la diffusion proactive de documents par les ministères et organismes

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la diffusion proactive de documents par les ministères et organismes
LA DIFFUSION PROACTIVE DE DOCUMENTS
PAR LES MINISTÈRES ET ORGANISMES DU QUÉBEC
RAPPORT D’ENTREVUES MENÉES AUPRÈS DE
RESPONSABLES DE L’ACCÈS À L’INFORMATON
Paul-André Comeau
Septembre 2011
TABLE DES MATIÈRES
FAITS SAILLANTS ....................................................................................................................3
INTRODUCTION .....................................................................................................................5
CHAPITRE I – REGARD GLOBAL ...............................................................................................7
CHAPITRE II – Procédure de mise en œuvre .......................................................................... 12
CHAPITRE III – Quels documents diffuser ? ............................................................................ 16
a.
Études, rapports de recherches ou de statistiques .....................................................16
b.
Documents transmis à la suite d’une demande en vertu de la loi sur l’accès .........18
CHAPITRE IV - RÉSULTATS ET PERSPECTIVES .......................................................................... 21
a.
Impact sur les demandes d’accès ................................................................................21
b. L’affichage systématique des documents transmis à la suite d’une demande
d’accès à l’information .........................................................................................................22
c.
Le volet de la protection des renseignements personnels du Règlement .................23
d.
Perspectives ...................................................................................................................24
CONCLUSION ....................................................................................................................... 26
Annexe A ............................................................................................................................. 28
NOTE MÉTHODOLOGIQUE .................................................................................................... 28
Annexe B ............................................................................................................................. 30
PROTOCOLE D’ENTREVUE ..................................................................................................... 30
2
FAITS SAILLANTS
 Satisfaction générale chez les 20 (vingt) responsables de l’accès à l’information
interrogés en vue de cette recherche : respect des exigences et de l’échéance du
Règlement
 Concertation préalable au sein du regroupement des Secrétaires des ministères
et adoption d’une position commune minimale sur la mise en œuvre du
Règlement
 Des craintes et appréhensions, manifestes à la publication du Règlement, ont été
peu à peu levées à la faveur du déroulement de cette opération
 Rôle moteur joué par les responsables de l’accès à l’information dans les
ministères et organismes: préciser les exigences du Règlement et élaborer
stratégie de mise en œuvre
 Mise en œuvre du Règlement : soit par l’installation de comités ponctuels; ou
par le Comité sur la protection des renseignements personnels (établi en 1999);
ou encore à la faveur de la création du Comité prévu au Règlement; enfin
mandat assumé par le responsable de l’accès
 Aucun financement extraordinaire obtenu pour cette
autofinancement selon les possibilités de l’entité administrative
opération :
 Sélection des études, rapports de recherches et de statistiques: tâche plus ou
moins ardue en fonction de l’habitude, ou non, de diffuser de tels documents
 Difficulté d’interpréter le critère «intérêt pour l’information du public»; le
besoin de clarification subsiste
 Établissement de critères et de grilles en vue de la sélection de ces rapports de
recherches et autres : le résultat n’est guère concluant, dans la plupart des cas
 Dans la majeure partie des ministères et organismes visés par cette recherche, le
responsable de l’accès à l’information procède au cas par cas à la sélection des
études, rapports de recherche et de statistiques
3
 Affichage de documents déjà remis en vertu de la loi sur l’accès : avancée très
timide, car malaise évident et avoué
 Aucun impact décelable de la mise en vigueur du Règlement quant au nombre
ou à la complexité des demandes d’accès à l’information
 Éventuel élargissement de la diffusion proactive de documents : les responsables
de l’accès à l’information sont partagés à ce sujet
 Certaine confusion engendrée par le titre même du Règlement : diffusion de
l’information (au lieu de documents)
 Mise en œuvre du volet protection des renseignements personnels du Règlement :
beaucoup de travail en perspective dans certains ministères et organismes qui
accusent un certain retard dans ce domaine
 Nécessité de laisser couler le temps pour favoriser l’insertion, dans toutes ses
dimensions pratiques, de cette nouvelle dimension de l’accès à l’information
dans la culture administrative.
4
INTRODUCTION
Les citoyens du Québec et tout navigateur sur Internet ont maintenant accès à nombre de
documents sur les caractéristiques fondamentales des ministères et organismes (M/O) du
Gouvernement du Québec. En plus des organigrammes et autres textes institutionnels, il
est possible d’obtenir« en ligne » des études et rapports de recherche, des codes de
déontologie, les engagements financiers contractés, de mois en mois, par les entités
gouvernementales. On peut en savoir davantage sur les fichiers renseignements de
personnels détenus dans les officines gouvernementales.
Un regard le moindrement systématique sur les sites web des ministères et organismes
permet de saisir les passages ou liens ouverts vers ces documents. De la rubrique
défilante, pied de page, incluant les repères ou onglets, la panoplie des possibilités
informatiques a été mise à contribution. Pour repérer ces documents ainsi rendus
disponibles aux citoyens, journalistes, représentants de la société civile et chercheurs, la
démarche est relativement simple dans la très grande majorité des quelque 140 ministères
et organismes qui composent l’appareil administratif du Québec.
La mise en œuvre de ce qu’on désigne sous l’appellation de « diffusion proactive » est
