Logiciels d`évaluation Utiles ou futiles
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Logiciels d`évaluation Utiles ou futiles
5909_56a57 17/05/04 17:24 Page 56 Dossier ÉVALUATION ET NÉGOCIATION D’ENTREPRISES Dossier Les logiciels de valorisation n’ont pas vocation à se substituer à l’évaluateur, encore moins aux parties. Leur rôle est de favoriser la recherche d’un compromis historique sur le prix de l’entreprise proposé dans le cadre d’une transaction à un moment précis. Logiciels d’évaluation Utiles ou futiles ? L PAR Jacky OUZIEL1 ET es méthodes d’évaluation et les logiciels qui les mettent en œuvre suscitent souvent un mélange de fascination et de suspicion, d’autant que le processus de valorisation d’une société, en fonction de son développement et de son secteur, tient à la fois de la science, de l’art et de l’alchimie ! Les discours sur le thème sont d’abord l’occasion de montrer que l’on connaît bien la science, à savoir les méthodes (ou du moins les plus citées telles que le goodwill, dont le succès vient peut-être d’un vocable particulièrement amène, en même temps que mystérieux). Mais ils sont aussitôt complétés par une distanciation entendue : au fond, ces belles méthodes ne tiennent guère devant la seule réalité qui compte, celle du prix que l’acheteur est prêt à payer au vendeur ! Alors, ces méthodes sont-elles tout bon ou tout mauvais ? FUTILES ? Patrick SÉNICOURT2 56 Échanges JUIN 2004 • N° 211 Les pourfendeurs des outils d’évaluation ne manquent pas d’arguments, car la liste des faiblesses, voire des limites conceptuelles, peut être longue. Nous retiendrons ici les principales : • La diversité des méthodes laisse perplexe. Patrimoniales, de rendement, historiques, prospectives, tournées vers l’efficacité de l’entreprise ou vers la rémunération de l’investisseur, imposées par les pratiques des marchés financiers ou par l’administration fiscale, où est donc la vérité parmi toutes ces vérités ? Et la moyenne pondérée entre des choux et des carottes peut-elle donner un bon potage ? • La détermination des taux ne contribue pas à apaiser le débat. La collection est vaste : taux non risqué des obligations assimilables du Trésor (OAT), taux de risque sectoriel, prime de non-liquidité, taux spécifique à l’entreprise et à son management, décotes… : autant d’occasions d’interrogations perplexes et de discussions sans fin entre acheteurs et vendeurs, évaluateurs et administrations, managers et investisseurs. • Comparaison n’est pas raison ? Et pourtant, il s’agit bien d’une approche privilégiée par de nombreux professionnels, qui autorise à comparer l’entreprise à évaluer avec d’hypothétiques et improbables jumeaux qui auraient fait récemment l’objet de transactions honnêtes. Trois fois le CA, cinq fois l’Ebitda, douze fois le bénéfice… Pourquoi pas cinq cents fois l’âge du capitaine ? • Des construits mathématiques que d’aucuns qualifieraient volontiers d’abscons pour masquer leur oubli ou leur ignorance face à la mathématique financière de l’actualisation : rentabilités d’un futur bien incertain, bêta désendetté puis réendetté, valeur à l’infini… Alors, devant tant d’imprécision, pourquoi ne privilégierait-on pas une méthode qui a fait ses preuves dans les tripots de tous les temps : le tirage aux dés ? C’est sans doute qu’il vaut mieux une mauvaise approximation qu’une bonne intuition. UTILES ? Ces méthodes et logiciels sont de nature à stimuler l’art, c’est-à-dire la réflexion en amont : à partir d’une démarche balisée, proposer des bases de négociations qui permettent souvent de rapprocher les 5909_56a57 17/05/04 17:24 Page 57 Quels services doit rendre un logiciel d’évaluation d’entreprise ? Nous avons privilégié dans l’élaboration de nos logiciels d’évaluation : - la pédagogie (aide en ligne contextuelle affichée en permanence) ; - une grande souplesse pour l’utilisateur dans les retraitements en amont des liasses fiscales (crédit-bail, provisions, comptes courants, etc.), les correctifs (sur ou sous-valeurs, rémunérations, etc.), ainsi que pour les couples taux-périodes. Nous avons systématiquement introduit des couples de valeurs estimé-retenu, permettant de “prendre la main” à chaque étape de la valorisation. Pratiquement toutes les méthodes et