CANADA COUR SUPÉRIEURE (Chambre civile)

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CANADA COUR SUPÉRIEURE (Chambre civile)
CANADA
COUR SUPÉRIEURE
(Chambre civile)
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
No : 500-17-082216-147
DALILA AWADA
Demanderesse
c.
LA SOCIÉTÉ DES AMIS DE VIGILE.NET
Et
LOUISE MAILLOUX
Et
PHILIPPE MAGNAN
Défendeurs
PLAN D’ARGUMENTATION DE LA DÉFENDERESSE LA SOCIÉTÉ DES AMIS DE
VIGILE.NET SUR LA REQUÊTE EN REJET SELON ART. 46 ET 54.1 C.P.C.
1. La procédure abusive ou poursuite bâillon :
a. Art. 54.1 ss C.p.c.
DU POUVOIR DE SANCTIONNER LES ABUS DE LA PROCÉDURE
« La présente section a été insérée par l'article 2 du chapitre 12 des
lois de 2009 (Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir
l'utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté
d'expression et la participation des citoyens aux débats publics). Le
préambule de cette loi se lit ainsi:
«CONSIDÉRANT l'importance de favoriser le respect de la liberté
d'expression consacrée dans la Charte des droits et libertés de la
personne;
«CONSIDÉRANT l'importance de prévenir l'utilisation abusive des
tribunaux, notamment pour empêcher qu'ils ne soient utilisés pour
limiter le droit des citoyens de participer à des débats publics;
1
«CONSIDÉRANT l'importance de favoriser l'accès à la justice pour
tous les citoyens et de veiller à favoriser un meilleur équilibre dans les
forces économiques des parties à une action en justice;».
« 54.1. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même
d'office après avoir entendu les parties sur le point, déclarer qu'une
demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif et
prononcer une sanction contre la partie qui agit de manière abusive.
L'abus peut résulter d'une demande en justice ou d'un acte de
procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d'un
comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de la
mauvaise foi, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou
déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du
détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de
limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats
publics. »
2009, c. 12, a. 2.
« 54.2. Si une partie établit sommairement que la demande en justice
ou l'acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui
l'introduit de démontrer que son geste n'est pas exercé de manière
excessive ou déraisonnable et se justifie en droit.
La requête visant à faire rejeter la demande en justice en raison de son
caractère abusif est, en première instance, présentée à titre de moyen
préliminaire. »
2009, c. 12, a. 2.
54.3. Le tribunal peut, dans un cas d'abus, rejeter la demande en
justice ou l'acte de procédure, supprimer une conclusion ou en exiger
la modification, refuser un interrogatoire ou y mettre fin ou annuler le
bref d'assignation d'un témoin.
Dans un tel cas ou lorsqu'il paraît y avoir un abus, le tribunal peut, s'il
l'estime approprié:
1° assujettir la poursuite de la demande en justice ou l'acte de
procédure à certaines conditions;
2° requérir des engagements de la partie concernée quant à la bonne
marche de l'instance;
2
3° suspendre l'instance pour la période qu'il fixe;
4° recommander au juge en chef d'ordonner une gestion particulière
de l'instance;
5° ordonner à la partie qui a introduit la demande en justice ou l'acte
de procédure de verser à l'autre partie, sous peine de rejet de la
demande ou de l'acte, une provision pour les frais de l'instance, si les
circonstances le justifient et s'il constate que sans cette aide cette
partie risque de se retrouver dans une situation économique telle
qu'elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.
2009, c. 12, a. 2.
« 54.4. Le tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif d'une
demande en justice ou d'un acte de procédure, ordonner, le cas
échéant, le remboursement de la provision versée pour les frais de
l'instance, condamner une partie à payer, outre les dépens, des
dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre
partie, notamment pour compenser les honoraires et débours
extrajudiciaires que celle-ci a engagés ou, si les circonstances le
justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs.
Si le montant des dommages-intérêts n'est pas admis ou ne peut être
établi aisément au moment de la déclaration d'abus, il peut en décider
sommairement dans le délai et sous les conditions qu'il détermine. »
2009, c. 12, a. 2.
b. Art. 46 C.p.c. : Pouvoir inhérent de la Cour supérieure
« 46. Les tribunaux et les juges ont tous les pouvoirs nécessaires à
l'exercice de leur compétence.
Ils peuvent, en tout temps et en toutes matières, tant en première
instance qu'en appel, prononcer des ordonnances de sauvegarde des
droits des parties, pour le temps et aux conditions qu'ils déterminent.
De plus, ils peuvent, dans les affaires dont ils sont saisis, prononcer,
même d'office, des injonctions ou des réprimandes, supprimer des
écrits ou les déclarer calomnieux, et rendre toutes ordonnances
appropriées pour pourvoir aux cas où la loi n'a pas prévu de remède
spécifique. »
1965 (1re sess.), c. 80, a. 46; 1992, c. 57, a. 422; 2002, c. 7, a. 7.
3
c. La liberté d’expression et le droit de participer aux débats publics
« La liberté d’expression comprend le droit d’exprimer tout message
politique, économique, artistique, social. Selon la Cour suprême du
Canada, « la liberté d’expression a été consacrée par notre Constitution
et est garantie dans la Charte québécoise pour assurer que chacun
puisse manifester ses pensées, ses opinions, ses croyances, en fait,
toutes les expressions du coeur ou de l’esprit, aussi impopulaires,
déplaisantes ou contestataires soient-elles». Même des propos
diffamatoires « d’une virulence malsaine » sont permis dans une société
libre et démocratique .
