Villes, métropoles, régions urbaines…
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Villes, métropoles, régions urbaines…
Pumain D. (1993), "Villes, métropoles, régions urbaines... un essai de clarification des concepts", Communication au Colloque "Métropoles et aménagement du territoire", Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Ile-de-France, 12-13 mai. Plus de la moitié des habitants de la planète, les quatre cinquièmes de ceux des pays développés, vivent aujourd'hui dans des villes. Bien au-delà du cadre bâti, le fait urbain a envahi les modes de vie, il imprègne les mentalités et les valeurs, il régit les activités et les comportements jusque dans les parties les plus reculées des territoires. Pourtant, la perception de la réalité urbaine est plus difficile que jamais. Dès lors que les villes règnent sur le monde, le concept de ville s'obscurcit,' la diversité des formes urbaines ne se laisse pas enfermer dans une typologie, et l'avenir des villes est aussi plus opaque. 1 Pluralité du concept de ville Les villes sont des objets beaucoup trop complexes et beaucoup trop divers pour qu'une conception unique puisse en rendre compte. La difficulté de cerner un concept de ville plonge dans l'ambiguïté des origines du fait urbain, dans la multiplicité de ses aspects, et se reflète jusque dans la diversité des instruments destinés à le mesurer. des origines controversées Si les historiens reconnaissent l'universalité du fait urbain, apparu de façon indépendante en plusieurs points du globe, ils ne s'accordent guère sur sa nature, sur sa signification. Certains insistent sur la dimension économique: deux à trois mille ans après l'invention de l'agriculture, des villes ont émergé afin de commercialiser les surplus agricoles, en échange de biens manufacturés. "Non seulement l'agriculture a été un préalable absolu à l'émergence de véritables systèmes urbains, mais il existe aussi une liaison inverse: l'agriculture a conduit presque inéluctablement à la ville" (Bairoch, 1985, p.631). Pour d'autres, la fonction essentielle des villes est d'ordre symbolique, elle tient de l'exercice d'un pouvoir: "la ville ne se caractérise ni par le nombre, ni par les activités des hommes qui y font résidence, mais par des traits particuliers de statut juridique, de sociabilité, de culture... ces traits dérivent du rôle primordial que remplit l'organe urbain. Ce rôle n'est pas économique, il est politique" (Duby, 1980, p. 13). "Forme révolutionnaire d'organisation de la vie économique et sociale" (Bairoch, 1985, p.631), la ville est distinguée des autres formes d'habitat humain par toute une série de critères que recherchent les archéologues: la spécialisation des tâches, la division du travail et l'apparition d'un artisanat à plein temps la taille et la densité du groupement de population, qui dépasse celles généralement observées dans les villages la présence de fortifications et d'enceintes la construction de maisons en dur, la présence de rues, d'un urbanisme l'existence d'un gouvernement local une certaine permanence de l'agglomération Le plus souvent, un seul critère ne suffit pas à spécifier la ville et c'est une combinaison de ces propriétés qui est retenue pour établir le statut de ville. des conceptions variées Selon l'angle sous lequel on considère le fait urbain: anthropologique, culturel, économique, géographique, politique, religieux, social... la ville a pu recevoir des définitions très diverses. Selon une définition démographique, la villes est un groupement permanent de population sur un espace restreint. Dimension et densité de l'agrégat de peuplement vont de pair avec une définition morphologique, qui reconnaît la permanence et la continuité des constructions, des règles d'urbanisme dans leur organisation. Cette conception implique que la ville ne puisse produire, sur la surface limitée u'elle occupe, la totalité des ressources alimentaires dont elle a besoin. Sa survie dépend donc de l'échange des biens manufacturés et des services qu'elle produit contre es denrées agricoles nécessaires à sa subsistance. Il en résulte une définition fonctionnelle, sociale et économique de la ville, qui regroupe des activités non agricoles, et qui innove en développant une division du travail plus ou moins complexe, ce qui lui permet de se maintenir grâce à une base économique diversifiée. L'échange entre ville et campagne est toujours un échange inégal, les produits manufacturés étant surévalués par rapport aux denrées alimentaires (Braudel, 1979, Camagni, 1992). L'avantage ainsi consenti à la ville est difficilement séparable de son statut juridique, comme lieu de l'exercice d'un pouvoir. Même si ce pouvoir est à l'origine d'ordre religieux ou politique, il s'accompagne d'un privilège économique et territorial, il confère à la ville un ascendant sur les localités voisines (Racine, 1993). La définition géographique de la ville se déduit des conceptions précédentes: l'agglomération ainsi spécialisée exerce des fonctions centrales pour une région environnante, elle est un centre qui polarise la vie de relation. A la différence des villages qui exploitent des ressources de site, dans leur environnement immédiat, les villes vivent de richesses de situation, elles valorisent leur position dans des réseaux d'échanges, dont la portée dépend de la taille et de la spécialisation de la ville (Reymond, 1981). A ce titre, la ville ne se conçoit pas isolément, elle fait toujours partie d'un réseau de villes, elle est un noeud dans un système de peuplement. Ces conceptions de la ville, difficilement séparables les unes des autres, s'insèrent avec diverses nuances dans les théories des sciences sociales. Elles ont inspiré les définitions statistiques qui, en dépit d'un même souci assez simple de dénombrement des populations urbaines, n'en présentent pas moins une extraordinaire hétérogénéité d'un pays à l'autre. 