travail de thèse - Institut d`anthropologie clinique

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travail de thèse - Institut d`anthropologie clinique
Université Paris-Descartes
Faculté des Sciences humaines et sociales – Sorbonne
Département de linguistique générale et appliquée
Langue et registre(s) :
illustration par l’indice d’usage familier
Thèse de doctorat
Laurence-Lola Devolder
________
Directrice de recherche
Aziza Boucherit - Maître de conferences habilitée, Paris Descartes
Membres du jury
Françoise Gadet - Professeur, Paris X-Nanterre
Pierre Corbin - Maître de conférences habilité, Lille III
Jackie Schön - Maître de conférences honoraire, Toulouse II - Le Mirail
________
Paris 2007
Ça se bouffe pas, ça se mange.
France-Inter,
tous les samedis, 12h05-13h
Remerciements
Mes plus sincères remerciements vont à Aziza Boucherit qui a accompagné
et guidé cette recherche, par sa grande disponibilité, ses critiques, ses conseils
toujours opportuns et ses patientes relectures. Je la remercie de m’avoir donné
l’occasion de « monter à la capitale » et surtout pour la confiance qu’elle m’a
toujours accordée.
Je remercie sincèrement Madame Françoise Gadet et Monsieur Pierre
Corbin pour avoir accepté d’être rapporteurs et membres du jury de ma thèse.
Je leur exprime ma profonde gratitude d’avoir bien voulu juger ce travail. J’en
suis très honorée.
Je profite de l’occasion solennelle qui m’est donnée pour remercier chaleureusement Jackie Schön de m’avoir fait découvrir la linguistique et de m’avoir
transmis sa passion. Je la remercie pour son soutien de tous les instants, depuis
mes balbutiements dans la discipline jusqu’à ce premier pas aujourd’hui.
Je remercie les étudiant-e-s qui ont assisté à mes cours et TD, pour avoir
contribué, certes sans le savoir, à me donner l’énergie nécessaire à
l’achèvement de cette recherche.
Enfin, je remercie mes ami-e-s et mes proches pour leur soutien sans faille
et leur enthousiasme débordant pour une cause si incongrue. Merci pour le
recul que vous m’avez toujours permis de prendre, pour les indispensables
moments de décompression et pour le réconfort dans les instants de doute.
Merci à toutes les petites mains, aux quatre coins de France, qui m’ont aidée à
franchir la ligne d’arrivée. Merci à Lise pour la richesse de ses échanges, sa
constante implication et son art de la maïeutique. Merci à Bruno d’être à mes
côtés et de me donner des ailes.
Vous allez enfin pouvoir arrêter de bosser et retourner guincher.
Sommaire
Remerciements....................................................................................................................................
Introduction ....................................................................................................................................
Chapitre 1 – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique ..................
1.1. Dictionnaires, description, prescription et nomenclature ........................................................
1.2. Les marques d’usage, une disqualification lexicale ...............................................................
1.3. Les notions de registre et niveau de langue …………………………………… .......................
Chapitre 2 – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation .....
2.1. La familiarité entre langue et discours ………………………………………… .........................
2.2. Présentation du corpus et des méthodes d’observation ………………………. ......................
Chapitre 3 – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » ............................................................
3.1. Retour sur les écueils terminologiques...................................................................................
3.2. Confrontation des définitions terminologiques à la distribution des marques lexicographiques
3.3. Place et rôle du registre familier au sein du lexique général ..................................................
Chapitre 4 – Propriétés formelles et effet familier..........................................................................
4.1. La méthode d’observation .....................................................................................................
4.2. Inventaire du corpus ..............................................................................................................
4.3. Analyse des caractéristiques formelles .................................................................................
4.4. Synthèse ................................................................................................................................
Chapitre 5 – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale ......................
5.1. La définition dictionnairique ...................................................................................................
5.2. Les procédés définitoires .......................................................................................................
5.3. Discussion des implications théoriques des types définitoires retenus .................................
5.4. Familiarité, connotation et registre de langue ........................................................................
Conclusion
....................................................................................................................................
Bibliographie ....................................................................................................................................
Annexes
....................................................................................................................................
Index des auteurs ................................................................................................................................
Index des notions.................................................................................................................................
Table des matières .............................................................................................................................
Liste des tableaux et des figures .........................................................................................................
5
9
15
16
39
55
77
77
93
107
107
114
128
147
148
153
169
202
207
208
212
220
242
257
263
283
371
375
379
383
Introduction
« L’étude scientifique des langues a montré que les
mauvais usages (le ‘français populaire’, par exemple)
avaient un intérêt égal aux autres pour comprendre et
décrire le fonctionnement d’une langue »1
Chacun sait que l’on peut s’exprimer de différentes façons, « bien » ou
« mal », de la manière la plus recherchée à la plus relâchée. Chacun est
conscient qu’il peut faire varier son expression en alternant entre un registre
plus familier dans les conversations quotidiennes et un registre plus soutenu
lors de contacts plus solennels ou plus impersonnels. Bouffer et manger , par
exemple, sont des verbes que chaque francophone comprend et est susceptible
d’employer, quel que soit son âge, son sexe, son origine sociale ou encore son
milieu socioprofessionnel, mais seule la situation de communication détermine
l’emploi adéquat de l’un ou de l’autre.
Cette possibilité de faire varier son expression en fonction du contexte
énonciatif, qui relève de la dimension diaphasique, constitue le cadre de notre
étude.
Jusqu’à une période très récente, les grammaires et les manuels scolaires
portaient des jugements sévères sur ce type de variation et, ce faisant,
constituaient les relais de normes prescriptives. Le registre familier était
considéré, dans la tradition du « bas langage », comme l’indice d’un manque de
maîtrise de la langue et assimilé à un indicateur social. La censure qui en
résultait était sans appel : « On ne dit pas bouffer , on dit manger. » Ce point de
vue normatif sur la diversité des usages est celui des puristes
Depuis, les études sociolinguistiques ont fait évoluer la compréhension, et
corrélativement la perception, que l’on a des phénomènes de variation.
L’attitude puriste a fait place à des études sur corpus qui distinguent précisément
1
GARY PRIEUR M.-N., De la grammaire à la linguistique, Paris, Armand Colin, 1985, p. 65.
