Immoscope

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Immoscope
AIRBNB :
RISQUES ET RéGLEMENTATIONS
Par Céline Tassin
Depuis quelques années, l’essor des plateformes de location de logements entre particuliers sur Internet, telles qu’Airbnb, intensifie le phénomène de sous-location. Les propriétaires doivent être attentifs, car en
Suisse la sous-location obéit à des règles strictes et le locataire ne peut
en aucun cas sous-louer son bien sans autorisation écrite du bailleur.
Quelques explications :
Qu’est-ce que Airbnb ?
Airbnb et sous-location
Airbnb est une plateforme de location de logement entre particuliers fondée en 2008 et
basée à San Francisco, en Californie. Ce site
Internet propose de louer tout ou partie de
son habitation comme logement d'appoint
pour des courtes durées. A ce jour, Airbnb
propose des annonces de location de logements dans plus de 34’000 villes et 190 pays.
La société se finance en prélevant des commissions sur les transactions, à hauteur de 3 %
pour l’hôte et de 6 à 12 % pour le voyageur.
La sous-location d’un bien immobilier par
le locataire en place est soumise à certaines
règles dont celles d’obtenir, au préalable, une
autorisation écrite et l’interdiction pour le locataire d’utiliser la propriété du bailleur pour en
faire une source de revenus personnels. Avant
de donner son autorisation, le propriétaire
doit également être informé des conditions
de la sous-location, notamment sa durée et
son prix.
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immoscope n°123 – août 2014
La mise en location de tout ou d’une partie
d’un bien immobilier sur une plateforme Internet telle qu’Airbnb sera considérée comme
de la sous-location, si l’hôte n’en est pas propriétaire. Sans accord écrit, le locataire qui
propose son appartement sur Internet s’expose à une résiliation anticipée de son bail et
risque de perdre ainsi son logement. En cas
de préjudice, il peut même être condamné
à verser des dommages et intérêts au propriétaire ou à lui reverser les loyers perçus
indûment.
Quels sont les risques ?
Louer ou sous-louer son appartement à des
inconnus implique la perte de maîtrise de son
bien et comporte des risques. Outre les nuisances sonores susceptibles d’incommoder le
voisinage et les éventuels dégâts qui pourraient être causés par le/s « visiteur/s » (perte
des clés, dégradation, cambriolages, vols,
utilisation de l’appartement pour des activités
illégales, etc.), le risque majeur est celui de
l’accident et/ou de l’incendie.
Si le visiteur glisse dans la douche et se
blesse, ou qu’il met le feu à l’appartement, qui est responsable ? Les hôtels sont
couverts par des assurances si l’un de leur
client dégrade sa chambre ou se blesse
dans leur établissement et ils sont également régulièrement inspectés contre les
risques d’incendie, ce qui n’est pas le cas
des particuliers. Dès lors qu’un lieu a vocation à accueillir du public, les normes de
sécurité (incendie, évacuation) deviennent
plus strictes que pour une location standard. Les hôtes qui proposent leur bien à la
location pour des courtes durées ne pensent
généralement pas à ce genre de problèmes
et peuvent se retrouver dans des situations
très délicates.
De plus, en termes financiers, il ne faut pas
oublier que les loyers et les charges perçus
dans le cadre d’une location ou d’une
sous-location sont imposés et doivent obligatoirement être déclarés. A défaut, cela
s’apparente à de la fraude fiscale.
En plus des risques pour les hébergeurs et
les clients, on peut considérer que le système
Airbnb engendre une forme de restriction du
parc immobilier destiné à la location. La multiplication de ces locations de courtes durées
contribue à limiter l’offre de logement et à
déséquilibrer le marché dans des zones déjà
sujettes à la pénurie, comme c’est le cas à
Genève. Selon les cas, le système serait par
ailleurs contraire à la LDTR qui soumet à autorisation les changements d’affectation. La
transformation d’un logement en résidence
meublée est en effet considérée comme un
changement d’affection et la demande d’autorisation est généralement refusée.
La société Airbnb ne prend, elle, aucun risque
car elle ne vend qu’une « mise en relation ».
Le site fonctionne comme une « place de
marché » et les conditions générales de la
société laissent la responsabilité du respect
des lois aux utilisateurs. Les risques potentiels
ne sont pas clairement exposés et le service
est essentiellement autorégulé. C'est bien
l'hébergeur qui prend tous les risques afférents à la location ou à la sous-location et,
de l'autre côté, le client lui aussi peut tomber
sur une fausse annonce ou voir sa réservation
annulée à la dernière minute.
« Outre les nuisances sonores
susceptibles d’incommoder
le voisinage et les éventuels
dégâts qui pourraient être
causés, le risque majeur est
celui de l’accident et / ou
de l’incendie. »
Une communication axée
sur les gains financiers
Contrairement aux opérateurs hôteliers traditionnels, dont la communication vise les
clients, tous les efforts marketing et relationnels de Airbnb sont dirigés vers les hôtes,
c’est-à-dire les personnes qui hébergent.
