lien - Fédération Française de la Couture du Prêt-à

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lien - Fédération Française de la Couture du Prêt-à
Le quotidien de l’excellence et des savoir-faire à Paris
Paris paré
Des robes de bal à midi, des
belles chinoises escortées par une
meute de paparazzi. Un Grand
Palais transformé par Chanel
en théâtre de fin du monde.
Un éblouissant cocktail Bulgari
en présence de Carla BruniSarkozy, sa nouvelle égérie. La
semaine de la Couture qui vient
de s’achever, avec la participation des joailliers et des métiers
d’art, magnifie Paris en lettres
capitales. D’Atelier Versace, qui
a ouvert le bal, à Christian Dior,
elle aimante une fascination,
à l’image de ces robes devenues les atours célestes d’une
saison placée sous le signe du
voyage. De vestes lumière en
fourreaux criblés de perles de
cristal, la beauté est là, comme
une promesse d’infini, obtenue
à force de patience, de secrets
transmis par les artisans dans
une quête de perfection. Tulle
illusion, satin duchesse, rubis ou
diamant, la matière s’adonne à
une exigence unique, qui fait de
Paris la cité de tous les possibles,
royaume absolu où l’imaginaire
et la technique fredonnent l’air
familier du rêve.
Ballroom gowns at noon, beautiful Chinese women escorted by
a horde of paparazzi. The Grand
Palais transformed by Chanel into
an Armageddon-style theater. A
dazzling Bulgari cocktail reception in the presence of the House’s
new face, Carla Bruni-Sarkozy. The
Couture week that has just ended,
with the participation of jewelers
and crafts of artistry, has magnified
Paris in capital letters. From Atelier
Versace to Christian Dior, a city of
magnetic fascination mirrored by
dresses that have become the celestial finery of a season characterized by a theme of travel. Beauty is
all around – witness the dazzling
pencil jackets riddled with crystal
pearls – like a promise of the
infinite obtained by dint of patience
and secrets handed down by artisans
in their quest for perfection. Materials – illusionary tulle, duchesse
satin, rubies or diamonds – come
under a singular order for excellence, which makes Paris, the city
where everything is possible, the
ultimate kingdom on earth where
the imaginary and technique hum
the familiar tune of “dreamland”.
Laurence Benaïm
N°5
vendredi 05/07/13
En avant-première pour Haute, dans l’objectif de Terry
Richardson pour Christian Dior : top en soie noire
et deux jupes en soie plissée noire, Christian Dior
Haute Couture.
As special preview for Haute, photographed by Terry
Richardson for Christian Dior: black silk top and two black
pleated silk skirts, Christian Dior Haute Couture.
© Terry Richardson / Christian Dior / Mannequin : Marina Nery c/o ELITE / Maquillage : Pat McGrath / Coiffure : Guido Palau / Manucure: Elsa Deslandes
Laurence Benaïm
Voyages imaginaires
{A Journey In the light}
ZUHAIR MURAD
GIORGIO ARMANI PRIVÉ
JEAN PAUL GAULTIER
VALENTINO
A
insi soit-il. L’hiver 2013 a basculé comme par miracle dans l’ère de l’expérimentation, de toutes les invitations aux voyages, de la Maison Martin Margiela à Alexis
Mabille. Voyages cosmiques et technologiques, aux confins d’un nouveau monde
dont la Haute Couture, ex-vieille dame indigne reléguée à l’arrière-garde de la création, est aujourd’hui la messagère. On ne peut qu’être ébloui par la manière dont Jean Paul
Gaultier transforme un souvenir de clown blanc en une somme d’apparitions, évoquant à
la fois Fellini et Yves Saint Laurent, mais surtout l’âme de l’enfant qu’il est resté, avec ses
couleurs, ses héroïnes, ses mômes de cinéma, ses panthères divines. On ne peut qu’applaudir
les explorations d’Iris van Herpen dans le royaume du surnaturel, les fictions punk de Julien
Fournié, l’odyssée d’uneYiqingYin en immersion dans les eaux vives, dont elle fait jaillir des
robes sculptures, organiques, convulsives. Saison de voyages, quand le cachemire se grave
d’une tête de lion et une robe de guipure d’un herbier fantastique (Valentino). Saison céleste
entre toutes, où le tulle illusion et l’organza champagne rosé de Giorgio Armani évoquent
les verres soufflés de Murano. Vertige des lignes de Bouchra Jarrar. Voyage absolu en forme
de promesse, libérant sur les rivages de l’inconnu un parfum d’idéal.
