POGNEAUX Nathalie Psy 2A1 « En quoi haine et amour sont
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POGNEAUX Nathalie Psy 2A1 « En quoi haine et amour sont
POGNEAUX Nathalie Psy 2A1 « En quoi haine et amour sont-ils indissociables, notamment dans les stades prégénitaux ». Introduction A la naissance, le Moi de l'enfant n'est pas formé et ce n'est que progressivement, et notamment au contact de sa mère d'abord, puis de l'entourage, que va se développer une ébauche du Moi. Depuis son plus jeune âge, le nourrisson est penché sur ses propres désirs, condition nécessaire à sa survie. Les pulsions d'autoconservation construisent par étayage les pulsions sexuelles (non génitales), comme la tétée ; l'enfant à faim, il tête le sein de sa mère par pulsion et réduit sa tension, ce qui introduit une notion de plaisir, devenant l'embryon d'un plaisir auto-érotique. Selon M. Klein, il existerait dés la naissance un moi capable d’éprouver de l’angoisse, d’employer des mécanismes de défense et d’établir des relations primitives d’objets. Selon elle, le bébé dès le début de la vie lutte entre la pulsion de vie et la pulsion de mort. Cette coexistence va forcer le Moi faible du bébé à gérer l’angoisse suscitée par le conflit. M. Klein nomme « position schizo-paranoïde » la période qui concerne le premier semestre de vie. Au cours de cette période, l'enfant éprouve des peurs, des sentiments de persécution et de frustration, mais il éprouve également des désirs, de la satisfaction et des sentiments de bien-être. Ainsi, selon les situations, l'enfant passe quasi insensiblement de la haine à l'amour et de l'amour à la haine, comme si ces deux sentiments étaient intimement liés. Dans les paragraphes ci-dessous, je vais tâcher d'expliquer en quoi amour et haine sont indissociables et notamment avant la période d'issue du complexe d'Œdipe. 1 I – Un Moi précoce déjà très sensible 1) La mise en place de mécanismes de défense Dès les premiers mois de vie, l'angoisse qui prédomine chez le nourrisson c'est que le persécuteur ne détruise à la fois le Moi et l'objet idéalisé. En effet, M. Klein décrit une grande avidité de la part de l’enfant. Il aurait envie de prendre à l’intérieur, du ventre maternel, ce qu’il considère comme la source de tout ce qu’il y a de bon. Ce qui créé en retour l’angoisse qu’on lui fasse subir la même chose (par des punitions maternelles d’attaques, des morsures et des morcellements, dans le but de reprendre ce qui lui a été volé). C’est ce que l’on peut appeler l’angoisse de persécution. En réalité, l’enfant a peur d’être dévoré pour avoir lui-même voulu dévorer le sein maternel. Il se sent persécuté, et interprète tout malaise intérieur ou frustration comme venant de la mère. L'enfant va alors chercher à se protéger par la maîtrise de ces fantasmes, grâce à des mécanismes de défenses archaïques : a) Le clivage : C'est un processus par lequel le Moi peut se scinder pour faire face à une réalité dangereuse, ici il tend à séparer les bonnes et les mauvaises parties de l’objet. De plus le clivage permettra à l’enfant de canaliser son agressivité en la projetant sur le mauvais sein (projection), et de tenir ainsi éloigné les objets destructeurs. Le clivage est un système très protecteur, car la bonne mère permet de le protéger de tous les mouvements d’agressivité. Et la mauvaise mère est le support de son agressivité. A la représentation clivée de la mère répond une représentation de lui-même scindé en deux : le bon bébé, qui est plein d’amour, de gratitude envers sa mère, et le mauvais bébé, qui est plein d’agressivité et d’envie. b) L’introjection : C'est l'opération psychique qui permet au sujet de localiser à l'intérieur de lui ce qui se situe en fait à l'extérieur. La tendance naturelle est d'introjecter les bons objets à l'intérieur de soi pour fortifier son Moi. Le clivage permet à l’enfant de conserver un bon sein qui le rassure et grâce a l’introjection, il aura tendance à le mettre à l’intérieur de lui pour conserver le bon sein. L’introjection, est un mécanisme très important car il protège le moi contre le besoin de l'objet, puis contre la dépendance et vise à restaurer son équilibre interne, puis son autonomie. c) La projection : C'est une opération psychique qui permet au sujet de localiser à l'extérieur ce qui se situe en fait à l'intérieur de lui. Il attribue donc à une autre personne les affects dont il ne peut se protéger et qu'il refuse de reconnaître en lui-même. Par l'identification projective, l'enfant se projette fantasmatiquement à l'intérieur de la mère pour y exercer sa toute-puissance (elle aussi fantasmée) : possession, voire destruction du 2 corps de la mère, contrôle des objets précédemment projetés dans la mère (pénis du père, autres enfants...). 