Cette liberté comprend également le droit à l’information et la liberté de
presse. Brimer la liberté d’expression des groupes de pression et des
individus engagés socialement implique donc aussi une atteinte au droit
du public d’être informé et de se forger une opinion critique, libre et
éclairée, sur un sujet donné. La démocratie repose sur la libre
circulation de l’information, même celle en dehors du courant dominant.
Les poursuites bâillons ont un « chilling effect », un effet refroidissant,
susceptible d’écarter des citoyens de la prise de décisions collectives et
d’entraîner une régression majeure du principe de la démocratie
participative.
Ces poursuites soulèvent un grave problème d’instrumentalisation du
système judiciaire. Ces poursuites stratégiques constituent un
détournement des fins de la justice en vue de restreindre l’exercice de
droits constitutionnels, la liberté d’expression et la liberté
d’association. »
Onglet 1 Lucie LEMONDE et Marie Claude P. BÉLAIR, Premières
interprétations des nouvelles dispositions sur les poursuites abusives et les
poursuites bâillons: la confusion des genres, La Revue du Barreau, tome 70
2. Le Contexte :
a. La demanderesse participe au débat public sur le projet de loi 60 et se
prononce contre l’interdiction du port de signes religieux (RII par.2). Elle
porte elle-même un voile comme couvre-chef, qui peut être identifié comme
étant un signe religieux, un hijab, un foulard, un voile islamique (DV-4 pp 57);
b. La défenderesse Vigile est un journal de presse électronique publié sur
Internet et qui bénéficie de la liberté de presse garantie par les Chartes
canadienne et québécoise (Pièce Dv-1);
4
c. La demanderesse a fait de nombreuses interventions dans les medias sur sa
position contre l’interdiction du port de signes religieux de février 2012 à avril
2014 (pièce DV-3)
d. La demanderesse reproche à Vigile la publication des articles suivants :



par.8 RII: l’article P-3 concernant la vidéo # 1 (P-2), publié le 2
octobre 2013 informe le lecteur des faits relatés dans le
reportage de la vidéo #1 en relation avec le titre « Ce qu’elle
ne nous a pas tout dit à « Tout le monde en parle »
L’article contient des hyperliens qui permettent de visionner la
video # 1 sur d’autres sites Internet comme YouTube.
par. 9 RII: l’article P-4 écrit par Richard LeHir le 30 décembre
2013 indiquant que la présence de la vidéo # 1 a créé une
affluence record sur le site de Vigile.
par. 35 RII:
o L’article P-20 écrit par Robert Barberis-Gervais, publié
le 30 septembre 2013 sur Vigile. L’auteur conclut que
le voile de la demanderesse fait partie de sa garderobe et qu’on est loin de l’intégrisme islamiste, ce qui à
son avis, est une autre forme de manipulation.
o
L’article paru initialement dans le Huffington Post le 13
octobre 2013 (et encore en ligne) écrit par O. Kaestlé :
« Féminisme islamique : quand le masque tombe le
hijab reste » repris sur Vigile, mais dont la
demanderesse ne se rappelle pas du contenu (DV-4 p.
64)
o
L’article P-10 publié sur le site www.postedeveille.ca le
16 janvier 2014 et repris sur Vigile (P-10A) : « Pourquoi
Amir Khadir s’allie-t-il avec des Khomeinistes? »
o
L’article P-21 écrit par O. Kaestlé et publié le 30 mars
2014 sur Vigile : « Les islamistes félicitent déjà
Couillard »
3. Le déroulement des procédures :
a. Aucune mise en demeure préalable ni demande de rétractation ou de
rectification à Vigile avant la signification de la RII.
b. La RII a été signifiée le 2 mai 2014 pour se plaindre des écrits publiés par
Vigile le 2 octobre 2013 (par. 8) et les 16 septembre 2013, 16 janvier 2014 et
30 mars 2014 (par. 35).
5
c. Présentation de la demande de précisions par Vigile le 4 juin 2014;
d. Jugement sur les précisions le 31 octobre 2014 :

Précisions au paragraphe 37 :
o n’indiquent aucun article de Mailloux publié par Vigile;
o n’indiquent aucune article publié par Vigile qui contiendrait
des propos de Mailloux;
o n’indiquent pas quels sont les propos diffamatoires
reprochés pour relier les trois défendeurs et rechercher
une condamnation solidaire
e. Interrogatoire avant défense le 3 décembre 2014 (pièce DV-4);
f.
Signification le 21 janvier 2015 de la requête en rejet par Vigile;
g. Défenses et demandes reconventionnelles des défendeurs Magnan et
Mailloux les 27 et 28 janvier 2015.
h. Suspension des procédures ordonnées le 30 janvier 2015 jusqu’à jugement
sur la requête en rejet;
