Recueil Dalloz 1998 p. 26 La communauté qui a financé la

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Recueil Dalloz 1998 p. 26 La communauté qui a financé la
Recueil Dalloz 1998 p. 26
La communauté qui a financé la souscription d'une assurance-vie doit-elle être récompensée
lors du divorce ?
François
Sauvage
La jurisprudence Praslicka (1) n'a pas résolu toutes les questions relatives au sort du contrat
d'assurance-vie souscrit par un époux en régime de communauté. Si la question de l'aléa dans
le contrat d'assurance-vie fait aujourd'hui diversion (2), il n'en demeure pas moins que le
régime de l'assurance-vie en cours au moment de la dissolution de la communauté est encore
incertain si le souscripteur a payé les primes avec des deniers communs.
Plusieurs raisons justifient ces difficultés persistantes : le succès de l'assurance-vie qui attire à
elle une épargne très importante, le grand nombre des divorces, la mauvaise grâce avec
laquelle la jurisprudence Praslicka a été reçue par les diffuseurs de produits d'assurance-vie et
leurs clients au regard de ses conséquences civiles et fiscales, les controverses doctrinales sur
la portée de cette décision, etc.
Par sa décision du 10 juill. 1996, la première Chambre civile de la Cour de cassation complète
utilement son arrêt Praslicka dans des circonstances de fait différentes. Un mari prévoyant
avait souscrit une assurance temporaire-décès (3) au profit de sa femme. Comme il en a en
principe le droit, il avait ultérieurement révoqué cette désignation initiale et substitué un tiers
à son épouse. A la suite du divorce des époux et lors du partage de la communauté, l'épouse
n'avait pas manqué d'exiger qu'il lui soit tenu compte des primes payées au moyen de deniers
communs en dépit de la relative modicité des sommes en jeu.
La Cour d'appel de Riom lui donne raison et décide que le mari est redevable envers la
communauté de l'intégralité des primes acquittées avec des deniers communs. Le pourvoi
critique cette décision dans le premier moyen (le second est sans intérêt) en se référant de
manière explicite à la jurisprudence Praslicka.
Il est au préalable observé dans la première branche du moyen que la valeur d'un contrat
d'assurance-vie souscrit avec des deniers communs fait en principe partie de l'actif de
communauté comme n'importe quel acquêt. Mais, ajoute immédiatement le pourvoi, cette
observation préalable ne porte pas à conséquence en l'espèce puisque l'assurance
temporaire-décès est souscrite à fonds perdus et ne comporte pas de valeur de rachat.
Aucune valeur ne peut dès lors être portée à l'actif commun. L'arrêt d'appel viole par
conséquent l'art. 1401 c. civ. et l'art. L. 132-23 c. assur. (4) car il oblige le souscripteur à
rapporter le montant des primes payées avec les fonds de la communauté alors que le contrat
n'a en réalité aucune valeur.
Dans la seconde branche du moyen, il est précisé que la communauté n'a droit en toute
occurrence lors de sa dissolution qu'à la valeur du contrat d'assurance-vie même si celle-ci est
nulle et non à récompense pour les primes payées par elle, sauf à violer ensemble l'art. 1401
c. civ. et l'art. L. 132-13 c. assur. (textes qu'avait visés la Cour de cassation dans l'arrêt
Praslicka au soutien de sa cassation pour refuser l'ouverture d'un cas de récompense au profit
de la communauté et qualifier le contrat d'assurance-vie d'acquêt en valeur).
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle, dans un premier temps, que le tiers
désigné bénéficiaire en dernier lieu aura droit au capital assuré à partir du jour de la
souscription en application de l'art. L. 132-12 c. assur. Elle précise surtout, dans un second
temps, que le mari est redevable des deniers communs utilisés pour payer les primes du
contrat en vertu de l'art. 1437 c. civ. car ces deniers ont servi à acquitter une charge
contractée dans son intérêt personnel.
La « patrimonialisation » du contrat d'assurance-vie (5) se poursuit.
En cas de dissolution de la communauté, alors qu'un contrat d'assurance-vie est en cours, la
jurisprudence Praslicka et la jurisprudence Daignan comme elle est déjà nommée (6) doivent
être combinées de façon à ce qu'il soit tenu compte à la communauté des primes qu'elle a pu
acquitter.