10 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
la description des usages et les évaluations que l’on peut en faire ; dans une
perspective explicative, on tend aujourd’hui à considérer que le registre soutenu
est celui de l’écrit ou de la distinction sociale, le registre courant celui des
échanges quotidiens, le registre familier, celui de la communication entre pairs.
L’approche est ici plus fonctionnelle, plus communicationnelle, c’est l’« adaptabilité » à la situation d’énonciation qui est privilégiée : il est difficile d’aller
bouffer avec son patron, mais on peut aisément aller bouffer entre copains.
Néanmoins, si les usages dits familiers sont ceux de la conversation
courante, celle qui se déroule entre personnes qui se connaissent ou se
côtoient, ils restent perçus comme des faits linguistiques non conventionnels.
En quoi les termes qui reflètent ces usages dits familiers sont-ils si particuliers
qu’ils ne puissent être employés dans n’importe quelle situation de
communication ? Pourquoi, alors qu’ils alimentent les échanges les plus
courants, les plus quotidiens, sont-ils perçus comme non standards ?
Ce sont ces interrogations qui ont guidé notre recherche mais, au-delà,
notre intérêt pour le registre familier de langue s’inscrit dans une perspective
plus générale de compréhension des manifestations linguistiques non standards
et, par induction, dans une réflexion sur ce qui fonde la norme, linguistique et
sociale, prise comme référence.
Afin d’expliquer les phénomènes linguistiques et extralinguistiques sousjacents à ces faits de variation, nous avons centré notre étude sur un corpus de
410 termes dotés de la marque lexicographique FAM., dans le Nouveau Petit
Robert. Nous postulons, en effet, que les dictionnaires généralistes, par le
système de marquage des entrées qu’ils utilisent, rendent compte de la
diversité des usages et des jugements portés sur eux.
L’outil dictionnairique présente alors toutes les composantes susceptibles de
répondre aux questions que nous nous sommes posées :
− un échantillon de la langue commune : représentée par la
nomenclature,
− un échantillon de la langue standard : les entrées non marquées,
− une formalisation des registres de langue : les entrées affublées de
marques d’usage,
− et, plus précisément, une formalisation du registre familier : les
entrées marquées FAM.
Cette catégorisation dictionnairique des termes constitue le matériau sur
lequel s’est construite notre recherche, entièrement focalisée donc sur la
dimension lexicale du registre familier, à l’exclusion des réalisations
phonétiques et des constructions grammaticales familières.
Introduction 11
L’objectif principal est d’isoler les facteurs qui permettent d’établir un
clivage entre des termes « non marqués » et des termes marqués FAM., c’est-àdire de dégager les critères d’attribution de la marque FAM. délimitant, dans la
pratique lexicographique, le registre familier. En d’autres termes, il s’agit de
révéler les mécanismes linguistiques qui conditionnent a priori le caractère
non conventionnel des usages jugés agrestes vs polis, voire policés.
C’est pourquoi, et bien que, traditionnellement, les études sur les notions de
registres ou niveaux de langue consistent à mettre en évidence la causalité
sociale de la variation linguistique, nous avons privilégié le point de vue
inverse en interrogeant la causalité linguistique dans le changement de
positionnement social : le cadre situationnel de la relation familière autorisant,
ou non, l’emploi du registre familier de langue et réciproquement. Nous avons
donc centré l’étude sur les raisons internes à la langue qui favorisent, induisent
ou reflètent les incidences sociales de la familiarité, que l’on reconnaît comme
une réduction de la distance interlocutive.
La présente thèse est organisée en cinq chapitres.
1. Différenciations lexicales, de la lexicographie à la sociolinguistique
À partir d’une analyse des préfaces de dictionnaires historiques et de
dictionnaires plus actuels, nous avons rappelé le cadre de l’activité lexicographique contemporaine et son inscription dans une tradition normative et
didactique. L’examen des contraintes (matérielles ou idéologiques) qui pèsent
sur l’édification de la nomenclature a permis de dresser les contours de la
langue « décrite » par les dictionnaires et d’obtenir, pour la présente étude, une
représentation de la langue commune.
Nous avons ensuite concentré notre attention sur le système des marques
d’usage. L’observation des gloses qu’en font les lexicographes a montré l’absence
de concepts opératoires dans leur définition et le manque de cohérence de leur
distribution. Ces constats permettent alors de les interpréter essentiellement
comme le produit d’une opposition binaire marqué/non marqué, standard/non
standard, norme/registre. Aussi, les critères d’attribution restent à définir,
notamment pour les marques à forte implication sociale (FAM., POP. et ARG.).
Cela nous a conduit à interroger plus précisément les notions de registre et
de niveau de langue, au regard des théories dominantes. L’état des lieux fait
apparaître deux conceptions antagonistes, l’une fondée sur un étagement du
lexique en fonction de critères « qualitatifs », l’autre sur un continuum à partir
12 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
du degré de « disponibilité » des termes. C’est cette dernière conception qui a
soutenu notre réflexion dans les chapitres suivants.
2. FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation
Dans ce chapitre, nous avons mis en perspective les liens unissant la marque
FAM., la notion de familiarité et celle de registre familier. À partir des
définitions lexicographiques, nous avons dégagé l’ambiguïté du terme familier
en tant qu’il peut désigner ce qui est habituel, naturel, quotidien et,
parallèlement, ce qui est impoli, désinvolte, proscrit. Le caractère ambigu de ce
terme faisant écho à la familiarité sociale. En effet, les règles qui font le jeu
social imposent une certaine retenue des interlocuteurs dans l’interaction,
retenue que la relation familière engage à franchir. Dès lors, nous avons
considéré que l’emploi des termes familiers réduit la « distance interlocutive » ;
la marque lexicographique FAM. étant l’avertisseur de cette réduction.
Nous avons ensuite présenté et discuté les principales pistes interprétatives
de la familiarité, celles issues, notamment, de la sociolinguistique et de la
stylistique. L’examen de ces conceptions nous a permis de proposer les
hypothèses nécessaires au traitement de notre question, notamment à partir de
la dimension expressive que nous reconnaissons au registre familier.
Puis, l’édification du corpus sur lequel l’analyse est fondée a été détaillée. Ce
corpus est constitué de 410 entrées issues du Nouveau Petit Robert, dans sa
version électrique 2.1. L’analyse est limitée aux seuls lexèmes verbaux car nous
postulons qu’ils sont la catégorie grammaticale la plus à même de rendre
compte des rapports entretenus entre le « je » et le « tu » en discours et, de ce
fait même, de manifester la réduction de la distance interlocutive.
