Introduction aux bonnes pratiques cliniques (Good Clinical

Transcription

Introduction aux bonnes pratiques cliniques (Good Clinical
CURRICULUM
Introduction aux bonnes pratiques cliniques
(Good Clinical Practice)
Jean-Marc C. Häusler1, UCB, Bulle
Rappel historique
Quintessence
Les Bonnes Pratiques Cliniques (BPC) constituent un standard de qualité international destiné à la planification et à la réalisation d’essais cliniques sur les sujets humains, ainsi qu’à leur surveillance, leur analyse et
leur documentation.
Depuis 2001, la juridiction suisse prescrit que les essais cliniques doivent être réalisés en conformité avec les directives de BPC de l’ICH.
Les acteurs importants en recherche clinique sont le promoteur dirigeant
et finançant l’essai, l’investigateur responsable de sa réalisation pratique et
le comité d’éthique chargé de protéger les droits des sujets participants.
Le contrôle des BPC dans les essais cliniques recouvre les éléments suivants: il faut qu’un comité d’éthique indépendant évalue les avantages et les
risques; il faut que les médecins et les collaborateurs participants reçoivent
des informations bien étayées sur l’essai ainsi qu’une formation approfondie; il faut que les sujets participant à l’essai y consentent au préalable et de
plein gré; il faut que l’essai soit conduit selon un plan de vérification détaillé; il faut que toutes les activités utiles à l’essai soient documentées et que les
indications soient justifiées par des documents originaux et par des directives concernant la qualité du médicament à examiner.
Introduction
Jean-Marc C. Häusler
L’auteur certifie
qu’aucun conflit
d’intérêt n’est
lié à cet article.
Une enquête publiée récemment en Australie a montré
que de nombreuses personnes impliquées dans la recherche clinique ne disposent en fait que de connaissances limitées sur les obligations et les procédures en
vigueur dans ce domaine [1] et le constat ne semble guère
différent en Suisse. Le but de cet article est d’introduire
la notion de «Good Clinical Practice». Les trois documents de base les plus importants dans cette perspective sont la Déclaration d’Helsinki, l’Ordonnance fédérale sur les essais cliniques de produits thérapeutiques
et les guidelines pour la «Good Clinical Practice» de
l’ICH [2–4].
Le terme de «Good Clinical Practice» (en abrégé GCP, en
français Bonnes Pratiques Cliniques) est en fait peu
approprié, car la notion de GCP concerne la recherche clinique sur les produits thérapeutiques. Le terme de «Good
Clinical Research Practice» serait donc plus adapté. Les
principes de GCP constituent un standard de qualité
éthique et scientifique international pour la planification,
la réalisation, la surveillance, l’analyse et la documentation des essais qui incluent des sujets humains. Leur but
est de garantir le respect des droits des participants et
participantes, ainsi que d’assurer que les résultats soient
corrects et crédibles [3–5].
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article
à la page 425 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
Le premier document ayant établi des règles de base en
matière d’essais cliniques chez l’homme était le code de
Nuremberg [6]. Ce code faisait partie du jugement rendu
lors du procès de Nuremberg en 1947, au cours duquel
furent condamnés des médecins nazis pour leurs crimes
commis au nom de la recherche médicale [7]. Il y était en
particulier précisé que le consentement volontaire préalable du sujet après une information exhaustive est une
obligation absolue [6]. Les nazis, mais aussi l’armée
japonaise, avaient en effet conduit différentes expérimentations sur des personnes durant la Seconde Guerre
mondiale [8, 9]. C’est sur la base du code de Nuremberg
que la Déclaration d’Helsinki a été publiée en 1964, puis
complétée à plusieurs reprises [2]. Cette dernière a eu une
influence prépondérante sur les principes de bonnes
pratiques cliniques [5].
