les marqueurs tumoraux

Transcription

les marqueurs tumoraux
I nterpretation des anomalies biologiques autour de cas cliniques
Les marqueurs sanguins
tumoraux en cancérologie
digestive
Seric tumoral markers in
digestive oncology
a Clavel, Leslie
Jean-Marc Phelip, Le
Rinaldi
CHU de Saint-
Etienne, service d’hepatogastroent
erologie et d’oncologie digestive,
42055 Saint-
Etienne Cedex 2, France
e-mail : <j.marc.phelip@chu-st-etienne.
fr>
sume
Re
Comme pour la plupart des marqueurs biologiques en canc
erologie et en dehors
du champ de l’oncologie, le meilleur des marqueurs est celui capable de donner
un diagnostic de certitude, fiable et reproductible et de d
efinir un pronostic. En
d’autres termes, la qualit
e d’un marqueur biologique se jugera sur sa sp
ecificit
e,
sa sensibilite et son caractere pronostique. Bien entendu, son obtention facile,
^t seront des crit
peu invasive et son cou
eres secondaires importants a prendre en
compte qui ne feront pas d
ebat ici.
Les principaux marqueurs tumoraux sanguins utilis
es en canc
erologie
digestive sont l’antig
ene carcino-embryonaire (ACE), le CA19:9 et l’alpha
fœto-prot
eine (aFP). Ce sont des substances prot
eiques endog
enes dont la
s
ecr
etion peut ^
etre augment
ee lors d’un processus pathologique et
notamment lors de l’activation de certains g
enes au cours de l’oncogen
ese.
L’int
er^
et de ces 3 marqueurs utilis
es en routine clinique depuis des d
ecennies
fait encore l’objet de controverses quant a leur apport et parfois m^
eme leur
utilit
e. Leur int
er^
et a evolu
e dans le temps car leur impact est fortement
d
ependant de l’
evolution des prises en charges cliniques, th
erapeutiques et
techniques. La complexit
e de leur evaluation rend compte des disparit
es
d’utilisation.
travers 2 situations cliniques simples, nous analyserons les cas les
A
plus fr
equemment rencontr
es et tenterons d’apporter des el
ements de
compr
ehension tir
es d’une litt
erature riche mais de m
ethodologies souvent
contestables.
Abstract
As for most biological markers, whether inside or outside of the oncologic field,
the best marker is the one capable of giving a certain, reliable and reproducible
diagnosis and of defining a prognosis. In other words, the quality of a biological
marker will be judged on its specificity, sensitivity and prognostic aspect. In this
study, we will not take into account the secondary yet important aspects i.e. the
easiness of obtention, the invasiveness and the cost.
The main seric tumour markers used in digestive oncology are the
carcinoembryonic antigen (CEA), CA 19:9 and the alpha foeto-protein (aFP).
The secretion of some of these endogenic proteic substances can be increased
during the oncogenesis. The interest of these 3 markers, which have been used in
clinical routine for decades, is still subject to controversies as to what they bring
and how useful they are. Their interest has evolved with time because their
impact is deeply dependent on the evolution of the clinical, therapeutic and
HEPATO GASTRO
et Oncologie digestive
y
doi: 10.1684/hpg.2013.0917
s : marqueurs biologiques, cancers digestifs, ACE, CA19:9, alphaFP
n Mots cle
Tir
es a part : J.-M. Phelip
Pour citer cet article : Phelip JM, Clavel L, Rinaldi L. Les marqueurs sanguins tumoraux en
cancerologie digestive. Hepato Gastro 2013 ; 20 : 641-648. doi : 10.1684/hpg.2013.0917
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 8, octobre 2013
641
technic management. The complexity of their assessment reveals their disparity
of use.