De deux choses l'une : soit le contrat comporte une valeur de rachat, auquel cas, par
application de l'arrêt Praslicka, cette valeur doit être portée à l'actif commun à partager ; soit
le contrat ne comporte pas de valeur de rachat, auquel cas, par application de l'arrêt Daignan,
une récompense est due à la communauté à hauteur des primes payées au moyen des
deniers communs.
Bien que le mot ne soit pas utilisé par la Cour, l'apport essentiel de l'arrêt est de soumettre le
contrat d'assurance-vie au régime des récompenses.
Si l'art. L. 132-16 c. assur. prévoit que les assurances-vie entre époux peuvent ouvrir droit à
récompense lorsque les primes payées avec des deniers communs ont été exagérées au
regard des facultés du souscripteur, ce texte est ici hors de cause puisque, d'une part, il ne
s'agissait pas d'une assurance-vie entre époux et, d'autre part, le contrat est en cours au
moment de la dissolution de la communauté. La Cour de cassation innove donc en appliquant
le mécanisme des récompenses de droit commun en dehors du jeu de l'art. L. 132-16 à un
contrat d'assurance-vie en cours au moment de la dissolution de la communauté.
Reste que l'adéquation du régime des récompenses à un contrat aussi spécifique que
l'assurance-vie peut être discutée tant en ce qui concerne le principe même de la récompense
(I) qu'en ce qui concerne son montant (II).
I. - L'ouverture d'un cas de récompense
La raison donnée par la Cour de cassation pour justifier ce nouveau cas de récompense
permettra de savoir si la solution adoptée peut être étendue à d'autres hypothèses.
1 - Justification de la solution - La Cour précise qu'il y a lieu à récompense en raison des
primes acquittées sur les deniers communs, car la communauté a acquitté une charge
personnelle à l'un des époux au sens de l'art. 1437 c. civ. Autrement dit, payer les primes
d'un contrat d'assurance temporaire-décès revient à acquitter une charge personnelle au
souscripteur.
La qualification de charge personnelle est contestable pour deux raisons :
1° - D'une part, il ne s'agit pas d'une charge pesant sur le souscripteur (7). Celui-ci peut en
effet payer ou non les primes et en aucun cas il ne doit les acquitter (c. assur., art. L.
132-20).
2° - D'autre part, et surtout, même si on qualifie le paiement des primes de charge, cette
charge ne lui est pas personnelle au sens de l'art. 1437 c. civ., c'est-à-dire ne lui est pas
personnelle quant à la contribution à la dette.
Les primes n'ont pu être acquittées dans l'intérêt personnel de l'époux souscripteur
puisqu'elles ont permis à la communauté d'acquérir une créance contre la compagnie
d'assurance. Par application de la technique de la stipulation pour autrui, le souscripteur
dispose en effet d'une créance contre l'assureur : il peut exiger de celui-ci qu'il verse le capital
assuré au bénéficiaire désigné. Le souscripteur qui paie les primes à l'assureur acquiert ainsi à
titre onéreux une créance qui entre en communauté comme n'importe quel acquêt (c. civ.,
art. 1401).
La jurisprudence Praslicka précitée en tire la conséquence exacte en cas de dissolution de la
communauté alors que le contrat d'assurance-vie est en cours : le contrat ou tout au moins sa
valeur doit être portée à l'actif de communauté. Mais cela doit devoir aussi signifier que, si le
contrat n'a pas de valeur, il doit être porté pour zéro à l'actif commun sans que l'on puisse en
inférer l'absence de créance du souscripteur contre la compagnie d'assurance.
La valeur d'un contrat d'assurance-vie est généralement alignée sur sa valeur de rachat (8) au
jour de la dissolution de la communauté. Or, une assurance temporaire-décès n'est pas
rachetable (c. assur., art. L. 132-23). Il aurait donc pu être soutenu en l'espèce avec le
pourvoi que les primes acquittées avec des derniers communs ont certes permis d'acquérir
une créance contre la compagnie d'assurance qui s'oblige à verser le capital assuré au
bénéficiaire, mais que cette valeur est nulle à défaut de valeur de rachat.
En réalité, la créance du souscripteur ne semble pas dépourvue de toute valeur pécuniaire. On
pourrait très bien imaginer que le souscripteur cède ses droits dans le contrat à un tiers
acquéreur désireux de souscrire une assurance temporaire en cas de décès au bénéfice d'un
tiers de son choix. Si le contrat n'a pas d'ores et déjà été accepté par le bénéficiaire, le
cessionnaire acquiert dès lors les droits du souscripteur initial, tire profit du montant des
primes d'ores et déjà acquittées qui ont permis de valoriser le capital assuré et peut
substituer au bénéficiaire initialement désigné un bénéficiaire de son choix (étant entendu que
la tête assurée ne change pas ce qui rend impraticable ce type de cessions). Dans cette
hypothèse d'école, comment prétendre toutefois que la créance cédée n'a aucune valeur ?
