Traitement de la leucémie myéloïde chronique 2007. Recommandations

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Traitement de la leucémie myéloïde chronique 2007
Recommandations du groupe suisse de travail de la LMC
A. Gratwohl a, Y. Chalandon b, D. Heim a, M. Bargetzi c, G. M. Baerlocher d, M. Duchosal e, M. Gregor f, U. Hess g,
E. Oppliger Leibundgut c, J. Passweg d, U. Schanz h, S. Dirnhofer i
Hématologie, Universitätsspital, Basel, b Hématologie, Hôpital Universitaire, Genève, c Hématologie-Oncologie, Kantonsspital, Aarau,
Département Hématologie, Universitätsspital, Bern, e Hématologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne,
f
Hématologie, Kantonsspital, Luzern, g Hématologie, Kantonsspital, St. Gallen, h Hématologie, Universitätsspital, Zürich, i Département Pathologie,
Universitätsspital, Basel
a
d
Quintessence
% Le rapport évoque des recommandations relatives au diagnostic, au traitement
initial et au suivi des patients, chez lesquels une leucémie myéloïde chronique
vient d’être diagnostiquée.
% Etablir un diagnostic initial complet, ainsi que procéder à une analyse de la
moelle osseuse et une évaluation du risque d’une transplantation allogénique
de cellules souches hématopoïétiques (allogreffe) fait partie d’un traitement adéquat.
% Les patients devraient, dans la mesure du possible, être traités dans le cadre
d’une étude multicentrique prospective.
% Hors du cadre d’une étude clinique, le traitement de première intention des
patients en phase chronique est une dose quotidienne de 400 mg d’imatinib.
% Les résultats du traitement doivent être contrôlés à des moments bien précis,
soit à 3, 6, 12 et 18 mois après l’établissement du diagnostic et l’instauration
du traitement, et si nécessaire, la stratégie du traitement doit être modifiée.
% En cas de réponse insuffisante à l’imatinib, on pourra recourir aux inhibiteurs
de l’activité tyrosine kinase de deuxième génération, le dasatinib ou le nilotinib,
ou à la transplantation allogénique de cellules souches hématopoïétiques. Le
choix du traitement dépend du profil de risque de chaque individu.
Situation initiale
A l’heure actuelle, la leucémie myéloïde chronique (LMC) peut être traitée en recourant à différentes options thérapeutiques de manière
concluante. Celles-ci vont du simple traitement
symptomatique à la cytoréduction par hydroxyurée, l’interféron alpha avec ou sans cytosine-arabinoside jusqu’à la thérapie hautement spécifique par les inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase
(inhibiteurs de TK) et englobent la transplantation allogénique de cellules souches hématopoïétiques (TCSH), qui était jusqu’à présent considérée comme la seule option curative [1–3]. Depuis
la mise sur le marché de l’imatinib, le premier
inhibiteur de tyrosine kinase ciblant spécifiquement la protéine de fusion BCR-ABL, le pronostic des patients atteints d’une LMC a changé de
manière drastique [4–6]. Un traitement simple ad-
Cet article est aussi disponible
en ligne en allemand et anglais
sous www.medicalforum.ch
Tous les auteurs travaillent ou ont travaillé en tant
que conseillers des entreprises Novartis et Bristol Myers
Squibb. Aucun d’eux ne possède d’actions dans les
entreprises Novartis ou Bristol Myers Squibb.
ministré par voie orale, présentant un haut pourcentage de rémissions, est disponible. La deuxième génération d’inhibiteurs de tyrosine kinase,
le dasatinib et le nilotinib, a confirmé le concept
de thérapie ciblée et de nouveaux agents thérapeutiques sont en cours de développement [7–12].
A l’heure actuelle, fin 2007, l’imatinib, le dasatinib et le nilotinib sont des médicaments admis
aux caisses en Suisse. A l’inverse, la LMC est une
maladie rare et peu de médecins font preuve
d’expérience dans le traitement de cette maladie.
C’est pourquoi des recommandations portant sur
la stratégie thérapeutique sont indiquées.