From 2 simple clinical situations, we will analyse the most common cases and try
to bring elements of understanding taken from a rich literature but often
showing contestable methodologies.
n Key words: biological markers, digestive oncology, ACE, CA19:9, alphaFP
Observation clinique n8 1
Vous voyez en consultation un homme de 70 ans op
er
e il y
^lon sigmoı̈de class
a 8 mois d’un ad
enocarcinome du co
e
pT3N1 (stade TNM III). Il a termin
e il y a 3 semaines une
chimiotherapie adjuvante par 12 cures de FOLFOX4 (6 mois
de traitement). Il est en excellent etat g
en
eral (OMS : 0) et
son examen clinique est normal. Vous constatez que l’ACE
preoperatoire etait augment
e a 32 ng/mL (normale
< 5 ng/mL) et qu’il etait normal en postop
eratoire. Vous
instaurez une surveillance clinique trimestrielle associant
tous les 3 mois une echographie abdominale et tous les 6
mois une radiographie de thorax.
Question 1 : dans le cadre
de la surveillance :
a) Demandez-vous un dosage de l’ACE ?
b) Si oui, a quel rythme et pendant combien
de temps ?
cidive La survie sans re
a 5 ans de ce patient est evalu
ee
a environ 65 % [1]. Il s’agit plus de 9 fois sur 10 d’une
recidive metastatique, int
eressant le parenchyme h
epatique dans 80 % des cas ( m
etastases pulmonaires).
La surveillance devra donc s’exercer principalement sur le
foie et sur les poumons.
L’objectif de cette surveillance sera principalement de
depister une r
ecidive pr
ecoce susceptible de faire l’objet
d’une resection compl
ete, elle seule capable de donner un
taux de guerison et une survie a 5 ans de l’ordre de 30 %.
D’apres les donn
ees du Registre bourguignon des cancers
digestifs, sur la p
eriode 1994-2003, ce type de r
esection
concerne 25 % des patients avec r
ecidive m
etastatique et
58 % de ceux avec r
ecidive locale [2].
‘‘
L’objectif de la surveillance de l’antigène
carcino-embryonaire (ACE) dans le cadre
d’un cancer colorectal réséqué sera principalement
de dépister une récidive précoce susceptible
de faire l’objet d’une résection complète
642
’’
La normalisation postop
eratoire de l’ACE est un facteur de
bon pronostic important mais qui n’intervient pas dans la
d
ecision th
erapeutique ni dans le choix de la strat
egie de
surveillance. Elle inciterait cependant a utiliser ce marqueur
chez ce patient pr
esentant une tumeur « s
ecr
etante ».
L’analyse de la litt
erature sur l’utilit
e du dosage de l’ACE est
difficile car il n’existe pas d’essai prospectif ayant compar
e
une strat
egie similaire de surveillance associ
ee ou non a ce
dosage. Dans 60 a 75 % des cas, l’
el
evation du taux d’ACE
est le premier signe de r
ecidive et pr
ec
ede les signes
radiologiques et/ou cliniques de 3 a 8 mois [3]. Une m
etaanalyse d’essais non randomis
es a objectiv
e un b
en
efice
modeste en termes de survie d’une surveillance r
eguli
ere
de l’ACE [4]. Quatre essais randomis
es ne montrent
cependant aucune diff
erence de survie a 5 ans entre une
surveillance intensive compar
ee a une surveillance minimale
ou a l’absence de surveillance. Deux d’entre eux objectivaient une avance au diagnostic qui ne se traduit pas par une
am
elioration du pronostic [5-7]. Dans un de ces essais, le
dosage r
egulier de l’ACE ne paraı̂t pas non plus apporter
d’am
elioration pronostique mais les faibles effectifs de
cette etude ne permettent pas de conclusion formelle [6].
