CHAPITRE III : LA MENOPAUSE

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CHAPITRE III : LA MENOPAUSE
CHAPITRE III : LA MENOPAUSE
I- Définition
II- Données démographiques
III- Hormonologie de la péri et de la post-ménopause
A- La péri-ménopause
B- La ménopause
C-La post-ménopause
IV- La ménopause : savoir l’affirmer
A- Dans sa forme typique
B- Dans ses formes atypiques
V- Les conséquences de la ménopause : la carence estrogénique
A- Les conséquences à court terme
B- Les conséquences tissulaires à long terme de la carence estrogénique
1- L’ostéoporose post-ménopausique
2- Les maladies cardio-vasculaires
3- L’altération des fonctions cognitives
VI- Prise en charge de la ménopause
A- Le traitement hormonal substitutif
1- Les différents schémas thérapeutiques
2- Contre-indications du THS
3- Quel bilan effectuer avant la prescription d'un THS
4- Le suivi d’une femme recevant un THS
B- Les alternatives aux THS
1- Les alternatives pour la prise en charge du syndrome climatérique
2- Les alternatives pour la prise en charge de l’ostéoporose
Item 55 : Objectifs terminaux
Diagnostiquer la ménopause et ses conséquences pathologiques. Argumenter l’attitude
thérapeutique et planifier le suivi d’une femme ménopausée.
Dernière remise à jour : mars 2007
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CHAPITRE III : LA MENOPAUSE
I- Définition
La ménopause se définit comme un arrêt permanent des menstruations résultant d’une
perte de l’activité folliculaire ovarienne (définition OMS 1996).
Cette définition est avant tout une définition rétrospective, puisqu’elle est basée sur une
période d'aménorrhée consécutive de 12 mois sans cause physiologique ou pathologique
évidente.
On peut s'aider du test à la progestérone en sachant que le diagnostic ne sera probable que
lorsque le test est négatif au moins 2 mois consécutivement (cf. infra). Les dosages biologiques
n’ont aucun intérêt pour le diagnostic de ménopause en dehors de cas particuliers (dosage de
la FSH et de l’estradiol plasmatique).
II- Données démographiques
L'âge médian de la ménopause naturelle dans la population européenne est compris entre 50
ans et 51 ans et demi. Environ 10 à 15 % des femmes seront ménopausées avant l'âge de 45
ans, la moitié d'entre elles le seront avant 50 ans et globalement, 90 à 95 % des femmes seront
ménopausées à l'âge de 55 ans.
Certains facteurs d'environnement peuvent être à l'origine d'une avance de l'âge de la ménopause.
C'est le cas du tabac qui avance de 1 à 2 ans l'âge moyen de la ménopause.
Avec les générations issues du baby-boom, on estime qu'environ 430 000 femmes débutent leur
ménopause chaque année. Selon le recensement de 1999, la population des plus de 60 ans
représente 21,3 % de la population Française (contre 19,9 % en 1990). Parmi les sujets de plus
de 75 ans (soit 7,7% de la population), les deux tiers sont des femmes.
III- Hormonologie de la péri et de la post-ménopause
A- La péri-ménopause
En tout début de cycle menstruel, la diminution de l'inhibine B a pour conséquence directe une
augmentation des taux de FSH (en général au delà des valeurs de 25 - 30 UI/L), alors que la
LH n'augmente que très peu et le plus souvent reste dans les valeurs normales. A ce stade, les
principales perturbations concernent les phénomènes de recrutement et de dominance
folliculaire. L'augmentation de la FSH va être responsable d'une augmentation de
l'estradiolémie en début de cycle, de l'apparition d'un pic d'estradiol plus précoce et plus
marqué (reflets d'une augmentation de la maturation folliculaire) et une chute plus rapide de
l'estradiolémie en fin de phase lutéale sans qu'il y ait dans un 1er temps de retentissement sur la
fréquence des cycles menstruels.
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B- La ménopause
La ménopause s'installe lorsque le nombre de follicules atteint le seuil critique d'environ 1000
follicules, en moyenne vers l'âge de 51 ans.
Les gonadotrophines hypophysaires FSH et LH sont élevées, reflets de l'atrésie folliculaire et liées à la
chute de la sécrétion de l'inhibine B, puis des stéroïdes sexuels et notamment de l'estradiol.