2 La variété des définitions statistiques Pour répondre à des objectifs d'organisation politique ou administrative, les États ont mis au point des appareils statistiques qui distinguent population rurale et population urbaine, ou qui classent les localités en villes et en villages, en fonction de critères qui ne dépendent pas nécessairement des formes de leur urbanisation, et qui rendent très difficiles toute comparaison d'un pays à l'autre. L'Annuaire Démographique des Nations Unies énumère quelques-unes de ces définitions officielles de la ville, dont la comparabilité a pu être évaluée dans deux publications récentes, pour les pays de la Communauté européenne (Pumain, Saint-Julien, Cattan, Rozenblat, 1991) et pour l'ensemble des pays du monde (Moriconi, 1993). Les mesures diffèrent non seulement par leur définition des localités urbaines et rurales, mais encore par leur méthode de délimitation des entités urbaines. les critères de définition de la population urbaine La variété des critères adoptés par les instituts nationaux de statistiques reflète assez bien la multiplicité des acceptions du concept de ville: - le statut administratif est dérivé de l'ancienne définition juridique de la ville. Le caractère urbain des localités est celui que leur attribuent les autorités politiques ou administratives. Ce critère est appliqué par exemple en Allemagne, au Royaume uni, en Égypte. - un seuil de population communale: sont considérées comme urbaines les localités dont la population d'passe une quantité fixée arbitrairement, par exemple 10 000 habitants en Espagne ou en Italie. Les seuils minimaux varient considérablement dans le monde, entre 250 habitants au Danemark et 50 000 au Japon, sans que ces différences reflètent toujours des variations systématiques de la trame du peuplement. En France, le seuil de 2000 habitants n'a pas varié depuis 1856. Dans d'autres pays, c'est un seuil de densité qui a été retenu, par exemple aux Philippines (plus de 1000 hab. au km2). _ des critères socio-économiques: c'est en général une proportion maximale de population agricole qui est utilisée, mais elle peut varier de 10 à 50% selon les pays. La présence d'équipements typiquement urbains sert aussi parfois à qualifier les villes, qu'il s'agisse des réseaux d'urbanisme (au Bangladesh) ou de divers établissements de service (en Tchécoslovaquie). - enfin, beaucoup de critères mixtes combinent les précédents, par exemple dimension et urbanisme comme à Panama, statut juridique et dimension en Inde, ou encore dimension et importance des activités non agricoles comme en Yougoslavie, au Zaïre ou en Zambie. la délimitation d'agglomérations urbaines Tant que les constructions urbaines ont été contenues dans des enceintes, et que la difficulté des transports et des approvisionnements empêchaient d'accroître par trop la dimension des unités urbaines, la notion géographique de ville pouvait se confondre avec celle du territoire municipal d'une commune, d'une localité. Si l'extension spatiale venait à déborder les murs, ou même les frontières juridiques du territoire urbain, il était possible de réajuster périodiquement ces limites sur celles de l'espace bâti en continuité, car la croissance demeurait assez lente. Avec la révolution industrielle et l'explosion urbaine du XIXe siècle, le débordement des faubourgs et des banlieues sur les communes voisines, hors des limites de la cité, s'est généralisé. Ce n'est cependant qu'après la seconde guerre mondiale que les instituts de statistique se sont saisis du problème de la dissociation croissante entre l'entité juridique et politique, municipale, de la ville, et sa réalité sociologique, économique et géographique. Plusieurs pays ont ainsi été amenés, soit à réaliser d'importantes fusions de communes, comme par exemple au Japon, en Suède ou en Allemagne (où leur nombre est passé de 24000 à 8500 entre 1968 et 1978), soit le plus souvent à définir de nouvelles entités statistiques, en s'affranchissant des limites administratives. La notion d'agglomération urbaine multicommunale a été élaborée pour définir des entités géographiques urbanisées, en appliquant un critère morphologique: celui de la continuité du bâti. Les agglomérations élémentaires de population, regroupant une certaine quantité de population dans une aire bâtie en continuité, sont identifiées en repérant des agrégats sur des documents cartographiques ou photographiques. L'ONU (1978) recommande de considérer comme une agglomération un ensemble de constructions voisines tel qu'aucune ne soit séparée de la plus proche de plus de 200 mètres (500 mètres en Amérique latine, de peuplement plus lâche). Les terrains à usage public, ceux utilisés à des fins industrielles et commerciales ainsi que les cours d'eau traversés par des ponts ne sont pas pris en compte dans le calcul de cette distance. Une agglomération de population qui s'étend en continuité sur plusieurs unités administratives forme une agglomération multicommunale. Ces agglomérations sont généralement ajustées sur les limites communales afin de les faire coïncider avec un nombre entier d'unités administratives. En