l’aboutissement d’un processus enclenché par la modification, en juin 2006, de la Loi sur
l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels et concrétisé par la publication d’un règlement « sur la diffusion de
l’information », en mai 20081.
En s’engageant dans cette voie, le Québec a établi un nouveau précédent. En 1982,
l’Assemblée nationale créait « le modèle québécois » en jumelant l’accès à l’information
et la protection des renseignements personnels sous une même loi et en établissant une
seule autorité de contrôle. Depuis, ce modèle a essaimé non seulement au Canada - toutes
les provinces canadiennes y ont souscrit - mais aussi dans plusieurs autres États2. Les
1
Gouvernement du Québec (2008) – «Règlement sur la diffusion de l’information et de la protection des
renseignements personnels» (Décret 408 – 2008), Gazette officielle du Québec, Éditeur officiel du
Québec : 14 mai; ci-après appelé le Règlement
2
Comeau, Paul-André (2011) - «Loi d’accès à l’information et modèles de mise en œuvre : le cas
canadien», in : Pasquier, Martial (sous la direction de) . Ouvrage collectif sur la transparence
5
observateurs et les spécialistes en accès à l’information suivent maintenant avec intérêt
cette diffusion systématique et cohérente de documents qui ouvrent des fenêtres sur le
fonctionnement de l’appareil gouvernemental3. C’est imprimer à la loi d’accès une
nouvelle orientation qui mise, en partie, sur la technologie. C’est aussi franchir une étape
importante sur le chemin de la transparence administrative, gage, parmi d’autres, d’une
saine gouvernance.
Voilà un peu plus d’un an et demi que cette diffusion proactive est entrée en vigueur dans
l’ensemble du système gouvernemental du Québec. Où en est-on vraiment dans cette
expérience où se lit une réelle audace de la part du législateur ? Comment s’est déroulée
cette opération ? Quels moyens a-t-on mobilisés pour répondre aux exigences du
Règlement en question ? Quels problèmes ont dû relever les responsables de cette
démarche? Peut-on déjà dégager des leçons en vue de baliser d’éventuelles suites ? Voilà
les principales questions qui sous-tendent cette recherche lancée par le Secrétariat à la
réforme des institutions démocratiques et à l’’accès à l’information (SRIDAI), au
printemps 2011 et qui a donné lieu à la conduite d’entrevues auprès de vingt (20)
responsables de l’accès à l’information4.
administrative, à paraître en décembre 2011, aux Presses de l’Institut des Hautes études en
administration publique (collection : Contributions à l’action publique), Lausanne.
3
Voir à ce sujet : Daviews, Alysia et Dara Lithwick (2010) – Gouvernement 2.0 et accès à l’information – 1.
Le point sur la divulgation proactive et le libre accès aux données au Canada, Bibliothèque du Parlement,
Ottawa, 15 avril : http://www2.parl.gc.ca/Content/LOP/ResearchPublications/2010-14-f.htm
4
Sur la porté et les limites de cette recherche, se rapporter à la note méthodologique, page 28.
6
CHAPITRE I – REGARD GLOBAL
Un mot, satisfaction, se dégage de l’appréciation établie par les vingt (20) responsables
de l’accès à l’information, interrogés un an et demi, ou presque, après la conclusion des
travaux engagés en vue de répondre aux exigences du Règlement d’avril 2008 sur la
diffusion proactive d’un certain nombre de documents. Satisfaction en ce qui a trait au
respect du calendrier imposé par le Règlement en question. Satisfaction devant la tâche
accomplie, conformément à l’esprit et à la lettre du même Règlement. Satisfaction
d’avoir bouclé la boucle au prix d’efforts importants. Satisfaction enfin de s’être associés
à un effort collectif consenti par l’ensemble des ministères et organismes. Une
satisfaction sereine, mais tempérée par un fort degré de pragmatisme.
Quelques uns de ces responsables proposent cependant une interprétation légèrement
différente. Aucun n’affiche une forme quelconque d’hostilité ou même de regret devant
cette nouvelle étape de la transparence administrative. L’un d’eux se veut pragmatique : il
n’y voit ni avantage, ni inconvénient. Un autre se dit incapable de supputer, encore moins
d’évaluer les effets ou l’impact de cette démarche sur son organisation.
Ils sont par contre plus nombreux à afficher des raisons de satisfaction et à apprécier ce
changement de cap. Ainsi, un organisme en a profité pour procéder au toilettage
linguistique de tous les documents visés par le Règlement. Les documents en question ont
d’abord été soumis à la loupe des juristes pour en soustraire d’éventuelles erreurs.
L’objectif était d’éliminer le jargon administratif et de faciliter la tâche au citoyen à la
recherche d’explications claires et simples.
De même, dans certains cas, la mise en œuvre du Règlement a offert un cadre utile pour
publier des documents qui n’avaient été portés à l’attention des citoyens. Certaines entités
administratives ont élargi leur démarche à d’autres documents qui ne sont pas
spécifiquement visés par le Règlement.
Les artisans de première ligne qui ont assumé cette entreprise collective – les
responsables de l’accès - sont évidemment bien placés pour en apprécier les résultats.
L’un d’eux prête même au Règlement une réelle « vertu » : ce dernier a établi une forme
7
de cohérence dans l’ensemble des documents ainsi publiés, ce qui devrait être apprécié
des citoyens, des entreprises et des chercheurs.
Sans donner dans la pensée magique, un responsable considère que la mise en œuvre du
Règlement a déjà favorisé l’émergence d’une « culture de la diffusion ». Il en prend pour
preuve la diligence avec laquelle les diverses directions de son organisation portent, sur
leur site internet, les nouveaux documents qui s’insèrent dans les rubriques prévues au
Règlement. L’un de ses collègues, qui revendique une réelle séniorité dans le domaine de
l’accès à l’information, élargit ce pas en avant en matière de transparence administrative :
la diffusion proactive de documents favoriserait une plus authentique compréhension de
la nature et de la finalité de l’accès à l’information. A la veille du trentième anniversaire
de l’adoption, par l’Assemblée nationale, de la Loi sur l’accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, il s’agit là d’une
interprétation stimulante.
A la faveur des travaux menés dans un grand nombre de directions de l’ensemble des
ministères et organismes, des découvertes inopinées ont rappelé que rien n’est
