L`eau au Liban - Brussels export

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L`eau au Liban - Brussels export
L’eau au Liban
Présentation des enjeux du secteur
Octobre 2013
Poste de Beyrouth
Introduction
Longtemps considéré comme le château d’eau du Moyen Orient et fortement
convoité par ses voisins où la sécheresse gagne du terrain, le Liban possède un
grand avantage en matière de ressources hydrauliques. Avec son abondante
pluviométrie, ses montagnes enneigées en hiver, ses 2.000 sources et 40 cours
d’eau, le Liban dispose de 1.071 m³ d’eau par an et par habitant tandis que la
Jordanie et Israël en détiennent respectivement 158 et 240.
Etat des lieux du secteur
Le pays regorge donc de ressources hydriques dont le potentiel reste cependant
majoritairement inexploité. Seules 10% des ressources en eau du pays sont
utilisées, plus de la moitié de l’eau de pluie est gaspillée et environ 40% est perdue
dans les canaux de distribution à cause du manque d’entretien des réseaux
d’adduction. En effet, les ressources en eau exploitables au Liban sont bien
inférieures aux 2,7 millions de m³/an dont le Liban pourrait potentiellement disposer ;
l’approvisionnement en eau étant tributaire de la fonte des neiges.
Sur ces 2,7 millions de m³ disponibles annuellement, 1,2 million se jettent dans la
Méditerranée, ce qui ne laisse au final que 1,5 million de m³ consommés dont 70 à
80 % seraient destinés au secteur agricole et 20 % pour les secteurs alimentaire et
industriel.
Le pays ne parvient donc toujours pas à satisfaire les besoins en eau de sa
population alors qu’il devrait pourtant largement réussir à combler ses besoins en
matière d’eau potable, d’irrigation et d’activité industrielle. Ainsi, le contraste entre
les ressources potentielles et le mince filet d’eau qui s’échappe des robinets libanais
est étonnant mais révélateur des difficultés de la filière.
Les chiffres sont accablants : 78% des foyers libanais seulement sont connectés aux
réseaux publics d’eau potable, l'eau n'est distribuée que de manière intermittente et
une qualité discutable de l’eau conduisant la majorité des usagers à se tourner vers
des prestataires privés. Par conséquent :
-
environ 60% de la population achètent de l’eau potable en bouteille ou en
bidon,
26% achètent de l'eau en camions citernes pour usage domestique,
14% sont équipés de forages privés ou puits artésien,
13% utilisent les bornes fontaines ou les sources.
Cela constitue certes un coût financier considérable pour les ménages mais le
développement de ce vaste marché parallèle pose également un sérieux problème
pour la pérennité des nappes phréatiques. En effet, le pompage excessif et le
puisement anarchique n’obéissent pas aux lois en vigueur concernant la profondeur
des puits et la capacité d’exploitation journalière.
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A ces quelques chiffres vient s’ajouter un niveau de pollution alarmant qui dégrade
progressivement la qualité de l’eau souterraine et en surface. Les rivières, les
fleuves et les nappes phréatiques sont tous pollués non seulement à cause des
activités agricoles et industrielles mais aussi à cause des lacunes en matière
d’évacuation d’eaux usées et du traitement des divers déchets physiques.
Selon la Banque Mondiale, le coût de l’inaction au niveau de l’offre dans le secteur
de l’eau au Liban s’élève à 1,8% du PIB. Il atteint les 2,8% si on y inclut le coût de la
dégradation de l’environnement causé par les eaux usées non traitées.
La situation devrait encore empirer dans les années à venir en raison de la
démographie galopante. Il existe une demande croissante en eau dont le déficit
pourrait atteindre les 1,7 milliard de m³/an à l’horizon 2040, contre environ 300
millions aujourd’hui si une gestion intégrée des ressources et des investissements
n’est pas mise en œuvre.
Les conclusions des experts de la Banque mondiale sont évidentes à cet égard: « Le
Liban connaîtra des pénuries d’eau chroniques d’ici à 2020 si aucune mesure n’est
prise pour améliorer la gestion de l’offre et de la demande en eau ».
