L`Enseignement des arts plastiques au Congo
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L`Enseignement des arts plastiques au Congo
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa L’ENSEIGNEMENT DES ARTS PLASTIQUES AU CONGO : EVOLUTION ET EXPERIENCES Par LEMA KUSA et BAMBA NDOMBASI , Maîtres Associés à l’Académie des Beaux Arts de Kinshasa , B.P. 8249/Kin I. INTRODUCTION L’on ne peut parler aujourd’hui de l’éducation ou de l’enseignement dans nos pays africains, sans évoquer les conditions de sa genèse à l’époque coloniale dont découlent son évolution ainsi que les conséquences heureuses ou malheureuses dont nous sommes témoins aujourd’hui, même si, au cours de son cheminement, des efforts considérables ont été fournis ci et là par certains de nos états pour son intégration dans le processus du développement global de l’Afrique. En effet ; on ne l’aura jamais dit assez, le développement harmonieux d’un peuple passe nécessairement par son système éducatif qui ne peut qu’intégrer la dimension culturelle laquelle marque en définitive tout individu par rapport à sa communauté d’appartenance. S’agissant de l’éducation artistique, de nombreuses recommandations et résolutions furent prises à l’intention aussi bien des états, des gouvernements ainsi que des institutions spécialisées lors des assises tenues au niveau tant international, continental, régional que sous - régional, comme nous en faisons écho dans cette étude. Mais, malgré leur pertinence, celles – ci sont restées lettres mortes dans la pratique. Conformément au sujet qui nous préoccupe dans ce travail et pou faire bien aboutir nos investigations, nous avons malheureusement recouru à une documentation rare et lacunaire. Nous avons exploité particulièrement nos propres écrits et surtout notre expérience mêlée intimement à notre carrière d’artistes enseignants à l’Académie des Beaux – arts de Kinshasa. Aussi, n’est – il pas étonnant que nous prenions plus en compte des exemples ou illustrations puisés dans notre milieu immédiat que dans ceux d’autrui ; A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 2 Nous tenterons de cerner notre matière par des points de repère de notre enseignement d’art plastique au Congo depuis l’époque coloniale et d’en épingler les caractéristiques ou tendances fondamentales. Ainsi notre approche comprendra trois parties : la première concernera la genèse de l’Enseignement artistique au Congo-Belge. La deuxième partie étudiera l’évolution dudit enseignement de ses débuts jusqu’à ce jour. Tandis que dans la troisième partie, nous procéderons à une analyse critique de notre enseignement artistique tel qu’il est pratiqué actuellement et ainsi, nous essaierons de proposer quelques pistes de solution pour l’avenir. I. GENESE DE L’ENSEIGNEMENT D’ART PLASTIQUE AU CONGO BELGE Lorsque la colonisation intervint au Congo, notre art ancestral fut en plein essor et parfaitement intégré à la vie sociale de nos populations autochtones. Tant que nos sociétés traditionnelles restaient hermétiques aux influences extérieures, leurs cultures connaissaient une évolution endogène lente et harmonieuse dans les limites du cadre ethnique. Il y eut à cette époque des objets culturels aux valeurs artistiques indéniables. L’on dénombre des sculptures, des bracelets, des poteries, des vanneries etc.… utilisés autrefois par les anciens pour satisfaire leurs besoins sociaux, magiques ou religieux. Ce sont là des indications ethnologiques qui affirment une réelle existence d’œuvres d’art authentiques. Donc le Congo a connu une certaine production artistique peut-être essentiellement utilitaire. Mais il n’en reste pas moins vrai que c’était de l’art authentiquement nègre qui ne répondait pas du tout au canons et caractéristiques de l’art occidental. Cependant, il renfermait et constituait une haute valeur culturelle ; car on y attachait du prix pour la simple raison que cet art illustrait une vie, un langage, une vision du monde. En tout cas, il était effectif et opérationnel dans le domaine de la religion, entendez