L’intégralité du corpus, présentée en annexe 1, indique, outre l’entrée, la
catégorie grammaticale, la marque d’usage et la définition des 410 items
étudiés.
Enfin, dans ce même chapitre, nous avons exposé les méthodes
d’observation à l’aide desquelles le corpus a été étudié, les résultats de ces
observations étant exposés dans les trois chapitres suivants.
3. Du lexique marqué FAM. à l’ « effet familier »
L’objectif principal de ce chapitre a été de préciser les contours que les
dictionnaires donnent au lexique familier. Nous avons, dans une première
partie, effectué une comparaison des termes de notre corpus, avec ceux de deux
dictionnaires, le Petit Larousse 2001 et le Petit Robert 1977, nous permettant
Introduction 13
d’adopter un point de vue synchronique et diachronique sur l’attribution de la
marque FAM. (ces données sont regroupées en annexe 2 : Comparaison du marquage des termes dans le NPR 2002 et le PL 2001, et annexe 3 : Comparaison
du marquage des termes dans le NPR 2002 et le PR 1977).
Les différences de catégorisation et les évolutions relevées, au moyen des
marques ARG., POP. et FAM., nous ont amenée, dans une seconde partie, à tracer
les frontières qui peuvent être établies entre le lexique familier, populaire et
argotique. Nous avons alors proposé une modélisation de la diversité des usages
tenant compte des dimensions diastratique et diaphasique, diachronique et
synchronique et de celle de spécialisation des termes ; notre conception de
l’organisation du lexique impliquant en effet de dissocier les « faits populaires »
diastratiques, en langue, avec des « effets familiers », diaphasiques en discours.
4. Propriétés formelles et effet familier
Au chapitre 4, nous avons observé les propriétés formelles des items de
notre corpus, afin d’en extraire les caractéristiques, alors susceptibles d’être à la
source d’un effet familier. Nous avons séparé les « mots simples » des « mots
construits » et analysé ces derniers dans la perspective de la morphologie
lexicale afin de mettre au jour les processus lexicaux spécifiques à notre corpus.
Les caractéristiques retenues comme « critères » formels favorisant,
potentiellement, l’attribution de la marque FAM. concernent essentiellement
les phénomènes d’affixation, les constructions à partir de sens tropiques et les
incidences de la substance phonique.
L’examen de ces propriétés formelles a mis en lumière le rôle joué par les
lexèmes familiers dans la réduction des « coûts » linguistique et, plus
largement, nous a permis d’engager une réflexion autour des questions de
connotation et de préciser certains aspects liés à la familiarité, par le prisme de
la péjoration principalement.
5. Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale
Le dernier chapitre est fondé sur l’observation des définitions
dictionnairiques et a pour but d’approfondir l’étude sémantique des termes
familiers. Nous avons dressé une typologie des items de notre corpus à partir
des différentes modalités définitoires utilisées pour les gloser (les types et les
items leur correspondant figurent en annexe 4 : Répartition des entrées
dictionnairiques en fonction des types de définition observés). Nous avons
envisagé ces types comme autant de liens spécifiques que le lexicographe
14 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
établit entre le lexique non standard (les entrées FAM.) et le lexique standard
(les définitions) : par synonymie, hyponymie ou par périphrase explicative.
De ces observations nous avons déduit que les verbes familiers avaient un
statut sémio-sémantique particulier qui dépasse largement la stricte
interprétation connotative du registre de langue en ce qu’ils se révèlent être
des unités lexicales venant combler des « vides » laissés par la langue standard,
assurant alors un rôle pleinement fonctionnel au sein du système.
Une conclusion synthétise les « régularités » issues des différents types
d’observation mis en œuvre lors de l’examen de notre corpus, régularités qui
peuvent être vues comme autant de critères qui favorisent la familiarité
lexicale et qui, par induction, informent quant aux mécanismes qui soustendent un usage plus standard de la langue.
Enfin, au terme de ce volume figure la liste des références bibliographiques
mentionnées et des lectures effectuées afin de mener à bien cette recherche, les
annexes précédemment signalées ainsi que les index répertoriant les auteurs
cités et les principales notions dont il est fait usage dans cette étude.
CHAPITRE 1
DIFFÉRENCIATIONS LEXICALES :
DE LA LEXICOGRAPHIE À LA SOCIOLINGUISTIQUE
________
Lorsqu’un locuteur cherche à savoir si un mot est familier ou non, il fait
d’abord appel à sa propre intuition linguistique, mais en dernier ressort il
ouvrira un dictionnaire et regardera si l’entrée en question est suivie ou non de
la marque d’usage FAM. C’est le seul outil dont il dispose pour confirmer son
sentiment linguistique en matière d’usage non standard. C’est pourquoi, nous
l’avons choisi comme référence à l’étude de la familiarité lexicale, à travers
l’utilisation de la marque d’usage FAM.
Il s’agit de définir la norme dictionnairique à partir de laquelle vont être
évalués les différents usages de la langue. Cette différenciation est formalisée
par un système de codification, qui use de marques de diverse nature. Si
certaines d’entre elles répondent à des critères plus ou moins descriptifs
(archaïsmes, régionalismes, anglicismes, etc.), d’autres relèvent de jugements
linguistiques et sociaux qui complexifient la justification de leur attribution.
C’est le cas des usages familiers pour lesquels les conditions de marquage ne
sont pas objectivables. Par conséquent, l’étude de la familiarité passe
nécessairement par l’examen des approches stylistiques et sociolinguistiques de
la variation lexicale.
Dans un premier temps, nous rappelons les principes généraux guidant les
pratiques lexicographiques afin de comprendre les contours et les limites de
« la langue du dictionnaire ». Dans un second temps, nous examinons de façon
plus minutieuse le système d’attribution des marques d’usage permettant de
différencier des entrées « marquées » de celles qui ne le sont pas. Nous nous
intéressons, dans un troisième temps, à ce qui fonde les notions de registres et
niveaux de langue.
