l`harmonisation des successions transfrontalieres dans l`union
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l`harmonisation des successions transfrontalieres dans l`union
MBA Ingénierie et gestion de patrimoine ROUET Ophélie L’HARMONISATION DES SUCCESSIONS TRANSFRONTALIERES DANS L’UNION EUROPEENNE Mémoire présenté à l’épreuve professionnelle de soutenance du diplôme visé de 2014 Remerciements Je souhaite remercier tout d’abord M. Alain SISSA, mon tuteur de stage, et son fils, gestionnaires de patrimoine. Ils m’ont permis de découvrir le métier de gestionnaire de patrimoine au sein de leur cabinet et de leur aide pour l’élaboration de ce mémoire. Je souhaite également remercier mon tuteur de mémoire, Monsieur Girardet. Je voudrais remercier M. LANGLUME, directeur de l’ESA, pour son soutien et ses conseils tout au long de ces deux années scolaires. Enfin, je désire remercier toutes les personnes qui m’ont aidé lors de l’élaboration de ce mémoire, pour leur relecture attentive et leur soutien. 2 The progressive construction of European Union is aiming to harmonise civil and tax regulations in various fields including inheritance law. Free movement of capital and persons faces challenges due to the disparity between national legislations. We can therefore question whether the European Union will truly succeed in harmonising inheritance law across its States. The French and Belgian civil and tax system constitute a perfect example of such challenges. The Belgian and French civil systems are quite similar whereas tax differences in particular with regard to the definition of a tax resident and the applicable scheme. This situation leads to conflicts and inconsistencies in the field oh inheritance law. The jurisprudence of the Court of Justice of the European Union is seeking to penalise in which domestic rules discriminate EU nationals. Furthermore, the several La Hague conventions started harmonising civil law. The Washington Convention also contributed to these harmonisation efforts by creating an international will. Double taxation treaties between Member States also played their part in this process. In addition, the implementation of the Regulation n°650/2012 will consolidate existing inheritance law. Finally, the European Network of Registers of Wills Association facilitates the exchange of information between Member States. The main issues still relate to the different definitions of tax resident across Member States’ and the discriminatory tax treatment of non-residents. Efforts made by the European Parliament and other European institutions, although substantial, are at the moment insufficient to solve this issue. This observation emphasises the fact that the harmonisation of inheritance law’s harmonization is a lengthy process. 3 La construction européenne a commencé à la fin de la 2ème guerre mondiale à la suite du discours de Robert Schumann, un des pères fondateurs de l’Europe, avec la rédaction du traité sur la communauté européenne de charbon et d’acier conclu entre la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Allemagne de l’Ouest et l’Italie. C’est en 1957 que le traité de Rome est signé, c’est un des actes fondateurs de l’Union Européenne (UE). Mais ce n’est qu’en 1993, lors de la signature du traité de Maastricht que l’Union Européenne proprement dite est créée, la Communauté Economique Européenne (CEE) devient la Communauté Européenne (CE). Elle obtient la personnalité juridique. Aujourd’hui, elle est composée de 28 membres. L’Union Européenne a son propre mode de décision et ses propres institutions. Ces différentes institutions ont chacune un pouvoir défini. Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement Européen et le Conseil de l’Union Européenne, aussi appelé le Conseil des ministres. Le pouvoir exécutif est exercé par le Conseil Européen qui rassemble les chefs d’Etat et les présidents des pays membres et par la Commission Européenne, un rouage indispensable dans son fonctionnement. Enfin, le pouvoir judiciaire est exécuté par la Cour de Justice de l’Union Européenne, garante du respect de la législation et créatrice du droit européen. Le droit communautaire, peu connu du grand public, est important puisqu’il régit les droits et les devoirs des Etats membres et de leurs citoyens. Il prime sur les lois internes de chaque pays. Le but de l’Union Européenne est de mettre en place une économie et une politique commune ainsi que des règles communes aux pays qui la composent afin de pouvoir rivaliser sur le marché mondial contre de grandes puissances comme la Chine ou les Etats-Unis. Tout au long de sa création, les pays membres lui ont transféré certains de leurs pouvoirs comme l’union douanière ou encore l’établissement des règles de concurrence nécessaire au fonctionnement du marché intérieur. L’Union Européenne tend à une harmonisation des règles communes aussi bien fiscales que civiles dans de nombreux domaines dont celui de la succession. Le paiement des successions représente des revenus pour les Etats. Si ces droits de succession étaient supprimés, il faudrait les remplacer par un autre impôt. En plus de cet enjeu financier, l’enjeu économique est important des successions au sein des Etats. 4 En considérant les disparités civiles et fiscales en matière de successions et de donations dans les pays membres de l’UE, on peut se demander dans quelle mesure l’Europe arrivera à mettre en œuvre une harmonisation du droit des successions pour tous les Etats membres. Afin de répondre à cette question, je comparerai le droit des successions, tant la partie civile que fiscale, entre deux pays membres, la France et la Belgique, pour mieux comprendre les conséquences d’une harmonisation sur les Etats membres. Puis, j’exposerai les raisons qui ont poussé les institutions de l’Union Européenne à mettre en place des actions d’harmonisation. 5 Sommaire I/ Les enjeux fiscaux et civils dans l’Union Européenne : comparaison entre deux pays membres, la France et la Belgique........................................................................................................................... 7 A/ Les enjeux civils ......................................................................................................................... 7 1/ La place du conjoint survivant ............................................................................................. 8 2/ Les enfants .......................................................................................................................... 12 3/ Les non-résidents ................................................................................................................ 15 B/ Les enjeux fiscaux .................................................................................................................... 16 1/ Le conjoint survivant .......................................................................................................... 18 2/ Les Descendants ................................................................................................................. 22 3/ Spécificités en Belgique ..................................................................................................... 26 4/ Quelques données statistiques ............................................................................................ 28 II/ L’harmonisation européenne en mouvement : du testament international au règlement des successions transfrontalières ............................................................................................................. 32 A/ Les problèmes de successions transfrontalières : Différentes jurisprudences .......................... 32 1/ La première jurisprudence : affaire C-364/01 Barbier c/ Pays-Bas ................................... 32 2/ La dernière jurisprudence : affaire c-181/12 Welte c/ Allemagne ..................................... 36 B/ Les solutions existantes et à venir ............................................................................................ 39 1/ Les solutions existantes ...................................................................................................... 39 2/ Réflexion sur de nouvelles solutions .................................................................................. 44 Lexique.............................................................................................................................................. 52 Bibliographie ..................................................................................................................................... 55 6 I/ Les enjeux fiscaux et civils dans l’Union Européenne : comparaison entre deux pays membres, la France et la Belgique J’ai choisi de comparer la Franc et la Belgique. En effet, récemment la Belgique est devenue le pays de prédilections de l’exil fiscal. Je me suis donc demandée en quoi la Belgique était plus avantageuse au niveau fiscal et civil que la France. En matière civile et fiscale, dans ces deux pays, les successions sont régies par le Code Civil. En Belgique comme en France, la dévolution légale 1 est la référence en matière de succession. La dévolution testamentaire vient complétée les principes de droit. A/ Les enjeux civils En France comme en Belgique, pour savoir qui est successible, on détermine l’ordre et le degré. 2 L’ordre est un groupe de personnes habilitées à hériter . Le degré est le nombre de génération qui sépare le défunt et les membres de la famille. Dans certains cas, lorsqu’il n’existe aucun enfant, aucun conjoint ni frère et sœur pour succéder, il faut appliquer le mécanisme de la fente entre les ascendants. On nomme fente le partage des biens du défunt entre les deux parties de sa famille, branche paternelle et branche maternelle à parts égales. La succession est établie selon l’ordre et le degré à l’intérieur de chaque branche. Afin de mieux comprendre les différences qui existent entre le système légal en France et en Belgique, voici deux graphiques synthétisant la répartition des successions dans ces deux pays. En France, la répartition correspond à une succession avec un seul enfant et dans laquelle le conjoint survivant opte pour le quart de la succession en pleine propriété comme nous le verrons ciaprès. 1 La dévolution légale a pour vocation d’aménager la succession légale sans testament. Elle organise la succession du patrimoine en définissant qui hérite et dans quelle proportion. 2 Cf. annexe I 7 En Belgique, la répartition correspond également à une succession avec un seul enfant et un conjoint survivant selon la dévolution légale. Répartition de la succession en France Descendant 25% 50% 25% Répartition de la succession en Belgique 100% nuepropriét é 100% usufruit Conjoint Conjoint Quotité disponible Descendant 1/ La place du conjoint survivant a/ En Belgique En Belgique, le conjoint survivant est l’époux demeurant mais aussi le cohabitant légal. La cohabitation légale est la "situation de vie commune de deux personnes ayant fait une déclaration" au sens de l'article 1476 du Code Civil. La loi a choisi la définition la plus large possible pour la cohabitation légale: le sexe des partenaires, leurs tendances sexuelles, ou les liens de parenté les unissant n'ont aucune incidence. La loi prévoit une réglementation minimale de la cohabitation légale. Elle précise simplement que deux personnes majeures qui ne sont pas liées par le mariage ou par une autre cohabitation légale peuvent se faire reconnaître comme cohabitant. Il n'existe donc aucune condition de différence de sexes, ni d'absence de lien de parenté. Ainsi, un frère et une sœur, un couple non marié, ou un couple d’homosexuels peuvent effectuer la déclaration de cohabitation légale. Le cohabitant légal a des droits sur la succession à conditions de rédiger un testament lorsque celuici n’est pas un descendant du défunt. S’il n’existe pas de descendants ni d’ascendants, les cohabitants légaux peuvent se léguer mutuellement tous leurs biens. 