les croyances. Il y était comme un support et partant, une symbolique. Dès lors, il incarnait des messages, préceptes, comportements en tant que valeurs auxquelles les humains doivent adhérer. Nous pouvons ainsi dire qu’il a effectivement existé au sein de notre culture ancestrale une certaine expression artistique explicitement non esthétique, mais toutefois axiologique. Mais pour des motivations chrétiennes et politiques à la fois, lesquelles furent opposées à une culture qualifiée de « fétichiste » qu’incarnait notre art plastique ancestral, celui-ci fut l’objet de la part des missionnaires et des administrateurs blancs d’une campagne de dénigrement qui fut accompagnée de l’autodafé, alors que ses meilleures pièces, véritables chefs d’œuvre, quittaient clandestinement le pays pour des musées et collections de l’occident. Et cela pendant plus ou moins un demi-siècle (1. A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 3 Paradoxalement, les mêmes « dévastateurs – civilisateurs » se mirent, par une politique coloniale de modernisation fort planifiée, à créer des ateliers et écoles, d’où allait naître un art nouveau de substitution (2). Une première exposition des aquarelles de LUBAKI eut lieu à Bruxelles au Palais des Beaux – arts, en 1929. Cette exposition suscita dans les cœurs des colonisateurs, amateurs du nouvel art congolais, des intérêts évident qui se traduisit sous diverses formes ; notamment par la création en 1935 de la commission de protection des Arts et Métiers Indigènes et par la Fondation de l’Association des Amies de l’Art Indigène (A.A.I.). L’engouement des européens pour l’art congolais nouveau s’intensifia à tel point qu’il s’ensuivit une activité quasiment systématique dans le secteur d’art plastique de tout le territoire de l’ancien Congo-Belge. Des ateliers et écoles d’art furent ainsi créés aussi bien sur l’initiative des administrateurs, des missionnaires que des mécènes isolés. Artistes congolais et encadreurs européens adoptèrent des préoccupations majeures, soit qu’i s’attachaient à sauver l’art traditionnel de la menace de multiples influences, soit qu’ils se préoccupaient de l’initiation des artistes congolais à l’art académique, soit encore qu’il leur conseillait de concilier l’originalité africaine et les conceptions ainsi que les techniques européennes, c’est-à-dire modernes. Dans ce contexte, BADIBANGA (3) cite quelques centres créés ou rénovés par les colonisateurs de 1936 à 1940. Il s’agit notamment : 1. Dans la province de Bandundu : ateliers – écoles de Muse, ateliers de Kamba 2. Dans la province du Bas-congo : ateliers –écoles du mayumbe à Nsundi et à Kangu et Kizu 3. dans la province du Kasaï Occidental : Ecole de Kananga , atelier école de Mushenge 4. dans la ville de Kinshasa : Maison artisanale de Kinshasa 5. dans la province Orientale : corporation de Zande de Buta, Ecole de Nianga, Ecole de Nunatak, ateliers de Bengamisa 6. dans la province de l’Equateur : atelier – écoles chez les nkundo mongo , à Boende à Bamanya , à Bolima et à BOLENGE. A côté de ces centres initiés par les colonisateurs , il convient de citer ceux issus de la volonté des personnes isolées : à Kinshasa : Atelier LALOUX , Ecole de Stanley Pool, Ateliers ALHADEFF. Quant aux missionnaires pour leur part, ils se permirent aussi, dans la province du Kasaï Occidental, de créer un atelier à Katakokombe et dans la province du Kasaï Oriental, l’école de Ngandajika. Cette liste des ateliers écoles qui virent le jour à l’époque coloniale n’est certes pas exhaustive. A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 4 Pour diverses raisons, beaucoup de foyers artistiques énumérés ci-haut, sinon la plupart, durent disparaître ; mais deux allaient émerger de par leur activité et leur rayonnement. Il s’agit de l’Ecole Saint – Luc devenue l’Académie des Beaux Arts de Kinshasa et de l’Académie Populaire de l’Art Indigène ou le Hangar transformé en l‘Institut Technique des Beaux – arts de Lubumbashi. C’est de ces deux foyers d’enseignement artistique que sont sortis la quasitotalité