La production ovarienne d'estradiol est effondrée avec des concentrations circulantes de l'ordre de 10
à 20 pg/ml, provenant de la conversion périphérique des androgènes surrénaliens, notamment
de l'androstènedione en estrone (tableau 1). Les concentrations circulantes d'androstènedione
diminuent également avec des taux inférieurs de moitié en post-ménopause. La plus grande
partie de cette androstènedione provient des surrénales, les ovaires n'en produisant qu'une
quantité infime. En début de phase post-ménopausique, les taux de testostérone varient peu et
on peut même observer une augmentation transitoire de leurs concentrations du fait d'une
stimulation par les concentrations élevées de LH de la sécrétion de testostérone par le stroma
ovarien.
Avec
le
vieillissement,
la
production
des
androgènes
surrénaliens,
déhydroépiandrostérone (DHEA) et son sulfate (sDHEA) baisse alors que la sécrétion
d'androstènedione, de testostérone et d'estrogènes reste relativement constante.
Tableau 1 : Concentrations moyennes des stéroïdes sexuels en pré- et post-ménopause
PRE-MENOPAUSE
POST-MENOPAUSE
Estradiol (pg/ml)
40 - 400
10 - 20
Estrone (pg/ml)
30 - 200
30 - 70
Testostérone (ng/dl)
20 - 80
15 - 70
Androstènedione (ng/dl)
60 - 300
30 - 150
4-5
1-3
DHEA (ng/ml)
C- La post-ménopause
En post-ménopause, la production d'estradiol n'est donc plus la conséquence que de la conversion
périphérique des androgènes surrénaliens. Cette imprégnation estrogénique résiduelle peut varier
d'une femme à l'autre, essentiellement fonction du degré d'adiposité et de la capacité
d'aromatisation des androgènes par le tissu graisseux. Celle-ci associée à une diminution de la
SHBG (sex hormone binding globulin) explique chez les femmes obèses l'augmentation des estrogènes
disponibles. Ils sont à la base tant de l'augmentation de la fréquence du cancer de l'endomètre
que d’une perte osseuse plus faible qui sont classiques chez ces femmes.
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IV- La ménopause : savoir l’affirmer
A- Dans sa forme typique
Le diagnostic positif est avant tout clinique et repose sur l’association d'une aménorrhée
d'au moins 12 mois survenant autour de l'âge de 50 ans et associée à des symptômes
climatériques (tableau 2).
Le test à la progestérone est négatif : il consiste à administrer un progestatif (typiquement,
20 mg/j de rétrogestérone (Duphaston®) ou un dérivé pregnane pendant 10 jours) et à
déterminer si l'arrêt du traitement est associé à une reprise des cycles menstruels. Ce test n'est
pas obligatoire en cas de ménopause typique. Il est souvent intéressant en cas de doute sur la
nature de l'aménorrhée, particulièrement durant la périménopause (et/ou chez la femme de
moins de 55 ans) afin de ne pas faussement affirmer la ménopause devant une aménorrhée par
insuffisance lutéale. Il faut savoir le répéter pendant 2 à 3 mois consécutivement en cas
d'aménorrhée persistante à l'issue du 1er mois.
Dans la forme typique, il n’y a aucune place pour une confirmation biologique du
diagnostic.
Tableau 2 : Symptômes rapportés en relation avec la ménopause. Les symptômes attribuables à
la carence estrogénique sont signalés en gras.
SIGNES PHYSIQUES
SIGNES MENTAUX
Bouffées vasomotrices
Troubles du sommeil
Sueurs nocturnes
Insomnies
Sécheresse vulvo-vaginale
Asthénie
Prise de poids
Perte d'attention
Céphalées
Manque de motivation
Etourdissements, vertiges
Irritabilité
Constipation
Dépression nerveuse
Arthralgies, myalgies
Pertes de mémoires
Prurit
B- Dans ses formes atypiques
La ménopause peut se révéler par une aménorrhée muette sans symptôme associé. Les signes
fonctionnels peuvent être rares et d’intensité faible, voire absents. La recherche des autres
diagnostics d’aménorrhée seront à prendre en considération en fonction de l’âge de la patiente.
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L'hystérectomie étant par définition responsable d'une aménorrhée, le diagnostic de
ménopause est parfois difficile à affirmer. Il va reposer sur les conditions de l'hystérectomie,
l'existence de symptômes du climatère et/ou sur des critères d'âge de la patiente.
De même, en cas d’aménorrhée associé à la prise d’une contraception orale (estro-progestatif
(notamment minidosé) ou progestatifs à action anti-gonadotrope pris 20j/mois), il peut être
difficile d’affirmer l’instalation de la phase post-ménopausique.