définitivement acquis. Ainsi, dans certains cas, on a découvert des caméras de
vidéosurveillance qui avaient échappé au recensement mené quelques années plus tôt; des
fichiers de renseignements personnels ont émergé de quelque système oublié; des
sondages ont été menés, qui n’avaient pas été soumis au comité institué à cette fin, en
1999. Bref, de conclure l’un des responsables interrogés, cette opération a clairement
indiqué des points qui exigent un retour en arrière et une amélioration.
Ce bilan, relativement favorable, dressé par vingt (20) responsables de l’accès à
l’information, doit être pondéré en tenant compte des questions suscitées et des
appréhensions nées tout d’abord de l’adoption, en 2006, de l’article 16.1 de la loi sur
l’accès. Dans plusieurs cas, ces craintes ont été ravivées au moment de la publication du
Règlement d’avril 2008 qui spécifiait les documents visés par cette diffusion automatique
ou proactive.
Certains rappellent que la route avait été balisée depuis l’intervention de la Commission
d’accès à l’information devant la Commission parlementaire qui a amorcé le processus de
8
modification de la loi de 1982, sur la base du rapport quinquennal de cet organisme5. On
avait là une idée de ce qui allait venir lorsque le législateur a souscrit à la proposition en
faveur de l’instauration de la divulgation proactive.
Craintes et appréhensions étaient au rendez-vous lorsque le Règlement d’avril 2008 a fixé
au 29 novembre 2009 la publication, sur le site internet des ministères et organismes,
d’une série de documents bien identifiés. Ce malaise s’est manifesté à divers paliers de
l’organisation des ministères et organismes. Ainsi, dans au moins un cas, le cabinet d’un
ministre n’était pas sur la même longueur d’ondes que le sous-ministre. A la crainte des
impacts négatifs de la diffusion automatique de certains documents, exprimée par le
personnel politique du ministre, le sous-ministre maintenait, diplomatiquement il est vrai,
son adhésion au principe de la transparence. De même, ailleurs, l’éventuelle publication
de documents préparés en vue de la défense des crédits à l’Assemblée nationale ajoutait
au malaise.
L’attitude envers le Règlement semble avoir été fonction de la pratique préalable des
ministères et organismes en matière de diffusion de documents sur leur site internet ou
sous toute autre forme. Un Ministère diffusait déjà quelque 10 000 pages de documents
avant la modification législative de 2006. On comprend bien les questions que soulevait
la nouvelle mesure : que va-t-on ajouter ? Avec quels moyens ? De même, là où les
demandes d’accès étaient déjà abondantes, surgissait une nouvelle forme d’inquiétude : et
si la diffusion proactive allait pousser vers le haut ces demandes d’accès ?
La publication du Règlement a suscité des réactions contradictoires ici et là au sein de
l’appareil administratif en ce qui a trait à l’actuel régime d’accès à l’information structuré
autour des demandes provenant des citoyens ou de toute personne, physique ou morale.
Certains y ont vu un possible allègement de la tâche assumée par le responsable de
l’accès et de ses collaborateurs. D’autres, bien au contraire, redoutaient de voir se gonfler
le volume de demandes de documents : la divulgation proactive pourrait, craignait-on,
alimenter la curiosité des citoyens et inciter à solliciter des documents auxquels ils
n’auraient jamais songé.
5
Commission d’accès à l’information (2002) . Une réforme de l’accès à l’information : le choix de la
transparence, Québec, novembre.
9
Certains ministères et organismes, en raison de leur mission ou à la suite d’une option
déjà bien arrêtée en faveur de la transparence, étaient déjà fermement engagés dans
l’avenue de la divulgation proactive. On y diffusait déjà ce que le Règlement allait exiger.
D’autres ont vite pris la mesure de ce qu’il leur restait à faire pour se conformer au
Règlement.
L’ampleur et les modalités des mesures techniques et autres à éventuellement mettre en
œuvre suscitaient des questions un peu partout dans l’appareil administratif. C’est
évidemment au sein des petits organismes, moins de 50 employés, par exemple, que les
interrogations devenaient inquiétantes. Rien qui relevait de la philosophie, mais bien de la
réalité quotidienne. Comment répondre à cette «commande» du législateur avec les
moyens du bord, au moment où les ressources sont plus que comptées et où
l’autofinancement est érigé au rang de principe fondamental.
Peu à peu, bon nombre de ces inquiétudes - dans certains cas rares, de réelles angoisses –
a pu être dissipé. C’est ainsi que, dans au moins un organisme, le responsable de l’accès a
lancé un projet-pilote en vue de calmer les inquiétudes apparues en certains lieux de
l’organisation.
Devant l’incertitude, les secrétaires de ministères, qui sont regroupés de façon informelle
en un réseau de concertation, se sont saisis du dossier. Un consensus s’est dégagé,
semble-t-il, qui a permis non pas d’établir une position commune, mais bien de définir un
seuil minimal : le respect du règlement sans pour autant verser dans des excès de zèle. La
publication du Règlement lui-même a également contribué à rasséréner le climat, si
besoin était. On a vite réalisé qu’il ne fallait pas tout publier, comme certains
l’appréhendaient. C’est pourquoi le cheminement vers la date butoir de fin novembre
2009 s’est effectué sous un ciel partiellement dégagé.
Enfin, la publication d’un Guide de référence6 par le SRIDAI, dans le sillage du
Règlement lui-même, a contribué à lever les dernières inquiétudes. À ce sujet, le
témoignage de plusieurs responsables est on ne peut plus clair.
6
Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques et à l’accès à l’information (Direction de l’accès
à l’information et de la protection des renseignements personnels (2008). Guide de référence – Règlement
10
En un mot, inquiétude, malaise, certain réalisme au sein de l’appareil administratif : tout
était au rendez-vous au moment où le Québec allait s’engager dans la voie de la diffusion
proactive. Au-delà de l’inévitable réaction plus ou moins anxieuse en face d’un
changement, c’est le caractère inédit de l’entreprise qui faisait naître une telle incertitude.
La divulgation proactive de documents en était alors et demeure encore aujourd’hui à
l’état de projet dans presque tous les pays dotés de régimes d’accès à l’information7.