Fondement des recommandations
Le présent rapport s’appuie sur des recommandations récemment publiées par le réseau leucémique européen qui émanent d’un groupe d’experts provenant d’Europe et des Etats-Unis [13];
il s’appuie également sur des données récentes
de l’étude IRIS (imatinib) [5], sur des études
relatives au nilotinib [10] et sur les études de
phases I et II sur le dasatinib [11, 12]. Les recommandations sont complétées par de nouvelles
données ayant trait à la transplantation allogénique de cellules souches hématopoïétiques
(TCSH) du Groupe européen pour la transplantation de cellules souches hématopoïétiques et de
moelle osseuse (EBMT) [2, 14, 15].
Figure 1
Formule sanguine d’une LMC récemment diagnostiquée.
La leucocytose associée aux précurseurs myéloïdes immatures, à la basophile et à l’éosinophile est caractéristique
de la maladie.
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Réflexions fondamentales
La LMC est une maladie maligne rare et qui, non
traitée, est mortelle. Cependant, de nos jours, tout
patient peut avoir l’espoir de contrôler la maladie
à longue échéance ou même de guérir. Il faut néanmoins un suivi et une prise en charge bien précise.
Le traitement requiert tout d’abord une étroite collaboration entre le médecin traitant et le centre
d’hémato-oncologie. Tout traitement d’une LMC
devrait être conduit par un hémato-oncologue expérimenté dans le traitement de cette maladie.
Examens diagnostiques
Toutes les décisions thérapeutiques se fondent sur
les résultats obtenus lors du diagnostic initial. C’est
la raison pour laquelle tout diagnostic initial devrait être aussi complet que possible; celui-ci doit
suffire à établir clairement le diagnostic d’une
LMC, à déterminer le stade ainsi que le profil de
risque de la maladie (scores de Sokal/Hasford). Il
doit en outre être en mesure d’estimer le risque
d’une transplantation éventuelle de cellules
souches hématopoïétiques et enfin doit prendre en
considération les desiderata ainsi que la situation
financière des patients et de leur famille.
Etablir un diagnostic, c’est également procéder à
une anamnèse complète non seulement de l’individu, mais aussi de sa famille et passer à un examen clinique détaillé. Parmi les examens de laboratoire obligatoires, on compte une analyse exhaustive de la formule sanguine avec formule sanguine
complète et répartition, une analyse moléculaire
qualitative et quantitative du transcrit BCR-ABL du
sang périphérique, ainsi que l’examen de routine
des valeurs chimiques du sang (test hématologique). Une ponction au niveau de la moelle osseuse associée à des examens cytologique, histologique et cytogénétique est indispensable (fig. 1
et 2 x). En cas d’aspiration insuffisante de sang
médullaire, l’examen cytogénétique peut être également effectué à partir du sang périphérique
(fig. 3 x). Au cours de la procédure diagnostique,
il est important de conserver des cellules et du
sérum en vue d’une éventuelle utilisation ultérieure. Ce matériel peut, en cas de non-réponse au
traitement initial, devenir vital pour la stratégie
thérapeutique future. Lors du diagnostic, il faut
aussi déterminer si une TCSH allogénique entre en
ligne de compte. En ce cas, il est indiqué de procéder à une typisation du système HLA de la famille
(de tous les frères et sœurs et, si possible, du père
et de la mère). S’il ne devait pas y avoir de frère ou
sœur HLA-identique, il conviendrait de faire toute
la lumière sur la probabilité de trouver un donneur
non apparenté adéquat (effectuer une recherche
de donneur à travers le registre international des
donneurs). Pour compléter le bilan avant de débuter tout traitement à l’aide d’inhibiteurs de tyrosine kinase, il convient d’effectuer une évaluation
cardiologique (ECG, échocardiographie).
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S’il y a confirmation du diagnostic, un expert
dans le traitement de la LMC devrait passer en
revue les différentes options thérapeutiques avec
le patient et sa famille, ainsi que le déroulement
du traitement. Au cours de la discussion, il faudra
évoquer non seulement les algorithmes du trai-
Figure 2
Histologie d’une LMC nouvellement diagnostiquée.
La moelle osseuse hypercellulaire (packed marrow)
associée à une augmentation de la myélopoïèse et la mégacaryopoïèse (MK) est à nouveau caractéristique de la
maladie.
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2
3
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5
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18
X
Y
22
Figure 3
Examen cytogénétique de LMC.
Le petit chromosome de Philadelphia résultant de la translocation réciproque des chromosomes 9 et 22 est la caractéristique typique de la maladie.
1
13
2
3
4
5
6
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10
Figure 4
Transcrit BCR-ABL.