S
o be it.Winter 2013 has almost miraculously rolled over into the age of experimentation, of
boundless invitations on a journey, from Maison Martin Margiela to Alexis Mabille. Cosmic travel,
technological journeys to the confines of the new world for which Haute Couture, one-time indignant old lady relegated to the rearguard of creation, has today become the emissary. Amazement
all round for the way in which Jean Paul Gaultier transformed the memory of a white clown into a sum
of apparitions, summoning both Fellini andYves Saint Laurent, but above all else the child he has always
been with his colors, his heroines, his movie kids and his divine panthers. Applause all round for Iris van
Herpen and her forays into the realms of the supernatural, for the punk fictions of Julien Fournié, and
the odyssey ofYiquinYin immersed in white water from which arose organic and convulsive sculpture-like
gowns.The travel season is upon us when cashmere is engraved with a lion’s head and a guipure gown with
a fantastic herb garden (Valentino). A celestial season too, where illusionary tulle and pink champagne
organza from Giorgio Armani conjure up the blown glass of Murano. And collective vertigo with the lines
designed by Bouchra Jarrar.The ultimate journey in the shape of a promise, releasing a fragrance of the
ideal on the shores of the unknown.
Laurence Benaïm
CHANEL
2
YIQING YIN
JULIEN FOURNIÉ
haute couture hiver 2013
BOUCHRA JARRAR
IRIS VAN HERPEN
CHRISTIAN DIOR
ON AURA TOUT VU
STÉPHANE ROLLAND
FRANCK SORBIER
VIKTOR & ROLF big bang
Photos : Christian Badger pour Haute
ALEXANDRE VAUTHIER
Défilé installation à la Gaîté Lyrique, autour d’une collection entièrement noire.
Runway installation at the Gaîté Lyrique theater around a collection all in black.
ELIE SAAB
MAISON MARTIN MARGIELA
3
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interview
© DR
ses 3 métiers d’art
{his 3 workshops}
Lesage, brodeur
« Notre première rencontre a eu lieu alors que j’avais 20 ans, je
travaillais chez Thierry Mugler. C’était quasiment mon grandpère. Il m’appelait Coco… Je lui ai dédié ma septième collection.
Je resterai toujours chez Lesage parce que j’arrive encore à le
voir, dans les broderies, je ressens toujours la synergie qui existait
entre nous deux. L’équipe est comme une famille. »
{Toucher à l’extraordinaire}
Dans un revival années 80, ses robes ont conquis
les stars comme Beyoncé, Rihanna ou Lady Gaga.
Le transfuge de Thierry Mugler et de Jean Paul
Gaultier présente au Palais de Tokyo son dixième
défilé, équilibre subtil entre lignes sportives et
sophistication glam.
In a 1980s revival, his gowns are favorites with stars
like Beyoncé, Rihanna or Lady Gaga. Formerly with
Thierry Mugler and Jean Paul Gaultier, Alexandre
Vauthier is presenting his tenth runway at the Palais
de Tokyo, a subtle balance between sporty lines and
glam sophistication.
bandages couture
couture bandages
« La collection Couture de l’automne-hiver a un esprit
sportif et sophistiqué à la fois : bandages et protections sportives se sont transformés en drapés tendus,
bustiers retravaillés, vestes entièrement brodées, telles
des cuirasses de cristaux. Le python est frappé de bandes
sportives dorées à l’or 24 carats, l’alligator est mélangé
au Néoprène, des straps allongent les vêtements. C’est un
travail sur la proportion et la disproportion, dans un équilibre entre le souple et le tenu, le masculin et le féminin,
sensuel mais pas sexy. »
“The Fall-Winter Couture collection has a feel that is both sporty
and sophisticated: sports bandages and protections are transformed
into tight hangs, restyled bustiers and fully embroidered jackets,
like crystal body armor. Python skin is adorned with sports bandages gilded with 24-carat gold, alligator is mixed with Neoprene,
garments are lengthened with straps. This is work on proportion
and disproportion, a balance between loose and tight, masculine
and feminine, sensual but not sexy.”