France, la notion d'agglomération urbaine multicommunale est apparue à partir de 1954 (Marpsat, 1986). Les communes qui possèdent une agglomération de population d'au moins 2 000 habitants sont appelées "villes isolées". Lorsque l'agglomération s'étend sur plusieurs communes, on délimite des agglomérations urbaines multicommunales en identifiant sur le territoire toutes les zones bâties qui groupent au moins 2000 habitants. Parmi les communes ainsi réunies, toutes celles dont l'agglomération de population représente au moins la moitié de la population totale de la commune constituent une "agglomération urbaine multicommunale". Une cinquantaine de pays dans le monde utilisent, avec des variantes mineures, ce concept d'agglomération urbaine, qui revient à définir la ville comme une entité morphologique, appréhendée d'après la cohérence du tissu urbain. Dans la mesure où les maillages administratifs varient beaucoup en dimension et en régularité selon les pays, les agglomérations urbaines ainsi définies sont plus comparables entre elles que les villes entendues comme municipalités. En outre, ce sont ces unités urbaines multicommunales qui sont pertinentes pour aborder les questions de gestion urbanistique et d'équipements, comme la voirie, l'éclairage public, l'assainissement ... qui requièrent la coopération de plusieurs collectivités territoriales. Dans les pays de peuplement ancien, et en Europe en particulier, c'est encore dans l'agglomération que se localisent la plus grande partie des activités, des fonctions et des emplois urbains, si bien qu'elle constitue aussi un cadre pertinent pour les mesures du poids et de l'importance des villes d'un point de vue démographique ou économique et les comparaisons, nationales ou internationales. Cependant, de nombreux pays ne disposent pas encore du concept d'agglomération urbaine. Les grandes études comparatives de l'urbanisation mondiale, menées par exemple par Chandler et Fox (1976) ou Davis (1970), ont achoppé sur l'hétérogénéité des sources en termes de définitions de la ville. C'est ce qui fait le prix de la base de données GEOPOLIS élaborée par F. Moriconi (1991), dans laquelle le concept d'agglomération morphologique établit pour la première fois une définition harmonisée, pour la population de l'ensemble des villes du monde de plus de 10 000 habitants, de 1950 à 1990. 3 De l'agglomération à la région urbaine En dépit de la variété des tissus urbains, des inégalités des maillages administratifs, des différences de densité de population et de densité du bâti d'un pays à l'autre, en dépit de l'existence de plusieurs générations de villes qui se sont développées à des moments différents de l'histoire et des techniques, la plupart des villes se caractérisent par un développement concentrique. La formation urbaine caractéristique, celle qui est la plus fréquente et qui se trouve représentée dans tous les pays, comprend un noyau central plus ancien et plus dense, une zone développée plus ou moins concentriquement en continuité de bâti avec une forte compacité, et des extensions périphériques plus lâches. les nébuleuses industrielles et les conurbations Cependant, la révolution industrielle a engendré des formes urbaines qui s'écartent sensiblement de ce modèle. Les activités et l'habitat se sont agrégés autour de mines et des usines, selon des configurations et avec des dimensions qui n'avaient plus de commune mesure avec celles des centres-villes traditionnels. On a parfois dénié la qualité de ville à ces grandes "nébuleuses urbaines", dont les contours se sont souvent étendus jusqu'à englober plusieurs centres urbains autrefois distincts. La notion de conurbation a été introduite pour désigner ces agrégats urbains polycentriques. Dans de nombreux cas, les discontinuités du bâti sont difficiles à déterminer entre unités urbaines, ou entre conurbations; en outre, les polarisations des villes-centres ne s'individualisent pas nettement, car leur fonction n'a pas été décisive dans la genèse de ces aires urbanisées. Tous les pays noirs européens, incluant ces villes atypiques, ont ainsi été considérés comme des régions urbaines et industrielles. En République fédérale allemande, un institut de recherche s'est attaché à préciser la notion de conurbation, sous l'appellation de 1"Agglomerationsraum" (Akademie für Raumforschung und Landesplanung, 1984). La conurbation possède les caractéristiques suivantes: elle regroupe plusieurs centres urbains, elle détient de fortes densités de population, de population active, d'emplois et de trafic, elle enregistre de fortes navettes quotidiennes intra-régionales, et subit des surcharges en émissions toxiques. Les bassins d'emploi ou régions urbaines fonctionnelles L'existence de morphologies urbaines moins compactes, dans les pays de peuplement plus récent comme aux Etats-Unis, ont conduit à proposer des délimitations plus extensives, en particulier autour des plus grandes villes. L'usage de l'automobile, la préférence pour la maison individuelle et la valorisation d'un environnement de type rural ont en effet favorisé la constitution de vastes banlieues résidentielles, tandis que les centres des villes conservaient de fortes densités d'emplois dans les "central business districts". Cette disposition a renforcé la dépendance entre le centre et les zones périphériques, sous forme d'importantes navettes entre domiciles et lieux de travail. L'expression de "daily urban systems" a été employée pour ces configurations. A partir des années 1950, ce