Journal Electronique
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5 janvier 2008 article suivant L'avenir de l'Europe, par anticipation... Kenneth McKenzie Wark Le gourou des hackers L'Australien est devenu la référence de tous les activistes qui veulent transformer les modes de création, de distribution et de diffusion des biens et services, en particulier dans le numérique L a première fois que son nom a circulé à Paris, c'était à la République des blogs. Le rendez-vous est devenu une quasi-institution, pour tout ce que le Net français compte de blogueurs politiques et de citoyens journalistes. Dans un café parisien, ou depuis peu en province et en Belgique, ceux qui ne débattent ordinairement que dans le virtuel, sans se voir ni vraiment se connaître, ont pris l'habitude de se retrouver aussi autour d'un verre une fois par mois dans la vraie vie. " Ken McKenzie vient bientôt en France ", avait soufflé l'un d'eux. McKen... qui ? Kenneth McKenzie Wark, l'auteur, en 2004, de Hacker Manifesto (Un manifeste hacker pour la traduction française). Le gourou des hackers, des acteurs du logiciel et de la culture libre. Certains voient en lui " le Karl Marx du XXIe siècle ". Cette annonce ne pouvait pas laisser les blogueurs indifférents. Photo Olivier Metzger pour " Le Monde " PARCOURS Direction Marseille, fin octobre 2007, où Kenneth McKenzie Wark est attendu. Il participe à une conférence : " Hackulturation, culture libre, 1961 culture hacker ", organisée par Les Rencontres place publique, une association qui réunit des intellectuels français et étrangers autour de Naissance à Newcastle questions politiques, sociologiques, esthétiques sur l'art. Dans une des alcôves du Centre de la Vieille Charité - lieu destiné à l'origine à abriter vagabonds et orphelins -, Kenneth McKenzie Wark est en effet présent. Vêtu de noir, les cheveux longs, une grosse mouche d'argent à l'index et le regard lointain. (Australie). 2000 Mariage avec une actrice de théâtre américaine et Il est né en Australie il y a quarante-six ans, à Newcastle, ville côtière et installation à New York. ouvrière de quelque 200 000 âmes, en Nouvelle-Galles du Sud, à 160 km au nord de Sydney. " Une ville que l'on quitte sans honte et sans regret ", 2003 dit-il. Il a étudié les médias à l'université de Sydney et à la Murdoch University. Naissance de son fils Felix. Militant du Parti communiste australien, il se souvient avoir manifesté 2004 contre la fin de l'éducation supérieure gratuite. L'événement n'est pas anodin, pour cet homme qui est devenu un des penseurs de la culture libre. Professeur au Eugene-Lang College The New School for Son livre de chevet est une oeuvre collective, l'encyclopédie Wikipédia, le symbole d'une information enfin libérée. Liberal Arts à New York. " J'ai quitté l'Australie à 30 ans, mais j'aurais dû le faire à 20 quand s'est évanoui mon rêve d'une Australie multiculturelle, progressiste, ayant définitivement tourné le dos à son histoire raciste. Quand il fut clair que la gauche avait perdu. " Il a suivi sa femme américaine à New York, où il s'est installé en 2000. Depuis 2004, il est professeur en culture et médias au Eugene-Lang College The New School for Liberal Arts à New York. 2006 Publication en français de " Un manifeste Hacker " (éd. Criticalsecret). [-] fermer C'est aux Etats-Unis, en lisant La Société du spectacle (Gallimard, 1992), de Guy Debord, que l'inspiration du manifeste lui est venue. Il considère que le théoricien, un des fondateurs de l'Internationale situationniste, est un " hacker de Karl Marx ". Il se souvient, jeune étudiant, avoir assisté à une conférence du philosophe français Jean Baudrillard. Il est resté marqué par la très grande liberté d'esprit de celui-ci, et la " très grande liberté de ses références ". Le manifeste de McKenzie a été l'un des derniers coups de coeur du philosophe, peu avant sa mort, en mars 2007. Son manuscrit a été refusé par de nombreux éditeurs, avant d'être publié par Harvard University Press. Hacker Manifesto a été traduit en huit langues, et est sorti en France en 2006 aux éditions Criticalsecret. Le manifeste tiré à 400 exemplaires contient 389 aphorismes. " C'est un poème épique et conceptuel ", selon Aliette Guibert, son éditrice. " Un livre beau, dense, énergique, enthousiasmant ", pour le philosophe Patrice Maniglier. Retour à Marseille. La petite salle voûtée de la Vieille Charité est clairsemée. Il y a des enseignants en informatique, des acteurs de la contre-culture et du logiciel libre, " hacktivistes " en tout genre. Public hétéroclite et turbulent, caractéristique des milieux de l'underground informatique, au croisement des univers interlopes du réseau et d'une avant-garde artistique radicale. Autrement dit, les mondes où se sont reconnus les premiers hackers, dans le sens que McKenzie Wark donne au terme. Pas des pirates, mais des " dépeceurs, des limiers d'univers, des tâcherons de l'abstraction, à la fois les bousilleurs et les novateurs ". Ceux qui, explique-t-il, dans sa langue si particulière produisent, inventent de nouveaux concepts, de nouvelles perceptions, de nouvelles sensations " hackées " à partir de données brutes. Des sortes de Robin des bois des temps numériques. " Quel que soit le code que nous hackons, poursuit l'auteur, qu'il soit langage de programmation, langage poétique, mathématique ou musique, courbes ou couleurs, nous sommes les extracteurs des nouveaux mondes. " Le hacker est celui qui " libère l'information des vecteurs où elle est enfermée et prise en otage ", précise le critique d'art Stephen Wright, un proche de McKenzie. Si l'Australien cite souvent des philosophes, il évoque aussi la rébellion de Courtney Love contre les maisons de disques américaines, ou bien encore l'initiative du groupe Radiohead qui a proposé à chaque acheteur de fixer lui-même le prix de son dernier album. " L'information peut partout être libre, mais elle est partout enchaînée ", résume Kenneth McKenzie, en référence au credo de la cyberculture des années 1980. Dans l'univers de McKenzie, se côtoient Debord et Robin des Bois, Rousseau et Courtney Love, les informaticiens du Massachusetts Institute of Technology et les paysans anglais du VIIIe siècle opposés à l'enclosure, Baudrillard et Kathy Aker, romancière expérimentale américaine. La théorie de l'auteur, qui se définit " comme un crypto-marxiste ", dessine les frontières d'une nouvelle lutte des classes, version société numérique. D'un côté, donc, les hackers, prolétaires de l'information. De l'autre, la classe dirigeante composée des propriétaires des vecteurs qui " mènent un intense combat pour déposséder les hackers de leur propriété intellectuelle ". " Une théorie intéressante comme vision postmarxiste de l'exploitation de l'homme par l'homme ", résume Paul Mathias, professeur au collège international de philosophie. Il a dirigé le numéro de la revue Rue Descartes (PUF) qui a consacré un dossier au Manifeste Hacker. Aux Etats-Unis, Kenneth McKenzie Wark a déjà publié un autre ouvrage : Gamer Theory. Un livre libre de droit, mis en ligne, développé de manière interactive avec les internautes. Un véritable fruit de hackers. Olivier Zilbertin © Le Monde article précédent 2008, année de la rédemption... article suivant L'avenir de l'Europe, par anticipation...