Quelques cas
en Suisse et
dans le monde
En 2013, les médias ont relaté le cas d’un
Zurichois qui louait un appartement à
Berne pour des raisons professionnelles.
Idéalement situé dans la vieille ville de la
capitale, il a décidé de le sous-louer sur
Airbnb pendant les périodes où il ne l'occupait pas. La gérance a dénoncé son bail
car le locataire ne l'avait pas avertie.
En France, le 13 février 2014, le tribunal
de grande instance de Paris a condamné
pour la première fois un locataire qui
avait mis l’une de ses chambres en souslocation via ce site Internet. Le locataire
a été condamné à payer 2000 euros de
dommages et intérêts à son propriétaire.
La société a adopté une stratégie de communication très agressive, visant à inciter
un maximum de personnes à proposer leur
logement sur la plateforme, sans préciser clairement les risques qu’ils encourent.
Même s’il est bien mentionné sur le site
que « Les hôtes doivent prendre connaissance des lois locales avant de proposer
une annonce d’hébergement », cela n’est
évidemment pas mis en avant et certains
locataires, s’ils ne lisent pas attentivement
les conditions générales, pourraient penser
que ce système est juste une solution simple
et légale pour se faire de l’argent.
Les propriétaires doivent plus que jamais rester
attentifs car, contrairement à d’autres sites qui
favorisent l’échange, Airbnb n’est pas une
société à but idéal. Leur objectif est de réaliser
un maximum de profit et leur communication est avant tout axée sur les possibilités de
gains financiers. Dans ses annonces, la société
mentionne, par exemple, qu’une chambre à
Genève ou à Lausanne peut facilement faire
gagner à l’hôte CHF 1’800.- par mois, ce qui
tend à inciter les locataires à penser qu’ils
peuvent utiliser leur appartement comme
source de revenus et les poussent donc à
enfreindre la loi.
Conclusion
Sans être alarmiste ni réfractaire aux nouvelles
formes de communication et d’échange entre
particuliers, il faut rester attentif car le phénomène prend de l’ampleur et pose de sérieux
problèmes. De plus en plus de cas sont d’ailleurs relatés dans les médias (voir encadré).
La Chambre genevoise immobilière invite les
propriétaires et les régies à se tenir informés
de l’évolution de ce système et de cette nouvelle forme de sous-location.
En mars 2014, un locataire new-yorkais a été
expulsé de son appartement en raison du
désagrément subi par les voisins suite à la
mise en location de son appartement sur
Airbnb. Son sous-locataire avait organisé
sans le prévenir une fête avec plus de 50
personnes. Résultat : plus de 80’000 dollars
de dégâts.
Début 2014, les médias américains ont
relaté le cas d’une call-girl qui loue régulièrement des appartements sur Airbnb et
qui affirme que la pratique est courante,
permettant ainsi aux agences d'économiser beaucoup d'argent par rapport à la
location de chambres d'hôtel.
Dans le Canton de Berne, depuis juin
2014, les personnes louant leur appartement à des touristes via Airbnb doivent,
sous peine d’une amende pouvant aller
jusqu’à CHF 5000.- verser une taxe de
séjour à la ville.
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Vous êtes propriétaire et
apprenez que votre locataire
sous-loue votre appartement sur
Airbnb sans votre autorisation,
que pouvez-vous faire ?
Après constatation de la mise en location
non autorisée de votre bien, la première
chose à faire sera d’écrire une lettre de
mise en demeure à votre locataire pour le
sommer de cesser son activité. A défaut,
vous serez en droit de résilier son bail.
Si vous trouvez votre bien immobilier en
location sur un site Internet, nous vous
conseillons de faire une copie d’écran de
l’annonce et de la conserver. Cela pourra
vous servir de preuve même si l’annonce en
question est effacée par la suite.
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Vous êtes propriétaire d’une PPE
et êtes tenté de louer votre bien
immobilier ou une partie de
celui-ci sur Airbnb, en avez-vous
le droit ?
La mise en location de tout ou d’une
partie de son bien pour une courte durée
est contraire au règlement PPE, qui veut
que les biens immobiliers en question
soient affectés au logement. Proposer son
appartement sur une plateforme Internet
ne s’apparente pas à du logement, mais à
une activité commerciale.
De plus, il serait à priori contraire au
règlement d’usage des PPE de louer son
bien sans l’accord de la copropriété.
En effet, les copropriétaires pourraient
juger que ces locations constituent un
désagrément, parce que des personnes
inconnues ont les clés et les codes de
l’immeuble ou que des gens qui s’installent
et repartent causent des nuisances et
dérangent les habitants.
immoscope n°123 – août 2014
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