8 Le conjoint survivant occupe une place spécifique en matière de succession. Il vient conjointement avec les enfants à la succession. Ses droits sont régis par l’article 745 bis du Code Civil. Celui-ci stipule qu’en présence des descendants ou d’ascendants, le conjoint survivant reçoit l’usufruit 3 de la totalité de la succession. De plus, il lui est réservé l’usufruit de la résidence principale 4 dans tous les cas. Il peut convertir l’usufruit de la résidence principale en somme d’argent mais seulement à sa demande expresse. Lorsque le défunt ne laisse que des héritiers, autres que les descendants et les ascendants, jusqu’au 4ème degré (cousins, cousines, oncles, tantes), le conjoint survivant reçoit également la totalité de la succession en usufruit. Si aucun successible jusqu’au 4ème degré n’existe au moment du décès, l’époux survivant reçoit la totalité de la succession. Néanmoins, si les époux étaient mariés sous un régime communautaire, le conjoint survivant ne recevra que la moitié de la succession en pleine propriété ainsi que la totalité du patrimoine commun. Selon la dévolution testamentaire, les époux peuvent mettre en place une donation entre eux. Cette donation est spécifique aux contrats de mariage. Elle peut être faite en même temps que le contrat de mariage ou hors du contrat. Si elle a été faite dans le contrat, elle est révocable d’un commun accord des époux. Si elle a été faite hors du contrat de mariage, elle est révocable unilatéralement. Cette donation va permettre aux époux de se protéger mutuellement en donnant tout ou partie des biens en respectant la part des enfants, bien sûr. La donation entre époux est automatiquement révoquée en cas de divorce des époux. Si le défunt avait effectué des testaments ou legs, le conjoint survivant garde ses droits. Si sa part n’a pas été respectée, l’usufruit de la succession vient se superposer sur les biens qui ont été donnés. Le donataire deviendra nu-propriétaire des biens qu’il a reçus. 3 Cf. lexique 4 Cf. lexique 9 b/ En France En France, le système de la dévolution légale est similaire à celui de la Belgique à quelques exceptions. C’est la loi de 2007 qui a réformé les droits du conjoint survivant. Le partenaire enregistré ne bénéficie pas des mêmes droits que le conjoint survivant. Cependant, il peut être amené à hériter en cas d’établissement d’un testament. Le conjoint survivant a trois droits spécifiques qui le protègent de l’expropriation du logement qui constitue la résidence principale : le droit temporaire au logement ; le droit viager sur le logement et le mobilier ; et le droit préférentiel sur le logement. Le droit temporaire au logement se caractérise par la jouissance gratuite du logement et des meubles pendant 12 mois, même en cas de remariage. Ce droit est un droit d'ordre public qui découle des effets du mariage et non de la succession. En conséquence, si le logement est légué, le légataire doit laisser le conjoint dans les lieux pendant un an maximum. Si le conjoint survivant renonce à la succession, il garde son droit sur le logement. Ce droit temporaire n'a pas de valeur patrimoniale et donc ne peut pas être déduit des droits à succession du conjoint survivant. Le partenaire pacsé bénéficie aussi de ce droit. A la suite du droit temporaire, le conjoint survivant peut demander à bénéficier du droit viager 5 sur le logement et le mobilier. Le conjoint survivant doit être acceptant de la succession. La valeur de ce droit s'impute dans ses droits à la succession. Si ces droits sont en usufruit 6, les droits d'usufruit absorbent le droit viager. Si ces droits sont en pleine propriété 7 et que la valeur du droit viager est supérieure, il ne doit pas récompense ou indemnité à la succession. La valeur du droit viager au logement est égale forfaitairement à 60% de celle de l'usufruit. Ce droit n'est pas d'ordre public donc le défunt peut en priver son 5 Cf. Lexique 6 Cf. Lexique 7 Cf. Lexique 10 conjoint par testament authentique uniquement. Ce droit viager peut être converti en rente viagère. Le conjoint a un droit préférentiel sur le logement dès lors qu'il hérite d'une quote-part de la succession en pleine propriété. Le partenaire pacsé peut y avoir droit dès lors qu'un testament le prévoit. En l’absence d’ascendants privilégiés ou de descendants, le conjoint survivant hérite de l’intégralité de la succession. Toutefois, il n'aura aucun droit sur la moitié des biens (se trouvant dans le patrimoine au décès) reçus par le défunt de tous ses ascendants privilégiés ou non qui reviennent à ses frères et sœurs ou à leurs descendants à condition que les ascendants soient les mêmes que ceux des frères et sœurs. Il est à noter que lorsque le conjoint a un droit sur la succession, les ascendants ordinaires dans le besoin ont une créance alimentaire contre la succession. C’est le mécanisme de la fente. En présence d’enfants conjoints, le conjoint survivant a deux choix qui s’offrent à lui. Il peut opter pour la totalité de la succession en usufruit ou un quart en pleine propriété. Cependant en présence d’enfants d’un autre mariage, le conjoint survivant n’a le droit qu’au quart de la succession en pleine propriété. L'usufruit porte sur les biens existants au moment du décès desquels on déduit les biens légués par testament. Tant que le partage n'est pas réalisé, l'usufruit peut être converti en rente viagère à la demande du conjoint ou des enfants. Dans ce cas, les enfants récupèrent la pleine propriété de la succession. L'usufruit peut également être converti en capital si le conjoint et les enfants sont d'accords. Si le défunt avait fait des libéralités 8, il faut alors recalculer le montant de la pleine propriété qui revient au conjoint survivant en tenant comptes des libéralités antérieures qui auraient fait parties du quart de la succession en pleine propriété du conjoint survivant. Il existe également la quotité disponible 9 spéciale entre époux. En présence d'enfants et si le conjoint est ou a été le bénéficiaire d'une libéralité, la quotité disponible est plus large que la quotité 8 Cf. Lexique 11 disponible ordinaire car le conjoint survivant peut bénéficier de l'usufruit de la réserve héréditaire 10. Le défunt peut ainsi choisir de disposer au profit de son conjoint une des quotités suivantes : la pleine propriété de la quotité disponible ordinaire le 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit de la succession de la totalité de la succession en usufruit Ce choix a une incidence sur la réserve des enfants. Selon le choix du conjoint survivant, la réserve héréditaire des enfants est alors réduite ou transformée. 2/ Les enfants a/ En Belgique Le droit belge reconnaît tous les enfants naturels y compris les adultérins comme héritiers. Le défunt peut librement disposer de ses biens par le biais de dispositions. Cependant, selon le droit des successions belge, il ne peut déshériter sa famille. Il existe pour cela la réserve héréditaire. Elle permet de remédier à de telles situations, en garantissant à chaque héritier légal du premier et du deuxième ordre un droit pécuniaire contre l’héritier testamentaire et ce même si le défunt a déshérité son héritier légal de façon partielle ou totale. La réserve héréditaire dépend du nombre d’enfants. Elle est égale à la moitié de la succession si le défunt laisse un enfant. Elle est de deux tiers lorsque le défunt laisse deux enfants. Elle sera de trois quart si le défunt laisse trois enfants et plus. En cas de libéralités faites par le défunt, la réserve héréditaire peut ne pas avoir été respectée. Dans ce cas le mécanisme de la réduction des libéralités excessive intervient. Ce sont les héritiers qui doivent la demander. Dans ce cas, les libéralités déjà effectuées seront réduites pour venir compléter la part manquante de chaque héritier. 9 Cf. Lexique Cf. Lexique 10 12 De plus, au moment du partage, certain enfant peuvent avoir reçu des donations antérieures. Si la part de chacun n’est pas respectée, le rapport interviendra. Le mécanisme du rapport permet d’assurer un partage égalitaire entre les héritiers. La loi stipule que le rapport doit se faire en nature. Néanmoins, il se peut qu’une donation concerne un bien immeuble 11. Dans ce cas, l’immeuble est rapporté à la succession sans tenir compte de la donation. Si l’immeuble vaut plus qu’à la donation, l’héritier concerné recevra une indemnité. Dans le cas contraire, la somme reçue sera moindre. L’héritier succède au défunt de plein droit. Ce qui signifie qu’il doit répondre des dettes du défunt (article 724 du Code Civil). L’héritier en est responsable non seulement sur le patrimoine hérité. L’héritier peut cependant limiter cette responsabilité. Il peut accepter la succession sous bénéfice d’inventaire (articles 793 et suivants du Code Civil). C’est-à-dire accepté la succession à hauteur des dettes de celle-ci. L’actif successoral reste alors la seule garantie des créanciers successoraux (article 802 du Code Civil). Si l’héritier ne veut pas hériter, il peut renoncer à la succession purement et simplement (article 784 et suivants du Code Civil). En présence de plusieurs successibles, et souvent d’un conjoint, les héritiers n’ont pas l’obligation de partager la succession. Au moment de l'ouverture de la succession, les héritiers sont copropriétaires de tous les biens de la succession. Par le partage, ils deviennent seuls propriétaires de certains biens du défunt. Les héritiers n'ont pas l'obligation de partager les biens. Ils peuvent même s'engager à ne pas demander le partage, en signant entre eux une convention d'indivision. De même, ils peuvent ne partager qu'une partie des biens de la succession : le partage peut être partiel. Si tous les héritiers sont majeurs, ils peuvent se partager les biens du défunt comme ils le souhaitent. Il n'y a aucune procédure particulière pour un partage amiable. Le partage immobilier doit se faire par acte notarié puisqu'il doit être transcrit à la conservation des hypothèques. Par contre, si les héritiers ne s'entendent pas, l'un d'entre eux peut lancer la procédure du partage judiciaire. 11 Un bien immeuble est bien qui ne peut être déplacé (terrain, maison, …) 13 La procédure de partage judiciaire ne s'opère pas par un tribunal, mais bien par un notaire qu'il aura désigné. Le rôle du tribunal sera alors de garantir la bonne exécution du partage. b/ En France Les enfants ne peuvent pas être déshérités par leurs parents. Il leur revient obligatoirement la réserve héréditaire. Celle-ci est calculée en fonction du nombre d’enfants et ce de la même manière qu’en Belgique. Si le défunt n’avait qu’un enfant, elle sera de la moitié de la succession. En présence de deux enfants, elle représente deux tiers de la succession. Pour trois enfants ou plus, la réserve légale sera de trois quarts de la succession. Ce n'est qu'au décès que l'on peut apprécier si le défunt a respecté la réserve. Pour apprécier si une libéralité peut conserver son intégralité, il faut chiffrer la valeur de la réserve lors du règlement de la succession. Si les libéralités déjà effectuées par le de cujus 12 empiètent sur la réserve, il faut imputer ces mêmes libéralités pour que le droit des héritiers réservataires soit rempli. La masse de calcul est composée des biens existants au décès évalués au jour du décès en ce compris les legs et éventuelles donations entre époux déduction faite des dettes du défunt. On réunit alors fictivement tous les biens donnés pour leur valeur au jour du décès en fonction de leur état au jour de la donation, comme pour le rapport, quel que soit les bénéficiaires, la nature de la donation ou sa forme. Mais les héritiers sont également protégés entre eux par le mécanisme appelé rapport successoral qui assure l'égalité entre héritiers. Tout héritier, qu'il soit réservataire ou non, venant à la succession doit y rapporter les biens qui lui ont été donnés par le défunt. La loi présume que le défunt souhaite l'équité entre ses successibles. La donation ne serait donc qu'une avance dans la succession. L'héritier dont la réserve est entamée par une libéralité consentie à une autre personne peut exercer une action en réduction. Dans cette situation, la libéralité dépasse la quotité disponible et empiète donc sur la réserve légale. La libéralité est alors réduite de telle sorte que la réserve soit reconstituée. 