Les origines du problème
Les contraintes affectant les ressources hydrauliques sont nombreuses : l’immersion
des déchets solides, le manque d’installation de stockage des eaux en surface, des
réseaux d’adduction déficients et une quantité d’eau considérable se déversant dans
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la mer à défaut d’avoir été utilisée (dû à la verticalité du relief et à la formation
karstique des sols).
A cela s’ajoute une gestion publique inefficace caractérisée par des tarifs bas et des
niveaux de facturation et de recouvrement insuffisants, des conditions géopolitiques
difficiles ainsi que le réchauffement climatique qui affecte directement la disponibilité
et l’utilisation de l’eau. Du fait des contraintes de gestion publique, les services
manquent d'effectifs en quantité et en compétences. Globalement, il en résulte un
défaut de maintenance et une dégradation de la qualité de service.
Le manque d’infrastructures adéquates demeure toutefois, la principale source de
gaspillage de l’une des principales richesses du Liban. En effet, aux difficultés
structurelles du secteur vient s’ajouter une faiblesse des investissements se
traduisant notamment par un manque de recettes et de moyens. Un exemple parmi
tant d’autres : depuis le début des années 1990, le Liban investit en moyenne 0,5 %
de son PIB annuel dans le secteur de l’eau - ce qui est bien en deçà du seuil
minimum de 0,8% du PIB recommandé par les experts de la Banque mondiale pour
qu’un pays satisfasse les besoins de développement et de modernisation du secteur
de l’eau.
Si l’on examine les investissements réalisés d’un peu plus près, on constate que
près de deux milliards de dollars, soit une moyenne annuelle de 142 millions de
dollars par an, ont été injectés dans le secteur de l’eau en vue de construire ou de
réhabiliter les infrastructures (dont 68% pour l’adduction d’eau potable, 23% pour le
traitement des eaux usées et 9% pour l’irrigation). Ces montants sont trompeurs car
non seulement ils sont insuffisants mais surtout ils portent à confusion. En effet, ces
fonds ont été adjugés à des infrastructures encore dormantes, comme par exemple
les usines de traitement d’eaux usées qui ne fonctionnent pas par faute de ne pas
avoir été reliées aux réseaux d’égout.
En ce qui concerne le financement des projets, le « Conseil du Développement et de
la Reconstruction (CDR) », qui gère et exécute les projets financés par les bailleurs
de fonds internationaux, est intervenu à hauteur de 65% dans l’ensemble de ces
projets. Les donneurs étrangers exigent, dans la grande majorité des contrats, une
contrepartie libanaise. Les projets sont ainsi en moyenne financés à hauteur de 70%
par l’étranger, le reste étant à la charge de l’État libanais. Pour info, l’eau et
l’assainissement sont des secteurs de concentration de l’intervention des bailleurs
de fonds internationaux au Liban.
Le plan décennal 2000
Afin de faire face à ces défis, le gouvernement a tenté de créer une nouvelle
dynamique destinée à combler le manque d’infrastructures du pays. Le Ministère de
l’Energie a ainsi élaboré en 2000 un plan stratégique décennal ayant plusieurs
objectifs:
-
assurer des ressources additionnelles en eau en améliorant
infrastructures de stockage et de recharge de la nappe phréatique,
les
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-
accroître l’efficacité des réseaux d’eau potable et la desserte des régions en
travaillant sur les fuites,
assurer la sécurité alimentaire des libanais par l’extension de périmètres
agricoles, - mise en place de projets d’irrigation et d’alignement des rivières.
Approuvé par le Conseil des ministres, ce plan prévoyait entre autres d’assurer des
ressources en eau additionnelles grâce à la construction de 18 barrages et de 23
lacs qui devaient permettre de mobiliser 1,1 milliard de m³ d’eau par an.