des « maîtres » qui ont considérablement influencé l’évolution de notre plastique moderne. II. EVOLUTION DE L’ENSEIGNEMENT D’ART PLASTIQUE AU CONGO 2.1 ACADEMIE DES BEAUX - ARTS DE KINSHASA (4) L’enseignement d’art plastique au Congo est né en 1943, avec la création, à Gombe – Matadi, dans le Bas – Congo, de l’Ecole Saint Luc, sur l’initiative du Frère Marc WALLENDA, missionnaire belge de la Congrégation des Frères des Ecoles Chrétiennes, un hommes d’idéal et un fervent admirateur de l’art africain. L’école d’art de Gombe Matadi, débuta par la sculpture, art déjà développé traditionnellement au Congo et matériellement le plus accessible pour son fondateur. Au départ, son programme comportait le dessin, le moulage, la boissellerie. Un cycle moyen de quatre ans initiait les élèves à l’ornementation des meubles et autres objets usuels. Tandis qu’un cycle supérieur de trois ans conduisait les futurs artistes sculpteurs à la maîtrise du façonnage des statues en bois en et simili – pierre. La vision esthétique dominante était marquée par le réalisme académique, classique ou néo-classique, à la faveur de l’inspiration que devaient puiser les élèves directement dans la nature. En réalité, cet enseignement n’était pas fort éloigné de celui de nos écoles techniques professionnelles qui se limitaient à assurer un apprentissage de métiers assorti d’un faible coefficient de connaissances de culture générale. Dès son transfert à Kinshasa en 1949, dans son site actuel, le Frère Marc, jouissant du soutien des autorités coloniales, se permit d’ouvrir de nouvelles orientations. Ainsi ; en 1950, vit le jour le département de peinture suivi en 1953 de celui de la céramique, alors que l’école passait sous le statut d’école officielle sous l’appellation d’Académie des beaux-arts, la première du genre en Afrique Centrale. Dans la poursuite de son développement, la jeune Académie se vit doter en 1958 du département de dessinateurs en architecture. Bientôt, en 1962, cette pré-architecture qui comprenait trois années, correspondant aux trois années du degré supérieur du secondaire scientifique, devait se transformer en l’Institut Supérieur d’Architecture (ISA). A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 5 En arts plastiques : sculpture, peinture et céramique, une réforme des programmes eut lieu en 1961 et donna naissance aux humanités artistiques lesquelles seront couronnées en 1968 par l’Institut Supérieur des Arts plastiques (ISAP. Celui-ci aura pour mission la formation des artistes d’un type nouveau : des intellectuels aptes à la réflexion et à la recherche, doublés d’un métier d’art solide. En 1970, l’Institut s’est enrichi des orientations de la publicité et de l’Ensemblier – décoration, suivies en 1972 de celle du Métal battu. Disons en passant que dans le cadre de la réforme de l’Enseignement Supérieur et Universitaire intervenue en 1971 et qui intégra tous ses établissements dans l’unique Université Nationale du Zaïre (UNAZA), l’Académie des Beaux-Arts fit fusion avec l’Institut du Bâtirent et des Travaux Publics (IBTP). Cependant, elle dut en 1975, recouvrer son autonomie renforcée en 1981 par la dislocation de l’UNAZA, mais imputée de l’Architecture restée rattachée comme section à l’IBTP. A ce jour, l’Académie des Beaux – Arts, à l’instar des autres Etablissements d’Enseignement Supérieur Technique, relève de la supervision du Conseil d’Administration ad hoc et de la tutelle du Ministère de l’Education Nationale. Les Humanités Artistiques lui servent aussi bien de pépinière privilégiée que d’école d’application. 