Satisfaction générale chez les vingt (20) responsables de l’accès à l’information
interrogés en vue de cette recherche : respect des exigences et de l’échéance du
Règlement.

Concertation préalable au sein du regroupement des Secrétaires des ministères et
adoption d’une position commune minimale sur la mise en œuvre du Règlement

Des craintes et appréhensions, manifestes à la publication du Règlement, ont été
peu à peu levées à la faveur du déroulement de cette opération

Une pratique déjà bien installée dans certains ministères et organismes; de l’inédit
pour plusieurs autres

Des retombées imprévues : toilettage linguistique et révision juridique d’une foule
de documents, engagés à la faveur de cette opération

Des découvertes inopinées : fichiers de renseignements personnel oubliés;
cameras de surveillance qui n’avaient pas été répertoriées
sur la diffusion de l’information et sur la protection des renseignements personnels, Québec, mai : 60
pages.
7
On peut relever certaines mesures très précises – et très limitées - de divulgation automatique. C’est le
cas de la publication des dépenses de voyage et d’hospitalité des hauts dirigeants du gouvernement
fédéral du Canada; même chose en ce qui a trait aux salaires des hauts dirigeants de l’appareil
administratif de l’Ontario.
11
CHAPITRE II – Procédure de mise en œuvre
La publication du Règlement en avril 2008 a interpellé l’ensemble des ministères et
organismes. La haute direction a dû réagir rapidement en raison de l’échéance impérative
du 29 novembre 2009 en ce qui concernait la diffusion des documents8. Dans la plupart
des cas, cette dernière avait été alertée par le responsable de l’accès à l’information quant
aux exigences de ce nouveau Règlement et aussi quant aux implications concrètes de sa
mise en œuvre.
Il est révélateur de voir comment la direction des ministères et organismes a réagi à cette
situation; intéressant aussi d’examiner les décisions prises et les procédures mises en
place en vue de répondre à ce qui relevait dès lors de l’impératif administratif.
Évidemment, les réactions varient en fonction de la taille de l’entité, mais aussi de la
place que s’y sont taillée l’accès à l’information et la protection des renseignements
personnels. Ainsi, a-t-on vu l’un ou l’autre sous-ministre ou président d’organisme se
charger lui-même de lancer publiquement toutes les démarches imaginées en vue de
répondre aux exigences du Règlement. Dans certains cas, la direction a même pris
l’initiative de mettre au point un véritable organigramme qui cadrait les mandats et
responsabilités, organigramme doublé d’un échéancier critique.
C’est autour du responsable de l’accès à l’information que se sont, la plupart du temps,
coordonnées pour ne pas dire orchestrées, les mesures en vue de concrétiser la réponse de
l’entité administrative aux exigences du Règlement. C’est à lui qu’a tout d’abord
incombé, dans bon nombre de cas, la tâche de spécifier, de façon concrète, les objectifs et
d’identifier les moyens nécessaires à l’opération. Certains responsables interrogés ont
engagé des discussions informelles avec des homologues de l’appareil gouvernemental;
ils ont en fait pratiqué une forme d’étalonnage (benchmarking) avant la lettre. Ces
démarches préliminaires, menées souvent de façon solitaire, se comprennent aisément
dans de petites entités et là où n’existait pas de comité responsable d’assurer le suivi de
l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels.
8
Pour la ventilation des dispositions prévues au Règlement et de la date de leur entrée en vigueur, le
Guide de référence, publié par le SRIDAI (Op. cit.), en établit une chronologie détaillée aux pages 56 et 57.
12
Élaborer une véritable stratégie, parfois avec la direction des communications, proposer
un mandat de travail en bonne et due forme à la haute direction du ministère ou de
l’organisme, voilà deux des tâches assumées par certains responsables de l’accès. Ces
derniers ont également présenté à leur direction des comptes-rendus réguliers de
l’évolution des travaux.
Certains responsables de l’accès ont reçu le mandat de lancer et de diriger les travaux de
repérage, d’examen et enfin de diffusion des documents retenus par le Règlement. L’un
s’est associé le webmestre de son organisme, l’autre a fait alliance avec la direction des
communications. Il s’agit là de cas particuliers, car la plupart des dirigeants ont donné
mandat en ce sens à un comité déjà en place, lorsqu’ils n’ont pas tout simplement établi
de telles structures. On peut schématiser de la façon suivante les procédures retenues pour
mener les travaux que nécessitait la mise en place des exigences du Règlement.
1)
Dans certains ministères et organisme, le
recours à un comité ponctuel a
précisément été privilégié. La responsabilité en a incombé, dans quelques instances, au
secrétaire du ministère. C’est la même situation qui a prévalu ailleurs où le comité, créé à
cette fin, a été placé sous la direction du responsable de l’accès.
En vue d’accélérer et de bien distinguer les deux dimensions fondamentales du
Règlement, on a, dans certains cas, établi deux comités qui veillaient, l’un à la mise en
place de la diffusion des documents, le second au volet protection des renseignements
personnels9.
2)
Quelques ministères et organismes ont misé sur le comité sur la protection des
renseignements personnels mis en place en 1999 à la suite d’un décret gouvernemental10.
Le même comité, dit comité de 1999, a, dans certains cas, été élargi pour y intégrer des
représentants de la direction des communications, des technologies de l’information, sans
oublier le responsable de l’accès.
9
Dans au moins une entité, on a préféré constituer une équipe ponctuelle, peu nombreuse, mais
également dirigée par le responsable de l’accès.
10
Dans la foulée de l’adoption d’un décret (12 mai 1999 qui visait la question des renseignements
personnels et, de façon plus précise, la levée de sondages d’opinion, le gouvernement a promulgué un
plan d’action et établi un comité interministériel. Voir : Comeau, Paul-André et Maurice Couture (2003) –
«Accès à l’information et renseignements personnels : le précédent québécois», Canadian Public
Administration/ Administration publique du Canada, vol. 46, no 3, automne : p. 382.
13
3)
L’occasion a été saisie au vol par quelques entités pour créer de toutes pièces «le
comité sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels» prévu
par le même Règlement de 2008, obligation conférée aux sous-ministres et aux dirigeants
d’organismes (Art. 2.2). Ce comité a immédiatement reçu mandat de mener à bien les
travaux que supposait la mise en œuvre du volet documents à diffuser du Règlement.
Il va sans dire que le contact a été maintenu avec la tête du ministère ou de l’organisme,
du début à la fin de la démarche qui s’est échelonnée sur près d’un an et demi.
L’approbation finale du résultat des travaux de l’un ou l’autre comité, de l’équipe de
travail ou, dans certains cas, du seul responsable de l’accès à l’information a relevé,
presque partout, du sous-ministre ou du dirigeant de l’organisme en question.
Ces comités ont dû faire preuve d’ingéniosité pour mener à bien leur mandat, sans
compter sur des ressources additionnelles. C’est le cas de la grande majorité des entités
entraînées dans cette démarche pangouvernementale. A cet égard, les témoignages
recueillis à la faveur de ces entrevues reflètent vraisemblablement la situation qu’ont
connue les ministères et organismes du Québec, visés par ce Règlement.
Ressources financières : l’heure est à la frugalité, y compris au moment de lancer une
démarche de cette ampleur. Il a fallu procéder à des réaménagements budgétaires à
l’intérieur de chaque entité administrative. Aussi ne faut-il pas s’étonner de la quasi
unanimité des réponses fournies par les vingt (20) responsables de l’accès : le Conseil du
Trésor n’a consenti aucune somme supplémentaire pour assurer la mise en œuvre et le
déroulement de cette opération. La révision du site internet de quelques entités a pourtant
entraîné des débours importants, vraisemblablement eux aussi autofinancés.
On aboutit à la même constatation lorsqu’on aborde la question sous l’angle des
ressources humaines. On a parfois réussi à embaucher un consultant pour mettre au point
les modifications informatiques qui découlaient de l’installation de très nombreux
documents ou du toilettage du site électronique. La plupart du temps, on a dû avoir
recours à un prêt inter-service, lorsqu’il s’avérait nécessaire de compter sur un ou
quelques collaborateurs supplémentaires.
En un mot, une démarche majeure qui s’est déroulée sous le signe de l’austérité, voire de
la frugalité.
14

Rôle moteur joué par les responsables de l’accès à l’information : préciser les
exigences du Règlement et élaborer une stratégie de mise en œuvre

Mise en œuvre du Règlement : soit par l’installation de comités ponctuels; ou
entrée en scène du Comité sur la protection des renseignements personnels (établi
en 1999); ou par la création du Comité sur l’accès à l’information et la protection
des renseignements personnels, prévu au Règlement; ou, enfin, mandat assumé
par le responsable de l’accès