Dans ces cas, la réalisation de dosages hormonaux en fonction des données de l'examen
clinique (gonadotrophines hypophysaires, prolactine...) peut être une aide au diagnostic positif.
Classiquement, la ménopause sera suspectée lorsque les taux de FSH > 30 UI/ml et associés à
des concentrations d'estradiol < 10-20 pg/ml. En cas de prise de contraception orale estroprogestative, le dosage de FSH doit se faire le jour précédant la reprise de la pilule. En cas de
prise d’un macroprogestatif à action anti-gonadotrope, il est souvent nécessaire d’interrompre
la prise du progestatifs pendant une durée minimale d’1 mois avant de réaliser les dosages
hormonaux et/ou d’effectuer un test à la progestérone.
La grande variabilité des dosages durant la péri-ménopause ne doit pas cependant être
méconnue et, en fonction des circonstances, on peut être amené à répéter ces dosages à 3 mois
d'intervalle. En dehors du cas de la femme hystérectomisée, un test à la progestérone négatif est
une aide précieuse au diagnostic.
V-
Les conséquences de la ménopause : la carence estrogénique
A- Les conséquences à court terme
Elles sont dominées par les signes fonctionnels du climatère (tableau 2) et les troubles de
l'humeur ainsi que des troubles génito-urinaires, d'apparition parfois plus tardive par rapport à
la symptomatologie fonctionnelle. Des arthralgies touchant toutes les articulations, mais plus
particulièrement les petites articulations (doigts de la main, notamment), de type
inflammatoire associées à un dérouillage matinal sont souvent présentes. Les poussées
arthrosiques (notamment des doigts) sont également plus fréquentes en début de postménopause.
La sécheresse vaginale est la conséquence directe de la carence estrogénique et elle va favoriser
l'apparition de symptômes comme l'irritation, les brûlures vulvaires et un prurit. Elle peut être
responsable d’une dyspareunie d’intromission et de douleurs post-coïtales.
La carence hormonale après la ménopause est également responsable d’une accélération du
vieillissement cutané, dermique en particulier. La peau devient plus fine, rêche au toucher.
B- Les conséquences tissulaires à long terme de la carence estrogénique
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Les conséquences pathologiques de la ménopause sont directement liées à la carence
hormonale, notamment en estrogènes et dont les effets se surajoutent à ceux du vieillissement.
Ces sont ces conséquences qui justifient la prise en charge de la phase post-ménopausique tant
dans ses aspects de dépistage, qu’éventuellement de leur prise en charge thérapeutique. Les
principales conséquences potentielles de la carence estrogénique au long cours sont
représentées par l’augmentation du risque d’ostéoporose et des maladies cardio-vasculaires, avec
une progression de l’athérosclérose. La plus grande fréquence des démences d’Alzheimer chez
les femmes que chez les hommes a également conduit à l’hypothèse d’un effet favorisant de la
carence estrogénique dans la genèse de cette affection.
1- L’ostéoporose post-ménopausique
L'ostéoporose se définit par un état de fragilité diffuse du squelette lié à une diminution de sa
masse minérale et des altérations de la micro-architecture osseuse pouvant se compliquer de
fractures à l'occasion de traumatismes minimes.
A la ménopause, la carence estrogénique entraîne des modifications de l'activité du remodelage
osseux caractérisées par une hyperactivité ostéoclastique. Il en résulte une accélération de la
perte osseuse qui peut conduire à un état de fragilité suffisant pour entraîner des fractures. Les
fractures les plus typiques sont représentées par la fracture du poignet, le tassement des
vertèbres et la fracture du col du fémur.
Le risque d'ostéoporose va donc dépendre à la fois du capital osseux avec lequel la femme
aborde sa ménopause (reflet de l'acquisition du "capital osseux maximum" pendant
l'adolescence) et de sa vitesse de perte osseuse post-ménopausique.
En pratique, le dépistage des femmes "à risque" reste surtout basé sur la mesure du capital
osseux par ostéodensitométrie par la technique de référence d'absorptiométrie biphotonique
à rayons X (DEXA). Cet examen apparaît particulièrement intéressant après la ménopause,
chaque fois que la connaissance de ce risque va conditionner la prise en charge. De plus, la
démonstration d'une relation étroite entre la diminution de la densité minérale osseuse et
l'augmentation de l'incidence des fractures a conduit à une nouvelle définition
"densitométrique" de l'ostéoporose : tout sujet sera considéré comme étant ostéoporotique,
lorsque sa valeur de densité minérale osseuse sera inférieure à 2,5 écart-types en dessous
de la moyenne de l'adulte jeune (T-score < -2,5).
