Traitement de première ligne de la leucémie myéloïde chronique
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Traitement de première ligne de la leucémie myéloïde chronique
d o s s i e r t h é m a t i q u e Coordinateur : N. Milpied Traitement de première ligne de la leucémie myéloïde chronique First line therapy for chronic myeloid leukemia F. Guilhot* RÉSUMÉ ♦ Le traitement de la leucémie myéloïde chronique est de mieux en mieux codifié. On dispose de nombreuses données publiées, qu’il s’agisse de résultats d’essais thérapeutiques, d’analyse de vastes cohortes ou d’études ancillaires. Les recommandations récente de l’European Leukemia Net permettent maintenant de mieux positionner la greffe de cellules souches et d’envisager la place des inhibiteurs de deuxième génération. La surveillance moléculaire et l’interprétation des résultats permettent d’ajuster avec précision les doses d’inhibiteurs. L’utilisation des dosages plasmatiques reste à l’étude. Summary. The treatment of chronic myeloid leukemia is now well defined. Outcomes of numerous clinical trials, as well as retrospective analysis of large cohorts and ancillary studies are now available. The recent recommendations of the European Leukemia Net advise physicians on how to perform stem cell transplant and how to treat their patients with second line tyrosine kinase inhibitors. The molecular follow-up of the patients and the use of molecular analysis are helpful in order to adjust the doses of tyrosine kinase inhibitors. The use of tough plasma levels of tyrosine kinase inhibitors is still under study. ♦ L’inclusion des patients dans les essais et la constitution des bases de données sont fortement encouragées. The inclusion of patients in large clinical trials as well as the recording of their data are still required. Mots-clés : Leucémie myéloïde chronique – Inhibiteurs de tyrosine kinase – Recommandations. Keywords: Chronic myeloid leukemia – Tyrosine kinase inhibitors – Guidelines. P * Service d’hématologie, Inserm CIC 0802, CHU de Poitiers. 128 endant longtemps, le traitement de la leucémie myéloïde chronique (LMC) a reposé sur l’utilisation de chimiothérapies conventionnelles qui, certes, permettaient d’obtenir des rémissions hématologiques mais n’apportaient aucune réponse cytogénétique. Le décès était inéluctable au bout de 3 à 5 ans. Seule la greffe de moelle osseuse allogénique permettait d’obtenir des rémissions prolongées, surtout lorsqu’elle était pratiquée en phase chronique de la maladie (1). L’interféron a été la première molécule permettant d’obtenir des réponses cytogénétiques, c’est-à-dire une réduction du nombre de cellules Ph+ médullaires. Ultérieurement, l’association interféron α (IFNα)-cytarabine a été sélectionnée comme le traitement standard. À partir de l’essai multicentrique français LMC 91, nous avons également pu démontrer qu’il y avait une association entre l’obtention de la réponse cytogénétique complète et la survie, conférant à la réponse cytogénétique le statut de marqueur de substitution (2). L’arrivée de l’imatinib a complètement bouleversé les modalités de prise en charge de cette hémopathie. Les essais de phase II testant l’imatinib à la dose de 400 mg chez les patients en phase chronique et à une dose de 600 mg ou Correspondances en Onco-hématologie - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2009 Traitement de première ligne de la leucémie myéloïde chronique plus chez les patients en phase accélérée ou transformée ont montré le potentiel de cette nouvelle molécule, qui a ensuite rapidement été évaluée dans un vaste essai multicentrique de phase III prospectif de traitement de la phase chronique. Cet essai, IRIS, a permis de proposer l’imatinib à la dose de 400 mg