16 VOIR ET CROIRE EN JEAN 20
Transcription
16 VOIR ET CROIRE EN JEAN 20
Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. 16 VOIR ET CROIRE EN JEAN 20 INTRODUCTION Dès l’origine, le récit de la Passion et le cycle pascal ont constitué une unité. Le récit de la Passion n’a jamais été transmis sans celui de Pâques et inversement. Le cycle pascal commence là où le récit de la Passion s’était achevé : au tombeau, dans un jardin. À la veille du sabbat, en Jn 19,42, le tombeau contient encore le corps de Jésus. Mais au premier jour de la semaine, il est vide (Jn 20,2). Ce chapitre 20 va expliquer pourquoi le tombeau n’est pas resté le lieu des pleurs et du chagrin, mais est devenu l’espace d’une découverte décisive. Un des problèmes du chapitre 20 tient dans son incohérence narrative. Les différentes scènes sont simplement juxtaposées sans qu’il n’y ait le moindre lien entre elles. La foi du disciple que Jésus aimait ne suscite aucun écho et paraît sans conséquence sur l’attitude des disciples. Marie de Magdala se retrouve de nouveau au tombeau après le départ des deux disciples sans que soit mentionnée la raison de sa présence. Sa foi retrouvée est également sans conséquence puisque les disciples enfermés et craintifs ne semblent rien savoir de la Résurrection de leur Seigneur jusqu’à son arrivée. Le récit reste ainsi très chaotique. L’intention de l’auteur n’est donc sans doute pas de décrire chronologiquement les événements qui ont marqué le jour de Pâque et le jour suivant. En fait, l’intrigue du chapitre 20, comme celle de tout l’Evangile, est une intrigue thématique qui est celle de la foi. Tout le chapitre 20 tourne autour de la relation entre le voir et le croire et développe sous une forme narrative la naissance de la foi pascale. 1 LA DECOUVERTE DU TOMBEAU VIDE (Jn 20,1-10) 11 L’arrivée au tombeau (vv. 1-2) 1 Le premier jour de la semaine, à l'aube, alors qu'il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. 2Elle court, rejoint Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit: "On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis." À la différence des Synoptiques où ce sont plusieurs femmes qui se rendent au tombeau, dans l’Evangile de Jean, Marie de Magdala est seule à se rendre au tombeau et aucune raison n’est donnée à sa venue. L’intention narrative est claire : c’est la découverte du tombeau vide qui constitue le point de départ du récit. Elle "voit" en grec ble/pei blepeï (v. 1) la pierre roulée du tombeau mais c’est un "voir" qui n’aboutit pas. Il s’épuise dans l’interprétation incroyante du déplacement de la dépouille : "ils ont enlevé le Seigneur du tombeau" (v. 2). En déplorant la disparition du corps du Seigneur, elle manifeste qu’elle pense que le corps a été ou volé ou déplacé. Elle est encore incapable d’interpréter le tombeau vide comme un signe. Peut-être est-ce pour cela que le narrateur mentionne qu’il faisait sombre (20,1). Son "voir" manqué va cependant susciter le désir du vouloir "voir" de Pierre et du disciple que Jésus aimait. 12 La course au tombeau (vv. 3-4) 3 Alors Pierre sortit, ainsi que l'autre disciple, et ils allèrent au tombeau. 4Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. La nouvelle transmise par Marie de Magdala incite les deux disciples alertés à se rendre au tombeau. Si le v. 3 fait état d’une marche commune en direction du tombeau "ils allaient au tombeau", le v. 4 transforme la marche en une course qui voit la victoire du disciple bien-aimé "l’autre disciple courut devant". La victoire du disciple bien-aimé consacre sa relation privilégiée au Christ et elle démontre que son zèle et son amour pour le Seigneur sont plus grands que ceux de Pierre. La réhabilitation de Pierre n’a pas encore eu lieu ; elle surviendra au chapitre 21 et sera aussi formulée en termes d’amour. 123 Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. 