« Cette collection est très technique, avec un travail minutieux de recherche de modélisme, de coupe et de matière,
en partenariat avec nos fabricants de tissu, de cuir ou de
fourrure, ainsi qu’avec les métiers d’art. J’ai ce grand
privilège, depuis le début de mon histoire, d’être suivi
par les meilleurs : Lesage, Swarovski, Salomon, Goossens,
Louboutin… Cette saison, le final est une apothéose, avec
une traîne hors du commun, la première que je crée :
300 mètres de tulle de soie et de plumes. Là est la dynamique
des collections : cette envie de toucher à l’extraordinaire. »
le temps de la création
« Il y a deux mois, j’ai entièrement recommencé la collection. Rien ne me satisfaisait. Il faut du temps pour trouver
ce que l’on a envie de dire, et pour le dire de la façon la
plus honnête possible. C’est un processus normal : on ne
peut pas créer des collections comme des machines, il y a
là quelque chose de très sincère et de très humain. »
l’exigence de la ligne
« Je suis particulièrement exigeant sur les coupes. C’est
une histoire de ligne. Avec deux millimètres en plus, la
silhouette devient plus aérienne, plus subtile. En Couture,
presque tout a déjà été fait. Il faut dire les choses différemment et les proposer au bon moment. Au-delà de la
simple création de robes, il faut imaginer des codes, une
identité. »
“This is a very technical collection, with meticulous research work
for the modeling, the cut and the material in partnership with
our makers of fabric, leather or fur, and with the art workshops.
Since the beginning of my career, I have had this great privilege
of being supported by the very best: Lesage, Swarovski, Salomon,
Goossens, Louboutin… This season, the finale is a master work
with an exceptional train: 300 meters of tulle, silk and feathers.
This is the dynamic of any collection, that desire to touch on the
extraordinary.”
Lemarié, plumassier
« Je l’ai rencontré quand j’étais “petit”, chez Mugler. Il avait fait
une robe extraordinaire, ornée d’ailes de papillon dans le dos.
Le final de cette collection couture est une véritable dédicace à
Lemarié et à Lesage. C’est une histoire de sensibilité qui n’existe
nulle part ailleurs. »
“I met him when I was ‘small’, with Mugler. He had made an extraordinary gown adorned with butterfly wings down the back.The finale of this
collection is a true dedication to Lemarié and to Lesage. It is all about
sensitivity, the sort that exists nowhere else on earth.”
www.lemarie-paris.fr
time for creation
“Two months ago, I began the whole collection all over again.
Nothing was satisfying me.You need time to find what you want
to say and to say it as honestly as possible. It’s a normal process,
you cannot create collections as if you were a machine, there is
something very sincere, very human about all this.”
demanding for lines
“I’m very demanding when it comes to cuts. It’s all about lines.
With an extra ¼ inch, a silhouette looks more airy, more subtle.
In Couture, virtually everything has been said and done.You have
to say things differently and release them at the right time. Over
and above the simple creation of gowns, you have to imagine codes,
an identity.”
Propos recueillis par Karine Porret
Photo : Guillaume Herbaut pour Haute
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© DR
rêves de technique
dreams of technique
© DR
Alexandre Vauthier
“We first met when I was 20 years old, I was working with Thierry Mugler.
He was virtually my grandfather. He called me Coco… I dedicated my
seventh collection to him. I will always stay with Lesage because I can still
see him, with his embroideries, I can still feel the synergy there was between
the two of us.The team is like family.”
www.lesage-paris.com
Goossens, orfèvre et joaillier
« J’ai conçu avec eux quelques bijoux, qui se vendent de mieux en
mieux. On me dit que je suis cher… Mais quand vous travaillez
avec les meilleurs, cela a un prix. Dans une ère de mondialisation,
la main française a vraiment quelque chose de particulier. »
“I designed a few jewels with them, which are selling more and more.They
say I am expensive… But when you work with the best, there is a price
to pay. In a world of globalization, French handiwork has something very
special to offer…”
www.goossens-paris.com
impressions
Paris pendant la semaine de la Couture
L’exposition / Exhibition
Giuseppe Penone
Une balade dans les jardins de Lenôtre s’impose
pour déambuler parmi les œuvres de Giuseppe
Penone, jouant du poids, de la force et de la
perspective des arbres dans une élégance très
versaillaise.
A stroll through the gardens of Lenôtre is called for to
wander amongst the works of Guiseppe Penone, having
fun with the weight, force and perspective of trees in a
very Versailles style of elegance.
