s`est imposée"

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s`est imposée"
24 OCT 14
Quotidien
OJD : 124580
248 AVENUE ROGER SALENGRO
13015 MARSEILLE - 04 91 84 45 45
Surface approx. (cm²) : 1182
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MICHEL PORTOS
"L'idée du locavore
s'est imposée"
Michel Portos dans son nouveau restaurant marseillais, "Le Poulpe", quèlques
jours avant son ouverture. Si le chef ne sera pas en cuisine, il donnera la ligne
de l'établissement qui ne servira que des produits de la region, ll signe aussi un
livre sur les recettes préférées des grands compositeurs. / PHOTO PATRICK NOSETTO
UN D.NER
en musique
maquereaux, dè la sardine, et arrêter
de manger du saumon, c'est la prochaine maladie du siecle, le saumon!
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LIBELLA
0600181400509/GNK/AMR/2
Tous droits réservés à l'éditeur
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Par Olga BIBILONI
obibilonigilaprovence-presse
fr
"Je ne veux plus qu'il y ait
d'ambiguïté", ll le précise et insiste, Michel Portos n'est pas le
chef de son nouveau restaurant,
Le Poulpe, qui vient d'ouvrir à
Marseille (80-84, quai du Port).
Pas plus qu'il n'est le chef du
Malthazar, l'établissement qui
l'a fait revenir dans cette ville où
il est né. Dans les deux cas, il est
le directeur, le coordinateur.
Line centaine de couverts, une
déco élégante, un cadre lumineux, une terrasse chauffée
l'hiver... Le Poulpe fonctionne
sept jours sur sept, avec une
douzaine de personnes en ce moment et passera à une équipe de
vingt l'été. N'y sont servis que
des produits régionaux. Cette
adresse qui va devenir culte
pour les locavores affiche d'ores
et déjà sa particularité. Le chef
signe aussi, avec Nathalie Krafft,
un livre, Lin dîner en musique,
dans lequel il dévoile les goûts
et les recettes des grands compositeurs (éd. Buchet Chastel).
locaux au prix compris entre 5 et 10
euros. Le soir, on viendra prendre
l'apéro, grignoter des bouchées
méridionales... En revanche, pendant
la période estivale, on sera ouvert de
8 h à minuit en non-stop.
I Ce nouveau restaurant a un
concept: il s'adresse aux locavores.
Quelles règles allez-vous observer?
Tout ce qui sera consomme ici à midi,
l'après-midi ou le soir aura été fait
avec des produits régionaux cueillis, ramassés, pêches dans un rayon de 200,
250 kilomètres. C'est valable pour le solide comme p o u r le liquide à
l'exception du champagne, du café, du
chocolat pour la glace... Mais il n'y
aura ni saint-Jacques ni homard de
Bretagne, pas de sauce soja, ni de wasabi, pas d'huile d'olive espagnole ou ita-
"Je pense que c'est le devoir
d'un chef d'entreprise cle
mettre en avant ce qu'il y
a de positif dans sa région."
lienne. On ne trouvera que des produits locaux. La seule entorse que l'on
fait sera pour des produits corses. Le
soir, les fameuses bouchées méridionales serviront d'entrée. Il y aura ensuite
5 plats à la carte autour de la viande et
du poisson, sachant que si le pêcheur
me ramène deux saint-pierres, trois
daurades et quatre loups, il n'y aura
que ça. Le prix dépendra aussi de la rareté du produit mais l'idée est de ne
pas être trop cher : à midi, une formule
I "Le Poulpe", le nouveau restaurant entrée-plat autour de 19€, enqui vient d'ouvrir à Marseille était très trée-plat-dessert autour de 23 €. L'été,
attendu. Quel sera son fonctionne- le plat du soir ira de 17 à 30 €.
ment?
Le restaurant va fonctionner sept jours
sur sept, midi et soir en deux temps :
l'hiver, du 1er novembre au 15 mars,
on ouvrira de 10 h à 20 h. Le matin
pour des petits-déjeuners, à midi, avec
une petite formule déjeuner, le choix
entre deux entrées, deux plats, deux
desserts, pas de carte. L'après-midi,
on servira des bouchées méridionales :
de petits contenants avec des produits
I Peu de produits, est-ce que cela ne
va pas générer de la frustration?