Il ne faudrait toutefois pas penser que les essais cliniques
criminels sont une exclusivité des temps de guerre. Le cas
le plus connu est probablement l’étude américaine de l’«US
Public Health Service» à Tuskegee [10]. Cette étude a suivi
l’évolution naturelle de la syphilis chez des patients noirs
entre 1932 et 1972, sans informer les sujets ni sur leur
maladie, ni sur la nature de l’étude proprement dite. Les
participants ont ainsi été volontairement privés de traitement. Cette étude a conduit à l’introduction aux Etats-Unis
des GCP avec la formulation des principes éthiques dans
la recherche clinique [11]. En Europe, les principes de
bonnes pratiques cliniques se sont imposés comme base
de la recherche clinique en 1991, sans précisions formelles
sur la signification du terme de «bonne pratique clinique»
[12]. C’est la Conférence Internationale d’Harmonisation
(ICH) qui s’est chargée de décrire précisément le contenu
du terme GCP au cours des années qui ont suivi [13].
Développement des ICH-GCP
Dans les années quatre-vingt, les autorités de régulation
de la Communauté Européenne ont harmonisé leurs directives et établi un grand marché pharmaceutique. L’industrie pharmaceutique était très intéressée à une telle
harmonisation dans un souci de minimisation des redondances dans le développement clinique des médicaments.
L’ICH a ainsi été fondée en 1990, sur une initiative des au-
1
La description faite dans cet article reflète l’opinion de
l’auteur et ne représente pas nécessairement l’avis de l’employeur.
Forum Med Suisse 2009;9(24):431
431
CURRICULUM
torités de régulation de l’UE, des Etats-Unis et du Japon,
ainsi que de l’industrie pharmaceutique [13]. L’ICH a
publié au cours des années suivantes différentes recommandations dans le domaine de la recherche clinique,
notamment la directive E6 sur la GCP en 1996 [4].
L’ICH-GCP est donc le résultat d’une coopération internationale entre autorités de régulation et industrie pharmaceutique. De nombreux points des GCP sont d’ailleurs
plutôt destinés au développement clinique commercial
de nouveaux médicaments. Ce sont toutefois moins les
directives administratives concrètes que l’attitude scientifique et morale exprimée par les principes de GCP qui
ont en définitive conduit à l’adoption à
large échelle des principes de GCP dans
C’est grâce à leurs dimentous les types de recherches cliniques [5].
sions éthiques et scientiAujourd’hui, les principes de GCP sont
fiques que les principes
bien plus que de simples recommandades BPC ont été adoptés
tions. Dans de nombreux pays, y compris
en recherche clinique
dans l’UE et aux Etats-Unis, les Bonnes
Pratiques Cliniques ont été intégrées dans
la législation régissant la recherche clinique [14–16]. En
Suisse, c’est l’Ordonnance sur les essais cliniques de produits thérapeutiques (OClin) qui constitue la base légale
pour la recherche clinique [3]. Elle requiert que les essais cliniques avec des médicaments doivent être réalisés conformément aux ICH-GCP. Les essais et les études
cliniques se définissent comme toute expérimentation
qui évalue la sécurité, l’efficacité ou d’autres caractéristiques d’un produit thérapeutique chez l’homme [17].
Intervenants dans la recherche clinique
La figure 1 x donne un aperçu des différents acteurs de
la recherche clinique. Le sponsor est «une personne ou
une organisation responsable de la mise sur pied, du management ou du financement d’un essai clinique» [3, 4].
Un institut de recherche mandaté («Contract Research
Organization») peut être engagé par le sponsor et être
chargé par ce dernier de toute une série de tâches, mais
la responsabilité finale pour la qualité et l’intégrité de
l’étude reste chez le sponsor. L’investigateur ou le médecin de l’étude («Investigator») est une «personne responsable de la réalisation pratique de l’essai clinique et
de la préservation de la santé et du bien-être des sujets
inclus» [3, 4].