‘‘
Quatre essais randomisés ne montrent
cependant aucune différence de survie
à 5 ans entre une surveillance intensive comparée
à une surveillance minimale ou à l’absence
de surveillance
’’
section secondaire Les taux de re
a vis
ee curative des
m
etastases pourraient cependant ^
etre am
elior
es et constituer un b
en
efice individuel important a prendre en
compte. C’est ce que sugg
erent les r
esultats de l’essai de
Kjeldsen et al. avec 22 % de r
esections a vis
ee curative
versus 7 % pour la surveillance minimale [7]. Northover
dans une communication personnelle rapportait en 1994
des r
esultats similaires. Dans cette etude, 216 patients
^lon, surveill
op
er
es d’un cancer du co
es mensuellement
(imagerie normale) ont pr
esent
e une augmentation isol
ee
de l’ACE. L’information sur cette el
evation de l’ACE etait
remise au clinicien ou non de façon randomis
ee. Lorsque
l’information etait connue, le clinicien pouvait r
ealiser les
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 8, octobre 2013
Marqueurs tumoraux
cessaire jusqu’
explorations qu’il jugeait ne
a une laparotomie exploratrice. Les r
esultats objectivaient un nombre
d’intervention a vis
ee curative doubl
ee par cette strat
egie
(16 % vs 8 %) mais une survie a 5 ans similaire entre les 2
groupes (20 % vs 22 %).
En resume, l’int
er^
et du dosage r
egulier de l’ACE apr
es
resection d’un cancer colorectal ne r
eside que dans sa
capacite a d
etecter une r
ecidive pr
ecoce op
erable au
moment ou les examens traditionnels d’imagerie sont
normaux. Ces el
evations isol
ees ne repr
esentent que
7,5 % des cas dans une serie de 1 321 patients op
er
es
^lon [8]. Il n’est cependant pas d
d’un cancer du co
emontr
e
que cette augmentation de l’ACE puisse d
eboucher sur des
examens morphologiques capables de d
eceler la r
ecidive
(tomodensitom
etrie et/ou IRM) et d’entraı̂ner une strat
egie
echelle d’une
therapeutique am
eliorant le pronostic a l’
cohorte ou d’une population. Le b
en
efice individuel doit
^
bien entendu etre pris en compte mais impose de mettre en
regard le stress induit ainsi que la morbidit
e des examens
de recours. La conf
erence de consensus française sur la
^lon n’a pas retenu le
prise en charge des cancers du co
dosage systematique de l’ACE. Il est laiss
e optionnel et doit
^etre realise au mieux chez des patients pour lesquels
l’imagerie traditionnelle emet un doute sur une r
ecidive
(adenopathie, infiltration, micronodules, etc.) (figure 1).
‘‘
Le bénéfice individuel du dodage de l’ACE
^ tre pris en compte mais impose
doit e
de mettre en regard le stress induit ainsi que
la morbidité des examens de recours
’’
L’avenement de la tomographie par emission de positrons
(TEP-Scan), capable de d
etecter un hyperm
etabolisme
tumoral, devra faire l’objet d’une evaluation sp
ecifique
dans la strategie de surveillance, soit a titre syst
ematique,
soit lorsque l’ACE est elev
e. Sa capacit
e
a d
etecter du tissu
tumoral fonctionnel (nodules sup
erieurs a 1 cm) avec une
sensibilite de 97 %, permet en effet de donner une
nouvelle dimension a la surveillance de l’ACE dans la
selection des patients. Plusieurs s
eries sugg
erent en effet
que la TEP, prescrite uniquement en cas d’
el
evation de
l’ACE dans le cadre de la recherche d’une maladie
residuelle et/ou d’une r
ecidive, permet avec une sensibilit
e
de 80 % et une sp
ecificit
e de 80 % a 100 % de changer la
strategie de traitement dans 50 % a 95 % des cas [9].
Un essai français multicentrique de phase III coordonn
e par
le professeur Lepage (FFCD-PRODIGE 13) est en cours. Il
compare au terme d’une double randomisation, une
surveillance standard (
echographie abdominale et radiographie de thorax) a une surveillance standard a laquelle
est associe un dosage de l’ACE et/ou une tomodensitometrie thoraco-abdominale. Ce travail dont l’objec-
tif principal est l’am
elioration de la survie a 5 ans r
epondra
a l’int
er^
et d’une surveillance « renforc
ee » et plus
sp
ecifiquement a l’int
er^
et du dosage de l’ACE.
