Des vaches holsteins rouge et blanc chez vous? Pourquoi pas?

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Des vaches holsteins rouge et blanc chez vous? Pourquoi pas?
GÉNÉTIQUE
Par GENEVIÈVE DROLET, agronome,
conseillère pour le territoire Centre,
responsable technique service-conseil,
Holstein Québec
Des vaches
holsteins rouge et
blanc chez vous?
Pourquoi pas?
Holstein fait souvent penser à noir et blanc,
mais il y a aussi rouge et blanc.
Peu importe l’aspect de sa vie, il
arrive toujours un moment où l’on se
remet en question; on s’arrête, puis
on analyse. Les propriétaires d’entreprises laitières n’y échappent pas.
Quels seront les investissements à faire
pour les prochaines années? Faudrat-il intégrer de la relève prochainement? Les revenus seront-ils suffisants
pour mener à bien les projets? Quels
aspects de l’entreprise est-il possible
d’améliorer? Quelles sont nos tâches
préférées sur la ferme? Quels sont les
défis à relever? Pour certains producteurs laitiers, la réponse à plusieurs de
ces questions est la même: élever des
holsteins rouge et blanc!
Pourquoi certains producteurs laitiers décident-ils d’élever des sujets
rouge et blanc? Pour l’originalité, pour
la diversité que ça apporte dans le trou-
peau, pour le défi d’obtenir
un sujet rouge et blanc
issu d’un croisement. Un
défi, parce que ce gène
étant récessif, pour avoir
une génisse rouge et blanc, on doit
d’abord posséder un animal porteur
du facteur rouge (*RDC). Ensuite, on
inséminera cet animal avec un taureau
également porteur ou rouge et blanc
(R & B) et neuf mois plus tard, on verra
ce que le fruit du hasard aura décidé
pour la couleur du pelage de la progéniture (tableau 1). Et encore faut-il que
ce soit une génisse!
Lorsqu’un producteur laitier obtient
un sujet rouge dans l’étable, la suite
logique est d’améliorer la progéniture et de recourir aux taureaux les
plus complets pour créer les meilleurs croisements. Plusieurs n’hésitent
pas à choisir les meilleurs taureaux
R & B en conformation dans le but
de générer un revenu provenant de
la vente d’animaux. En effet,
dès qu’on possède un
animal d’exception,
il attire automatiquement l’intérêt
de plusieurs
autres éleveurs.
Deux choix sont
alors possibles :
vendre l’animal
ou l’exploiter et
vendre sa progéniture. Dans
les deux cas, l’éleveur retirera
des revenus intéressants qui
pourront être investis dans son
entreprise. Depuis plusieurs
années, le marché des animaux
R & B s’est forgé une place dans
l’industrie, autant au Québec qu’à
l’international. En effet, lors de ventes
TABLEAU 1 – PROBABILITÉ
D’OBTENIR UN ANIMAL R & B LORS
D’UN ACCOUPLEMENT
Vache N & B
(*RDC)
Vache R & B
TAUREAU
N&B
(*RDC)
TAUREAU
R&B
25 %
50 %
50 %
100 %
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GÉNÉTIQUE
activité tout appropriée. On apprend
à travailler avec notre animal, à l’observer, à ajuster son alimentation, à le
préparer pour qu’il soit à son meilleur.
Le Québec présente trois jugements
R & B d’envergure provinciale, soit au
printemps, à l’été et à l’automne, en
plus de deux jugements régionaux qui
récompensent les meilleurs individus
R & B. Jusqu’à 90 sujets par jugement
sont exposés année après année. À
cette occasion, les animaux les mieux
conformés paradent ensemble, les uns
contre les autres. Rien de mieux pour
comparer les animaux similaires sur
le marché, d’autant plus que la valeur
de l’animal peut augmenter de façon
considérable lorsque de bons résultats
sont obtenus.
LA GÉNOMIQUE
organisées, on retrouve, pratiquement
en tout temps, des lots provenant de
familles R & B, signe qu’il y a plusieurs
intéressés pour cette génétique.
Par contre, élever un animal d’exception ne se fait pas si facilement.
La clé du succès se trouve dans la
qualité du croisement et les efforts
déployés pour le développement
maximal de l’animal. Les petites attentions quotidiennes portées à l’animal
en question, comme à l’ensemble du
troupeau, seront récompensées tôt
ou tard. Alimentation équilibrée en
fonction des besoins, confort idéal,
exercice, taillage des sabots et soins
vétérinaires ne sont que des exemples
de soins obligatoires à apporter à un
animal pour qu’il grandisse et se développe au maximum. Quand tous les éléments de l’environnement idéal sont
réunis, l’animal ne peut qu’exprimer
son plein potentiel génétique.
Lorsqu’on réussit à élever des
sujets R & B avec lesquels on aime
travailler, il est normal de chercher à
les multiplier. Selon Holstein Canada,
le Québec compte 13 troupeaux possédant plus de 40 % d’individus holsteins
R & B alors qu’ailleurs au Canada, on
en trouve 37. Les propriétaires de ces
troupeaux ont choisi de se démarquer et de se différencier de cette
façon. Qu’est-ce qui les caractérise?
Ils connaissent par cœur les forces
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et faiblesses des taureaux à utiliser
et suivent les tendances du marché.
Ils exploitent des meilleures familles
R & B. Ils possèdent une banque d’animaux R & B assez importante pour
satisfaire la demande des producteurs
laitiers qui veulent en acquérir. Bref,
ils deviennent LA référence pour ceux
qui désirent développer cet aspect de
leur entreprise.