en tant que traitement de première intention de la phase chronique de la LMC (3-5). Bien que les résultats observés sur le long terme soient excellents, un certain pourcentage de patients résistent ou rechutent, ce qui justifie le recours à des traitements de deuxième ligne avec les inhibiteurs de tyrosine kinase de deuxième génération tels que le dasatinib, le nilotinib ou, plus récemment, le bosutinib (6). La prise en charge des patients atteints de LMC, avec l’arrivée des inhibiteurs de tyrosine kinase, a justifié l’harmonisation, maintenant internationale, de la prise en charge et du suivi cytogénétique et moléculaire de l’hémopathie. De nombreuses réunions internationales ont contribué à cette harmonisation, qui a établi des règles reconnues sur le plan international et proposées par l’European Leukemia Net (7, 8). Actuellement, le traitement de première intention de la phase chronique de la LMC est bien codifié, tandis que les phases plus avancées de la maladie, et plus particulièrement les phases transformées myéloïdes ou lymphoïdes, font encore l’objet de travaux expérimentaux. On pourrait croire que l’utilisation de l’imatinib, molécule simple à prendre (une gélule le matin au petit déjeuner), aurait résolu tous les problèmes ou simplifié la prise en charge. Il n’en est rien. Tous les groupes académiques 100 90 80 Survie (%) 70 60 50 40 Imatinib IFNα + Ara-C 30 20 10 0 0 12 24 36 48 60 72 Mois après randomisation Figure. Survie des patients traités par imatinib dans le protocole IRIS. Correspondances en Onco-hématologie - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2009 84 des pays modernes insistent sur la nécessité de continuer à inclure les patients dans des essais thérapeutiques. La collaboration est nécessaire entre les spécialistes des maladies du sang et leurs confrères, au sein de réseaux bien constitués et en lien avec les laboratoires de biologie spécialisés pour que le suivi des patients soit de qualité. En France, l’appartenance au groupe français France intergroupe des leucémies myéloïdes chroniques (FI-LMC) est clairement encouragée. TRAITEMENT DE PREMIÈRE LIGNE DE LA PHASE CHRONIQUE DE LMC ✔ Validation du traitement par imatinib à la dose de 400 mg L’essai international IRIS a clairement établi la supériorité de l’imatinib administré à la dose de 400 mg/j tous les jours sur l’association IFNαcytarabine : les taux de réponse hématologique, cytogénétique et moléculaire sont significativement supérieurs. Sur un total de 1 106 patients inclus entre juin 2000 et janvier 2001, 553 ont reçu l’association IFNα-cytarabine, mais 65 % d’entre eux ont changé de bras de traitement pour recevoir l’imatinib en raison d’intolérance ou d’inefficacité (3, 4). Dans le bras imatinib, sur les 553 patients inclus, 364 (66 %) continuent de recevoir l’imatinib après 6 ans de protocole. Les raisons de l’arrêt du traitement ont été un effet thérapeutique insuffisant (12 %), le retrait du consentement (6 %), des effets indésirables (4 %) ; 3 % des patients ont reçu une greffe de cellules souches, 3 % avaient des violations protocolaires, 2 % sont décédés et 1 % ont été perdus de vue. Pour les patients restant dans l’étude, la dose journalière moyenne d’imatinib est de 402 ± 56 mg. Une réponse cytogénétique complète a été observée pendant l’essai chez 456 patients (82 %), laquelle a été durable chez 325 patients. Après 6 ans de traitement, 349 patients (63 %) sont toujours en rémission cytogénétique complète avec l’imatinib 400 mg (5). La probabilité d’être en vie sans progression vers les phases accélérée ou blastique à 6 ans est de 93 %. Chez les patients toujours sous traitement et en réponse, les taux de progression vers les phases avancées de la maladie sont