modèle s'est diffusé dans les pays européens, entraînant successivement le développement des banlieues (périphéries entièrement urbanisées), puis un vaste mouvement de suburbanisation, ou de péri-urbanisation, c'est-à-dire d'implantation des populations résidentes dans des localités rurales à la périphérie des villes. Contrairement aux banlieues, ces zones péri-urbaines conservent des activités agricoles et des paysages non bâtis, d'où l'appellation de "rurbain" parfois employée pour ce nouveau type d'habitat, qui s'accompagne de transformations sociales complexes (Berger, 1989). La délimitation des Standard Metropolitan Statistical Area (SMSA) a été proposée aux Etats-Unis par le Bureau of Census en 1949. Une SMSA est centrée sur une ville (ou un couple de villes contigües) comprenant au moins 50 000. habitants. Elle inclut la totalité du comté environnant, ainsi que les comtés voisins qui ont peu de population active agricole, et qui envoient une certaine fraction de leurs résidents travailler dans la ville-centre. Plusieurs pays se sont inspirés de cette définition pour élargir le concept de la ville à celui de bassin d'emploi ou de région urbaine fonctionnelle. Il s'agit d'intégrer dans la définition d'une entité urbaine les zones périphériques fortement polarisées par un centre, dont elles dépendent pour l'emploi quotidien, et pour la croissance de leur population. Le centre est ici pris au sens de l'ensemble constitué par la commune centre et sa banlieue, la région urbaine englobe donc une unité urbaine, ou une ville-centre, et les municipalités périphériques qui sont dans sa mouvance directe. Une telle définition a été par exemple préconisée pour le Royaume-Uni par P. Hall (1973), sous forme de Standard Metropolitan Labour Areas (SMLA) et de Metropolitan Economic Labour Areas (MELA). Il ne s'agissait plus seulement de délimiter des zones polarisées par une ville, mais de produire un d'coupage exhaustif du territoire entre des régions fonctionnelles urbaines. La MELA est formée d'un centre (core), d'une périphérie (ring) et d'une périphérie extérieure (outer-ring). La SMLA correspond au centre (core) et à la première périphérie (ring). Le centre est constitué d'une ou de plusieurs municipalités. L'une d'entre elles doit totaliser au moins 20 000 emplois. On lui agrège toutes les municipalités contiguës qui enregistrent une densité d'au moins 1235 emplois au km2 (ou 5 par acre). La périphérie est formée par les communes contiguës qui envoient plus de 15% de leur population active travailler dans le centre. Centre et périphérie doivent, au total, regrouper plus de 70 000 habitants. La ériphérie extérieure regroupe toutes les communes qui envoient travailler plus d'actifs ans le centre de cette SMLA que dans n'importe quel autre centre. En Europe, quatre pays ont défini officiellement des régions urbaines fonctionnelles: la Belgique, la France, le Luxembourg, et les Pays-Bas. En Belgique, la région a pour centre l'"agglomération opérationnelle", et au Luxembourg une "agglomération urbaine" d'au moins 50 000 habitants. Aux Pays-Bas, le noyau central des "agglomeraties" est constitué d'une ou de deux municipalités contiguës ayant au moins 100 000 habitants. Dans le cas de la France, le noyau central des "Zones de Peuplement Industriel et Urbain" peut être soit une unité urbaine multicommunale, soit une ville isolée, soit une commune rurale marquée par l'activité industrielle (plus de 100 emplois regroupés dans des établissements de plus de 20 salariés). A ces noyaux sont agrégés les municipalités contiguës, qui entretiennent avec le noyau central des courants préférentiels de navettes domicile-travail, et qui présentent certaines caractéristiques jugées urbaines. Le minimum de population requis pour qu'existe une région urbaine varie beaucoup d'un pays à l'autre: la région urbaine doit concentrer au moins 100 000 habitants au Luxembourg et aux Pays-Bas, 80 000 habitants en Belgique, et seulement 2 000 habitants en France. Bassins d'emploi ou régions urbaines fonctionnelles sont des entités plus pertinentes que les agglomérations morphologiques et irremplaçables pour étudier les processus d'urbanisation en cours: les changements d'utilisation du sol, l'extension de la propriété urbaine, la décentralisation des résidences et de certaines activités... dans des périphéries qui ne sont pas nécessairement bâties en continuité avec l'agglomération principale. Toutefois, leur grande extension en surface, la lus grande difficulté à déterminer leurs contours par l'application de critères simples ides discontinuités et des enclaves peuvent apparaître) et l'instabilité de leur évolution rendent leur utilisation plus délicate dans es comparaisons nationales et internationales, en termes de poids global de ces entités. vers des régions urbaines plus complexes Les définitions citées plus haut n'épuisent pas la réalité urbaine actuelle. Au cours des dernières décennies, et cela dans la plupart des pays, l'évolution ne s'est pas limitée à la déconcentration des populations urbaines résidentes vers des zones rurales de plus en plus éloignées du centre des villes. Les implantations en périphérie des installations industrielles consommatrices d'espace, la multiplication de centres commerciaux et administratifs à proximité des noeuds de communication, près des échangeurs autoroutiers à l'intersection de voies radiales et de rocades, et le développement d'activités de type technopolitain au voisinage des aéroports, ont compliqué le schéma