2) Le Moi et les relations d'objet Les premières expériences du nourrisson avec sa mère constituent pour lui sa première relation d’objet. Il s’agit d’une relation à un objet partiel qui correspond à une partie de la personne ou à un symbole de celle-ci, car les pulsions orales du bébé sont dirigées uniquement vers le sein de la mère. De part le clivage, le sein est senti comme bon ou mauvais en fonction des expériences de gratification ou de frustration. Le sein est vu comme « nourricier » parce qu’il représente pour le nourrisson quelque choses qui possède tout ce qu’il désire ; il est source inépuisable de lait et d’amour (…) Ainsi il est le premier objet à être envié par l’enfant. A l’opposé, le sein qui le « prive » est ressenti comme mauvais, comme s’il gardait pour son propre compte le lait, l’amour et les soins qui se trouvent associés au bon sein. L’enfant se met à haïr et à envier ce sein avare. Finalement, l’enfant tourne vers le corps de sa mère tout ses désirs libidinaux, mais à cause de sa frustration, de l’envie et de la haine, il dirige aussi toutes ces pulsions destructrices. Si les bonnes expériences sont plus fréquentes que les mauvaises cela permet à l’enfant, par le biais de l’objet idéalisé, de se concevoir comme une unité. Dans le cas contraire, par le biais de l’objet persécuteur, l’enfant va être enclin à des angoisses d’anéantissements et de morcellement. C’est pourquoi, le non dépassement de cette position peut aboutir à une non unification du moi et plus tard, à des psychoses graves. Vers le 6éme mois, l’enfant passera par la position dépressive, se rendant compte de l’ambivalence de l’objet il va développer une culpabilité envers ses attaques agressives, il voudra donc réparer l’objet. C’est dans cette position que l’enfant prend un peu plus conscience de la réalité. M. Klein ayant évolué dans sa pensée, on considère aujourd’hui ces positions comme renvoyant davantage à des états momentanés d'organisation du moi, subissant des fluctuations incessantes. La succion indépendante des nécessités alimentaires devient aussi un plaisir, c'est le type de plaisir du narcissisme primaire. C'est l'entrée de l'enfant dans le stade autoérotique (jusqu'au complexe d'Œdipe) : se sucer le pouce, téter le sein, agripper ses pieds, etc. Si l'occasion lui est donnée de satisfaire ce plaisir, l'enfant va s'attacher à l'objet de plaisir ; le sein, le biberon avec lesquels il aime tant jouer même quand il n'y a plus de lait. L'enfant aime ce qu'on lui met à la bouche et par extension la présence de sa mère, nécessairement liée au plaisir de la tétée et à tous les moments de sensation voluptueuse comme le bain, la toilette, le bercement. Au cours des premiers mois, le nourrisson ne différencie pas son propre corps de celui de l'objet et du monde extérieur. Il pense que sa mère, le sein, le lait, tout, fait partie 3 de lui-même. Peu à peu l'enfant s'identifie à sa mère, c'est l'identification primaire. Cette identification se fait à ce stade, sous un mode oral, c'est-à-dire que l'enfant incorpore sa mère et par là-même ses qualités et sa toute puissance : le Moi. Ce fantasme, vécu comme une réalité par l'enfant serait à l'origine de la formation du Moi Idéal, formation narcissique et inconsciente. La distinction entre son corps et son environnement se fera au fur et à mesure que son contrôle sur les choses lui semblera limité. II - L'ambivalence des sentiments 1) Le rôle des pulsions Dans l'introduction, j'ai abordé l’opposition entre pulsion de vie et pulsion de mort. « L’amour