T`inquiète, je gère

Transcription

T`inquiète, je gère
Malao91
T'inquiète, je gère
Publié sur Scribay le 12/04/2016
T'inquiète, je gère
À propos de l'auteur
Je ne sais pas trop quoi dire.
Juste...
Bonne lecture!
Licence
Tous droits réservés
L'œuvre ne peut être distribuée, modifiée ou exploitée sans autorisation de l'auteur.
T'inquiète, je gère
T'inquiète, je gère
Le jour où il a annoncé la nouvelle, il s'est débrouillé pour le faire quand toute la
bande était là. Je crois qu'il avait peur de m'affronter. J'en suis même sûre, même s'il
ne voudra jamais l'admettre.
On était dans la pièce commune lorsqu'il est entré évitant soigneusement de me
regarder. Il y eut ce silence lourd et il dit:
"Je viens de recevoir la décision de mon club. Je ne serai pas renvoyé... mais ils ont
décidé de m'envoyer en Australie."
"Tu pars quand?" demanda quelqu'un.
Il regarda par la fenêtre et répondit d'une voix sourde:
"Dans trois semaines. Le 4."
Trois jours avant notre anniversaire.
Je ne dis rien, mais je sentis mon coeur s'arrêter de battre.
Toutes les têtes se tournèrent vers moi. Je restai silencieuse et eus mon petit sourire
en coin, comme si j'étais déjà au courant. Je ne bougeai pas. Les gens
commencèrent à lui poser des questions et je préférai ne pas écouter les réponses. Je
fis comme si de rien n'était et poursuivis ma conversation de manière enjouée avec
ma voisine de canapé.
Le soir même, au cours du dîner, mon copain me demanda:
"Tu es sûre que ça va?"
Je haussai les épaules, ne pouvant pas répondre la bouche pleine.
"Tu n'as pas besoin de faire comme si tout allait bien ou comme si tu ne lui en voulais
pas..."
Je posai calmement ma fourchette sur mon assiette, m'essuyai la bouche et répondit:
"Je ne lui en veux pas. Et je vais bien. Il a fait ce qu'il devait faire..."
Il insista:
"Tu es vraiment sûre à 100%?"
"Oui. Tu voulais qu'il laisse ce père bourré frapper son enfant devant tout le
3
T'inquiète, je gère
monde? Soyons positifs, au moins il ne l'a pas tué."
Je me resservis en lasagne alors que mon appétit était coupé. Je souris à mon
amoureux et lui tapotai affectueusement la main. Si quelqu'un observait la scène, il
croirait que le départ au bout du monde de mon frère jumeau affectait plus mon
copain que moi.
Pour clore le sujet, je dis simplement:
"Je suis sûre qu'il restera là bas juste un temps. Il montrera qu'il s'est assagi et qu'il
ne règlera plus ses problèmes avec la violence."
Je souris de nouveau à mon chéri et lui fit signe de manger sa part de lasagne qui
était en train de refroidir. Il ne reposa pas de questions, mais me regarda toujours
avec un air soucieux. Plus tard, dans notre lit, je fis semblant de m'endormir en lui
tournant le dos. Mais il se mit en cuillère contre moi et me serra si fort que je crus
que mon coeur allait exploser.
Les trois semaines suivantes passèrent à une vitesse folle. Je me noyais dans le
travail et continuais à faire comme si de rien n'était. J'aidais mon frère à préparer
son départ comme s'il ne partait que pour quelques mois.
On organisa une grosse fête pour son départ. J'étais aussi de la partie et fis comme si
son vol n'était pas prévu pour le lendemain. Comme si je ne savais pas qu'il n'avait
pas vraiment de billet retour. On prit des photos: j'avais l'air rayonnante. Je lui dis
que je comprenais parfaitement pourquoi il avait réagi ainsi et que je ne lui en
voulais pas. Qu'avec les nouvelles technologies, on n'aurait aucun mal à
communiquer. Je lui mis du baume au coeur, pendant que le mien s'effritait
progressivement.
Je souriais, mais j'avais peur. Peur qu'il m'oublie, qu'il trouve une nouvelle meilleure
amie. Peur qu'il me remplace. Mais je devais sourire. Parce que je ne voulais pas
paraître égoïste. Parce qu'il avait probablement sauvé la vie d'un enfant et que ma
vie n'était pas si horrible que cela avec le recul.
Le lendemain à l'aéroport, j'avais la gueule de bois et je fis comme si c'était drôle.
Toute la bande était là.
Il enregistra ses bagages et on se rendit tous ensemble devant la porte
d'embarquement. Il dit au revoir à tout le monde, un par un. Mon copain en avantdernier. Je le vis chuchoter quelque chose à son oreille. Sûrement un truc du genre:
4
T'inquiète, je gère
"Prends bien soin d'elle."
Puis mon frère se tourna vers moi sans rien dire. J'avais toujours ce sourire enjoué et
encourageant scotché sur mon visage. On se fit un câlin. Il me serra fortement contre
lui et me chuchota:
"Désolé... Désolé... J'ai merdé, je suis désolé."
C'était la première fois de sa vie qu'il s'excusait pour quelque chose auprès de moi.
Je resserrai mon étreinte par réflexe et sentit ma bouche trembler. Elle ne voulait
plus avoir la banane. Je lui chuchotai:
"Ne pars pas. Je t'en prie ne pars pas. Ne me laisse pas!"
Il desserra un peu son étreinte et me regarda, les yeux brillants:
"Quoi?"
Mes larmes et mon nez ne pouvaient plus s'arrêter de couler. Je reniflai péniblement
et répétai, à haute voix cette fois et sans m'en rendre compte:
"Ne pars pas! Ne pars pas!"
J'entendis quelqu'un lui dire qu'il devait y aller. Il venait d'être appelé pour
embarquer.
Je n'arrivai plus à sourire. C'était fini. Je le repoussai brusquement et m'enfuis en
courant à l'aveugle. J'entendis mon copain m'appeler et se précipiter derrière moi.
Je finis par trébucher et tomber lourdement par terre. Mon amoureux s'assit à côté
de moi et me serra fort contre lui en me disant que les choses iraient bien.
Je pleurais. Je pleurais comme une madeleine.
Je ne souriais plus.
Sourire n'avait plus de sens pour moi.
5