Les évadés fiscaux se font désirer

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Les évadés fiscaux se font désirer
Les évadés fiscaux se font désirer Le bouclier fiscal devait les ramener au bercail... Il sert à éviter de nouveaux départs. Les «réfugiés» de l'impôt ont pris goût au bon air frontalier, malgré le fisc qui leur déroule le tapis rouge. Avec le bouclier fiscal, Nicolas Sarkozy voulait les faire revenir. Las. Les expatriés fiscaux ne se bousculent pas pour négocier leur retour à Bercy, où Eric Woerth a mis sur pied une équipe dédiée, le service d'accueil des nonrésidents (SANR) que dirige Richard Heurtier, sous la houlette de JeanPierre Lieb, le juriste en chef du ministère. Pour Lotfi Belhassine, citoyen français et résident belge, tout cela arrive bien trop tard. «Si le bouclier avait existé il y a douze ans, je ne serais pas parti, souligne le patron de Liberty TV, une agence de voyages low‐cost. Mais aujourd'hui, je suis heureux à Bruxelles et j'y reste.» Torrent de critiquesL'ancien PDG de la compagnie Air Liberté a fui la France, en 1997. A l'époque le fisc lui pompait, dit‐il, 97% de ses revenus via l'ISF. «C'était de la surexploitation fiscale», tempête Belhassine. Aujourd'hui, avec le bouclier fiscal, son taux d'imposition ne dépasserait pas les 50%. Mais Belhassine se trouve bien installé dans sa maison de maître de 1000 mètres carrés à Ixelles, un quartier chic de Bruxelles, où les SDF, les «sans difficulté financière» comme on les surnomme en Belgique, ont élu domicile. Et il s'est attaché à cette capitale cosmopolite et sa qualité de vie avec ses espaces verts... «L'argument fiscal est insuffisant pour me faire rentrer», résume‐t‐il. Quelle déception ! A l'instar de Lotfi Belhassine, nos riches exilés fiscaux ne rentrent pas au bercail. Partis par milliers (plus de 3000 entre 2003 et 2007, selon Bercy) à cause d'une fiscalité jugée confiscatoire, ces ingrats restent totalement insensibles à la mise en place du bouclier fiscal, en août 2007. Pourtant, ce dispositif leur était directement destiné. En tenant cette promesse de campagne, Nicolas Sarkozy a pris des risques politiques, essuyant un torrent de critiques, y compris à droite, sur ce «cadeau aux riches». Cette année‐là, 246 expatriés fiscaux sont rentrés, selon les dernières statistiques de la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Mais l'année de la victoire de Nicolas Sarkozy aura surtout vu partir 719 ménages, soit deux par jour ! Un flux qui a doublé en quatre ans. Denis Payre, fondateur de Business Objects et actuel PDG de Kiala, est, lui, revenu en septembre 2008, après dix ans à Bruxelles. «Mon retour est logique, car je me suis battu pour la mise en place du bouclier fiscal», souligne‐t‐il. Mais du côté des stars, on ne voit personne revenir. Exilés à Gstaad, en Suisse, Johnny et Laetitia Hallyday avaient bien promis de rentrer si leur ami Nicolas Sarkozy instaurait son bouclier. Johnny (dont l'agent n'a pas souhaité répondre à nos questions) poursuit sa mégatournée en France jusqu'en novembre; mais pour les impôts il préfère les montagnes helvètes. Instabilité fiscalePourquoi ne rentrent‐ils pas; Parce qu'ils n'ont plus confiance. «Dès l'élection de Nicolas Sarkozy, nos clients français se sont posé la question du retour», nous confie Ariette Darmon, notaire à l'étude Monassier, qui voit défiler les gros patrimoines. «Mais ils y ont tous renoncé, car ils ont peur de l'instabilité de la législation fiscale», ajoute‐t‐elle. 

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