respectivement de 1,5 %, 2,8 %, 1,6 %, 0,9 %, 0,5 % et 0 % de la 1re à la 6e année du protocole. Ainsi, à 6 ans, les survies sans événement, sans progression et globale ont été respectivement de 83 %, 93 % et 88 % (figure). Ce protocole a 129 d o s s i e r t h é m a t i q u e Coordinateur : N. Milpied aussi montré que la survie sans événement à 6 ans dépendait du score de Sokal, avec des taux de survie sans événement de 67,3 %, 81,3 % et 90,8 % pour les scores à haut risque, risque intermédiaire et faible risque, respectivement. Le protocole n’a pas démontré la supériorité de l’imatinib sur l’association IFNα-cytarabine lorsque l’analyse est effectuée en intention de traiter, dès lors qu’un nombre important de patients ont changé de bras pendant l’essai. C’est la raison pour laquelle une analyse très précise a comparé la survie des patients traités par imatinib dans ce protocole à la survie des patients traités par IFNα-cytarabine dans le protocole LMC 91 (9). Les résultats montrent clairement une supériorité de l’imatinib sur la survie avec, à 3 ans, un avantage significatif pour l’imatinib, avec des taux de survie sans progression de 90 % pour l’imatinib et 82 % pour l’IFNα-cytarabine et des taux de survie de 92 % et 84 %, respectivement. Cette étude a également montré la relation entre la réponse cytogénétique et la survie par la méthode “landmark”. Qu’il s’agisse de l’imatinib ou de l’association IFNα-cytarabine, les patients qui ont obtenu une rémission cytogénétique complète ont eu des probabilités de survie significativement améliorées. À 3 ans, les taux de survie ont été de 96 % pour l’imatinib et de 92 % pour IFNαcytarabine (différence non significative). Ainsi, tous ces résultats montrent que l’imatinib administré à la dose de 400 mg/j tous les jours doit être raisonnablement proposé au patient en tant que traitement de première ligne de la phase chronique de LMC. Ces données ont été confirmées sur une série indépendante de patients (10). ✔ Des doses plus élevées d’imatinib, les associations et les dosages plasmatiques sont à l’étude La question de la dose d’imatinib a été posée dans différents essais thérapeutiques. Qu’il s’agisse de l’essai français SPIRIT comparant 400 mg et 600 mg ou de l’essai TOPS (essai de Novartis) comparant 400 mg et 800 mg, il n’y a pas eu après 12 et 24 mois de traitement de différence significative en termes de réponse cytogénétique complète ou de réponse moléculaire (11-14). Dans l’essai français, à 12 mois, on a observé des réponses cytogénétiques complètes de 57 % et 65 % dans les bras 400 mg et 600 mg, respectivement et des réponses moléculaires majeures de 40 % et 52 %, respectivement. Dans l’essai TOPS, il y avait une réponse moléculaire majeure plus importante à 3 mois avec la dose 130 de 800 mg (12 % versus 3 %). Mais cette différence s’estompe à 12 mois (40 % versus 46 %). L’étude européenne de l’European Leukemia Net (ELN), portant sur 216 patients atteints de LMC, à score de Sokal élevé, n’a montré qu’une différence modeste et non significative en termes de réponse cytogénétique complète à 12 mois (64 % pour 800 mg versus 58 % pour 400 mg) et de réponse moléculaire majeure à 12 mois (respectivement 40 % versus 33 %) [15]. En première ligne, l’intérêt d’utiliser des associations 400 mg et chimiothérapie, telle que la cytarabine, ne paraît pas évident. En revanche, l’association 400 mg et forme pégylée d’IFNα-2a semble prometteuse, avec, là encore pour l’essai SPIRIT, une différence hautement significative à 12 mois en termes de réponse moléculaire majeure optimale, voire de réponse complète. L’intérêt des dosages plasmatiques d’imatinib a été suggéré avec de bonnes corrélations entre les concentrations plasmatiques et la réponse (16, 