Son transfert pourrait donner lieu au versement d'un prix (9).
Identifier la valeur de la créance entrée en communauté à la valeur de rachat paraît donc trop
rapide et rien n'empêche de donner une valeur intrinsèque à un contrat d'assurance
temporaire-décès, valeur qui devra être portée à l'actif commun notamment si la communauté
est dissoute alors que le contrat est en cours. Le problème d'évaluation qui résulte de cette
qualification (10) ne doit pas masquer l'acquisition à titre onéreux par la communauté d'une
créance contre l'assureur, y compris dans les contrats non rachetables.
Soucieuse à la fois de contourner les difficultés d'évaluation et de protéger la communauté, la
première Chambre civile a préféré recourir au droit commun des récompenses à raison des
primes qu'elle a versées pour acquitter une charge personnelle au souscripteur, solution
difficile à justifier et à la portée incertaine car en contradiction avec sa jurisprudence
Praslicka.
2 - Extension de la solution - La qualification de charge personnelle du souscripteur ouvrant
droit à récompense à la communauté peut-elle être étendue au paiement des primes des
contrats autres qu'une assurance temporaire-décès et des contrats dénoués au moment de la
dissolution de la communauté ?
Si on admet que le paiement des primes d'une assurance temporaire-décès est une charge
personnelle au sens de l'art. 1437 c. civ., alors cette qualification paraît pouvoir s'appliquer
aussi à d'autres types de contrats d'assurance-vie sans faculté de rachat (11) tels qu'une
assurance de rente immédiate, une assurance de survie, ou une assurance en cas de vie sans
stipulation de contre-assurance en cas de décès (V. c. assur., art. L. 132-23).
La solution paraît devoir être identique lorsque le contrat est dénoué au moment de la
dissolution de la communauté, notamment par le décès de l'époux souscripteur et assuré.
La qualification de charge personnelle, quoique contestable en son principe, est suffisamment
neutre pour s'appliquer au paiement des primes afférentes à des contrats d'assurance-vie
sans valeur de rachat, que ces contrats soient dénoués ou en cours au moment de la
dissolution de la communauté.
Mais, dans l'hypothèse de contrats dénoués au moment de la dissolution de la communauté,
la qualification de donation indirecte aurait permis de parvenir au même résultat tout en étant
plus exacte. Elle a en outre l'avantage d'être applicable aux contrats d'assurance-vie
rachetables (les plus courants, notamment les assurances en cas de vie contre assurées ou
assurances de capital différé) dénoués par le décès du souscripteur qui ne sont concernés ni
par la jurisprudence Daignan - puisqu'il existe une valeur de rachat - ni par la jurisprudence
Praslicka - puisque le contrat n'est pas en cours au moment de la dissolution de la
communauté (12).
Dans les rapports entre le souscripteur et le bénéficiaire désigné par lui, il est admis que
l'opération d'assurance-vie comme toute stipulation pour autrui peut révéler une donation
indirecte si une intention libérale anime le souscripteur (V. c. civ., art. 1121) (13). Dès lors,
pourquoi ne pas avoir utilisé la qualification de donation indirecte portant sur le droit propre
conféré au bénéficiaire grâce à des primes acquittées sur les deniers de la communauté pour
justifier un droit à récompense à son profit (14) ? Sans doute parce qu'au cas présent
l'assurance temporaire-décès recouvre une véritable opération de prévoyance sans révéler
une intention libérale. La Cour évite ainsi de s'engager sur le chemin périlleux de la
casuistique qui obligerait les tribunaux à opérer des distinctions selon les types de contrats, le
montant des primes, les liens unissant souscripteur et bénéficiaire, etc.
S'il ne s'agit pas d'une opération de prévoyance, la donation indirecte sera irrévocablement
constituée par l'acceptation du bénéficiaire à effet rétroactif qui fait naître le droit propre du
bénéficiaire au jour du contrat (c. assur., art. L. 132-12). Et dans la mesure où la désignation
bénéficiaire dûment acceptée recouvre une donation indirecte, récompense est due à la
communauté pour les primes qu'elle a acquittées comme pour toute donation ayant pour
objet des biens communs ou plus exactement pour une donation indirecte financée par la
communauté au cas présent (15).