Sponsor
• Dossier
de notification
• Effets
indésirables
• Rapport final
Institut
de recherche
mandaté
• Autorisation
de l’étude
• Inspection
Swissmedic
• Médicament
• Protocole d’investigation
• Monitoring
• Information
• Médicament
Sujet
Investigateur
• Dossier de
documentation
• Effets
indésirables
• Autorisation
• Données
de l’étude
• Documentation
• Effets
indésirables
• Prise de position
Commission
d’éthique
Figure 1
Représentation simplifiée des principales interactions entre les différents intervenants
impliqués dans la recherche clinique.
Il est important de bien comprendre que dans des essais
non commerciaux, l’investigateur peut parfois être simultanément le sponsor de l’étude. La définition du sponsor
n’est en effet pas liée par principe au financement, mais
essentiellement à la conception et au management de
l’étude. Lorsqu’un investigateur met en route et dirige
une étude, il devient un sponsor-investigateur («SponsorInvestigator») et endosse la responsabilité à la fois de
l’investigateur et du sponsor. C’est également le cas
lorsqu’une telle étude reçoit le soutien financier de l’industrie pharmaceutique ou d’autres organisations. On
parle alors d’un essai initié par l’investigateur («Investigator-initiated Study» ou «Investigator-sponsored Study»)
[3, 4].
Les Bonnes Pratiques Cliniques (GCP)
L’objectif fondamental des principes de GCP est de protéger les droits des sujets de tests et de garantir l’intégrité
des résultats des études. 13 principes de GCP ont été
formulés dans ce but.
1. «Les essais cliniques doivent être conformes aux règles
de l’éthique énoncées dans la Déclaration d’Helsinki et
compatibles avec les principes de GCP et les dispositions
légales en vigueur.» [4, 18]
Tous les documents importants sont aujourd’hui facilement accessibles sur Internet et toutes les personnes impliquées devraient se familiariser avec ces textes. Il peut
être utile de se rappeler que le respect des principes de
GCP n’est pas seulement dans l’intérêt des sujets d’études
et de la qualité scientifique des résultats, mais qu’ils sont
également dans le propre intérêt de l’investigateur qui doit
se conformer aux dispositions légales [3].
2. «Avant le début de tout essai clinique, les risques et
les désagréments prévisibles pour les sujets de recherche et la société en général seront soigneusement
pesés face aux bénéfices potentiels. Un essai clinique ne
sera mis en route et poursuivi que si les bénéfices potentiels dépassent les risques qu’il implique.» [4, 18]
C’est le rôle de la commission d’éthique de protéger les
droits, la sécurité et le bien-être de tous les sujets de recherche. La pesée des risques et des bénéfices fait notamment partie de ses tâches. Cette appréciation peut très bien
changer au cours du temps au fur et à mesure de l’acquisition de nouvelles connaissances, par exemple si une analyse intermédiaire planifiée révèle de nouveaux aspects ou
en cas d’effets indésirables inattendus. Les effets indésirables graves doivent être immédiatement annoncés à la
commission d’éthique par l’investigateur et à Swissmedic
par le sponsor [3].
3. «Les droits, la sécurité et le bien-être des sujets de recherche constituent la priorité absolue et passent avant
l’intérêt de la science et de la société.» [4, 18]
Dans le feu de l’excitation scientifique, ce principe est facilement oublié, comme l’ont montré plusieurs exemples
historiques bien connus. Une prudence particulière est
de mise chez les personnes vulnérables («vulnerable subjects»). Il s’agit de personnes dont la participation à un
essai clinique n’est pas véritablement volontaire, mais a
été influencée par l’attente de certains avantages ou
inconvénients. Il s’agit par exemple de membres d’une
Forum Med Suisse 2009;9(24):432
432
CURRICULUM
hiérarchie (par ex. étudiants en médecine ou personnel
local et en informer le sponsor [3]. En Suisse, les comhospitalier), de patients en phase terminale, de chômeurs,
missions d’éthique sont désignées par les cantons. La
de réfugiés ou d’une manière générale de toutes les percommission d’éthique examine les différents documents,
sonnes incapables de discernement. Pour l’investigateur,
notamment le protocole, la brochure d’information desil est également très important de respecter scrupuleusetinée aux investigateurs et toutes les informations écrites
ment les critères d’inclusion et d’exclusion du protocole de
remises aux sujets de recherche. Aucun sujet ne peut être
l’étude. Il est contraire à l’éthique d’inclure dans une étude
inclus dans un essai sans l’approbation de la commission
des sujets qui ne devraient pas entrer en ligne de compte,
d’éthique. Toute modification significative apportée au
parce que cela les exposerait à un risque sans que les donprotocole d’étude est appelée un amendement, nécessite
nées qui en résultent ne servent à répondre à la question
à ce titre l’approbation de la commission d’éthique et doit
scientifique posée.