2.2 ACADEMIE POPULAIRE D’ART INDIGENE (HANGAR) L’Académie d’Art Populaire Indigène appelée aussi « hangar » crée en 1946 à Elisabethville, l’actuelle ville de Lubumbashi, dans la Province du Katanga, est l’œuvre du breton Pierre Romain DESFOSSES. PILI-PILI MOLONGOY et MWENZE KIBWANGA , notamment, furent les premiers de ce maître, homme de culture et d’idéal, écrivain et archéologue et surtout peintre. Comme initiateur, il refusait d’enseigner à ses élèves des règles esthétiques. Il les encourageait plutôt dans le sens d’une grande liberté d’expression hors toute contrainte des canons d’art occidental surtout classique ou néo-classique. Le respect absolu de l’ingénuité native de ses disciples a été le principe de son enseignement. Au lendemain de la mort de son fondateur, cette école fit fusion avec l’Académie Officielle des Beaux – Arts née en 1951 de la volonté de Laurent MOONES, un sujet belge. Dans sa structure actuelle, elle se nomme Institut des Beaux – Arts de Lubumbashi et dispense un enseignement de type des humanités artistiques. Elle doit sa réputation aux talents remarquables des pionniers de notre peinture moderne que sont certains anciens élèves de Pierre – Romain DES FOSSES dont les plus connus demeurent MWENZE KIBWANGA et PILI PILI aux styles picturaux reniant la profondeur et animant les arrières plans de répétitions linéaires ou hachures. A ce sujet, Guy DE PLAEN note : « la peinture n’a pas de fond. Nous entendons par là que le sujet n’est pas intégré à un ensemble de paysages où il se situe. L’importance du problème du fond apparaît dans A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 6 beaucoup de travaux des écoles de peinture dite « naïve » et l’atelier de Pierre Romain DESFOSSES n’y fit pas exception … » (6). L’ensemble des œuvres en peinture de l’Ecole de Lubumbashi était plutôt caractérisé de notre point de vue par l’inspiration instinctive - intuitive de la nature tropicale servie par une palette généralement décorative. III. ANALYSE CRITIQUE DE L’ENSEIGNEMENT D’ART PLASTIQUE AU CONGO ET PERSPECTIVES D’AVENIR « Outre sa fin en soi ou sa fonction propre qui est de créer le beau, l’art a plusieurs autres fonctions, en l’occurrence la fonction sociale et la fonction morale. L’art fait partie intégrante de la civilisation ; en ce sens, il est l’expression du groupe au même titre que n’importe laquelle de ses activités. Les productions de l’art créent ainsi dans une société, une communauté de culture qui renforce l’unité sociale » (7. Cette réflexion d’un professeur de philosophie, ainsi que de l’art et de la culture, en même temps qu’elle nous invite à une prise de conscience de la haute valeur de l’art dans la vie de l’homme et de la société, nous interpelle quant à sa place dans le processus du développement au Congo et en Afrique, développement que nous voulons humain et matériel à la fois. Il faut constater que les peuples africains pataugent dans une crise profonde, celle de leur identité culturelle. Pour en sortir, l’éducation et l’instruction nous paraissent comme la voie obligée. Or, concernant justement notre développement culturel, il est à noter sans aucune hésitation que son creuset est refroidi et attend d’être attisé comme un feu ardent. En effet, notre enseignement d’art plastique est confronté à de nombreux problèmes d’ordre géopolitique, pédagogique et scientifique, logistique et socioculturel etc.… - Sur le plan géopolitique La carte géographique du Congo nous indique clairement que nos écoles d’art supérieures et secondaires, toutes confondues, et d’ailleurs en nombre trop réduit au regard de l’immensité de notre territoire national, fonctionnent diamétralement au sud du pays : à Lubumbashi, Mushenge, Kananga et Kinshasa. Il y a là incontestablement un désavantage du point de vue de l’implantation géographique de ces établissements dont les effets statistiques en termes de représentativité géopolitique s’avèrent moins heureux pour les populations des A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 7 provinces de l’Equateur, de deux Kivu et Orientale, contraintes de parcourir de très grandes distances et de consentir des sacrifices énormes, notamment financiers, pour aller étudier l’art plastique, au sud du pays. Ainsi, il n’est pas étonnant de constater aujourd’hui, dans la vie active et professionnelle, une nette majorité numérique des plasticiens nés à Kinshasa ou originaires du Bas-congo, de Bandundu, de deux Kasaï et du Katanga. Nous pensons qu’il serait rendre justice que si les provinces