La dur
ee de la surveillance doit r
epondre a l’
evolution du
risque de r
ecidive dans le temps. Environ 80 % d’entre elles
surviennent dans les 3 ans suivant la r
esection de la tumeur
primitive et exceptionnellement apr
es 5 ans [10]. Quelles
que soient les modalit
es choisies, elles devront s’exercer
pour une dur
ee consensuelle de 5 ans (figure 1). La raret
e
des r
ecidives ult
erieures ne justifient pas une surveillance
particuli
ere en dehors d’une coloscopie tous les 5 ans.
‘‘
La durée de la surveillance doit répondre
à l’évolution du risque de récidive
dans le temps. Environ 80 % d’entre elles
surviennent dans les 3 ans suivant la résection
de la tumeur primitive et exceptionnellement
après 5 ans
’’
Observation clinique n8 2
Un homme de 74 ans, ethylo-tabagique chronique non
sevr
e, porteur d’une cirrhose secondaire bien compens
ee
pr
esente une alt
eration de l’
etat g
en
eral isol
ee. L’examen
clinique n’objective qu’une h
epatom
egalie. Son m
edecin
traitant lui a prescrit un bilan radiologique et biologique
« de d
ebrouillage ». L’
echographie, le scanner thoracoabdomino-pelvien puis l’IRM h
epatique r
ev
elent un
parenchyme h
epatique tr
es h
et
erog
ene a contour
irr
egulier associ
e a plusieurs l
esions nodulaires. La plus
volumineuse mesure 35 mm de plus grand axe. Elles
apparaissent tr
es suspectes mais asp
ecifique. Le pancr
eas
est calcifi
e et globalement hypertrophi
e. Il existe une
cholestase a 3 fois la normale a tendance ict
erique
(bilirubinemie a 30 mM/L a predominance conjugu
ee).
conisez-vous ?
Question 2 : que pre
a)
b)
c)
d)
e)
Dosage de l’ACE
Dosage du CA19:9
Dosage de l’aFP
Ponction biopsie des l
esions h
epatiques
Aucune de ces propositions
L’int
er^
et d’un marqueur tumoral dans la recherche d’une
tumeur primitive est d
ependant de sa sensibilit
e (capacit
e
a
s
electionner le maximum de cancers c’est-
a-dire les vrais
positifs) et de sa sp
ecificit
e (capacit
e
a ne s
electionner que
les cancers d’int
er^
ets c’est-
a-dire a eliminer les faux
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 8, octobre 2013
643
positifs). La sensibilit
e et la sp
ecificit
e de chaque marqueur
sont definies suivant le type de cancer (histologie et/ou
organe) et sont souvent fonction de leurs taux sanguins.
Ainsi l’ACE peut ^
etre augment
e plus particuli
erement dans
les cancers du sein, les cancers gastriques et les cancers
colorectaux ; le CA19:9 orientera plus sp
ecifiquement vers
des cancers de la sph
ere bilio-pancr
eatique et l’aFP vers des
cancers primitifs du foie ou des tumeurs germinales.
Lorsque la sp
ecificit
e est tr
es elev
ee, et dans certaines
conditions morphologiques, le marqueur peut se substituer
a l’histologie.
‘‘
La sensibilité et la spécificité de chaque
marqueur sont définies suivant le type
de cancer (histologie et/ou organe) et sont souvent
fonction de leurs taux sanguin
’’
L’ACE decrit depuis 1965 par Gold et Freedman est s
ecr
et
e
principalement par certains ad
enocarcinomes d’origine
digestive. Son int
er^
et potentiel est multiple :
^le pronostique. Son augmentation persistante 4 a
6
– Ro
semaines apr
es r
esection d’un ad
enocarcinome colique ou
resection compl
ete de m
etastases d’un ad
enocarcinome
colique est en g
en
eral li
ee a la persistance de tissu tumoral
et a la presence de m
etastases infraradiologiques. Elle est
associee a un pronostic p
ejoratif [11, 12]. Par ailleurs, son
^le pronostique a ro
et
e evoqu
e en cas d’
el
evation
preoperatoire d’un ad
enocarcinome colorectal, notamment en cas d’absence d’envahissement ganglionnaire
[13]. L’ACE constitue donc un marqueur pronostique du
cancer colorectal mais n’influence en aucun cas la strat
egie
therapeutique et n’a donc pas lieu d’^
etre dos
e de mani
ere
systematique.
