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Historien et mémoires
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L'HISTORIEN ET LES MEMOIRES DE LA 2° GUERRE MONDIALE
Le passé laisse des traces qui sont visibles souvent à long terme et sont susceptibles d'unir ou de diviser les populations, en particulier les
événements douloureux comme la 2°GM. Ces événements laissent au sein de la société, des souvenirs, que l'on appelle «mémoire», chaque groupe
ayant sa perception des événements, son interprétation... donc sa propre mémoire.
Ces mémoires sont plurielles, elles peuvent être partielles, certaines étant parfois occultées, elles peuvent être douloureuses, passionnées... Elles
sont souvent officialisées car le pouvoir, partout, ouvertement ou discrètement a toujours cherché à influencer, organiser et imposer ses lectures
successives de l'histoire pour en faire un outil de convergence. D'autre part, ces mémoires ne sont pas figées mais évoluent dans le temps. Dans
tous les cas, elles sont un discours et une représentation subjective du passé qui donnent du sens au présent.
Le 2° conflit mondial occupe, quant à ces mémoires, une place qui a été et reste exceptionnelle, au point d'avoir rendu la France, à certains moments
« malade de son passé ».
L'historien est confronté à ces mémoires plurielles et comprendre l'histoire d'une période, c'est aussi étudier la manière dont ses mémoires se sont
diffusées. L'historien est ainsi de plus en plus impliqué et intervient dans le débat public.
Quel est le rôle des historiens dans l'évolution des mémoires de la 2°GM ?
I: L'HISTORIEN ET LA CONSTRUCTION DES MEMOIRES DE 1945 AUX ANNEES 1970 :
A: Histoire et mémoire, deux perceptions du passé :
Le rôle des historiens est de faire Document 1 : « Mémoire et histoire, deux phénomènes distincts ». avec questions.
le récit des faits passés, de Document 2 : « Une connaissance par traces » avec questions.
rechercher la vérité
Depuis l'Antiquité, les historiens se consacrent à établir et à faire le récit des faits du passé. Ils reconstruisent
un objet, le fait historique, qui n'existe plus et doivent donc s'appuyer sur des outils et des démarches
scientifiques et critiques pour tendre vers l'objectivité.
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Ils utilisent des « outils » divers Ils s'appuient pour cela sur un ensemble de traces laissées par l'homme : les sources historiques. Il s'agit le
et s'appuient sur une démarche plus souvent de documents ou d'objets conservés dans les archives, les bibliothèques, ou les musées.
scientifique et critique
L'historien peut également utiliser les témoignages (écrits ou oraux). Mais le témoignage est subjectif, il peut
être déformé par les convictions partisanes de celui qui l'énonce. De plus, parce qu'il ne peut être que dans un
lieu à la fois et qu'il ne dispose pas du recul de l'historien, le témoin ne peut pas donner une vision complète
de l'événement auquel il a pris part. La parole du témoin constitue donc pour l'historien une source précieuse,
mais doit être soumise à critique.
car l'histoire doit être neutre, Les sources, quelles qu'elles soient, sont ainsi croisées, comparées, confrontées, pour construire une image
sans
passion.
comprendre
le
Il
s'agit
passé,
de du passé la plus juste possible. Car en tant que science humaine, l'histoire entretient avec le passé un rapport
de qui se veut objectif, neutre, sans passion : il s’agit de le comprendre, de l'interpréter, mais pas de le juger.
l'interpréter mais pas de le juger
C'est pourquoi l'histoire ne doit pas être confondue avec les mémoires, qui sont le rapport subjectif que tout
individu ou tout groupe entretient avec le passé. Les mémoires renvoient aux souvenirs des individus ou des
Les faits passés laissent des groupes sociaux : elles sont donc plurielles, sélectives, peuvent évoluer dans le temps, et représentent un
souvenirs
à
deviennent
« des
chacun
qui objet d'étude pour les historiens.
mémoires », Ainsi , le récit historique est fondé sur la recherche de la vérité, alors que les mémoires produisent un discours
rapport subjectif, sélectif, que subjectif (officiel ou partisan). L'histoire et les historiens cherchent à expliquer le passé scientifiquement,
tout individu entretient avec le rationnellement, en le reconstruisant sur la base de sources : distance critique et objectivité sont nécessaires.
passé.
Les résultats qui émanent de ces recherches ne coïncident donc pas totalement avec la vision de l'histoire
Ces mémoires sont plurielles car qu'ont les différents groupes porteurs de mémoire et la 2° GM n'échappe pas à ce schéma.
différentes selon chaque individu Mais l'idéal de neutralité de l'historien est loin d'être toujours respecté. De nombreux régimes politiques ont
et souvent reprises et orientées utilisé l'histoire au service d'une propagande officielle. Dans de nombreux pays encore aujourd'hui, les
par le pouvoir en place
manuels d'histoire racontent un « roman national » fort éloigné de la vérité.