13 L’inspection du tombeau vide (vv. 5-8) 5 Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n'entra pas. 6Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là 7et le linge qui avait recouvert la tête; celui-ci n'avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit. 8C'est alors que l'autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau; il vit et il crut. Ces versets précisent les rôles respectifs de Pierre et du disciple bien-aimé. Tout d’abord, on peut relever que la prééminence pétrinienne n’est pas remise en cause : le disciple bien-aimé arrivé le premier n’entre pas dans le tombeau et laisse cet honneur à Pierre. Celui-ci entre donc le premier dans le tombeau et il "voit" qewreiv téôreï (v. 5) les bandelettes et le suaire. Mais pas plus que Marie, il est en mesure de lire le signe qui est devant ses yeux : son "voir" n’interprète pas la présence des bandelettes et du suaire. Il est présenté comme un témoin qui constate un fait, mais sans en avoir l’intelligence profonde. Sa foi n’est pas mentionnée A l’inspection pétrinienne succède celle du disciple que Jésus aimait qui entre en second. A la différence de Pierre, "il voit et il croit" (v. 8). Son voir (verbe oraw oraô) est lui, un "voir" qui conduit à la foi. Mais il faut bien noter que son voir est celui d’un tombeau vide. Pour lui, l’état du sépulcre est un signe. Il comprend que les bandelettes abandonnées et le suaire rangé signifient que le Crucifié n’est pas resté prisonnier de la mort, mais qu’il est vivant. Dans cette première scène, trois personnes se sont approchées du tombeau vide placé ici sous le signe d’une réalité ambivalente : Marie de Magdala est la figure de l’incompréhension et de la foi déficiente. Elle explique le tombeau vide par la disparition de la dépouille du Crucifié. Son "voir" a abouti à un malentendu. Pierre incarne le rôle de témoin : il constate l’état de la tombe sans prendre position. Il est celui qui reste en deçà de toute interprétation. Le disciple que Jésus aimait représente par contre le paradigme de la foi. Il discerne un signe dans le tombeau et il croit sans que le Ressuscité lui apparaisse ; il croit à la seule vue du tombeau vide, c’est-à-dire à la seule vue de la radicale absence du Christ. Il donne le premier témoignage d’une foi pascale achevée : celle d’un "croire" sans "voir". Ainsi le tombeau vide n’est pas une preuve de la résurrection, il n’a pas valeur d’une évidence, il nécessite une interprétation. Seule la foi est capable de discerner dans ce signe ambigu la trace du Vivant. 14 Commentaire et retour des deux disciples (v. 9-10) 9 En effet, ils n'avaient pas encore compris l'Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d'entre les morts. 10Après quoi, les disciples s'en retournèrent chez eux. Cette glose du narrateur est difficile à interpréter : comment l’ignorance des disciples peut-elle être soulignée après que la foi pascale du disciple bien-aimé a été mise en exergue ? En fait ce commentaire comporte un double accent. D’une part il met en relief la foi achevée du disciple bienaimé qui, sans s’appuyer sur le témoignage de l’Ecriture, a su interpréter le message du tombeau vide. D’autre part, il permet d’expliquer le silence de Pierre. De façon surprenante, la foi du disciple bien-aimé ne débouche sur aucune proclamation du kérygme pascal ; elle n’est appelée à aucune diffusion ! Ce silence peut avoir en fait une portée théologique : il signifie que seul le Seigneur élevé peut fonder la foi pascale ce qui sera l’objet de l’épisode suivant. 2 L’APPARITION DU RESSUSCITE À MARIE DE MAGDALA (Jn 20,11-18) C’est au matin et devant le tombeau que se joue la seconde scène du cycle pascal. Les tensions avec la première scène sont évidentes : - Cette nouvelle présence de Marie de Magdala au tombeau n’est pas expliquée. 124 Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. - Elle semble tout ignorer de l’inspection du tombeau vide par les deux disciples et de la foi du disciple bien-aimé. Jean reprend des motifs anciens de la tradition pascale en leur conférant son empreinte particulière. La scène est individualisée et ne concerne que Marie de Magdala. L’angélophanie est abrégée : les anges ne transmettent aucun message. Enfin, l’angélophanie est suivie immédiatement d’une christophanie qui hérite de la fonction révélatrice qu’avaient les anges dans la tradition synoptique. 