4. La requête en rejet de la RII en vertu de l’art. 54.1 C.p.c.
a. À tout moment et sommairement
« [35] La solution du législateur a été de créer une procédure
d’intervention du tribunal qui comporte trois aspects innovateurs :
- l’intervention est possible « à tout moment », donc dès le début d’un
procès, aussitôt l’action signifiée (art. 54.1);
- le poursuivi n’a qu’à établir « sommairement » que l’action « peut
constituer un abus » pour obliger alors le poursuivant « à démontrer
que son geste n’est pas exercé de manière excessive ou
déraisonnable et se justifie en droit » (art. 54.2);
- le tribunal peut intervenir, bien sûr si c’est un cas patent d’abus, mais
encore, si tout simplement « il paraît y avoir abus » (art. 54.3). »
Onglet 2 Développements Cartier Avenue inc. c. Dalla Riva, 2012 QCCA
431 (CanLII)
« [16] Ces dispositions, en effet, sauf exception, sont applicables
aux instances introduites avant leur adoption [4] et l'article 54.1,
premier al.,C.p.c., énonce expressément que le tribunal peut agir « à
tout moment, sur demande et même d'office ». Cet énoncé, qui ne
comporte aucune ambiguïté, permet de rejeter à tout stade de
l'instance une action (ou une procédure) jugée abusive. Ce n'est pas
6
parce que le second alinéa de l'article 54.2 C.p.c. qualifie la requête
visant à faire rejeter la demande de « moyen préliminaire » que cela
fait échec à l'habilitation expresse que prévoit l'article 54.1 C.p.c. : le
tribunal peut, à tout moment, rejeter l'action, ce qui signifie qu'à tout
moment, une partie peut demander pareil rejet. »
Onglet 3 F.L. c. Marquette, 2012 QCCA 631 (CanLII)
b. Le tribunal doit faire un examen du dossier
« [19]
En l’espèce, le juge commet une erreur de droit en
appliquant à la demande provisionnelle la règle qui ne vaut qu’en
matière d’irrecevabilité, soit de tenir les faits allégués en demande
pour avérés. Ce serait même une erreur d’appliquer cette règle à
l’examen du moyen préliminaire car, là aussi, le juge ne peut se
contenter de tenir les faits allégués pour avérés, il doit approfondir
son examen et tenir compte de tout le dossier, incluant les allégations
de la requête pour rejet et les pièces produites à leur soutien. C’est à
partir de l’ensemble du portrait qu’il déterminera s’il y a abus ou
apparence d’abus. »
Onglet 4 Cooperstock c. United Air Lines Inc., 2013 QCCA 1670 (CanLII)
c. Il suffit que le recours paraisse abusif
« [58] Les mises en demeure des 8 et 23 décembre 2010 adressées
au journal Le Soleil et à Ugo Lapointe, non pas à la journaliste qui
aurait participé ou contribué à la diffamation reprochée, ne
demandent pas compensation, ces mises en demeure cherchent à
expliquer peut-être, mais surtout à justifier l'opinion de Pétrolia sur les
enjeux du débat public en cours et à faire taire l'opinion contraire. »
« [61] En outre, l'engagement pris par Pétrolia à sa Requête de
remettre à un organisme sans but lucratif toutes sommes perçues est
fort louable mais révèle une absence de dommage, sauf peut-être ce
qui est prétendu comme étant des dommages moraux. »
Onglet 5 3834310 Canada inc. c. Pétrolia inc., 2011 QCCS 4014 (CanLII)
d. Une poursuite peut être abusive sans être manifestement mal fondée
« [92] L’utilisation par le législateur des mots « aussi », « ou » et
« ou encore » laisse croire qu’il s’agit des sources d’abus qui ne sont
pas cumulatives. Chacune de ces sources représente une espèce
d’abus qui peut donner lieu au rejet de l'action. Donc, une poursuite
peut être abusive et rejetée sans être manifestement mal fondée. »
7
Onglet _6_ Thériault-Martel c. Savoie, 2013 QCCS 4280 (CanLII)
(permission d’appel refusée)
5. Les fondements de la requête en rejet présentée par Vigile
a. Vigile publie un journal électronique dont la liberté de presse est garantie par
les chartes canadienne et québécoise;
b. La RII est un acte de procédure abusif dirigé contre une entreprise
médiatique et résultant d’une demande manifestement mal fondée en faits et
en droit;
c. Les règles en matière de responsabilité civile pour diffamation contre un
organe de presse sont bien établies par la jurisprudence :
i. Les médias sont tenus à une obligation de diligence et de moyen :
« La faute ne se réduit pas à la seule publication d'une
information erronée. Elle se rattache à l'inexécution d'une
obligation de diligence ou de moyen, comme cela arrive
fréquemment en responsabilité professionnelle (voir, par
exemple: Roberge c. Bolduc, (1991) 1991 CanLII 83 (CSC), 1
R.C.S. 374, pp. 393 à 396, opinion de madame la juge
L'Heureux-Dubé). S'il y a atteinte à la réputation, cette atteinte
ne peut être source de responsabilité civile que lorsqu'elle est
fautive. Elle n'aura ce caractère que si l'on retrouve une violation
des standards professionnels de l'enquête et de l'activité
journalistique. On doit ainsi rechercher si les règles de prudence
normale dans l'exercice de cette activité ont été respectées par
les auteurs d'un reportage.
L'appréciation de la responsabilité d'une entreprise
médiatique ou de l'un de ses journalistes ne s'arrête pas à la
vérification, même minutieuse, de l'exactitude d'une information.
Paraît alors appropriée l'approche suggérée par N. Vallières
dans l'appréciation de la responsabilité des médias:
«Dans chaque cas concret, il s'agit de comparer la conduite de
l'auteur du dommage avec la description de ce modèle de
prudence. Les tribunaux devraient donc appliquer en matière
journalistique ce critère traditionnel d'habileté et de
prévoyance...» (N. Vallières, op. cit., p. 58) »
Onglet 7 Société Radio-Canada c. Radio Sept-îles inc., 1994 CanLII
5883 (QC CA)
8
Onglet 8 Gilles E. Néron Communication Marketing inc. c. Chambre
des notaires du Québec, [2004] 3 RCS 95, 2004 CSC 53 (CanLII)

La RII ne contient aucune allégation relative au défaut de Vigile
d’agir avec prudence dans la publication des articles mentionnés
aux paragraphes 8, 9 et 35.
ii. Les médias ont le droit de publier un commentaire loyal et honnête
« [47] Un commentaire ou une critique de bonne foi sur une
question d'intérêt public constitue une opinion qui, face à une
action en diffamation, peut faire l'objet de la défense de
commentaire loyal et honnête dont le but en droit est la
réfutation de la faute. Cette défense est donc l'une des
circonstances à prendre en considération dans l'appréciation de
l'existence d'une faute12.