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B: Le difficile travail des historiens :
La France sort divisée de la Le traumatisme de la défaite, l'Occupation, la collaboration pro-nazie de l’État français, les résistances
guerre.
La
priorité
pour
les intérieure et extérieure, les victimes par milliers font de la période 1939-1945 des « années noires ».
dirigeants est de restaurer l'unité Dès la fin de la guerre, les Français sont conscients des déchirures que connaît le pays. Ils sortent du conflit
nationale et de commencer à meurtris et divisés, traumatisés par ces « années noires ». Choqués par la défaite militaire de 1940 et par
reconstruire le pays
l'occupation nazie, troublés par la politique de collaboration du régime de Vichy, nombre d'entre eux préfèrent
taire les ambiguïtés de cette période. Beaucoup souhaitent en finir avec la « guerre franco-française » . C'est
aussi le vœu de l'ensemble des forces issues de la Résistance, pour qui la priorité au lendemain de la guerre
est de restaurer l'unité nationale et la puissance de la France. Il convient de faire oublier la défaite de 1940 et
l'existence du régime de Vichy, une fois ses principaux responsables condamnés.
Deux mémoires sont dominantes pendant cette période.
Document 3 : « La construction du mythe d'une France unanimement résistante »
1- Quelles sont les deux mémoires dominantes au lendemain de la 2°GM ?
2 mémoires dominent jusqu'aux
2- En quoi se rejoignent-elles ? En quoi s'opposent-elles ?
années 1960 : celle des gaullistes 3- Quelles sont les conséquences de la domination de ces deux mémoires ?
et celle des communistes, qui,
malgré quelques divergences sur
le rôle de chacun, véhiculent
l'image
unanimement
d'une
France
résistante :
le
« mythe résistancialiste »
Le cinéma, les discours officiels
entretiennent ce mythe
Au-delà de leurs divergences politiques, gaullistes et communistes enracinent, après la guerre, l'idée d'une
France massivement résistante. C'est ce que les historiens qualifient de « mythe résistancialiste ».
Résistancialisme : terme employé par Henry Rousso pour désigner le mythe politique selon lequel l'ensemble
de la nation française est entré en résistance sous l'Occupation.
En 1946, le film de René Clément, La bataille du rail, exalte l'héroïsme des Français, et plus particulièrement
des cheminots.
Plus d'une 20 de musées sont construits entre 1960 et 1969, tous consacrés à la France combattante. Il y a
donc une volonté des dirigeants politiques de répandre une mémoire officielle, celle d'une France
unanimement résistante.
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Il n'y a aucune place pour la Ces deux mémoires dominantes laissent de côté des mémoires « refoulées ».
mémoire juive
Document 4 : « Le difficile retour des déportés juifs ».
Rien n'est dit quant au rôle du Que dénonce Simone Veil dans cet extrait ?
gouvernement
de
Vichy,
de
l'administration française dans le
génocide juif : c'est « le grand
silence »
L'historienne Annette Wieviorka parle ainsi du « grand silence » pour évoquer la difficulté que rencontrent les
survivants à évoquer leur histoire ou à se faire entendre. L'ampleur de la Shoah (« catastrophe », aux EU
c'est plutôt le terme d' »holocauste » qui est employé) n'est pas perçue par l'opinion publique. Si c'est un
homme, ouvrage paru en 1947 dans lequel Primo Levi expose son expérience concentrationnaire à Auschwitz,
n'a aucun succès et ne rencontre pas un large lectorat. En 1955, à la parution de son livre, La nuit, Elie
Wiesel, rescapé de Buchenwald, confirme cette impossibilité de témoigner.
La IV° République choisit de taire les sujets qui fâchent : en 1956, la censure frappe le film d'Alain Resnais
Les historiens ont du mal à se
détacher de ce contexte et Aron
défend la thèse du « double jeu »
de Pétain
Nuit et Brouillard, des lois d 'amnistie sont votées par le Parlement, soulevant de nombreux débats.
Document 2 p. 24 : L'amnistie en débat
Les lois d’amnistie (lois votées en 1946, 1947, 1951 et 1953 qui annulent les inculpations pour certaines
catégories de crimes) votées par le Parlement, annulent les inculpations concernant les délits mineurs
d 'abord, puis l 'ensemble des crimes exceptés les plus graves et témoignent de la volonté d'oubli d'après-
Mais dès 1951, certains mettent
en
avant
la
collaboration
gouvernement de Vichy
du
guerre. La volonté de refermer la période sombre de Vichy explique que celle-ci soit alors présentée comme
une parenthèse de l'histoire et que son souvenir soit refoulé.