concentré sur l’objet offre lui-même une autre polarité de ce genre : amour proprement dit (tendresse) et haine (agression) ». Freud soulève ainsi tout le problème de l’ambivalence des sentiments, dont la complexité a éveillé l’intérêt de plus d’un auteur mais dont on retiendra essentiellement les travaux de Mélanie Klein. L’apport de cet auteur est sans conteste le plus abouti et le plus révélateur concernant la notion d’ambivalence. Mais d'après la phrase de Freud citée ci-dessus, c’est la notion de sadisme qui introduit l’ambivalence des sentiments. En effet, au cours de la phase orale, l’amour se confond avec la possession amoureuse qui deviendra un amour possessif, et il est concomitant avec le désir de destruction de ce même objet si convoité : c’est le stade sadique-oral, décrit par K.Abraham et précisé par M.Klein. Se confondent durant cette période, à la fois le plaisir oral lié à l’activité buccale et à la sensation de fusion avec la mère, le fantasme d’être absorbé par l’objet/sein et celui d’incorporer ce même objet/sein en le dévorant. Le bébé est alors sous l’emprise de pulsions de type agressif, pulsions de destruction qui se traduisent par des crises de larmes coléreuses, avec parfois des suffocations. On constate ainsi la complexité des sentiments qu’inspire l’objet au nourrisson, objet à la fois désiré, et ressenti comme dangereux. Pour Freud, l’ambivalence va poursuivre son chemin et évoluer avec l’individu, et quand celui-ci atteint la phase génitale, la tendance sadique se sera détachée et mènera en quelque sorte sa « propre vie ». Par le mécanisme du déplacement, toutes les tendances amicales, tendres, amoureuses, éveillent aussi des sentiments de vengeance, de cruauté, de haine. Pour Freud, la haine s’attache aussi à la pulsion de conservation. Il s’agit alors d’une haine instinctive, nécessaire à la survie. Il est le premier à reconnaître le déplaisir que l’on éprouve à considérer cette notion comme vraie : « nous nous serions attendus à ce que le grand amour eut depuis longtemps vaincu la haine ou eut été 4 dévorée par celle-ci. Et c’est bien cela que la conscience humaine a du mal à admettre, parce que nous désirons, depuis que notre surmoi a appris à s’exprimer, aimer parce que c’est bien, et ne plus haïr parce que c’est mal. Il en va tout autrement dans le monde de l’inconscient. Dans l’inconscient, il n’est ni de bien ni de mal, et c’est précisément parce que ce conflit entre l’amour et la haine est inconscient qu’il est possible ». Tout objet aimé est haï, il est en quelque sorte haï ne serait-ce que parce qu’il est aimé : l’objet aimé (et l’on en tient pour preuve le tout premier objet d’amour connu) fait souffrir parce qu’il est incontestablement frustrant. Nul objet n’est à la hauteur de ce que le Ça désire, nul objet n’a le pouvoir de satisfaire entièrement les attentes inconscientes de l’être humain, parce que celui-ci souhaite parfait ce qui ne peut l’être par définition (l’autre) et dont il n’a pu avoir la notion d’existence que durant la vie intra-utérine. Ainsi le « savoir-aimer » ne s’acquiert qu’au prix de la frustration, mais une fois acquis, il lui en coûte tout de même un résidu de haine refoulé, au mieux, sublimé. C’est en cela aussi que l’homme puise sa volonté d’avancer : c’est dans la satisfaction relative (non totale) que l’individu recherche et donne l’amour. Il lui faut simplement savoir user de ses sentiments hostiles à bon escient par le processus de la sublimation. 2) Agressivité et haine : quelle différence ? Contrairement à Freud, Lacan distingue haine et agressivité. Le premier considère agressivité et haine comme pulsions issues toutes deux de Thanatos, l’autre pose une différence entre ce qu’il considère comme la destruction exprimée par l’agressivité et la méchanceté qu’exprime la haine. C’est ainsi que Lacan crée le néologisme « hainamoration ». La haine/méchanceté s’exprime pour Lacan dans ce que l’autre refuse de nous, dans le désir de faire du bien et qui par-là même aboutit au mal. C’est en quelque sorte un jeu de miroir interactif aboutissant à la haine, car dit-il, « la vraie amour débouche sur la haine ». Si