On voit la bande typique sur le transcrit p210.
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tement, mais aussi souligner la nécessité d’une
surveillance à vie. Au cours de l’établissement
du diagnostic, il est impératif de soulever le problème concernant la fertilité et d’en discuter avec
le patient et son/sa partenaire, d’évoquer la possibilité de conserver aussi bien du sperme que
des ovules, ainsi que le besoin d’une contraception efficace durant le traitement par inhibiteurs
de tyrosine kinase.
Traitement d’urgence au cours
des examens diagnostiques
Bien que rares, mais assez fréquentes pour être
mentionnées, les complications potentiellement
mortelles d’une hyperleucocytose peuvent être
les premiers signes d’une LMC. Parmi celles-ci, on
relève des symptômes non spécifiques du système nerveux central, des troubles visuels ou des
difficultés respiratoires (dyspnée). Une leucaphérèse peut éventuellement corriger les symptômes
en quelques heures. L’hydroxyurée, administrée
par voie orale à raison de 40 mg/kg par jour, est
le traitement de première ligne tant que le diagnostic n’est pas établi avec certitude. Ce traitement doit être combiné avec une hydratation suffisante (idéalement, au moins 3 litres de liquide par
jour) associée à un traitement diminuant les taux
d’acide urique et donc le risque d’hyperuricémie.
Aussitôt la présence de BCR-ABL établie et donc le
diagnostic de LMC confirmé, il faut remplacer l’hydroxyurée par de l’imatinib. L’imatinib a le même
effet cytoréducteur et il n’y a pas lieu de prétraiter
par hydroxyurée pour réduire le compte leucocytaire. De manière exceptionnelle, la première manifestation de la maladie peut être une rupture de
la rate. Dans ce cas, le traitement de choix est une
splénectomie d’urgence. Il faut surveiller la survenue potentielle d’une thrombocytose massive ou
d’une hyperleucocytose postopératoire.
Une vaccination conjuguée contre le pneumocoque et l’hemophilus influenzae ne doit en aucun
cas être négligée.
Rarement le priapisme peut être la manifestation
initiale de la LMC secondaire à l’hyperleucocytose.
Patient
IT
K
oi
s
m
10
s
oi
m
6
3
m
oi
s
IT
IT
K
K
TK
an
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m
oi
s
1000
100
10
1
0.1
0.01
0.001
0.0001
0.00001
N
di ou
ag ve
no au
st
ic
Ratio Transcrit/PBGD
Evolution ratio
Temps
Figure 5
Evolution d’un examen quantitatif BCR-ABL par PCR.
Le graphique montre les modifications des réponses au traitement en cours de traitement.
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Le traitement devrait être conduit en association
avec un urologue.
Dans ce cas, la cytoréduction, l’hydratation et les
mesures urologiques conservatrices font partie
du traitement de première intention. Eventuellement, une radiothérapie locale peut être considérée. Il est préférable de renoncer à toute intervention chirurgicale.
Début du traitement
Dès que le diagnostic d’une LMC est établi, l’indication de traiter est posée. Idéalement et dans la
mesure du possible, le traitement devrait se faire
dans le cadre d’une étude multicentrique coopérative. En Suisse, c’est le groupe de travail pour
la recherche clinique oncologique, la SAKK, qui est
le partenaire du groupe d’étude allemand pour
la LMC. Ce dernier se consacre depuis 1982 aux
études portant sur l’optimisation des traitements
de la LMC. L’étude actuellement en cours compare
la dose standard d’imatinib (400 mg par jour) à
une dose élevée d’imatinib (800 mg par jour) et
à la dose standard en combinaison avec l’interféron alpha. Par ailleurs, les patients devraient être
inscrits au Registre européen de la LMC («CML
Registry») – même si la participation à une étude
n’est pas possible ou est refusée par le patient.
A l’heure actuelle, pour les patients ne faisant pas
partie d’une étude clinique, le traitement de première ligne conseillé en phase chronique est une
dose journalière de 400 mg d’imatinib administrée per os. Lors de stades avancés, il est conseillé
de commencer par une dose de 600 mg par jour.