Cette nouvelle définition a ainsi pour principal intérêt de permettre une prise en charge plus
précoce de la maladie avant la survenue de la fracture dont on sait qu'elle représente déjà une
forme de gravité de l'ostéoporose.
Il n’en demeure pas moins qu’au plan individuel, la mesure de la densité minérale osseuse
(DMO) ne doit pas être utilisée de manière isolée. En aucun cas un t-score < -2.5 (c’est-à-dire
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correspondant à la définition densitométrique de l’ostéoporose) ne constitue un seuil
obligatoire d’intervention thérapeutique. L’évaluation du risque de fracture nécessite également
d’intégrer l’existence de facteurs de risque de fractures (âge, antécédent personnel et maternel
de fractures par fragilité, âge de la ménopause….), voire une étude du remodelage osseux (par le
dosage des marqueurs biochimiques du remodelage osseux :cross-laps, ostéocalcine). En effet,
une augmentation du taux de ces marqueurs témoigne de l’évolutivité de la perte osseuse et
constitue un facteur de risque de fracture, de manière indépendante du niveau de la DMO.
C’est au total, la combinaison de ces différents facteurs qui permettra de déterminer un risque
de fracture à moyen terme (dans un délai de 5 à 10 ans) et qui conduira éventuellement à la
mise en route d’un traitement de prévention.
2- Les maladies cardio-vasculaires
La pathologie cardio-vasculaire est avec l'ostéoporose un des problèmes de santé favorisés par
la carence estrogénique post-ménopausique. Les données épidémiologiques ont bien établi que
la survenue de la ménopause, naturelle ou chirurgicale, était associée à une perte de l'avantage
que la femme possède sur l'homme vis-à-vis des maladies cardio-vasculaires.
L'augmentation de l'incidence des maladies coronariennes chez la femme ménopausée est soustendue par un certain nombre de perturbations secondaires à la carence estrogénique qui
peuvent être regroupées en 2 grandes catégories :
- des perturbations métaboliques, qui touchent le métabolisme des lipides et des lipoprotéines,
le métabolisme de l'insuline, la répartition des masses adipeuses ainsi que des perturbations de
l'hémostase (tableau 3).
- des altérations directes de la structure et de la réactivité de la paroi vasculaire, la carence
estrogénique diminuant la vasoréactivité artérielle et favorisant la progression de
l'athérosclérose. De plus, de connaissance plus récente, des modifications du système immunoinflammatoire apparaissent également contribuer au développement de l'athérosclérose.
-
Enfin, à ces effets artériels sont associées des altérations de la dynamique cardiaque.
Tableau 3 : Principales modifications métaboliques et vasculaires consécutives à l'installation
de la ménopause
Métabolisme des lipides et des lipoprotéines
Métabolisme des hydrates de carbone
Composition corporelle
. Augmentation du cholestérol total et du LDLcholestérol (et à un degré moindre du VLDLcholestérol, de l'apoB et de la Lp(a))
. Diminution du HDL-cholestérol
. Augmentation des triglycérides
. Augmentation de l'oxydation des LDL
. Développement d'une résistance à l'insuline
. Redistribution abdominale des masses adipeuses
("androïde")
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Facteurs de l'hémostase
Facteurs vasculaires
. Augmentation du fibrinogène
. Augmentation du facteur VII
. Augmentation du PAI-1
. Tendance à une augmentation de la PSA
systolique
. Augmentation de la rigidité artérielle
. Développement de l'athérosclérose
En pratique, le dépistage du risque cardio-vasculaire reste basé sur la recherche des facteurs de
risque classique et la prise en charge doit intégrée la notion de ménopause qui constitue un
facteur de risque additionnel.
3- L’altération des fonctions cognitives
Il existe une dégradation des fonctions cognitives chez la femme après la ménopause, portant
notamment sur les capacités de mémorisation, les performances verbales et le raisonnement
abstrait. Le rôle de la carence estrogénique est suggéré par différents arguments
épidémiologiques et expérimentaux. Cette carence pourrait également représenter un des
facteurs impliqués dans la survenue de la maladie d'Alzheimer.