16 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Nos analyses s’appuient, pour les deux premières partie de ce chapitre (§ 1.1
et § 1.2), sur les préfaces des dictionnaires. En effet, ces textes de présentation
dans lesquels les auteurs dévoilent leurs intentions éditoriales « fondent le
rapport entre la légitimité politico-sociale de l’auteur et la légitimité
linguistique de l’objet »2. Nous nous sommes référée aux dictionnaires les plus
usités et les plus reconnus3, et ce d’autant plus que leurs auteurs ou
collaborateurs (Jean Dubois, Alain Rey, Josette Rey-Debove, René Lagane,
Jean-Marie Klinkenberg, Paul Imbs, Louis Gilbert, pour ne citer que certains
d’entre eux) ont beaucoup écrit sur leurs pratiques, les confrontant aux
théories linguistiques.
1.1. DICTIONNAIRES, DESCRIPTION, PRESCRIPTION ET
NOMENCLATURE
Dans une réflexion plus générale sur la notion d’usage, le rappel des
conditions de l’activité lexicographique permet de percevoir les limites de
l’objet « langue » présenté par le dictionnaire. Il convient donc d’analyser les
discours lexicographiques afin de déterminer les critères qui sous-tendent les
choix des lexicographes pour l’édification d’une nomenclature. Il s’agit de
comprendre comment le lexicographe négocie le compromis entre, d’une part,
l’attestation d’une langue vivante et contemporaine et ses multiples usages et,
d’autre part, l’image unifiée d’une langue close, contrainte par les limites
physiques et idéologiques de l’objet dictionnaire. Et c’est bien le principal
paradoxe qui rend toute entreprise lexicographique, par essence, imparfaite :
figer une réalité mouvante. L’objectif est de montrer que, contrairement aux
représentations des utilisateurs, le dictionnaire ne rend pas compte de la langue
de la communauté dans son exhaustivité mais seulement d’un état de langue,
c’est-à-dire de certains de ses usages.
Pour ce faire, nous sommes revenue sur les conditions d’élaboration des
dictionnaires. Nous avons retracé l’évolution historique de la conception
lexicographique de la « langue commune » et de ses incidences sur la sélection
des usages de la langue retenus. Ensuite, nous avons détaillé les contraintes
éditoriales, méthodologiques et économiques dont dépend l’établissement de la
macrostructure d’un dictionnaire. Enfin, nous avons analysé les rôles et
MAZIERE F., « Le dictionnaire déshabillé par ses préfaces », Lexique, n° 3, 1985, p. 33.
Dictionnaire de l’Académie française, 1986-1990, préface 1e édition ; Littré, 1990, préface juin
1877 ; Grand Robert de la langue française, 1985 (GR ) ; Grand Larousse de la langue française,
1971 (GL ) ; Trésor de la langue française informatisé, préface 1971 (TLF ) ; Petit Robert, 1977
et 2002 (PR 77 et PR 2002) ; Petit Larousse, 1975 et 2001 (PL 75 et PL 2001) ; Dictionnaire du
français contemporain, 1971 (DFC ).
2
3
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 17
fonctions du dictionnaire qui correspondent aux attentes des utilisateurs, et
leurs conséquences pour le discours lexicographique.
1.1.1. « Langue commune » et dictionnaires
1.1.1.1. Un ouvrage de référence normatif
Le dictionnaire monolingue est un objet familier à tous et toutes. La plupart
des familles en possède un, c’est même parfois l’unique livre de la maison. On
ne considère pas qu’il faille en changer souvent, cependant si on en acquiert un
exemplaire nouveau, on conserve l’ancien ou on le donne. Le dictionnaire est
rarement jeté. Une étude réalisée auprès de locuteurs francophones sur les
représentations des dictionnaires4 montre qu’il est des ouvrages qui jouissent
d’un statut très particulier, un peu comme un livre sacré. Pour preuve, l’article
défini employé systématiquement pour le désigner qui lui confère une image
quelque peu mythique : on dira je vais chercher dans LE dictionnaire, alors que
l’on a recours à un dictionnaire particulier, celui que l’on possède.
Ce statut spécifique accordé au dictionnaire est principalement lié à son
mode d’utilisation, la consultation : la lecture du dictionnaire est ponctuelle et
circonscrite à un ou plusieurs mots. On ne lit pas le dictionnaire de bout en
bout. On peut sans cesse s’y référer, sans jamais en épuiser les ressources.
Mais ce qui donne ce caractère d’exception au dictionnaire, c’est surtout la
représentation que ses utilisateurs en ont. Le dictionnaire est considéré comme
LA référence en matière de langue, que l’on vérifie l’orthographe d’un mot ou
que l’on examine une définition. Par l’acte même de consultation, l’utilisateur
du dictionnaire donne et reconnaît une autorité à l’objet dictionnaire. Ce
dernier fait alors figure de gardien de la loi, il est le représentant de
l’orthodoxie langagière : en cas d’hésitation, c’est le dictionnaire qui fait foi. On
cherche confirmation dans le dictionnaire de la représentation dichotomique
que l’on a de la langue : français vs pas français, correct vs incorrect, acceptable
vs inacceptable, bien orthographié vs mal orthographié.
L’usage que l’on fait du dictionnaire lui confère le rang d’objet éminemment
normatif. Dans son utilisation quotidienne, il remplit pleinement un rôle de
garant de la norme, sans que ses utilisateurs en aient toujours pleinement
conscience (« ça n’existe pas, ce n’est pas dans le dictionnaire »), sans que ne
soit remise en question « sa » vérité.
4
COMBESSIE J.-C., « Le dictionnaire : usages sociaux et qualités de la langue. Contribution
sociologique à un débat », in ELOY J.-M., La qualité de la langue ? Le cas du français, Paris,
Champion, 1995, p. 127.
18 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Pourtant, la liste d’entrées constituant la nomenclature d’un dictionnaire ne
peut matériellement pas prétendre représenter une langue, la langue, dans tous
ses usages attestés ou potentiels, donc elle ne retient que certains d’entre eux,
selon certaines conditions. En effet, loin d’être le reflet de toutes les
potentialités d’une langue, le dictionnaire se limite à une (ou plusieurs)
variété(s) choisie(s), que l’on appelle ordinairement – et à tort – la « langue
commune ».