être annoncée à Swissmedic [3].
4. «Les informations précliniques et cliniques disponibles
7. «Le suivi médical des sujets de recherche et les décisions
pour un médicament devraient fournir une justification à
médicales prises en leur nom doivent toujours être placés
l’étude clinique proposée.» [4, 18]
sous la responsabilité d’un médecin qualifié.» [4, 18]
L’ICH-GCP comporte un chapitre à part, décrivant les in8. «Toute personne participant à la réalisation d’un essai
formations qu’un investigateur devrait recevoir sous la
clinique doit être qualifiée pour accomplir les tâches qui
forme d’une brochure d’information pour l’investigateur
lui sont confiées par un enseignement, une formation
(«Investigator’s Brochure»), avant qu’il participe à une
continue et une expérience professionnelle appropriée.»
étude. Chaque investigateur devrait se familiariser avec
[4, 18]
ces informations et discuter avec le sponsor des questions
N’est admis comme investigateur dans un essai clinique
en suspens. La constitution d’une brochure d’information
réalisé en Suisse qu’un médecin agréé, disposant d’une forest de la responsabilité du sponsor. Dans les essais initiés
mation ou d’une expérience suffisante en matière de prinpar l’investigateur, il peut arriver que le fabricant du mécipes de GCP [3]. Cette expérience est en général attestée
dicament mette à disposition de ce dernier
par un curriculum vitae mentionnant les
une brochure d’information. En cas d’évatravaux réalisés au cours de sa carrière. Le
L’Ordonnance sur les essais
luation d’un médicament déjà enregistré,
curriculum de l’investigateur est un docucliniques de produits
on peut se contenter d’utiliser comme base
ment précieux, qui doit être daté, signé et
thérapeutiques spécifie que
l’information professionnelle, mais elle demis à jour lors de chaque étude, puis
ces essais doivent se
vra être adaptée spécifiquement si le médiconservé en lieu sûr. L’investigateur peut
conformer aux directives
cament concerné est testé dans une indidéléguer l’exécution de certaines tâches à
de BPC de l’ICH
cation non approuvée. L’investigateur et
d’autres collaborateurs, par exemple des
l’autorité de contrôle doivent être informés
infirmières ou des doctorants. Cette déléen cas d’essai planifié. Le sponsor d’un essai clinique réagation devra néanmoins être documentée sous la forme
lisé en Suisse doit l’annoncer avant sa mise en route à
d’une liste de signatures.
Swissmedic à l’aide d’un dossier d’information [3].
9. «Avant d’être inclus dans un essai clinique, tout sujet
5. «Les essais cliniques doivent être scientifiquement
de recherche devra d’abord signer une déclaration de
fondés et comporter un plan d’étude détaillé et claireconsentement volontaire, après avoir été soigneusement
ment formulé.» [4, 18]
informé.» [4, 18]
La structure et les contenus d’un plan d’investigation
La déclaration de consentement éclairé («Informed
(aussi appelé protocole d’étude) forment un chapitre à
Consent») des sujets de recherche n’est pas un simple dopart dans l’ICH-GCP. Le protocole d’étude est l’un des document signé, mais un processus dans lequel l’investigacuments les plus importants [5]. Il vaut toujours la peine
teur joue un rôle central. Les principes de GCP définissent
de constituer un protocole complet et clair, surtout pour
la déclaration de consentement comme «un processus au
les essais qui se déroulent sur plusieurs sites et avec de
cours duquel un sujet déclare qu’il est volontaire pour parnombreux investigateurs.
