Tumeur fibreuse solitaire du rein

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Tumeur fibreuse solitaire du rein
◆ CAS CLINIQUE
Progrès en Urologie (2004), 14, 65-66
Tumeur fibreuse solitaire du rein
Pascal GRES (1), Christophe AVANCES (1), Kamel BEN NAOUM (1), Héliette CHAPUIS (2), Pierre COSTA (1)
(1)
Service d’Urologie-Andrologie, (2) Service d’Anatomie pathologique, Hôpital Caremeau, Nîmes, France
RESUME
Les tumeurs fibreuses solitaires (TFS) sont des tumeurs mésenchymateuses qui se développent dans la plupart
des cas à partir de la plèvre. Les TFS rénales sont exceptionnelles (9 cas décrits dans la littérature). Nous rapportons un nouveau cas découvert à l’occasion d’un bilan d’HTA, traité par néphrectomie élargie droite.
L’aspect anatomo-pathologique est caractéristique : il s’agit d’une tumeur à centre fibreux, composée d’une prolifération monomorphe de cellules fusiformes, avec marquages CD 34, CD 99, bcl 2 positifs. Le pronostic est
généralement favorable lorsque l’exérèse est complète.
Mots clés : Tumeur fibreuse solitaire, rein, diagnostic, immuno histochimie, évolution.
Les tumeurs fibreuses solitaires (TFS) sont des tumeurs mésenchymateuses rares. La plupart des cas se développent à partir de la plèvre [8]. Nous rapportons le cas d’un patient qui présentait une TFS
rénale et discutons des circonstances diagnostiques, du traitement et
des modalités évolutives à partir d’une revue récente de la littérature.
Au scanner, les TFS se présentent généralement comme des tumeurs
hétérogènes, irrégulières avec des plages hypodenses [1]. Ces
aspects n’ont rien de caractéristique. Néanmoins, la présence d’une
cicatrice fibreuse centrale peut parfois faire évoquer un oncocytome
comme ce fut le cas chez notre patient [3]. La biopsie pré opératoire ne présente que peu d’intérêt compte tenu de la taille élevée de la
tumeur. De plus, elle ne permet généralement pas de trancher entre
une TFS, un carcinome sarcomatoïde ou un fibrosarcome [8].
OBSERVATION
Le seul traitement qui soit efficace est chirurgical. Compte tenu du
risque élevé de récidive locale, une exérèse complète s’impose [4, 6].
La néphrectomie élargie avec surrénalectomie doit donc être considérée comme le standard thérapeutique. Un seul cas de chirurgie partielle conservatrice a été rapporté dans la littérature [8]. Cette indication doit être limitée aux tumeurs sous capsulaires de petite taille, ou
aux indications de nécessité (rein unique, fonction rénale altérée). Une
totalisation du geste doit être recommandée si le diagnostic est porté
après néphrectomie partielle compte tenu du risque potentiel de franchissement capsulaire ou de thrombus vasculaire [1, 3, 5].
B.R, âgé de 83 ans était hospitalisé en octobre 2001 pour bilan
d’une HTA déséquilibrée. Le reste de l’examen clinique et le bilan
biologique étaient normaux. Une échographie abdominale révélait
une masse rénale droite solide et hétérogène. Cette image n’était
pas décrite sur une échographie réalisée en 1996. Le diagnostic de
tumeur rénale était confirmé par un scanner abdomino- pelvien qui
mettait en évidence une masse hétérogène de 9 cm de grand axe
refoulant les cavités pyélo-calicielles (Figure 1). Le bilan d’extension (TDM thoracique, cérébrale et scintigraphie osseuse) ne montrait pas de métastases. Les cytologies urinaires étaient négatives,
de même que les marqueurs tumoraux (NSE, CA 19-9, ACE, Cyfra
21-1). Une néphrectomie élargie droite était réalisée par voie sous
costale. L’examen anatomo pathologique diagnostiquait une tumeur
fibreuse solitaire, caractérisée par une prolifération cellulaire
monomorphe de faible index mitotique et d’architecture storiforme,
composée de cellules fusiformes à noyaux allongés et chromatine
marginée, avec oedème et rares foyers de nécrose (Figure 2). La
tumeur marquait le CD 34, le CD 99 ainsi que le bcl2.
