MDP : réformer mais pas déformer

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MDP : réformer mais pas déformer
Négociations Climat
Montréal - Décembre 2005
éco
Lettre des ONG
5
décembre
Edition
illustrée
EDITION FRANCAISE
ECO est publié par les Organisations non gouvernementales depuis la Conférence environnementale de Stockholm en 1972. Cet exemplaire est produit
de façon collective par les groupes du Réseau Action Climat mondial présents à COP-MOP 1, Montréal, Novembre-décembre 2005.
MDP : réformer mais pas déformer
En avant l’UE !
Tous les ans, ECO arrive aux COP avec des idées lumineuses pour améliorer le MDP et
se rend compte que son énergie est finalement plus utile pour défendre ce qui est déjà
en place. Tous les ans, on entend la même rengaine sur l'additionalité : trop compliquée
et qui doit être simplifiée pour permettre au mécanisme d'aller de l'avant. Généralement,
ces appels viennent de quelques pays industrialisés, des porteurs de projets et de fournisseurs de services irresponsables et désireux de masquer la non-additionalité de leurs
projets. Or, cette année, certains pays en développement agrandissent le rang des
“contestataires”, insatisfaits du MDP. De cela, ils tirent la conclusion que la méthodologie de l'additionalité, développée par le Comité exécutif (CE) du MDP est en cause.
ECO reconnaît que le concept d'additionalité a pour l'instant du mal à être compris par
tous. C'est aussi une des raisons pour lesquelles le CE a développé son “test de l'additionalité”, comme outil d'assistance. Les porteurs et certificateurs de projets soucieux de
l'environnement soulignent d'ailleurs son utilité. ECO rappelle également que le CE,
comme la COP à sa 10e session, ont clairement indiqué que cet outil est d'usage facultatif. En aucun cas son utilisation est obligatoire : chacun est libre de faire des propositions alternatives pour ses projets.
“Le Général c'est la sagesse, la crédibilité, la
bienveillance, le courage et la discipline”
Sun Tzu, l'Art de la Guerre
La raison d'être du test de l'additionalité est de garantir que le niveau d'émissions soit au
final moindre par rapport à une situation sans MDP. ECO s'inquiète des informations
qu'il a reçu sur des projets non-additionnels proposés malgré l'excellent travail du CE et
ses panels. L'additionalité est LE critère minimum permettant de maintenir l'intégrité
environnementale du MDP. ECO souhaite donc fortement que le CE élabore et mette en
place un système de sanctions pour ceux qui proposent de manière abusive des projets
business as usual. Cela permettrait notamment de désengorger le CE du MDP.
Les pays hôtes n'obtiendront rien en affaiblissant l'additionalité, bien au contraire. Ils risqueraient même d'entraîner l'exclusion de projets réellement additionnels qui ne pourront pas concurrencer les projets business as usual.
L'Art de la Guerre de Sun Tzu explique que ces
cinq éléments caractérisent un bon leader. ECO
recommande tout naturellement à l'Union
Européenne de s'en inspirer pour prouver son leadership lors de cette conférence. Dans l'édition du
1er décembre, ECO avait souligné que l'UE avait
envoyé à Montréal ses délégués avec une mission
claire : initier lors de cette conférence un processus solide pour un accord sur le post-2012.
L'Europe est fière d'avoir pris, sur le plan domestique, des objectifs ambitieux tels que :
• appels à la réduction de plus de 30% en 2020
pour les pays industrialisés ;
• la mise en place outils pour permettre à l'UE
d’atteindre ses engagements de Kyoto pour la 1er
période d'engagements et les engagements des
périodes à venir ;
• objectif de + 25% d'énergie renouvelables d'ici
2020 ;
• loi sur l'efficacité énergétique après 2010 ;
• seconde phase du Programme Européen sur le
Changement Climatique pour développer des
pistes de réductions après 2012.
La vraie raison des retards observés n'est pas l'additionalité mais l'insuffisance des ressources fournies jusqu'ici par les pays de l'Annexe I. Alors que le CE est inondé de projets, il a reçu moins d'un tiers de ce que les experts considèrent nécessaire pour son bon
fonctionnement. Les Etats doivent, lors de cette conférence, donner au CE les moyens
d'accomplir son travail.
Le sabotage de l'additionalité ne permettra pas non plus une répartition géographique
plus équitable des projets. Le MDP est un mécanisme de marché et celui-ci s'oriente là
où d'importantes réductions d'émissions peuvent être faites à un coût moins élevé.