la nuance entre haine et agressivité dans la « vision lacanienne » des choses n’est finalement que d’une moindre importance (puisqu’il s’agit de prendre tous signes d’hostilité comme représentatifs de la haine et inhérents à l’amour), le lien entre l’amour et la haine est à nouveau mis en évidence. Si la pulsion agressive, (la haine), est rangée du côté de Tanathos, il faut cependant établir une nuance quant à cette « classification », permettre une compréhension plus ajustée de la pulsion agressive : elle est indissociable de la pulsion de vie, car sans elle, l’être humain est condamné à la platitude, à l’apathie et à l’inhibition. Il faut une certaine dose d’agressivité pour oser s’opposer à l’autre, pour parler à l’inconnu, pour affronter la vie de tous les jours. La haine n’est par ailleurs pas toujours dirigée vers les autres, elle est parfois totalement intériorisée, il arrive que la pulsion agressive se retourne contre le Moi : le Surmoi veille à ce que les pulsions hostiles n’atteignent jamais la conscience. Parce que haïr est culpabilisant, d’autant plus lorsqu’il s’agit de personnes que l’on aime, ou pire, que l’on se doit d’aimer. 5 Certaines personnes se sentent si coupables des puissantes pulsions hostiles ressenties dans la petite enfance (jalousie d’un frère, d’une sœur, puissant désir érotique pour l’un des deux parents et intolérance à la frustration…), qu’elles deviennent des adultes insatiables d’amour, à qui l’on ne dit jamais assez souvent, ni assez fréquemment qu’on les aime, parce qu’elles ont besoin d’être rassurées sur leur propre compte. Elles ont besoin d’entendre qu’elles sont dignes d’être aimées, et ont besoin qu'on le leur prouve, parce qu’elles se sentent elles-mêmes incapables d’aimer dans la mesure où elles ont haï. III – Amour et Haine selon Melanie Klein Melanie Klein s’est particulièrement attardée sur les notions contraires et pourtant indissociables d’amour et de haine, et ses travaux ont apporté une dimension plus « humaine » à la théorie psychanalytique ; une approche plus sensible que celle de la théorie freudienne. Karl Abraham et Melanie Klein se sont plus attachés à la compréhension de l’amour que l’on porte à l’objet qu’à la fonction d’objet d’amour en tant que procurateur de plaisir. Il s’agit donc d’une vision plus en harmonie avec la conception élargie et commune de l’amour, c’est à dire dégagée de son aspect « intéressé ». Klein établit un équilibre entre les deux concepts, en intégrant la haine de façon explicite dans son propos, mais en induisant la notion de désir de « réparation » quant à cette haine. Il ne s’agit pas là d’un simple compromis permettant de concilier la réalité d’un amour à la base intéressé et la volonté d’un amour désintéressé, mais des résultats d’une expérience clinique : en quelque sorte, c’est grâce à l’amour que l’on porte aux autres que l’on répare la haine éprouvée à l’égard de ceux que l’on a aimé, par-là même, on se dégage d’un fort sentiment de culpabilité. En outre, l’amour vient réparer la haine qui trouve son origine dans la période orale, période concomitante selon Klein à un Œdipe précoce. C’est une période dite dépressive, générée par la perte de l’objet partiel au bénéfice de l’objet total : l’ambivalence des sentiments causée par cette insatisfaction engendre culpabilité et demande de réparation. Pour Melanie Klein, il existe un amour au-delà de l’amour intéressé, même s’il est lié à la satisfaction : le plaisir obtenu engendre un sentiment de gratitude envers l’objet qui dispense ce plaisir. Le plaisir induit donc à la fois gratitude et désir, désir de retrouver la satisfaction de plaisir, et l’amour dépend de l’harmonie entre les deux : l’envie seule au détriment de la gratitude n’est plus de l’amour. Pour que puissent cohabiter les deux, le nourrisson use d’un compromis : le clivage entre l’amour et la haine. L’objet d’amour est à la fois envié et haï lorsqu’il est absent et donc non satisfaisant (frustrant), et il est aimé comme objet idéal lorsqu’il est présent, et donc satisfaisant. Cette défense est déstabilisante pour l’enfant qui voit ses sentiments s’inverser d’un instant à l’autre, mais nécessaire à la construction psychique qui lui permettra peu à peu, en intégrant l’ambivalence au détriment du clivage d’aimer l’objet dans sa totalité : aimer au sens où amour et haine cohabitent, sans se 6 détruire, et où la dominante reste généralement l’amour. 