d'organisation des villes. Dans les plus grandes régions urbaines, l'extension inclut dans le tissu urbain d'anciennes villes satellites. Le modèle centrepériphérie est battu en brèche par la prolifération de pôles secondaires de résidence et d'activités, qui peuvent être isolés du noyau urbain principal par des espaces ruraux, apportant des discontinuités dans le tissu urbain. La géographie des flux internes se complique, des mouvements en tous sens se substituant à l'alternance des déplacements centripètes et centrifuges. Si ces phénomènes se retrouvent d'un pays à l'autre, ils ont pris et prennent encore des traductions différentes dans l'aspect et l'organisation spatiale des zones urbanisées. Des facteurs importants pour l'urbanisation comme la densité du peuplement, les normes admises et les règlements d'urbanisme, les formes d'appropriation du sol et du bâti, la plus ou moins grande force d'intervention des organismes publics de planification et de régulation, varient beaucoup selon les pays. Les diverses phases de l'histoire de l'urbanisation, bien que de plus en plus simultanées, produisent des tissus urbains qu'il est difficile de caractériser par des mesures semblables, que ce soit en termes de densités de population, de logements ou d'activités, en termes de continuité des constructions, ou d'organisation des quartiers. En outre, des tendances contradictoires se dessinent: en Amérique du Nord, et aux Etats-Unis surtout, le développement de nouvelles zones d'emploi en périphérie, le repli des communautés de classes moyennes sur la suburbia (voire dans les "gated communities") et l'abandon des vieux centres urbains industriels sont parfois tels que le schéma centre-périphérie ne prédomine plus, ni dans l'organisation du marché foncier, ni dans la configuration des mouvements de circulation. A l'inverse, dans le même temps, une tendance faite de rénovation du bâti, de réinvestissement social résidentiel, d'un renforcement de la pression foncière et de la concentration des activités les plus prestigieuses dans les vieux centres s'est dessinée dans de nombreuses villes, presque partout en Europe mais aussi dans certaines villes d'Amérique du Nord, contribuant à revaloriser la conception d'un modèle urbain fondé sur une centralité majeure. Toutefois, l'extension spatiale des agglomérations ayant fait se rejoindre des unités dont le développement initial était distinct, le caractère polycentrique devient la règle dans la plupart des très grandes entités urbaines du monde. Le concept de région urbaine, introduit dans l'appareil de mesure statistique du fait urbain, ne recouvre que très imparfaitement ces nouvelles formes d'urbanisation. Certaines directions régionales de l'INSEE ont cherché non seulement à repérer des régions dominées par l'influence d'une ville, mais aussi à mettre en évidence la structuration du territoire en "zones d'échanges" plus ou moins fortement liées par les navettes domicile-travail, ou même parfois par d'autres types de déplacements comme ceux qu'induisent les relations de chalandise. C. Terrier (1980) a présenté la méthode "Mira-elle" qui agrège de façon ascendante hiérarchique des cantons à partir de la roportion de la population active de chaque canton qui se déplace pour aller travailler ans un autre canton. Ces travaux ont inspiré la réalisation, en 1983, d'une division de la France en 365 zones d'emploi établie par l'INSEE à la demande du Ministère du travail. Des statistiques sont produites dans ce cadre. Avec ce type de recherche, on tend donc à approcher la notion de région urbaine uniquement à partir des mouvements, sans rechercher d'abord une organisation du type centre-périphérie. En définitive, quatre principaux concepts cristallisent des types de description statistique des formes spatiales, et peuvent recouvrir l'immense variété des formes urbaines dans différents pays: - les localités urbaines sont définies par des limites administratives, ou par le statut juridique de ville; - les agglomérations urbaines ou unités urbaines regroupent les noyaux urbanisés bâtis en continuité, tantôt sur une portion d'unité administrative, tantôt en en rassemblant plusieurs; - les régions urbaines fonctionnelles comprennent les villes centres et leur sphère d'influence, souvent définie à partir des déplacements domicile-travail; - les régions urbaines polynucléaires ou conurbations peuvent être bâties en continuité mais comportent plusieurs centres polarisant la vie de relations. Elles résultent souvent de la réunion de plusieurs agglomérations ou régions urbaines, initialement séparées puis qui se sont rejointes du fait de leur extension spatiale. Mais, à l'ère des réseaux, la notion même de région urbaine ne serait-elle pas dépassée? 