12 Cf. lexique 14 Un successible qui renonce à la succession n'a pas à rapporter la donation antérieure sauf si cela est stipulé dans l'acte de donation. Le rapport se fait au moment du partage. Le bénéficiaire de la libéralité met dans la masse à partager la valeur du bien. Le bien est rapporté pour sa valeur au moment du partage d'après son état à l'époque de la donation. Il sera donc attribué à l'héritier donataire ou légataire le montant de l'indemnité augmentée d'autres biens dépendants de la succession pour compléter ses droits s'il y a lieu. Si l'indemnité est supérieure à ses droits, il y aura réduction de la libéralité. On impute les libéralités dans l’ordre suivant : les donations puis les legs et enfin les donations au dernier vivant. 3/ Les non-résidents J’ai choisi de traiter dans cette troisième sous-partie le cas des non-résidents afin d’éclairer la situation des exilés fiscaux et de comprendre cet exil. Il existe une convention franco-belge régissant les droits fiscaux des successions sur laquelle je reviendrais dans une partie ultérieure. a/ En Belgique Il faut faire la distinction entre résident belge et une personne ayant la nationalité belge. L'habitant belge est, d'après le Code des Impôts sur le Revenu (CIR), celui qui, au moment de son décès, demeurait en Belgique, qui y avait son habitation réelle et effective, mais aussi celui qui y avait établi le siège de sa fortune (art. 2 du CIR). La nationalité du défunt n'a aucune importance, tout comme les raisons pour lesquelles le défunt de nationalité étrangère s'est installé en Belgique. Un réfugié politique d'Asie ou un immigré d'Afrique du Nord seront considérés comme habitants belge. Par contre, un pensionné belge qui s'est installé définitivement à la Costa Brava n'aura plus cette qualité. Il ne faut pas confondre un résident en Belgique avec un étranger qui s'installe temporairement dans le pays. Pour l'administration de l'Enregistrement, la notion d'habitant belge est la même que pour l'administration des impôts sur les revenus. 15 Du point de vue civil, les formalités à effectuer sont les mêmes que pour la succession d'un habitant du royaume, et elles dépendront du lien de parenté existant entre le défunt et les héritiers, ainsi que du mode de dévolution de succession 13. b/ En France Le traitement fiscal et le lieu d'imposition vont dépendre de l'existence ou non d'une convention fiscale entre le pays de résidence et la France en matière de succession. La France a signé une quarantaine de conventions fiscales en matière de successions. Si la personne décédée possédait des biens situés sur le territoire français et sous réserve des conventions internationales, les biens situés sur celui-ci y seront imposables à l'impôt sur les successions. Si l'un des héritiers est résident de France au moment du décès et a été domicilié en France pendant au moins 6 ans au cours des 10 dernières années précédant le décès (art. 750 ter du Code Général des Impôts (CGI)), il est imposable sur les biens successoraux situés aussi bien en France que hors de France. Cette disposition est applicable sous réserve des conventions internationales. Concernant les héritiers possédant la nationalité française ou celle d'un Etat membre de l'Union Européenne ou ressortissants d'un Etat avec lequel existe un accord de réciprocité (clause de nondiscrimination ou d'égalité de traitement), les abattements et réductions sont les mêmes que pour les résidents de France selon leur degré de parenté. B/ Les enjeux fiscaux En France, la fiscalité des successions est beaucoup plus simple que la succession civile. La législation fiscale a été modifiée en 2007 par la loi TEPA 14. 13 Dévolution de succession : succession d'un membre de la famille, sans testament, ou succession testamentaire 14 Loi TEPA : Loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007 16 L’actif successoral net est composé de tous les biens pour leur valeur vénale au jour du décès diminués des dettes éventuelles grevées sur ces biens auquel on rajoute les frais funéraires (forfait de 1500€). Les droits de succession se calculent par tranches sur la part recueillie par chaque héritier ou légataire. Le barème appliqué change selon la ligne d’héritier dans laquelle se trouve le successible. Plus la part est élevée et plus le lien avec le défunt est lointain, plus les droits seront élevés. En Belgique, le pays est découpé en trois Régions : Bruxelles, la Wallonie et la Flandre. Les droits de succession acquittés différent suivant le dernier domicile du défunt, c’est-à-dire là où il a vécu le plus lors des cinq dernières années. Contrairement à la France, en Belgique les contrats d’assurance-vie rentrent dans la masse successorale. Tous les biens du défunt, éventuellement s’il était marié la moitié de la communauté, rentrent dans l’actif de succession. Celui-ci est diminué des dettes éventuelles en y incluant les frais de dernière maladie, les frais funéraires ainsi que les frais de liquidation et de partage. Les droits se calculent, par tranches, sur la part de succession recueillie par chaque héritier ou légataire, et varient en fonction du lien de parenté existant entre l'héritier ou le légataire et la personne décédée. Cependant, en région flamande et en région bruxelloise, le principe de la globalisation est parfois appliqué. Les droits de succession peuvent être payés par versement ou virement du montant à payer sur le numéro de compte du bureau concerné ou via une dation d’œuvres d’art 15. 15 Dation d’œuvres d’art : don de l’œuvre de l’héritier vers l’Etat belge en paiement des droits 17 1/ Le conjoint survivant a/ En Belgique Le conjoint survivant peut recevoir sa part de la succession en usufruit. Comme en France, l’usufruit a une valeur fiscale basée sur la valeur en pleine propriété de l’immeuble reçu comme suit : Age de Pourcentage l’usufruit l’usufruitier Moins de 20 ans 72% De 20 à 29 ans 68% De 30 à 39 ans 64% De 40 à 49 ans 56% De 50 à 54 ans 52% De 55 à 59 ans 44% De 60 à 64 ans 38% De 65 à 69 ans 32% De 70 à 74 ans 24% De 75 à 79 ans 16% Plus de 80 ans 8% Le conjoint survivant ou cohabitant n’a pas les mêmes droits selon la région. Le barème ci-dessous est valable pour les conjoints survivants, les cohabitants et les héritiers en ligne directe. 18 Région flamande Région bruxelloise Région wallonne Pat nette taxable Taux Part nette taxable Taux Part nette taxable Taux Jusqu’à 50 000€ 3% Jusqu’à 50 000€ 3% Jusqu’à 12 500€ 3% Entre 50 000€ et 250 000€ 9% Entre 50 000€ et 100000€ 8% Entre 12 500€ et 25 000€ 4% Au-delà de 250 000€ 27% Entre 100 000€ et 175 000€ 9% Entre 25 000 et 50 000€ 5% Entre 175 000€ et 200 000€ 18% Entre 50 000€ et 100 000€ 7% Entre 250 000€ et 500 000€ 24% Entre 100 000€ et 150 000€ 10% Au-delà de 500 000€ 30% Entre 150 000€ et 200 000€ 14% Entre 200 000€ et 250 000€ 18% Entre 250 000€ et 500 000€ 24% Au-delà de 500 000€ 30% En région wallonne, un tarif réduit existe sous certaines conditions : • La succession du défunt comprend au moins une part en pleine propriété dans l'immeuble où le défunt a eu sa résidence principale depuis 5 ans au moins à la date de son décès. • L'immeuble est destiné en tout ou en partie à l'habitation. • L'immeuble est recueilli par un héritier, un légataire ou un donataire en ligne directe, par le conjoint ou le cohabitant du défunt. Part nette taxable Taux Jusqu’à 25 000 € 1% Entre 25 000€ et 50 000€ 2% Entre 50 000€ et 175 000€ 5% Entre 175 000€ et 250 000€ 12 % Entre 250 000€ et 500 000€ 24 % Au-delà de 500 000€ 30 % 19 Le conjoint survivant bénéficie d’une exonération de 12 500€ correspondant à la 1ère tranche et d’une seconde exonération de 12 500€ sur la 2ème tranche si la part recueillie ne dépasse pas 125 000€. L'abattement en faveur du conjoint ou du cohabitant légal survivant est augmenté de la moitié des abattements supplémentaires accordés aux enfants ayant moins de 21 ans qu'il a eu avec la personne décédée. Cette majoration s’élève à 2 500€ pour chaque année complète qui doit encore courir jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 21 ans. De plus, il bénéficie d’une réduction de droits s’il a au moins 3 enfants de moins de 21 ans, au jour du décès, de 4% par enfant dans la limite de 124€ par enfant. En région bruxelloise, le conjoint survivant bénéficie d’un tarif sur la résidence principale si celle-ci était la résidence du défunt depuis au moins 5 ans. Part nette taxable Taux d’imposition Jusqu’à 50 000€ 2% Entre 50 000€ et 100 000€ 5,3% Entre 100 000€ et 175 000€ 6% Entre 175 000€ et 250 000€ 12% Il bénéficie également d’un abattement de 15 000€ sur la 1ère tranche au taux normal. Sur le même principe qu’en Wallonie, il existe un abattement complémentaire égal à la moitié des abattements supplémentaires des enfants communs. C’est-à-dire qu’il reçoit un abattement de 1 250€ par enfant par année qui reste à courir jusqu’à leur 21 ans. De plus, il bénéficie d’une réduction du taux des droits à payer s’il a au moins 3 enfants de moins de 21 ans, au jour du décès, de 4% par enfant dans la limite de 124€ par enfant. En région flamande, le principe est plus simple. Le conjoint survivant est exonéré totalement de droits sur la part qu’il reçoit de la résidence principale. En outre, il lui est accordé une réduction dégressive lorsque sa part nette est inférieure à 50 000€. Par exemple, un conjoint survivant, sans enfant, reçoit 150 000€ dont 100 000€ correspondent à la valeur de sa part sur la résidence principale. Selon la résidence principale du défunt, ses droits seront de : 20 En région wallonne : 5 000€ soit 3 250€ sur la part de 100 000€ de la résidence principale au taux réduit et 1 750€ sur la part de 50 000€ du reste de la part au taux normal avec l’exonération de 12 500€ sur la 1ère tranche. En région bruxelloise : 4 700€ soit 3 650€ sur la part de 100 000€ correspondant à la résidence principale au taux réduit et 1 050€ sur la part de 50 000€ correspondant au reste de la succession au taux normal avec l’abattement de 15 000€ sur la 1ère tranche. En région flamande : 1 500€ correspondant au barème sur la part de 50 000€. La résidence principale étant exonérée. b/ En France Avant 2007, le conjoint survivant marié au défunt payait des droits de succession comme tous les héritiers. Le patrimoine hérité était taxé selon la répartition suivante : Part nette taxable Taux d'imposition Jusqu'à 7 600€ 5% Entre 7 600€ et 15 000€ 10 % Entre 15 000€ et 30 000€ 15 % Entre 30 000€ et 520 000€ 20 % Entre 520 000€ et 850 000€ 30 % Entre 850 000€ et 1 700 000€ 35 % Au-delà de 1 700 000€ 40 % Le conjoint survivant bénéficiait d’un abattement de 76 000€. De plus, un abattement global de 50 000€ était réparti entre le conjoint survivant et les enfants. Par exemple, le conjoint survivant a reçu un héritage d’une valeur de 200 000€. Pour calculer l’impôt qu’il va payer, il faut tout d’abord enlever l’abattement de la valeur de l’héritage : 200 000 – 76 000 = 124 000€. Puis calculer l’abattement global de 50 000€. Si le défunt n’avait qu’un 21 enfant, l’abattement du conjoint sera de 25 000€ : 124 000 – 25 000 = 99 000. Le conjoint survivant sera donc imposé sur la somme de 99 000€ de la façon suivante : Jusqu’à 7 600€ : 7 600 x 5% = 380€ De 7 600€ à 15 000€ : (15 000 – 7 600) x 10% = 740€ De 15 000€ à 30 000€ : (30 000 – 15 000) x 15% = 2250€ De 30 000 à 99 000€ : (99 000 – 30 000) x 20% = 12 000€ Le conjoint payera : 380+740+2250+12000= 15 370€ de droits de succession. Le conjoint pacsé, quant à lui, ne bénéficiait pas des mêmes droits que le conjoint survivant marié. Un abattement de 57 000€ était tout de même appliqué avant calcul de l’impôt. Part nette taxable Taux d'imposition Jusqu'à 15 000€ 40% Au-delà de 15 000€ 50% Après la loi TEPA de 2007, deux modifications importantes sont mises en place. Le conjoint survivant pacsé est assimilé au conjoint survivant marié. Il n’est plus considéré comme un tiers face à la succession sous la condition qu’un testament ai été fait par le de cujus. De plus, le conjoint survivant ne paye plus aucun droit succession sur son héritage (article 777 du Code Général des Impôts (CGI)). 2/ Les Descendants a/ En Belgique Comme pour les conjoints survivants, les descendants sont taxés sur le même barème. Ils ont des abattements et exonérations différentes selon la région. 