En dehors du cas de figure spécial réglé par l'art. L. 132-16 c. assur. (assurance-vie entre
époux), certains auteurs enseignent d'ailleurs que récompense est due à hauteur de
l'intégralité des primes versées avec des deniers communs lorsque le contrat d'assurance-vie
souscrit au bénéfice d'un tiers est dissous par le décès de l'époux souscripteur qui met fin par
la même occasion au mariage et à la communauté (16).
La technique des récompenses sollicitée par la Cour de cassation à tort selon nous pour les
contrats sans valeur de rachat en cours au moment de la dissolution de la communauté et
fondée sur une justification erronée pour les contrats dénoués à cette date pose la question
subséquente du montant de la récompense due à la communauté.
II. - Le montant de la récompense
La Cour de cassation précise que le montant de la récompense est égal aux primes acquittées
au moyen de deniers communs. Cette observation paraît incontestable que l'on se réfère aux
règles spéciales de l'art. L. 132-16 c. assur. en matière d'assurance-vie entre époux (sous
réserve que les primes soient manifestement exagérées au regard des facultés du
souscripteur) ou aux règles d'évaluation des récompenses de droit commun posées par l'art.
1469 c. civ. Mais les frais du contrat payés avec les deniers de la communauté doivent
également donner lieu à récompense au même titre que les primes.
Si le mécanisme des récompenses est fondé sur le paiement par la communauté d'une charge
personnelle à l'époux souscripteur, le montant de la récompense est égal, par application du
droit commun de l'al. 1er de l'art. 1469 c. civ., à la plus faible des deux sommes que
représentent la dépense faite et le profit subsistant pour le patrimoine débiteur de la
récompense. Et s'il est admis que le profit subsistant pour l'époux souscripteur ne peut jamais
être égal à zéro lorsqu'il s'acquitte d'une charge personnelle ou lorsqu'il donne indirectement
des deniers communs mais qu'il est plutôt inexistant, alors la plus faible des deux sommes est
nécessairement la dépense faite à défaut de profit subsistant, c'est-à-dire le montant des
primes payées au moyen de deniers communs (augmenté des frais) (17).
Cette solution dégagée à propos d'une assurance temporaire en cas de décès en cours au
moment de la dissolution de la communauté est également transposable à l'évaluation de la
récompense due à la communauté qui a payé les primes d'un contrat dénoué au moment de
cette dissolution (18). Le montant de la récompense due à la communauté sera pareillement
égal au montant des primes et des frais acquittés avec des deniers de la communauté.
Lorsque le contrat d'assurance-vie comporte une valeur de rachat et est en cours à la date de
dissolution de la communauté, la jurisprudence Praslicka impose de porter cette valeur de
rachat à l'actif de la communauté. La communauté bénéficie ainsi des intérêts capitalisés et
donc du rendement du contrat d'assurance-vie, ce qui n'est pas le cas si la récompense est
étalonnée sur le montant de la dépense faite.
Exclure le mécanisme des récompenses et admettre contre la Cour de cassation que la valeur
d'un contrat même non rachetable doit être portée à l'actif commun comme cela a été
proposé si le contrat est en cours au moment de la dissolution de la communauté pose alors
un problème d'évaluation déjà évoqué : la valeur du contrat est-elle égale au montant des
primes payées cumulées ou au montant du capital assuré, ce qui fera bénéficier la
communauté non pas des intérêts capitalisés s'agissant d'une assurance temporaire-décès,
mais du bénéfice de mortalité procuré par la technique de l'assurance de répartition ?
La première solution paraît la plus exacte s'agissant de déterminer la valeur de la créance du
souscripteur contre l'assureur. La valeur d'un billet de loto est a priori le prix payé à la
Française des jeux pour l'acquérir et non le montant du lot qu'il fera gagner à son porteur. La
valeur du contrat d'assurance-vie sans valeur de rachat serait donc proche du montant des
primes acquittées, frais du contrat compris. Cette solution pourrait d'ailleurs être logiquement
étendue aux contrats comportant une valeur de rachat, mais on ne manquera pas de relever
que l'exercice du rachat en cours de mariage bénéficierait le cas échéant à la communauté
(19) ce qui rend contestable la limitation de la valeur du contrat aux seuls primes et frais du
contrat cumulés.
