les missions de l`action administrative l

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les missions de l`action administrative l
TITREV II- LES MISSIONS DE L’ACTION ADMINISTRATIVE
L’action de l’administration a pour raison d’être de satisfaire les besoins du public. C’est cette
raison d’être qui explique qu’on lui ait confié les deux missions fondamentales d’assurer des
prestations aux administrés à travers la bonne marche des services publics (Chap 1) et de
veiller au maintien de l’ordre public (chap 2)
CHAPITRE I- LE SERVICE PUBLIC
Section 1ère : La notion de service public
Le service public a été la notion centrale et fondatrice du droit administratif, puisque dans son
arrêt Blanco (TC 8 février 1873) le tribunal des conflits en faisait le critère de la compétence
du juge administratif. Par la suite, il va permettre, avec l’école du service public de Duguit
d’expliquer et de justifier l’ensemble du droit administratif mais également de déterminer le
champ d’application du droit administratif. Ce n’est que plus tard que d’autres concepts
comme celui de puissance publique seront utilisés.
Pour déterminer le champ d’application du droit administratif, la doctrine a réfléchi à
partir du XIXe siècle tantôt sur les moyens utilisés par l’administration, tantôt sur les
finalités de ses actes.
-Les moyens utilisés par l’administration : l’Ecole de la puissance publique (Lafferrière,
Berthélémy, M. Hauriou 1856-1929 doyen de la faculté de droit de Toulouse). L’idée est de
définir le droit administratif à partir des procédés typiques utilisés par l’administration1.
-Les finalités des actes de l’administration : L’Ecole du service public (L. Duguit doyen de
la faculté de droit de Bordeaux 1859-1928, G. Jèze, Bonnard et L. Rolland). L’idée est de
définir le droit administratif en fonction des buts de l’administration2. Le service public est
défini comme l’activité d’une personne publique visant à satisfaire un besoin d’intérêt
général.
La définition classique du service public a, aujourd’hui beaucoup évolué.
Paragraphe 1er : La définition classique.
La notion classique de service public peut se définir comme une activité d’intérêt général,
assurée par une personne publique au moyen de procédés exorbitants du droit commun. Cette
définition renvoie donc à trois éléments.
1
La doctrine remarque que l’administration a pour caractéristique de procéder par ordres, interdictions, réglementations unilatérales.
Administrer serait avant tout exercer une volonté de commandement, une volonté de puissance qu’un simple particulier ne peut manifester.
Mais dans l’activité de l’Etat, tout ne serait être puissance publique. D’où des distinctions qui vont tenter de délimiter le champ d’application
du droit administratif et par conséquent la compétence du juge administratif.
2
Ces buts se résument au meilleur service de l’intérêt général ; c’est-à-dire à la notion de service public. Dès lors, dès qu’il y a service
public, il doit y avoir application du droit administratif et compétence du juge administratif. Selon ces auteurs (notamment L. Rolland), le
service public se caractérise par trois éléments : c’est une activité (ou entreprise), assumée par une personne publique dans le but de satisfaire
un intérêt général.
1. Un élément organique, c’est-à-dire un ensemble de moyens qu’une personne publique
affecte à une tâche. Il permet de désigner l’organe, c'est-à-dire la personne publique
qui gère une activité d’intérêt général. Exemple : le service des impôts et domaines.
2. Un élément matériel : des activités du type prestation développées dans un but
d’intérêt général. Exemple : le service public hospitalier, le service public de la justice.
3. Un troisième élément d’ordre juridique : l’existence d’un régime de droit public. Cela
se justifie par le fait que le service public correspond à un besoin impérieux.
La définition classique se caractérise par la prééminence du critère organique. La qualification
de service public dépend en effet essentiellement de la nature juridique de l’organe qui gère
l’activité : cet organe doit être une personne publique, c'est-à-dire l’Etat, une collectivité
décentralisée ou un établissement public.