Il y a cependant deux exceptions à cette recommandation générale: une grossesse ou une espérance de survie très limitée pour des raisons autres que celles en relation avec la LMC. Une LMC
récemment diagnostiquée peut avoir été révélée
par hasard suite au résultat d’examen de routine
fait au cours de la grossesse. Ces femmes enceintes devraient être transférées dans un centre, dans
lequel les médecins ont l’habitude non seulement
de traiter la LMC, mais aussi de s’occuper de grossesses à hauts risques. Chez des femmes enceintes asymptomatiques, on peut opter dans un premier temps pour une stratégie de «watch and
wait». Si un traitement devient nécessaire, le premier choix sera dès lors l’interféron alpha, l’imatinib étant contre-indiqué durant la grossesse. De
même, l’imatinib n’est pas indiqué chez les patients ayant une espérance de vie fortement limitée en raison de comorbidité non reliée à la LMC.
L’hydroxyurée est dès lors suffisante pour contrôler les symptômes spécifiques liés à la maladie.
Suivi régulier
Un suivi régulier réalisé à des moments prédéterminés est indispensable pour une appréciation
exacte des résultats du traitement par imatinib
et pour une prise en charge optimale. Celui-ci inclut un bilan clinique et biologique à réaliser 3,
6, 12, 18 et 24 mois après le début du traitement
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et en fonction des critères du tableau 1 p. Les
examens effectués au laboratoire comprennent
une formule sanguine complète avec répartition,
ainsi qu’un prélèvement de la moelle osseuse
(myélogramme), une détermination moléculaire
quantitative du transcrit BCR-ABL provenant du
sang périphérique et une évaluation des fonctions
rénales, hépatiques et des électrolytes. Un bilan
formel avec analyse du sang périphérique, de la
moelle osseuse, associé à un examen cytogénétique et une détermination quantitative du BCR-ABL
est obligatoire à 12, 18 et 24 mois après le début
du traitement et à tout moment en cas d’évolution de la maladie (fig. 4 et 5 x). C’est le seul
moyen d’évaluer correctement la réponse à l’imatinib et d’identifier à temps toute modification
supplémentaire au niveau des chromosomes.
Le bilan effectué à trois mois peut être limité à un
hémogramme, celui après six mois à un hémogramme et à un myélogramme. Une détermination quantitative régulière du transcrit BCR-ABL
tous les trois à six mois peut aider à mettre en
évidence précocement les non-répondeurs, mais
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on ne sait pas actuellement si cette détection précoce aura un impact sur le devenir du patient. Dès
l’obtention d’une rémission cytogénétique complète ou d’une réponse moléculaire majeure, le
follow-up peut se limiter à un hémogramme tous
les trois à six mois. L’analyse moléculaire quantitative de BCR-ABL du sang périphérique est elle
recommandée à intervalle de trois mois, même
en cas de rémission moléculaire complète. La fréquence et le besoin des examens médullaires n’ont
pas été encore déterminés, mais avant chaque
changement de traitement, un myélogramme associé à une analyse cytogénétique devrait être
effectué [13–16].
Définition de la réponse à l’imatinib
Ces examens standards constituent la base sur laquelle s’appuie l’estimation de la réponse à l’imatinib. Grâce aux études IRIS, les experts ELN ont
réussi à définir clairement les critères de réponse. Ceux-ci sont répartis suivant les catégories
suivantes: suffisant (sufficient), insuffisant (suboptimal) et échec de l’imatinib (failed) (voir l’éva-
Tableau 1. Evaluation de la réponse de la LMC au traitement par imatinib.
L’évaluation devrait être effectuée au diagnostic, à 3, 6, 12 et 18 mois après le commencement du traitement par
imatinib. Les réponses au traitement sont les suivantes: suffisantes (sufficient), insuffisantes (suboptimal), échec
du traitement (failed), perte de réponse (loss of response) ou signaux d’avertissement (warnings) [13].
