3b. Se prendre le chouchou

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3b. Se prendre le chouchou
3b. Se prendre le chouchou
M le magazine du Monde | 18.04.2014 à 13h28 | Par Carine Bizet (M le magazine
La mode aime les années 1980. Pourquoi ? Parce que cette décennie a
produit le meilleur et le pire (le look « aérobique ») et qu'elle fascine
par sa flamboyance - surtout ceux qui ne l'ont pas vécue. Cette veine
nostalgique exploitant le penchant de l'époque pour le moche devait
fatalement faire ressurgir des rebuts stylistiques peu glorieux : revoilà
donc le «chouchou».
Avant de devenir la moitié d'un couple télévisuel qui donne envie
d'être célibataire à vie, ledit chouchou a été une star de la coiffure des années 1980. Cet
élastique d'une bande de tissu froncée a décoré moult chignons célèbres, agrémenté de
multiples queues-de-cheval illustres. Dans un moment de lucidité trop rare, la mode a
placardisé cet accessoire ; mais les «hipsters» sont passés par là. Cette tribu a décidé de
réhabiliter le chouchou. Ils auraient dû se méfier : un objet affublé d'un nom aussi grotesque
n'a aucune chance d'accéder au panthéon du chic. Même en anglais, on frôle la cacophonie :
en bouche, le terme «scrunchie» fait l'effet d'un mauvais caramel qui colle aux dents.
UN ASPIRATEUR
Dans la pratique, le cas du chouchou ne s'arrange pas. Cet ornement de cheveux est encore le
meilleur moyen de rater sa coiffure. Si on le pose sur un chignon minimaliste élégant et bien
lisse, hop, il le transforme en pièce montée capillaire bon marché. Certes, on croise souvent
ce genre de mini-couronne chez les gymnastes professionnelles, assortie de gel pailleté pour
les cheveux, d'un maquillage coordonné au justaucorps en velours et lamé : mais ces jeunes
filles sont aussi capables de toucher leurs oreilles avec leurs orteils, on peut considérer que
cela compense leur déficit en équilibre stylistique.
Deuxième option : le chignon en désordre, facile à réaliser puisqu'il suffit de rassembler une
boule au sommet du crâne avec les cheveux enroulés de manière aléatoire avec l'objet du
délit. Le résultat : un tas informe réservé normalement aux ablutions en salle de bains. En
général, le chignon-tas permet de dégager momentanément le visage pour le nettoyer ou le
maquiller. Exhibé dans la rue, il ressemble surtout à une sorte de nid d'oiseau mal rangé qui
risque d'inspirer aux pigeons distraits des envies de faire comme chez eux.
Non content de faire office d'épouvantail, le chouchou est aussi un aspirateur : à miasmes, à
poussière, à gras... Une véritable boîte de nuit pour bactéries. Une autre raison - très
pragmatique - de prendre cette déplorable tendance avec des pincettes.
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Carine Bizet (M le magazine)
http://www.lemonde.fr/mode/article/2014/04/18/se-prendre-le-chouchou_4402899_1383317.html

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