Au Sénégal, on semble faire prévaloir le critère organique. En effet, l’article 11 du COA
dispose que le service public est constitué par « toute activité d’une personne morale de droit
public en vue de satisfaire un besoin d’intérêt général »
Paragraphe 2 : L’évolution de la définition.
Cette interdiction de principe faite aux personnes privées de gérer le service public, ne pouvait
pas résister au besoin de service public qui a cru dans les proportions telles que les personnes
publiques se sont senties incapables d’y répondre seules. L’Etat a été dans l’obligation de
confier la gestion de certaines activités d’intérêt général à des personnes privées.et même plus
tard, à de simples particuliers.
A/ La gestion du service public par des personnes morales de droit privé.
Confronté à des services publics effectivement gérés par des personnes privées, le Conseil
d’Etat se devait de déterminer si oui ou non ces personnes privées s’étaient retrouvées
investies de véritables missions de service public. Dans un premier temps, le Conseil d’État
va admettre que des personnes privées puissent être investies de prérogatives de puissance
publique, en l’occurrence le droit d’expropriation (CE 20 décembre 1935, établissements
Vézia).
Ainsi, le Conseil d’État « amorçait la dissociation entre le service public entendu comme une
institution… et le service public entendu comme une mission » (Long, Weil et Braibant). Il
finit par admettre quelques années plus tard qu’une personne privée puisse, en dehors de tout
contrat de concession, par la simple soumission partielle à un régime de droit public, gérer un
service public (CE 13 mai 1938 Caisse Primaire Aide et Protection). Dans la foulée de cette
jurisprudence, de nombreuses catégories de personnes privées se verront reconnaître la même
possibilité (CE 31 juillet 1942, Montpeurt, CE 2 avril 1943, Bouguen.
Le juge dans ces différents arrêts a omis de préciser à quelles conditions l’activité d’une
personne privée est un service public. C’est pourquoi, il a fallu attendre les années soixante et
les arrêts Magnier (CE 13 janvier 1961, RDP 1961, 155) et Narcy (CE 28 juin 1963, AJDA
1964, 91) pour les connaître avec certitude. Ces deux arrêts font en effet apparaître que trois
conditions doivent être réunies pour que l’activité d’une personne privée soit un service
public : il faut que cette activité ait un objet d’intérêt général, qu’elle s’effectue sous le
contrôle d’une personne publique, et qu’elle nécessite la mise en œuvre de prérogatives de
puissance publique
Au Sénégal, la consécration par l’article 11 du COA de la conception organique du service
public constitue, en principe, un obstacle pour la gestion, par les personnes morales de droit
privé, d’une mission de service public. Cependant, l’utilisation de la technique de la
délégation de pouvoirs ou du procédé contractuel atteste de l’existence d’une mission de
service public portée par les personnes morales de droit privé. En outre, le procédé législatif
peut toujours être utilisé dans le but de reconnaître à l’activité prise en charge par une
personne morale de droit privé un caractère de service public. Il en est ainsi de la mission des
sociétés nationales.
B/ La gestion du service public par de simples particuliers.
L’exemple classique est celui du procédé de la concession, qui permet à une collectivité
publique de confier à un particulier la gestion d’un service public : CE 4 mars 1910, Thérond.
Le juge considéra qu’à travers la concession accordée au sieur Thérond de capturer et de
mettre en fourrière les chiens errants, la ville de Montpellier a eu « pour but d’assurer un
service public ».
En dehors de la concession, des particuliers peuvent être chargés d’une mission de service
public. C’est ce qu’a reconnu le Conseil d’Etat qui a qualifié à travers l’arrêt Terrier (6 février
1903) de mission de service public, la tâche de destruction d’animaux nuisibles (vipères)
qu’un département avait confié à ses habitants. Il en va de même de l’engagement pris par de
simples particuliers, en l’espèce les époux Bertin, « pour assurer la nourriture de ressortissants
soviétiques » hébergés par l’Etat dans un centre en attendant le rapatriement dans leur pays
d’origine.