[48] La défense du commentaire loyal et honnête doit satisfaire
à trois conditions :
1) l'existence d'un intérêt public dans la matière au sujet duquel
il s'exprime;
2) l'intention honnête de servir une cause juste;
3) une conclusion raisonnablement soutenable à l'égard des
faits rapportés13. Par essence, cette défense ne s'applique
qu'aux commentaires ».
Onglet 9 Fontaine c. Distribution Continental Inc., 2003 CanLII 39016
(QC CS)
 La demanderesse admet prendre position publiquement sur un
sujet d’intérêt public : le projet de loi 60, et faire l’objet de
commentaires péjoratifs sur sa démarche (Par. 2 et 35)
iii. Les commentaires politiques ne sont pas justiciables :
« [27] Certains politiciens et commentateurs politiques ne font
pas dans la dentelle, c'est un constat incontournable. Quoi que
les membres de la présente formation puissent penser des mots
utilisés dans le texte ci-haut, les tribunaux ne sont pas arbitres en
matière de courtoisie, de politesse et de bon goût. En
conséquence, il n'est pas souhaitable que les juges appliquent le
standard de leurs propres goûts pour bâillonner les
commentateurs puisque ce serait là marquer la fin de la critique
dans notre société.
…Ce serait un triste jour pour la liberté que celui où l'on
déciderait que les seuls commentaires admissibles pour
9
publication sont ceux avec lesquels les membres d'un jury ou le
président d'un Tribunal peuvent être d'accord. »
Onglet 10 Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal c. HervieuxPayette, 2002 CanLII 8266 (QC CA)
iv. La défense de commentaire loyal ne devrait pas comprendre une
croyance honnête à moins d’alléguer la malveillance :
« Juge Rothstein : Les propos en cause sont diffamatoires, mais
la défense de commentaire loyal s’applique. Pour bénéficier de
la défense de commentaire loyal, il n’est pas nécessaire de
prouver la croyance honnête objective. Le défendeur doit
seulement prouver que les propos en cause a) constituent un
commentaire, b) reposent sur des faits authentiques et c) portent
sur une question d’intérêt public. Or, ces éléments ont été
démontrés en l’espèce. Bien que la question de la malveillance
ne soit pas soulevée dans le pourvoi, il y a accord avec l’analyse
effectuée par le juge LeBel en ce qui a trait à la malveillance. »
Onglet 11 WIC Radio Ltd. c. Simpson, [2008] 2 RCS 420, 2008 CSC
40 (CanLII)
 Il n’y a aucune allégation de malveillance à l’égard de Vigile et la
bonne foi se présume toujours.
v. La présence d’un hyperlien dans un article publié dans un média n’est
pas assimilable à la diffusion de la vidéo #1 (pièce P-2) par Vigile :
« Les hyperliens constituent essentiellement des renvois, qui
diffèrent fondamentalement d’autres actes de « diffusion ». Tant
les hyperliens que les renvois signalent l’existence d’une
information sans toutefois en communiquer eux-mêmes le
contenu. Ils obligent le tiers qui souhaite prendre connaissance
du contenu à poser un certain acte avant de pouvoir le faire. Le
fait qu’il soit beaucoup plus facile d’accéder au contenu d’un
texte par le biais d’hyperliens que par des notes de bas de page
ne change rien au fait que l’hyperlien en luimême est neutre sur
le plan du contenu. En outre, le seul fait d’incorporer un hyperlien
dans un article ne confère pas à l’auteur de celui-ci un
quelconque contrôle sur le contenu de l’article secondaire auquel
il mène.
L’hyperlien, en lui-même, ne devrait jamais être assimilé à la «
diffusion » du contenu auquel il renvoie. Lorsqu’une personne se
rend, par le biais d’un hyperlien, à une source secondaire qui
contient des mots diffamatoires, c’est la personne même qui crée
10
ou affiche les mots diffamatoires dans le contenu secondaire qui
se trouve à diffuser le libelle. Ce n’est que lorsque la personne
qui crée l’hyperlien présente les propos auxquels ce dernier
renvoie d’une façon qui, en fait, répète le contenu diffamatoire,
que celui-ci doit être considéré comme ayant été « diffusé » par
elle. »
Onglet 12 Crookes c. Newton, [2011] 3 RCS 269, 2011 CSC 47
(CanLII)

L’hyperlien video dans l’article P-3 ne constitue pas de la
diffusion.
vi. La certitude judiciaire des faits n’est pas exigée des médias sur des
questions d’intérêt public.