ticiper à un essai clinique donné, après avoir été informé
6. «Un essai clinique doit se dérouler conformément au
de tous les aspects importants nécessaires à la prise de déprotocole d’étude établi au préalable et approuvé ou
cision» [4, 18]. Les guidelines de GCP contiennent une liste
jugé favorablement par une commission d’éthique indédes points sur lesquels un sujet de recherche doit être inpendante.» [4, 18]
formé en langage compréhensible, spécifiquement dans
Le protocole de l’étude est établi par le sponsor et doit être
l’optique de l’étude considérée. Les formulaires de consenlu et signé par l’investigateur. Par sa signature, l’investigatement standardisés utilisés en prévision des interventions
teur s’engage à réaliser l’étude dans le strict respect du prochirurgicales dans les hôpitaux sont totalement insuffitocole. Tout écart par rapport au protocole («Protocol Desants. L’expérience a d’autre part montré qu’il est aussi
viation») nécessite l’accord préalable du sponsor et de la
utile d’informer le médecin traitant de la participation de
commission d’éthique, exception faite des cas urgents. Les
son patient à l’étude, pour autant que ce dernier y consente.
écarts, qu’ils soient volontaires ou imprévus (par erreur),
La déclaration de consentement du sujet doit être obtenue
doivent être documentés et expliqués. Il est important que
avant d’entreprendre une quelconque action en relation
tous les collaborateurs impliqués du centre d’étude – et
avec l’essai clinique. Il n’est par exemple pas permis de
pas seulement l’investigateur – soient bien au courant des
procéder à des examens de laboratoire ou à d’autres ininformations essentielles relatives au protocole.
vestigations «à l’avance», dans le but de déterminer si une
Pour chaque étude, l’investigateur doit recevoir l’aval de
personne convient pour participer à une certaine étude
la commission d’éthique responsable au niveau du site
(«screening»). Lorsque des informations importantes
Forum Med Suisse 2009;9(24):433
433
CURRICULUM
concernant un médicament se font jour durant un essai clinique, les sujets doivent en être informés et doivent avoir
la possibilité, le cas échéant, de retirer leur accord de participation. Quoi qu’il en soit, le sujet de recherche ne renonce à aucun droit personnel en signant la déclaration de
consentement et il peut retirer son accord à tout moment,
sans devoir se justifier.
10. «Toutes les données des tests cliniques doivent être
documentées, traitées et conservées pour permettre l’établissement d’un rapport, d’une interprétation et un
contrôle corrects.» [4, 18]
Le texte des principes de GCP contient une longue liste de
documents qu’il convient de conserver soigneusement en
qualité de documents essentiels garantissant la qualité des
données collectées. Ces exigences en matière de documentation peuvent sembler à première vue disproportionnées.
Il est cependant de l’intérêt de l’investigateur d’être scrupuleusement conforme aux principes de GCP et à toutes les
dispositions légales. D’autre part, la plupart de ces documents dits essentiels seraient de toute manière établis ou
nécessaires durant l’étude, à la différence près que les
Bonnes Pratiques Cliniques requièrent un classement systématique dans des archives centralisées. Il est très important que toutes les actions et toutes les correspondances en
relation avec l’étude soient documentées. Le principe est
simple: ce qui n’a pas été documenté n’a pas été fait.