21 La rencontre avec les anges (vv. 11-13) 11 Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau 12et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l'endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l'un à la tête et l'autre aux pieds. 13"Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ?" Elle leur répondit : "On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l'a mis." Marie se tient à proximité du tombeau et elle pleure. Le motif de sa tristesse tient dans la radicale absence de son Seigneur : non seulement, il est mort, mais encore, sa dépouille a disparu. La disciple éplorée est ainsi encore à l’extérieur du mystère. Se penchant à l’intérieur du tombeau, elle voit deux anges. De même que les linges funéraires avaient valeur de signe et évoquaient la résurrection de Jésus, les deux anges remplissent ici cette fonction référentielle. D’une part, leur disposition, à la tête et aux pieds, identifie le tombeau comme étant bien celui de Jésus. D’autre part, leurs vêtements blancs dénote que le tombeau n’est pas le lieu de la présence destructrice mort mais de celle de Dieu. Interrogeant Marie sur la raison de son chagrin, ils ne parviennent pas à l’arracher à son chagrin et à son désarroi ainsi qu’à sa perception erronée du tombeau vide. 22 La rencontre avec le Christ ressuscité (vv. 14-17) 14 Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c'était lui. 15Jésus lui dit : "Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ?" Mais elle, croyant qu'elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : "Seigneur, si c'est toi qui l'as enlevé, dis-moi où tu l'as mis, et j'irai le prendre." 16Jésus lui dit : "Marie." Elle se retourna et lui dit en hébreu : "Rabbouni" - ce qui signifie maître. 17Jésus lui dit : "Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu." Cette rencontre constitue le tournant de la scène. Marie doit se retourner en arrière pour voir Jésus. Ce mouvement signale que Jésus n’est plus prisonnier du tombeau et qu’il apparait dans un nouvel espace. Il montre ensuite que Marie doit se détourner du tombeau qui est pour elle l’espace de la mort, si elle veut apercevoir Jésus. Cependant, elle ne reconnaît pas Jésus ce qui met l’altérité du Ressuscité en exergue. Jésus lui pose deux questions (v. 15) : il se préoccupe du chagrin de Marie et il en dévoile la cause profonde : "qui cherches-tu ?". La réponse de Marie manifeste son incompréhension. D’une part, elle n’est pas en mesure d’accéder à la foi par ses propres moyens, seule la parole du Christ peut remplir ce rôle. D’autre part, au Ressuscité qui est devant elle, elle demande où il a mis son corps !!!! Ce malentendu renvoie à une vérité profonde : le corps historique de Jésus a bien disparu ! C’est désormais au niveau de la parole que la relation au Ressuscité peut s’instituer. C’est ce que montre le v. 16 qui décrit la scène de reconnaissance. C’est grâce à l’initiative du Ressuscité que Marie est mise en situation de le reconnaître (v. 16). La foi n’est pas une capacité dont l’être humain aurait la maîtrise, elle ne peut être que suscité par l’Envoyé de Dieu. La reconnaissance s’effectue non par un geste ou un miracle, mais par le biais de la parole. Ensuite, le contenu de la parole du Ressuscité est étonnant. Jésus ne se fait pas reconnaître en dévoilant son identité, mais en prononçant le nom de son interlocutrice. Ainsi parce que Marie est reconnue dans sa véritable identité, elle peut reconnaître le Christ. Le nom de Rabbouni que Marie donne à Jésus montre qu’elle entend renouer avec le Jésus terrestre. Le v. 17 va s’attacher à dissiper ce nouveau malentendu. La déclaration du Ressuscité comprend quatre éléments : 125 Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. - une interdiction : « ne me retiens pas », - la justification christologique : « car je ne suis pas encore monté vers le Père », - la mission confiée à Marie : « va vers mes frères », - le contenu de la mission : « et dis-leur… ». Dans le récit johannique c'est bien Marie et non Pierre qui est la première à