La première tâche du lexicographe est de recenser les mots d’une langue,
telle qu’il la conçoit au moment de la conception de l’ouvrage. Cette entreprise
d’inventaire des unités fait l’objet de décisions et de justifications. Le
lexicographe opère un tri dans le lexique de la langue afin d’édifier la
nomenclature qui désigne une représentation empirique de ce lexique, sous la
forme d’une liste de mots ordonnés alphabétiquement. Il ne s’agit pas de
conserver toutes les potentialités lexicales de la langue, mais plutôt de trier,
analyser, reformuler, écarter ou conserver les occurrences dans les énoncés
produits dans la société. Ce répertoire peut être considéré comme un état de
langue, l’archive des usages collectifs ; les usages peuvent être définis comme
« habitudes de discours à décrire et circonscrire dans un lieu et un temps
concrets »5. La nomenclature du dictionnaire doit être comprise comme un
discours institutionnel, clos sur lui-même (chaque mot utilisé dans une
définition doit lui-même faire l’objet d’une entrée dictionnairique) et qui
normalise une liste finie d’éléments dans l’ensemble non fini du lexique.
1.1.1.2. Les évolutions macrostructurelles
L’objectif principal d’un dictionnaire est de répertorier un ensemble
d’usages que l’on s’accorde à reconnaître comme constitutifs de la langue à
décrire. Or, la pratique lexicographique a évolué en même temps que la notion
d’usage. Jusqu’à la seconde moitié du XVIIe siècle, le terme d’usage regroupe
« tous les emplois réels d’un certain degré de généralité que les auteurs peuvent
inventorier. Ainsi se trouvent a priori éliminés les usages particuliers ou
exceptionnels (anciens, marginaux ou individuels) »6. La langue décrite par les
dictionnaires est donc celle en usage dans un certain cercle de locuteurs (celui
des auteurs) et elle est essentiellement fondée sur le caractère collectif de
l’emploi du vocabulaire, dans une présentation synchronique des faits de
langue. Le dictionnaire explique les mots à la manière de l’usage qui en est fait
TOURNIER M., « Des dictionnaires « de langue » aux inventaires d’usages », Études de
linguistique appliquée, n° 85/86, 1992, p. 56.
6 QUEMADA B., Les dictionnaires du français moderne 1539-1863 : étude sur leur histoire,
leurs types, leurs méthodes, Paris, Didier, 1968, p. 192.
5
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 19
dans un milieu de référence, et y reflète les significations qu’on y attache
ordinairement.
Cette conception de la langue dictionnairique ne cessera d’évoluer jusqu’à
nos dictionnaires contemporains qui considèrent les usages (au pluriel)
reflétant alors les habitudes linguistiques, dans leur grande diversité.
1.1.1.2.1. Le Dictionnaire de l’Académie, langue de Cour
Les premiers dictionnaires, qui voient le jour au XVIIe siècle, servent de base
à la tradition lexicographique moderne. Un tournant est pris : le dictionnaire
ne doit plus traduire des signes linguistiques mais les décrire. « Le dictionnaire
moderne doit donc comparer, illustrer, graduer. Culturellement, le
dictionnaire devient l’objet d’une mission : par le truchement des mots,
l’usager, le lecteur, doit pouvoir se référer à un usage sociolinguistique
(comment parler), ou normatif (comment bien parler), et cognitif (comment
apprendre) »7. Trois ouvrages fondamentaux sont et resteront de véritables
modèles lexicographiques, le Dictionnaire français de Richelet (1680), le
Dictionnaire universel de Furetière (1690) et le célèbre Dictionnaire de
l’Académie française (1694). La finalité de ce dernier, pour le prendre en
exemple, est de représenter l’état d’excellence de la langue française, en se
fondant pour cela sur deux instances : l’instance imaginaire d’une langue idéale
de référence, et l’instance contemporaine (le siècle de Louis XIV, appelé « le
siècle le plus florissant pour la langue française »). Les recommandations de
Richelieu auprès de l’Académie sont claires : « nettoyer la langue des ordures
qu’elle avait contractées ou dans la bouche du peuple ou dans la foule du Palais
et dans les impuretés de la chicane, ou par les mauvais usages des courtisans
ignorants, par l’abus de ceux qui la corrompent en l’écrivant… pour cet effet, il
serait bon d’établir un usage certain des mots »8.
L’Académie fixe, au moyen de son dictionnaire, le bon usage de ce que l’on
nomme alors – abusivement – la langue commune, que l’on doit comprendre
comme le produit d’un compromis entre la Cour et les Lettres. Ainsi, dans sa
préface, les locuteurs de référence sont désignés comme les « honnêtes gens »,
fins lettrés nourris par les « Poètes et bons auteurs », reconnus par la Cour. Le
dictionnaire de l’Académie participe à un mouvement, celui de l’élaboration de
la norme lexicale, qui correspond à une fixation du français et à l’affirmation
d’un pouvoir centralisateur. Cette langue commune est propre à une minorité
proche du pouvoir et elle est appelée à devenir la langue de la Nation dont le roi
GAUDIN F., GUESPIN L., Initiation à la lexicologie française, Bruxelles, Duculot, 2000, p. 41.
Cité par COLLINOT A., MAZIERE F., Un prêt à parler : le dictionnaire, Paris, P.U.F., 1997,
p. 17.
7
8
20 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
et sa Cour représentent le locuteur idéal, selon la formule : « un roi, une langue,
un dictionnaire ». Au lieu d’accumuler, puis de distinguer, les faits de langue, le
dictionnaire de l’Académie opèrera une sélection préalable et exclura de sa
nomenclature tous les mots qui ne correspondent pas à sa conception de l’usage.
L’avènement des sciences du langage, dès le XIXe siècle, permet à cette
conception esthétique de la langue, qui relève du jugement de valeur,
d’évoluer. Les dictionnaires s’en feront l’écho.
1.1.1.2.2. Le Littré, langue d’Histoire
Il n’est alors plus question de circonscrire l’étendue d’une langue à une
pratique langagière, quelle soit aristocratique ou bourgeoise. Les
nomenclatures des dictionnaires construisent un autre objet : la langue comme
produit de l’histoire. « Il ne s’agit plus de délimiter le lexique d’une langue dans
un espace social, mais d’en mesurer l’étendue dans le temps »9. C’est alors que
l’on voit apparaître dans les dictionnaires, à l’instar du Dictionnaire de la
langue française d’Émile Littré (1863), des mots de la langue populaire,
technique ou scientifique, pour peu qu’ils servent de témoins d’un passé de la
langue. La nomenclature se détache quelque peu des contraintes imposées par
une bienséance sociale et élargit son champ au-delà du corps de la langue
usuelle constituée par l’Académie. Il s’agit de fixer la langue par référence au
passé, pour assurer la permanence d’une culture, tout en prenant en compte la
modernité d’une époque.
