Arnaud montre ce qu`il a dans le coffre

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Arnaud montre ce qu`il a dans le coffre
Culture 27
Tribune de Genève | Vendredi 1er mai 2015
Exposition
L’exposition réunit entre autres le «Nu à la vague» peint par Bosshard en 1924, la «Nature morte au bouquet et fruits» exécutée par Cuno Amiet en 1923 et «Une amie» signée Edmond Bille en 1918. FRANÇOIS BERTIN
Arnaud montre ce qu’il a dans le coffre
Florence Millioud Henriques
Il aimait Lens, les hautes cimes, la
simplicité et les peintres de l’Ecole
de Savièse. Mais de Pierre Arnaud,
ce nom devenu familier aux amateurs d’art depuis l’ouverture, en
2013, de sa fondation sur la route de
Crans-Montana, on ne sait pas beaucoup plus, pas même le titre de
l’œuvre fondatrice, celle qui a inoculé le virus au collectionneur né en
Provence en 1922 et décédé en 1996.
Etait-ce une physionomie typée
révélée par Ernest Biéler, une atmosphère trempée dans un bain
de couleurs par Cuno Amiet, une
intimité sondée par Marguerite
Burnat-Provins ou encore les traits
romantiques de la nature mis en
scène d’Albert Gos? Cette première
acquisition est-elle sur les cimaises
du Centre d’art de Lens, qui propose, pour la première fois, une
vue d’ensemble de la collection qui
l’a fait naître? Mystère… L’histoire
de la Collection Pierre Arnaud n’a
pas été écrite comme ça! Généreuse, elle obéit au seul privilège
de donner à voir et témoigne de
l’élégante discrétion des passionnés qui vivent avec leurs œuvres.
Pierre Arnaud en était, mais l’enfant de la mer qui rêvait de montagne ne l’a pas toujours été.
Goûts éclectiques
Le self-made-man, armateur et futur propriétaire de Fotolabo est
venu à l’art peut-être par respect
des forces de la nature, peut-être
par foi en l’authenticité, mais aussi
par confiance. «Il a suivi les
conseils de Michel Lehner, le premier à avoir collectionné l’Ecole de
Savièse, explique Christophe Flubacher, directeur scientifique de la
fondation. Mais l’éclectisme de sa
collection montre qu’il s’est lancé
sans idées préconçues, ni même
Une explosion qui dure
Danse
Big bang de la carrière du
chorégraphe flamand Wim
Vandekeybus, «What The
Body Does Not Remember»
éclate Genève pour un soir
Créé en juin 1987 aux Pays-Bas, on
peut dire que le spectacle a électrifié
son public. De même qu’il a allumé
la mèche d’un succès qui n’a pas
fléchi depuis: celui des Belges Wim
Vandekeybus (danseur), Thierry de
Mey et Peter Vermeersch (compositeurs). Selon son auteur, What The
Body Does Not Remember (ce dont le
corps ne se souvient pas) extrait du
flux des mouvements corporels
«l’intensité des moments où l’on n’a
pas le choix, comme la seconde
avant un accident ou celui d’un
coup de foudre». Cette pièce détonante, en revanche, le monde se la
Contrôle qualité
Neuf déchaînés au BFM. D. WILLEMS
rappelle. Raison de plus pour que
Vandekeybus la ranime en lui injectant du sang neuf. Et la fasse péter
devant nous. K.B.
«What The Body Does Not
Remember» BFM, 2 mai à 20 h 30,
022 329 44 00, www.adc-geneve.ch
dans l’intention de bâtir un ensemble. Il a acheté Renoir, Vlaminck
ou van Dongen comme Chavaz.»
Sélective, l’exposition se concentre sur le versant suisse de la
collection et dessine le portrait du
collectionneur au fil des paysages
de Diday, des nus et natures mortes
de Vallotton ou de Bosshard. Le por-
«Il s’est lancé sans
idées préconçues,
ni même dans
l’intention de bâtir
un ensemble»
Christophe Flubacher
Directeur scientifique
de la fondation
trait d’une certaine sérénité, celui
d’un battant qui n’a jamais donné
dans la facilité, mais un portrait à la
touche divisionniste tant Pierre Arnaud a aimé dans la diversité.