4 Métropoles et systèmes de villes Qu'elle ait rempli d'abord une fonction de marché pour les échanges commerciaux, ou qu'elle ait été à l'origine le lieu d'un pouvoir politique, administratif ou religieux, la ville se définit toujours comme un centre, exerçant une activité de contrôle et de régulation sur le territoire qui l'entoure. Ce faisant, elle polarise des flux de toutes natures, elle est un noeud dans des réseaux de communication. Centres des changes, les villes ne sont jamais isolées, elles font toujours partie d'un système de villes, qui encadrent et desservent un territoire. On a pu dire des villes qu'elles étaient des "systèmes, dans un système de villes" (Berry, 1964). ville et système de villes Dès l'origine des villes, il y a eu des réseaux urbains. Ces réseaux ont toujours -'té extrêmement hiérarchisés (Fletcher, 1986). La "loi rang-taille" chère à Zipf (1949) est une loi d'airain. La difficulté de définir la ville est aussi dans cette structure hiérarchique universelle qui caractérise l'organisation des réseaux urbains. D'une extrémité à l'autre de la distribution des tailles de villes, en progression géométrique, les catégories de 'petite ville", 'ville moyenne", "grande ville", 'métropole ou mégapole" auront toujours des limites floues, puisqu'elles sont extraites arbitrairement d'un continuum. Et pourtant, ces catégories ne, sont pas vides de sens, car la taille des villes signifie beaucoup. La théorie (les lieux centraux (Christaller, 1933) a formalisé les relations entre la dimension d'une ville et la rareté, le nombre, le niveau et la portée des fonctions qu'elle possède. Le classement quantitatif, par la taille, se double d'une spécialisation qualitative dans la hiérarchie des fonctions urbaines. Cette différenciation majeure des villes par leur taille est d'abord le résultat d'une dynamique. Lieux d'accumulation des profits d'un échange inégal, en hommes et en richesses, les villes enregistrent la résultante de ces interactions sur la longue durée. L'accumulation n'est pas qu'une addition, c'est aussi une complexification: la réunion de deux villes voisines de 300 000 habitants chacune ne produit pas dans le court terme l'équivalent fonctionnel d'une agglomération unique de 600 000 habitants. Il faut du temps pour faire une grande ville, et surtout, pour modifier les positions relatives des villes dans un système de villes. Nos systèmes de villes n'ont pas été conçus pour assurer de façon optimale les conditions de vie et de production actuelles. Ils sont le produit d'une évolution très longue, qui a progressivement transformé un système de peuplement agricole en un système de peuplement industriel et tertiaire; on est passé d'un réseau d'étapes à l'espacement réglé par la technique des transports, aux maillons d'un système productif régional, puis national et international. Au cours de ce processus, la tyrannie de la distance s'est affaiblie d'une manière considérable. A partir d'un semis de villages séparés par des distances faibles, définies par le rayon d'action des techniques les plus élémentaires, la sélection des villes, points de concentration du peuplement, s'est effectuée en fonction de la vitesse du déplacement, à pied, à cheval, en diligence, en chemin de fer, en automobile, en avion ou en TGV. Même si l'accroissement de la vitesse des communications n'a pas été linéaire, ni homogène, ses effets ont contribué très fortement à concentrer le système de peuplement. A. Allix notait en 1935: "Les étapes courtes des transports muletiers, du roulage, de la batellerie halée, ont fait place aux étapes longues du chemin de fer, du camion, de la batellerie remorquée ou automotrice; le plus grand écartement des nouveaux centres d'étapes et d'échanges a étiolé les villes intermédiaires, en même temps qu'il congestionnait les grandes cités"... (p. 126). Cette dynamique n'a 'as encore trouvé, à l'échelle des réseaux de villes, sa propre limite (Pumain, 1993). On est au contraire dans la phase exponentielle du processus. Les techniques disponibles permettent en effet toujours d'améliorer la vitesse, c'est-à-dire de couvrir de plus en plus d'espace en moins de temps. Le phénomène continue d'étendre ses effets à un nombre toujours plus grand de villes. Par court-circuitage des petits centres, la concentration relative de la population dans les plus grandes villes augmente, et la hiérarchie du peuplement est simplifiée par le bas (Guérin-Pace, 1993). Seule la finitude du monde serait un frein à ce processus, mais le système des villes du monde est encore loin d'être connecté avec toute la vitesse disponible. Un autre frein possible est la révolution apportée par les technologies dites "du temps réel", qui non seulement accélèrent les informations véhiculées, mais qui permettent aussi ce ne plus avoir à se mouvoir pour les acquérir (Virilio, 1984). L'organisation hiérachisée de la taille des villes, leur arrangement régulier dans l'espace, ne sont- ils qu'un héritage de modes anciens d'exploitation du sol et de circulation? Telle est a question qui peut se poser aujourd'hui à l'aménagement du territoire, confronté à la concentration croissante dans les grandes villes, à la métropolisation, et au dépérissement relatif des plus petites villes. L'encadrement du territoire par unie trame régulière et hiérarchisée de centres a-t-il encore un sens, ou bien faut-il privilégier le développement des grandes régions urbaines, qui paraissent mieux correspondre aux besoins actuels des populations et des activés? Mais la diversité des tailles de villes pourrait aussi être considérée comme une propriété indispensable, qui autorise l'adaptabilité d'un système de villes à l'imprévisibilité des changements. A cet égard, les, discussions sur le degré d'optimalité des organisations urbaines dans l'Europe actuelle, entre le modèle "parisien" centralisé, et le modèle "rhénan" (Juillard, Nonn, 1976) moins hiérarchisé, illustrent notre relative ignorance quant à la meilleure façon de gérer et d'encadrer un territoire à travers un système de peuplement, ce que Henri Reymond appelle le "savoir habiter". La notion de réseau de villes, développée par la DATAR, aborde la question à l'échelon des villes moyennes: il s'agit de prendre la mesure des nouveaux espaces de proximité, que les