« Le droit en matière de diffamation n’accorde aucune protection
aux énoncés portant sur des questions d’intérêt public publiés
sans destinataire précis s’il est impossible d’en prouver la
véracité. Exiger que la couverture des questions d’intérêt public
atteigne à une certitude judiciaire peut aboutir non seulement à
empêcher la communication de faits qu’une personne
raisonnable tiendrait pour fiables et qui sont pertinents et
importants pour le débat public, mais aussi à entraver le discours
et le débat politiques sur des questions importantes pour le
public et à empêcher les attaques et ripostes inhérentes aux
discussions nécessaires à la découverte de la vérité. Certes, la
liberté d’expression n’autorise pas à ternir les réputations, mais
l’attribution du poids qui lui revient à la valeur constitutionnelle de
la liberté d’expression relativement à des questions d’intérêt
public fait pencher la balance pour l’élargissement de la gamme
des moyens de défense dont disposent ceux qui communiquent
des faits que le public a intérêt à connaître. »
Onglet 13 Grant c. Torstar Corp., [2009] 3 RCS 640, 2009 CSC 61
(CanLII)
 Les quelques faussetés dont se plaint la demanderesse dans l’article
P-3 n’ont pas fait l’objet de reproches et elle n’y a pas répliqué
publiquement même si cela va à l’encontre de ses positions (DV-4, pp
15-21)
6. L’interrogatoire de la demanderesse démontre qu’elle a fait l’objet
commentaires loyaux :
de
Quant au contenu de l'article P-3, lequel commente la vidéo #1 (P-2) la
demanderesse indique :
11
a)
qu'elle est en désaccord avec l'auteur de l'article de son interprétation de
ses propos (page 12) et de sa participation au sein de divers
groupements (pages 9, 15, 16)
b)
qu'elle conteste le fait qu'elle œuvre au sein d'un réseau islamiste parce
que cela « fait référence à de la politique » (page 11)
c)
qu'elle admet avoir collaboré avec les organismes Québec
Inclusif, Bridges, AMAL Québec et avoir fréquenté Le Centre communautaire
musulman de Montréal et le Centre Islamique Libanais (engagements U-2 et U3), tel qu'il appert aux listes produites comme pièce DV-5;
d)
qu'elle n'a pas répliqué à la position sur le voile islamique qu'on lui
attribue dans l'article P-3;
e)
qu'elle n'a jamais transmis de mise en demeure à la défenderesse Vigile
ni à l'auteur de la vidéo P-2 de se rétracter ou de rectifier l'interprétation de sa
position (pages 20-21);
f)
qu'elle n'a pas vérifié l'hyperlien sur l'article P-3 au sujet de la vidéo P-2
(pages 22, 24);
g)
qu'elle admet que la vidéo P-2 est toujours diffusée sur le site de
YouTube et qu'elle n'a entrepris aucune procédure pour en faire cesser la
diffusion (page 28);
Au paragraphe 9 de sa requête introductive, la demanderesse allègue
que l'article P-4 publié le 30 décembre 2013 par la défenderesse Vigile
mentionne qu'elle a des liens avec le mouvement islamiste et elle n'est pas
d'accord avec cette interprétation de l'auteur (page 30);
20.
La demanderesse allègue qu'on la dépeint dans ces articles (pièces
P-20, P-1OA, P21) comme une manipulatrice, à la solde d'intégristes
musulmans :
a)
Interrogée le 3 décembre 2014 au sujet de l'article de Robert
Barberis- Gervais qu'elle produit comme pièce P-20, la
demanderesse se plaint :
i)
d'être associée à Québec Solidaire alors que c'est
exact
ii)
elle reconnaît à l'auteur le droit de penser ce qu'il
veut (page 50)
12
iii)
d)
et personne ne lui a fait un reproche quelconque à la
suite de cet article dans lequel elle est incapable de
retracer le mot malhonnête qu'elle invoque alors
que l'auteur parle plutôt d'une forme de tentative de
manipulation par une personne qui porte un voile
(pages 50-52) et qu'on est loin de l'intégrisme
musulman;
b)
Quant à l'article « Féminisme islamique: quand le masque tombe,
le hijab reste » paru initialement dans le Huffington Post le 13
octobre 2013 et qui aurait été rediffusé par la défenderesse Vigile,
la demanderesse est incapable de se rappeler ce qu'elle reproche
à cet article qu'elle n'a d'ailleurs pas produit au soutien de sa
requête introductive (page 64);
c)
Quant à l'article P-1OA re-publié sur Vigile, la demanderesse se
réfère à un article au sujet du politicien Amir Khadir dans lequel
elle se plaint :
i)
d'être associée à Québec Solidaire alors que c'est
exact,
ii)
elle conteste les qualificatifs donnés à des tiers, soit
l'Association Bridges et l'iman Ali Sbeiti (pages
57-58) comme étant d'appartenance khomeiniste,
iii)
elle reconnaît que le port du voile peut être imposé
à des fillettes (pages 59-60)
iv)
et elle réfute le titre d'ambassadrice islamiste au sein
de Québec Solidaire alors qu'elle admet être
de religion musulmane chiite. (pages 55, 79) et
avoir collaboré ou fréquenté des organismes
musulmans ou islamistes;
Quant à l'article « Les islamistes félicitent déjà Couillard » par Olivier
Kaestlé diffusé le 30 mars 2014 par la défenderesse Vigile, l'interrogatoire
de la demanderesse démontre :
a) Qu'elle qualifie l'article de problématique (page 52);
b) Qu'elle reproche des faussetés au sujet d'un tiers, soit l'iman
Ali Sbeiti (page 53);
c) Qu'elle ne fait pas de prosélytisme (page 54);
13
d) Qu'elle se plaint d'une démonstration que ses propos seraient
faux et fallacieux (page 54) lorsqu'elle affirme porter le voile par
choix alors que le port du voile est imposé à des fillettes, ce
qu'elle a d'ailleurs reconnu (pages 59-60);
e) Qu'elle n'a transmis aucune mise en demeure pour obtenir
de l'auteur ou de la défenderesse Vigile une rectification ou une
rétractation (pages 55-56);
f)
Tout comme en janvier 2014 (pages 61-62), le 30 mars 2014,
elle n'avait pas encore jugé que les articles diffusés
par la défenderesse Vigile justifiaient d'entreprendre
des poursuites (pages 55-56);
7. La demanderesse n’a subi aucun préjudice donnant droit à des dommages
moraux.
a. La demanderesse n’a jamais transmis à qui que ce soit une demande de
rétractation ou de rectification, ni même de cesser de publier les articles et
les vidéos publiés par Vigile ni même par les deux autres défendeurs.
b. Une seule démarche a été effectuée auprès de YouTube pour retirer la vidéo
#1 (P-2), mais sans succès. Aucune procédure n’a été instituée contre
YouTube.
c. Aucune mise en demeure aux auteurs des articles publiés par Vigile;
d. Aucune mise en demeure au Huffington Post au sujet de l’article
« Féminisme islamique : quand le masque tombe, le hijab reste » dont
l’article est toujours publié;
e. La demanderesse n’a pas répliqué publiquement aux commentaires dont
elle a fait l’objet dans les articles publiés par Vigile (DV-4 pp. 20-21);
f.