1) Le « bon » et le « mauvais » sein Les recherches de Melanie Klein, centrées sur les conflits précoces survenant dans la relation mère / enfant, l'amènent à distinguer deux moments dans la première année de la vie, caractérisés chacun par une « relation d'objet » particulière, c'est-àdire une façon d'appréhender l' « objet » et de se situer par rapport à lui. Le premier de ces moments, dit « position schizo-paranoïde », couvre les trois ou quatre premiers mois de la vie. À cette période, le nourrisson établit des relations avec un « objet partiel », principalement le sein de la mère, sur lequel sont projetées les pulsions libidinales (instinct de vie) et les pulsions agressives, « sadiques orales », alors particulièrement violentes. De ce fait, le sein maternel est partagé en « bon » et « mauvais » objet. Lorsqu'il procure du plaisir, il est le « bon sein aimé » et oriente la pulsion de vie à l'extérieur ; lorsqu'il ne donne pas ces satisfactions et qu'il est frustrant, il devient le « mauvais sein haï et persécuteur », support de la pulsion agressive. Corrélativement au clivage de l'objet, il se produit un clivage du moi (un « bon moi » et un « mauvais moi »), en sorte que les aspects « bon » et « mauvais » restent séparés et que le « bon objet » ne puisse être détruit. A la suite de cette période, vers le quatrième mois et jusqu'à la fin de la première année, une meilleure organisation des perceptions permet au bébé de mieux se situer. Sa mère est appréhendée dans sa totalité, en tant que personne distincte de lui et qui, tantôt présente, tantôt absente, établit des relations avec d'autres individus. C'est alors que s'instaure la position dépressive dont le point culminant est atteint vers le sixième mois. À l'« objet total » se rapportent, désormais, les pulsions libidinales et les pulsions destructrices. C'est le même « objet », la mère, qui est à la fois aimé et haï. L'enfant fait l'expérience de l'ambivalence, génératrice de culpabilité. De là, naissent des formations réactionnelles telles que le désir de réparer les dommages qu'il lui cause dans ses fantasmes ; les mécanismes de projection s'atténuent tandis que ceux de l'introjection s'intensifient. Conjointement, le Moi, cessant de se fragmenter en composantes « bonnes » et « mauvaises », tend vers une meilleure intégration. La position dépressive est surmontée lorsque le « bon objet » est introjecté d'une manière stable et durable. 2) L'Angoisse dépressive Mélanie Klein situe l’angoisse dépressive comme point critique au milieu de la première année. À ce moment, l’angoisse persécutive a diminué, bien qu’elle joue encore un rôle important. L’angoisse dépressive se rapporte à des dangers ressentis comme menaçant l’objet aimé, essentiellement à travers l’agressivité du sujet. Ces angoisses surgissent de l’ambivalence du nourrisson : tout se passe comme s’il avait 7 peur que sa haine et ses pulsions destructrices n’anéantissent l’objet dont il dépend entièrement et qu’il aime. Cette angoisse proviendrait des processus de synthèse dans le Moi de l’amour et de la haine, par suite de l’intégration croissante des bons et des mauvais objets. Ces bons et mauvais objets se rapprochent dans l’esprit de l’enfant, permettant une certaine intégration, ce qui représente une précondition pour l’introjection de la mère en tant que personne complète. Si le nourrisson est mieux intégré, il peut se souvenir de l’amour pour le bon objet et le conserver, même lorsqu’il le hait. Comme le dit Mélanie Klein dans « Contribution à la psychogenèse des états maniacodépressifs » (1935) : « En franchissant cette étape, le moi atteint une nouvelle position, qui donne assise à la situation que l’on appelle perte de l’objet. » La perte de l’objet ne peut pas être ressentie comme une perte totale avant que celui-ci ne soit aimé comme un objet total. Dans cette situation, le nourrisson