Être en rupture d'un produit, c'est le
risque mais c'est notre problème. La
frustration est normalement gérée
dans tout restaurant : quelqu'un qui
vous sert une daurade de 200 à 300
grammes calibrée tous les jours de la
même façon, c'est forcément de
l'élevage. Ou du congelé ! On précisera
en début de service quels seront les
produits qui ne seront proposés qu'en
petite quantité.
I Cette idée locavore, est-ce une philosophie ou du marketing?
Elle s'est imposée à moi. Car lorsque je
suis revenu à Marseille, au Malthazar,
pour y proposer une cuisine de brasserie avec des plats de brasserie et
d'autres plus personnels, j'ai constaté
qu'on me demandait tout le temps
d'où venaient les produits. D'autre
part, j'en avais marre d'entendre tellement de choses négatives sur Marseille et la région, l'ai voulu montrer la
diversité et la qualité de nos produits,
le pense que c'est le devoir d'un chef
d'entreprise de mettre en avant ce
qu'il y a de positif dans sa région: pas
besoin d'aller chercher du vin à Bordeaux ou en Bourgogne, ici on a tout
ce qu'on veut. Ça procède de l'anti
Marseille bashing et de l'anti Sud
bashing.
I Comment sentez-vous l'évolution
du rapport à la nourriture? On a
l'impression que ça devient hypercentral dans la vie des gens?
C'est un sujet de prédilection qui résulte de l'intérêt que lui apportent les médias, la télé en particulier... Oui, c'est
hypercentral et à la fois les gens n'y
comprennent pas grand-chose. Mais
quand je vois ce qu'on sert dans certains endroits et que je vois les terrasses pleines, je trouve ça effrayant.
Quand je vois manger dcs saint-jacques l'été aux terrasses de certains restaurants, il faut savoir que la saint-jacques est produite d'octobre à avril! Il
n'y a pas de culture même si la cuisine,
c'est tendance : aujourd'hui on se doit
de faire semblant de savoir.
I Mange-t-on mieux dans le
Sud qu'ailleurs?
Ie pense qu'on mange plus sainement.
Le régime crétois est ancré en nous :
huile d'olive, tomate, poivron, tout ce
qui fait qu'il y a assez peu d'obésité
dans nos régions. Mange-t-on mieux ?
Ie ne sais pas, je n'ai jamais vécu dans
le Nord! Si on fait un comparatif entre
Marseille et Bordeaux par exemple, je
pense qu'à Bordeaux il y a une plus
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g r a n d e c u l t u r e c u l i n a i r e , qui sente comme 'assistant maître
s'explique par l'importance du vin et d'hôtel' alors que le vrai terme c'est
par un autre niveau de pouvoir 'commis.' Trouvez-moi un chef ou un
d'achat.
p a t r o n d e r e s t a u r a n t qui v a
l'embaucher! On n'est pas en phase,
I Les émissions culinaires influen- nous les professionnels, avec le moncent-elles notre façon de cuisiner ?
de de l'enseignement. Rapprocher ces
Oui à partir d'un certain niveau de deux mondes-là, c'est indispensable
culture, les gens sont de plus en plus pour l'avenir. Les écoles hôtelières se
friands de ce type d'informations, de sont montées à tour de bras : il fallait
produits. Mais ça induit aussi des com- développer l'apprentissage, pousser
portements: une amie me disait ré- les gens à choisir un métier manuel.
cemment qu'elle ne reçoit plus person- Mais qui a-t-on formé ? À côté de ça, je
ne car elle craint cette surenchère, cet- comprends que quand un jeune ouvre
te course à celui qui va faire le plat de des poches de produits sous vide toute
chef le mieux reproduit! Nous, restau- la journée, la motivation est nulle. Je
rateurs, sommes constamment vais vous résumer une phrase de Coluconfrontés à des gens qui croient tout che : "J'ai été à la faculté, j'ai connu des
savoir! En France, il y a 60 millions professeurs qui me vendaient de
d'habitants et autant d'inspecteurs du l'intelligence alors qu'ils n'avaient pas
Michelin! Tout le monde a un avis! un échantillon sur eux".
Comme il y a aussi 60 millions
d'entraîneurs de l'équipe de France !
I Que conseillez-vous aux jeunes qui
choisissent votre métier?