^le predictif d’efficacit
– Ro
e des traitements. L’augmentation sur 2 pr
el
evements successifs chez un patient sous
chimiotherapie traduit une progression de la maladie et
donc un echappement th
erapeutique [14]. Il est tr
es utile en
cas de maladie m
etastatique non ou difficilement mesurable
l’inverse, sa diminution sous
(ex : carcinose p
eriton
eale). A
traitement est un facteur de bon pronostic et d’efficacit
e des
traitements. La mesure de la r
eponse selon les crit
eres
644
‘‘
La mesure de la réponse selon les critères
RECIST doit rester le gold standard, le
dosage de l’ACE n’intervenant qu’en cas de doute
sur l’imagerie ou de maladie non mesurable
’’
^le diagnostique. Le spectre tumoral de chaque
– Ro
marqueur permet une orientation diagnostique mais
rarement un diagnostic de certitude. Dans le cas de
l’ACE, il s’agit principalement d’ad
enocarcinome d’origine
digestive colique ou gastrique ou de carcinomes mammaires
et de tumeurs bien diff
erenci
ees. En effet, les tumeurs peu
diff
erenci
ees ont en g
en
eral perdu ce pouvoir de s
ecr
etion.
La sensibilit
e de l’ACE pour la pr
esence de m
etastases d’un
ad
enocarcinome colorectal est estim
ee entre 50 % et
90 %. Elle est variable selon les examens coupl
es et pourrait
^
etre tr
es elev
ee lorsqu’une imagerie h
epatique et un dosage
des gammaGT y sont associ
es [15]. Le diagnostic histologique reste cependant le gold standard devant une tumeur
h
epatique isol
ee d’autant que des augmentations mod
er
ees
s’observent en cas de tabagisme, d’insuffisances r
enales
chroniques ou d’h
emodialyse ou encore de maladies
inflammatoires chroniques (faux positifs).
‘‘
Le diagnostic histologique reste cependant
le gold standard devant une tumeur
hépatique isolée d’autant que des augmentations
modérées de l’ACE s’observent en cas
de tabagisme, d’insuffisances rénales chroniques
ou d’hémodialyse ou encore de maladies
inflammatoires chroniques
’’
‘‘
L’augmentation persistante de l’ACE, 4 à 6
semaines après résection d’un adénocarcinome colique ou résection complète de métastases
d’un adénocarcinome colique, est liée à la persistance de tissu tumoral et à la présence de métastases infraradiologiques. Elle est associée à un
pronostic péjoratif
’’
RECIST doit cependant rester le gold standard, le dosage de
l’ACE n’intervenant qu’en cas de doute sur l’imagerie ou de
maladie non mesurable (figure 1).