Pourtant, les délégués semblent avoir perdu de
vues quelques une de leurs ambitions. Que vont
penser les citoyens européens si leurs leaders ne
se montrent pas aussi entreprenant à Montréal
qu'au niveau communautaire ? Alors que commence le tournoi final des négociations cette
semaine, l'UE se doit de représenter l'ensemble de
ces citoyens qui manifestent leur attachement à
Kyoto.
(Suite page 2)
(Suite page 2)
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(Suite de l’article de la page 1 “MDP : réformer mais pas déformer ”)
(Suite de l’article de la page 1 “En avant l’UE !”)
Il se dirige aussi là où un cadre stable de régulation et une capacité suffisante existent afin que les projets puissent être rapidement approuvés. Ces
conditions sont rarement réunies dans les pays les moins avancés qui doivent désespérément être soutenus. ECO appelle donc les pays de l'Annexe
I à étendre leurs activités de renforcement de capacités en particulier aux
pays qui en ont le plus besoin.
Enfin, il serait important que les acheteurs aillent au-delà de leur stratégie
du “moindre coût” et suive l'exemple de pays comme la Finlande qui a
développé un programme exclusivement réservé aux petits projets MDP.
ECO appelle donc les acheteurs, acteurs essentiels du marché, à mettre
l'accent sur les projets de qualité… S'ils se sentent désemparés sur la
marche à suivre, ils n'ont qu'à aller voir du coté du Gold Standard
(www.cdmgoldstandard.org), qui leur apprendra à identifier ce type de projets !
Les yeux du monde sont braqués sur Montréal, les citoyens
européens au premier rang des observateurs. De plus en plus
sensibles au changement climatique, ils demandent que des
engagements plus fort soient pris et attendent de leurs gouvernements qu'ils agissent fermement dans cette voie.
Y’a plus
de saison !
A qui le
dis-tu !
C’est une question de marché
Après une semaine passée à errer dans le Palais des Congrès, les
délégués de nombreuses Parties commencent tout juste à se rendre
compte des nombreuses possibilités qui s'offrent à eux. Lentement,
très lentement, ils comprennent que la réponse à leurs problèmes
était juste sous leur nez depuis le début : Le marché peut tout,
même booster le Protocole de Kyoto !
Certes, il est un peu frustrant que les Parties ne s'en rendent compte que maintenant, nous qui pensions que cette idée était connue
depuis Kyoto, il y a 8 ans déjà. Ça ne nous rajeunit pas !
Mais revenons aux choses sérieuses, soient les éléments sur lesquels les Parties au Protocole se sont mises d'accord. C'est très
simple, magnifiquement logique et naturellement clair : l'économie actuelle provoque et provoquera un réchauffement de la planète parce qu'elle émet trop de CO2. Il faut donc "décarboniser" le
marché. Vous suivez toujours ? Pas sûr… Si vous pensez qu'il n'y
a aucun déséquilibre planétaire du cycle du carbone c'est sans
doute parce que votre économie s'étouffe dans un nuage de CO2.
Par contre, si vous ne faites pas partie d'un pays de l'Annexe I,
vous êtes probablement de ceux qui appellent à un renforcement,
une amélioration et une meilleure rentabilité du MDP. Vous avez
donc comme projet de consolider les ressources pour le développement en incluant le transfert de technologie. Le MDP est un
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De nombreux pays souhaitent eux aussi qu'un leadership se
dessine. L'UE est attendue avec impatience à ce niveau ! De
nombreux pays en développement envoient aujourd'hui des
signaux forts pour l'action. Et la proposition de la Papouasie
Nouvelle Guinée et du Costa Rica n'en est qu'un exemple.
La position actuelle des négociateurs européens sur une décision COP/MOP, laissant entendre qu’ils “soutiendront, ni ne
bloqueront” une telle décision, est largement insuffisante. Elle
contribue en fait à tuer le processus. ECO aimerait rappeler
aux délégués de l'Union qu'ils doivent s'engager de manière
proactive dans cette voie. Pour ce faire, il est essentiel de discuter dès maintenant d'une décision COP/MOP, avec la mise
en place d'un groupe de travail à durée illimitée, devant rendre
ses travaux d'ici 2008. L'UE doit aussi défendre fermement les
questions d'additionnalité du MDP afin de préserver son intégrité. L'UE doit être très claire sur l'exclusion du HFC23 du
MDP et soutenir activement les débats techniques, scientifiques et politiques sur les implications de la déforestation
dans le cadre de la COP/MOP.
marché. En tant qu'homme d'affaire sérieux, vous avez certainement besoin d'un cadre stable pour discuter de l'offre et de la
demande, non…?