défavorisées se dotaient rapidement de leurs écoles artistiques selon leurs atouts et ressources propres, pour ainsi inscrire toutes nos populations dans la dynamique de la vie culturelle et artistique nationale. - Sur le plan pédagogique Au Congo, l’enseignement d’art plastique souffre dans son ensemble de manque de programmes suffisamment adaptés à la philosophie de nos réalités socio – culturelles. Ceux en vigueur aujourd’hui reflètent encore la vision culturelle coloniale, si pas totalement, tout au moins partiellement. Est-il nécessaire de le rappeler, les pays africains affranchis de la colonisation éprouvent l’impérieuse nécessité de recouvrer leur identité culturelle longtemps anémiée sous la domination étrangère. C’est pourquoi, des hauts forums comme les colloques du 1er Festival Mondial des Arts Nègres (Dakar, avril 1966), du 2ème Festival des Arts NégroAfricains (Lagos, Janvier 1977) ainsi que celui nationale sur l’Authenticité (Kinshasa, septembre 1981) ont –ils soutenu que la crise qui frappe notre continent est avant tout d’ordre culturel. Cette crise d’identité est tellement forte qu’elle n’épargne aucun aspect de la vie, tant il est vrai que tous les équilibres fondamentaux ont été rompus. Cet état de choses qui nous anémie profondément ne pourra être jugulé que par la médiation contraignante de l’éducation et de la formation intégrale des vrais africains, compatriotes convaincus et convaincants. D’où, la nécessité impérieuse d’une pédagogie africaine devant mettre fin à l’état extraverti de notre enseignement en général et celui de l’art plastique en particulier, notamment en nous débarrassant progressivement de l’usage « abusif » de manuels, de modèles et autres matériels didactiques conçus par l’Occident. Sur le plan scientifique, « nos chercheurs sont invités dorénavant à procéder à une critique des concepts esthétiques relatifs à la civilisation africaine et faire l’effort d’inventer des concepts appropriés à cette connaissance de prendre en considération les attitudes que les africains ont à l’égard de leur art, les expériences des artistes et les significations internes que les africains eux-mêmes donnent à cet art. A cet effet, les chercheurs doivent multiplier les études monographiques en interrogeant les maîtres de la Tradition esthétique africaine avant l’élaboration des théories. Considérant, d’une part, qu’au regard de la civilisation, l’esthétique est un facteur d’identité culturelle et de progrès technologique et que, d’autre A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 8 part, une œuvre d’art est africaine non seulement par son contenu, mais encore et surtout par sa forme ou son style qui porte la marque esthétique africaine, le colloque de Lagos a demandé dans la catégorie de recommandations adressées aux artistes africains que ceux – ci s’instruisent dans cette esthétique et créent dans le cadre de ce style, en évitant la copie du passé. Libre à eux, sur cette base, d’emprunter des techniques étrangères et de s’inspirer d’autres sources esthétiques dans le monde. La collaboration avec les hommes de science leur est indispensable pour créer et développer leurs propres techniques de travail d’une part, pour développer au profit des peuples africains une science et une technologie plus humaines d’autre part … » (8). - Sur le plan logistique et socio- culturel Nos Instituts d’art évoluent péniblement dans des infrastructures qui datent la plupart avant l’accession du Congo à son indépendance, en 1960. pour l’Académie des Beaux – Arts de Kinshasa, elles ont été réhabilitées partiellement, par motif de prestige politique, lors de la période de vaches grasses du règne de MOBUTU autour des années 70. A l’heure actuelle, nous devons malheureusement constater la vétusté qui caractérise aussi bien certains bâtiments que la plupart des équipements et matériels didactiques complètement amortis et mis hors d’usage. La qualité de l’enseignement ne peut qu’en être affectée. Quant au point de vue socioculturel, il se pose un problème fondamental au Congo et lequel