Communiqué de presse Simon de Saint Martin

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Communiqué de presse Simon de Saint Martin
Communiqué de presse
Simon de Saint Martin
Sculptures & installations
vendredi 14 octobre à partir de 18h30
exposition jusqu’au 23 décembre 2011
GNOSE DE L’ART ET DETOURNEMENT D’APPAREILS…
C’est connu, le cliquetis attire et l’hétéroclite émeut. Nous sommes dans les rayons d’un grand magasin. La mise en vitrine nous a
tiré l’œil. Mous approchons intrigués, comme du Grand Sarcophage. Sous le plexiglas, un bidule enchevêtre des ustensiles, remue
ses élytres, clignote langoureusement, couaque à tout va, ou ne bouge pas du tout... Et nous voilà tel le raisin qui tombe dans la
benne : pressés de produire du jus. De son côté, Simon de Saint Martin pose à l’humble orfèvre, à l’artisan éclairé d’innocence.
Nous autres phosphorons d’autant plus sur l’ironie du dérisoire, le sarcasme du fatras, la parabole post- moderne. Nos références
abondent et s’entrecroisent : Kafka, Duchamp, Mickey, le Grand Vaudou, la Main de Ma Sœur ou le Gruyère à Trous… Tout y passe.
Le sens ou le non-sens pareillement en pendeloques, nous voici tout fumants de théorèmes. Et plus productifs, en vérité, que le plus
compliqué de ses dispositifs. C’est fou ce que l’on s’aime à requalifier les choses. A croire qu’il y a du miroir onaniste dans ses boites
à coucou. Au fond, c’est peut-être en cela qu’elles sont le plus utiles : faire reluire nos imaginaires. Une mise en équation de poulies
écarlates, de bonzaïs incongrus, d’interrupteurs luminescents, de matériels de dentiste cornés de bois de cerf : tout un agrégat
barbare qui attrape la gravité quand on voudrait sourire et qui se retourne en farce dès qu’on perce l’intention.
Au bout d’un temps à ce jeu, on cherche le bar. Il y a un côté « cocktail apéritif » à ces œuvres joueuses, qui se révèlent plus
substantielles à la deuxième vision. Sous leurs airs de canular, ce sont de vrais plats de résistance. Résistance à l’orgueilleuse
unicité de l’objet, résistance à la familiarité obscène de la fonction : ce sont barricades hérissées d’improbable et colorées de fluo.
Mais ses œuvres deviennent plus inquiétantes encore quand on y retourne à nouveau. Le diable, dit-on, est dans le détail. Ici, le
détail est aussi soigné que l’ensemble. Simon de Saint Martin amuse la galerie avec son capharnaüm. L’hybridité débride le boyau
de la rigolade et on pourrait en rester là : canular ad libitum des biscornus… Mais il faut voir, à l’atelier, comment ce magasinier de
l’entourloupe est aux aguets du moindre rouage, du plus fin sertissage qu’il ajuste lui-même, sans exécutant pour lui servir la soupe.
Très vite alors, la question ne se pose plus de savoir si l’artiste est sérieux ou rieur. Quelque chose émane d’entre lui et ses œuvres,
comme une mutuelle attente. Une immanence dont lui-même ne sait rien. Mais qu’il pressent. A l’instar du joueur qui joue pour
perdre (sans quoi il ne rejouerait pas sans cesse après avoir gagné), notre apprenti sorcier découvre, après les avoir sculptés, les
divinités mânes qui affleurent de ses concrétions bizarres. Et là, une idée nous vient, vaguement christique.
Vues de l’exposition de Simon de Saint Martin, Au rêve bleu, Espace arts plastiques, Ville de Vénissieux.
Ce Simon de Saint Martin, au nom trois fois pieux, composerait-il des ex-voto ? Telle la veuve allant clouer son bouquet sur le platane
funeste du samedi soir, fabriquerait-il des totems à nos rêves défunts ? Et si nos rêves ne sont jamais que des choses, assemblerait-il ce
fourbi pour convoquer des fantômes ? Un prêté matériel pour un rendu fétiche, en quelque sorte... Pourtant, rien n’apparaît quand on frotte
ses lumignons. Rien d’autres, en tous cas, que de l’électromécanique. Aucune Vierge, ni aucun apôtre. De fait, Saint Martin ne cherche pas
de recours vers le divin, l’immatériel ou le magique. Sa gnose à lui est une mystique sans Dieu, c’est en cela qu’il est pleinement artiste.
Enguirlander une tête de bisonne, encartonner un baigneur en plastique, revient plutôt, pour ce chaman de la réification, à convoquer
l’esprit du temps. Mais sans frapper trois coups sous la table : ce n’est pas de ce bois qu’il se chauffe. La foi d’une esthétique est son seul
credo. Une esthétique qui exalte le matériel, en pleine époque de « dématérialisation », c’est plutôt singulier. Or, c’est tout l’objet de sa
transmutation : si l’ornemental se veut mental, alors il doit passer par le physique. Il y a quelque temps, on disait de l’acteur Cary Grant
qu’on pouvait le filmer sous tous les angles : il était beau de partout. De même, Simon de Saint Martin en sculpteur plus classique qu’on
pourrait le croire cherche une plastique idéale dans ses édicules. A bien y regarder d’ailleurs, ses ballets d’électroménager, ses aquariums
de transistors, ses luminescences en crâne de buffle, répondent à des lois très anciennes de la composition. Si, littéralement, il y a là
détournement d’appareil, le pilote connaît par cœur ses commandes. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’aime pas se perdre, avec elles, dans le
paysage.
Il se trouve que je connais Simon de Saint Martin depuis près de quarante ans. Je l’ai toujours vu ainsi : Deus ex machina de cadrans sans
inscription, de magnétoscopes éventrés, de lueurs en halos et de « allo » qui cherchent leur voix. Ce qu’il dispose sur son autel varie sans
cesse de nature, d’échelle, de matière, de disposition... « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? », se languissait jadis Lamartine. Dans
le charroi moins romantique du présent, Simon de Saint Martin ose inverser la question : « Ames inanimées, avez-vous donc un objet ?... ».
Chacun peut y trouver son « credo ». Mais moi, je chéris cet « objet de l’âme » d’un poids infinitésimal que Simon de Saint Martin tend vers
le monde, comme une clé des songes.
Jean-Jacques Bernard, journaliste
(dernier ouvrage : Petit éloge du cinéma, édition Gallimard, collection Folio)
Expositions personnelles (sélection)
Simon de Saint Martin
Né en 1951 à Ajaccio.
Vit et travaille à Lyon
2011 Au rêve bleu, Espace arts plastiques, Vénissieux
2006 Démachinations, L’Attrape-couleurs, Lyon
1992 Galerie La Tournelle, Vieux Poêt-Laval
1991 Maison des expositions, Genas
1988 Sculptures 1987/1988, Galerie de l’Hôtel de Ville, Villeurbanne
1988 Les machinations de Simon de Saint Martin, Théâtre municipal, Caen
1987 Les machines de Simon de Saint Martin, Centre Georges Pompidou, Paris
1983 Galerie L’Ollave, Lyon
Expositions collectives (sélection)
2006 Multiples, URDLA, Villeurbanne
1991 Machines animées, Centre culturel, Oyonnax ; Villa du Parc, Annemasse
1989 Symposium de sculptures sur plastique, Oyonnax
1987 L’homme machine, Maison départementale de l’innovation, Clermont-Ferrand
1986 Les machines sentimentales, Centre Georges Pompidou, Paris
1983 Biennale d’Art Contemporain, Tours