La tâche des historiens est rendue difficile par la proximité de l'événement et est également influencée par le
contexte. L'interprétation dominante dans ces années est celle de Robert Aron qui affirme dans Histoire de
Vichy, un ouvrage qui paraît en 1954, que Pétain a joué un « double jeu » vis-à-vis de l'occupant pour protéger
les Français. Pétain a joué le rôle de « bouclier » pour les Français et de Gaulle celui de « l'épée ».
Malgré tout, dès 1951, un collectif d'historiens commence une étude critique en montrant que le régime de
Vichy est indissociable de la collaboration. Mais les Français ne sont pas prêts à affronter leur passé proche
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qui reste encore très douloureux et controversé.
Cependant, dans les années 1960, on assiste à un réveil des mémoires.
Bilan partie 1 :
1- Définissez histoire, mémoire. En quoi s'opposent-elles ?
2- Définissez « résistancialisme ». Replacez-le dans son contexte.
3- A quelles difficultés se heurtent les historiens dans l'immédiat après-guerre ?
4- Qu'évoque l'expression « le grand silence » ?
II : HISTORIENS ET MEMOIRES DEPUIS LES ANNEES 1960 :
A: Le tournant des années 1960-1970 :
A partir des années 1960, différents événements modifient le contexte et ont d'importants conséquences.
Documents 5 : « L'avènement du témoin » et 6 : « les mutations du « paysage mémoriel » dans les
années 1970
En quoi les années 1970 représentent-elles un tournant dans l'évolution des mémoires de la 2°GM ?
Quelles en ont été les conséquences ?
.
A partir des années 1960 le
Deux événements jouent un rôle majeur dans l'affirmation de cette mémoire juive : En 1961, le gouvernement
contexte change :
israélien capture en Amérique du Sud Adolf Eichmann qui était responsable du transport des Juifs vers les
- en 1961 a lieu à Jérusalem le
camps d’extermination et organise son procès au cours duquel de nombreux survivants sont appelés à
procès Eichmann reposant sur
témoigner. Le procès Eichmann met un terme au « grand silence » et révèle de nombreux aspects du génocide
des témoignages de rescapés
juif.
Le 2° événement est la guerre des Six-Jours en 1967 qui a fait craindre une possible destruction de l’État
- la guerre des 6 Jours en 1967
menace l'existence d'Israël et
amène une mobilisation autour
de la mémoire du génocide juif
d'Israël. En réaction, les communautés de la diaspora se mobilisent autour de la commémoration du génocide.
De nombreuses associations juives se créent à partir des familles de déportés, comme celle de Serge Klarsfeld
(fils de déporté) Fils et Filles des déportés juifs de France (FFDJF), qui s'emploient à faire juger les
responsables du génocide.
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-
en
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1969
démissionne
de
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Gaulle En 1969, De Gaulle se retire et il meurt l’année suivante. Ses successeurs qu’ils soient de droite ou de gauche
ses restent sur la même ligne politique. Ils refusent de reconnaître une quelconque responsabilité de l’État français.
successeurs au pouvoir restent En 1971, Pompidou gracie Paul Touvier, chef de la Milice de Lyon et il demande que l’on oublie « ces temps où
sur les mêmes choix en ce qui les Français ne s’aimaient pas, s’entre-déchiraient et même s’entre-tuaient ». Giscard D’Estaing supprime la
concerne le passé
commémoration du 8 mai 1945 au nom de l’amitié franco-allemande. Tous les présidents font fleurir la tombe
de Pétain à l’île d’Yeu le 11 novembre.
Cependant, les Français nés après la guerre sont prêts à entendre une autre version de l’histoire de leur pays.
- alors que les générations Le cinéma commence à évoquer une autre réalité : Marcel Ophuls réalise en 1969 « Le Chagrin et la Pitié »
nées après la guerre souhaitent (sorti au cinéma en 1971) dans lequel il montre que toute la France n’était pas entièrement résistante. Louis
connaître
la vérité sur
cette Malle dans « Lacombe Lucien » raconte l’histoire d’un paysan français qui se met au service de la Gestapo.
période
Mais surtout l'historien EU Robert Paxton publie « La France de Vichy ».
Document 7 : « Vers une autre histoire de l'Occupation : la France de Vichy »
1- Quel est le problème rencontré par Paxton en 1960 ?
- l'ouvrage de l'historien EU
2- Quelle en est l'explication ?