17). L’arrêt du traitement par imatinib après 2 ans de rémission moléculaire complète est possible avec, pour certains patients, l’absence de rechute (18, 19). Un travail prospectif est en cours au sein du groupe FI-LMC pour mieux préciser les caractéristiques cliniques et biologiques des patients pour lesquels le traitement peut être arrêté sans risques. ✔ La surveillance d’un traitement par imatinib est bien codifiée Les tableaux I, II et III (p. 132) décrivent les outils nécessaires à la surveillance d’un patient traité par imatinib, les définitions des réponses hématologiques, cytogénétiques et moléculaires et l’évaluation de la réponse proposée par l’ELN en 2009. Cette nouvelle version introduit une réponse optimale avec un début de réponse cytogénétique à 3 mois, et souligne l’importance de la réponse cytogénétique complète à 12 mois et celle de la réponse moléculaire majeure à 18 mois. Ces critères sont donc plus stricts ; mais pour décider s’il y a lieu ou non de modifier la thérapeutique, il faut prendre en considération la masse tumorale initiale et donc interpréter les réponses en fonction de la sensibilité de l’hémopathie à l’imatinib, c’est-à-dire la décroissance de la masse tumorale régulièrement au cours des 3 à 9 premiers mois. On peut ainsi estimer que, à 3 mois, si un patient garde une splénomégalie modeste débordant par exemple de 1 ou 2 cm le rebord costal gauche et que, de ce point de vue, il n’est pas considéré en rémission hématologique, alors que sa masse tumorale initiale était très importante avec une Correspondances en Onco-hématologie - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2009 Traitement de première ligne de la leucémie myéloïde chronique Tableau I. Contrôle de la réponse à l’imatinib. Au diagnostic, puis tous les 15 jours jusqu’à obtention et confirmation de la réponse hématologique complète, puis au moins tous les 3 mois ou à la demande Hématologique Cytogénétique Au diagnostic À 3 mois À 6 mois Tous les 6 mois jusqu’à obtention et confirmation de la réponse cytogénétique complète, puis tous les 12 mois s’il n’est pas possible d’effectuer un contrôle moléculaire régulier Systématiquement en cas d’échec (résistance primaire ou secondaire) et en cas d’anémie inexpliquée, de leucopénie ou de thrombocytopénie Moléculaire (RT-Q-PCR) Tous les 3 mois, jusqu’à obtention et confirmation d’une réponse moléculaire majeure, puis au moins tous les 6 mois En cas de réponse suboptimale ou d’échec Moléculaire (recherche de mutation) Systématiquement avant tout changement d’inhibiteur de tyrosine kinase ou d’autre thérapie Remarque. Une analyse cytogénétique (marquage chromosomique en bande des cellules métaphasiques de la moelle) est nécessaire à 3 mois, plus tôt que ce qui a été défini dans les précédentes recommandations, afin de permettre l’anticipation de la réponse. Une fois les réponses cytogénétique et moléculaire obtenues et confirmées, l’analyse par PCR (RT-Q-PCR) tous les 6 mois peut suffire chez la plupart des patients. Tableau II. Définition des réponses hématologique, cytogénétique et moléculaire. Hématologique Complète (RHC) Leucocytes < 10 x 109/l Basophiles < 5 % Absence de myélocyte, promyélocyte, myéloblaste à la formule leucocytaire Nombre de plaquettes < 450 x 109/l Rate non palpable Cytogénétique Complète (RCC)* Partielle (RCP) Mineure (RCM) Minimale (RCmin) Absence de réponse Absence de Ph+ métaphasiques 1-35 % Ph+ métaphasiques 36-65 % Ph+ métaphasiques 66-95 % Ph+ métaphasiques > 95% Ph+ métaphasiques Moléculaire Complète (RCM) Majeure (RMM) Transcrit BCR-ABL indétectable en PCR quantitative en temps réel sur 2 échantillons sanguins successifs de qualité adéquate (sensibilité > 104) Ratio de BCR-ABL sur ABL (ou autres gènes