Les documents originaux («Source Documents») revêtent
une importance particulière. Ils sont utilisés pour prouver
l’existence des sujets et l’intégrité des résultats. On peut citer comme exemples de documents originaux les dossiers
des malades, les fiches de résultats de laboratoire, les rapports médicaux et les radiographies. Dans la
pratique, il est utile de noter les caractérisLes rapports avec les comitiques des sujets de recherche dans le dostés d’éthique sont parfois
sier médical et de n’inscrire qu’ensuite les
pénibles, mais ils permettent
informations significatives dans le dossier
de lutter contre les abus
de l’étude («Case Report Form»). Les donen recherche
nées sources sont ainsi conservées clairement en un seul endroit, si bien que les résultats des essais sont faciles à retrouver. Il devrait aller de
soi que le dossier de l’étude soit rempli de manière propre
pour que le bénéfice conféré par la collaboration du sujet
de recherche ne soit pas anéanti par des inscriptions illisibles. Toute modification des données sera datée et signée
pour pouvoir être retracée.
11. «Le traitement confidentiel des données qui
permettraient l’identification des sujets de recherche
doit être garanti dans le respect des dispositions juridiques en vigueur concernant la protection de la sphère
privée et de la confidentialité des données.» [4, 18]
Tout sujet de recherche reçoit, lors de son inclusion dans
une étude, un code d’identification unique. Ces codes seront inscrits sur une liste séparée et devront ensuite être
utilisés durant toute l’étude. Les mentions des données personnelles permettant l’identification du sujet de recherche
doivent être cachées ou retirées des documents joints au
dossier de l’étude et aux annonces d’effets indésirables.
12. «La fabrication, le mode d’emploi et la conservation
du médicament de test doivent être conformes aux règles de bonnes méthodes de fabrication (GMP: «Good
Manufacturing Practice»). Ils doivent correspondre au
protocole d’étude approuvé.» [4, 18]
Il est de la responsabilité du sponsor ou du fabricant de
fabriquer le médicament conformément aux guidelines de
Bonnes Pratiques Cliniques. L’investigateur est quant à lui
responsable du mode d’emploi et de la conservation. Le
protocole de l’étude et/ou la brochure d’information destinée à l’investigateur contient/contiennent des directives
plus précises à ce propos. La documentation détaillée de
la livraison, de la remise aux sujets de recherche et du
retour au sponsor, notamment la date, la quantité, le code
d’identification du produit médicinal et des sujets de
recherche, est aussi placée sous cette responsabilité.
13. «Il faut introduire des trains de mesures garantissant
la qualité de tous les processus utilisés dans le cadre des
essais cliniques.» [4, 18]
Le sponsor est responsable de la documentation écrite
décrivant les processus utilisés pour assurer la qualité
de l’essai. Il ne s’agit pas uniquement des activités cliniques de l’investigateur, mais aussi de la gestion et de
l’analyse statistique des données. On distingue ici le
contrôle de qualité («Quality Control»), qui décrit le
contrôle tactique des activités liées à l’étude, et l’assurance qualité («Quality Assurance»), qui diffère du précédent par le fait qu’elle décrit l’évaluation stratégique
et systématique des processus et des activités. Durant la
phase clinique, le contrôle de qualité est assuré par des
surveillants («Clinical Research Associates»), qui répondent aux questions des investigateurs et font en sorte que
l’étude se déroule conformément au protocole et que les
guidelines des Bonnes Pratiques Cliniques et les dispositions légales soient respectées. L’assurance qualité
consiste en audits au hasard pour évaluer de manière
systématique la qualité d’un site de l’étude et des procédures préparées par le sponsor. Le sponsor, de même
que Swissmedic, peut procéder à des inspections chez
les sponsors et les sites d’étude [3]. L’investigateur est
tenu d’accorder à tout moment aux surveillants, auditeurs et inspecteurs le libre accès à tous les documents
essentiels, y compris les documents originaux.