I Que conseillez-vous à ceux qui ont Je leur dis que grâce à ce métier, je suis
un faible pouvoir d'achat ?
passé du CAP de cuisinier de collectiviDe cuisiner déjà. Car ça coûte moins té à deux étoiles au Michelin ! J'ai voyacher que d'acheter des produits tout ge dans le monde entier, j'écris des
faits, en boîte ou surgelés et des pa- bouquins ! Je leur dis aussi que pour
quets de biscuits. Il faut acheter des moi, commencer à 14 ans c'est une héproduits de saison et les cuisiner, pren- résie. Il faut avoir un minimum de badre un peu de son temps et retrouver gages, de culture. J'ai toujours refusé
le goût du partage. Il faut acheter des de prendre des jeunes de 14 ans parce
I Que dîtes-vous alors de cette mode qu'à cet âge-là, on ne sait pas encore
des sushis qui envahit toutes nos villes ? quel métier on va faire. Moi, à 14 ans,
J'ai eu la chance d'aller souvent au Ja- je voulais être gendarme motocycliste
pon et d'être même consultant pour mais c'était pour la moto ! Même s'il y
un hôtel à Tokyo. Allez manger au Ja- a une discipline dans l'armée que l'on
pon et vous verrez que ce n'est ni les retrouve en cuisine.
mêmes produits ni les mêmes prix: on
I Réagissez-vous comme ça par rapmange ici des ersatz de sushis à
l'exception de quèlques restaurants port à votre propre histoire ?
qui font du haut niveau. C'est aussi le Mon histoire a été un combat. Un comproblème qui se pose pour la bouilla- bat pour faire accepter à mon père qui
baisse, à moins de 40-50 euros une était comptable que je devienne cuisinier. Pendant dix ans, il ne m'a pas parbouillabaisse, ça n'existe pas !
lé. Au bout de dix ans, il a été convainI Que pensez-vous des forma- cu que finalement c'était un métier hotions proposées à ceux qui choisissent norable. À l'époque, les parents rêvaient pour leurs enfants des métiers
la voie de la restauration ?
Je pense que la cuisine est aujourd'hui d'avocat, de médecin, de dentiste. Être
enseignée par des gens qui n'ont pas c u i s i n i e r n ' a v a i t p a s l ' a u r a
ou trop peu de pratique. Il n'y a pas de d'aujourd'hui. Mon deuxième combat
passerelle entre les lycées et le monde a été mon arrivée au Saint-James où
professionnel. Je vais vous citer un j'ai succédé à Jean-Marie Amat. Il a falexemple : hier, je reçois un CV d'une lu que je me batte pour avoir mes deux
jeune fille qui a fait l'école hôtelière et étoiles, être chef de l'année...
qui n'a fait que des stages et qui se pré-
I Comment avez-vous travaillé pour
le livre "Un dîner en musique"?
La journaliste Nathalie Krafft a eu
l'idée du livre et m'a proposé de le faire avec elle. Elle a fait le travail de recherche, moi je n'ai fait que superposer des plats qui ont pu ou qui auraient
pu être mangés par ces grands compositeurs. L'idée de l'éditeur était de faire
quelque chose d'accessible. Je me suis
mis dans la peau des compositeurs, en
pensant aux produits de l'époque.
LES REPERES
4 avril 1963
Naissance à Marseille de Michel
Portos. Après des études de commerce, il prépare son CAP de cuisine au CFA de Marseille, d'où il sort
premier de sa promotion.
Les années SO
De 1983 à 1985, il est commis de
cuisine pour le restaurant
d'entreprise dè la société Eurest
(13). De 1985 à 1987, cuisinier au
restaurant du Club des Girondins
de Bordeaux (33). Puis chef de cuisine au restaurant Lovât à Lacanau (33).En 1988, Michel Portos
devient chef de partie aux restaurants le Chapon Fin et le Rouzicà
Bordeaux (33). Et en 1989, il est
chef de cuisine au restaurant La
Barbe, à Londres.
Les années 90
De 1990 à 1993, Michel Portos est
chef de cuisine au restaurant les
Jardins de /'Opéra à Toulouse (3l),
puis, de 1994 à 1997, chef de cuisine au restaurant Troisgros à Roanne (42). ll crée ensuite le restaurant Côté Théâtre à Perpignan
(66) et obtient un 1er macaron au
guide Michelin.
Les années 2000
En 2002, Michel Portos devient
chef et directeur du Saint-James
(33). Il obtient son 2e macaron au
guide Michelin. En 2012, il devient
"Cuisinier de l'année", titre décerné par le Guide Gault & Millau.
Cette année-là, il reprend la brasserie Le Maithazar à Marseille (19,
rue Portia, 1er) dont il n'est pas le
chef.
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