Sommes-nous tous bien d'accord que le MDP fait partie de la
COP-MOP ? (Si vous répondez non à cette question, retournez à
la case départ et regardez les investisseurs étrangers s'éloigner de
vous).
Si vous préférez la COP, détendez-vous et observez
l’Administration Bush bloquer le développement de votre marché
du carbone.
Si vous êtes d'un pays de l'Annexe I Partie à la COP/MOP (pour
savoir si vous êtes dans cette catégorie, posez-vous la question
“Le changement climatique est-il une réalité ?” si oui, vous en
faites probablement partie ;), vos entreprises sont leaders dans un
marché du carbone où l’Administration Bush est hors concours.
Comment peut-il être dans votre intérêt de tuer dans l'œuf ce marché en émergence ?
Cela ne sera pas possible sous la COP, comme le montre les cinq
premières années d'entraves de l'administration Bush. Cette
semaine, c'est votre dernière chance d'avancer sans cet obstacle !
Il est dans l'intérêt de tous (enfin de presque tous) de se concentrer sur l'avenir à Montréal.
Et l'avenir passe par la COP/MOP...
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Compte à rebours
Il n'y a rien de plus facile que de montrer l'importance d'un engagement sérieux de la négociation lors de cette Conférence de Montréal.
Il suffit de faire le compte à rebours.
• 2013 - Il faut que le texte qui suivra le protocole de Kyoto actuel soit
pleinement en vigueur le 1er janvier 2013. Concrètement, pour éviter
toute perturbation des marchés et des investissements, il faut que les
acteurs économiques aient une réelle visibilité tôt dans l'année 2012.
• 2012 - Le texte de Kyoto II doit donc avoir été ratifié pour cette date
par les parlements nationaux en atteignant le taux fixé d'entrée en
vigueur.
• Fin 2008 - La 4e COP/MOP doit impérativement être celle de l'adoption d’un texte sur le futur régime compte tenu d'un délai de deux à
trois ans pour réunir les ratifications par tous les parlements nationaux.
Cet accord doit porter sur ce nouveau traité mais aussi sur les décisions d'accompagnement, semblables aux accords de Marrakech, les
seules à pouvoir enclencher les ratifications parlementaires.
La période de négociation de Kyoto II et de ses textes d'accompagne-
ment doit donc couvrir les trois années qui viennent. Cette durée est à
comparer avec le lent accouchement de Kyoto I : Top départ, mandat
de Berlin (1995), Protocole de Kyoto (1997), accords de Marrakech
(2001). Au total, 6 ans.
Il est exact qu'un réel processus d'apprentissage a eu lieu et pourrait
donc raccourcir le temps de négociation. Mais on peut tout autant
arguer que les divergences sont très fortes, que la négociation devra
traiter d'une différenciation de traitement entre la décarbonisation
nécessaire des pays émergents/autres pays en développement, et de
l'adaptation pour les pays les moins avancés. Enfin, la question difficile de l'Observance sera de nouveau sur la table. Trois années de
négociation constituent donc un minimum.
Notons au passage qu'il y a un léger obstacle sur la route : l'élection
présidentielle étasunienne est programmée pour le 1er mardi de
novembre 2008. Il faudra donc commencer sans Bush et reprendre le
dialogue avec son successeur.
Sortir de l'impasse techno post-2012
P’TIT CARIBOU
La journée de samedi de P'tit
Caribou a été très chargée. Ses
cornes l'ont tout d'abord empêché d’entrer discrètement dans
la salle de réunion du Groupe
sur l'article 3.9, alors il s'est
replié sur la Marche Mondiale
pour le Climat (voir Page 4).
Etonné par la foule qui a envahie les rues de Montréal, P'tit
Caribou a compris qu'aujourd'hui, le changement climatique
n'était plus l'affaire de quelques
experts et politiciens, mais que
les citoyens du monde attendent
que les négociations aillent de
l'avant. Après avoir soupé d'une
poutine, plus facile à digérer
que les dernières “Busheries”,
P'tit Caribou s'est décidé à aller
danser avec les délégués. Il a
adoré la fête des ONG avec tous
ces négociateurs déchaînés,
dansant sur DJ Champion !