rencontrer le Christ ressuscité. Elle est appelée à se rendre auprès des frères du Seigneur. La formulation surprend : c'est la première fois que les disciples sont assimilés aux frères du Seigneur. Elle signifie que l'élévation du Christ transforme fondamentalement la relation de Jésus avec les siens. Ainsi la résurrection comprise comme élévation suscite une nouvelle forme de communion avec Dieu, une nouvelle fraternité. Le contenu du message à transmettre montre que la résurrection est interprétée comme une élévation qui n'est pas un événement qui va avoir lieu dans l'avenir mais qui se confond avec la résurrection. 23 Le témoignage pascal de Marie de Magdala (v. 18) 18 Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples: "J'ai vu le Seigneur, et voilà ce qu'il m'a dit." A la différence des femmes chez Marc (Mc 16,8), Marie accomplit sa mission. Elle communique le kérygme pascal aux disciples. Dans cette seconde scène, le "voir" désespéré de Marie (v. 12) est transformé par le "voir" de Jésus qui l’interpelle (v. 14). Instruite par Jésus, elle devient le premier témoin pascal auprès des disciples : j'ai vu le Seigneur (v. 18). Marie symbolise ainsi l’aptitude à croire. Son chagrin (v. 11) montre bien son amour et son attachement à Jésus. L’absence de ce dernier est cause de sa souffrance. Cependant, elle n’est pas en mesure par elle-même d’accéder à la foi. C’est la parole du Ressuscité qui va la mettre en route. Cette parole qui suscite la foi de Marie n’est pourtant pas une parole d’autorévélation du Christ mais une simple parole du Christ portant sur l’identité de Marie : "Marie" (v. 16). Découverte du ressuscité et découverte de soi vont ainsi de pair. Cette rencontre pascale débouche sur une mise en responsabilité : elle est le premier témoin appelé à répandre le message pascal, elle est véritablement le premier apôtre et la première missionnaire. Elle endosse un rôle dévolu à Pierre dans la tradition paulinienne. 3 L’APPARITION DU RESSUSCITE AUX DISCIPLES (Jn 20,19-23) 19 Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit : "La paix soit avec vous." 20Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. 21Alors, à nouveau, Jésus leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie." 22Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : "Recevez l'Esprit Saint ; 23ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus." Comme le texte précédent, aucun lien n’est établi avec les deux scènes précédentes. L’intrigue est encore thématique, il y va de la foi pascale et de sa nature. Le passage comprend deux parties : l’apparition du Christ (vv. 19-20) et son enseignement qui comprend trois éléments : l’envoi (v. 21), le don de l’Esprit (v. 22), le pouvoir de pardonner (v. 23). Le rédacteur retravaille ici une tradition bien connue du christianisme primitif : l’apparition du Ressuscité au cercle des Douze (1 Co 15,5b). Jean introduit le motif de la peur des Juifs (v. 19), celui du côté du Crucifié et pas seulement de ses mains (v. 20) et enfin l’ordre de mission (v. 21). Le narrateur rapporte que les disciples "se réjouirent en voyant le Seigneur" (v. 20). Cette apparition du Ressuscité est efficace : elle fait passer les disciples de la peur à la joie et à la mise en responsabilité. Elle est la condition de la foi et de la constitution de la communauté post-pascale. Ici, le terme disciple (vv. 19.20) ne désigne pas simplement les Douze. Il est la figure de tous les croyants : tous sont envoyés, tous reçoivent l’Esprit, tous sont dotés du pouvoir de pardonner. L’Eglise johannique est une communauté d’égaux où tous et toutes sont au bénéfice des mêmes dons et appelés aux mêmes responsabilités. 126 Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. 4 L’APPARITION DU RESSUSCITE À THOMAS (Jn 20,24-29) 24 Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. 25Les autres disciples lui dirent donc : "Nous avons vu le Seigneur !" Mais il leur répondit : "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas !" 26Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d'eux et leur dit : "La paix soit avec vous." 27Ensuite il dit à Thomas : "Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule et deviens un homme de foi." 28Thomas lui répondit : "Mon Seigneur et mon Dieu." 29Jésus lui dit : "Parce que tu m'as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru." Cette apparition à Thomas est sans parallèle dans les Synoptiques. Il retravaille cependant un motif classique de la tradition pascale : le doute des disciples (Mc 16,9-14 ; Mt 28,17 ; Lc 24,11.2124.37-38.41). La problématique de cette péricope reflète la préoccupation des communautés johanniques et plus largement des lecteurs potentiels de l’Evangile. Les Chrétiens johanniques n’ont connu ni le Jésus historique ni la première génération des disciples et les apparitions du Ressuscité appartiennent au passé. À l’exemple de Thomas, ces Chrétiens des générations ultérieures doivent s’en remettre au kérygme pascal proclamé par l’Église. Dans cette dernière scène, Thomas refuse de croire au témoignage des disciples qui disent avoir vu le Seigneur (v. 25) : "si je ne voie dans ses mains la marque des clous… je ne croirai pas" (v. 25). Son "non-voir" débouche sur un "non-croire". Mais ce "non-croire" va être transformé par l’apparition du Seigneur et par son appel à la foi : "ne sois plus incroyant mais croyant" (v. 27). Cet appel débouche sur la confession de foi de Thomas "Mon Seigneur et mon Dieu" et sur le macarisme qui règle le rapport entre le voir et le croire : "parce que tu m’as vu, tu as cru ; heureux les non-voyants et croyants" (v. 29). Thomas exprime sa foi sans avoir mis sa main dans les plaies de Jésus aux mains et dans son côté. C’est la parole du Ressuscité qui stigmatise son incrédulité et lui ouvre le chemin de la foi. Thomas ne vérifie pas empiriquement l’identité du Ressuscité, mais, mis en question et en mouvement par la parole du Christ, il prononce la confession de foi la plus accomplie dans l’Evangile. Le constat est clair : l’intrigue du chapitre 20 n’est pas une intrigue dramatique mais thématique. La question théologique qui est mise en récit est la relation entre le "voir" et le "croire" et cette relation, problématisée et construite par le récit, est le propre de la foi pascale. En ce sens, le récit de Jn 20 met bien en récit la naissance de la foi pascale. Table des matières INTRODUCTION ............................................................................................................................................................ 123 1 LA DECOUVERTE DU TOMBEAU VIDE (JN 20,1-10) ...................................................................................... 123 11 L’ARRIVEE AU TOMBEAU (VV. 1-2) .......................................................................................................................................123 12 LA COURSE AU TOMBEAU (VV. 3-4).......................................................................................................................................123 13 L’INSPECTION DU TOMBEAU VIDE (VV. 5-8) ........................................................................................................................124 14 COMMENTAIRE ET RETOUR DES DEUX DISCIPLES (V. 9-10) .............................................................................................124 2 L’APPARITION DU RESSUSCITE À MARIE DE MAGDALA (JN 20,11-18) ................................................. 124 21 LA RENCONTRE AVEC LES ANGES (VV. 11-13) ....................................................................................................................125 22 LA RENCONTRE AVEC LE CHRIST RESSUSCITE (VV. 14-17) ..............................................................................................125 23 LE TEMOIGNAGE PASCAL DE MARIE DE MAGDALA (V. 18) ...............................................................................................126 3 L’APPARITION DU RESSUSCITE AUX DISCIPLES (JN 20,19-23) ................................................................ 126 4 L’APPARITION DU RESSUSCITE À THOMAS (JN 20,24-29) ........................................................................ 127 127