de référence) ≤ 0,1 % sur l’échelle internationale * Si les cellules métaphasiques de la moelle ne peuvent pas être obtenues ou évaluées par technique chromosomique de bandes, la détermination de la RCC est fondée sur l’analyse des cellules sanguines par technique d’hybridation in situ par fluorescence (I-FISH), sachant que celle-ci est effectuée au moyen de sondes BCR-ABL1 doublement colorées (D-FISH), et qu’au moins 200 noyaux sont évalués. Dans de nombreuses études, les réponses cytogénétiques partielles et les réponses cytogénétiques complètes sont comptabilisées ensemble, et définies comme réponses cytogénétiques majeures. très forte splénomégalie et un score de Sokal élevé, il faut continuer le traitement, car il est logique de considérer que la maladie est sensible à l’imatinib. Il est donc important d’assurer une surveillance très régulière afin de juger s’il y a stagnation de la réponse ou non, et donc de prendre les décisions thérapeutiques en conséquence (20-24). Correspondances en Onco-hématologie - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2009 TRAITEMENT DE PREMIÈRE LIGNE DE LA PHASE ACCÉLÉRÉE DE LMC L’imatinib en première ligne reste recommandé pour les patients atteints de LMC en phase d’accélération. Mais la dose doit être au minimum de 600 mg, voire de 800 mg. Pour les patients sensibles à l’imatinib, dès lors que la rémission hématologique a été observée, et si l’âge le permet, la recommandation est de rechercher un donneur compatible afin de programmer dans les plus brefs délais une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Il n’y a pas lieu d’associer à l’imatinib en première ligne une quelconque chimiothérapie pour les phases accélérées (1). TRAITEMENT DE PREMIÈRE LIGNE DE LA PHASE TRANSFORMÉE D’EMBLÉE DE LA LMC ✔ Les formes myéloïdes Avant l’ère de l’imatinib, la survie des patients suivis dès la phase de transformation myéloïde de la LMC était extrêmement mauvaise, de l’ordre de 3 à 5 mois (25). L’amélioration est venue avec l’utilisation de l’imatinib 400 mg/j ou 800 mg/j avec, sur une série de 229 patients (26), des taux de rémission complète de 15 % et une survie médiane améliorée de l’ordre de 6 à 9 mois. Par conséquent, l’association d’imatinib à une chimiothérapie lourde comprenant daunorubicine et cytarabine a été proposée par un groupe français (27) sur une petite série de 38 patients. Chez ceux qui avaient une transformation aiguë myéloïde d’emblée de LMC, on a observé 89,5 % de rémission complète et 39,5 % de survie à 5 ans. Si une rémission hématologique complète est notée à l’issue du traitement d’induction, une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques est indiquée et doit être réalisée dans les plus brefs délais. ✔ Les formes lymphoïdes La leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) Ph+ n’est pas fréquente ; sa prévalence augmente avec l’âge : elle touche 5 % des enfants et 40 % des adultes. Le pronostic est extrêmement mauvais. Avec les chimiothérapies standard, on peut espérer au mieux 20 % de survie à 3 ans. Des études de phase I puis II ont montré l’intérêt de l’imatinib, avec près de 70 % de réponses hématologiques (28, 29). Malheureusement, un risque quasi constant de rechute est constaté, d’où 131 d o s s i e r t h é m a t i q u e Coordinateur : N. Milpied Tableau III. Évaluation de la réponse à l’imatinib administré en première ligne de phase chronique débutante. Réponse optimale Moment NA* 3 mois Réponse suboptimale NA Échec Vigilance NA Risque élevé ACCA/Ph+(1) RHC, Absence de RCyC et au minimum RCy mineure (Ph+ > 95 %) (Ph+ ≤ 65 %) Réponse moindre qu’une RHC NA 6 mois Au minimum RCyP (Ph+ ≤ 35%) Moins qu’une RCyP (Ph+ > 35 %) Absence de RCy (Ph+ > 95 %) NA 12 mois RCC RCyP (Ph+ 