Littré : « Il est impossible, on doit en convenir, qu’une langue parvenue à un
point quelconque y demeure et s’y fixe. En effet, l’état social change ; des
institutions s’en vont, d’autres viennent : les sciences font des découvertes ;
les peuples se mêlant, mêlent leurs idiomes. » (p. 2)
La langue commune est donc comprise ici comme le produit d’une évolution
continue, elle n’est plus celle de l’élite mais un produit de l’histoire. Elle est
langue d’un peuple, lieu de visibilité de son histoire, selon le concept
unificateur : « un pays, une langue, une nation ». Le dictionnaire se fait alors
témoin, mémoire collective.
Bien que l’ouverture de la nomenclature du Littré soit tangible, les
ambitions historiques de ce dictionnaire restent classiques : les citations
auxquelles il est fait référence de façon systématique ne prennent pas en
compte les auteurs contemporains et se limitent aux auteurs antérieurs à 1820.
Littré : « Mon dictionnaire à moi a pour éléments fondamentaux un choix
d’exemples empruntés à l’âge classique et aux temps qui l’ont précédé. » (p. 4)
9
COLLINOT A., MAZIERE F., Un prêt à parler : le dictionnaire, op. cit., p. 61.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 21
L’image d’un locuteur appartenant à l’élite s’estompe, mais il faudra attendre
le début du XXe siècle pour que les dictionnaires intégrent à leur nomenclature
les usages contemporains les plus usuels.
1.1.1.2.3. Le Robert, le Larousse, langue quotidienne
Pierre Larousse n’a pas attendu le XXe siècle pour mettre en place des projets
lexicographiques. Il dominera avec Émile Littré la seconde moitié du XIXe
siècle. Mais contrairement à Littré, son œuvre s’inscrit dans la lexicographie
contemporaine, celle pour laquelle le référentiel de la langue commune évolue
radicalement.
PL 1975 : « Résultat de la collaboration de linguistes et de spécialistes des différents
secteurs de la connaissance, le Petit Larousse s’attache à rendre compte des termes
qu’un homme aujourd’hui peut rencontrer dans sa vie quotidienne et dont il doit
pouvoir connaître la signification et l’emploi. »
Dans cette perspective, et avec le même objectif d’ouverture, Paul Robert
développe le Petit Robert :
PR 1977 : « Certes la recherche d’une familiarité avec la culture générale par la
maîtrise des moyens d’expression reste actuelle, mais elle s’est modifiée doublement.
L’humanisme universaliste a fait place à une spécialisation où la pratique sociale est
essentielle. La sélection par la naissance – et l’on songe plus à l’appartenance
bourgeoise qu’à une aristocratie – est combattue par la mobilité des fonctions et des
rôles. (…) Il s’agit de fournir à tout lecteur les instruments de pensée et d’expression
les plus élaborés : l’agriculteur, le travailleur manuel, la ménagère ou le syndicaliste
ont évidemment droit aux mêmes instruments culturels que l’avocat et le médecin.»
(p. XVII)
La notion d’honnête homme ne coïncide plus avec celle d’élite, un
mouvement de démocratisation du dictionnaire est en train de s’opérer. Les
auteurs de dictionnaires considèrent que chacun-e, quel que soit son milieu
social, doit avoir le même accès aux ressources linguistiques. Les dictionnaires
s’attachent alors à décrire le lexique du français dans sa plus grande extension
et bousculent ainsi la tradition, en accueillant la langue courante « dans tous
ses états », les usages les plus habituels du français parlé ou écrit. Le Grand
Larousse en a fait sa devise : « Tous les aspects de la langue, et rien que la
langue ». La notion de langue commune est alors à prendre dans une dimension
élargie, celle de langue commune à tous les locuteurs de la langue française.
Quant au Trésor de la langue française, il est un cas à part, mi-expert, migénéraliste, une sorte de dictionnaire charnière. En effet, le TLF, héritier du
Littré, veut offrir une analyse détaillée des mots du XIXe et du XXe siècle, dans
une perspective philologique. Ces objectifs le conduisent à être plus restrictif
que ses contemporains, mais cela ne l’empêche pas d’étendre sa nomenclature
aux usages les plus divers du vocabulaire français.
22 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Poussé par un important souci démocratique et didactique, mais aussi par
des facteurs économico-politiques, un marché du dictionnaire se développe
alors en France, dès la seconde moitié du XXe siècle. Le dictionnaire devient un
objet de grande consommation et se réduit à un volume, pour en faciliter
l’acquisition autant que la manipulation. Avant 1950, les dictionnaires de
français sont quasiment monopolisés par un seul éditeur, Larousse, et relèvent
principalement de formules encyclopédiques ou semi-encyclopédiques. Moins
de trente ans après, il existe trois nouveaux grands dictionnaires de langue
(Grand Robert, Grand Larousse, TLF ), et davantage de dictionnaires en un
volume qui atteignent des tirages importants. Le dictionnaire entre ainsi dans
toutes les familles ; un exemplaire est même offert par certains conseils
généraux à chaque élève dès son entrée en sixième.
La nomenclature d’un dictionnaire signifie donc bien plus qu’il n’y paraît.
Dès l’édification de sa macrostructure le dictionnaire impose au plus grand
nombre (les utilisateurs) des choix socioculturels voire idéologiques. Ainsi, la
nomenclature des dictionnaires s’enrichit-elle au gré des évolutions de
l’édition dictionnairique, des politiques éditoriales, elles-mêmes sous-tendues
par les évolutions sociales. A l’heure où toute la communauté linguistique peut
prétendre à une maîtrise de la langue, la langue commune, comme objet à
décrire, n’est plus le reflet d’une langue d’élite mais celui des usages les plus
partagés. La norme du « bon usage » s’efface au profit de celle du plus grand
nombre.
Néanmoins, aucun dictionnaire ne saurait recenser l’ensemble des mots
d’une langue et le lexicographe est nécessairement contraint d’opérer des choix
dans le lexique à décrire, choix qui dépendent notamment d’orientations
méthodologiques et théoriques (voir § 1.1.2).
1.1.2. Critères pratiques et théoriques déterminant une nomenclature
1.1.2.1. La fréquence comme critère fondamental
Les dictionnaires contemporains repèrent les usages des locuteurs et
évaluent la représentativité de chacun des items sur une sorte de continuum.