22 Région flamande Région bruxelloise Région wallonne Part nette taxable Taux Part nette taxable Taux Part nette taxable Taux Jusqu’à 50 000€ 3% Jusqu’à 50 000€ 3% Jusqu’à 12 500€ 3% Entre 50 000€ et 250 000€ 9% Entre 50 000€ et 100000€ 8% Entre 12 500€ et 25 000€ 4% Au-delà de 250 000€ 27% Entre 100 000€ et 175 000€ 9% Entre 25 000 et 50 000€ 5% Entre 175 000€ et 200 000€ 18% Entre 50 000€ et 100 000€ 7% Entre 250 000€ et 500 000€ 24% Entre 100 000€ et 150 000€ 10% Au-delà de 500 000€ 30% Entre 150 000€ et 200 000€ 14% Entre 200 000€ et 250 000€ 18% Entre 250 000€ et 500 000€ 24% Au-delà de 500 000€ 30% En région wallonne, comme pour le conjoint survivant, les enfants sont exonérés de droits à hauteur de 12 5000€ sur la 1ère part. Ils bénéficient d’une exonération supplémentaire de 12 500€ sur la 2nd part si leurs parts respectives ne dépassent pas 125 000€. Ces exonérations sont majorées pour les enfants n’ayant pas encore 21 ans. Cette majoration est de 2 500€ par année complète qui reste jusqu’à 21 ans. De plus, les héritiers ayant, au jour du décès, au moins 3 enfants n’ayant pas 21 ans, ont le droit à une réduction des droits de 2% par enfant dans la limite de 62€. En région bruxelloise, les héritiers en ligne directe ont droit à un abattement de 15 000€ sur la 1ère tranche. Cet abattement est augmenté en faveur des enfants du défunt qui n’ont pas atteint l’âge de 21 ans, de 2 500€ pour chaque année entière restant à courir jusqu’à ce que l’enfant en question ait atteint l’âge de 21 ans. Les descendants peuvent demander l’imposition à un taux réduit lorsque la succession comprend une partie en pleine propriété d’un immeuble et que celui-ci était la résidence principale du défunt pendant au moins 5 ans. De plus, il existe dans la région bruxelloise un principe d’égalité des enfants d’un autre lit avec les héritiers en ligne directe. Les beaux-enfants ou autres personnes sans lien de parenté avec le défunt peuvent être imposés comme les héritiers en ligne directe s’ils n’ont pas de lien de parenté avec le défunt, s’ils ont habité pendant au moins 6 ans consécutifs avant d’avoir 21 ans avec le défunt et qu’ils ont reçu la même éducation et la même prise en charge par le défunt et son conjoint/cohabitant qu’un enfant naturel. 23 Les héritiers ayant, au jour du décès, au moins 3 enfants n’ayant pas 21 ans, ont le droit à une réduction des taux des droits de 2% par enfant dans la limite de 62€. Part nette taxable Taux d’imposition Jusqu’à 50 000€ 2% Entre 50 000€ et 100 000€ 5,3% Entre 100 000€ et 175 000€ 6% Entre 175 000€ et 250 000€ 12% En région flamande, comme dans la région bruxelloise, les héritiers en ligne directe regroupe plusieurs personnes autres que les enfants et les parents. On considère l’enfant non biologique (zorgkind) et l’enfant adoptif comme héritier en ligne s’il remplit les conditions suivantes : avoir habité avec le défunt et son conjoint pendant au moins trois années consécutives avant d’avoir 21 ans et avoir reçu l’éducation et les soins portés à un enfant naturel. Les héritiers en ligne directe ont droit à une réduction dégressive des droits lorsque leur part successorale nette est inférieure à 50 000€. Les enfants handicapés bénéficient d’une exemption de droits. Le calcul de cette exemption est basé sur un montant forfaitaire de 3 000€ multiplié par un coefficient qui change en fonction de l’âge de l’héritier. b/ En France Avant 2007, dans le calcul des droits de succession, chaque héritier bénéficie d'un abattement sur sa part d'héritage, dont le montant varie en fonction de son lien de parenté avec le défunt. Ensuite, la part nette due après déduction de l'abattement est soumise au tarif des droits de successions. Enfin, une réduction est accordée sur le montant à payer dès lors que l'héritier a au moins 3 enfants (article 777 et suivants du CGI). 24 Le patrimoine hérité par les enfants, ou leurs ascendants les représentant en cas de prédécès, était taxé comme suit : Part nette taxable Taux d'imposition Jusqu'à 7 600€ 5% Entre 7 600€ et 15 000€ 10 % Entre 15 000€ et 30 000€ 15 % Entre 30 000€ et 520 000€ 20 % Entre 520 000€ et 850 000€ 30 % Entre 850 000€ et 1 700 000€ 35 % Au-delà de 1 700 000€ 40 % Ils avaient droit à un abattement de 50 000€ chacun et à l’abattement global de 50 000€. La loi de 2007 a également favorisé les enfants. En effet, la part d’héritage des descendants ou leurs représentants bénéficie d’un abattement de 100 000€ en 2014. Le barème des abattements évolue chaque année avec la loi de finance. De plus, cet abattement se renouvelle tous les 15 ans et s’applique également aux donations entre vifs ce qui permet maintenant aux parents de pouvoir transmettre leur patrimoine au fur et à mesure. Part nette taxable Taux d’imposition Jusqu’à 8 072 € 5% Entre 8 072€ et 12 109 € 10 % Entre 12 109€ et 15 932 € 15 % Entre 15 932€ et 552 324 € 20 % Entre 552 324€ et 902 838 € 30 % Entre 902 838€ et 1 805 677 € 40 % Au-delà de 1 805 677 € 45 % Si un des descendants du défunt est handicapé, il bénéficie d’un abattement supplémentaire cumulable avec celui vu ci-dessus de 159 325€ (art. 779-II du CGI). 25 Par exemple, un enfant reçoit 170 000€ en héritage à la mort de ses parents. Pour calculer le montant des droits de succession, il faut enlever l’abattement : 170 000 – 100 000 = 70 000€. Puis appliquer le barème ci-dessus : - 8072 x 5% = 404€ - 3 823 x 15% = 573,45€ - 4 037 x 10% = 403,7€ - (70 000 – 17 932) x 20% = 10 813,6€ Cet enfant paiera 260 + 403,7 + 573,45 + 10813,6 = 12 194,75€ de droits de succession. Les descendants ont toujours droit à une réduction pour charges de famille. Elle est de 610€ à partir du 3ème enfant. Les autres successibles (frères, sœurs, cousins et cousines, …) obtiennent une réduction de 305€ à partir du 3ème enfant. 3/ Spécificités en Belgique Comme en France (pacte Dutreil), pour permettre la transmission d’entreprise, il existe en Belgique des mécanismes d’optimisation fiscale : la société en commandite par actions (SCA), la société familiale est achetée par la SCA. Les parts de SCA sont donnés aux enfants par don manuel, ce qui évite le paiement de droits si la donation est effectuée trois avant le décès du donateur. Il existe également des mécanismes de transmission du patrimoine privé par le biais de société ou de fondation. Ce sont ces mécanismes qui sont privilégiés par les exilés fiscaux français comme Bernard Arnault 16 que je prendrais comme exemple ici. 16 • La société de droit commun • La fondation privée Homme d’affaire français, propriétaire du groupe LVMH. Il est la onzième fortune mondiale et la deuxième de France avec 33,5 milliards d’euros. 26 La société de droit commun est une société créée par deux associés minimum qui souhaitent mettre en commun un bien afin de le faire fructifier. Elle est transparente fiscalement et n’a pas la personnalité juridique. Les règles de fonctionnement sont librement définies dans les statuts. Le gérant est nommé statutairement. Les statuts doivent également nommé le gérant suppléant, celui qui prendra la gérance en cas de décès du gérant. Elle peut être à durée limitée ou indéterminée, dans ce cas elle pourra être dissoute à tout moment à la demande d’un des associés. Le montage mis en place par les avocats et fiscalistes belges est le suivant : les parents fondent la société de droit commun, Monsieur est gérant principal et Madame gérante suppléante. Les enfants font un apport à la société pour devenir co-fondateur. Attention, dans le cas où les parents souhaitent transmettre du patrimoine immobilier, il faudra payer des droits d’enregistrement (12,5% en Wallonie et à Bruxelles-Capital et 10% en Flandre). Les parents effectuent ensuite une donation de leur part aux enfants. Il est possible de mettre différentes clauses dans l’acte de donation : réserve d’usufruit si les parents souhaitent garder les revenus du patrimoine, clause de retour conventionnel, interdiction d’apport à une communauté, … . Les droits de donation sont de 3% en Wallonie et à BruxellesCapital en ligne directe et 2% en Flandre. La société sera dissoute au décès du conjoint survivant et les enfants recevront le patrimoine en fonction de leur part dans la société sans payer de droits de succession. Ce mécanisme est surtout utilisé pour transmettre un patrimoine privé à moindre coût et permet aux parents de continuer à percevoir les revenus de leur patrimoine. La fondation de droit privé possède la personnalité juridique civile. Elle est constituée par un acte notarié. C’est un acte unilatéral d’affectation du patrimoine à une fin désintéressée et déterminée. Elle peut être fondée par une seule personne mais sera dirigée par un conseil d’administration de trois personnes minimum. Le patrimoine privé est mis à disposition de la fondation à la création. Cela peut être des biens meubles corporels ou incorporels et des biens immeubles. La Loi ne précise pas de minimum quant à la part que chaque fondateur doit apporter. L’affectation des biens est irrévocable. Les statuts doivent préciser le but et l’objet de la fondation. Le but est ce que la fondation cherche à réaliser et l’objet permet la mise en place de ce but. Les statuts doivent également prévoir le devenir du patrimoine en cas de dissolution. Si cela n’est pas prévu, le patrimoine ne pourra pas être récupérer. Seuls les biens du fondateur peuvent disposer d’un droit de retour à la dissolution de la fondation. Les biens apportés par des tiers ou les ayants-droit du fondateur ne pourront pas faire l’objet d’un droit de retour. Enfin, les conditions de modifications 27 des statuts, et donc de modification du but, peuvent être librement décidées dans les statuts par le fondateur. Les droits de succession d’une fondation de droit privé sont de 8,80% en Flandre, 25% à Bruxelles-Capitale et 7% en Wallonie. Les statuts peuvent prévoir que, lorsque le but désintéressé de la fondation est atteint, "le fondateur ou ses ayants droit pourront reprendre une somme égale à la valeur des biens ou les biens mêmes que le fondateur a affecté à la réalisation de ce but" 17. C’est le mécanisme que Monsieur Bernard Arnault a mis en place pour protéger son empire. En effet, les parts de sa holding Groupe Arnault SAS ont été placés dans une holding Pilinvest pour 90% de ses parts. Via le pacte Dutreil Bernard Arnault a donné la nue-propriété de de 48,5% de ses parts à ses enfants en gardant l’usufruit. Il a créé la fondation Protectinvest. Cette fondation a pour but d’"assurer la pérennité et l’intégrité du groupe en cas de décès accidentel de Bernard Arnault" 18. La fondation, à durée limitée, se dissoudra en 2023, lorsque son fils aura 25 ans. Monsieur Arnault a prévu dans les statuts la nomination de son remplaçant à la tête du conseil d’administration, Thierry Breton. En cas de décès inopiné pendant cette période, 79,5% des parts du Groupe Arnault SAS seront transférées à la fondation. Ce montage permet de protéger le Groupe Arnault SAS et ses multiples filiales, en cas de décès de Monsieur Arnault, de continuer sans que la gestion de celui-ci soit mise en péril par les avis divergents de ses héritiers. Il n’y a dans ce montage aucune tentative d’éviter la taxation française sur les droits de donation ou de succession. En effet, pour que l’absence de taxation à la donation en Belgique soit effective, il faudra que Monsieur Arnault soit résidence fiscal belge. Hors, aujourd’hui, ni lui ni ses héritiers ne répondent aux critères éligibles de résident belge : avoir sa résidence réelle et effective en Belgique ou y avoir établi le siège de sa fortune (art. 2 du Code des Impôts sur le Revenu). 4/ Quelques données statistiques J’ai analysé le montant des droits de succession en France et en Belgique afin de mieux comprendre l’ampleur de l’enjeu fiscal. 17 Extrait de l’article 28 de la Loi du 27 juin 1921 18 Challenges n°130131 du 31/01/2013 « Bernard Arnaud pacifie sa succession » 28 J’ai pu comparer les droits de succession payés en 2012 en France (métropole et DOM) par rapport aux autres droits d’enregistrement. Droits d'enregistrement en France 2012 4% 8% Droits de mutations à titre onéreux 47% 41% Droits de mutation à titre gratuit : donation Droits de mutation à titre gratuit : succession Taxe spéciale sur les conventions d'assurance Source : Rapport d’activité de la direction générale des finances publiques 2012 J’ai également pu observer la répartition des recettes fiscales en France et en Belgique pour l’année 2012. 