influe inéluctablement sur notre Enseignement Artistique. En effet, la culture, dont l’art est l’émanation et l’expression la plus percutante, a toujours fait figure de parent pauvre dans notre pays même si dans les discours officiels auxquels nous étions habitués dans le passé, elle a semblé faire l’objet de bonnes intentions. Car, dans la pratique, à part quelques manifestations événementielles d’éclat souvent réalisées grâce à l’aide financière des centres culturels de certains pays amis, la culture artistique n’a pu bénéficier d’un budget conséquent, d’une place de choix dans l’ordre de préséance au sein du gouvernement, ni d’une tradition appuyée par une politique culturelle cohérente et suivie comme aucune conviction profonde n’a habité longtemps ceux qui, au plus haut degré de la hiérarchie nationale, étaient chargés de l’animation de la vie culturelle et artistique « élitiste » de nos populations. En même temps, aucun programme d’initiation artistique n’a été mis sur pied à l’intention des personnes qui, pour l‘une ou l’autre raison plausible, ne pouvaient suivre une formation académique régulière, et pourtant, sous la 2ème république, le Chef de l’Etat avait annoncé sa volonté « politique » d’instaurer des niveaux « arts et métiers » au bout de chaque degré d’enseignement secondaire. A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 9 CONCLUSION Comme l’on peut aisément s’en rendre compte, il ne peut exister de rupture entre aspirations socioculturelles et objectives pédagogiques et scientifiques dans le domaine de la culture. Les uns et les autres convergent parfaitement vers un même but majeur, c’est à dire le développement harmonieux et équilibré de l’homme, et de la société pour lequel développement l’école s’impose comme la meilleure sinon la voie obligée. L’importance de la culture et des arts dans le processus du développement du Congo, qui ne peut se passer d’un enseignement artistique de qualité adapté à notre mode de vie, ne peut souffrir d’aucun doute, puisque ce pays regorge des potentialités immenses et des compétences affirmées en nombre impressionnant. Par ailleurs, l’on peut remarquer que l’effort du développement des peuples et de leurs gouvernants se signale de plus en plus comme la résultante d’une concertation entre multiples actions menées préalablement, bien conçues, bien planifiées, dont la culture et les diverse expression artistiques : musique, danse, littérature, théâtre, cinéma, art plastique etc.… doivent en être le fondement. A ce sujet, avant d’entreprendre de nouveaux plans ou de nouveaux programmes de développement culturel, il ne serait pas superflu de faire l’inventaire des recommandations et résolutions déjà prises dans les forums que nous avons épinglés ci-haut, pour ne pas les laisser tomber définitivement dans les oubliettes. Il conviendrait de prendre en compte que le Congo, de par sa politique d’ouverture au monde que lui dicte sa position géostratégique au cœur de l’Afrique, ne peut que proclamer sa foi en l’édification d’une civilisation de l’universel, fondée sur le dialogue des cultures prôné par certains grands penseurs du continent sans oublier le rendez – vous du « donner et du recevoir » combien cher au président – poète sénégalais, Léopold Sédar Senghor. D’où, évidemment, l’obligation absolue de former, au niveau des nations, des interlocuteurs valables, de haut niveau intellectuel, scientifique et technique bien sûr, mais aussi ceux de niveaux moyen et inférieur dans les domaines culturels et artistiques qui constituent, sans nul doute, une composante indispensable du nouvel ordre mondial tant rêvé, où le bel artistique brillera de toute sa splendeur sur les autres valeurs de l’humanité. C’est donc dans cette optique du développement humain et matériel du Congo, que nos écoles d’art plastique, lieux privilégiés d’accumulation tout autant de traditions, de connaissances d’expériences, de génies, de talents, d’aspirations, d’anticipations que d’énergies nécessaires à la propulsion d’un changement « qualitatif » et « progressif », A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 10 devront s’assumer et se prendre en charge, en vue de mieux accomplir leur mission combien exaltante et noble à la fois de doter le pays des vrais artistes, des « maîtres » producteurs d’un art africain que nous voulons véritablement « authentique » et véritablement « moderne ». Pour ce faire, il n’y a qu’une voie : procéder, sans atermoiement, à une profonde réforme de notre système d’enseignement d’art plastique, favorisant une intense recherche sur l’adaptation des méthodes pédagogiques, des techniques nouvelles et rénovées aux contingences actuelles, sous l’éclairage inéluctable d’une critique approfondie et lucide. C’est à ce prix et à ce prix seulement qu’un enseignement artistique de qualité pourra voir le jour dans nos pays africains et contribuer, de toute évidence, à la propulsion du développement culturel de l’homme africain digne, sain et serein. LEMA KUSA et BAMBA NDOMBASI A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 11 NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 1) BAMBA N.K., Culture, Authenticité et Art plastique Zaïrois face au développement, texte polycopié, Kinshasa ABA, 1987, p. 25. 2) BAMBA N.K., Pour comprendre l’Identité complexe de l’Art Congolais, Mémoire de licence, texte polycopié, Kinshasa, ISPL-UCCM, Faculté des Sciences de l’Art, Oct. 1998, P. 18. 3) BADI BANGA N.M., Contribution à l’Etude Historique de l’Art Plastique Zaïrois Moderne, Kinshasa, Malayen, 1977, p.p. 36-63. 4) BAMBA N.K., L’Académie des Beaux Arts de Kinshasa, (1943-1975), texte polycopié, /Zaïre / ABA, 1979, p. 1. 5) BAMBA N.K., L’école de Lubumbashi , catalogue d’exposition, Kinshasa, Galerie de la BCZ, 15-25 janvier 1981, p. 2. 6) GUY DE PLAEN, « L’école de Lubumbashi ”, papier blanc, encre noire, cent ans de littérature au Zaïre, regards croisés, Actes du Colloque (1er et 2 décembre 1995) Kinshasa, centre Wallonie Bruxelles, 1996, p. 358. 7) MUKENDI M.M., Question Approfondies d’Histoire de l’Art, texte polycopié de cours à l’usage des Etudiants de la Faculté des Sciences de l’Art, Kinshasa ISPL-Université Chrétienne, 1997, p. 8. 8) BAMBA N.K Document « Les Arts plastiques au 2ème festival des Arts Négro – Africains texte polycopié, Kinshasa, AICA / ABA, 1997, p.p. 3-5. - BAMBA et MUSANGI, Anthologie des sculpteurs et Peintres Zaïrois contemporains, Paris, Nathan, 1987. A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 12 Cher Monsieur, L. MBUYAMBA, Pour la suite veuillez utiliser WESTERN UNION et me contacter par E-mail : lemakusa @ yahoo.fr. ou me téléphoner au (243) 7802058. Ou encore mieux, les faire déposer à domicile : 250, rue Kikwit à Kinshasa / Lingwala. A l’attention de Monsieur L. MBUYAMBA Conseiller Culturel Régional C/o UNESCO LUANDA (ANGOLA) A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 13 SUPPLEMENT AU PREMIER TEXTE RELATIF A L’ENSEIGNEMENT DES ARTS PLASTIQUES AU NIVEAU PRIMAIRE ET SECONDAIRE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO PREAMBULE A l’époque coloniale, un cours de dessin était prévu aux programmes de l’Enseignement primaire et secondaire sans pour autant être dispensé par des spécialistes (artistes). A la suite de la réforme de 1962, alors que la situation est restée la même jusqu’à ce jour au niveau primaire , au niveau secondaire par contre , le dessin a commencé à bénéficier, tout au moins dans certaines écoles, de l’apport des enseignants diplômés de l’Académie des Beaux – Arts. Notons aussi que ce programme de dessin manquait de contenu précis et son application dépendait des aptitudes de chaque enseignant. Pour répondre avec satisfaction aux vœux des organisateurs de la conférence régionale sur l’Education en Arts plastiques en Afrique, nous proposons dans les lignes qui suivent les programmes pour la République Démocratique du Congo. A. Au niveau primaire L’Enseignement Artistique (arts plastiques) se donnera de manière progressive en deux grandes parties : 1. Celle qui va de la première année à la troisième année 2. Celle qui commence en quatrième année et se termine en sixième année. 