La Cour de cassation aurait donc pu admettre que la créance du souscripteur doit être portée
à l'actif commun sans que la valeur de cette créance commune soit supérieure à la
récompense dont elle rend la communauté créancière. La solution a l'avantage d'être à la fois
plus orthodoxe au regard de la technique de la stipulation pour autrui et de la notion d'acquêt
et plus cohérente au regard de la jurisprudence Praslicka tout en emportant des conséquences
pratiques très proches de celles de l'arrêt du 10 juill. 1996.
En somme, il semble que, pour la première Chambre civile de la Cour de cassation, dès lors
qu'un contrat d'assurance-vie avec ou sans valeur de rachat est en cours au moment de la
dissolution de la communauté, il convient d'en rapporter d'une façon ou d'une autre la valeur
à l'actif de communauté si la communauté a payé les primes, quitte à forcer les cas
d'ouverture des récompenses.
Un résultat identique aurait pu être obtenu par une qualification exacte de la créance du
souscripteur au regard de la stipulation pour autrui. Il pourrait en effet être proposé que :
1° S'agissant des contrats en cours au moment de la dissolution de la communauté :
- La créance du souscripteur contre l'assureur doit être portée à l'actif commun en valeur et
non en nature par exention de la jurisprudence Praslicka (20).
- La valeur du contrat à porter à l'actif commun ne peut être trop éloignée du montant cumulé
des primes et des frais payés en l'absence de valeur rachat et est égale à cette valeur de
rachat s'il en existe une par application de la jurisprudence Praslicka.
2° En ce qui concerne les contrats dénoués lors de la dissolution de la communauté.
- Pour les assurances autres qu'entre époux (21), la donation indirecte consentie par l'époux
souscripteur au moyen de deniers communs et ayant pour objet le droit propre conféré à un
tiers bénéficiaire ouvre un cas de récompense au bénéfice de la communauté (ce qui suppose
en outre que la souscription du contrat se distingue d'une opération de simple prévoyance
compte tenu de l'intention libérale poursuivie par le souscripteur) (22).
- Le montant de la récompense est alors égal au cumul des primes acquittées sur les fonds
communs, frais du contrat inclus.
Mots clés :
COMMUNAUTE ENTRE EPOUX * Récompense * Assurance-vie * Tiers * Bénéfice * Prime
(1) Cass. 1re civ., 31 mars 1992, JCP 1993, II, n° 22059, note Abry ; Defrénois 1992, art.
35349, p. 1159, obs. Champenois ; RGAT 1993, p. 136, note Aubert et Kullmann ; D. 1993,
Somm. p. 219, obs. Lucet ; et sur renvoi CA Versailles, aud. sol., 21 juin 1993, RGAT 1994,
p. 202, note Maury ; JCP éd. N 1993, Prat. p. 679, et D. 1995, Somm. p. 40, obs. Lucet ;
Rev. not. assur.-vie 1993, n° 97, p. 42.
(2) V. par exemple Kullmann, Contrats d'assurance sur la vie : la chance de gain ou de perte,
D. 1996, Chron. p. 205 ; Aulagnier, L'assurance-vie est-elle un contrat d'assurance ?, Dr. et
patrimoine, déc. 1996, p. 44.
(3) Assurance en cas de décès par laquelle l'assureur s'engage à payer le capital souscrit au
bénéficiaire du contrat si l'assuré décède avant le terme du contrat. Si l'assuré est encore en
vie à l'échéance du terme, l'assureur ne verse rien. Le coût de cette assurance est faible car il
correspond à la probabilité de décès de l'assuré au cours d'une période donnée, notamment si
l'assuré est jeune et si la période d'assurance est brève.
(4) L'art. L. 132-23 c. assur. prévoit expressément que les assurances temporaires en cas de
décès ne sont pas rachetables.
(5) Delmas Saint-Hilaire et Lucet, Cah. gest. patrimoine, n° 57, sept.-oct. 1996, suppl. p. 12.
(6) Courtieu, Assurance-vie et communauté conjugale : le droit à récompense des primes,
Resp. civ. et assur., nov. 1996, Chron. n° 39.
(7) Une charge au sens général du terme est ce qui pèse et ce qui incombe par devoir à une
personne (Vocabulaire Capitant, sous la dir. de G. Cornu, PUF, 1996, v° Charge).
(8) Valeur elle-même étalonnée sur la provision mathématique du contrat.
(9) V. notre chronique, L'assurance-vie et le patrimoine de la famille, RGDA 1997, p. 13.