éprouve différents sentiments, de nostalgie, de perte, de tristesse, mais aussi un sentiment de culpabilité, qui menace l’objet interne comme s’il était dû aux propres pulsions et fantasmes du nourrisson. Celui-ci se trouve alors exposé au « désespoir dépressif ». Il y a fluctuation constante entre l’angoisse de persécution, lorsque la haine est la plus forte et l’angoisse dépressive, lorsque l’amour l’emporte sur la haine. Un apport important de Mélanie Klein est que le sentiment de culpabilité est lié à cette angoisse dépressive. Il se rapporte au mal qui aurait pu être fait, sous-tendu par les désirs cannibaliques et sadiques. Rappelons que la position dépressive commence à la phase orale de développement, au cours de laquelle aimer c’est dévorer. Cette culpabilité suscite alors le besoin pressant de réparer l’objet aimé, de le préserver ou le ranimer. Ce besoin approfondit les sentiments d’amour et promeut les relations d’objet. Au moment du sevrage, le nourrisson sent qu’il a perdu le premier objet aimé, le sein de la mère, à la fois comme objet externe et comme objet introjecté. Il peut attribuer cette perte à sa haine, à son avidité et à son agressivité. Le sevrage accentue les sentiments dépressifs et équivaut à un état de deuil. Ces deux formes d’angoisse, persécutive et dépressive, comprennent toutes les situations d’angoisse que traverse l’enfant et sont souvent mêlées. Les peurs d’être dévoré, empoisonné, châtré, attaqué à l’intérieur du corps, se rangent dans la rubrique de l’angoisse persécutive. Toutes les angoisses se rapportant à l’objet aimé sont dépressives. Conclusion Aucun des grands courants psychanalytiques n’a réfuté le lien entre l’amour et la haine, ce sont les approches qui diffèrent. L’un et l’autre sont à ce point couplés que souvent, celui autrefois tant aimé peut devenir objet de haine, que tout ce qui avait été séduisant et chéri dans l’autre peut soudainement ou progressivement être 8 transformé en haine, dégoût, mépris, aussitôt que l’objet n’est plus satisfaisant et qu’il est alors, comme par le passé (infantile), frustrant. J.Mac Dougall, a écrit : « le contraire de l’amour n’est pas la haine - elle en est bien trop proche - mais l’indifférence ». Si l’on considère la pensée kleinienne par rapport à la pensée freudienne, on se rend compte que l’aspect purement théorique freudien et l’approche plus sensible kleinienne ne sont pas antinomiques : à savoir que d’une part, pour l’un comme pour l’autre, c’est de la haine qu’exprime le premier affect du bébé envers l’objet ; l’amour y est postérieur, et d’autre part, si l’amour est issu de la recherche d’une baisse de la tension pulsionnelle, (éviter le déplaisir), il naît de cette satisfaction un sentiment d’attachement affectif envers l’objet qui fait du bien, une gratitude que l’on peut considérer à tort ou à raison comme désintéressée. Car bien que l’objet soit aimé en son temps parce qu’il a été gratifiant, si l’objet cesse de donner satisfaction, à partir du moment où l’enfant est en mesure de reconnaître physiquement l’objet en tant que personne, il restera une part d’amour vouée à cet objet, et ce, même s’il est haï pour cet abandon. L’amour porte en lui une sorte de nostalgie du plaisir d’aimer, et le souvenir sensuel du plaisir que nous procurait cet objet resté actif pendant longtemps. C’est pourquoi, il est si difficile d’oublier un être aimé qui disparaît, même si celui-ci a choisi de disparaître et donc de nous faire du mal. Dans un premier temps, la haine peut servir de défense, mais une fois cette haine disparue de la conscience, reste la mémoire de l’amour porté à l’objet. Si le deuil s’est correctement établi, on ne parlera sans doute plus d'un amour vivant, mais plutôt d'un amour qui se situe dans le souvenir, dans le passé, et dont la trace mnésique permet de pouvoir faire appel à la remémoration de cet état pour ressentir à nouveau ce qu’est l’amour, d’avoir en mémoire quelque chose qui était ressenti comme bon. L’amour étant alors porté à l’objet que l’on a connu, il me semble alors plus approprié de parler d’une forme de nostalgie, qui n’en inclut pas moins la notion d’amour. 9