facilités de communication ont élargis au diamètre d'une centaine de kilomètres, et qui intègrent donc dans les territoires de la vie quotidienne plusieurs villes, autrefois autonomes et concurrentes, qu'il s'agit aujourd'hui de rendre interdépendantes et complémentaires. métropoles, mégapoles, mégalopoles Le concept de métropole (au sens premier, ville mère, fondatrice de colonies) est employé le plus souvent pour désigner la principale ville d'une région, polarisant la vie de relation, c'est une capitale économique et administrative: "la région géographique se définit, en économie avancée, comme la zone de rayonnement et de structuration spatiale d'une ville, la métropole régionale, qui concentre le commerce de collecte et de distribution domicilie ou transmet les initiatives, administre au sens strict et au sens économique du terme" (George, 1959, p.181). En France, les grandes études des années 1960 sur l'armature urbaine ont abouti à la définition de "métropoles d'équilibre" qui devaient faire contrepoids à Paris en province et animer la vie régionale. M. C. Robic (1989) montre comment s'est réalisée, à peu près vers cette époque, une inversion des valeurs à l'égard des grandes villes, de la "ville tentaculaire décriée" à la "technopole triomphante". Elle suggère que "l'homophonie a favorisé la confusion sémantique entre pôle et métropole" (p.82), entre pôle (de polein, tourner, d'où polarisation et technopôle) et le radical pole (lui-même dédoublé en polis, la ville, et pôlein, d'où le monopole et éventuellement le technopole). R. Brunet exploite une autre possibilité de confusion sémantique en proposant le néologisme "Europole", construit sur eurein (inventer), et sur polis, à propos de Montpellier (1988). La référence par rapport à laquelle se définissent aujourd'hui les métropoles tend en effet à se détacher d'une aire d'influence régionale, et l'accent est plutôt mis sur leur appartenance au niveau supérieur d'un réseau urbain national ou supranational. Dès les années 1960, la pertinence d'une conception métropolitaine fondée sur des rapports ville-campagne avait été mise en doute, au nom d'une organisation par des réseaux plus complexes et de plus longue portée: "pour interpréter toute ville, il ne suffit plus de la replacer dans son réseau régional; il faut saisir les liens de structure qui subordonnent celui-ci à une unité plus vaste constituée par l'État ou par la zone d'influence de quelques grands trusts" (Rochefort, 1960, p.341, cité par Robic, 1989). Le terme de "mégalopole" a été proposé par J. Gottmann (1961) pour désigner la conurbation de la côte est des Etats-Unis. A la suite d'E. Juillard, R. Brunet (1992) propose de réserver l'emploi de ce terme pour désigner les conurbations polynucléaires géantes, les trois principales dans le monde étant, outre celle centrée sur New York et Philadelphie, celle du Japon autour de Tokyo et celle de l'Europe rhénane. La notion de "mégapole", plus floue, pourrait désigner les très grandes villes, concentrant plus de dix millions d'habitants. Il en existe actuellement une quinzaine dans le monde. les métropoles, universelles et relatives Dans beaucoup de systèmes urbains, la taille des plus grandes villes apparaît comme une anomalie, que décrivent mal des modèles comme celui de la loi rang-taille par exemple. Jefferson, en 1939, identifiait comme villes primatiales les têtes des réseaux urbains nationaux dépassant très largement par leur taille les autres villes du système. Il interprétait ce sur-dimensionnement des très grandes villes, par rapport aux systèmes de villes dont elles sont la tête, par l'extension plus large de leur réseau de relation, qui dépasse le cadre de leur territoire. En 1990, près des trois quarts des pays du Monde ont un coefficient de primatie, (rapport entre la population de la première et de la deuxième ville) supérieur à 2, ce qui montre que la primatie est une règle générale dans les systèmes urbains (Moriconi, 1993). Cette règle indique que sur le long terme, des villes ont accumulé de la population à un rythme supérieur à celui des autres villes du territoire auquel elles appartiennent. Dans une théorie évolutive des systèmes urbains (Pumain, 1991), cette observation peut s'interpréter à partir d'une discontinuité dans la portée des relations qu'entretiennent ces grandes villes, souvent capitales économiques ou politiques, ouvrent un territoire sur l'extérieur et mettent en communication des systèmes de villes différents. F. Moriconi a systématisé ces observations, en proposant de ne pas limiter la notion de métropole à une seule ville de taille "anormale", car la macrocéphalie peut être aussi une polycéphalie: par exemple, il y avait en Autralie en 1950 deux métropoles qui se détachaient nettement par leur dimension du reste du réseau des villes, mais en 1990, ce sont les cinq plus grandes villes qui constituent 1"'oligarchie" caractéristique de l'urbanisation de ce pays. Ainsi, c'est la discontinuité majeure observée dans la progression géométrique liant entre elles les tailles des villes (la "loi rang-taille"), qui pour cet auteur permet d'identifier le niveau des métropoles dans un système urbain. Cette discontinuité principale n'est pas toujours observée entre la première et la deuxième ville, elle existe parfois entre les villes de rang 2 et 3 ou plus loin dans la distribution, mais n'apparaît jamais, quel que soit le pays du monde, au-delà de la huitième ville. En 1990, 94% des pays avaient ainsi un système urbain "macrocéphale". Cette