Cependant, malgré la bonne volonté du ministère, il semble que ce plan décennal ait
été trop ambitieux, au regard des infrastructures qui ont vraiment été réhabilitées ou
construites depuis 2000. Sur les 18 barrages prévus, un seul a été finalisé et
fonctionne : il s’agit de celui de « Chabrouh » qui est destiné à l’eau potable. D’une
capacité de 8 millions de m³ par an, ce barrage est cependant loin d’être le plus
important parmi ceux qui étaient prévus par le ministère. Quant au traitement des
eaux usées, sur les 20 stations spécifiées prioritaires, seules 9 ont été construites
dont 4 seulement sont en service.
Alors peut-on qualifier ce plan de fiasco ? Il était sans doute trop ambitieux pour un
laps de temps trop court. La situation politique et sécuritaire du pays n’a pas non
plus joué en sa faveur. Et peut être aurait il été plus opportun, a l’instar de l’avis de
certains experts en ressources hydrauliques, d’établir un plan global pour une
utilisation rationnelle et intelligente de l’eau. Selon leurs dires, il ne suffit pas de
construire des barrages, d’éviter l’écoulement de l’eau vers la mer et de réussir à
stocker ces ressources si aucune infrastructure n’a été pensée pour une exploitation
efficace au développement économique des régions, notamment celui des zones
rurales.
Les crises politiques qui se sont succédées au Liban bloquant tout avancement des
projets ainsi que la grande fragmentation des responsabilités dans le domaine de
l’eau sont les raisons principales des retards occasionnés. La loi 221/2000 avait pour
objectifs la centralisation des prises de décision et la clarification du rôle de chacun
des acteurs. Suite à cette loi, les 21 offices des eaux existants ont fusionnés en 4
nouveaux établissements (Beyrouth-Mont Liban, Nord, Békaa, Sud), auxquels
s’ajoute l’Office national du Litani qui a conservé son statut initial.
Ces établissements, qui dépendent du Ministère de l’Énergie et des Ressources
hydrauliques, sont dorénavant chargés de la production et la distribution de l’eau
potable, la collecte et le traitement des eaux usées, l’irrigation (conception et
exécution des projets), la maintenance et la réhabilitation des ouvrages, ainsi que le
contrôle de la qualité de l’eau potable, des rejets des eaux usées et des eaux
d’irrigation. La loi du 29 mai 2000 établit cependant une stricte distinction entre la
prise de décision et la définition des grandes orientations stratégiques, qui sont du
ressort du Ministère de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, et l’exécution des
projets qui incombe aux établissements régionaux. La mise en œuvre concrète de
cette loi s’est néanmoins trouvée dans une impasse, peu de temps après son
adoption. Les règlements d’application n’ont été finalisés qu’en 2005.
A ce jour, les Établissements des eaux ne sont toujours pas suffisamment
financièrement indépendants pour mener à bien leurs missions. Ils n’arrivent en fait
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pas à réaliser leur équilibre financier et sont dépourvus de moyens pour entretenir
les réseaux ou développer d’autres projets, et ce, en raison de la défaillance de la
collecte des paiements des factures (11% dans la Békaa, 52% dans le Nord, 61%
dans le Sud et 80% dans la région de Beyrouth). L’insuffisance de moyens humains,
techniques et financiers les empêchent, par exemple, de gérer le traitement des
eaux usées qui le sont par le Ministère ou certaines municipalités. De plus, la
multiplicité des interlocuteurs impliqués dans la gestion de l’eau empêche la
centralisation des décisions et la définition d’un plan d’investissement global.
En effet, le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) est l’organisme
chargé d’exécuter les projets financés par les bailleurs de fonds internationaux,
tandis que le ministère a en charge les projets financés par l’État libanais. Les
Établissements des eaux ont en charge seulement des petits projets qu’ils financent
avec leurs liquidités propres. Il n’y a pas de coordination entre le CDR et les
établissements régionaux, ce qui engendre l’exécution de projets parfois éloignés de
la réalité du terrain. Par manque de hiérarchisation des priorités, seules des actions
isolées et marquées par une vision à court terme sont menées.