Les Feuilles des racines, Penone, 2011
Jusqu’au 31 octobre au Château de Versailles, place
d’Armes, 78000 Versailles. www.chateauversailles.fr
Le déjeuner / Lunch
Café Marly
© Vincent Leroux
Parfait pour apprécier un repas audacieux dans
un décor de style Napoléon III, tout en disposant d’une vue exceptionnelle sur la pyramide du
Louvre.
Perfect for enjoying a brave meal in a Napoleon III style
décor while admiring an exceptional view of the Louvre
pyramid.
Gravure et impression au cadre d’un carré Hermès.
SONGES DE SOIE HERMÈS
{DREAMS OF hermès SILK}
La galerie / Gallery
David LaChapelle
Sortant du baroque, son domaine de prédilection, le
photographe surprend avec cette série radicale qui
interroge sur l’envers du rêve américain.
Leaving his preferred field of the Baroque behind, the
photographer springs a surprise with this radical series
that asks questions about the other side of the American
dream.
L
es plus beaux rêves de soie sont exécutés depuis 90 ans à Lyon, au détour du
chemin des Mûriers, dans le silence et le mouvement des mains des 750 artisans du Holding Textile Hermès. Composé de 50 couleurs, un carré se divise
en autant de panneaux par couleur que l’artiste graveur vient esquisser afin
de le préparer à l’impression. Cette dernière se fait dans la plus grande tradition
lyonnaise : chaque couleur composant un dessin est imprimée, cadre par cadre,
selon un ordre de passage minutieux qui reconstitue le dessin au millimètre près.
C’est alors que le tisseur vient monter, sur le métier, les 450 000 mètres de fils de
soie nécessaires à la confection du carré, avant que le sabreur ne fasse apparaître le
motif en relief. En tout, il faut 2 000 heures pour réaliser un carré de soie. Un art
du beau, présenté aujourd’hui au musée Nissim-de-Camondo.
« Still Life », jusqu’au 27 juillet 2013 à la galerie Daniel Templon,
30 rue Beaubourg, Paris 3e. www.danieltemplon.com
Détente / Relaxation
Le jardin du quai Branly
Une sieste électronique sera la bienvenue ce weekend, allongé dans le théâtre de verdure, pour
« écouter à l’horizontale » les DJ sets de Vincent
Moon et de Kangding Ray.
An electronic catnap will be very welcome this weekend,
stretched out in the Théâtre de Verdure to listen to the
DJ sets of Vincent Moon and Kangding Ray, flat on your
back.
T
he finest dreams of silk have been realized for over 90 years in Lyon, just around
the corner from the chemin des Mûriers, home to the silent and deft movement of
hands belonging to the 750 artisans working at the Holding Textile Hermès. There
are 50 colors, broken down into the same number of panels, one for each color, that
the artist engraver sketches in preparation for printing. This is performed in the grandest
Lyon tradition, where each color of a design is printed frame by frame in meticulous order to
recreate the design down to the nearest millimeter. Then, on the loom, the weaver assembles
the 450,000 meters of silk yarn needed to produce the “carré” (silk scarf) before the cutter
brings out the final motif in raised relief. In all, it takes 2,000 hours to make one silk “carré”.
An art of beauty, today on show at the Nissim-de-Camondo museum. Jean Privé
Ode au romantisme, ce ballet composé en 1832
par Philippe Taglioni présente les amours impossibles d’un homme et d’une créature surnaturelle.
An ode to romanticism, this ballet, composed by Philippe
Taglioni in 1832, stages the impossible love story between
a human and a supernatural creature.
La Sylphide, reconstitution de Pierre Lacotte, jusqu’au
15 juillet 2013 à l’Opéra Garnier, 8 rue Scribe, Paris 9e.
www.operadeparis.fr
dans l’œil de… Maurizio Galante
Le bal / Ball
Le Théâtre des Champs-Élysées
Pour célébrer son premier siècle, le Théâtre des
Champs-Élysées organise un bal, dans une ambiance
big band des années vingt en début de soirée pour
swinguer ensuite au son de DJ Bart & Baker.