1-35 %) Réponse moindre qu’une RCyP (Ph+ > 35 %) Réponse moindre qu’une RMM(3) 18 mois RMM(3) Réponse moindre qu’une RMM(3) Réponse moindre qu’une RCC NA Perte de RMM(3) Mutations(4) Perte de RHC Perte de RCC Mutations(5) ACC/Ph+(1) Toute élévation des taux de transcrit ACC/Ph–(2) Stable À tout moment (au cours du traitement) ou en progression RMM(3) (1) ACC/Ph+ : les Ph+, ACC/Ph+ sont un élément de “vigilance” au diagnostic, tandis que leur apparition au cours du traitement (progression clonale) est un signe d’échec. Deux tests cytogénétiques successifs sont nécessaires, porteurs de la même ACC sur au moins deux cellules Ph+. (2) ACC/Ph– : anomalies chromosomiques clonales des cellules Ph–. (3) RMM : BCR-ABL1:ABL1, ou autres gènes référents, ≤ 0,1 % sur l’échelle internationale. (4) Mutations BCR-ABL1 KD toujours sensibles à l’imatinib. (5) Mutations BCR-ABL1 KD peu sensibles à l’imatinib. * NA : non applicable. Eu égard aux recommandations antérieures (7), une nouvelle définition de la réponse optimale est introduite. Il est recommandé de définir la réponse suboptimale plus tôt, à 3 mois, en cas de résistance cytogénétique, ainsi que l’échec à 3 mois en cas de résistance hématologique, et à 6 mois en cas de résistance cytogénétique. La progression clonale (CCA/Ph+) au cours du traitement est définie comme un échec ; une délétion du bras long du chromosome 9 (del9q+) n’est plus reconnue comme élément de “vigilance”. l’intérêt d’un traitement d’induction combinant chimiothérapie et imatinib, par exemple vincristine-dexaméthasone avec imatinib 800 mg/j. Ce protocole, AFR 07 (30), a permis, sur les 31 patients inclus (dont 13 cas de LAL Ph+), d’observer une rémission complète chez 28 d’entre eux. Dans cet essai, la fréquence des infections fongiques était élevée. Pour améliorer les résultats, on propose maintenant des associations d’inhibiteurs de tyrosine kinase de deuxième génération et de chimiothérapie. Par exemple, le protocole EWALL, soutenu par l’ELN, propose, pour des patients âgés de plus de 55 ans, un traitement par une préphase de dexaméthasone suivie d’une induction utilisant le dasatinib 140 mg/j, la vincristine à J1, J8, J15 et J22, et une prophylaxie des localisations neuroméningées (31). Les consolidations utilisent des suites de chimiothérapie associant méthotrexate à fortes doses, asparaginase ou cytarabine et dasatinib 100 mg/j. Ultérieurement, un maintien de la réponse propose 100 mg/j de dasatinib associés au purinéthol et au méthotrexate, à la dexaméthasone et à la vincristine selon des schémas traditionnels. Le protocole AFR 09, proposé par le groupe GRAALL, combinait 4 molécules en induction 132 suivies d’imatinib 600 mg avec cortisone et des traitements de consolidation (32). Sur les 29 patients évaluables, 21 ont obtenu une rémission complète, la survie globale étant de 66 % à 1 an. RECOMMANDATIONS POUR LE SUIVI BIOLOGIQUE DES PATIENTS TRAITÉS POUR LMC EN PREMIÈRE LIGNE Le tableau I résume la stratégie de surveillance des patients traités par imatinib en première ligne. La surveillance est assez simple : elle repose sur un examen clinique régulier et, particulièrement en cas de grosse rate, il est nécessaire de déterminer le moment où la réponse hématologique complète, c’est-à-dire un hémogramme normal et la disparition de la splénomégalie, a été observée. Ce dernier élément est malheureusement trop souvent oublié. L’échographie abdominale confirmant la disparition de la splénomégalie est souhaitable, surtout chez les sujets obèses pour lesquels la palpation n’est pas simple. Le tableau I résume surtout la surveillance cytogénétique et moléculaire. L’intérêt d’un contrôle cytogénétique dès le 3e mois peut être critiqué : Correspondances en Onco-hématologie - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2009 Traitement de première ligne de la leucémie myéloïde chronique il permet cependant d’anticiper la réponse qui sera observée au 6e et au 12e mois. L’analyse en FISH n’est pas recommandée et ne doit donc pas être utilisée. Seul le caryotype médullaire reste considéré comme le standard de surveillance de l’hémopathie maligne (33-38). TRAITEMENT DE PREMIÈRE LIGNE DE LA LMC DE L’ENFANT (39, 40) Chez l’enfant, l’hémopathie est rare et l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques a longtemps été considérée comme le meilleur traitement permettant l’éradication de la maladie. Pour les patients non éligibles pour une allogreffe, un traitement par IFNα avec ou sans cytosine arabinoside était préconisé. La maladie étant rare (2 à 3 % des cas de leucémie chez l’enfant), l’inscription des patients dans des registres, et surtout dans des essais thérapeutiques, est évidemment nécessaire. L’avènement de l’imatinib a également modifié les traitements de première ligne chez l’enfant. Les essais de phase I-II ont montré que les doses de 260 à 340 mg/m2, permettant des concentrations plasmatiques suffisantes pour un effet antileucémique, étaient à recommander. L’imatinib a donc été enregistré pour l’enfant. La question actuelle est de choisir entre l’imatinib et une allogreffe. Un essai prospectif d’allogreffe ayant inclus des patients entre 1995 et 2004 a donné d’excellents résultats pour les patients greffés en situation allogénique géno-identique, avec une survie à 5 ans de 87 ± 11 %, tandis que les patients qui étaient greffés en situation phénoidentique avaient des résultats moins bons, avec 52 ± 9 % de survie, et, en cas de greffe mismatch, 45 ± 16 %. Le délai entre le diagnostic et l’allogreffe influence la survie chez l’enfant, et la greffe doit être faite, si elle est décidée, dans les 6 mois qui suivent le diagnostic. La stratégie actuelle s’oriente par conséquent vers un traitement initial par imatinib, avec une surveillance rapprochée pendant les 6 premiers mois afin de déterminer si le patient est répondeur ou non selon les critères de réponse de l’ELN décrits pour les sujets adultes. L’absence d’une réponse satisfaisante à l’imatinib justifie de procéder à une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques dans les plus brefs délais. Chez les patients en phase accélérée, le traitement initial repose sur l’imatinib à une dose plus forte, de 400 mg/m2 ou de 500 mg/m2 en cas de phase blastique. Dès l’obtention de la rémission héma- Correspondances en Onco-hématologie - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2009 tologique, une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques doit être proposée dans les plus brefs délais. PLACE DE LA TRANSPLANTATION ALLOGÉNIQUE DE CELLULES SOUCHES HÉMATOPOÏÉTIQUES EN 2009 La décision d’allogreffer un patient en première ligne tient compte de multiples paramètres, et l’utilisation du score pronostique EBMT, publié en 1998 puis validé par le CIBMTR en 2004, reste d’actualité (41, 42). Si une allogreffe doit être effectuée, l’utilisation de cellules souches déplétées en lymphocytes T n’est pas raisonnable, du fait des taux de rechute leucémique très importants. En revanche, une nouvelle approche utilisant des conditionnements atténués peut être discutée. Un rapport de l’EBMT fait état, pour une cohorte de patients greffés avec un conditionnement atténué entre 1994 et 2002, d’une survie globale à 3 ans de 70 % pour les patients qui avaient un score EBMT de 0 à 2. L’EBMT a actualisé un certain nombre d’analyses de cohortes de patients traités pour les périodes 1980-1990, 1991-1999 et 2000-2003. Pour les patients qui avaient un score EBMT de 0 à 1, le