L’aspect anatomo- pathologique est évocateur. Il s’agit d’une
tumeur ferme de couleur claire (beige rosée ou grise) à centre fibreux, composée de cellules fusiformes de disposition hétérogène.
Les mitoses sont rares (moins de 4 mitoses pour 10 champs à fort
grossissement). Les principaux diagnostics différentiels à évoquer
sont les sarcomes rétro péritonéaux, les tumeurs rénales sarcomatoïdes ou les angiomyolipomes sans composante graisseuse [8]. L’étude immuno histo chimique est une aide au diagnostic positif. La TFS
rénale exprime fortement le CD 34 ainsi que le CD 99 (marqueurs
conjonctifs), ou encore le bcl-2. Par contre, elle n’exprime pas les
marqueurs épithéliaux (CK 7, KL 1), musculaires (CD 117, HHF 35,
actine musculaire lisse) ou vasculaires (CD 31, facteur VIII).
Les suites opératoires étaient simples. Le patient était en rémission
complète 18 mois après l’intervention.
DISCUSSION
La caractéristique principale des TFS est une agressivité locale,
même si des évolutions métastatiques pulmonaires tardives ont été
décrites [4, 6]. Ces lésions doivent donc être considérées comme
potentiellement malignes. Les récidives locales surviennent suite à
une chirurgie d’exérèse incomplète [4] et peuvent survenir tardive-
Les tumeurs fibreuses solitaires (TFS) sont des tumeurs mésenchymateuses qui se développent à partir de tissus conjonctif, et plus
particulièrement à partir de la plèvre [8]. D’autres sites peuvent être
atteints, comme le péritoine, la thyroïde, les glandes salivaires, le
périoste, le tissu sous cutané ou le rétro péritoine [4]. Les TFS rénales sont quant à elles exceptionnelles. En effet, seulement 9 cas ont
été rapportés dans la littérature [1, 5, 8]. Dans tous les cas, les
patients étaient symptomatiques (douleur lombaire et/ou hématurie). L’âge moyen était de 57,3 ans (extrêmes : 28 à 82 ans) et la
taille tumorale élevée (moyenne : 9,6 cm, extrêmes 3 à 15 cm)
comme ce fut le cas dans notre observation (Tableau I).
Manuscrit reçu : juillet 2003, accepté : octobre 2003
Adresse pour correspondance : Dr. C. Avancès, Clinique Kennedy, 30900 Nîmes
e-mail : [email protected]
Ref : GRES P., AVANCES C., BEN NAOUM K., CHAPUIS H., COSTA P., Prog. Urol.,
2004, 14, 65-66
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P. Grès et coll., Progrès en Urologie (2004), 14, 65-66
Figure 1. TFS rénale droite. Tumeur hétérogène, de 9 cm de grand
axe, à centre hypodense, réhaussée par l’injection iodée.
Figure 2. Prolifération monomorphe de cellules allongées, à noyau
ovalaire avec architecture storiforme.
Tableau I. circonstances diagnostiques et suivi évolutif après néphrectomie élargie.
REFERENCE
AGE (ANS)
TAILLE MAX (CM)
CIRCONSTANCE DIAGNOSTIQUE
RECIDIVE
SUIVI
12 mois
Décès
(J 3 post opératoire)
8 mois
9 mois
48 mois
5 mois
13 mois
CORTES-GUTIERREZ [1]
GELB [3]
28
48
15
3
Douleur + masse
Douleur + hématurie
Non
-
HASEGAWA [4]
LEROY [5]
WANG [8]
WANG [8]
Notre cas
64
66
41
72
82
4,5
9
14
13
9
Hématurie
Douleur + hématurie
Hématurie
Douleur
Bilan HTA
Non
Non
Non
Non
Non
ment (jusqu’à 9 ans après le diagnostic initial) [4]. La surveillance
clinique et radiographique (radiographie thoracique, scanner abdominal) doit donc être prolongée, mais il n’existe pas à ce jour de
consensus clairement établi.