© musée Galliera, Ville de Paris, DR
soie monté sur organza : « Un corps brodé soutient
la souplesse et le pli d’un tissu. Dans la nature, l’équilibre est partout, répétitif et fastidieusement magnifique. Un couturier poursuit le rêve de représenter
un équilibre : l’élégance. Magique, l’œuvre finale est
comme un bel animal. »
M
To celebrate its first 100 years, the Théâtre des ChampsElysées is organizing and inviting attendance to a ball
in a big band atmosphere from the 1920s, getting the
evening off to a swinging start before moving on to the
sounds of DJ Bart & Baker.
m
aurizio Galante, in the context of
“Paris Haute Couture’’, dreamily
admires a Christian Lacroix outfit
from 1991 in wool, Lurex and silk
jacquard mounted on organza: “An embroidered body supports the suppleness and
fold of a fabric. In nature, balance is omnipresent, repetitive and fastidiously magnificent. A couturier pursues his dream of
portraying balance. It is elegance. Magic,
the final work is like a beautiful animal.”
À partir de 21h au théâtre des Champs-Élysées, 15 avenue
Montaigne, Paris 8e. www.theatrechampselysees.fr
Mathilde Hédou
Haute est édité par la Chambre Syndicale de la Haute Couture.
Haute is published by the Chambre Syndicale de la Haute Couture.
www.modeaparis.com
Directrice éditoriale / Editor : Laurence Benaïm
Coordinatrice éditoriale / Coordination editor : Karine Porret
Design : Christophe Renard
Maquette / Layout : Nathanaël Day
Secrétariat de rédaction / Copy editor : Christophe Manon
Production : Laurence Simon
Administration : Emilie Do-Va
Assistant de rédaction / Editorial assistant : Jean Privé
Impression / Printed: : Point 44, France, 2013
Tous droits réservés / All rights reserved.
7
© Courtesy Giuseppe Penone – photo tadzio / DR / photo Alexandra Lebon / Galerie Daniel Templon
La Sylphide
exposition « PARIS HAUTE COUTURE » à l’Hôtel de ville
aurizio Galante, dans le cadre de
« Paris Haute Couture », rêve un
ensemble Christian Lacroix de
1991, en laine, Lurex et jacquard de
Du 7 juillet au 15 septembre 2013 au quai Branly,
37 quai Branly, Paris 7e. www.quaibranly.fr
Le ballet / Ballet
www.hermes.com
« Paris Haute Couture », jusqu’au 6 juillet 2013
à l’Hôtel de Ville, 5 rue de Lobau, Paris 4e.
93 rue de Rivoli, Paris 1er.
www.beaumarly.com/cafe-marly
Savoir-faire
Lesage
{Broder le temps}
Par Gwenaëlle Aubry
À Pantin, les ateliers
de la maison de broderie
Lesage, créée en 1924.
M
A
atin gris à Pantin. Friches, béton, un bâtiment neuf et, dans cette grande pièce,
à droite, des boîtes noires entreposées jusqu’au plafond : on ne se doute de rien.
Mais parce qu’on est, dirait Baudelaire, un peu sauvage, un peu baby, parce qu’on
aime « les plumages bariolés, les étoffes chatoyantes », on a tout de suite été attirée
par des rouges et des verts flambant sur une table, des miroitements de lumière : on vient
d’entrer dans la salle des archives de la maison Lesage, les coulisses très secrètes où, depuis
bientôt un siècle, se trament et se rejouent les gestes qui changent le vêtement en bijou.
On ouvre des boîtes au hasard : été 68 – roses, jaunes et turquoises saturés, géométries
acides, pétales psychédéliques ; début des années 20 – franges Charleston, roses poudrés et
ce miracle de délicatesse d’une broderie en volutes qui se substitue au tissu ; hiver 44-45 :
étoffes grossières, palette de deuil, crêpe et raphia. À chaque boîte ouverte, un génie du temps
s’échappe, volatile et intact, pesanteur et légèreté, espoirs et déraisons traduits en couleurs
et en perles. Et sur chacune, aussi, des noms : Saint Laurent, Chanel, Dior, Balenciaga,
Lacroix, Schiaparelli… Tout en haut, je lis « reine de Thaïlande », à côté, « ceintures »,
« galons », « insectes » : les scarabées bleutés, talismans invisibles que la reine faisait broder
entre peau et tissu. C’est à l’étage que s’élabore le sortilège. La maison vient de quitter son
siège historique de la rue de la Grange-Batelière : plus de coffrets ouverts sur des fils de soie
multicolores ni de perles ruisselant en désordre. Mais la magie est toujours là : dans l’atelier
des dessinatrices et ces pointillés bleus où se lit la formule alchimique de la mariée Chanel,
la transmutation de l’idée en rêve matériel, en nébuleuse nacrée ; dans celui des brodeuses
et des échantillonneuses, qu’il faudrait décliner au masculin car on y compte un homme.