VII- Prise en charge de la ménopause
A- Le traitement hormonal substitutif
Le traitement hormonal substitutif (THS) reste la pierre angulaire de la prise en charge
médicale de la post-ménopause. Il permet de corriger la symptomatologie fonctionnelle du
climatère (bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, troubles de l'humeur et du sommeil...) et de
prévenir les conséquences tissulaires à long terme de la carence estrogénique (ostéoporose,
développement de l'athérosclérose, dégradation des fonctions cognitives). Comme tout
traitement, il impose de connaître ses contre-indications (cf. infra) ainsi que ses inconvénients
(réapparition possible des hémorragies de privation) et ses risques potentiels (risque
mammaire). Des essais thérapeutiques récents, répondant aux critères méthodologiques actuels,
ont rapporté à partir de 2002 une augmentation du risque de cancer du sein ainsi que des
maladies cardio-vasculaires (AVC, infarctus du myocarde, thrombo-phlébite veineuse) qui ont
conduit à reconsidérer l’utilisation du THS chez les femmes ménopausées. Nous disposons
actuellement d’un certain nombre de données qui permettent de mieux comprendre la
physiopathologie de ces évènements, notamment au plan cardio-vasculaire. Une ancienneté de
ménopause trop importante, une fréquence importante des facteurs de risque cardio-vasculaires
dans les populations traitées semblent devoir expliquer, notamment dans le grand essai WHI,
la plus grande fréquence des évènements coronariens chez les femmes recevant le traitement
hormonal par rapport aux femmes non traitées. Il n’existe aucune donnée démontrant une
augmentation du risque cardio-vasculaire chez les femmes traitées lorsque le traitement est
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initié dans les première années qui suivent la ménopause (femmes de 50 à 60 ans). Des
discussions sont toujours en cours sur le rôle propre des différents schémas thérapeutiques
(estrogènes conjugués équins ou de synthèse versus estradiol naturel, différents type de
progestatifs) vis-à-vis de l’augmentation de ce risque chez les femmes plus âgées. Les modalités
du traitement hormonal semblent également en cause dans l’augmentation du risque de cancer
du sein qui est par ailleurs, corrélé à la durée du traitement (légère augmentation du risque de
cancer du sein après 5 ans de traitement). L’addition du progestatif apparaît ainsi jouer un rôle
non négligeable dans l’augmentation du risque de cancer du sein attribuable à un traitement
de ménopause. Des données récentes issues d’une étude d’observation française (étude E3N),
bien que méthodologiquement non de niveau 1, ont montré une absence d’augmentation du
risque de cancer du sein chez les femmes recevant l’association de 17β-estradiol (administré
majoritairement par voie non orale) et de progestérone (dite « naturelle » ou « micronisée »),
tout au moins pour une durée de traitement de l’ordre de 5-6 ans.
Il n’en demeure pas moins qu’il est actuellement acquis que le THS ne doit plus être prescrit à
titre systématique chez une femme ménopausée asymptomatique et à faible risque
d’ostéoporose. Dans les autres cas (femme symptomatique ou à risque d’ostéoporose), le THS
peut être préconisé, mais toute prescription doit être précédée d'une évaluation la plus
soigneuse possible de la balance risque/bénéfice pour chaque femme.
Le THS repose sur l'administration d'estrogènes qui doivent être obligatoirement associés à
un progestatif chez la femme non hystérectomisée, en raison du risque de cancer de
l'endomètre induit par les traitements estrogéniques seuls. Ce traitement tend actuellement à
être le plus "substitutif" possible, c'est-à-dire à se rapprocher des conditions de la physiologie
ovarienne. Il est donc fondamentalement différent de la contraception estro-progestative
qui impose l'utilisation de stéroïdes de synthèse dont l'activité estrogénique et progestative doit
être suffisamment puissante pour bloquer l'axe gonadotrope.
L'estrogène humain, le 17ß-estradiol est l'estrogène de référence du THS, ce qui a permis de
lever la plupart des contre-indications d'ordre métabolique (tabac, obésité, diabète,
hypercholestérolémie) de la pilule estro-progestative. Celui-ci peut être administré par voie
orale, mais également par voie parentérale (percutanée, transdermique, pernasale), ce qui
permet d'éviter le catabolisme digestif et l'effet de premier passage hépatique. Les progestatifs
les plus utilisés sont la progestérone naturelle, la retrogestérone et les dérivés nor-pregnanes
(promegestone, acétate de nomégestrol) qui sont dépourvus d'effets secondaires androgéniques
et qui bénéficient d'une très bonne tolérance métabolique. Les derniers résultats de l’étude E3N
sur le risque de cancer du sein attribuable au traitement hormonal ont conduit à privilégier
l’utilisation de la progestérone au détriment des autres progestatifs de synthèse et notamment
des dérivés pregnanes et nor-pregnanes.