(10) Comment évaluer en pratique la valeur d'un contrat d'assurance-vie en l'absence d'une
valeur de rachat ? L'habileté des praticiens et notamment des notaires est à nouveau sollicitée
sous la double contrainte de l'accord des parties et de celui de l'administration fiscale qui
contrôlera l'évaluation des parties. On peut admettre cependant qu'elle est comprise entre le
montant cumulé des primes payées augmenté des frais et le capital assuré (V. infra, II).
(11) Car si le contrat est rachetable, la jurisprudence Praslicka est applicable.
(12) En effet, au moment où la communauté est dissoute, la créance de l'époux souscripteur
contre l'assureur disparaît et cède la place au droit propre du bénéficiaire désigné dans la
police contre l'assureur. Elle ne peut donc être portée à l'actif commun. Plus exactement, si on
considère qu'elle subsiste tant que l'assureur n'a pas payé le bénéficiaire, elle perd toute
valeur au jour de la réalisation du risque assuré et doit être portée pour zéro dans l'actif de
communauté (la valeur de la provision mathématique est d'ailleurs de zéro au jour où le
contrat se dénoue).
(13) V. par exemple Larroumet, Rép. civ. Dalloz, 2e éd., v° Stipulation pour autrui, n° 52.
(14) Sans préjudice de la question de la nullité pour défaut d'autorisation du conjoint sur le
fondement de l'art. 1422 c. civ. Mais on sait que, si le souscripteur peut se prévaloir de la
libre disposition des gains et salaires de l'art. 223 c. civ., la jurisprudence Pelletier est en
outre interprétée de façon à autoriser le souscripteur à acquitter les primes d'un contrat
d'assurance-vie sans avoir à requérir l'accord de son époux (Cass. ass. plén., 12 déc. 1986, D.
1987, Jur. p. 269, note Ghestin). S'agissant vraisemblablement en l'occurrence de primes
modiques, on peut supposer qu'elles ont été acquittées au moyen de gains et salaires.
(15) On remarquera cependant que si l'opération est qualifiée d'opération de prévoyance et
non de libéralité, on ne voit pas très bien sur quel fondement un cas de récompense pourrait
être ouvert sauf à qualifier le contrat d'assurance-vie de charge personnelle avec la Cour de
cassation, ce qui, on l'a vu, prête à discussion. La qualification de charge personnelle évince
ces problèmes de qualifications.
(16) Malaurie et Aynès, Les régimes matrimoniaux, Cujas, 1995-96, n° 345 s.
(17) En ce sens Terré et Simler, Les régimes matrimoniaux, Dalloz, 2e éd., n° 666, qui voient
plutôt dans l'évaluation systématique de la récompense dans ce cas de figure à hauteur de la
dépense faite un cas non prévu par le législateur.
(18) Que le fondement assigné à ce chef de récompense soit l'utilisation de deniers communs
pour payer une charge personnelle au souscripteur ou pour financer une donation indirecte.
(19) V. sur ce point Courtieu, Réflexions inconvenantes sur le droit et la valeur de rachat,
Resp. civ. et assur. juin 1995, Chron. n° 27.
(20) Avec les conséquences fiscales à la clé... et les conséquences civiles : en raison de la
jurisprudence Pelletier précitée et de la qualification de bien commun en valeur, l'entrée en
communauté de la créance du souscripteur est neutralisée en ce qui concerne les pouvoirs du
conjoint du souscripteur sur le contrat : les droits du contrat et notamment celui de révoquer
le bénéficiaire sont exclusivement exercés par l'époux souscripteur.
(21) Les contrats d'assurance-vie entre époux sont régis par l'art. L. 132-16 c. assur. :
récompense est due au décès de l'époux souscripteur et assuré à hauteur des primes
manifestement exagérées au regard de ses facultés financées par la communauté.
(22) En ce qui concerne toutefois les assurances personnelles au bénéfice de l'époux à la fois
souscripteur et bénéficiaire, il pourrait être admis que le bénéfice du contrat est acquis à titre
onéreux à raison du paiement des primes et entre en communauté à ce titre comme n'importe
quel acquêt. Pour certains auteurs, dans ce cas de figure, le capital assuré est un propre par
nature à charge, s'il y a lieu, de récompenser la communauté qui a acquitté les primes par
application de l'art. 1404 c. civ. et par analogie avec l'al. 1er de l'art. L. 132-16 c. assur. V.
sur l'état de la controverse doctrinale, Lamy assurances 1998, n° 3276.
Recueil Dalloz © Editions Dalloz 2009