formule implique que le poids des métropoles est proportionnellement plus important dans les petits pays, ou dans les territoires encore peu urbanisés. L'auteur explique cette "loi de la relativité des métropoles" (Moriconi, 1993), par le rôle des grandes villes dans la mise en connexité des systèmes territoriaux, le degré d'ouverture externe de ces systèmes dépendant de leur dimension: plus un système est grand, et plus il peut se permettre d'être relativement fermé par rapport à l'extérieur. Ces observations éclairent les processus contemporains d'évolution des grandes villes. Avec l'élargissement de la portée des échanges et la multiplication des réseaux, la métropolisation tend à progresser, mais dans le même temps l'accroissement de l'intégration interne des systèmes de villes et l'ouverture accrue de chaque ville sur les flux mondiaux, tend à réduire le privilège des métropoles. Aujourd'hui, la croissance des grandes villes, si elle demeure plus régulière que celle des autres villes, est devenue moins rapide. La part de population urbaine vivant dans les plus grandes villes tendrait à diminuer régulièrement, on n'observe qu'elle augmente que parce que le nombre de ces grandes villes progresse dans le monde, par franchissement du seuil de taille qui définit cette catégorie. 5 Fractalité des structures urbaines et territoire En absorbant la quasi-totalité des populations rurales, en brouillant les limites des villes par les extensions péri-urbaines, l'urbanisation a enlevé de sa signification au concept de ville, et de la clarté aux rapports que les villes ont avec le territoire. Les théories de la "contre-urbanisation" Berry, 1976), en partie contredites par les évolutions récentes (Champion, 1989 montrent l'intérêt d'observer les processus simultanément à plusieurs échelles territoriales, sans confondre les tendances parfois contradictoires qui s'y expriment. De nouveaux outils de description des formes, comme les fractales, sont peut être des instruments adaptés à une analyse fine de la dynamique des structures du peuplement (Le Bras, 1993). La question du rapport des villes au territoire semble dominée par celle de la vitesse et de la portée des échanges et des communications. A l'intérieur des villes, l'effet de la contrainte imposée par les moyens de communications disponibles à une époque donnée est cependant différent de ce qui est observé à l'échelle inter-urbaine. La majorité des communications intra-urbaines s'inscrivent dans une limite de temps, du temps humain, qui est aussi un temps physique, terrestre, de la journée de 24 heures. Cet invariant contraint très fortement l'organisation des villes considérées en tant que systèmes d'habitat. Il a conditionné historiquement la forme des villes, avec une succession d'extensions le long des axes de transport, et de phases de remplissage qui étendent la ville par proximité, avec l'avantage de réduire les coûts d'infrastructure. P. Frankhauser (1993) a identifié trois aspects de ce processus de croissance qui conduisent à des structures fractales du bâti urbain: la desserte par les voies de circulation, la croissance polycentrique et la préservation des espaces libres. La ville est un objet fractal quand sa fragmentation résulte d'un processus contradictoire combinant tendance à la compacité et extension linéaire, ou tendance à l'expansion et blocage de l'urbanisation en certains lieux comme les espaces verts. A cet égard, la disparition des enceintes a représenté une césure majeure dans l'histoire des villes. Dans les villes de développement plus récent, comme les villes américaines et australiennes, la dimension fractale est plus élevée, proche de deux, elle traduit une hiérarchisation moindre, une plus grande uniformité de la dilution du bâti que dans les villes des vieux continents (Frankhauser, 1993). Là encore, on peut se demander où est l'avenir des villes, en terme de formes spatiales. Entre une "Ville-banlieue" comme Sydney et la stricte, bien qu'aléatoire, organisation hiérarchisée des tissus urbains hérités, quel est le modèle vers lequel tendent les régions urbaines? Certains considèrent, plus ou moins explicitement, que les villes des Etats-Unis représentent la forme de l'urbanisation actuellement la plus avancée et que le développement urbain doit emprunter partout la même voie. Ils prédisent la poursuite voire l'accélération des tendances à la déconcentration urbaine, et à l'urbanisation diffuse de vastes portions de territoire. Mais d'autres soulignent au contraire la pluralité des formes d'urbanisation possibles, et la nécessité de n'interpréter le devenir des villes qu'en intégrant la totalité de leur trajectoire, beaucoup plus loin dans le passé. Le modèle des villes anciennes, avec sa très longue histoire, ne passerait pas nécessairement par les mêmes formes et ne se rapprocherait pas de celles de l'urbanisation américaine. Même si les formes de la mobilité spatiale contraignent très fortement la forme des villes et leur répartition sur le territoire, le fonctionnement technique de la centralité n'est pas seul en cause dans les rapports entre ville et territoire. Interviennent aussi les valeurs attribuées au patrimoine urbain, à la distinction sociale attachée au lieu de résidence, et toute la dimension symbolique du concept de la ville que redécouvrent aujourd'hui ceux qui se préoccupent de l'image des villes. 1 Références Allix 1935, Doublets de villes dans le bassin du Rhône. 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