Ces producteurs laitiers se sont
différenciés pour aller chercher une
valeur ajoutée à leur entreprise, un
revenu supplémentaire au lait qu’ils
produisent quotidiennement. Ils ne
font pas que traire des vaches, ils
exploitent également la diversité génétique que peut offrir la race holstein.
Cette diversité ne s’arrête pas seulement à la couleur du pelage : un
producteur laitier peut sélectionner en
fonction de trois autres spécialités, soit
les expositions, les indices génétiques
et le gène acère (sans corne). Tout ça
dans le but d’augmenter la valeur de
ses animaux R & B.
SE COMPARER PARMI
LES MEILLEURS
Donner naissance à des holsteins
R & B représente un certain défi, car
le hasard entre en jeu. Mais lorsqu’on
a encore plus le goût du dépassement,
participer à un jugement dans le cadre
d’une exposition agricole s’avère une
Un 2e marché qui peut être visé
par les mordus des R & B est celui
des hauts indices génétiques. Depuis
l’arrivée de la génomique dans les évaluations génétiques en 2009, l’élevage
d’un sujet avec de hauts indices génétiques connait un véritable engouement. Depuis longtemps, l’industrie
laitière canadienne prône l’exploitation
d’animaux rentables en publiant, pour
chacun d’eux, un indice de profit à vie.
Plus l’indice de profit à vie génomique
(IPVG) d’un animal est élevé, plus ce
dernier possède le potentiel de transmettre les qualités souhaitées dans la
race, et plus l’animal sera rentable. On
considère que pour chaque 100 points
d’IPVG supplémentaires, une vache au
3e vêlage sera plus profitable qu’une
autre de 100 $ (Réseau laitier canadien, 2014).
Ainsi, lorsqu’un producteur laitier
possède un animal R & B présentant
un IPVG élevé, il n’en faut pas plus
pour que les centres d’insémination et
les autres producteurs démontrent de
l’intérêt. Des contrats de taureaux ou
d’embryons sont alors signés avec le
propriétaire de l’animal. Les montants
transigés sont très variables, selon
les atouts de l’animal concerné, la
qualité de sa généalogie, les taureaux
de l’heure, etc. Ces contrats peuvent
devenir très lucratifs lorsque l’animal
répond bien au transfert embryonnaire
ou à la fécondation in vitro. Au Québec,
les meilleurs sujets R & B en IPV ont
une moyenne de parents génomique
(MPG) d’environ 3 000.
LE GÈNE ACÈRE
Chez les producteurs les plus avantgardistes, la tendance est actuellement pour un intérêt encore plus
particulier. En effet, le gène acère ou
« sans corne » gagne en popularité
chez plusieurs troupeaux du Québec
et d’ailleurs. Ce gène est dominant, ce
qui le rend d’autant plus intéressant.
Ainsi, dès qu’une copie du gène est
transmise à la progéniture, l’animal
nait sans corne, contrairement au gène
rouge et blanc, où les deux parents
doivent transmettre le gène pour que
l’animal soit R & B.
Plusieurs bénéfices découlent de
la naissance d’une génisse acère. En
matière de bien-être animal, il est
évident que de ne pas avoir à bruler
les cornes représente un net avantage. D’abord, il faut considérer les
frais de vétérinaires réduits et l’économie de temps du producteur relié à
cette pratique. Ensuite, on sait que le
stress peut entrainer plusieurs effets
néfastes chez le veau qui doit se faire
bruler les cornes. En évitant cette
étape, le développement de la génisse
n’est pas perturbé par cette forme de
stress.
Il existe sur le marché quelques
familles de vaches R & B acères de
même que plusieurs taureaux RDC
ou R & B, également acères. Cette
spécialisation est un peu plus à la
mode chez les R & B en raison de la
plus grande disponibilité des taureaux
qui possèdent les deux atouts. En
effet, au Canada, 0,91 % des sujets
holsteins rouge et blanc sont porteurs
du gène acère, alors que chez les
holsteins noir et blanc, ce sont 0,09 %
des individus qui possèdent ce gène
(Holstein Canada, 2013). Les centres
d’insémination recherchent de plus
en plus des opportunités d’acquérir
des taureaux acères, voilà donc une
autre occasion de faire fructifier son
élevage lorsqu’on possède une famille
de vaches R & B acères avec de hauts
indices génétiques.
Pour être sûr de réussir et d’en retirer
le maximum selon vos objectifs,
consultez des magazines spécialisés
dans ce domaine et ciblez les familles
de vaches porteuses de ce gène.
Plusieurs revues ont un numéro spécial sur les rouge et blanc une fois par
année. Visitez des sites web qui font la
promotion de ce marché et tenez-vous
au courant des taureaux de l’heure.
Visitez des élevages reconnus pour ce
créneau et posez des questions. Les
propriétaires de troupeaux R & B se
feront un plaisir de vous en apprendre
davantage. Finalement, souhaitez que
la chance tourne de votre côté pour
vous donner de belles holsteins rouge
et blanc! Et pourquoi pas? n
ÇA VOUS INTÉRESSE?
Que ce soit pour le plaisir de la
traire, pour se tailler une place dans
les expositions, pour s’amuser avec
le marché de la génomique ou simplement pour avoir des veaux sans
cornes, l’idée de posséder une holstein
R & B vaut la peine d’être explorée.
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