Le CA19:9 est un marqueur qui oriente egalement vers des
tumeurs digestives et plus sp
ecifiquement vers une origine
bilio-pancr
eatique. D’apr
es Nouts et al, la sensibilit
e et la
sp
ecificit
e du CA19:9 pour le cancer du pancr
eas
sont respectivement de 81 % et 90 % pour un seuil
de 37 UI/mL et de 41 % et 99,8 % pour un seuil de
1 000 UI/mL [16]. La pr
esence d’une cholestase, d’un
ict
ere, d’une h
emochromatose ou d’une tumeur b
enigne
pancr
eatique peut ^
etre responsable d’une augmentation
mod
er
ee (en g
en
eral inf
erieure a 3 fois la normale)
r
eduisant sa sp
ecificit
e pour les seuils peu elev
es. Pour les
cholangiocarcinomes et les carcinomes de la v
esicule
biliaire, la sensibilit
e est de 80 %. Elle est beaucoup plus
faible pour les cancers colorectaux, les cancers gastriques
ou les carcinomes h
epatocellulaires. L
a encore, seul le
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 8, octobre 2013
Marqueurs tumoraux
Surveillance d’un cancer colorectal
non métastatique réséqué
Échographie
/3 mois pendant 2 ans
puis /6 mois jusqu’à 5 ans
Radiographie thoracique
/an jusqu’à 5 ans
Coloscopie
à 3 ans puis /5 ans
Suspicion de
récidive
métastatique
TDM +/- IRM +/TEP
Lésions
mesurables
typiques de
métastases
Traitement
Lésions
non
mesurables
typiques de
métastases
Lésions
suspectes
de
métastases
+ ACE
Histologie
+/- ACE
Traitement
+ Surveillance ACE
si élevé
Traitement
Figure 1. Strat
egie de surveillance d’un cancer colorectal reseque et inter^et du dosage de l’ACE en cas de recidives metastatiques non mesurables.
diagnostic histologique permet de porter un diagnostic de
certitude.
La greffe d’un cholangiocarcinome intrah
epatique sur
cirrhose biliaire primitive est une situation particuli
ere et
e. Son diagnostic est d
redoute
elicat du fait des remaniements morphologiques du foie rendant son exploration
difficile. Une s
erie r
etrospective sugg
ere que l’ACE
combin
e au CA19:9 pourrait ^
etre tr
es utile dans la d
ecision
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 8, octobre 2013
645
therapeutique. La sensibilit
e de l’index constitu
e (CA19:9 +
ACE 40) serait de 80 % et la sp
ecificit
e de 100 % s’il est
superieur a 400. La valeur pr
edictive positive de cet index
serait alors de 100 % [17].
Comme pour l’ACE et le cancer colorectal, le CA19:9
pourrait ^etre un marqueur d’efficacit
e des traitements
antitumoraux. Son utilisation doit ^
etre r
eserv
ee aux
tumeurs sans cible radiologiquement mesurable.
La presence d’une cirrhose ou d’une h
epatopathie chronique est un el
ement fondamental qui permet d’
evoquer le
diagnostic d’h
epatocarcinome (CHC). Les taux sanguins
d’aFP etant proportionnels au volume tumoral, la sensibilit
e
diagnostique de ce marqueur est peu elev
ee pour des
tumeurs de moins de 2 cm. Elle a cependant longtemps et
e
utilisee comme test diagnostic associ
e aux modifications
morphologiques et a la cin
etique vasculaire de la l
esion.
‘‘
‘‘
Les taux sanguins d’aFP étant proportionnels au volume tumoral, la sensibilité
diagnostique de ce marqueur est peu élevée
pour des tumeurs de moins de 2 cm
’’
’’
Lorsque le taux d’aFP est supérieur
à 400 ng/mL, et que la tumeur apparaı̂t
hyperartérialisée avec un lavage portal, la valeur
prédictive positive est proche de 100 %
Ainsi, lorsque son taux est sup
erieur a 400 ng/mL, et que la
tumeur apparaı̂t hyperart
erialis
ee au scanner inject
e (ou en
IRM) avec un lavage portal, la valeur pr
edictive positive est
proche de 100 %. La biopsie tumorale en vue d’un
diagnostic histologique a donc longtemps ete r
eserv
ee aux
Surveillance d’une cirrhose
Échographie hépatique/6 mois
Nodule
< 1 cm
Nodule
> 1 cm
Échographie
/3 mois
Stable
> 24
mois
Échographie
/6 mois
TDM et/ou IRM
typiques
Taille
OUI
Traitement
Figure 2. D
emarche diagnostique devant un nodule sur cirrhose suspect d’hepatocarcinome.