Implication des sous-ministres et des dirigeants d’organismes à la faveur de
comptes-rendus réguliers

Aucun financement extraordinaire obtenu pour cette opération : autofinancement
selon les possibilités de l’entité administrative

Quelques rares cas d’appel à des ressources extérieures, notamment en vue de
porter des modifications au site internet.
15
CHAPITRE III – Quels documents diffuser ?
Le Règlement d’avril 2008 identifie une série de documents que les ministères et
organismes doivent afficher sur leur site internet. Dans la plupart des cas, la sélection de
ces documents ne soulève pas de problème : on pense immédiatement à l’organigramme,
aux lois et règlements, aux noms et titres du personnel d’encadrement. Aussi retrouve-ton ce type de documents sur presque tous les sites11. Il n’y a pas de problème à signaler à
ce sujet.
La situation est sensiblement différente et plus complexe lorsqu’il s’agit, par exemple,
des études, rapports de recherche ou de statistiques dont la diffusion présente «un intérêt
pour l’information du public». Il en est de même des documents transmis à la faveur
d’une demande d’accès à l’information et qui pourraient aussi répondre à ce même
critère, énoncé dans le Règlement. C’est ici que surgissent problèmes et hésitations chez
les responsables de l’accès interrogés durant cette recherche. D’où l’intérêt et
l’importance des témoignages recueillis à ce sujet.
a. Études, rapports de recherches ou de statistiques
Ministères et organismes produisent ou commandent, à leurs fins propres, des études, des
recherches et des travaux statistiques en quantité plus ou moins importante, selon le cas.
C’est probablement le type de documents qui a suscité le plus d’interrogations au moment
de la mise en œuvre du Règlement. Encore aujourd’hui, des questions demeurent en
suspens, même si on retrouve, sur le site des entités concernées, un nombre appréciable
de tels rapports de recherche.
Cette dimension de la création des espaces de diffusion conformes au Règlement a suscité
– ou presque – un véritable débat, des discussions importantes, voire même serrées. Ces
11
Voir à ce sujet le rapport sur les résultats d’une recherche conduite par le SRIDAI en avril 2011. LEPPM
(2011) . Règlement sur la diffusion de l’information et sur la protection des renseignements personnels –
État des lieux, Québec, ÉNAP, août : 40 pages.
16
interrogations ramenaient au sens même de la conduite à l’interne ou l’impartition à
l’externe de travaux de recherches ou d’études et de la destination des résultats ainsi
obtenus : ne produit-on pas de tels documents pour qu’ils soient lus ? Ce principe
élémentaire était, dans certains cas, modulé en fonction de considérations tactiques ou
autres, avant la publication du Règlement.
Les questions au sujet de la diffusion de ces études et rapports se sont articulées autour
des raisons qui en justifieraient la publication. Elles se sont, dans la majorité des
instances visées par cette recherche, articulées autour du principe «de l’intérêt pour
l’information du public », énoncé dans le Règlement. Discussions laborieuses, options
divergentes : certains ont tranché à la Salomon. Dans un cas, on a retenu un critère
opérationnel emprunté à un arrêt de la Cour suprême du Canada. D’autres ont privilégié
le critère proposé par le SRIDAI dans son Guide de référence.
Dans quelques ministères et organismes, on a décidé d’établir des critères propres ou
encore de dessiner de véritables grilles en vue de conférer un caractère objectif à la
décision de diffuser, ou non, tel ou tel document. Dans certains cas, on a élaboré une
fiche à remplir au moment où un document est considéré comme achevé ou parvenu à son
stade final. Cette fiche, grâce à un jeu de questions, vise à déterminer si le document sous
examen peut être diffusé. Ailleurs, on a élaboré un système de pointage qui détermine le
seuil de diffusion des documents.
Ailleurs, on a tout simplement opté en faveur de la simplicité : on afficherait les
documents ou études parvenus à leur stage final. Dans un même ordre d’idées, décision a
été prise, dans un cas, de diffuser automatiquement les études récurrentes faites ou
commandées par l’entité.
Devant la complexité de la démarche, certains responsables ont renoncé à la définition de
critères. Le choix de diffuser ou non se ferait au cas par cas; cette solution de repli a
évidemment dû recevoir l’aval de la haute direction.
On a même temporairement
« oublié » la grille mise au point pour s’en remettre à l’appréciation du responsable.
Dans un ministère, on a, au départ, adopté une attitude très libérale à ce sujet. Mais, au
moment de passer à l’action, devant la quantité de rapports qui réussissaient le test, on a
17
fait marche arrière par crainte d’un effet boomerang. Dans un autre cas, la grille élaborée
a produit l’effet contraire : aucun document n’était retenu aux fins de diffusion.
Où en est-on à ce chapitre, un an et demi après l’entrée en vigueur du Règlement ? Les
pratiques ont-elles changé dans les ministères et organismes où la diffusion de tels
documents se faisait depuis un bon moment ? Un responsable a laissé entrevoir un
changement concret dans ce domaine. Avant l’entrée en vigueur du Règlement, le
ministère affichait des études de « façon stratégique »; depuis, on s’en remet aux critères
établis à cette fin.
Bref, quelques uns travaillent encore à la mise au point d’une grille basée sur des cirières
objectifs; d’autres procèdent à la révision de la grille élaborée, il y a peu. Ailleurs, c’est
toujours le cas par cas qui préside au choix des études à diffuser. Peu importe le moyen
privilégié, critères objectifs ou appréciation du responsable, les ministères et organismes
ont effectivement engagé la diffusion des études,
rapports de recherches ou de
statistiques.
b. Documents transmis à la suite d’une demande en vertu de la loi sur
l’accès
Qu’en est-il de la diffusion, sur le site des ministères et organismes, des documents qui
ont été transmis à la suite d’une demande d’accès à l’information en bonne et due forme ?
A vrai dire, les résultats à ce chapitre sont plutôt modestes : on en retrouve peu, très peu
même dans l’ensemble des sites visés par le Règlement. Comment expliquer cet état de
fait, d’autant plus que le nombre de demandes d’accès est plutôt important dans
l’ensemble de l’appareil gouvernemental12.
Tout comme pour les études et rapports de recherche, le Règlement soumet la diffusion
de ce type de documents à l’existence d’un «intérêt pour l’information du public». Les
mêmes questions surgissent ici : comment définir cet intérêt ? En fonction de quoi : la
12
Il s’agit d’une affirmation courante qui ne peut pas encore être étayée de façon systématique. On saura,
au cours des prochains mois, ce qu’il en est exactement lorsque les ministères et organismes
s’acquitteront d’une autre obligation du même Règlement et publieront des données détaillées sur les
demandes d’accès reçues et traitées au cours de l’année (Section III, art.4)).
18
mission de l’organisme? Les besoins des spécialistes? Certains responsables ont, tout
simplement, eu recours, ici aussi, à la notion proposée par le SRIDAI dans son Guide de
référence.
Dans un cas, on a aussi élaboré une grille d’analyse basée avant tout sur la mission du
ministère. Un document, déjà remis en vertu d’une demande d’accès, permet-il d’en
savoir davantage sur les mandats et objectifs du ministère? Il devrait alors être affiché sur
son site. Le conditionnel est utilisé à bon escient : le feu vert n’a pas encore été signifié
au lancement de cette procédure.
Dans la grande majorité des ministères et organismes, visés par cette recherche, le mandat
de diffuser de tels documents a été confié au responsable de l’accès; décision est arrêtée
au cas par cas, dans l’attente d’une éventuelle grille, en élaboration en quelques endroits.
Les responsables ne voilent pas la difficulté de cette part de leur mandat. Les uns
rappellent la nette prépondérance des demandes de documents qui visent ou qui
comportent des renseignements personnels et les problèmes d’élagage qui s’en suivent.
Certains craignent, en diffusant de tels documents, causer préjudice aux personnes qui les
ont demandés et obtenus. D’autres signalent que les demandes d’intérêt public émanent
presque toutes de journalistes de plus en plus précis dans leurs requêtes. Un responsable
considère même que ce Règlement a été pensé et élaboré en fonction des journalistes.
Enfin, certains responsables redoutent un effet boule de neige en affichant
systématiquement de tels documents, notamment en raison de la modestie des moyens
dont ils disposent pour s’acquitter de leur mandat.
Dans un certain nombre d’entités administratives, cette question fait encore l’objet de
discussions ou elle est toujours à l’ordre du jour du comité établi en vue de la mise en
œuvre du Règlement d’avril 2008.
En un mot, la diffusion des documents déjà remis à un demandeur qui a eu recours à la loi
d’accès, fait problème. Il s’agit sans doute de l’aspect le moins évident de cette pratique
de la diffusion proactive. On ressent un réel inconfort chez la plupart des responsables
des vingt ministères et organismes rencontrés à la faveur de cette ronde d’entrevues.
Cette question est toujours à l’étude, selon l’expression diplomatique.
19

