les laits infantiles - Institut Benjamin Delessert

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les laits infantiles - Institut Benjamin Delessert
45ème J.A.N.D.
28 janvier 2005
LES LAITS INFANTILES
Jean-Pierre CHOURAQUI
Gastroentérologie, Hépatologie et Nutrition Pédiatriques
Département de Pédiatrie CHU de Grenoble, BP 217, 38043 GRENOBLE cedex 07, FRANCE.
Résumé
Les laits infantiles se distinguent en trois catégories
➣ Les préparations pour nourrissons (1er âge) destinées à la période d’alimentation
exclusivement lactée, à défaut d’allaitement maternel, c’est-à-dire jusqu’à 4 ou
mieux 6 mois. A coté des préparations classiques, dont la teneur en protéines a été
diminuée et que l’on peut distinguer entre elles selon la teneur en caséines et en
lactose et la présence éventuelle de pré- ou probiotiques, différents types de préparations sont disponibles selon l’existence d’antécédents atopiques (Laits HA), l’épaississement (Laits AR), ou un objectif thérapeutique.
➣ Les laits de suite (2ème âge), destinés à la période de transition correspondant à
l’introduction progressive d’une alimentation diversifiée, au plus tôt après 4 mois et
au mieux vers 6 mois.
➣ Les laits de croissance, après 9-12 mois, quand l’alimentation étant quasiment de
type adulte.
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Le lait maternel est un aliment complet, contenant tous les nutriments nécessaires au
développement, à la croissance et à la maturation de l’enfant pendant les mois qui suivent la
naissance. Les progrès technologiques remarquables réalisés ont autorisé la mise au point de
formules lactées, le plus souvent à partir du lait de vache, dont la composition se rapproche,
autant que faire se peut, sans pour autant l’imiter parfaitement, de celle du lait maternel. Le
choix d’un lait doit alors s’appuyer pour chaque enfant sur des critères de composition, d’avantages scientifiquement établis et de tolérance de l’enfant, en évitant les changements intempestifs aussi inutiles que délétères(1,2).
La composition de ces laits infantiles doit obéir aux dispositions réglementaires européennes,
notamment aux directives 91/321/CEE et 96/4/CEE, traduites secondairement en droit français
et qui parallèlement ont fait supprimer les termes de «maternisé» ou «humanisé»(3,4).
3 périodes d’alimentation correspondant à l’évolution de la maturation des différentes fonctions sont distinguées et définies par ces textes réglementaires amenant à distinguer 3 catégories de laits infantiles :
- Une période d’alimentation lactée exclusive : de la naissance à 4-6 mois, plutôt 6.
- Une période de transition, correspondant à l’initiation de la diversification, c’est à dire à
l’introduction progressive d’aliments autres que le lait.
- Lorsque débute la 3ème période, vers 1 an, l’alimentation est diversifiée, pratiquement de
type adulte.
Les préparations pour nourrisson (1er âge) :
Ce sont les laits destinés à l’alimentation des nourrissons pendant les 4 à 6 premiers mois de vie
et répondant à eux seuls aux besoins nutritionnels de cette tranche d’âge(2,5).
❑ Trois types de préparations, distingués en fonction de la nature des protéines.
➤ Les préparations à base de protéines de lait de vache se différencient principalement en
fonction de l’apport en protéines, du rapport caséines/protéines solubles, de la nature et la
quantité des sucres apportés, de la qualité du mélange lipidique, et de l’éventuel ajout de
pré- ou probiotiques.
- Au niveau de l’apport protéique, la plupart des industriels ont diminué les teneurs.
Récemment un procédé original de sélection des protéines lactées a permis d’obtenir un
profil en acides aminés comparable à celui du lait maternel et donc de diminuer l’apport
protéique à 12g/l (Novaïa®) avec une aussi bonne rétention azotée et une charge osmotique rénale moindre(6). D’autre part les caséines, dont la teneur varie d’une marque à
l’autre, ont tendance à coaguler en flocons grossiers dans l’estomac et à ralentir la vidange gastrique. La satiété est de ce fait plus aisément satisfaite mais les caséines en excès
peuvent favoriser la constipation.