Paxton paraît en France en 1973 3- Comment le résout-il et quelles en sont les conséquences ?
et remet en question la thèse du
boucler de R. Aron
Il démontre que la collaboration a été proposée par Pétain et non demandée par Hitler, ce qui provoque un
choc important.
En 1978, la communauté historienne s'émeut, à la suite de la parution dans l'Express, d'un entretien avec
Louis Darquier de Pellepoix, ancien fonctionnaire de Vichy, qui affirme des idées négationnistes.
- des thèses négationnistes
émergent
Négationnisme : négation de l'existence des chambres à gaz et du génocide des juifs par ceux qui prétendent
« réviser » l’histoire, se qualifiant de « révisionnistes ».
B: Les Français face à leur passé :
Documents p. 26-27 : Entre travail d'histoire et travail de mémoire
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Le changement de contexte des années des années 1960-1970 ainsi que des travaux d'historiens plus
nombreux permettent d'avoir une vision plus proche de la réalité sur cette période, ce qui est à l'origine d'une
certaine évolution.
Un désir de justice se manifeste Un désir de justice voit le jour et se manifeste par différents procès pour crimes contre l'humanité, parmi
par les procès de responsables lesquels ceux de trois responsables des persécutions antisémites en France : 1987 Klaus Barbie, 1994 Paul
des persécutions antisémites
Touvier, 1997-1998 Maurice Papon. Ces procès, très médiatisés, au cours desquels interviennent des
historiens, établissent clairement la complicité de l'appareil d’État dans les déportations et relancent la réflexion
sur les notions de culpabilité et de responsabilité.
Mais les divisions sont encore La décision de F. Mitterrand de fleurir la tombe du maréchal Pétain le 11 novembre (de 1987 à 1992) crée un
présentes : ex. « le syndrome de malaise et fait ressurgir le « syndrome de Vichy ». L'historien Henry Rousso définit ce syndrome comme
Vichy »
« l’ensemble hétérogène des symptômes, des manifestations, en particulier dans la vie politique, sociale et
culturelle, qui révèlent l'existence du traumatisme engendré par l'Occupation ».
C'est ce que met en évidence l'ouvrage d’Éric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas dans
lequel les auteurs posent ainsi la question de la relation complexe entre justice, histoire et mémoire.
Cependant
la
position
des La position des dirigeants politiques évolue également. En 1990, le Parlement vote la loi Gayssot contre le
hommes politiques quant à ces négationnisme.
« années noires » évolue :
une
loi
de
1990
punit
négationnisme
François Mitterrand, président de la République rétablit la célébration du 8 mai, supprimée en 1975 par VGE,
le au nom de l'amitié franco-allemande. Il refuse toutefois de reconnaître officiellement la responsabilité de la
France dans la déportation des juifs de France. Il faut attendre 1995 pour qu'un pas supplémentaire soit franchi
En 1995, J. Chirac, président de avec le discours de Jacques Chirac, alors président de la République, qui reconnaît la complicité de l’État
la
République
reconnaît
la français dans la déportation des juifs de France : « oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par
responsabilité de l’État Français des Français, par l 'État français ». Il rend hommage simultanément aux « Justes de France » , dont le
dans la déportation des Juifs de souvenir est désormais associé à celui des victimes de la déportation lors de la journée commémorative du 16
France et rend hommage aux juillet. A leur tour, l’Église, la police et la SNCF font acte de repentance.
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« Justes »
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(Juste : titre attribué par le mémorial Yad Vashem de Jérusalem, au nom de l’État d'Israël, aux personnes non
juives, Justes parmi les nations, ayant, au péril de leur vie, sauvé des juifs de l'extermination nazie. 3331
Français l'ont reçu)
En 2005, le Mémorial de la Shoah est inauguré à Paris.
D'autres acteurs oubliés de la guerre sont réintégrés dans la mémoire nationale, comme les soldats des
troupes coloniales originaires d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire.
C: L'historien face aux enjeux mémoriels depuis les années 1990 :
Depuis les années 1990, le travail L'événement s'éloignant, le travail des historiens est facilité. Les archives françaises s'ouvrent, l'implosion de
des historiens est facilité par l'URSS a également permis d'accéder aux documents officiels.
l'ouverture des archives.
De nouveaux travaux d'historiens sont réalisés, comme ceux de Pierre Laborie sur le comportement des
Ils peuvent ainsi travailler sur Français sous l'Occupation. Ils ne remettent pas en cause le caractère très minoritaire de la Résistance armée
d'autres mémoires
intérieure mais démontrent qu'elle n'a pu tenir que grâce au soutien silencieux d'une partie de la population.