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1- Les différents schémas thérapeutiques
Les estrogènes peuvent être administrés soit de manière discontinue, 21 jours sur 28 ou de
préférence 25 jours par mois, soit de manière continue. Pour prévenir l’hyperplasie
endométriale, la séquence progestative ne doit pas être inférieure à 12 jours par cycle de
traitement. Selon le mode d'administration du progestatif, de manière séquentielle ou
continue, on distingue les schémas thérapeutiques dits "avec règles", des schémas
thérapeutiques dits "sans règles".
. Schémas avec règles : les traitements séquentiels continus ou discontinus.
Le traitement estrogénique est donné en général de façon discontinue, 25 jours par mois et le
traitement progestatif est administré les 12 derniers jours du traitement estrogénique (figure a).
L'arrêt du traitement le 25ème jour, s'accompagnera d'hémorragies de privation qui surviennent
dans les 2 à 3 jours qui suivent ("règles artificielles"). Le traitement estrogénique peut
également être donné sans interruption associé à une séquence progestative du 13ème au 25ème
jour. La survenue d’hémorragies de privation est alors moins constante.
a) Exemple de schéma séquentiel discontinu, 25 jours par mois :
J1
J13
J25
J28
Estrogènes
Progestatifs
. Schémas sans règles : les traitements combinés continus ou discontinus.
L'estrogène est associé à un progestatif de manière discontinue, 25 jours par mois (figure b) ou
5 jours sur 7, ou en continu sans fenêtre thérapeutique (figure c). La posologie du progestatif
est habituellement de moitié par rapport à celle utilisée dans les schémas séquentiels. En
général, l'arrêt thérapeutique dans les schémas discontinus n'est pas associé à la survenue
d'hémorragies de privation. Cependant, il existe une grande fréquence des spottings et/ou des
métrorragies, particulièrement en début de traitement (3-6 premiers mois) et chez les femmes
en début de ménopause. Ces saignements, souvent liés à une atrophie endométriale doivent,
s’ils perdurent au delà des 6 premiers mois, conduire à la réalisation d’explorations
endométriales (échographie endovaginale, hystéroscopie).
b) Exemple de schéma combiné discontinu, 25 jours par mois :
J1
J25
J28
Estrogènes
Progestatifs
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c) Exemple de schéma combiné continu:
J1
J28
Estrogènes
Progestatifs
2- Contre-indications du THS
Il existe un certain nombre de situations cliniques qui sont des contre-indications absolues du
THS : il s'agit essentiellement des cancers gynécologiques hormono-dépendants (tableau 4)
et des pathologies thrombo-emboliques artérielles (tout accident vasculaire cérébral même
transitoire (AIT) doit être considéré comme une contre-indication absolue au THS) et
veineuses (tableau 5). Un antécédent de macro-adénome à prolactine, de même que
l'insuffisance hépato-cellulaire ou un état de souffrance hépatique aiguë ainsi que certaines
maladies auto-immunes (LEAD) doivent également contre-indiquer le THS.
D'autres pathologies sont considérées comme des contre-indications relatives (tableau 4, 5 et
6), nécessitant de bien évaluer la balance bénéfice/risque du traitement et une concertation
étroite entre le praticien prescripteur et le(s) spécialiste(s) concerné(s) avant la mise en route
éventuelle du THS.
D'autres situations ne constituent pas à proprement parler des contre-indications du THS mais
imposent le choix de la voie d'administration non orale. Il s'agit essentiellement de certaines
conditions métaboliques comme l'hypertriglycéridémie ou l'HTA. Un antécédent de
thrombophlébite veineuse profonde (TVP) ancienne et surtout si survenue dans un contexte
favorisant est considérée comme une CI relative (tableau 5), mais impose l’utilisation des
estrogènes par voie non orale (CI absolue aux estrogènes par voie orale).
