Sciences au Sud n°34

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Sciences au Sud n°34
© Cirad/B. Bertrand
p o i n t u
en quête d’excellence
2 génomes hybridés naturellement il y a
des milliers d’années et dont les représentants actuels les plus proches seraient
ceux de Coffea canephora (= robusta,
espèce cultivée) et de Coffea eugenioides (espèce sauvage). Étant donné
ses caractéristiques de port d’arbre et de
teneur en caféine, il semblerait que les
gènes de canephora ne s’expriment pas
ou peu dans le mutant Bourbon pointu.
Une thèse, encadrée par l’IRD et financée
par le projet, vise à identifier les principaux gènes dont le fonctionnement diffère entre la variété ancestrale Bourbon
et son mutant Bourbon pointu. Les
recherches sur les différences d’expression entre les deux variétés ont été réalisées sur de jeunes plantules. Sur les
2 300 gènes séquencés, 10 % ont montré une expression significativement différente entre les plantules des deux
variétés. Les résultats sont en cours de
confirmation.
La forme des grains montre une variabilité, avec un continuum depuis la graine
ronde jusqu’à la graine très pointue qui
correspond au phénotype commercialisable. La notion de graine pointue ou
ronde est donc assez subjective. La présence d’une diversité de forme entre
graines issues d’un même arbre est
confirmée. Enfin, il existe des différences
entre arbres à l’intérieur d’une parcelle et
ce selon des gradients suggérant ici l’influence environnementale. Par contre la
forme des grains n’affecte pas la teneur
en caféine.
L’analyse des feuilles de 27 géniteurs par
des techniques moléculaires montre qu’il
n’y a aucune variabilité. En conclusion,
l’hypothèse selon laquelle les différents
pieds mères collectés appartiennent à
une variété homogène issue d’une
mutation récessive, sélectionnée par les
caféiculteurs à la fin du XIXe siècle dans
les populations de Bourbon, est la plus
probable.
●
La coordination du projet Volta du
Challenge programme Eau et alimentation (CPEA) a été confiée à l’IRD (unité de
recherche Gestion de l’Eau, Acteurs,
Usages, UR183/UMR G-eau) qui représente
les institutions françaises au comité de
pilotage de ce programme international
issu du Groupe consultatif pour la
recherche agricole internationale (GCRAI).
Le Challenge programme Eau et alimentation a pour principal objectif d’augmenter la productivité agricole de l’eau
aux différentes échelles, du champ au
bassin versant, en vue de réduire la pauvreté et d’améliorer l’alimentation, la
santé et la sécurité environnementale.
Les actions de recherche en cours, d’un
budget d’environ 30 M€, portent sur
des thématiques transversales et sur
neuf bassins fluviaux : bassins andins,
Sao Francisco, Volta, Limpopo, Nil,
Karkeh, Indo-Gange, Mékong et fleuve
Jaune. De nouveaux développements
du programme ont été mis en place
récemment, sous la dénomination de
Basin Focal Projects (BFP). Ils concernent
quatre bassins, Volta, Karkeh, Sao
Francisco et Mékong. Il est prévu
d’aborder les autres bassins en 2006.
Expérience de conservation
de l'eau de pluie pour le ménage,
au Nord Ghana.
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Retrouver
le Bourbon pointu
© IRD/J. Lemoalle
L’
Expertise
dans le bassin
de la Volta
tions permettent de dire que le Bourbon
pointu a une productivité intéressante ;
la variété est remarquablement bien
adaptée aux conditions pédoclimatiques
de l'île ; les premiers échantillons dégustés montrent des caractéristiques sensorielles encourageantes ; reste à trouver les
terroirs, les conditions de culture et procédés de traitement post-récolte qui permettront de fabriquer un « Grand cru »...
L’un des objectifs de recherche est
d’identifier les bases biologiques d’un
critère de choix des terroirs, même si ce
La lignée Bourbon pointu est issue d’un
choix se fera d’abord sur des notes de
mutant de la variété Bourbon. Par rapdégustation. Il faut savoir que les difféport aux arabicas classiques, ce café
rences organoleptiques entre terroirs
affiche une teneur en caféine inférieure
sont dues aux variations de composition
de 50 % d’où une amertume très attébiochimique des grains, elle-même sous
nuée, qualité fort appréciée. Par ailleurs,
ses grains ont une forme très © IRD/M. Dukhan la dépendance d’enzymes pour
lesquelles codent des gènes
reconnaissable, un ovale plus
influencés par l’environpointu que ceux du Bourbon
nement. Il faut égaled’origine,
ment déterminer à
d’où son
quel moment de la
nom. Ce
maturation du grain
caractère
le changement
permet une
d ’ e x p re s s i o n
traçabilité
génique a des
visuelle pour le
conséquences sur la
consommateur et
boisson.
fiabilise donc la
Deux cent
filière. La
soixanteculture
dix gènes
en a été
sont suivis
abansur seize sites.
donnée de1.Café-Réunion : caféiculteurs associés pour
Dans un premier
puis un bon
une filière économique à la Réunion.
temps, l’expression de
siècle, mais des
arbres survivent ça et Grains de café Bourbon pointu. ces gènes a été étudiée au cours de la
là chez les habitants,
maturation du fruit. Les résultats sont
d’où l’idée de lancer un concours en
en cours d’analyse statistique.
