Cession de cabinet d`avocat et obligation de non

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Cession de cabinet d`avocat et obligation de non
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Cession de cabinet d’avocat et obligation de
non-concurrence
le 13 février 2015
AVOCAT | Gestion et comptabilité du cabinet | Organisation du cabinet
La cour d’appel de Rennes a jugé qu’un avocat qui avait cédé les parts de son cabinet à un
successeur n’avait pas respecté l’obligation de non-concurrence qu’il avait souscrite en conservant
une partie de la clientèle.
Rennes, 27 janv. 2015, n° 13/09002
L’affaire était compliquée et impliquait plusieurs protocoles de cession successifs, mais aussi une
scission du cabinet cédé, en raison d’une mésentente entre associés. De nombreux tiers étaient
intervenus, notamment un expert-comptable et un détective privé. À l’origine, un avocat au
barreau de Rennes était convenu, avec un confrère, de lui céder ses parts au sein d’une SELARL
d’avocats qui comptait plusieurs associés et de cesser son activité d’avocat.
Plusieurs protocoles successifs
À cette fin, cédant et cessionnaire ont constitué ensemble une société de participation financière
des professions libérales (SPFPL), qui a acquis 200 parts de la SELARL. Le cessionnaire a ensuite
transféré ses parts de SPFPL à une EURL dont il était l’associé et a été nommé cogérant de la
SELARL. En raison de difficultés entre associés et plusieurs protocoles successifs ont annulé, puis
remplacé les précédents. Aux termes du dernier en date, signé sous l’égide du bâtonnier et après
expertise, le prix du retrait de l’avocat cédant de la SELARL a été fixé. Le cédant s’était engagé à
présenter ses clients au cessionnaire dès la signature du protocole, à cesser son activité d’avocat
dès le paiement du prix et à respecter pendant deux ans, une obligation de non-concurrence en
s’interdisant « sous une forme ou sous une autre, directement ou indirectement de conseiller,
d’assister ou de représenter des clients du cabinet ».
Action du cessionnaire
Le cessionnaire, qui s’était rendu compte que certains des clients du cabinet étaient encore
conseillés par le cédant, a saisi le bâtonnier d’une demande d’indemnisation à l’encontre du
cédant. Le bâtonnier a statué sur ses demandes, l’en déboutant en considérant que l’avocat cédant
avait exécuté les obligations mises à sa charge par le dernier protocole d’accord signé entre les
parties. L’avocat cessionnaire a fait appel. Il agissait en son nom propre, au nom de la SPFPL, ainsi
qu’au nom de la SELARL. La cour a considéré que le cessionnaire, en son nom propre, était
dépourvu d’intérêt et de qualité à agir en réparation du préjudice causé par les fautes commises
par le cédant, seule la SELARL ayant subi un préjudice. En revanche l’avocat, en son nom propre,
pouvait solliciter l’indemnisation du préjudice moral, d’image et de notoriété causé par l’attitude de
son confrère.
Non respect avéré des obligations du cédant
La cour a relevé qu’alors qu’il s’était engagé à cesser son activité d’avocat, le cédant était toujours
inscrit dans l’annuaire des avocats de Rennes postérieurement à la conclusion du protocole
d’accord. Il a même continué à exercer au sein du cabinet, comme en témoigne un état de frais
indiquant qu’il a perçu des rémunérations sur la période considérée. Il ne pouvait s’agir, comme
l’affirmait le cédant, de remboursements de compte courant d’associé. La cour a jugé que ces
éléments corroboraient ceux qui figuraient dans l’enquête privée réalisée à la demande du
cessionnaire, qui faisait apparaître que le cédant était présent dans les locaux d’un cabinet
d’avocats et assistait à des rendez-vous d’affaires en compagnie d’un collaborateur. La cour a noté,
par ailleurs, que le cédant a créé une société de conseil, dont il était le seul associé et qui était
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présidée par son épouse. Cette société conseillait plusieurs sociétés, qui avaient, avant la cession,
été facturées comme clients de la SELARL d’avocats. Ces sociétés avaient fourni des attestations
indiquant qu’ils ne souhaitaient pas travailler avec le cédant.
Cependant, si la cour a considéré que l’obligation de présentation de la clientèle n’emportait pas
celle du maintien de la clientèle, le cédant devait cependant remplir loyalement les obligations qu’il
a souscrites. Tel n’était pas le cas en l’espèce, le cédant ayant continué à suivre des clients du
cabinet en cours et finalisé des dossiers « à fort enjeu financier » après la cession, sans
l’autorisation du cessionnaire. Il a continué son activité d’avocat et conseillé d’anciens clients,
contrairement aux engagements souscrits dans le protocole d’accord. La cour d’appel a considéré
qu’il s’agit là de manquements graves et répétés. Une expertise a été ordonnée afin d’évaluer les
conséquences financières de ces manquements et les préjudices subis, à la fois par la SELARL et
par le cédant, en son nom propre.
par Anne Portmann
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