1. Première partie (1ère – 3ème années primaires) 1.1. Objectif : A la fin de cette première partie, l’élève doit être capable, grâce à l’observation, de décrire et d’identifier les éléments de son environnement, de développer sa sensibilité esthétique, d’interpréter instinctivement ou intuitivement des éléments observés en faisant usage des matériaux, des techniques et des outils appropriés : dessin au crayon noir ou de couleur, terre plastique, carton découpé etc… 1.2. Contenu : Observation et interprétation par des formes plastiques des éléments tirés du milieu familial, de la flore et de la faune, appuyées par des explications utiles du maître. 3. Deuxième partie (4è - 6è années primaires) 2.1. Objectif : A la fin de cette deuxième partie d’apprentissage artistique, l’élève doit être capable, en plus de l’observation et de l’interprétation déjà débutées dans la première partie, de produire de petits objets ou images intelligibles réalisés à partir des matériaux tels qu’argile, gouache, aquarelle, papier, carton, etc.…. A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 14 2.2. Contenu : Exercices suivis et systématiques d’assouplissement de la main et d’expressions plastiques visant plus ou moins la ressemblance des objets puisés dans l’environnement de l’enfant. Ici, le maître fournira des informations adéquates concernant les objets usuels de la culture nègre et organisera des visites didactiques des musées et des galeries d’art. B. Au niveau secondaire L’Enseignement artistique se donnera aussi de manière progressive en deux grandes parties : 1. Celle qui débute en première année et se termine en troisième année. 2. Celle qui va de la quatrième année à la sixième année, classe terminale des humanités. 1. Première partie (1ère – 3è années secondaires) 1.1. Objectif : A la fin de cette première partie du deuxième degré des études Secondaires, l’élève doit être capable, avec les pré-acquis du primaire, d’interpréter librement et, plus ou moins de façon heureuse, les éléments puisés dans le milieu social et de procéder à leur intégration plastique. 1.2. Contenu : Rassembler, pour enseignement ; les notions élémentaires d’esthétique : ligne, couleur, volume, rythme, équilibre, harmonie etc.. ; Prévoir des exercices pratiques de dessin d’observation, d’interprétation et d’intégration des éléments simples et statiques pouvant aussi être exécutés dans d’autres techniques, par exemple : Modelage, collage, papier marché etc.. 2. Deuxième partie (4è – 6è Années secondaires) 2.1. Objectif : A la fin de cette deuxième partie qui coïncide avec le deuxième degré de l’enseignement secondaire, l’élève doit être à même, moyennant tous les pré-acquis, de reproduire, avec plus ou moins de bonheur, les objets dans leur réalité, en y intégrant expressément le personnage. A ce niveau d’apprentissage, l’élève sera amené à la créativité ainsi qu’il sera informé sur les caractéristiques essentielles de l’art africain ou congolais traditionnel et moderne. 2.2. Contenu : - Interprétation libre des scènes de la vie courante, moyennant diverses techniques et matières : modelage avec argile, peinture à la gouache, dessin au crayon ou à l’encre, collage etc.. ; A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa 15 Analyse des formes et fonctions des œuvres d’art traditionnelles du Congo. - Analyse des œuvres d’art congolais modernes et étude de leurs auteurs déjà publiés. - Travaux pratiques de l’élève sur l’appréciation des qualités esthétiques des œuvres artistiques modernes. D’où, l’initiation au langage de critique d’art. N.B. : Comme l’on peut s’en rendre compte, nos propositions de programmes de l’Enseignement des arts plastiques en RDC, n’ont pas déterminé le nombre d’heures de cours. Ce travail sera sans doute abordé lors des la prochaine rencontre des experts. - Ainsi fait à Kinshasa, le 21 mai 2001 LEMA KUSA et BAMBA DOMBASI Maîtres Associés à l’ABA B.P. 8249 – KINSHASA I / RDC N.B Nous vous envoyons par la même occasion le premier texte corrigé