pierre hamp, paul claudel, marcel deat : une

Transcription

pierre hamp, paul claudel, marcel deat : une
Extrait de la Revue Nord’ N°50 – Pierre Hamp – www.revue-nord.com
PIERRE HAMP,
PAUL CLAUDEL,
MARCEL DEAT :
UNE POLEMIQUE EN 1942
Georges DOTTIN
Par une curieuse coïncidence, l’année 1938 voit Pierre Hamp (retraité de l’Inspection du Travail) nommé directeur du centre d’apprentissage de la Société des moteurs d’aviation Gnôme et
Rhône, et Paul Claudel (retraité des Affaires Étrangères) devenir membre du conseil
d’administration de cette même Société. Les deux hommes ne devaient guère fréquenter les mêmes locaux… Mais un lien d’ordre littéraire aurait pu les réunir, puisque l’un et l’autre publiaient
leurs œuvres chez le même éditeur : Gallimard. Avaient-ils eu l’occasion de se rencontrer, ou se
connaissaient-ils seulement de nom ? Ce serait un point à éclaircir. Quoi qu’il en soit, dans son
roman Moteurs (1942), Pierre Hamp décrit l’arrivée des administrateurs plus ou moins rhumatisants qui se hissent sur l’escalier du siège social des usines Gnôme et Rhône. Et il se livre alors à
un amusant portrait satirique de Claudel, aisément reconnaissable sous le pseudonyme
d’Aurélien1 :
Un autre membre important du conseil était M. le Commissaire aux expositions Aurélien qui ayant
assumé de hautes fonctions dans divers pays avait partout maintenu l’accent auvergnat2. Couvert de
décorations diplomatiques depuis le gosier jusqu’au nombril, il figurait dans les réceptions de
M. Zerter3 la plus belle panoplie, portant des croix et des étoiles passées au cou comme un collier de
chien ou lui battant les flancs. Il avait en mécanique des connaissances égales à celles de maître
Capvert4.
Ce chamarré illustrait un conseil de parade où s’asseyaient, auprès de quelques hommes de
grande intelligence et d’industriels attentifs, la vieillesse retraitée de la diplomatie, de l’armée et les influences sociales les plus diverses depuis l’Église catholique jusqu’au Comité des forges. Le Commissaire Aurélien représentait la religion. Dévoué à l’Église, il transmettait au clergé les dons annuels de
M. Zerter qui en demandait l’emploi pour les œuvres sociales des quartiers où habitait son personnel
ouvrier.
(Moteurs, pp. 78-79)
1
vant.
— Pourquoi avoir choisi ce pseudonyme ? Peut-être parce qu’Aurélien fut le premier empereur romain qui fut divinisé de son vi-
2
— Le sens de cette plaisanterie reste obscur. P. Hamp, pour donner le change, aurait-il songé à Pierre Laval, d’origine auvergnate, sous les ordres duquel il avait travaillé au Ministère des Travaux publics ?
3
— Il s’agit de Paul-Louis Weiller, qui dirigeait la Société Gnôme et Rhône depuis 1922.
4
— Avocat et politicien « qui en mécanique ne savait pas la différence entre une vis à métaux et une vis à bois ».
Extrait de la Revue Nord’ N°50 – Pierre Hamp – www.revue-nord.com
Hamp n’était pas le seul à critiquer Claudel pour son goût des honneurs, des décorations et des
prébendes lucratives. On peut lire par exemple chez Bernanos : « Je ne puis tolérer que [ la carrière] de M. Paul Claudel se promène dans son œuvre, galonnée jusqu’au ventre, couverte
d’autant de médailles qu’un drapeau d’orphéon, les poches pleines d’actions, d’obligations et de
parts de fondateurs » (Les Enfants humiliés)….