29 Recettes Fiscales en Belgique 2012 2% 4% 1% 1% Impôts sur les salaires et revenus TVA, droits et taxes diverses 35% Dont droits de succession 57% Taxe assimiliées aux impôts sur les revenus Droits de douane Autres impôts Source : Service publique Fédéral des Finances 30 Recettes fiscales en France 2012 Impôt sur le revenu 6% 24% 18% 5% 47% Taxe sur la Valeur Ajoutée Taxe Intérieure de consomnation sur les Produits Pétroliers Impôt sur les sociétés Autres (notamment droits de succession) Source : Vie Publique, direction de l’information légale et administrative 31 II/ L’harmonisation européenne en mouvement : du testament international au règlement des successions transfrontalières Depuis l’ouverture des frontières européennes aux capitaux, en 1957, et aux personnes, en 1993, de nombreux ressortissants de pays européens migrent à l’intérieur de l’Europe. Quelques traités, accords et conventions internationales ou inter-pays existent afin d’éviter les conflits en matières de succession. Cependant depuis 2003, un problème se pose à l’Union Européenne : les successions transfrontalières. A/ Les problèmes de successions transfrontalières : Différentes jurisprudences Afin de mieux comprendre les problèmes liés aux successions transfrontalières, nous allons examiner différentes jurisprudences rendues par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) depuis 2003. J’ai choisi ces deux jurisprudences car elles sont la première et la dernière jurisprudence en date rendues par la CJUE. Elles permettent de comprendre l’étendue du problème des successions transfrontalières. 1/ La première jurisprudence : affaire C-364/01 Barbier c/ Pays-Bas Pour mieux comprendre l’arrêt de la Cour de Justice de l’UE, je vais vous décrire le cadre juridique au moment des faits au sein de l’UE et aux Pays-Bas. Au sein de l’UE, les faits se sont déroulés avant l'entrée en vigueur du traité de Maastricht (1992). Les dispositions communautaires applicables relèvent donc du traité de la CEE. Plus particulièrement, les articles 48 et 52 du traité CEE (devenus articles 39 19 et 43 20 du traité de la CE), relatifs à la libre circulation des personnes et la directive 90/364/CEE du Conseil 21, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour, sont invoqués. Et c’est l’article 67 du traité CEE 22 (devenu article 67 du traité CE, abrogé par le traité d’Amsterdam) qui relate les dispositions de la libre circulation des capitaux, tel que mis en œuvre par la directive 19 Cf. lexique Cf. lexique 21 Cf. annexe III 22 Cf. lexique 20 32 88/361/CEE 23 du Conseil, du 24 juin 1988. Il est également fait état des articles 6 et 8 A du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE 24 et 18 CE 25) relatant l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité. En revanche, en droit néerlandais, toute succession fait l'objet d'un impôt. L'article 1 de la loi sur les successions de 1956 (appelée Successiewet) fait une distinction selon que le défunt résidait aux Pays-Bas ou à l'étranger: - s'il résidait aux Pays-Bas, les biens qu'il laisse font l'objet de droits de succession sur la - s'il ne résidait pas aux Pays-Bas, un droit de mutation sur la valeur des «possessions valeur de l'ensemble des biens transmis. intérieures» est perçu (ce qui comprend les biens immobiliers situés aux Pays-Bas), éventuellement après déduction des dettes. Cependant, selon l'article 13 de la loi relative à l’impôt sur le patrimoine de 1964 26, tel qu'interprété par les juridictions néerlandaises, lors de l'évaluation de la succession d'un défunt non-résident, il n'est pas possible de déduire, aux fins du calcul de l'assiette de l'impôt, les dettes autres que celles garanties par une hypothèque sur un bien immobilier situé aux Pays-Bas. De plus, cette disposition s’applique lorsque le de cujus avait cédé l’intérêt économique de ce bien à un tiers, personne juridique, par le biais d’un contrat d’achat/vente avant son décès. Contrairement à l'héritier d'un défunt résident, celui d'un défunt non-résident doit déclarer la pleine valeur de ce bien immobilier bien qu'un tiers soit le titulaire de sa propriété économique. Les faits sont les suivants. 23 Cf. annexe V 24 Dans le domaine d’application du présent traité est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit. Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 251, peut prendre toute réglementation en vue de l'interdiction de ces discriminations. 25 Cf. lexique 26 Appelée Wet op de vermogensbelasting 33 Les héritiers de M. Barbier saisissent la Cour de Justice de l’UE contre Les Pays-Bas. M. Barbier, ressortissant néerlandais né en 1941, est décédé le 24 août 1993 en Belgique, son dernier lieu de résidence. Ses héritiers sont son épouse et son fils unique. M. Barbier avait acquis au cours de la période allant de 1970 à 1988, lorsqu'il résidait en Belgique, certains biens immobiliers situés aux Pays-Bas dont il percevait des loyers. La majorité de ces biens immobiliers était affectée à des fins commerciales en tant que magasins, entrepôts ou débits de boissons. En 1988, M. Barbier avait passé une série d'opérations de vente par lesquelles il avait cédé la majorité de ses biens immobiliers à des sociétés privées néerlandaises qu'il contrôlait. Lors de la cession des immeubles situés aux Pays-Bas, la transcription dans les registres adéquats avait été évitée en ne cédant que la propriété dite «économique» des immeubles, ce qui avait permis d'échapper aux droits d'enregistrement de 6%. M. Barbier avait assumé l'obligation de délivrer les biens vendus et par anticipation de cette délivrance, il renonçait à tout droit en la matière. Cette obligation ne faisait toutefois pas l'objet d'une hypothèque. Après le décès de M. Barbier, son notaire a déclaré, aux fins du droit de mutation, la valeur de trois autres immeubles détenus en pleine propriété, diminuée des dettes hypothécaires contractées en vue de leur acquisition. La valeur des biens immobiliers dont la propriété économique avait été cédée aux sociétés privées n'était pas incluse dans cette déclaration. Cependant, le chef de l'unité des impôts des particuliers et des sociétés à l’étranger (Particulieren/Ondernemingen buitenland) a ajouté à la succession déclarée la valeur de l'ensemble des immeubles dont M. Barbier détenait la propriété juridique. Ce faisant, il n'a pris en compte aucune déduction correspondant à l'obligation de délivrance. Les héritiers ont fait appel de la décision du contrôleur devant la Cour d’Appel de ‘s-Hertogenbosch en demandant que l'impôt soit ramené à zéro, le contrôleur ayant refusé la déduction correspondant à l'obligation de délivrance. La Cour d’Appel néerlandaise a posé à la Cour les cinq questions préjudicielles suivantes à la Cour de Justice de l’UE: - L'accès au droit communautaire est-il actuellement encore conditionné par l'existence d'une activité économique transfrontalière? 34 - Le droit communautaire fait-il obstacle à ce qu'un État membre (Pays-Bas) prélève, en cas d'acquisition par succession d'un bien immobilier se trouvant dans l'État de situation (PaysBas), un impôt sur la valeur de ce bien immobilier en autorisant la déduction de la valeur de l'obligation de délivrance dudit bien immobilier si le de cujus résidait, à l'époque de son décès, dans l'État de situation, mais non pas s'il résidait à cette époque dans un autre État membre (Belgique)? - La question de savoir si, à l'époque où il a acquis ce bien immobilier, le fait que le de cujus n'habitait plus dans l'État de situation a-t-il une incidence sur la réponse à la deuxième question? - La répartition du capital du de cujus entre l'État de situation, l'État de résidence et - Dans l'affirmative, dans quel État faut-il considérer que le capital est investi dans le cas d'éventuels autres pays a-t-elle une incidence pour répondre à la deuxième question? d'une créance en compte courant contre une société privée ? La réponse de la Cour de Justice de l’UE a été la suivante. Elle considère que le seul fait qu’une disposition nationale a pour effet de restreindre les mouvements de capitaux d’un investisseur, ressortissant d’un État membre, en fonction de sa résidence suffit à rendre applicable l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 88/361 pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité (abrogé par le traité d’Amsterdam), qui impose aux États membres l’obligation de supprimer toutes les restrictions aux mouvements de capitaux, sans que l’accès aux droits conférés par la directive ne soit subordonné à l’existence d’autres éléments transfrontaliers. De même, la circonstance que la disposition en cause ai été adoptée par l’État d’origine de l’intéressé n’est pas pertinente à cet égard. De plus, le droit communautaire s’oppose à une réglementation nationale concernant le calcul du montant de l’impôt exigible en cas d’acquisition par succession d’un bien immobilier situé dans l’État membre concerné selon laquelle l’obligation inconditionnelle qui incombait au détenteur du droit réel de délivrer celui-ci à une autre personne peut être prise en compte si, à la date de son décès, il résidait dans cet État, alors qu’elle ne peut pas l’être s’il résidait dans un autre État membre. 35 2/ La dernière jurisprudence : affaire c-181/12 Welte c/ Allemagne Entre la première et la dernière jurisprudence, plusieurs traités ont été amendés au sein de l’Union Européenne. Afin de bien comprendre les tenants et les aboutissants de cette jurisprudence, je vais dans un premier temps exposé le cadre juridique de l’Union Européenne. Les faits se sont déroulés en 2009. Le traité applicable est le Traité de la Communauté Européenne signé à Maastricht en 1992. Ce traité a été consolidé en 2012 avec le traité de fonctionnement de l’Union Européenne. Les numéros d’articles cités dans l’arrêt ne sont plus les mêmes. L’arrêt reprend les articles 56 et 58 27 du Traité de la CE ainsi que l’article 57 et l’annexe I de la directive 88/361 28. Ces textes traitent de la libre circulation des capitaux au sein de l’UE et envers les pays tiers. Plus particulièrement, l’article 56 interdit toute restriction de capitaux au sein de l’UE. L’article 57 expose que l’article 56 ne porte pas atteinte aux restrictions des Etats membres en ce qui concerne la circulation des capitaux incluant les « investissements directs, y compris les investissements immobiliers ». L’article 58 définie la portée de ces deux derniers articles en précisant la souveraineté des Etats membres sur leur propre législation fiscale tout en nuançant le fait que les mesures de souveraineté ne doivent pas être utilisées à des fins de discrimination ou de restriction des capitaux. Enfin, l’annexe I de la directive 88/361 liste les différents types d’opération et de capitaux que comprend l’article 56. Le droit allemand prévoit qu’en cas de succession entre conjoint, le conjoint survivant bénéficie d’un abattement de 500 000€ lorsqu’au moins un des deux époux était résident alors que les nonrésidents ne bénéficient que d’un abattement de 2 000€ sans regard de leur lien de parenté avec le défunt (art. 16, § 2, de l’ErbStG 29). De plus, le montant des droits sont calculés en fonction du lien de parenté avec défunt, à savoir groupe I, les conjoints survivants et les descendants, le groupe II, les frères et sœurs, neveux et nièces et le conjoint divorcé, enfin le groupe III, le conjoint pacsé de même sexe et les autres héritiers. Comme dans la plupart des pays de l’UE, lorsqu’un immeuble est reçu par succession, c’est le pays de situation de l’immeuble qui recueille les droits de succession sur le bien. 27 Cf. Annexe VII Voir Annexe VI 29 Erbschaftsteuer- und Schenkungsteuergesetz : Loi sur les droits de succession et de donation 28 36 Les faits sont les suivants. Madame Welte-Schenkle est décédée en 2009. Elle était résidente suisse et mariée à Monsieur Welte, résident suisse. Madame Welte était de nationalité allemande puisque