La demanderesse ne recherche aucune conclusion en injonction provisoire,
interlocutoire ou permanente pour faire cesser par Vigile la publication des
articles litigieux ni par les autres médias qui diffusent ces mêmes articles,
dont Huffington Post.
g. La demanderesse n’a donc pas satisfait à son obligation de minimiser ses
dommages et Vigile ne peut être tenu responsable de l’aggravation des
dommages dont la demanderesse se plaint depuis la diffusion des articles;
« De même, la personne victime de propos diffamatoires pourra se
voir opposer le fait qu’elle n’a pas réagi publiquement pour se
défendre ou encore qu’elle n’a pas demandé à l’auteur des propos
14
de se rétracter. Cette absence de réaction de sa part est de nature
à influer sur l’indemnité qu’elle serait en droit de recevoir pour
compenser le préjudice résultant de l’atteinte à sa réputation,
compte tenu de l’obligation qu’elle a de minimiser ses dommages.
Il appartient au débiteur d’une obligation de réparer le préjudice
causé à autrui de prouver que le créancier n’a pas minimisé ses
dommages. En présence d’une telle preuve, le tribunal peut soit
réduire l’indemnité réclamée par le créancier, soit refuser de
l’indemniser pour le préjudice pour lequel il réclame réparation. »
Onglet 14 Pierre Deschamps, L’exonération et le partage de responsabilité,
École du Barreau du Québec, Responsabilité, Collection de droit 2007-2008,
vol. 4, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007
h. L’analyse objective du témoignage de la demanderesse sur le préjudice
qu’elle dit avoir subi démontre que le montant de 75,000.00$ est excessif et
déraisonnable (DV-4 pp. 66-70);
i.
La demanderesse ne fait que décrire les sentiments qui l’ont habitée durant
une controverse publique sur le port de signes religieux à laquelle elle a
volontairement participé. Elle ne décrit aucun traumatisme sérieux, grave et
de longue durée démontrant avoir subi un préjudice indemnisable et autre
que celui de ne pouvoir convaincre ses opposants de la justesse de sa
position :
« [54] …. Néanmoins le ton général de l'éditorial constitue plutôt
un réquisitoire sévère qui pulvérise la crédibilité des deux frères,
partant, celle du requérant. »
« [81] … Il avait quitté l'anonymat relatif du simple citoyen pour
devenir un citoyen d'avant-scène se comportant en agent
dynamique pour des discussions publiques par des gens publics
relativement à des questions d'intérêt public ».
« [87] On peut comprendre le déplaisir que peut ressentir celui qui
voit ainsi traduite par la caricature une démarche qu'il estimait
sérieuse et qu'il se sente diminué par le ridicule. Mais les
personnes publiques étant sujettes à raillerie et satire, leur mesure
de tolérance à l'injure doit, dans leur cas, être plus large. »
« [90] …
Il n'y a rien d'illégal dans l'intention des appelants de
stigmatiser les intimés puisque, selon le sens courant,
«stigmatiser» signifie «flétrir, blâmer avec dureté et
publiquement». La liberté d'expression comprend
indéniablement ce droit. »
15
Onglet 9 Fontaine c. Distribution Continental Inc., 2003 CanLII 39016 (QC CS)
« [9] Cela dit, les troubles psychologiques constituant un
préjudice personnel doivent être distingués d’une simple
contrariété. En droit, un préjudice personnel suppose l’existence
d’un traumatisme sérieux ou d’une maladie grave : voir Hinz c.
Berry, [1970] 2 Q.B. 40 (C.A.), p. 42; Page c. Smith, p. 189; Linden
et Feldthusen, p. 425-427. Le droit ne reconnaît pas les
contrariétés, la répulsion, l’anxiété, l’agitation ou les autres états
psychologiques qui restent en deçà d’un préjudice. Je n’entends
pas donner ici une définition exhaustive de ce qu’est un préjudice
indemnisable, mais seulement dire que le préjudice doit être grave
et de longue durée, et qu’il ne doit pas s’agir simplement des
désagréments, angoisses et craintes ordinaires que toute
personne vivant en société doit régulièrement accepter, fût-ce à
contrecœur. À mon sens, c’est cette nécessité d’accepter de
telles contrariétés, au lieu de prendre action en responsabilité
délictuelle pour obtenir réparation, qu’évoquait la Cour d’appel
lorsqu’elle a cité Vanek c. Great Atlantic & Pacific Co. of
Canada (1999), 1999 CanLII 2863 (ON CA), 48 O.R. (3d) 228
(C.A.) : [TRADUCTION] « [E]t la vie continue » (par. 60). Tout
bonnement, les contrariétés mineures et passagères n’équivalent
pas à un préjudice personnel et, de ce fait, ne constituent pas un
dommage. »
Onglet 15 Mustapha c. Culligan du Canada Ltée, [2008] 2 RCS
114, 2008 CSC 27 (CanLII)
(Cité dans Cyr c. Ste-Adèle (Ville de), 2009 QCCS 2827 (CanLII),
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Deshaies &
Raymond inc., 2013 QCCS 1062 (CanLII), Chartrand c. Ferme
DSR Dussault inc., 2013 QCCQ 3935 (CanLII), Sofio c.
Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs
mobilières (OCRCVM), 2014 QCCS 4061 (CanLII), Regroupement
des citoyens contre la pollution c. Alex Couture inc., 2011 QCCS
4262 (CanLII)
8. La cession de sa créance litigieuse en faveur d’une Fondation et de ses avocats :
a. La demanderesse s’engage à verser à la Fondation Paroles de femmes
toute somme qui lui sera attribuée après paiement de ses déboursés et
honoraires d’avocats.
16
b. Il s’agit d’un indice sérieux que la demanderesse n’a subi aucun préjudice
indemnisable monétairement :
«9
On a vu fleurir au cours des dernières années, et
particulièrement en matière de diffamation et de dommages
exemplaires, de telles intentions philanthropiques montrant avec
conviction que la requérant souhaitait bien plus le rétablissement de
sa réputation que l'appât du gain.
10 L'intention est chevaleresque, mais on a peine à déceler l'élément
générateur de droit qui aidera le tribunal à rendre sa décision. Elle
laisse également le tribunal sous la désagréable impression que,
rejetant le recours principal, il prive une oeuvre caritative d'une entrée
de fonds attendue.
11 On ose à peine imaginer le dilemme de la Cour si le demandeur
en diffamation proposait de remettre un éventuel gain à l'association
des juges nécessiteux...
12 De même, il est difficile de comprendre comment et pour quel
motif, la Cour donnerait acte à la requérante dans son jugement de
«son offre et acquiescement» de remettre tout ou partie d'un éventuel
gain à des associations à but non lucratif comme les conclusions le
demandent. La crainte des intimés que l'opération ne soit assimilée à
un exercice de relations publiques n'est pas sans fondement.
13 Bref, ces allégations et conclusions n'ont aucun lien avec le litige
qui amène la requérante devant la Cour, n'ont aucune pertinence
avec l'affaire et devront être radiées. »
Onglet 16 Dubé c. Cogéco Radio-Télévision, 1998 (QC C.S.) 9770
« [55] Traitant du droit à la liberté d'expression et de l'équilibre au
niveau des forces économiques des parties, monsieur le juge Grenier
écrit :
« [48] Afin d'assurer le respect de ces droits, le Tribunal est
dorénavant autorisé à regarder au-delà des arguments basés sur
la validité ou non du fondement au recours, même dans le cas où
il y a une apparence réelle de droit, pour examiner si, cachée
derrière cette prétention légitime à l'exercice d'un droit, il n'y a
pas là, tapie sous le couvert des meilleures intentions, une
volonté de nuire à la personne visée par le recours entrepris, que
ce soit par la configuration procédurale du recours en question
ou par les effets qu'on tente d'obtenir sur le comportement de la
partie adverse, notamment quant à son droit à la liberté
d'expression, par le moyen procédural utilisé même s'il est
légal. »
« [56] C'est l'utilisation de la justice d'une manière excessive ou
déraisonnable, un détournement des fins de la justice, non seulement
17
par l'effet de la procédure entreprise, mais dans le but recherché à
dessein, qui est condamnable. »
« [57] Monsieur le juge Kasirer écrit [49]:
[77]
[…] As the authors of the Macdonald Report indicated,
this is the notion at the core of a rule designed to strike at the
"strategic" character of lawsuits that seek to deny freedom of
speech: "[l]a défense des finalités propres au système judiciaire
exige principalement que le recours aux tribunaux ne constitue
pas une forme de détournement de la fonction judiciaire en vue
de limiter l’exercice d’un droit fondamental".[50] […]. »
« [58] Les mises en demeure des 8 et 23 décembre 2010 adressées au
journal Le Soleil et à Ugo Lapointe, non pas à la journaliste qui aurait
participé ou contribué à la diffamation reprochée, ne demandent pas
compensation, ces mises en demeure cherchent à expliquer peut-être,
mais surtout à justifier l'opinion de Pétrolia sur les enjeux du débat public
en cours et à faire taire l'opinion contraire. »
« [59]
En s'attaquant au journal Le Soleil et non à la journaliste
concernée, on ne veut pas punir ou obtenir de compensation pour la faute
alléguée, on tente de faire taire tous les journalistes. »
« [60]
La réclamation pour un montant de plus de 350 000$ indique
aussi le caractère abusif de la procédure entreprise. La jurisprudence
établit que les dommages accordés aux personnes morales sont bien en
deçà de ceux accordés aux personnes physiques [51]. »
« [61]
En outre, l'engagement pris par Pétrolia à sa Requête de
remettre à un organisme sans but lucratif toutes sommes perçues est fort
louable mais révèle une absence de dommage, sauf peut-être ce qui est
prétendu comme étant des dommages moraux. »
« [62] Les faits et le montant de la réclamation forcent le Tribunal à
s'interroger sur le but réel poursuivi par Pétrolia en instituant sa procédure
et en réclamant une condamnation solidaire. »
Onglet 5 3834310 Canada inc. c. Pétrolia inc., 2011 QCCS 4014 (CanLII)
« [84] A further feature of the car dealers’ claim suggests that their real
purpose is not to seek compensation for defamation. In paragraph 19
of their motion to institute proceedings, under the heading of
"dommages", the car dealers undertake formally to remit the whole of
the amounts they would receive as a result of the action, once costs
and fees are paid, to a charity. An allegation of this nature is of course
irrelevant to whether damages are due and, if they are due, what the
18
extent of those damages should be. And however fine this sentiment,
it may suggest a motive less noble. The fact that every single one of
the car dealers is prepared to give up the damages they have claimed
goes a way to showing that they have taken the action for another
purpose than to obtain compensation.
There are, of course,
circumstances in which a person who suffers a true financial loss
following the fault of another will legitimately choose to demand
compensation and simultaneously undertake to give the money away.