4. HASEGAWAT., MATSUNO Y., SHIMODAT., HASEGAWA F., SANO T., HIROHASCHI S. : Extra thoracic solitary fibrous tumors : Their histological variability
and potentially aggressive behavior. Hum. Pathol., 1999 ; 30 : 1464-1473.
5. LEROY X., COPIN M.C., COINDRE J.M., MERIA P., WACRIER A., GOSSET P., GOSSELIN B. : Solitary fibrous tumor of the kidney. Urol. Int.,
2000 ; 65 : 49-52.
6. MAGDELEINAT P., ALIFANO M., PETINO A., LE ROCHAIS JP., DULMET E., GALATEAU F., ICARD P., REGNARD J.F. : Solitary fibrous
tumors of the pleura : clinical characteristics, surgical treatt and outcome.
Eur. J. Cardiothor. Surg., 2002 ; 21 : 1087-1093.
7. PIAZZA R., BLANDAMURA S., ZATTOMI F., OLIVIA G., TAVOLINI
I.M. : Solitary fibrous tumor of the retroperitoneum mimicking a renal mass.
Int. Urol. Nephrol., 1996 ; 28 : 751-754.
8. WANG J., ARBER D.A., FRANKEL K., WEISS L.M. : Large solitary
fibrous tumor of the kidney: report of two cases and rewiew of the literature. Am. J. Surg. Pathol., 2001 ; 25 : 1194-1199.
CONCLUSION
Les TFS rénales sont des tumeurs rares, dont le diagnostic souvent
tardif est fait au stade symptomatique. Il n’existe pas de spécificité
radiologique, mais la composante fibreuse peut parfois faire évoquer un oncocytome rénal. La néphrectomie élargie est le traitement
de référence, l’objectif étant une résection chirurgicale large. Le
diagnostic repose sur l’étude anatomo-pathologique qui est confortée par l’étude immuno histo chimique (CD 34 +, CD 99 +, bcl 2
+/-). L’évolution est le plus souvent favorable, mais des récidives
parfois tardives ont été décrites notamment après exérèse incomplète, ce qui justifie un suivi prolongé.
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SUMMARY
Solitary fibrous tumours of the kidney.
Solitary fibrous tumours (SFT) are mesenchymal tumours that usually
arise from the pleura. Renal SFT are exceptional (9 cases reported in the
literature). The authors report a new case discovered during assessment
of HT and treated by radical right nephrectomy. The histological appearance is characteristic: a tumour with a fibrous centre, composed of a
monomorphic proliferation of spindle cells, with positive CD 34, CD 99,
and bcl 2 labelling. The prognosis after complete resection is generally
favourable.
REFERENCES
1. CORTES-GUTIERREZ E., ARISTA-NASR J., MONDRAGON M .,
MIJANGOS-PARADA M., LERMA-MIJANGOS H. : Solitary fibrous
tumor of the kidney. J. Urol., 2001 ; 166 : 602.
2. FAIN J.S., EBLE J., NASCIMENTO A.G., FARROW G.M., BOSTWICK
D.G. : Solitary fibrous tumor of the kidney. Report of three cases. J. Urol.
Pathol., 1996 ; 4 : 227-238.
3. GELB A.B., SIMMONS M.L., WEIDNER N. : Solitary fibrous tumor involving the renal capsule. Am. J. Surg. Pathol., 1996 ; 20 : 1288-1296.
Key-Words: Solitary fibrous tumours, Kidney, Diagnosis, Immunohistochemistry, Prognosis.
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