sous-méthodes ont été mobilisées, que l’évaluateur peut retenir (en les pondérant entre elles) ou masquer selon les cas. Il nous a paru nécessaire de calculer simultanément les valorisations sur la dernière année, et en moyenne pondérée sur les trois dernières années (lorsque c’est pertinent). Au total, une trentaine de fourchettes permettent de dégager une moyenne et une dispersion générant automatiquement une fourchette de valeurs qui apparaît aux spécialistes de l’évaluation le plus souvent pertinentes. points de vue a priori antagonistes du vendeur et de l’acheteur, de l’entrepreneur et de l’investisseur ; avec le concours de professionnels qui vont tenter de tenir le rôle de modérateur en vue de créer de la richesse, véritable alchimie de l’adéquation entre la demande et l’offre de capitaux. • En amont, le cédant/l’entrepreneur peut anticiper un ordre de grandeur de la valeur de son entreprise et faire évoluer sa stratégie pour améliorer les paramètres qui agiront le plus sur une valorisation acceptable. • Tout au long du processus, le plus souvent itératif, un travail de pédagogie conceptuelle et méthodologique doit être mené tant auprès du vendeur que de l’acheteur pour leur apporter les bases théoriques et opérationnelles de mobilisation de variables, et d’adoption ou de rejet de méthodes. Valeur passée ou future ? Rentabilité interne ou valeur pour l’actionnaire ? Bien des réflexions sont à initier et à mener qui renforceront l’efficacité dans la négociation pour rapprocher les points de vue. • Un bon logiciel ne doit pas se contenter de (bien) calculer la valeur pour chaque méthode, mais également montrer la sensibilité (ou la volatilité) de la valeur pivot aux paramètres, débouchant plutôt sur la validation de fourchettes propices à la négociation. • A la préférence d’un évaluateur pour une ou deux méthodes qu’il qualifie de simples et pragmatiques, il convient d’opposer la nécessité de connaître les arguments de la contrepartie (qu’elle soit cédante, laquelle aura tendance à privilégier la ou les métho- des maximisantes, ou acquéreur, portant son dévolu sur les minimisantes). • Toujours dans cette perspective de rapprochement des parties, les logiciels doivent permettre de réaliser des analyses de sensibilité afin de bien percevoir l’ampleur de la volatilité des valorisations en fonction du choix des taux, de l’horizon de sortie, de la définition des pondérations. Des logiciels de nature à stimuler l’art et la science. 1 Jacky Ouziel, conseil en fusion acquisition (notamment high-tech et transfrontières), spécialiste en valorisation de sociétés et ingénierie financière, administrateur de la CNCEF (Chambre nationale des conseils experts financiers). 2 Patrick Sénicourt, professeur associé à l’ESCP-EAP (pôle Innover & Entreprendre), administrateur de l’Académie de l’entrepreneuriat, membre de la CNCEF, de la CCEF (Compagnie des conseils experts financiers) et de l’Afplane. Il est directeur général d’Ordimega, qui développe depuis une vingtaine d’années les logiciels PREFACE™ d’analyse financière, de business planning, de benchmarking sectoriel et de valorisation. ET ALORS ? TIP-TOP OU FLIP-FLOP ? Ne cassons pas le thermomètre pour faire tomber la fièvre… On ne peut imaginer de logiciels pressebouton : les réglages sont impératifs et le plus souvent délicats : c’est ici que s’exerce l’art de l’évaluateur. Les différents softs pourront dès lors aider par la pédagogie et la simulation à mieux (faire) comprendre la science. Mais le jeu en vaut la chandelle, si l’on considère que le propriétaire vendeur va parfois réaliser le travail de toute une vie d’entrepreneur durant laquelle il n’a guère eu la perspective d’optimiser la valeur de son entreprise en terme de sortie. Il en va de même pour un entrepreneur à la recherche de capitaux qui a besoin d’une estimation fiable de son entreprise/projet en vue de faire payer un ticket d’entrée acceptable pour un investisseur, eu égard aux risques encourus et à son taux de rentabilité interne escompté au terme de l’opération. Bref, il n’y a de bonne transaction que si toutes les parties sont d’accord pour contracter peu ou prou sur la base d’une valorisation fiable et acceptable par chacun. ■ JUIN 2004 • N° 211 Échanges 57