Après ce break bien mérité, P'tit
Caribou repart plein d'énergie
pour une semaine de folie dans
les méandres du Palais des
Congrès…
Pourquoi un pays en développement prendrait des engagements pour réduire ses émissions s'il n'a pas les
capacités techniques nécessaires pour les respecter ? Est-ce qu'on ne met pas ici la charrue avant les
boeufs ?
Les négociations sur un cadre international de coopération technologique sont aujourd'hui dans l'impasse. L'approche sur le transfert de technologies doit être entièrement repensée. Elle doit non seulement
inclure le transfert de technologies, mais également permettre le déploiement et l'élaboration de politiques
incitatives. Il n'est ici pas question que de transferts Nord-Sud, mais également de transfert Sud-Sud et sur
le territoire même des pays.
L'article 4.5 de la Convention traite du transfert de technologies et de savoir-faire. Pourtant ces questisons
sont réparties entre le SBSTA et le SBI. Alors que le SBSTA examine les questions techniques et méthodologiques, le SBI s'intéresse au renforcement de capacités locales et au financement. Dans l'esprit de la
Convention, ces thèmes devraient être examinés par un seul et même organe.
Les débats en cours concernant le groupe d'experts sur le transfert de technologie (GETT) doivent aller
au-delà de l'évaluation des besoins en technologie. Des actions concrètes sont nécessaires afin de renforcer les capacités locales et résoudre notamment les questions de droits de propriété intellectuelle (DPI) et
de financement.
Le renforcement de capacités est une condition préalable pour favoriser l'appropriation des technologies
par les pays en développement et l'intégration des technologies dans leurs économies. Il doit se concentrer en priorité sur l'éducation et la formation des pays en développement.
Les institutions financières régionales, bilatérales et nationales doivent être encouragées à se fixer des
objectifs ambitieux sur les meilleures technologies dans leurs portefeuilles de projets, incluant par
exemple les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. En parallèle, elles doivent cesser de subventionner les formes d'énergie non durables, telles que les combustibles fossiles et le nucléaire.
La construction et la mise en oeuvre d'un mécanisme international de coopération technologique doit se
poursuivre pour la deuxième période d'engagements dans le cadre de Kyoto, comme sous la Convention.
L'article 11.2 du Protocole encourage les pays industrialisés à fournir des ressources financières aux pays
en développement afin de faciliter le transfert et la diffusion de technologies. Cet article constitue une base
pour de nouvelles discussions sur la coopération technologique sous l'égide du Protocole.
Dans la mesure où des pays en développement souhaiteraient considérer de nouveaux engagements, l'accès aux technologies doit leur être facilité. Un mécanisme de transfert de technologie fiable et effectif doit
être mis en place afin de lever les obstacles au renforcement de capacités et de financement. Tout est question de temps : c'est maintenant que ça se passe.
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Marche mondiale pour le Climat :
la planète retient son souffle !
Samedi à Montréal, 40 000 personnes ont bravé le froid, pour participer à la Marche mondiale pour le climat. Des manifestations similaires ont eu lieu dans une trentaine d’autres villes du monde.
Bravo à tous les participants d’avoir montrer aux gouvernements que nous réclamons plus d’efforts dans la lutte contre le changement climatique !
En marchant, nous avions trois exigences :
• Lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de Montréal, tous les pays du monde doivent faire des pas importants vers la négociation d’un plan d’action à long terme équitable, audacieux, prêt à être adopté dès
2008 et à mettre en oeuvre dès 2013 qui permettra d’intensifier la lutte mondiale contre les changements climatiques
• En tant que pays hôte de la Conférence, le Canada doit agir comme leader pour faciliter l’action dans la lutte mondiale contre les changements climatiques.
• Le Canada doit également en faire plus au chapitre des changements climatiques sur son propre territoire. Il doit surpasser ses engagements face au Protocole de Kyoto et se doter d’un plan d’action ambitieux qui lui permettra de verdir son
économie, de rendre sa société durable et de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 60 % à 80 % d’ici 2050.
REMERCIEMENTS
Le RAC-F remercie le MEDD et ceux qui ont participé à
ce numéro : Antoine Bonduelle, Benoit Faraco, Morgane
Créach, Diane Vandaele, Anne Chetaille, Raphaëlle
Gauthier, Pierre Radanne et l’équipe de ECO anglais
ECO français est disponible sur www.rac-f.org
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