Tableau 4 : Pathologies gynécologiques et contre-indications du THS :
Contre-indications absolues
Cancer du sein
Contre-indications relatives
Mastopathies
évolutives,
micro-calcifications
groupées
Nodule mammaire non exploré
Mastoses
proliférantes
atypiques
(attention
atypies cellulaires)
Cancer de l'endomètre (sauf stade IA et IB)
Endométriose sévère et/ou étendue
Tumeur endométrioïde de l'ovaire
Fibrome symptomatique
47
si
Tableau 5 : Pathologies cardio-vasculaire et contre-indications du THS :
Contre-indications absolues
Contre-indications relatives
Infarctus du myocarde récent
Angine de poitrine
Athérosclérose infra-clinique
Ischémie aigüe des membres inférieurs
Valvulopathies
thrombogènes
(en
l’absence
Accident vasculaire cérébral (y compris AIT)
d’antécédent thrombotique)
Troubles du rythme auriculaire ou supraventriculaire équilibré
HTA mal équilibrée
Embolie pulmonaire
Thrombophlébite veineuse profonde (TVP) isolée et
ancienne (surtout si survenue dans un contexte
Thrombophlébite veineuse profonde récente (< 5
favorisant : immobilisation, chirurgie…). Se méfier
ans)
des TVP survenues sous contraception EP orale ou
au cours de la grossesse
Thrombophilie familiale de découverte biologique
Thrombose de la veine centrale de la rétine
Tableau 6 : Principales conditions considérées comme des contre-indications relatives, devant
conduire à une évaluation de la balance bénéfice/risque du THS :
Pathologies hépatiques
Angiome hépatique (taille < 5 cm)
Cirrhose biliaire primitive sans cytolyse, ni
cholestase majeure (TG < 2 x N)
Hépatite chronique stabilisée
Otospongiose
Lupus érythémateux disséminé
En l’absence de déficit auditif évolutif (forme
stabilisée et/ou après chirurgie)
Formes cutanées
CI absolue si formes systémiques avec antécédents
thrombotiques
3- Quel bilan effectuer avant la prescription d'un THS
Avant la prescription du THS, il est important de vérifier l'absence de contre-indications
cliniques. Dans tous les cas, la prescription d’un THS ne modifie pas la surveillance proposée
aux femmes ménopausées avec au minimum une mammographie tous les deux ans et des
frottis tous les trois ans.
Les examens complémentaires doivent donc être limités :
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- La mammographie doit dater de moins de 1 an.
- Un bilan biologique minimum comportant un dosage du cholestérol total, des
triglycérides et de la glycémie à jeun :
. n'est à priori pas obligatoire chez les femmes n'ayant aucun antécédent familial ou
personnel d'accident cardio-vasculaire et/ou de troubles métaboliques.
. Il permet d'orienter la voie d’administration des estrogènes et d'éviter la voie orale en
cas d'élévation des triglycérides ou d'autres troubles métaboliques ou vasculaires (diabète,
HTA....).
- L'ostéodensitométrie : classiquement, il n’est pas jugé utile de demander une
ostéodensitométrie chez une femme qui va recevoir un THS, dans la mesure où on considère à
priori qu’un traitement fait à dose efficace et dans de bonnes conditions va assurer la
prévention de la perte osseuse. En pratique cependant, cette recommandation ne prend pas en
compte la possibilité d’un état d’ostéopénie, voire d’ostéoporose même chez une femme sans
antécédent particulier. Il est évident que dans ce cas, la connaissance préalable du niveau de
masse osseuse sera un élément déterminant du choix de la posologie d’estrogènes, de la
conduite du traitement et de son observance. De même, des données récentes ont associé un
haut niveau de masse osseuse et une augmentation du risque de cancer du sein. La mise en
évidence d’une niveau élevé de DMO en début de ménopause peut donc constituer un
argument pour limiter la prescription d’un THS (lorsque la femme désire un tel traitement
pour une toute autre raison, en particulier pour la correction des troubles fonctionnels) tant
dans sa durée, que sa posologie (posologie la plus faible efficace).
- L’échographie utéro-ovarienne n’est pas pertinente dans le dépistage des lésions
utéro-ovariennes de la femme ménopausée asymptomatique. Elle s’impose par contre si un
symptôme anormal est signalé par la patiente: métrorragies, spottings ou antécédents de
pathologie utéro-ovarienne.
4- Le suivi d’une femme recevant un THS
Le suivi de la femme ménopausée sous THS ne devrait pas différer de celui de la femme
ménopausée ne prenant pas de THS. Ce suivi régulier permet d’assurer le dépistage des
maladies qui surviennent fréquemment après 50 ans et de proposer une prévention des
maladies responsables de handicap.
• L’examen clinique est proposé de façon semestrielle et impose le contrôle de
l’efficacité et de la tolérance du THS.
• L’examen standard doit comporter :
– Un examen général (TA, pouls, mesure de la hauteur, poids) ;
– L’examen des seins ;
– Un examen gynécologique.
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• La mammographie :
- En l’absence de toute anomalie, elle est réalisée tous les deux ans environ.
- En cas de lésion douteuse, comme des micro-calcifications ou des opacités
mal systématisées, il ne faut pas hésiter à la répéter tous les ans et/ou d’alterner avec une
échographie mammaire.