Au diagnostic
Après 12 mois
Signaux d’avertissement
Réponse insuffisante
maladie à haut risque (Hasford Score)
(http:/www.kompetenznetz-leukaemie.de/content/
e50/e5825)e5847/ ou http://www.pharmacoepi.de)
Pas de rémission cytogénétique complète
Délétion du chromosome der (9q+)
Modifications chromosomiques supplémentaires
dans les cellules Ph+
Après 3 mois
Réponse insuffisante
Pas de rémission hématologique complète
Echec du traitement
Pas de rémission cytogénétique partielle (Ph+ >35%)
Signaux d’avertissement
Pas de réponse moléculaire majeure (taux de BCR-ABL
>0,1% conformément à l’échelle internationale)
Après 18 mois
Réponse insuffisante
Echec du traitement
Pas de réponse moléculaire majeure (taux de BCR-ABL
>0,1% conformément à l’échelle internationale)
Pas de réponse hématologique
Echec du traitement
Signaux d’avertissement
Pas de rémission cytogénétique complète
Pas de cytogénétique sur moelle osseuse à ce moment
Signaux d’avertissement
Après 6 mois
Pas applicable
Réponse insuffisante
Lors de chaque examen
Pas de rémission cytogénétique partielle (Ph+ >35%)
Réponse insuffisante
Echec du traitement
Pas de rémission hématologique complète
Aberrations chromosomiques supplémentaires
dans les cellules Ph+
Pas de réponse cytogénétique (Ph+ >95%)
Perte de réponse moléculaire
Signaux d’avertissement
Mutations BCR-ABL avec maintien d’une certaine
sensibilité vis-à-vis de l’imatinib
Modifications chromosomiques supplémentaires
dans les cellules Ph+
Echec du traitement
Perte de la rémission hématologique complète
Perte de la rémission cytogénétique complète
Mutations avec résistance à l’imatinib
Signaux d’avertissement
Attention: à tout moment, en cas de constatation
d’échec du traitement d’imatinib, il faut effectuer une
recherche de mutations.
Augmentation du transcrit BCR-ABL
Aberrations chromosomiques supplémentaires
dans les cellules Ph+
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luation des réponses, tab. 1). Les effets indésirables peuvent rendre toute poursuite du traitement
par imatinib difficile; dans ce cas on parle d’intolérance à l’imatinib (intolerant). Après un début
de réponse au traitement, la maladie peut à nouveau progresser; on se trouve alors en face d’une
perte de réponse (loss of response). A tout moment, on peut trouver des signaux d’avertissement (warnings) qui annoncent des modifications imminentes possibles dans l’évolution de la
maladie. Ces diverses catégories de réponse ont
des implications directes sur la suite de la prise
en charge thérapeutique [13].
Réévaluation du traitement
Avant tout, il faut exclure le passage de la maladie
à une phase accélérée ou à une crise blastique
(phase aiguë).
La réévaluation du traitement est indiquée en cas
de réponse insuffisante à l’imatinib (lors d’une réponse sub-optimale, d’échec du traitement ou de
perte de réponse). Une nouvelle évaluation devrait
également avoir lieu si le patient le désire pour
des raisons personnelles ou lorsque des signaux
d’avertissement apparaissent. Le choix d’un traitement de deuxième ligne est dicté par les raisons
mêmes qui ont conduit à effectuer cette réévaluation associée à d’autres facteurs. La réévaluation
du diagnostic implique à nouveau un bilan exhaustif avec examen du sang périphérique, de la
moelle osseuse associée à une analyse cytogénétique (importance de savoir s’il y a des modifications clonales nouvelles ou complémentaires),
examen moléculaire quantitatif du transcrit BCRABL et recherche d’une mutation au niveau du
gène BCR-ABL et en particulier de la mutation
T315I. Cette dernière est constamment résistante
aux inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase disponibles à l’heure actuelle. Au cas où il y aurait une
augmentation du transcrit BCR-ABL, la fréquence du suivi moléculaire devrait être augmentée
et une recherche de mutation au niveau de BCRABL devrait être effectuée. Cependant, on ne sait
pas actuellement exactement quel est le degré
d’augmentation du transcrit BCR-ABL qui devrait
servir de «trigger» en vue d’une modification thérapeutique. De même, une évaluation pharmacologique avec détermination de la concentration
sanguine d’imatinib devrait être effectuée, afin
d’écarter toute origine pharmacologique, telle que
des interactions médicamenteuses ou alimentaires ou encore un problème de compliance.