- Les apports glucidiques peuvent être exclusivement le fait du lactose (peu de laits de ce
type) ou plus volontiers le fait d’un mélange dextrine-maltose-lactose avec des teneurs
très variables en lactose. Seuls peuvent être utilisés en outre le saccharose (sans dépasser
20% des glucides totaux), le sirop de glucose, et l’amidon précuit ou gélatinisé exempt de
gluten (sans dépasser 2g/100ml).
- Au niveau lipidique, la teneur moyenne est de 35 g/l constituée d’un mélange lipidique
pouvant comporter jusqu’à 100 % de matières grasses d’origine végétale, enrichi en
acides gras essentiels. Un industriel a commencé à enrichir ses laits en acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC), c.a.d acide docosahéxaénoïque (DHA) et acide arachidonique (ARA), pour rejoindre les taux du lait maternel (Enfamil Premium Lipil®).
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- Les pré- ou probiotiques sont des adjonctions récentes dans certaines formules infantiles
avec l’objectif de reproduire l'écosystème intestinal des enfants nourris au sein et de ce
fait certains effets fonctionnels du lait maternel(7).
• Les prébiotiques sont des ingrédients alimentaires, non digestibles, dont la présence
dans la lumière intestinale stimule la croissance d’une flore considérée comme bénéfique en terme de santé. Cependant peu d’études cliniques permettent d’affirmer ce
rôle clinique chez le nourrisson, si ce n’est qu’à la dose de prébiotiques utilisée, on a
une augmentation de la flore bifidobactérienne(7).
• Les probiotiques sont des micro-organismes capables de modifier la flore intestinale
en ayant un effet bénéfique démontré sur la santé. Différentes études mettent en
exergue l’effet bénéfique et l’innocuité de certains probiotiques, notamment de
Bifidobacterium lactis souche Bb 12, et Lactobacillus GG(7-8).
➤ Les préparations à base d’hydrolysats partiels de protéines : laits hypoallergéniques
(« -HA »). Leur indication a un objectif préventif, dès la naissance, chez les nouveau-nés à
risque atopique du fait d’antécédents familiaux, à condition d’en poursuivre l'utilisation,
sans interruption et exclusivement, jusqu’à l’âge de 6 mois, tandis que la diversification alimentaire sera reculée après 6 mois(9-11). Les laits hypoallergéniques peuvent également être
proposés en complément transitoire lors de l’initiation d’un allaitement maternel. La
démonstration de cet effet préventif doit être étayée par des études cliniques que seules certaines marques semblent à même de fournir.
➤ Les préparations à base de protéines de soja
Ces préparations ne doivent en aucun cas être confondues avec des denrées alimentaires à
base de soja vendues dans le commerce et totalement inadaptées à l’alimentation du nourrisson. Leurs indications sont relativement limitées : réalimentation éventuelle dans certaines diarrhées sévères du grand enfant ou, en deuxième intention, dans l’allergie aux protéines du lait de vache après essai d’un hydrolysat poussé de protéines et après 6 mois(12).
❑ Certaines préparations se distinguent par leur composition et leurs indications spécifiques
➤ Les « laits pour enfant de faible poids de naissance » (suffixe Pré-) leur composition est
particulièrement adaptée aux conditions de la physiologie digestive du prématuré et au
besoin de rattrapage de croissance des enfants de faible poids de naissance (moins de
2200g).
➤ Les laits fermentés, également désignés comme contenant des «produits de fermentation
bactérienne» se caractérisent par une acidification biologique du lait sous l’action de bactéries fermentaires secondairement tuée (Calisma®, Gallia lactofidus®, Pelargon®). La caséine, de ce fait finement floculée, est mieux tolérée. La teneur en lactose est souvent réduite.
Ce type de produits trouve donc ses indications dans la correction de troubles digestifs
mineurs (coliques, troubles du transit).