née en Allemagne. Elle avait reçu en héritage de ses parents un terrain à Düsseldorf comprenant la maison familiale. A son décès, son mari reçoit le terrain. La succession est composée du terrain d’une valeur de 329 200€, des comptes bancaires en Allemagne d’une valeur de 33 689€ et de comptes bancaires en Suisse d’une valeur de 169 508€. La Finanzamt 30 calcul au décès que Monsieur Welte doit acquitter 41 450€ de droits de succession. Ce calcul a été obtenu en prenant comme base imposable la valeur du terrain seule à laquelle a été enlevée un forfait pour frais de succession de 10 300€ et l’abattement de 2 000€. Monsieur Welte demande à la Finanzamt de bénéficier de l’abattement de 500 000€ puisqu’il était le conjoint de Madame de Welte. La Finanzamt rejette sa demande. M. Welte forme donc un recours contre la Finanzamt pour motif que l’inégalité de traitement entre les résidents et les nonrésidents pour le paiement des droits de succession transgresse le principe de libre circulation des capitaux au sein de l’UE. En se basant sur un arrêt similaire (Mattner C-510/08, Rec. p. I-3553, point 56) de la Cour de Justice de l’Union Européenne, la juridiction de renvoi doute que le principe de l’art. 16 de l’ErbStG constitue une violation des articles 56 et 58 CE. Cependant, la situation de Monsieur Welte diffère de cet arrêt, lui-même et sa compagne n’étaient pas résidents d’un Etat membre de l’UE mais d’un pays tiers. En plus, la succession est composée d’avoirs situés en Allemagne mais aussi en Suisse. Sur ces deux points, la juridiction de renvoi trouve justifié que Monsieur Welte bénéficie de l’abattement de 2 000€ au lieu de celui de 500 000€. C’est sur ce principe que la juridiction de renvoi va poser la question préjudicielle suivant à la Cour de Justice de l’Union Européenne : «Faut-il interpréter les articles 56 [CE] et 58 [CE] en ce sens qu’ils s’opposent à un régime de droits de succession propre à un État membre (Allemagne) prévoyant un abattement de 2 000 euros seulement pour les non- résidents qui recueillent, dans la succession d’un non-résident, un terrain sis dans cet État membre alors qu’un abattement de 30 Le bureau des impôts en Allemagne 37 500 000 euros serait accordé sur la succession si le défunt ou le bénéficiaire résidait dans l’État membre en question au moment du décès?» La réponse de la Cour de Justice de l’Union Européenne est la suivante. Elle considère que les articles 56 et 58 CE impose une égalité pour tous, résidents et non-résidents, face au calcul des droits de succession que le défunt et le bénéficiaire résident dans un pays tiers ou non. Sur la base de l’article 56 qui interdit une restriction de circulation de capitaux sans que ces mêmes capitaux face l’objet d’une restriction de l’article 57. De plus, l’article 58 paragraphe 1 permet aux Etats membres d’appliquer leur propre législation fiscale concernant les contribuables ayant des lieux différents de résidence et de placements de capitaux. Néanmoins le paragraphe 3 de ce même article limite les dispositions des Etats membres pour ne pas que celles-ci deviennent discriminatoires ou face restriction à la libre circulation des capitaux. En l’espèce, la Cour de Justice de l’UE en a déduit que la différenciation de traitement face aux droits de succession ne doit pas reposer sur le simple fait de la résidence du défunt et de l’héritier mais plutôt du lien de parenté entre les deux et la valeur du bien reçu. Cette différenciation ne doit pas se faire dans le calcul des droits ni dans l’abattement dont l’héritier peut bénéficier. La Cour de Justice de l’UE a donc donné, encore une fois, raison au contribuable dans sa démarche. La non-discrimination des personnes face au calcul des droits de succession et aux abattements applicables doit se faire que le contribuable soit résident ou non-résident. La Commission a saisi la Cour de Justice de l’UE en septembre 2012 à ce sujet contre l’Allemagne dans le cadre du recours en manquement 31. L’affaire Welte a été portée devant celle-ci après la saisine de la Cour qui n’a pas encore rendu son avis. 31 La Cour de Justice va sanctionner l’inexécution par un Etat membre de ses obligations. Ce recours peut être déclenché par la commission européenne ou par un Etat membre. Il y a deux phases dans cette procédure : l’administratif (La commission adresse à cet Etat une mise en demeure. Soit l’Etat se conforme à cette mise en demeure et la procédure s’arrête, soit l’Etat ne prend pas en compte cette mise en demeure alors la commission prend un avis motivé (2ème avertissement). Si cet Etat ne fait toujours rien, on passe à la 2ème phase.) et le contentieux (La Cour de Justice intervient. Elle va condamner l’Etat a payé une amende. Elle va rendre un arrêt.) 38 B/ Les solutions existantes et à venir 1/ Les solutions existantes Il existe depuis 1961 des conventions afin d’uniformiser les successions au niveau international. a/ Les trois conventions de La Haye La première est la convention de La Haye de 1961 en matière de forme des dispositions testamentaires 32. Cette convention est internationale, elle a été signée par 40 pays dont 9 ne sont pas membres de la conférence de La Haye de droit international privé. Cette conférence est une organisation inter-gouvernementale mondiale. Elle a été créée en 1893 et est devenue une organisation intergouvernementale permanente suite à l’entrée en vigueur de son statut en 1955. La convention de La Haye de 1961 a été mise en place suite aux conflits existant entre les lois des différents pays en matière testamentaire. En effet, l’accroissement de la mobilité des personnes et des biens, sous l’effet du développement des moyens de communication et de transport, ainsi que des échanges internationaux, a rendu plus évident les inconvénients de cette diversité en matière de loi fiscale. Cette convention a permis la mise en place de dispositions testamentaires valables dans 40 pays dans le monde. Elle a pour objectif de restreindre au maximum les conditions de nullité des testaments. Elle met en place un grand libéralisme dans la rédaction des testaments. On peut le constater dans le premier article qui déclare que le testament est valable s’il remplit les conditions de multiples lois internes que ce soit celle du lieu où le testateur a déposé ou encore la situation des immeubles s’il y a des immeubles dans le corps du testament. La Convention n’envisage donc pas moins de sept ou huit rattachements permettant de justifier l’applicabilité de la loi selon laquelle un testament 32 Voir annexe IV 39 a été fait. Elle laisse donc libre arbitre aux Etats de savoir si la Convention remplie ou non les règles de droits internes à ces Etats 33. Il existe également la Convention du 2 octobre 1973 sur l’administration internationale des successions. Cette convention, beaucoup moins connue que celle de 1961, n’a été signée que par 6 pays (Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Turquie) et n’a été ratifiée que par 3 pays (Portugal, République Tchèque et Slovaquie). Cette Convention établit l’administration internationale des successions par l’instauration d’un certificat international désignant les personnes habilitées à administrer la succession qui auront le droit sur toute la succession ainsi que sur les immeubles faisant partie de la succession. Enfin, une troisième Convention a été mise en place, celle du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort. Quatre Etats ont signé cette Convention : l’Argentine, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Seuls les Pays-Bas l’ont ratifiée. Cette Convention ne s’applique pas dans les cas suivants : à la forme des dispositions à cause de mort, à la capacité de disposer à cause de mort, aux questions relevant du régime matrimonial, aux droits et biens créés ou transférés autrement que par succession, tels que propriété conjointe de plusieurs personnes avec réversibilité au profit du survivant, plans de retraite, contrats d'assurances et arrangements analogues. Elle exprime dans quel Etat sera régie la succession. Mais ces Conventions restent floues. C’est pourquoi l'Institut international pour l'unification du droit privé (UNIDROIT) a porté ces réflexions sur le thème des successions et à mis en place la Convention de Washington. b/ La convention de Washington : le testament international L’UNIDROIT est une organisation intergouvernementale indépendante dont le siège est à Rome dans la Villa Aldobrandini. Son objet est d'étudier des moyens et méthodes en vue de moderniser, harmoniser et coordonner le droit privé (en particulier le droit commercial) entre des Etats ou des 33 Art. 9, 10, 11 et 12 de la Convention 40 groupes d'Etats et, à cette fin, d’élaborer des instruments de droit uniforme, des principes et des règles. La Convention de Washington a été signée le 26 octobre 1973 par les 63 pays membres de l’institut. Les dispositions de la loi uniforme ne touchent qu’à la forme proprement dite : toutes les questions pouvant sous certains aspects relever des règles de fond, telles que les qualités personnelles exigées du testateur ou des témoins, le testament conjonctif, ont été écartées, de même que les questions touchant à la révocation, la destruction ou la modification du testament. La nouvelle forme de testament proposée a été élaborée sur une base concrète de droit comparé. Il a été tenu compte des diverses formes de testament connues dans un grand nombre de pays ainsi que les raisons de la préférence donnée par ces pays à l’une ou l’autre de ces formes. Le «testament international » est nouveau et vise à donner satisfaction aux préoccupations subies dans les divers systèmes existants. Les auteurs de la Convention de Washington ont entendu faire prévaloir la liberté du testateur et le respect de ses volontés sur tout formalisme qui ne serait pas nécessaire pour la garantie de la réalité des intentions du disposant. Pour cette raison, la loi uniforme contient deux catégories de formalités : celles qui sont prescrites à peine de nullité du testament international (art. 2 à 5 de la Convention de Washington) et celles dont, au contraire, l’inobservation est dépourvue de sanction. Les premières constituent les garanties essentielles jugées nécessaires pour la sécurité du testateur. Les autres ont été prescrites pour leur commodité pratique et pour assurer une unification plus complète. Mais ces objectifs ont été jugés secondaires par rapport aux objectifs concernant la fidélité des volontés du testateur. L’adoption du testament international présente, sur le plan juridique, un effet d’unification particulièrement remarquable. Effectivement, en éliminant tout problème de recherche de loi applicable, dans le cadre des pays qui l’auront adopté, il assure une sécurité juridique accrue. En effet, le testateur ayant choisi cette forme sera certain qu’elle sera reconnue valable dans tous les Etats parties à la Convention. Les risques de voir un testament rejeté car dressé dans une forme étrangère non admise sont donc supprimés. 