En ce qui concerne la recherche non commerciale, les
activités de contrôle de qualité et d’assurance qualité
sont réalisées de façon limitée par des collaborateurs du
centre d’investigation [5]. Ceci ne constitue pas forcément un problème, car ce type d’essais est parfois moins
complexe et peut être assurée par le sponsor investigateur. Ce qui importe en revanche, c’est l’attitude morale,
qui voit dans les contrôles de qualité réguliers une partie intégrante de l’activité de recherche, même s’ils ne se
font que sporadiquement. Ces processus doivent être
documentés par écrit et ne pas englober d’activités non
cliniques, telles que la gestion des données. Un certain
degré de monitoring est dans tous les cas souhaitable et
les surveillants devraient disposer, pour pouvoir travailler de manière efficace, d’une certaine indépendance
organisationnelle vis-à-vis des investigateurs.
Perspectives
Les principes de GCP ont pour but de protéger les droits
des participants à des projets de recherche clinique. Bien
que les relations avec les commissions d’éthique puissent
parfois être difficiles, elles sont utiles pour éviter une évenForum Med Suisse 2009;9(24):434
434
CURRICULUM
tuelle recherche clinique inadéquate. Il va sans dire qu’on
ne peut pas se prémunir de tous les abus, mais les bonnes
pratiques cliniques constituent dans ces cas des références utiles pour identifier les procédés inadéquats
[19, 20]. Le second objectif des principes de
GCP est l’assurance de la crédibilité et de la
Il faudrait procéder à une
qualité des données des essais cliniques. Les
mise à jour des BPC fondée
méthodes utilisées et la documentation peusur les preuves
vent être délicates [5, 21]. En ces temps de
médecine fondée sur les preuves (EBM),
même les guidelines de GCP peuvent sembler dépassées
sur le plan méthodologique. Elles sont le fruit d’un consensus d’experts de l’industrie pharmaceutique et des autorités de la santé à l’exclusion d’autres acteurs. Ces recommandations de GCP n’incluent aucune référence de la
littérature et elles n’ont pas été revues et actualisées depuis 1996 [21]. Ces faiblesses traduisent le fait que ces
Références recommandées
– International Conference on Harmonisation. Guideline for Good Clinical Practice E6(R1). 1996 Jun [cited 2009 Jan 20]. Available from:
http://www.ich.org/LOB/media/MEDIA482.pdf
– Bundesbehörden der Schweizerischen Eidgenossenschaft. Verordnung über klinische Versuche mit Heilmitteln (VKlin). 2008 Jan [cited
2009 Jan 20]. Available from:
http://www.admin.ch/ch/d/sr/8/812.214.2.de.pdf
recommandations étaient destinées à l’origine à la recherche commerciale, avant d’être étendues aux autres
formes de recherche clinique, faute d’alternative valable
[13]. A long terme, il serait certainement souhaitable de
mettre à jour les guidelines de GCP sur la base de la médecine fondée sur les preuves (EBM), en tenant compte
de l’avis de tous les partenaires d’une recherche clinique.
Les ICH-GCP ont servi à l’époque à promouvoir l’éthique
et la crédibilité scientifique dans la recherche clinique.
Correspondance:
Dr Jean-Marc C. Häusler, MBA
Global Medical Director
UCB
Chemin de Croix Blanche 10
CH-1630 Bulle
[email protected]
– World Medical Association. Declaration of Helsinki: Ethical Principles
for Medical Research Involving Human Subjects. 2008 Oct [cited 2009
Jan 20]. Available from:
http://www.wma.net/e/policy/pdf/17c.pdf
Les références complètes et numérotées sont disponibles dans la version
en ligne de cet article à l’adresse www.medicalforum.ch.
Forum Med Suisse 2009;9(24):435
435
Einführung in Good Clinical Practice /
Introduction aux bonnes pratiques cliniques (Good Clinical
Practice)
Weiterführende Literatur (Online-Version) /
Références complémentaires (online version)
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
Babl FE, Sharwood LN. Research governance: current knowledge among clinical researchers. Med J Aust. 2008;188(11):649–52.