Sélection des études, rapports de recherches et de statistiques : tâche plus ou
moins ardue en fonction de l’habitude, ou non, de diffuser de tels documents

Difficulté d’interpréter le critère du Règlement «intérêt pour l’information du
public»; le besoin de clarification subsiste

Établissement de critères et de grilles en vue de la sélection de ces rapports : le
résultat n’est guère concluant, dans la plupart des cas

Dans la majeure partie des ministères et organismes visés par cette recherche, le
responsable de l’accès à l’information procède au cas par cas

Affichage de documents déjà remis en vertu de la loi sur l’accès : avancée très
timide, car malaise évident et avoué
20
CHAPITRE IV - RÉSULTATS ET PERSPECTIVES
Quels résultats peut-on dégager de la mise en œuvre d’une partie importante du
Règlement sur la diffusion de l’information et de la protection des renseignements
personnels ? Il est peut-être encore tôt pour tenter pareille esquisse de bilan. Des indices
de réponse peuvent néanmoins être dégagés de l’impact de ces modifications sur le
fonctionnement de l’actuel régime d’accès à l’information. On peut aussi entrevoir ce que
pourrait entraîner un éventuel élargissement de la diffusion proactive. Même possibilité
en ce qui concerne le volet « protection des renseignements personnels », qui n’a pas été
spécifiquement pris en compte dans ces entrevues avec vingt (20) responsables de
l’accès. Autant de questions, autant de perspectives ouvertes sur les prochaines étapes de
l’accès à l’information.
a. Impact sur les demandes d’accès
Le nombre de demandes d’accès de documents en vertu de la loi de 1982 a poursuivi la
croissance relevée au cours des dernières années. Aucun responsable ne se hasarde à lier
l’augmentation de demandes, enregistrée durant les 18 derniers mois, à la mise en œuvre
du Règlement. Il y a quasi unanimité chez les responsables de l’accès interrogés en vue
de cette recherche: la diffusion proactive de documents n’a pas provoqué d’augmentation
de demandes d’accès de documents auprès de leur ministère ou organisme. Globalement,
les démarches en vertu de la loi sur l’accès seraient de plus en plus complexes et
viseraient un plus grand nombre de documents. Il en découle une augmentation évidente
de la charge de travail des responsables de kl’accès.
Certaines demandes systématiques sont plus ou moins disparues en raison, explique-t-on,
de l’affichage quasi automatique de rapports de recherche ou de données statistiques. Par
contre, certaines lettres-types, émanant de groupes ou d’entreprises, se sont étoffées,
semble-t-il, en fonction des documents affichés en vertu du Règlement
21
Bref, la divulgation proactive de documents ne semble avoir eu d’influence sur le nombre
de demandes d’accès, contrairement aux appréhensions de plusieurs. C’est avant tout
l’actualité, rappellent certains responsables, qui commande et explique bon nombre de
demandes de documents.
b. L’affichage systématique des documents transmis à la suite d’une
demande d’accès à l’information
Au vu de ces résultats, doit-on envisager une forme de systématisation en ce qui a trait à
la diffusion des documents déjà remis en vertu d’une demande d’accès à l’information ?
Doit-on franchir une étape supplémentaire sur le chemin de l’open government, façon
Obama ?
Les avis à ce sujet sont assez bien campés. Certains responsables y sont résolument
favorables parce que partisans de la transparence. Position modérée d’un certain
pragmatisme chez quelques autres : ces derniers souhaitent que le gouvernement dégage
des crédits supplémentaires à cette fin. Il est impossible, souligne fortement un
responsable, d’imaginer lancer et réussir pareille opération « à coûts nuls ». D’autres
souscriraient à pareil approfondissement de la diffusion proactive, à condition que
l’opération soit modeste, minimale même.
Pourquoi aller plus loin, se demande un autre responsable ? L’actuel résultat n’est guère
probant. Il faut oublier l’hypothèse selon laquelle la diffusion proactive provoquerait une
réduction du nombre de demandes d’accès aux documents. Et puis, la nouvelle « loi sur la
gouvernance » rendrait caduque une telle démarche, de signaler un autre intervenant13.
13
Il s’agit de la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes
publics et des entreprises du gouvernement (projet de loi 133), sanctionnée le 13 juin 2011.
22
c. Le volet de la protection des renseignements personnels du
Règlement
Outre la diffusion proactive de documents, le Règlement d’avril 2008 détermine
également une série de mandats et d’obligations, notamment en ce qui a trait à la
protection des renseignements personnels. Comment les responsables de l’accès
envisagent-ils cette autre dimension?
Ici, on voit se dessiner deux camps, en fonction des décisions prises, ou non, à la fin des
années 1990 lorsque le gouvernement a adopté un plan d’action visant la protection des
renseignements personnels14.
Pour les uns, le second volet du Règlement ne soulève aucun problème. On y a consacré,
à l’époque et depuis, beaucoup de temps et d’effort, rappelle un responsable de l’accès :
on s’est « outillé en conséquence ».
Pour d’autres, il s’agit d’un véritable chantier à lancer. De sérieux problèmes en
perspective. Beaucoup de travail à faire. Il va falloir se retrousser les manches. Question
crue : sommes-nous en règle à ce sujet ? Aucune illusion chez ces responsables de l’accès
lorsqu’interrogés à ce sujet : les exigences du Règlement commandent une opération
majeure et lourde en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels.
A la faveur de l’opération «diffusion», certains ont découvert l’une ou l’autre dimension
de la réalité qu’aborde le Règlement en matière de protection des renseignements
personnels. Inventaire des fichiers de renseignements personnels, systématisation des
politiques sur les caméras de vidéo surveillance, retour sur la question des sondages : la
table est mise.
Dans certains cas, des équipes restreintes se sont déjà attaquées à ces questions. D’autres
ont engagé la préparation de nouveaux documents, de questionnaires même dans une
perspective de conformité aux exigences de la protection des renseignements personnels.
14
Voir note 9, page 13.
23
En un mot, la mise en œuvre du Règlement d’avril 2008 interpelle un nombre appréciable
de responsables de l’accès en ce qui a trait au volet « protection des renseignements
personnels ».
d. Perspectives
Au moment d’établir une esquisse de bilan, plusieurs responsables signalent la confusion
engendrée par l’énoncé même du titre du Règlement. En lançant la diffusion de
«l’information », on accentue le problème issu de la traduction de l’expression « freedom
of information ». Et pourtant, le régime d’accès à l’information vise les «documents» du
secteur public et non pas l’information en tant que telle!
L’opération « diffusion de documents » s’est sans doute achevée, le ou vers le 29
novembre 2009, dans la grande majorité des ministères et organismes. Que faut-il en
conclure ? Au-delà des efforts et des premiers résultats, on relève une forte dose de
réalisme chez plusieurs responsables. L’objectif du Règlement ne se ramène pas à une
seule opération ponctuelle, même si l’entreprise a été stimulante, à plus d’un titre. Il faut,
précise un responsable, que ce processus s’insère dans la culture de la fonction publique :
le temps seul permettra la sédimentation de pratiques orientées vers la transparence.
Dans un cas précis, le responsable prévoit l’adoption prochaine d’une directive interne
qui achèvera d’institutionnaliser la diffusion systématique des rapports de recherche dans
son ministère. Ce texte précisera notamment les types et modalité d’imputabilité à ce
sujet.
Malgré tout, de déplorer plusieurs répondants, la démarche est peu connue du grand
public. « Pas connue du tout », renchérissent certains, manifestement déçus lorsqu’ils
songent à la somme de travail qui y a été investie!
Enfin, quelques responsables souhaitent voir le gouvernement expliciter la notion et
l’objectif de la « transparence ». Ils y voient une condition préalable à toute démarche
24
vers la mise en place de l’open government, prochaine étape, semble-t-il dans la
concrétisation de l’accès à l’information.