2002 puis une prospection en 2003
pour les retrouver. Trente-cinq géniBenoit Bertrand, Cirad
teurs ont pu être identifiés, multipliés
[email protected]
et mis en pépinière puis plantés dans
Michel Noirot, IRD
100 parcelles de producteurs de Café[email protected]
Rappelons que le Bourbon pointu est
Réunion. Les caféiers étant productifs
Frédérique Descroix, Cirad
[email protected]
formé, comme tous les arabicas, de
dès 18 mois, les nouveaux plants permettent des récoltes depuis 2003. Une
série de tests et d’analyses sont effectués
sur ces plants. Pour estimer si le jeu en
vaut la chandelle, les opérateurs doivent
unité est le sac de 60 kg de grain vert c’est-à-dire non torréfié, dans lequel il
répondre à trois questions : la mutation
reste 10 à 12 % d’humidité. Si le prix en bourse est à une cote de 100 pour
– qui touche l’ensemble de la plante –
du café arabica « Colombie » ou « autres doux », le prix des « Cafés spéciaux »
est-elle stable ? la qualité du breuvage
(dont les cafés certifiés bio ou équitables) est à une cote de 115 à 170 en
est-elle réelle ? quels rendements sont
moyenne avec des pointes à 210, les cafés « Grands crus » sont à 200 et pour
possibles ? En 2008, à l'échéance du
quelques-uns (0,1 à 0,2 % de la production), le prix s’envole à plus de 300 (Blue
programme d'expérimentation préalable,
Mountain de la Jamaïque, Sidamo d’Éthiopie). Pour donner une idée, 1 kg de café
Café-Réunion disposera des éléments
torréfié du meilleur terroir de la variété Blue Mountain se négocie environ 267 € !
pour la poursuite ou l’abandon de ce
Autant dire que les filières d’excellence échappent aux lois du marché.
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projet de filière. Les premières observa-
Dans l’objectif de stimuler son secteur agricole
actuellement peu compétitif, l’île de la Réunion cherche
à développer un produit à haute valeur ajoutée.
L’idée est venue de remettre à l’honneur
le café Bourbon pointu, une variété traditionnelle,
cultivée sur l’île jusqu'à la fin du XIXe siècle,
qui produisait un café de haute qualité.
Une mare artificielle pour
l'abreuvement du bétail
au Nord Ghana.
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Contacts
Une variété
homogène
Le prix du café
L’
Associant instituts de recherche du Nord
et du Sud, le projet Volta a comme
objectif d’identifier les questions les plus
pertinentes en matière de recherche et
de transfert pour le développement
dans le domaine de l’eau ainsi que de
définir les conditions nécessaires à la
mise en place de ces actions. Ceci afin
d’augmenter la productivité de l’eau et
d’améliorer le sort des populations les
plus pauvres du bassin, essentiellement
rurales. La productivité agricole de l’eau
et une analyse des relations eaupauvreté sont les points d’entrée
communs aux différents BFP qui permettront de cibler au mieux les prochains
appels d’offre du Challenge programme
Eau et alimentation.
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© IRD/M. Dukhan
aventure repose sur deux
volets indissociables, une
expérimentation préalable à la
création d'une filière, confortée par un
projet de recherche. Sur un financement
de la Région, le programme d'expérimentation (2002-2007) dont le chef de
projet est le Cirad, associe le conseil
régional, l'Union européenne et CaféRéunion1 pour l’identification de terroirs
quantitativement et qualitativement
performants et l'élaboration de références technico-économiques pour la
production de cafés « à haute valeur
ajoutée ». Le programme de recherche
fait l’objet d’une convention de
recherche IRD/Cirad et bénéficie d’une
convention antérieure IRD/Région. Le
financement est assuré par l’IRD (40 %),
l’Union européenne (36 %) et la Région
(24 %). L’université de la Réunion est
également de la partie, puisqu’une formation universitaire sera créée pour
transmettre les techniques mises en
œuvre au cours du programme. À
Montpellier et à la Réunion, des chercheurs IRD de l’unité de recherche
Diversité génétique des plantes cultivées
(UR141 unité mixte AgroM-Cirad-Inra-IRD)
et du programme Café du Cirad travaillent aux quatre opérations connexes :
analyse des effets de l’environnement
sur le fonctionnement des gènes impliqués dans la qualité organoleptique du
café Bourbon pointu (IRD-Cirad) ; caractérisation de la variété Bourbon pointu
(IRD) ; analyse de la diversité observée
pour la forme des grains (IRD-Cirad) ;
étude de la variabilité génétique (Cirad).
De l’avis des spécialistes, cette variété
réunionnaise a une place à conquérir.
Elle a vocation à se hisser au niveau des
cafés « Gourmets » voire des « Grands
crus » de Jamaïque, Hawaï et Porto
Rico mais cela demande une filière totalement maîtrisée. Pour prétendre à ces
labels prestigieux, le Bourbon pointu
doit démontrer des qualités sensorielles
indiscutables, un taux de caféine faible
et stable et une traçabilité des grains,
bref, il faut viser l’excellence !
Ci-contre : fruits de café Bourbon
pointu en cours de maturation.
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Grains de café Bourbon.
Contact
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Culture de café Bourbon ➧
pointu dans les serres
de Montpellier.
Jacques Lemoalle,
[email protected]
© Cirad/B. Bertrand
© Cirad/B. Bertrand
Caféiers d'environ deux ans
en parcelle expérimentale
en milieu paysan.
WEB
www.waterforfood.org/
Newsletter/Index.htm
Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 34 - mars/avril 2006
Valorisation
© Cirad/B. Bertrand
Un café réunionnais
À gauche :
paysage caractéristique
des Hauts de la Réunion :
bananiers, cannes à sucre
et caféiers.
© IRD/J. Lemoalle
B o u r b o n
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