➤ Les laits épaissis ou « AR » : préparations dans lesquelles une partie de l’apport glucidique
est assurée par de l’amidon (maïs ou riz) ou bien dans lesquelles il y a rajout de farine de
caroube. Le but est d’augmenter la viscosité afin de diminuer la fréquence et le volume
de régurgitations. Certaines de ces préparations sont également désignées sous le terme
« confort », et vendues en grande surface.
➤ Les laits sans lactose. Leurs indications sont transitoires lors de la réalimentation de
certaines diarrhées aiguës prolongées, ou en cas d’intolérance au lactose chez l’enfant plus
grand.
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➤ Les diètes semi-élémentaires, ou hydrolysats extensifs de protéines (Alfare®,
Galliagène®, Nutramigen®, Peptijunior®, Pregestimil®, Prégomine®), sont des préparations dont les protéines ont subi une hydrolyse poussée et dont le sucrage est à base de dextrine-maltose et d’amidon sans gluten, sans lactose. La plupart comportent des triglycérides
à chaîne moyenne. Leurs indications sont très précises : - réalimentation de diarrhée aiguë
chez le nourrisson de moins de 3 mois ; - diarrhées graves prolongées, diarrhées rebelles ;
- syndrome de malabsorption globale et/ou lipidique ; - syndrome du grêle court ;
- mucoviscidose ; - cholestases chroniques ; - allergie aux protéines du lait de vache.
Les préparations de suite (2ème âge) [1, 2, 13]
Elles correspondent à la période de transition et de diversification (4-6 mois à 9-12 mois), alors
que le lait représente encore l’essentiel des apports alimentaires. L’introduction progressive
d’autres aliments avec le risque d’induire certaines carences notamment en acides gras essentiels et en fer ou certains excès, en particulier en protéines et en graisses saturées. Ces laits sont
des laits à base de protéines du lait de vache et permettent d’assurer un apport protéique suffisant mais non excédentaire compte tenu de la diversification, excès que réaliserait l’utilisation
à cet âge du lait de vache. Ils assurent le maintien d’un apport équilibré en lipides, grâce à l’apport de graisses végétales, et l’apport indispensable en acides gras essentiels. Cet équilibre
serait rompu par l’utilisation de lait de vache entier ou demi-écrémé. Enfin, ils permettent d’assurer les apports indispensables, à cette phase de croissance encore rapide, en calcium, phosphore, minéraux et vitamines, et de supplémenter l’alimentation en fer alors que les stocks
anténatals s’épuisent et que l’apport diversifié, notamment en viande, est insuffisant pour couvrir les besoins. Ce type de formules doit être délivré à raison au minimum de 500 à 750 ml/jour
jusqu’à 9 mois-1 an.
Les laits de croissance, de 1 à 3 ans
Après 9-12 mois, l’enfant peut théoriquement manger de tout. Au cours de cette phase d’apprentissage, l’abandon prématuré des formules de suite au bénéfice du lait de vache demi-écrémé et les petits déséquilibres d’une diversification souvent trop uniforme rendent compte des
carences observées. Alors que l’enfant consomme laitages et fromages et que le lait de vache
peut être utilisé dans les préparations culinaires familiales, il est avantageusement remplacé
pour le lait du petit déjeuner et du goûter par un lait de croissance à raison de 750 ml avant
un an et 500 ml ensuite pour :
• Prendre en compte l’excès d’apport protidique, qui peut amener à atteindre 4 fois les
apports recommandés(14^-17).
• Maintenir des apports calciques suffisants ainsi qu’un apport en vitamine D.
• Varier et augmenter progressivement l’apport glucidique, comme cela a déjà été initié
au niveau des laits de suite (2ème âge)(14, 15, 18).
• Diminuer et équilibrer l’apport lipidique en assurant l’apport en acides gras essentiels
• Compenser les éventuelles insuffisances d’apports en fer(147).
• Participer à diminuer l’excès potentiel d’apport sodé.
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REFERENCES
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