Intolérance à l’imatinib
Une intolérance peut survenir en raison d’effets
indésirables hématologiques ou non-hématologiques. La différence doit être établie. En cas d’effets indésirables hématologiques accompagnés
toutefois d’une réponse suffisante de la maladie,
le traitement par imatinib devrait être poursuivi
sous surveillance clinique stricte associée à un
traitement de soutien. Ce dernier comprend des
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transfusions d’érythrocytes ou le recours à l’érythropoïétine (en cas de concentrations sériques
endogènes faibles d’érythropoïétines) en cas
d’anémie, du«granulocyte-colony stimulating factor» (G-CSF) ou facteur de croissance des neutrophiles, et/ou des antibiotiques en cas de neutropénie ou de neutropénie fébrile et des transfusions
de plaquettes en cas de thrombopénie. Dans ces
cas-là, il faudrait avoir recours à un hématooncologue expérimenté dans le traitement de la
LMC. Une nouvelle évaluation (voir ci-dessous)
est nécessaire à partir du moment où les symptômes persistent plus de quatre semaines.
Une toxicité hématologique persistante peut représenter l’expression d’une progression de la
maladie. Il faut considérer le patient comme étant
en échec de traitement au cas où il y a une toxicité hématologique associée à une non-réponse
hématologique ou cytogénétique de la maladie.
En présence de toxicité non-hématologique, le
traitement dépend du type et de l’ampleur des
effets indésirables. Les effets indésirables de grade
1 ou 2 suivant la nomenclature de l’OMS devraient
tout d’abord être traités de manière symptomatique et le traitement par imatinib être poursuivi.
Une modification de traitement est indiquée uniquement si les symptômes persistent ou augmentent malgré un traitement symptomatique bien
conduit.
En présence de toxicité de grade 3 ou 4 OMS, l’imatinib doit être interrompu et un traitement symptomatique débuté. L’interruption devrait durer jusqu’à résolution complète des symptômes. C’est
seulement alors qu’une reprise du traitement par
400 mg d’imatinib pourra être tentée. En cas de
récidive des symptômes, la stratégie thérapeutique devra être modifiée. Le choix du traitement
de deuxième ligne dépend de la réponse au traitement obtenu jusqu’alors. En cas de réponse satisfaisante à l’imatinib, ce sont les inhibiteurs
de tyrosine kinase de deuxième génération qui
devraient être utilisés en premier lieu. Bien que
le profil des effets indésirables de tous les inhibiteurs de tyrosine kinase utilisés jusque-là soit
comparable, les réactions croisées sont rares.
En cas d’effets indésirables graves ou d’une réponse évaluée comme insuffisante, un traitement
de deuxième ligne n’impliquant pas des inhibiteurs de tyrosine kinase doit être envisagé (voir
tab. 2 p).
Réponse insuffisante à l’imatinib
Une réponse insuffisante est toujours un motif de
reconsidération du traitement en cours. Les alternatives possibles sont la continuation du traitement à l’imatinib, l’augmentation de la dose
d’imatinib ou le passage à une deuxième ligne de
traitement (voir ci-dessous).
Echec de l’imatinib
L’échec de la réponse à l’imatinib doit toujours
entraîner un changement de stratégie thérapeu-
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Tableau 2. Traitement symptomatique des effets
indésirables les plus fréquents de l’imatinib.
Nausées et vomissements
Antiémétiques
Modification du mode d’administration des médicaments
(par ex. le soir au lieu du matin)
Fractionnement de la dose en deux ou trois prises
journalières
Crampes musculaires
Magnésium
Quinine
Diarrhées
Antidiarrhéiques
Modification du mode alimentaire
Rétention hydro-sodée
Diurétiques à faible dose
Mesures physiques
Eruptions cutanées
Traitement local
tique. Une augmentation de la dose d’imatinib ou
le passage à un traitement de deuxième ligne représentent des solutions de remplacement possibles (voir ci-dessous).
Apparition de signaux d’alarme
L’apparition de signaux d’alarmes oblige à reconsidérer la situation et à intensifier le suivi, mais le
traitement par imatinib peut être poursuivi jusqu’à ce que l’évolution de la maladie soit claire.
Perte de réponse à l’imatinib
La perte de la réponse à l’imatinib conduit immanquablement à une modification de la stratégie thérapeutique. Une augmentation de la dose
d’imatinib ou le passage à une deuxième ligne de
traitement représentent des solutions de remplacement possibles (voir ci-dessous).
Raisons personnelles
La modification du traitement peut être dictée
par des raisons personnelles au patient. Le choix
d’une stratégie de deuxième ligne est dans ce cas
conditionné par les mobiles du patient. Si ceci est
dû à un manque d’observance thérapeutique et
à une difficulté à accepter un traitement qui doit
être poursuivi à vie, il faudrait motiver le patient
à poursuivre sont traitement d’imatinib. L’imatinib reste le traitement de choix.