41 L’intérêt majeur de la Convention réside dans cette reconnaissance directe par chaque droit national de la validité formelle de tous les testaments internationaux, sans qu’aucune distinction ne soit faite entre ceux qui sont établis dans le pays et ceux qui sont établis à l’étranger, pourvu que les formes prescrites par les articles 2 à 5 de la loi uniforme soient respectées. c/ La convention franco-belge de double imposition Afin de rester dans la limite de mon sujet, je n’étudierai que la convention de double imposition entre la France et la Belgique. La France et la Belgique ont signé le 20 janvier 1959 une convention de double imposition concernant les impôts sur les successions et les droits d’enregistrements sur les actes de sociétés. Cette Convention permet de déterminer qui de la France ou de la Belgique sera susceptible de recevoir les droits de succession et de donation pour tous ce qui constitue une succession (biens meubles, immeubles, dettes) entre ces deux pays. d/ Règlement concernant les successions et la création d'un certificat successoral européen Les 450.000 successions internationales ouvertes chaque année dans l’UE représentent un patrimoine considérable, que l’on peut estimer à plus de 120 milliards d’euros. Or, les règles applicables à ces successions sont très complexes et difficilement prévisibles. Les règles gouvernant la compétence mais aussi la loi applicable varient considérablement d’un Etat membre à l’autre. D’où une grande insécurité juridique, souvent mal vécue : par les héritiers, qui font face à une confusion juridique et administrative lorsqu’ils ont hérité d’un bien se trouvant dans un autre Etat membre, mais aussi par ceux qui veulent organiser leur succession de leur vivant. L’objectif poursuivi par le règlement est triple : augmenter la sécurité juridique en garantissant prévisibilité et cohérence des règles applicables ; offrir aux personnes une plus grande flexibilité dans le choix de la loi applicable à leur succession ; enfin garantir les droits des héritiers et/ou légataires, mais aussi ceux des tiers. Cette initiative ne modifie cependant pas les règles nationales matérielles gouvernant les successions. Aussi des questions telles que « Qui est héritier? » ou « Quelle part de mes biens 42 reviendront à mes enfants et à mon conjoint? » demeurent régies par les règles nationales. De même, le droit des biens ou le droit de la famille propre à chaque Etat membre n’est aucunement affecté. Enfin, la fiscalité applicable aux biens constitutifs de la succession n'est pas modifiée par le règlement et reste définie par le droit national. Le règlement prévoit l’application d’un critère unique permettant de déterminer à la fois la compétence des autorités et la loi applicable par défaut à une succession transfrontalière : celui de la résidence habituelle du défunt. Les citoyens résidant à l'étranger pourront cependant faire le choix de soumettre l'intégralité de leur succession à la loi de leur nationalité. L'ensemble des biens de la succession seront ainsi régis par une seule et même loi, réduisant ainsi le risque de décisions contradictoires d'un Etat membre à l'autre. De même, une seule autorité sera compétente pour régler la succession, celle de la résidence habituelle, qui pourra cependant renvoyer à celle de l’Etat de nationalité si cette dernière est mieux placée pour en connaître. Enfin les décisions et actes authentiques pris en matière successorale feront l’objet d’une reconnaissance mutuelle pleine et entière. Un certificat successoral européen sera également créé, qui permettra de fournir sans autres formalités la preuve de sa qualité d'héritier ou de ses pouvoirs d’administrateur ou d’exécuteur de la succession. Cela constituera un progrès considérable au regard de la situation actuelle où il est parfois très ardu de faire valoir ses droits. Il en résultera une accélération des procédures et une réduction de leurs coûts. Le règlement a été publié au Journal Officiel du 27 juillet 2012, est entré en vigueur le 16 août 2012 et s’appliquera à compter du 17 août 2015. e/ Association du Réseau Européen des Registres Testamentaires (ARERT) La plupart des pays membres de l’UE dispose d’un registre testamentaire. En France, nous avons le fichier central des dispositions des dernières volontés. Face à l’accroissement des successions transfrontalières et aux déplacements des personnes et des capitaux, l’ARERT a été créée en 2005. L’association a mis en place de projet pour permettre la connexion entre pays membres : les projets « Interconnecter les registres testamentaires européens » et « Europe testaments ». 43 L’interconnexion des registres doit développer et mettre en place des dispositifs concrets de connexion entre les pays membres. Pour ce faire, l’AERTE a développé le Réseau Européen de Registres Testamentaires (RERT). C’est un système qui permet, lorsque le testament a été informatisé, de pouvoir consulter le registre de n’importe quel pays européen. Seulement, les registres doivent être traduits et ils n’existent aujourd’hui qu’en français et en anglais. Il existe également un autre système le RERT light. Sur la même base que le RERT, il permet aux pays qui n’ont pas informatisé leurs registres de pouvoir se consulter par l’intermédiaire d’un correspondant désigné par le gestionnaire du registre. Le projet s’est clôturé en septembre 2012. Le projet « Europe testament » a été mis en place entre août et septembre 2009. Via des ateliersdébats réalisés dans 6 pays de l’UE, le projet a permis de mettre en lumière les obstacles à la recherche de testaments au sein des pays membres et à l’inscription d’un testament dans un registre. Ce projet a permis au projet interconnexion de voir le jour et marque le début d’un immense réseau européen des registres testamentaires. 2/ Réflexion sur de nouvelles solutions Avant 2003, la Cour de justice de l’UE n’avait jamais eu de raison d’examiner si les règles en matière de droits de succession établies par les États membres étaient compatibles avec les règles du traité de l’UE. Cependant, elle a statué depuis dans une dizaine d’affaires relatives aux droits de succession soumises par les juridictions nationales des États membres à titre préjudiciel 34. Parallèlement, la Commission européenne reçoit de plus en plus de plaintes concernant des problèmes en matière de droits de succession transfrontaliers. Il me semble donc que ce domaine suscite des inquiétudes chez les citoyens de l’UE. Les règles actuelles en matière de droits de succession de certains États membres de l’UE telles qu’appliquées dans les successions transfrontalières empêchent les citoyens de l’UE de bénéficier pleinement de leur droit de circuler et de travailler librement au sein du marché intérieur. En conséquence, la Commission européenne travaille actuellement sur plusieurs fronts afin de rassembler plus d’éléments quant à l’ampleur du phénomène au sein de l’UE et de trouver des 34 Cf. II-A 44 solutions aux problèmes recensés. A cet effet, elle a lancé d’avril à juillet 2010 une consultation publique dans le but de recueillir les opinions de l’ensemble des parties intéressées et des particuliers sur l’ampleur du problème ainsi que sur les solutions envisageables. Les résultats de cette consultation ont montré que les citoyens et les entreprises peuvent être confrontés à deux types de problèmes en matière de droits de succession dans les situations transfrontalières. Tout d’abord, ils peuvent être exposés à une application discriminatoire des règles des États membres en matière de droits de succession dans les successions transfrontalières. Ensuite, il existe un risque de double imposition ou même d’imposition multiple d’une seule succession par plusieurs États membres. Certains citoyens pourraient être excessivement imposés si aucun mécanisme d’allègement fiscal n’est trouvé. Les conflits entre les points de rattachement qui sont susceptibles d’entraîner une double imposition sont de trois types: • «Conflit résidence 35/origine»: ce conflit, qui est le plus courant, résulte de deux niveaux d’imposition. Premièrement, la totalité des biens (situés dans le monde entier) est taxée dans l’État membre qui établit un lien personnel avec le défunt ou les héritiers. Il s’agit généralement de l’État membre dans lequel le défunt ou l’héritier réside ou est domicilié. Deuxièmement, les biens situés à l’étranger, c’est-à-dire en dehors de l’État membre dans lequel le défunt ou l’héritier réside ou est domicilié, sont taxés dans l’État membre dans lequel ils se trouvent. • «Conflit résidence/résidence»: bien qu’il soit moins fréquent, ce conflit a souvent les plus lourdes conséquences sur le plan de la double imposition. Il se produit lorsque plusieurs autorités fiscales considèrent qu’un héritier doit être taxé dans leur État membre en raison de l’existence d’un lien personnel. La plupart des États membres appliquent un critère de résidence, mais les définitions de la notion de résidence sont différentes. De plus, d’autres États membres appliquent des définitions différentes des notions de domicile et de 35 Cf. Lexique 45 nationalité. Par exemple, une personne titulaire d’un passeport néerlandais, ayant grandi au Royaume-Uni, où se trouve la majeure partie des biens qu’elle possède, et vivant en Espagne, pourrait être considérée comme redevable de droits de succession dans ces trois États membres. • «Conflit origine/origine»: ce conflit se produit si deux États membres ou plus estiment qu’une succession trouve son origine sur leur territoire. Pour les actifs matériels comme les biens immobiliers, les cas sont rares par définition. Par exemple, les autorités britanniques pourraient difficilement faire valoir que la transmission d’une villa située dans le sud de la France trouve son origine au Royaume-Uni. Les problèmes concernent généralement les actifs incorporels comme les droits d’auteur ou les parts de société. Concernant l’application discriminatoire des règles des Etats membres en matière de droits de succession, la Cour de justice de l’UE a statué que, dans six affaires sur les huit examinées depuis 2003 36, les lois en matière de droits de succession des États membres en question étaient incompatibles avec les règles du traité de l’UE sur la libre circulation des capitaux. En effet, les lois de ces Etats énonçaient des règles moins favorables dès lors que les biens ou les bénéficiaires étaient situés en dehors de l’État membre. Au vu de cette jurisprudence, on peut considérer que les dispositions des États membres en matière de droits de succession empêchent la libre circulation des capitaux lorsque: • elles énoncent des règles différentes pour l’évaluation des biens faisant partie de la succession en fonction de leur localisation; • elles limitent la déductibilité des dettes liées aux biens faisant partie de la succession de nonrésidents; • elles offrent des abattements d’impôt plus faibles aux non-résidents. Concernant la problématique d’imposition multiple des successions, la Cour de justice de l’UE a conclu que le traité de l’UE n’oblige pas les États membres à éliminer la double imposition des 36 Cf. II-A 46 successions pouvant résulter de l’exercice parallèle de la compétence fiscale de deux États membres. Il est évident que la double imposition internationale constitue une barrière à l’activité et à l’investissement au sein du marché intérieur. La Commission européenne soumet alors au parlement les solutions suivantes aux problèmes de double imposition : l’adoption de conventions fiscales bilatérales 37 sur les droits de succession et de donation, l’élaboration de nouveaux instruments par l’OCDE ou la mise en place de solutions à l’échelle de l’UE. Il est indispensable que ces instruments règlent les trois conflits à l’origine de la double imposition des successions, à savoir le conflit origine/résidence, le conflit résidence/résidence et le conflit origine/origine. Il est vrai qu’aucun grand progrès n’a été fait. La commission considère que ce n’est pas un hasard si aucun progrès n’a réalisé sur le plan des conventions fiscales bilatérales. D’importants obstacles freinent la conclusion d’un accord sur le grand nombre de paramètres à fixer. De plus, les États membres peuvent considérer que les avantages d’un tel exercice sont limités. D’après l’analyse de la Commission, d’un point de vue macroéconomique, l’ampleur du problème de la double imposition des successions est plutôt limitée. Le principal obstacle à une solution efficace à ce problème est majoritairement lié aux les flux migratoires actuels qui sont majoritairement unidirectionnels. D’un point de vue fiscal, les principaux flux migratoires concernent des personnes âgées originaires d’Europe septentrionale qui viennent s’installer en Europe méridionale pour y passer leur pré-retraite ou leur retraite. Ces flux donnent à penser que la plupart des solutions à envisager risquent d’avoir des incidences inégales sur les recettes des États membres si elles ne sont pas soigneusement mesurées en tenant compte de cette réalité. Il s’ensuit, en ce qui concerne les solutions prévoyant l’imposition des successions sur la base d’un seul point de rattachement 38, que les gagnants et les perdants devraient être différents selon le point de rattachement retenu. 