risque de décès dû à la transplantation était passé de 31 % pour la première cohorte et à 17 % pour la cohorte la plus récente. Un autre travail intéressant a porté sur 80 patients allogreffés en 2002 avec une probabilité de survie à 5 ans de l’ordre de 88 %. Un accord international a été conclu pour ne plus proposer l’allogreffe en première intention dans les phases chroniques de LMC. Néanmoins, ce traitement est recommandé chez les patients en phase d’accélération ou en phase de transformation au moment du diagnostic. Mais l’allogreffe devra être précédée d’une phase de traitement par imatinib à la dose de 600 mg ou 800 mg, pour réduire la masse tumorale et amener le patient en bonne condition, c’est-à-dire en phase chronique ou en bonne réponse, au moment de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (43, 44). INHIBITEURS DE DEUXIÈME GÉNÉRATION EN PREMIÈRE LIGNE Trois nouvelles molécules (le dasatinib, le nilotinib et le bosutinib), après avoir été testées chez des patients résistants ou intolérants à 133 d o s s i e r t h é m a t i q u e Coordinateur : N. Milpied l’imatinib sont maintenant en cours d’étude à la phase initiale de la maladie ; le bosutinib étant en cours d’étude avec des résultats non publiés. Le nilotinib a été étudié chez 73 patients au cours d’un essai de phase II mené par un groupe italien (45). Les patients ont reçu 400 mg 2 fois par jour pendant une durée de 6 mois minimum (12 mois pour 71 % d’entre eux). Les taux de réponse cytogénétique complète et de réponse moléculaire majeure à 3, 6 et 12 mois ont été respectivement de 78 %, 96 % et 90 %, et de 59 %, 66 % et 77 %. La tolérance a été excellente, avec cependant 16 % de toxicité hépatique de grade 3 et 4 % d’élévation de l’amylase. Un groupe de Houston a présenté, à l’ASH 2008, les résultats d’une étude de phase II randomisée évaluant le dasatinib à la dose de 100 mg administrée 1 ou 2 fois par jour (46). Sur les 50 patients inclus, 98 % des patients évaluables (44 sur 45) ont obtenu une réponse cytogénétique complète et 12 sur 35 patients évaluables (34 %), une réponse moléculaire majeure à 12 mois. Des épanchements pleuraux ont été observés chez 21 % des patients, de grade 3 ou 4 chez seulement 2 % d’entre eux. Il y a actuellement 2 grands essais de phase III comparant le nilotinib ou le dasatinib à l’imatinib ; les résultats préliminaires de ces essais doivent être présentés au cours du prochain congrès de l’ASH. CONCLUSION Le traitement de première ligne de la LMC, quelle que soit sa présentation – phases chronique, accélérée ou transformée ; aiguë, myéloïde chez l’enfant comme chez l’adulte –, repose sur l’imatinib à la dose de 400 mg à 800 mg en fonction de la phase de la maladie. Les transformations aiguës d’emblée lymphoblastiques font encore l’objet d’essais avec des utilisations prometteuses du dasatinib et de la chimiothérapie. Dans tous les cas, la surveillance du patient est bien codifiée, clinique, hématologique et surtout moléculaire. Elle reste très technique. Les progrès thérapeutiques se poursuivent avec de nouvelles associations, et des recherches sur les possibilités d’arrêt du traitement sont en cours. C’est dire l’importance d’une prise en charge par les centres académiques, associés au groupe FI-LMC, l’inclusion des patients dans les essais thérapeutiques étant toujours d’actualité et conseillée. ■ 134 RÉFÉRENCES 1. Hehlmann R, Hochhaus A, Baccarani M on behalf of the European Leukemia Net. Chronic myeloid leukemia. Lancet 2007;370:342-50. 2. Guilhot F, Chastang C, Michallet M et al. Interferon alpha-2b combined with cytarabine versus interferon alone in chronic myelogenous leukemia. N Engl J Med 1997;337:223-9. 3. 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