646
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 8, octobre 2013
NON
Histologie
Marqueurs tumoraux
doutes diagnostiques lorsque la tumeur apparaissait
atypique. Le diagnostic histologique reprend cependant
de l’importance en raison de l’av
enement des th
erapies
ciblees qui imposent une meilleure compr
ehension de
la biologie tumorale. Par ailleurs, la faible sensibilit
e de
l’aFP pour des petites tumeurs n’est pas adapt
ee aux
strategies de d
epistage qui, par d
efinition, visent a d
etecter
precocement un nodule d
evelopp
e dans un contexte
d’hepatopathie. En effet, les tumeurs de moins de 20 mm
developpees sur foie cirrhotique correspondent dans plus
de la moitie des cas a des l
esions b
enignes (nodules de
regeneration, nodules dysplasiques [18]) et parfois a des
tumeurs malignes biliaires ou des m
etastases [19].
‘‘
Les tumeurs de moins de 20 mm développées sur foie cirrhotique correspondent
dans plus de la moitié des cas à des lésions
bénignes
’’
centes de l’AASLD ne tiennent
Les recommandations re
plus compte du taux d’aFP dans l’algorithme diagnostique
mais simplement de la taille et de l’aspect morphologique
[20]. Le diagnostic invasif histologique n’est retenu que
pour les tumeurs de plus de 1cm n’ayant pas les
caracteristiques cin
etiques typiques (hyperart
erialisation
et lavage portal tardif (figure 2).
‘‘
Les recommandations récentes
de l’association américaine d’hépatologie
ne tiennent plus compte du taux d’aFP dans
l’algorithme diagnostique mais simplement
de la taille et de l’aspect morphologique
’’
Les enqu^etes de pratiques sugg
erent une utilisation
excessive des marqueurs tumoraux en France qui, outre
l’impact medico-
economique, sont souvent source de
ponses aux questions
Bonnes re
Question 1 : voir la r
eponse dans le texte.
Question 2 : d
clare n’avoir aucun lien
re
^ts : L’auteur de
Liens d’inte
&
d’int
er^
et en rapport avec l’article.
Références
Les r
ef
erences importantes apparaissent en gras.
1. Andre T, Boni C, Navarro M, et al. Improved overall survival with oxaliplatin,
fluorouracil, and leucovorin as adjuvant treatment in stage II or III colon cancer in
the MOSAIC trial. J Clin Oncol 2009 ; 27 : 3109-16.
L’avenement des traitements antiangiog
eniques dans le
CHC necessite de r
e
evaluer les crit
eres de r
eponses
(RECIST) en tenant compte de la r
eponse vasculaire. Les
criteres RECIST modifi
es (ou mRECIST) tiennent compte de
la somme des diam
etres des tissus viables et donc non
necrotiques [21]. Ces crit
eres ne sont pas toujours faciles a
utiliser compte tenu de l’aspect parfois tr
es h
et
erog
ene des
lesions et de leur nombre. Dans ce contexte l’aFP pourrait
constituer une aide pr
ecieuse d’
evaluation de l’efficacit
e
des traitements applicable uniquement aux tumeurs
secretantes.
Conclusion
decin et le
confusion et parfois d’angoisse pour le me
patient. Leur sp
ecificit
e ne permet pas souvent de
supplanter le diagnostic histologique. Dans ce cadre,
l’aFP, l’ACE et le CA19:9 ne doivent plus ^
etre utilis
es en
routine. Leur apport en termes d’aide a l’
evaluation de
l’efficacit
e des traitements doit ^
etre r
eserv
e aux tumeurs
sans cible clairement mesurable ou a l’
evaluation de
l’efficacit
e des traitements antiangiog
eniques notamment
pour le CHC avec le Nexavar1. Cette situation doit
cependant ^
etre mieux evalu
ee par des etudes prospectives.
Enfin, leur utilite dans un contexte de surveillance d’une
tumeur op
er
ee doit egalement faire l’objet d’
etudes
prospectives sp
ecifiques tenant compte des examens
compl
ementaires associ
es. L’avance au diagnostic est
probable, notamment pour l’ACE dans le cancer colorectal
r
es
equ
e mais n’est pas n
ecessairement corr
el
ee a une
am
elioration de la prise en charge th
erapeutique et du
pronostic.
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