37 38 Cf. II-B-1 La situation géographique des biens, la résidence, le domicile ou la nationalité 47 Cependant, la mise en place du règlement 650/2012 39 qui permet au futur défunt ou à ses héritiers de choisir entre les différentes lois des pays membres lorsque cela doit s’appliquer. Mais ce règlement ne sera applicable qu’à compter d’août 2015 et l’étendue de son pouvoir et ses limites ne peuvent pas encore être perçus. Au lieu d’essayer de résoudre tous les cas de double imposition, l’UE pourrait traiter les cas qui touchent individuellement un très grand nombre de citoyens européens aux revenus modestes. Elle pourrait envisager d’élaborer des lignes directrices qui prendraient la forme d’une directive visant cet objectif. Afin de régler le plus grand nombre de problèmes de double imposition, ces lignes directrices devraient avant tout viser les situations dans lesquelles le système actuel, caractérisé par des mécanismes d’allégement fiscaux unilatéraux et des conventions fiscales bilatérales, est généralement le moins efficace. L’étude de la Commission a révélé qu’il s’agit notamment des situations suivantes : • situations où la double imposition résulte d’un conflit résidence/résidence: l’allégement fiscal unilatéral octroyé par les États membres concerne généralement les droits acquittés à l’étranger pour les éléments du patrimoine successoral situés à l’étranger. Toutefois, en cas de conflit résidence/résidence, le patrimoine interne fait également l’objet d’une double imposition sans qu’il soit possible de bénéficier d’un allégement fiscal unilatéral; • situations où la double imposition résulte d’un conflit résidence/origine: bien qu’il soit destiné à régler les conflits résidence/origine, l’allégement fiscal unilatéral octroyé par les États membres présente des limites très importantes dans un grand nombre d’États membres: 39 - dans certains États membres, l’allégement fiscal unilatéral ne concerne qu’un sous- - compte tenu de l’absence d’harmonisation de la définition de la notion de «patrimoine ensemble du patrimoine étranger, généralement les biens immobiliers; étranger», tous les biens situés à l’étranger ne peuvent pas toujours bénéficier de Cf. II-B-1 48 l’allégement fiscal unilatéral prévu par les réglementations nationales pour éviter la double imposition. - l’efficacité de l’allégement fiscal unilatéral est également réduite. En effet, la plupart des États membres en limitent le champ d’application aux droits de succession et à l’impôt sur la fortune, et en excluent ainsi les autres taxes et impôts prélevés sur le patrimoine du défunt. Parmi les situations où les conventions fiscales bilatérales ne sont pas efficaces figurent notamment les cas de double imposition dus à la pratique consistant à étendre le pouvoir d’imposition aux anciens résidents qui ne résident plus ou ne sont plus domiciliés dans les États membres. Le modèle de convention de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) sur les droits de succession ne traite pas la situation où l’imposition repose sur la notion de «domicile présumé», comme c’est le cas en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Les problèmes recensés appellent une certaine forme de coordination des réglementations fiscales nationales. Cette coordination pourrait se concrétiser par la conclusion de conventions fiscales ou par l’harmonisation des réglementations fiscales nationales. Quels que soient les moyens retenus, deux domaines nécessitent une attention prioritaire. Premièrement, une plus grande coordination concernant les points de rattachement pourrait permettre de réduire le problème de double imposition. Deuxièmement, des définitions mieux harmonisées des notions fondamentales sur lesquelles reposent les réglementations en matière de fiscalité des successions pourraient également réduire les problèmes de succession tranfrontalière. 49 En conclusion, de nombreuses divergences existent au sein des systèmes fiscaux et civils dans les Etats de l’UE. Comme nous l’avons vu dans la première partie, il serait plus favorable à un couple marié d’être belge en cas de décès selon la région. Grâce à la récente convention de double imposition mise en place entre la France et la Belgique, peu de problème se pose quant au règlement de la succession. Mais de multiples conflits existent depuis l’ouverture des frontières au sein de l’UE. En effet, la Cour de Justice de l’UE a été saisie de nombreuses fois par les juridictions des Etats membres de façon préjudicielle ces dernières années. Dans ces différentes affaires, la libre circulation des capitaux et des personnes au sein des frontières de l’UE est remise en cause par le droit de ces Etats membres et va à l’encontre des directives européennes et des articles du traité de l’UE qui la constitue. En effet, d’une part les lois de ces pays sont discriminatoires envers les citoyens de l’UE qui se déplacent, d’autre part cela aboutit à un mécanisme d’imposition multiple lorsque l’Etat membre d’accueil n’a pas signé de convention de double imposition avec l’Etat membre d’origine. De plus, au vue des flux migratoires unidirectionnels des Etats membres du Nord vers les Etats membres du Sud, on peut se demander à long terme quel sera l’impact des droits de successions au sein de ces Etats membres. Depuis 2010, la Commission européenne commence à essayer de trouver des solutions à ces problèmes de successions transfrontalières. Il apparaît tout de même que ce problème ne se résoudra pas de façon simple et rapide. En effet, il existe de véritables enjeux pour les différents Etats membres de l’Union Européenne. Chaque Etat membre met en place sa propre politique fiscale et a sa propre idée de la fiscalité. Ces différences s’expliquent par les mœurs et l’histoire du pays. Comme nous avons pu le voir dans la première partie, la France préfère ne pas taxer le conjoint survivant et répartir les taxes sur les autres successibles alors que la Belgique opte pour la taxation de tous les successibles à un degré moindre selon les régions. Il semble donc difficile de pouvoir mettre en place un système commun à tous les Etats membres sans léser ou favoriser un Etat membre. De plus, malgré l’effort du Parlement de mettre en place un règlement concernant les successions (650/2012), je pense que le problème restera le même qu’aujourd’hui. En effet, si un futur défunt, qui a sa résidence principale en France pendant la période où il travaille mais possède également une maison dans laquelle il passe sa retraite en Belgique, choisit grâce au règlement 650/2012 que 50 sa succession sera traitée selon les règles belges, je ne pense pas que la France accepte de perdre une partie des droits de succession au profit de la Belgique. Les Etats membres voudront empêcher que les droits qu’ils pourraient récupérer aillent dans un autre pays. Je ne pense pas que l’harmonisation des successions en Europe soit possible dans un futur à moyen terme. Il serait utopique de penser que certains pays renonceraient aux revenus que leur procurent les droits successions et que d’autres se mettent à taxer les citoyens afin de s’aligner sur les autres pays d’Europe. De plus, comme je l’ai dit dans le paragraphe ci-avant, chaque pays à sa philosophie fiscale construite grâce à l’histoire du pays et des mœurs. On peut alors s’interroger sur la durée de la mise en place de cette harmonisation. Et surtout sur les impacts qu’elle aura sur notre vie quotidienne puisqu’une harmonisation de ce type ne s’arrêtera pas au thème des successions mais aboutira à une complète refonte du système fiscal en général. 51 Lexique De cujus : Le terme « de cujus » désigne celui de la succession duquel on débat. Par délicatesse, les notaires ont pris l'habitude d'utiliser cette expression lorsqu'ils rédigent un testament afin qu'en sa présence le donateur ne soit pas désigné dans l'acte qu'il signe, par l'expression " le (futur) défunt". Dévolution testamentaire ou volontaire : C’est la répartition des biens d’un de cujus selon ses volontés exprimées soit par testament soit par legs ou donation de son vivant dans la limite de la réserve héréditaire. Disposition de l’art. 67 du CEE : Les Etats membre suppriment progressivement entre eux, pendant la période de transition et dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les restrictions aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidants dans les Etats membres, ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties, ou sur la localisation du placement. Les paiements courants afférents aux mouvements de capitaux entre les Etats membres sont libérés de toutes restrictions au plus tard à la fin de la première étape. Dispositions de l’art. 8 A du Traité CE : Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application. Si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour atteindre cet objectif, et sauf si le présent traité a prévu des pouvoirs d'action à cet effet, le Conseil peut arrêter des dispositions visant à faciliter l'exercice des droits visés au paragraphe 1. Il statue conformément à la procédure visée à l'article 251. Le paragraphe 2 ne s'applique pas aux dispositions concernant les passeports, les cartes d'identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé, ni aux dispositions concernant la sécurité sociale ou la protection sociale. Domicile : C’est le lieu où une personne possède son principal établissement. Le droit d’établissement : Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État 52 membre. La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. Droit de préemption : Le droit de préemption est un droit légal ou contractuel accordé à certaines personnes privées ou publiques d'acquérir un bien par priorité à toute autre personne, lorsque le propriétaire manifeste sa volonté de le vendre. Droit viager : Droit dont on a la jouissance durant sa vie, mais non transmissible. Libéralités : Une libéralité est un acte conventionnel (donation, donation-partage) ou unilatéral (testament) réalisé à titre gratuit. La libre circulation des travailleurs : La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique: de répondre à des emplois effectivement offerts ; de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres ; de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux; de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. Pleine propriété : C'est le droit d'user, de recueillir les fruits et de disposer d'un bien d'une façon exclusive et absolue. La pleine propriété est composée de l’usufruit (droit de jouir d'un bien dont un autre a la propriété, à charge d'en assurer sa conservation) et de la nue-propriété (droit de propriété, qui donne à son titulaire le droit de disposer de la chose, mais ne lui confère ni l’usage, ni la jouissance). Quotité disponible : La quotité disponible est la part du patrimoine dont on peut disposer librement. 53 Réserve héréditaire : C’est la part du patrimoine du de cujus qui reviendra obligatoirement à ses héritiers ou descendants en fonction de leur degré de parenté ou au conjoint survivant en l’absence de descendant. Elle est généralement fonction du nombre d’enfants. Résidence principale : C'est le lieu où une personne habite et y a ses intérêts économiques (son travail, ses enfants, etc.). 54 Bibliographie Internet ‒ Site internet de l’ARERT : http://www.arert.eu/ ‒ Site de la CJUE : http://curia.europa.eu ‒ Site de la Commission Européenne : http://ec.europa.eu/ ‒ Site de consultation des jurisprudences européennes : http://eurlex.europa.eu/ ‒ Site de l’Economie et des Finances : http://www.economie.gouv.fr/directions_services/cedef/index.htm ‒ Site de la Conférence de La Haye : http://www.hcch.net ‒ Site des Impôts français : http://www.impots.gouv.fr/ ‒ Site du service public des Finances belge : http://www.minfin.fgov.be/ ‒ Site des notaires belges : http://www.notaire.be/ ‒ Site du Sénat : http://www.senat.fr ‒ Site explicatif des successions européennes : http://www.successions-europe.eu/fr/ ‒ Site d’UNIDROIT : http://www.unidroit.org ‒ Site du service public français : www.vosdroits.service-publlic.fr Livre AVGERI, P., MAGNILLAT, M-P., Enjeux et rouages de l’Europe actuelle, 8ème édition, Foucher, coll. LMD Référence Institution Le Centre de Documentation de l’Economie et des Finances directement 55