Plus le mot est employé par la communauté linguistique, plus est élevée sa
probabilité d’apparaître dans le dictionnaire, sachant que chaque mot utilisé
pour la définition doit lui-même faire l’objet d’une entrée dictionnairique.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 23
NPR 2002 : « Une bonne nomenclature de dictionnaire est une structure, et non
une simple liste d’entrées (…) ; quel que soit le nombre de mots, elle se construit sur
un axe de fréquences, du plus courant au moins courant. Un petit dictionnaire qui
traite violoncelle peut ne pas intégrer vibraphone qui est un vocable plus rare ; mais
l’inverse serait absurde.» (p. XI)
Une sorte d’échelle de valeurs à partir de la fréquence d’utilisation d’un mot
est ainsi établie.
Seul le TLF fera apparaître cet indice de fréquence comme information
complémentaire dans les notices rédigées, à partir d’une information statistique
extraite d’un grand ouvrage comprenant quatre fascicules réunis sous le titre de
Dictionnaire alphabétique des fréquences.
1.1.2.2. Le principe d’autorité
Les dictionnaires généraux s’inscrivent traditionnellement dans la
continuité des grandes entreprises lexicographiques antérieures et
contemporaines. L’entrée lexicographique stabilise l’occurrence d’un mot
repris d’un autre dictionnaire et lui attribue ainsi une identité formelle qui lui
assurera une certaine durée.
Bien que novateur, le Littré poursuit la longue tradition lexicographique
classique et revendique une filiation directe avec le Dictionnaire de
l’Académie :
Littré : « Quand en 1696 l’Académie française prit le rôle de lexicographe, elle
constitua, à l’aide des dictionnaires préexistants et de ses propres recherches, le
corps de la langue usuelle. Ce corps de la langue, elle l’a, comme cela devait être,
reproduit dans ses éditions ultérieures, laissant tomber les mots que l’usage avait
abandonnés et adoptant certains autres qui devaient à l’usage leur droit de
bourgeoisie (…). Quoi qu’il en soit, ce corps de langue a été rigoureusement
conservé dans mon dictionnaire ; il n’est aucun mot donné par l’Académie qui ne se
trouve à son rang. » (p. 6)
Le GR, bien que constituant un projet original, se dit le fruit d’un mariage
entre la description alphabétique illustrée par des exemples littéraires du Littré
et le dictionnaire « analogique » qui regroupe les expressions diverses d’une
même idée. Il se dit également influencé par un ouvrage, pourtant controversé,
La pensée et la langue de Ferdinand Brunot. Le PR s’inscrit pareillement dans
les traces du Littré et signale avoir pris le Dictionnaire général comme modèle
de présentation en arborescence des significations.
Quant au PL 2003, il se définit comme l’héritier du Nouveau dictionnaire de
la langue française de Pierre Larousse, publié en 1856.
PR 1977 : « Utilisant l’immense somme de travail accumulée, sans rien perdre des
principes qui ont guidé son auteur, le Petit Robert est moins l’abrégé d’un grand
dictionnaire que le prolongement de l’œuvre d’un grand lexicographe. » (p. IX)
24 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
GR : « Il convient de rendre hommage au travail considérable des équipes dirigées
par le regretté Louis Guilbert, par René Lagane et Georges Niobey (Larousse de
langue), par Paul Imbs, puis par Bernard Quemada (Trésor de la langue française),
travail dont les résultats publiés ont été critiquement, mais systématiquement
consultés lors de l’élaboration du présent ouvrage. » (p. XXI)
C’est pourquoi, hormis quelques exceptions qui prennent alors tout leur
sens mais qui n’ont d’intérêt que pour ceux qui travaillent sur la langue, il n’y a
pas d’importantes variations d’un dictionnaire à l’autre, tant dans le choix des
entrées que dans leurs définitions.
1.1.2.3. Modernisation vs synchronie
Si, comme nous venons de le signaler, le NPR reste fidèle au PR, il n’en est
pas moins, par souci de modernisation, remanié. Le NPR est une réédition
corrigée et augmentée du PR.
NPR 2002 : « Ce Petit Robert est donc nouveau parce que, le français ayant
profondément changé depuis les années 60, il a fallu en reprendre la description par
le menu. La langue évolue de plusieurs façons ; parfois accidentellement, parfois
nécessairement, puisque tout change en nous et autour de nous et qu’elle répond à
nos besoins, souvent même à nos fantasmes. » (p. IX).
Ce principe de modernisation est traditionnellement la règle en matière de
lexicographie. Le travail, qui n’en est pas moins lourd, repose sur une amélioration bien plus que sur une création, la langue n’étant pas un objet que l’on
peut prendre ex nihilo.
Littré : « Ainsi, toute langue vivante, et surtout toute langue appartenant à un grand
peuple et à un grand développement de civilisation, présente trois termes : un usage
contemporain qui est le propre de chaque période successive ; un archaïsme qui a
été lui-même autrefois un usage contemporain, et qui contient l’explication et la clef
des choses subséquentes ; et, finalement, un néologisme qui, mal conduit, altère,
bien conduit, développe la langue, et qui, lui aussi, sera un jour de l’archaïsme et que
l’on consultera comme histoire et phase du langage. » (p. 3)
Certains dictionnaires font d’autres choix théoriques, notamment celui de la
synchronie : Le Dictionnaire du français contemporain veut être un essai de
dictionnaire structural qui opère une rupture sociale au profit d’un alignement
sur la linguistique. Dans la stricte tradition saussurienne, il entend décrire un
« état de langue » qui exclut du système le changement linguistique, considéré
comme fait partiel. Il s’agit de traiter le mot comme partie d’une construction
et non comme unité.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 25
DFC : « Le dictionnaire doit être un instrument de travail qu’on puisse utiliser pour
l’apprentissage du français. Les possibilités qu’offrent les systèmes de suffixation et
de préfixation pour passer d’une construction de phrase à une autre construction,
d’un verbe à un substantif, d’un substantif à un adjectif, etc. ont été mises en
évidence dans cet ouvrage (…). Cette classification met en évidence
l’interdépendance des sens et des formes ; aussi, le plus souvent, n’est-il pas
nécessaire de définir un dérivé, qu’éclaire la valeur du suffixe (…). » (p. III)
En pratique, cela se traduit par une présentation sous forme de
regroupement (les dérivés étant rangés derrière le mot vedette), afin de
préparer le lecteur à se servir de la morphologie et de la syntaxe comme outils
opératoires. Le DFC réduit sa nomenclature sans souci des lexiques spécialisés,
n’utilise pas la citation littéraire, et refuse l’étymologie, donc l’évolution, le
changement de sens, au profit de la synchronie.