Nouvelle stratégie relative au secteur de l’eau 2010 – 2025
Fin décembre 2010, le Ministre de l’Energie et des ressources hydrauliques a
présenté une nouvelle stratégie du secteur de l’eau pour la période 2010-2025. Ce
plan devrait permettre au Liban de passer d’un déficit d’environ 283 millions de m³
par an à un léger excédent d’ici à 2035. Il vise à porter l’offre annuelle à 1.862
millions de m³ et à constituer ainsi des réserves stratégiques d’environ 62 millions de
m³ par an. Les investissements nécessaires ont été estimés à plus de 7,7 milliards
de dollars d’ici à 2020 et les besoins en fonds de roulement à près de 2 milliards de
dollars. Selon le Ministre, environ 1,6 milliard de dollars d’investissements ont déjà
été engagés, mais le reste doit être financé par l’Etat, les fonds internationaux, et le
secteur privé. Ce dernier est surtout appelé à s’impliquer au niveau du traitement
des eaux usées.
Ce plan, qui doit encore être approuvé en Conseil des ministres, s’articule autour de
deux axes principaux : les infrastructures et la gestion du secteur.
En ce qui concerne les infrastructures, cette nouvelle stratégie reprend les lignes
directrices du plan de 2000, en prévoyant la construction de barrages qui
permettraient de générer 670 millions de m³ d’eau supplémentaire par an, la
réhabilitation des réseaux de distribution dont la moitié a plus de 25 ans et la collecte
et le traitement des eaux usées et sa réutilisation pour l'agriculture, l'industrie et les
ménages. A ce jour, le réseau d’égouts couvre 60% de la population, mais moins de
6% des eaux usées sont traitées. L’objectif est d’atteindre un taux de traitement de
30% en 2012, 80% en 2015 et 95% en 2022. Le Liban a déjà investi plus d’1 milliard
de dollars sur les installations de traitement des eaux usées, mais seulement
quelques unes sont opérationnelles. La quasi-totalité de la charge polluante arrive
sans traitement dans la Méditerranée, soit directement, soit au travers des cours
d’eau, soit enfin via les écoulements karstiques.
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Les nouveautés les plus importantes de ce plan sont relatives à la gestion du
secteur de l’eau qui devrait connaître de profondes réformes tant institutionnelles,
réglementaires, financières que commerciales.
Au niveau institutionnel, le Ministère compte renforcer les ressources humaines des
institutions du secteur qui devraient passer à 4.050 employés alors qu’il en emploie
1.342 actuellement.
Au point de vue niveau financier et commercial, ce plan envisage de modifier la
structure des tarifs de l’eau et d’améliorer les techniques de facturation. Le Liban
reste un des rares pays au monde qui applique encore un tarif forfaitaire pour l’eau.
Le prix de l’eau est relativement bas soit 600 livres libanaises le m³, c’est-à-dire $
0,40. Il était prévu l’installation d’un million de compteurs d’eau et une tarification
volumétrique pour 25% des usagers en 2012 et 75% en 2015. Le taux de collecte
des factures d’eau augmenterait de 51% actuellement à 80% en 2015. De plus, de
nouvelles politiques tarifaires pour le traitement des eaux usées et l’eau pour
l’irrigation devraient également être programmées.
Conclusion
Le Liban dilapide son eau depuis des décennies déjà. Alors qu’auparavant ses
ressources paraissaient suffisantes voire abondantes, l’eau est devenue l’une des
préoccupations majeure du pays et le problème ne fait que s’aggraver, en raison de
la démographie galopante. Il devient donc urgent pour le Liban de placer la question
hydraulique au cœur d’une stratégie globale de long terme de développement
économique et social.
La valorisation de ce potentiel hydraulique inexploité pourrait représenter une mine
de contrats pour les entreprises belges du secteur. Avec des besoins criants à tous
les niveaux, les opportunités sont nombreuses à moyen terme mais sont tributaires
de financements internationaux. Depuis le début de 2013, deux grands projets
d'infrastructures d'eau ont été officiellement dévoilés qui modifieront de façon
radicale l'état d'avancement dans le secteur : le canal 800 et le projet du Grand
Beyrouth, également connu sous le nom de projet « Awali ».
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