But here the offer to give the money away is more detailed than the
allegation of the loss suffered, the whole creating the impression that
compensation may well be a secondary concern. There is no reason
to fault the appellants for their generosity, but it is not unfair to see in
their selfless gesture a sign that restitution is not the primary purpose
of their lawsuit. Here is another indication that their action may be an
attempt to defeat the ends of justice. »
Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037 (CanLII)
c. Le refus de la demanderesse de dévoiler sans raison l’entente d’honoraires
avec ses procureurs et la cession de sa créance litigieuse pour pourvoir au
paiement des honoraires et déboursés indiquent l’intérêt oblique de ses
procureurs dans le litige.
Onglet 17 Kruger Inc. c. Kruco Inc., 1988 CanLII 962 (QC CA)
d. La lettre de Me Goldwater (Pièce DV-7) permet de constater son intérêt
personnel de débattre des questions en litige avec la défenderesse Mailloux
et d’être payée en retour à même les dommages réclamés.
« [44] Me Handelman mentionne qu'il n'y a pas conflit d'intérêts
puisqu'il ne détient pas un droit de «propriété», comme le prévoit le
du Code de déontologie des avocats [4] :
3.05.08. L'avocat qui exerce ses activités professionnelles
dans le cadre d'un litige ne doit pas acquérir, dans ce cadre,
un droit de propriété dans un bien litigieux. »
« [45] Cette prohibition n'empêche pas que des droits, d'autres
natures, puissent faire naître un conflit d'intérêts et ainsi,
compromettre le désintérêt de l'avocat. »
« [46] Il convient alors d'évaluer l'effet de cet intérêt et l'importance
du bien dans l'ensemble des questions en litige. La situation globale
doit mener à conclure que l'intérêt en jeu, pour l'avocat, est
19
susceptible de ne pas lui permettre de faire preuve de suffisamment
de détachement. »
Onglet 18 Deutsch c. Deutsch, 2013 QCCS 1 (CanLII)
e. L’article 46 C.p.c permet au tribunal de sanctionner la conduite d’une partie
et de son procureur, notamment lorsque la demanderesse abandonne à son
procureur et à un tiers la totalité des dommages qu’elle réclame.
« [21] De l'avis de la Cour, en effet, le contexte de la présente l'affaire ne
se prête pas à l'application des articles 54.1 et s. C.p.c., dispositions qui
visent en principe les parties au litige, elles-mêmes, et non leurs avocats,
ainsi que le rappelle le paragraphe 8 de l'arrêt N.M. c. P.P.[14]. Peut-être
n'est-il pas exclu que, dans certaines circonstances, l'avocat, auteur
véritable d'un abus autrement imputable, en apparence, à la partie qu'il
représente, puisse être sanctionné en vertu de ces dispositions (ce que
laisse entendre notre cour dans Cosoltec inc. c. Structure Laferté
inc.[15]). Toutefois, il n'est pas utile que nous statuions sur ce point,
puisque, en l'occurrence, la situation ne répond ni aux conditions
d'application du premier alinéa de l'article 54.1 C.p.c. ni à la définition que
le second alinéa donne de l'abus : »
Onglet 19 Riolo Vaccaro c. Duret, 2015 QCCA 203 (CanLII)
Onglet 20 Jean-Denis ARCHAMBAULT, L’exercice anormal du droit
d’ester en matière civile et sa sanction judiciaire, Éditions Yvon Blais,
2005, p.137-155
9. La sanction recherchée
a. Le rejet de la demande est le remède approprié en matière de poursuite bâillon :
Onglet 5 3834310 Canada inc. c. Pétrolia inc., 2011 QCCS 4014 (CanLII)
Onglet 6 Thériault-Martel c. Savoie, 2013 QCCS 4280 (CanLII)
(permission d’appel refusée)
10. Les dommages prévus par l’article 54.4 C.p.c.
a. La défenderesse Vigile est un organisme sans but lucratif dont les activités
médiatiques plutôt que judiciaires sont financées seulement par les dons des
Amis de Vigile.
20
b. La défenderesse ne réclame pas d’autres dommages ni de dommages punitifs
de manière à restreindre le débat à la seule question du rejet d’une demande qui
porte atteinte à sa liberté de presse.
c. La défenderesse demande d’être indemnisée des frais judiciaires et extrajudiciaires à l’encontre d’un recours abusif à son égard.
d. Vu la prise en charge du dossier par les procureurs de la demanderesse et leur
intérêt dans les dommages réclamés, ils devraient être condamnés solidairement
avec la demanderesse à payer les frais extrajudiciaires établis par le dépôt des
comptes d’honoraires du procureur de la défenderesse.
« [59]
Le deuxième paragraphe de l’article 54.4 C.p.c. permet au
tribunal de scinder le débat quant à la déclaration du caractère abusif de
la demande en justice ou d'un acte de procédure et l’octroi de dommagesintérêts, mais en limite l'exercice :
54.4 […]
Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être
établi aisément au moment de la déclaration d’abus, il peut en décider
sommairement dans le délai et sous les conditions qu’il détermine.
(nos soulignements) »
« [60] Standard Life n’explique pas en quoi elle ne pouvait établir
aisément le montant des dommages-intérêts qu’elle entend réclamer. »
« [61] Au moment où elle dépose sa requête en vertu de l'article
54.1 C.p.c., elle connaît le montant des honoraires extrajudiciaires déjà
encourus. Ceux-ci peuvent être établis aisément, par le dépôt des
comptes d’honoraires. »
Onglet 21 Standard Life Insurance Company of Canada c. Corporation
des praticiens en médecine douce du Québec, 2011 QCCS 5271 (CanLII)
Montréal le 9 mars 2015
____________________________
Alarie Legault
Procureurs de la défenderesse
La Société des Amis de Vigile.net
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