Aucun impact décelable de la mise en vigueur du Règlement quant au nombre ou
à la complexité des demandes d’accès à l’information

Éventuel élargissement de la diffusion proactive de documents : les responsables
de l’accès à l’information sont partagés à ce sujet

Confusion engendrée par le titre même du Règlement : diffusion de l’information
au lieu de documents

Mise en œuvre du volet protection des renseignements personnels du Règlement :
beaucoup de travail en perspective dans certains ministères et organismes qui
accusent un certain retard dans ce domaine

Nécessité de laisser couler le temps pour favoriser l’insertion de cette nouvelle
dimension de l’accès à l’information, sous toutes ses dimensions pratiques, dans
la culture administrative
25
CONCLUSION
Le Québec s’est mis à l’heure de la diffusion proactive, à la fin de l’automne 2009. Cette
nouvelle étape de l’édification du régime d’accès à l’information s’est insérée dans un
processus lancé par la Commission d’accès à l’information au moment du dépôt de son
rapport quinquennal, en 2002. La publication d'un Règlement à la Gazette officielle, en
avril 2008, a concrétisé cet objectif dans une démarche collective où les responsables de
l’accès à l’information ont joué un rôle moteur.
Un groupe de vingt (20) responsables de l’accès ont accepté, aux fins de cette recherche,
de dégager les premières leçons de cette démarche qui a exigé patience, doigté et
collaboration multiple. La satisfaction est évidente : l’entreprise a été menée à terme, les
objectifs de l’initiative gouvernementale ont été atteints de façon plus qu’encourageante,
estiment-ils.
Entreprise encore inédite en Occident, la diffusion proactive de documents répond à un
objectif de transparence administrative. Les appréhensions, voire même les craintes
éprouvées par certains responsables de l’accès, partagées dans certains cas dans les hautes
sphères de l’administration publique, ont été levées à la faveur de la mise en œuvre du
Règlement.
Des problèmes se sont présentés, qui découlaient des aspects novateurs du Règlement.
Afficher études, rapports de recherches et données statistiques : l’objectif semblait aller
de soi. Les responsables de l’opération ont rapidement jonglé avec la notion «d’intérêt
pour l’information du public» au moment de décider de diffuser l’un ou l’autre de ces
documents. Même constatation en ce qui a trait aux documents remis à une personne à la
suite d’une demande d’accès à l’information. C’est sans doute à propos de ces deux types
de documents qu’un malaise s’avoue assez aisément. Le citoyen n’y retrouve pas
totalement son compte, concluraient les perfectionnistes.
26
Des questions surgissent en ce qui a trait à l’éventuel approfondissement de cette
diffusion proactive. D’autres s’imposent d’elles-mêmes lorsqu’on envisage, même de
façon très hypothétique, le passage à l’open government, notion qu’on traduit
maladroitement par «gouvernement ouvert»15.
Dans l’immédiat, il reste à parachever la mise en œuvre de l’autre volet de ce même
règlement qui vise la protection des renseignements personnels. Si, dans certains cas, on
n’éprouve aucune inquiétude à ce sujet, ailleurs la mise à niveau risque d’être tout aussi
exigeante, sinon plus que le cheminement vers la diffusion proactive. L’idéal de la
transparence administrative n’est ni simple, ni évident!
15
Le gouvernement fédéral utilise cette expression; il recourt de même à la notion d’open data pour
désigner l’ouverture éventuelle des banques de données mises au point et conservées par les entités
gouvernementales.
Voir : Gouvernement du Canada (2011) – Le gouvernement Harper annonce le renforcement du
gouvernement ouvert, Ottawa, 18 mars : www.sct.gc.ca
Les Européens préfèrent parler de «réutilisation» des données et des documents. C’est le sens de la
Directive du Parlement européen et du Conseil 2003/ 98 / CE, du 17 novembre 2003. En France, cette
directive a été transposée dans une ordonnance ( 6 juin 2005 ) des plus explicites. Voir à ce sujet le site de
la CADA : www.cada.fr
27
Annexe A
NOTE MÉTHODOLOGIQUE
Ce rapport repose essentiellement sur des entrevues menées auprès des responsables de
l’accès dans 20 ministères et organismes du gouvernement du Québec. C’est sous la
promesse de l’anonymat le plus complet qu’ont été obtenues ces entrevues; anonymat
aussi bien en ce qui concerne les personnes interrogées que les ministères et organismes
où ces responsables de l’accès exercent leurs fonctions. Cette condition répond aux
exigences formulées par le SRIDAI.
Le choix de ces responsables ne relève pas des critères d’une sélection aléatoire. Seul a
été respecté un équilibre entre ministères ou organismes, de grande ou de petite taille. Les