Les historiens travaillent aujourd'hui sur d'autres mémoires, occultées le plus souvent. Ainsi, le génocide
perpétré contre les Tziganes qui a coûté la vie à 40% d'entre eux.
Il a fallu attendre 2010 pour que les « Malgré-Nous » (terme utilisé pour qualifier les 130 000 Alsaciens et
Mosellans incorporés de force dans l'armée allemande. Entre 30 000 et 40 000 sont morts au combat ou en
captivité) soient reconnus officiellement comme victimes du nazisme. Les historiens travaillent aujourd'hui sur
l'histoire, plus méconnue encore, des « Malgré-Elles » (15 000 femmes originaires d'Alsace et de Moselle
C'est aussi la période des « lois incorporées de force entre 1942 et 1945 dans différentes structures nazies).
mémorielles » contre lesquelles L'histoire des enfants « nés de l'ennemi », cad de couples franco-allemands pendant la guerre, emblématique
s'insurgent les historiens
de ces mémoires oubliées et honteuses, est aussi objet d'études pour les historiens.
Les années 1990 voient aussi l'émergence de « lois mémorielles », votées par le Parlement, cad de lois dont
le rôle est de veiller au respect des mémoires et qui établissent des vérités historiques officielles :
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• loi Gayssot condamnant la négation des crimes contre l’humanité (1990),
• loi reconnaissant le génocide arménien (2001),
• loi Taubira assimilant la traite négrière atlantique ou de l’océan Indien à un crime contre l’humanité (2001).
Les historiens craignent que ces lois ne nuisent à leur liberté de recherche. En 2005, le Parlement vote un
amendement qui oblige les manuels scolaires à mettre en avant, le « rôle positif de la présence française
outre-mer ».
Devant une telle intrusion, 650 historiens signent un appel pour dénoncer les lois mémorielles. Ils affirment que
l’histoire n’est ni une religion, ni une morale, qu’elle n’est pas l’esclave de l’actualité, qu’elle tient compte de la
mémoire mais qu’elle ne s’y réduit pas. Max Gallo explique que « pour l'historien, il n'est pas admissible
que la représentation nationale dicte l'histoire correcte, celle qui doit être enseignée ».
En 2006, Jean-Pierre Rioux publie La France perd la mémoire. Il y affirme que l'historien doit tenir compte des
mémoires, mais qu'il ne doit pas en être le rédacteur. Son travail consiste avant tout à les confronter. La
Travail de mémoire et devoir de transmission de la mémoire suscite l'émotion, tandis que la recherche historique privilégie la démarche
mémoire sont de plus en plus scientifique et le raisonnement sur les faits établis, par un accès parfois très complexe aux sources et aux
différenciés
archives.
Les questions de « devoir de mémoire » (nécessité de transmettre des témoignages afin de ne pas « oublier »)
et de « travail de mémoire » (il s'apparente au travail de l'historien qui recoupe, vérifie et précise ses sources)
sont donc posées.
Bilan partie 2 :
1- En quoi les décennies 1960-1970 sont-elles un tournant ?
2- Quelles en sont les conséquences ?
3- Qu'appelle-t-on « syndrome de Vichy » ?
4- Quelle évolution se dessine dans les années 1990 ?
5- Définissez « lois mémorielles », « devoir de mémoire », « travail de mémoire ».
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Conclusion :
La 2°GM a produit différentes mémoires portées par des individus, des groupes et par l’État. Ces mémoires se sont affirmées selon des rythmes
différents. D'abord, des mémoires de la Résistance, gaullienne et communiste, valorisant l'image d'une France combattante et résistante.
Le contexte des années 1960-1970 est favorable à un examen critique de l'histoire de l'Occupation et du régime de Vichy, auquel participent le
cinéma et l'historiographie. On assiste alors à l'émergence d'une mémoire juive, occultée jusque là, mettant l'accent sur la singularité du génocide
juif.
Mais il faut attendre 1995 pour que le président de la République reconnaisse la responsabilité de la France dans les crimes commis par Vichy.
Les années 1990 se caractérisent d'autre part, par les enjeux mémoriels qui suscitent de nombreux débats. Les historiens prennent position contre
les lois mémorielles accusées de porter atteinte à leur liberté d'expression et à leur travail qui ne peut se laisser cadrer par la loi et dépendre du
législateur.
Mémoire et histoire d'un événement ne se confondent donc pas totalement. Les mémoires sont subjectives, souvent partielles, plurielles... alors que
l'histoire sous-entend objectivité, neutralité afin de reconstruire rationnellement le passé et de mieux le comprendre, mais sans juger.

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