La centaine d’œuvres exposées
l’illustre en cinq thèmes – la nature
morte, le portrait, l’intimité, l’intériorité, le paysage – mais elle ne se
contente pas d’être un arrêt sur
image. Elle atteste d’une collection
qui, enrichie par ses héritiers, s’est
trouvé une cohérence: l’observation attentive de l’existence, de ses
solitudes à l’envie d’être plus belle
encore lorsque Marguerite BurnatProvins magnifie les tâches ménagères ou aiguise ses aspirations
pour l’Art nouveau dans les plis
des costumes traditionnels. Mais il
y a encore Edouard Vallet, le Genevois de Vercorin, qui laisse éclater
toute l’impuissance d’un père portant le cercueil de son enfant. Ou,
plus mystique, Charles Clos Olsommer, le Neuchâtelois de Veyras, qui fluidifie sa touche dans
une mélancolie introspective. «Les
Valaisans étaient fiers qu’on s’intéresse à eux, rappelle Christophe
Flubacher, même s’ils n’ont pas
toujours compris la vision que ces
peintres donnaient d’eux.»
Après s’être noyée dans d’ambitieux programmes comparatifs
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Ça vous tente?
La voix d’un rescapé
Témoignage Carlo Brandt fait
sienne la voix de Zysman Wenig,
rescapé des camps nazis décédé
en 2013, à l’âge de 101 ans. Mû par
«la nécessité de témoigner devant
les jeunes générations», l’acteur
genevois choisit, d’intelligence
avec le Théâtre Saint-Gervais qui
l’accueille au pied levé, de
s’exprimer sur les marches du
Collège Rousseau, en plein air.
Accompagné d’images tournées
récemment in situ, Je reviendrai
revient septante ans après sur le
quotidien concentrationnaire du
juif polonais, tel qu’il se raconte
dans les lettres qu’il faisait parvenir
à sa femme. Un trou noir de quatre
ans, qui débute à Pithiviers, se
creuse à Auschwitz et Mauthausen, et aboutit à Ebensee. K.B.
Collège Rousseau, jusqu’au
15 mai, 022 908 20 00,
«www.saintgervais.ch».
avec les grands mouvements de
la peinture occidentale, la Fondation Pierre Arnaud montre
donc ce qu’elle a dans le coffre.
Enfin! Elle a ses joyaux comme
Les Confidences à l’abri d’Ernest
Biéler, ses stars du moment
comme Cuno Amiet ou Félix Vallotton et ses petits secrets
comme le portrait de la maîtresse
d’Edmond Bille opportunément
titré… Une amie. Riche de tranches de vie et de rêveries romantiques, elle n’a peut-être pas de
Hodler ni de Segantini, mais leur
influente ombre plane et, audelà, celle du temps des grands
questionnements artistiques de
1850 à 1950.
Des traits expressionnistes
d’Oskar Lüthy aux ambitions cubistes de René Auberjonois, c’est
un condensé de l’histoire de l’art
en Suisse qui s’écrit à travers les
coups de cœur d’un homme.
Fondation Pierre Arnaud Lens,
jusqu’au 14 juin, ma-di 10 h-23 h,
027 483 46 10,
www.fondationpierrearnaud.ch
Une page d’histoire
DR
La fondation de Lens
expose pour
la première fois
les joyaux d’art suisse
du collectionneur
Pierre Arnaud
Lydie Salvayre aux Salons
Lecture Lauréate du dernier Prix
Goncourt, Lydie Salvayre est
invitée par l’Union des Français de
l’étranger mardi soir au Théâtre
Les Salons. L’auteure interviendra
après la lecture de son dernier
roman, Pas pleurer, par un acteur.
Le livre entremêle les souvenirs
heureux de Montse, adolescente
amoureuse pendant l’été 1936 en
Espagne, et les atrocités commises
par le régime franquiste. MAR.G.
Les Salons, 5 mai à 20 h,
022 807 06 33,
«www.les-salons.ch».
Des chiffres
U Cinq cents: c’est le nombre
total de tableaux appartenant à
la fondation. Ils ont été acquis
par Pierre Arnaud, mais aussi
par son beau-fils Daniel Salzmann, qui, contaminé par la
même passion, a eu l’idée
d’ouvrir la fondation à Lens
pour profiler ce Valais qui a
nourri l’inspiration des peintres.
L’exposition Une passion suisse
s’articule autour d’une centaine
de leurs œuvres. F.M.H.