Elles/ils sont plusieurs à travailler à une même robe, découpent et sculptent de légers papillons de plastique transparent qu’ils cousent ensuite un à un sur l’étoffe noire, appliquent à
l’aveugle des paillettes à l’aide d’un Lunéville, entrelacent feuilles d’or, jaseron et vieille
lame. Sur un métier est posé un homard, ce qui vaut bien la rencontre d’une machine à
coudre et d’un parapluie, et même mieux car ce homard, c’est à la main, point après point,
qu’il va se changer en motif étincelant. Face à ces doigts qui volent, précis, je ne cesse de
penser à la danse : parce que « broderie » est le nom d’un saut mais aussi, et surtout, parce
que c’est la même alchimie : des heures de travail minutieux, inlassable, pour un instant de
grâce, un corps porté en gloire.
gray morning in Pantin. Industrial wasteland, concrete, a new building and in this large
room, on the right, black boxes stacked up to the ceiling: we have no idea what is in store.
But because we are, to quote Baudelaire, a little wild, a little baby-like, because we love
“colorful feathers and dazzling fabrics”, we were immediately attracted by the bright
reds and greens shimmering in the light on a table.We have just stepped inside the archives room at
Lesage, the highly secret chamber behind the scenes where for almost a hundred years nimble fingers
have been transforming garments into jewels. Boxes are opened at random: Summer ’68 – pinks,
yellows and saturated turquoise, sharp geometrics, psychedelic petals. The early 1920s: Charleston
fringes, powdery pinks and the miraculous delicacy of coiled embroideries that replaced fabric.Winter
44-45: rough fabrics, mourning apparel, crepe and raffia. A time genie seems to escape from every box
we open, volatile and intact, gravity and lightness, hopes and folly translated into colors and pearls.
And each with names: Saint Laurent, Chanel, Dior, Balenciaga, Lacroix, Schiaparelli... Right at the
top I can read “Queen of Thailand”, next to that “belts”, “braids” and “insects”. The bluish beetles, or
invisible talismans that the queen had embroidered between skin and fabric. Upstairs is where the
spell and charm are cast.The house has recently left its historic home office on the rue de la GrangeBatelière: gone are the open boxes on multicolored yarns of silk, gone the jumble of glittering pearls.
But the magic is still there. In the designer workshop, with the blue dotted lines where you can read
the alchemy-style formula of the Chanel wedding gown, the morphing of idea into material dream in
pearly cloudy white.The embroidery and sampler workshops, now with a male employee amongst the
ladies. Several of them are working on the same dress, cutting out and shaping light transparent plastic
butterflies that they then sew one by one onto black fabric, working blind as they apply sequins with
a chain stitch, intertwining gold foil, jaseron and vintage leaf. On a loom, there is a lobster, worthy of
that chance “meeting between a sewing machine and an umbrella”, even better perhaps because
this one is hand-made, stitch after stitch, about to be transformed into a glittering motif. Looking
at these fluttering nimble fingers, I can’t help thinking about dancing. The French term “broderie”
(embroidery) is the name of a dance step, but also, and more importantly, because it involves the same
magic chemistry: hours of meticulous tireless work for a moment of grace and glorification of the body.
Romancière et philosophe, Gwenaëlle Aubry est l’auteur de six romans, dont Le Diable détacheur (1999),
L’Isolement (2003) ou Personne (prix Femina 2009). Son dernier ouvrage, Partages (Mercure de France, 2012) a
été sélectionné pour le prix Roman-News Stiletto Publicisdrugstore.
Novelist and philosopher, Gwenaëlle Aubry is the author of six novels, including Le Diable détacheur (1999),
L’Isolement (2003) or Personne (prix Femina 2009). Her latest work, Partages (Mercure de France, 2012) was selected
for the prix du Roman-News Stiletto Publicisdrugstore.
Lesage Paris, www.lesage-paris.com. Visite sur rendez-vous.
Photos : Fabrice Laroche pour Haute
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