doute pas qu’il existe des mécanismes semblables dans les autres
disciplines.
J’ai dit humilité, j’ai dit rigueur… c’est un peu tiré par les cheveux, mais
je cherchais un prétexte pour vous raconter l’histoire des moutons de
Dirac, que les scientifiques connaissent certainement. Je m’adresse
donc plutôt aux docteurs en sciences sociales, pour tenter de les
distraire un peu. Il y a moins de chances qu’ils la connaissent.
Le grand savant Paul Dirac, citoyen anglais et du genre taiseux,
voyageait dans un train avec un autre grand savant, Autrichien celuilà, Wolfgang Pauli. Dirac restait silencieux, perdu dans ses pensées.
Alors que le train traverse la campagne, Pauli cherche à engager la
conversation : « Regardez, Dirac, on dirait que ces moutons ont été
fraichement tondus ». Dirac regarde par la fenêtre, réfléchit un
moment et dit : « Oui. Au moins de ce côté. ».
On a beaucoup discuté par la suite sur la probabilité que les moutons
n’aient eu qu’un seul côté tondu… Moi, j’observe seulement que Dirac
était Anglais, et qu’il était bien placé pour savoir qu’en Angleterre…
Page 4 sur 5
Mais je m’égare ! Revenons aux 3 années de thèse, 3 années de
maturation, d’acquisition…. d’Expérience.
Chez Total, en recherche, nous n’embauchons en principe que des
docteurs. Quand exceptionnellement, il nous est arrivé de recruter un
non-docteur, même sortant d’une école renommée, j’ai observé que
son temps d’adaptation à son poste de chercheur se trouvait
significativement allongé par rapport à un docteur.
Un autre bénéfice du diplôme de docteur, que j’ai pu éprouver de
façon personnelle, est qu’il gomme pour une part, vis-à-vis des
employeurs, la différence qui existe dans leur esprit entre les étudiants
issus des écoles d’ingénieurs et ceux issus de l’Université. C’est
particulièrement vrai si l’on peut valoriser directement les
connaissances acquises pendant la thèse. Et, bien entendu, ces 3
années fournissent l’opportunité de se faire apprécier par les
correspondants industriels, employeurs potentiels.
En conclusion : vous avez décidé de devenir docteurs : vous avez fait
le bon choix. Quel que soit le parcours professionnel que vous suivrez,
je suis certain que vous ne le regretterez pas.
Pour terminer : d’abord un petit mot d’excuse à l’attention des
docteurs en sciences sociales et humanités. Malgré mes efforts, mon
discours était un peu orienté scientifique. Mais sachez que je vous
considère tous comme mes neveux, strictement à égalité !
Ensuite mes remerciements aux responsables de la cérémonie,
particulièrement à Madame CHROSTOWSKA, pour m’avoir donné
l’occasion de rencontrer toute cette brillante jeunesse !
Et enfin, toutes mes félicitations à vous, jeunes docteurs, et surtout
tous mes vœux de réussite d’abord dans votre recherche d’emploi et
ensuite dans votre carrière.
Merci.
Page 5 sur 5

Documents pareils