De jeunes patients peuvent évoquer le désir
d’avoir des enfants et souhaiter suspendre le
traitement pour ces raisons. Les patients et leurs
partenaires devraient être informés du risque de
progression de la maladie après l’arrêt du traitement. Le traitement de choix est dès lors d’adopter une stratégie de «watch and wait» avec surveillance de l’évolution du transcrit BCR-ABL.
L’interféron alpha est une autre option.
Les inhibiteurs de tyrosine kinase ne devraient
jamais être administrés en cas de grossesse, car
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cela pourrait avoir des incidences au niveau de
l’embryon et du fœtus. En cas de grossesse accidentelle chez des patientes sous traitement par
inhibiteurs de tyrosine kinase, une solution individuelle devra être trouvée.
Par ailleurs, certains patients préfèrent une transplantation précoce avec son potentiel curatif à un
traitement médicamenteux qui doit être poursuivi à vie. Ce phénomène est souvent rencontré
chez des émigrants, qui désirent retourner dans
leur pays d’origine et pour lesquels on ne peut
pas garantir la disponibilité d’inhibiteurs de tyrosine kinase dans ce pays.
Stratégies thérapeutiques possibles
à la suite d’une réévaluation
La stratégie de deuxième ligne comprend six options possibles: l’interruption temporaire du traitement par imatinib, la poursuite du traitement
avec la même dose, l’augmentation de la dose, le
passage aux inhibiteurs de tyrosine kinase de deuxième génération (le dasatinib ou le nilotinib), un
traitement expérimental ou à une TCSH allogénique. Chacune de ces possibilités devrait être prise
en considération lors d’une réévaluation du traitement.
Interruption temporaire du traitement
d’imatinib
Une interruption temporaire de l’imatinib peut
représenter la première mesure à prendre lors
de situations peu claires. Il est préférable d’interrompre le traitement par imatinib plutôt que
d’en réduire la dose, car des doses inférieures à
400 mg risquent de favoriser l’apparition de
clones mutants. Il faudrait procéder à une nouvelle évaluation à trois mois. En cas d’apparition
de mutations avec résistance connue à l’imatinib,
comme par exemple la mutation T315I, la prise
d’imatinib doit être interrompue.
Poursuite du traitement avec la même dose
d’imatinib
En présence d’une réponse suboptimale, on peut
poursuivre le traitement avec la même dose d’imatinib, à condition qu’il y ait des indications claires
de réponse ultérieure. Il faut de toute façon effectuer une nouvelle évaluation trois mois plus tard.
Augmentation de la dose
Une augmentation de la dose journalière d’imatinib à 600 ou 800 mg devrait être la première
mesure à prendre chez les patients dont la réponse au traitement par imatinib est insuffisante
ou en cas de perte de réponse, mais qui par
contre supportent très bien le médicament. Elle
peut être envisagée chez les patients qui, malgré
la présence de mutations, présentent une sensibilité diminuée à l’imatinib.
Toute augmentation de la dose est par contre à
proscrire chez les patients supportant mal la préparation, chez ceux qui présentent des modifica-
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12.11.2007
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recommandations
tions clonales supplémentaires ou en cas de mutations avec résistance connue à l’imatinib.
Deuxième génération d’inhibiteurs
de tyrosine kinase
Le passage à l’un des inhibiteurs de tyrosine
kinase de deuxième génération, le dasatinib ou
le nilotinib, est le traitement préconisé chez les
patients en échec de traitement ou chez ceux
qui ne répondent plus au traitement, à condition
qu’une TCSH allogénique ne puisse entrer en ligne
de compte. Ces deux médicaments diffèrent au
niveau de leur structure chimique, leur profil de
liaison à BCR-ABL y inclus sa conformation, dans
leur différent mode d’inhibition de l’activité tyrosine kinase en général, ainsi que dans leur profil d’efficacité et d’effets indésirables. A l’heure
actuelle, il n’y a aucune étude comparative entre
ces deux substances. Le dasatinib présente un
risque plus élevé d’épanchement pleural et péricardique, et de fait ne devrait être considéré que
comme traitement de deuxième ligne pour les
patients chez lesquels on détecte au cours de
l’anamnèse un épanchement pleural ou un épanchement péricardique.