invitations ont été faites au hasard; les rencontres ont eu lieu selon la disponibilité de ces
personnes.
Les entrevues ont été conduites selon un protocole relativement structuré, reproduit à
l’annexe 2 du présent document. A la faveur de ce dialogue, l’objectif était de découvrir
les modalités concrètes de la mise en œuvre du Règlement d’avril 2008. Il s’agissait de
tenter de comprendre le contexte particulier et les moyens retenus par les responsables de
l’accès pour s’acquitter de ce mandat. L’entrevue visait aussi à obtenir des responsables
leur appréciation sur l’ensemble du processus, de même que leur évaluation de la
situation qui prévaut, à l’été 2011, à ce chapitre.
Ce rapport emprunte à l’analyse qualitative sa démarche et son esprit. C’est d’ailleurs la
seule option qui se présentait devant l’absolue nécessité de respecter l’anonymat des
responsables et d’occulter le nom des ministères et organismes. On n’y trouvera donc pas
de moyennes ou de données quantitatives16, mais bien la schématisation des propos tenus
par les personnes qui se sont prêtées à cette démarche.
16
Des données quantitatives, qui permettent d’apprécier l’ampleur et les résultats de la mise en œuvre de
ce règlement, ont été obtenues à la faveur d’une recherche menée par le SRIDAI, en avril 2011. Les
résultats en ont été dégagés dans : LEPPM (2011) . Règlement sur la diffusion de l’information et la
protection des renseignements personnels,-État des lieux, ÉNAP, Québec, août : 40 pages.
28
Les rencontres avec les responsables se sont échelonnées entre les 2 et 29 juin 2011. Elles
ont eu lieu dans leurs bureaux respectifs et n’ont pas fait l’objet d’enregistrement. Elles
ont duré de 40 à 70 minutes, selon le cas.
29
Annexe B
PROTOCOLE D’ENTREVUE
1. Un an et demi après l’entrée en vigueur du Règlement «sur la diffusion de
l’information et sur la protection des renseignements personnels», quel
jugement portez-vous sur ce changement ?
Contraire à vos prévisions, à vos appréhensions ?
Vous souvenez-vous de la réaction de vos collègues, de la haute direction du
M/O au moment de la publication du Règlement ?
Des changements depuis ?
2. Comment s’est déroulée la mise en œuvre du Règlement ?
Une opération «solitaire»
Des directives du BSM ou de la haute direction de l’Organisme ?
Des directives du «comité» dont la création est prévue par le même
Règlement ?
30
Coopération ou réticences des collègues qui détiennent les renseignements à
installer sur le site ?
Besoin de ressources additionnelles ?
Opération est-elle terminée ?
Approbation finale par BSM ?
3. Résultat de l’opération
a) Le résultat de l’opération : un espace «dédié» sur le site du Ministère ou
organisme ? Ou sur la rubrique de l’accès à l’information ?
Est-ce que la rubrique «accès» renvoie à cette nouvelle rubrique
Comment et pourquoi cette décision ?
b) Réactions ?
Au Ministère ?
De la part des clients ?
31
c) Appréciation personnelle ? Repérage facile ?
4. Questions spécifiques
a) Les registres publics ? Des problèmes particuliers ?
b) Les contrats ? Migration vers Service électronique d’appel d’offres ?
c) Les engagements financiers ? Hyperliens vers CAP ?
d) Les études et rapports de recherche ?
Problèmes avec définition «d’intérêt pour l’information du public »?
Problèmes de sélection ? Établissement de critère ?
Problèmes particuliers ? Sensibilité des sujets ? Résistance des chercheurs
ou appréhension des autorités ?
e) Les documents transmis à la suite d’une demande d’accès ?
Décision autonome du responsable ? Consultation du conseiller juridique
?
32
Problèmes avec définition d’intérêt pour l»’information du public
Sentiment personnel : devrait-on afficher tous les documents remis en
vertu de la LAI ?
f) Problèmes éprouvés à l’égard des autres renseignements prévus par
règlement
5. Conséquences de mise en œuvre du règlement ?
Impact sur le nombre de demandes d’accès ?
Changements quant à la nature et complexité des demandes d’accès ?
Référence dans les demandes d’accès à des renseignements ou notions
dérivées des documents installés sur site en vertu du Règlement ?
Demandes verbales de la part des citoyens ou plaintes au sujet des documents
qui ne seraient pas installés sur le site ?
6. Volet «documents» a-t-il été plus simple que volet «protection des
renseignements personnels» du Règlement ?
33
Un mot sur mise en œuvre de ce volet protection ? Des problèmes ?
7. Suggestions personnelles
Poursuivre diffusion et augmenter nombre et nature de documents à afficher
?
Rapport quinquennal de la CAI : appréhensions ?
8. Jugement global sur état de la LAI au sein du ministère ? dans l’ensemble
gouvernemental ?
Tentation de comparer avec les autres gouvernements ?
Le 11 mai 2011.
34

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