World Medical Association. Declaration of Helsinki: Ethical Principles for Medical Research Involving Human Subjects. 2008
Oct [cited 2009 Jan 20]. Available from: http://www.wma.net/e/policy/pdf/17c.pdf
Bundesbehörden der Schweizerischen Eidgenossenschaft. Verordnung über klinische Versuche mit Heilmitteln (VKlin). 2008 Jan
[cited 2009 Jan 20]. Available from: http://www.admin.ch/ch/d/sr/8/812.214.2.de.pdf
International Conference on Harmonisation. Guideline for Good Clinical Practice E6(R1). 1996 Jun [cited 2009 Jan 20].
Available from: http://www.ich.org/LOB/media/MEDIA482.pdf
Sweatman J. Good clinical practice: a nuisance, a help or a necessity for clinical pharmacology? Br J Clin Pharmacol.
2003;55(1):1–5.
National Institutes of Health, Office of Human Subjects Research [homepage on the Internet]. Nuremberg Code. 1949 [cited 2009
Jan 20]. Available from: http://ohsr.od.nih.gov/guidelines/nuremberg.html
U.S. Holocaust Memorial Museum [homepage on the Internet]. The Doctors Trial: Indictment. 1949-1953 [cited 2009 Jan 20].
Available from: http://www.ushmm.org/research/doctors/indiptx.htm
Byrd GD. General Ishii Shiro: His legacy is that of a genius and madman. 2005 May [cited 2009 Jan 20]. Available from:
http://etd-submit.etsu.edu/etd/theses/available/etd-0403105-134542/unrestricted/ByrdG042805f.pdf
Globalsecurity.org [homepage on the Internet]. Biological Weapons Program. [Cited 2009 Jan 20]. Available from:
http://www.globalsecurity.org/wmd/world/japan/bw.htm
Centers for Disease Control and Prevention [homepage on the Internet]. U.S. Public Health Service Syphilis Study at Tuskegee.
[Cited 2009 Jan 20]. Available from: http://www.cdc.gov/tuskegee/index.html
National Institutes of Health, Office of Human Subjects Research [homepage on the Internet]. The Belmont Report. 1979 Apr
[cited 2009 Jan 20]. Available from: http://ohsr.od.nih.gov/guidelines/belmont.html
Eur-Lex [homepage on the Internet]. Commission Directive 91/507/EEC of 19 July 1991. 1991 Jul [cited 2009 Jan 20]. Available
from: http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0507:EN:HTML
International Conference on Harmonisation. History and Future of ICH. [Cited 2009 Jan 20]. Available from:
http://www.ich.org/Main.jser?@_ID=524
Eur-Lex [homepage on the Internet]. Directive 2001/20/EC of the European Parliament and of the Council of 4 April 2001. 2001
Apr
[cited
2009
Jan
20].
Available
from:http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2001:121:0034:0044:EN:PDF
Eur-Lex [homepage on the Internet]. Commission Directive 2005/28/EC of 8 April 2005. 2005 Apr [cited 2009 Jan 20]. Available
from: http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2005:091:0013:0019:EN:PDF
U.S. Food and Drug Administration [homepage on the Internet]. FDA Regulations Relating to Good Clinical Practice and Clinical
Trials. [Cited 2009 Jan 20]. Available from: http://www.fda.gov/oc/gcp/regulations.html
Swissmedic [homepage on the Internet]. Formulare: Klinische Versuche. [Cited 2009 Jan 20]. Available from:
http://www.swissmedic.ch/org/00064/00067/00330/00849/index.html?lang=de
International Conference on Harmonisation. Leitlinie zur Guten Klinischen Praxis [Übersetzung]. 1997 May [cited 2009 Jan 20].
Available from: http://www.krebsgesellschaft.de/download/ICH-GCP.doc
Charatan F. US halts University of Oklahoma clinical research. BMJ. 2000;321(7255):195.
Mudur G. Johns Hopkins admits scientist used Indian patients as guinea pigs. BMJ. 2001;323(7323):1204.
Grimes DA, Hubacher D, Nanda K, Schulz KF, Moher D, Altman DG. The Good Clinical Practice guideline: a bronze standard
for clinical research. Lancet. 2005;366(9480):172–4.