Le nilotinib a été associé à de rares cas de mort
subite d’origine cardiaque, touchant seulement
des patients souffrant d’une maladie cardiaque
préexistante. Un lien de cause à effet n’a pas été
établi pour le moment. Plusieurs cas de pancréatites ont été décrits durant le traitement par
nilotinib et par conséquent il n’est pas conseillé
d’administrer le nilotinib à des patients avec antécédents de pancréatites.
L’absorption du nilotinib est largement influencée par l’alimentation, qui augmente sa biodisponibilité. Il est conseillé de prendre le nilotinib
deux heures après les repas et ensuite de rester
au moins une heure à jeun. Le jus de pamplemousse, le millepertuis et tout autre aliment qui
pourrait interférer avec le CYP3A4 durant le traitement par nilotinib doivent être évités.
Nouveaux traitements expérimentaux
Le dasatinib et le nilotinib n’ont aucun effet chez
les patients porteurs de la mutation T315I de
BCR-ABL. Chez ces patients, le traitement par
imatinib doit être interrompu et il ne faut pas initier un traitement de dasatinib ou de nilotinib.
De nouvelles molécules expérimentales, tels que
les inhibiteurs de l’aurorakinase, peuvent être
prises en considération si la TCSH allogénique
n’entre pas en ligne de compte.
Correspondance:
Pr Alois Gratwohl
Hématologie
Universitätsspital
Petersgraben 4
CH-4031 Basel
[email protected]
TCSH allogénique
La TCSH allogénique et sa place dans l’algorithme du traitement doivent être discutés avec tous
les patients chez lesquels une LMC vient d’être
diagnostiquée, et ce dès le début de la maladie
[2, 17, 18]. Son indication dépend de plusieurs
Forum Med Suisse 2007;7:934–940
facteurs, à savoir le risque de la maladie (score
d’Hasford et/ou de Sokal), le risque lié à la transplantation («EBMT risk score»), la réponse à
l’imatinib, à des moments bien définis, l’âge du
patient et les desiderata de ce dernier. La TCSH
allogénique devrait être mentionnée en tant
qu’option dès le début de la maladie chez les
patients à haut risque de maladie et à faible risque
de transplantation («EBMT risk score de 0 ou 1»).
Elle représente le traitement de première ligne
chez les patients ayant une réponse insuffisante
sans raisons pharmacologiques et qui présentent
un faible risque de transplantation («EBMT risk
score 0 ou 1»). Les inhibiteurs de tyrosine kinase
de deuxième génération devraient être administrés en attendant la transplantation. A l’heure
actuelle, il n’y a aucune indication montrant qu’un
traitement par imatinib précédant la transplantation augmente la mortalité ou la morbidité d’une
TCSH réalisée ultérieurement.
La TCSH allogénique est également le traitement
de première intention chez les patients réfractaires au(x) traitement(s) ou ayant une progression
de la maladie, alors qu’ils étaient répondants auparavant (rechute) et qui présentent un risque
standard pour la transplantation («EBMT risk
score de 0 à 2»). Les inhibiteurs de tyrosine kinase
de deuxième génération devraient à nouveau
être administrés en attendant la transplantation.
La TCSH allogénique représente également le
traitement de première intention pour les patients porteurs de la mutation T315I et ayant un
donneur de moelle compatible.
Pour les patients en phase accélérée ou en phase
blastique, la TCSH allogénique est le traitement
de première intention. La dose d’imatinib devrait
être augmentée à 600 mg ou des inhibiteurs de
tyrosine kinase de deuxième génération administrés en vue d’obtenir une réponse et de préparer la transplantation.
Chaque fois que cela est possible, la TCSH doit
avoir lieu au cours de la phase chronique. Si la
TCSH est effectuée lors de phase accélérée ou de
phase blastique, le taux de mortalité lié à la transplantation (TRM) est plus important et il y a un
risque de récidive plus élevé, malgré la transplantation.
Remerciements
Les auteurs remercient le Professeur F. Giles de
Houston, Etats-Unis, et le Professeur A. Hochhaus de Mannheim, Allemagne, pour leur évaluation du manuscrit, ainsi que pour les discussions fructueuses.
Ils remercient l’excellent travail de secrétariat de
Mme Susanna Stöckli.
Ce travail a été rendu possible grâce au soutien
de Novartis.
Références
Vous trouverez les références complètes dans l’édition en ligne
de cet article, sous www.medicalforum.ch.