• Le bilan métabolique :
En l’absence de facteur de risque vasculaire et normalement, il n’y a pas lieu de le recontrôler
surtout s’il était normal avant le début du traitement et d’autant que la prise du traitement est
associée à une amélioration du profil lipidique.
• L’échographie utéro-ovarienne :
Sa réalisation à titre systématique n’a pas à être proposée. Par contre, en cas de métrorragies ou
de spotting, il s’agit du premier examen à demander en privilégiant sa réalisation par voie
endo-vaginale.
• La surveillance osseuse :
Elle est surtout importante chez les femmes dont la raison principale de poursuivre un THS
est la prévention du risque d’ostéoporose, notamment chez les femmes ayant au départ une
diminution significative de leur masse osseuse.
Les moyens de cette surveillance sont représentés par l’ostéodensitométrie et les dosages des
marqueurs du remodelage osseux (marqueurs de la résorption et de la formation osseuse).
En pratique, un 1er contrôle densitométrique (par une technique de référence validée, en
pratique, l’absorptiométrie biphotonique à rayons X) est justifié 2 à 3 ans après la mise en
route du traitement. Le but de cet examen est de s’assurer de l’absence de perte osseuse.
Si le premier contrôle confirme l’absence de perte osseuse, il n’est pas utile de re-contrôler
systématiquement l’examen densitométrique à distance, en dehors de cas particulier et/ou de
modifications des modalités du traitement.
Chez les femmes qui ne présentent aucun risque d’ostéoporose et qui poursuivent un THS aux
posologies adéquates, un contrôle osseux systématique n’est pas justifié.
B- Les alternatives aux THS
Elles se justifient lorsque la femme nécessite une prise en charge de sa phase postménopausique (que ce soit vis-à-vis du syndrome climatérique ou en prévention du risque
d’ostéoporose) et qu’elle ne puisse pas ou ne souhaite par bénéficier du THS.
On distinguera de façon très schématique :
- Les alternatives dans la prise en charge du syndrome climatérique ;
- Les alternatives dans la prévention du risque d’ostéoporose.
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1 -Les alternatives pour la prise en charge du syndrome climatérique
Toutes les études s’accordent pour témoigner de l’importance de l’effet placebo, quel que soit
le produit utilisé. De fait, toutes les molécules suivantes sont associées à une certaine
diminution de l’intensité des bouffées vasomotrices, parfois sans grande différence avec ce qui
est observé chez les femmes qui reçoivent un placebo.
a) Les traitements non hormonaux des bouffées vasomotrices :
Les traitements non hormonaux des bouffées de chaleur font appel à des molécules antidopaminergiques, des molécules actives sur le système noradrénergique ou à des sédatifs. La
bêta-alanine (Abufène) est un acide aminé qui agit sur les phénomènes de vasodilatation
périphérique.
b) Les traitement hormonaux non substitutifs :
Des molécules possédant une action de type œstrogénique sont disponibles pour la correction
de certains symptômes de la post-ménopause. Les contre-indications carcinologiques du THS
doivent être respectées. Il s’agit de :
- la tibolone (Livial) qui est un dérivé stéroïdien de la 19-nortestostérone qui
possède des propriétés à la fois de type œstrogénique, progestatif et androgénique faibles.
- des phyto-œstrogènes qui sont des substances d’origine végétale, de structure
phénolique hétérocyclique apparentée à celle des œstrogènes.
- des traitement locaux par voie vaginale : lorsque le déficit œstrogénique se
manifeste par des symptômes liés à l’atrophie vulvo-vaginale, la voie vaginale offre une
possibilité de traitement. L’estriol et le promestriène sont les principes actifs pouvant être
administrés par voie vaginale. Ce type de traitement par voie vaginale est contre-indiqué en cas
d’antécédent récent de cancer du sein.
2 -Les alternatives pour la prise en charge de l’ostéoporose
Nous disposons actuellement d’un certain nombre de molécules qui constituent des
alternatives au THS pour la prévention et le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique.
Ces molécules peuvent être classiquement divisées en 2 grandes classes :
• les agents antiostéoclastiques sont dominés par les bisphosphonates et les
SERMs (Selective Estrogen Receptor Modulators) dont le chef de file pour la prévention
osseuse est représenté par le raloxifène (Evista). Ils comprennent également la calcitonine, le
calcium et la vitamine D.
• les agents anaboliques l’hormone parathyroïdienne et le ranélate de
strontium.
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