DFC : « Le plan de l’article se fonde sur l’usage actuel du français, non sur l’histoire
du mot ; on a donc écarté l’étymologie, les sens vieillis ou disparus. » (p. IV)
De façon moins radicale, le PL a opté pour la synchronie dans l’édification
de sa nomenclature, et privilégie l’usage, lorsqu’il est avéré, au risque de se voir
reprocher trop d’indulgence à l’égard des néologismes.
PL 2001 : « Un mot, une façon de dire, un emploi nouveaux ont leur place dans le
Petit Larousse lorsqu’ils sont utilisés de façon répétitive, sous des plumes différentes
et qu’un lecteur peut légitimement nous poser la question : comment s’écrit ce mot,
et que signifie-t-il ? ».
Dans ce contexte théorique, il ne sera pas surprenant de noter les
signalements des formes surannées, que ces dictionnaires formalisent par la
présence de la marque VX. ou VIEILLI, ou par une disparition complète du mot.
1.1.2.4. Des corpus de référence
La nomenclature des dictionnaires est doublement fondée : d’une part, en
référence à une tradition dictionnairique, et d’autre part, sur la base d’une
objectivation des données lexicales d’où seront tirées les entrées. Autrement
dit, il s’agit de puiser dans le réservoir des performances des locuteurs afin de
déterminer les mots utilisés par la communauté linguistique.
C’est parce que la langue des écrivains relève à la fois de ces deux principes
que la tradition lexicographique la donne comme modèle permettant de discriminer les pratiques langagières. Par la fonction réflexive qu’exerce l’écrivain
dans son activité d’écriture, l’attestation d’un mot dans un texte littéraire autorise le lexicographe à le convertir en une entrée lexicographique.
26 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
NPR 2002 : « [la citation littéraire] se présente comme modèle supérieur
d’expression et une référence culturelle, mais aussi comme un ancrage dans le
particulier et un surgissement de l’individu sur fond de stéréotypes sociaux. Le texte
littéraire est le plus apte à manifester « l’expérience des limites » (…). Tous les
dictionnaires de langue sont établis à partir d’un corpus de citations ». (p. XVIII)
Les références classiques se verront complétées par les ouvrages littéraires
les plus contemporains, mais aussi par les corpus de presse, largement utilisés
comme source lexicographique.
Le PL, pour sa part, s’affranchit totalement de la caution littéraire, pour
revendiquer une sorte de normalité de l’opinion commune quant au sens.
Selon la tradition, les dictionnaires Larousse « sont inspirés avant tout par le
souci de constater l’usage, et non de le créer ». C’est pourquoi les exemples se
présentent sous une forme forgée pour la circonstance par le lexicographe qui
sélectionne l’emploi le plus attendu du mot, un lieu commun, un stéréotype.
Cette intuition de « compétence » est en réalité utilisée par la majorité des
lexicographes qui manipulent une sélection de discours rassemblés pour
l’occasion. Cependant, ces discours, aussi nombreux soient-ils, ne
représenteront jamais qu’une quantité dérisoire au regard de la masse indéfinie
des productions langagières. Le choix se fait sur une série de facteurs,
notamment l’attitude et l’idéologie des lexicographes, ainsi que la finalité
sociale du dictionnaire, qui donnent à l’ouvrage ses caractères distinctifs.
1.1.2.5. Les limites des méthodes
A ces critères, facteurs de détermination de la nomenclature, il faut ajouter
les impositions non subjectives liées aux dépouillements, aux matériaux
disponibles, aux équipes à mobiliser, aux supports matériels et administratifs,
qui sont autant de contraintes inscrites dans l’exercice lexicographique.
Littré : « Un dictionnaire doit être, ou, si l’on veut, ce dictionnaire est un
enregistrement très-étendu des usages de la langue, enregistrement qui, avec le
présent, embrasse le passé, partout où le passé jette quelque lumière sur le présent
(…). Mais, même en de telles limites, l’enregistrement n’est pas complet, car il
faudrait avoir tout lu la plume à la main, et je n’ai pas tout lu. » (p. 4)
Les conditions de rédaction d’un dictionnaire dépendent en effet des conditions techniques et évoluent à leur gré. « On se souvient que, pour prendre corps
sous leur forme « classique », les dictionnaires ont dû bénéficier, au début du
XVIe siècle, des avantages de l’imprimerie et de ses conséquences économiques,
sociales et culturelles. L’avènement de l’informatique et de ses circonstants
socio-économiques et culturels exerce aujourd’hui une action de la même sorte
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 27
sur le devenir des travaux et produits lexicographiques »10. En ce sens, les
banques de données informatiques offrent des modes de consultation plus
souples et permettent une extension considérable de la documentation servant
de sources. Elles permettent de copier, classer, trier, comparer, calculer,
référencer, mais sont aussi limitées dans la mesure où l’on n’y trouve que ce qui
a déjà été traité. De façon générale, les contraintes extérieures pèsent assez
lourdement sur l’édification d’un ouvrage dictionnairique, et le lexicographe
devra sans cesse trouver un équilibre entre elles et son exigence de scientificité.
Dans sa préface, le TLF explique longuement comment ces conditionnements extérieurs ont été déterminants pour l’édification de sa nomenclature.
TLF : « Nous avions primitivement envisagé des enregistrements et de la langue
parlée et de la langue écrite, la langue parlée étant universellement et
légitimement considérée comme le lieu privilégié des renouvellements de
l'idiome, et, par voie de conséquence, la source principale de la langue écrite.
Pour l'inventaire de celle-ci, nous ambitionnions d'autre part de recourir à des
textes relativement spontanés, reflets aussi directs que possible de la langue
parlée ou en tout cas attestant un nouvel usage en train de se stabiliser ou tout
fraîchement établi (…). Les textes auxquels, à ce point de vue, nous pensions
étaient par exemple les sténogrammes transcrits mais non encore arrangés des
débats parlementaires et tous textes similaires enregistrés par sténotypie ou sur
rubans magnétiques ; des textes de tout niveau de langue et de toute spécialité
provenant de journaux quotidiens ou hebdomadaires, de périodiques mensuels
ou trimestriels, etc. L'ambition était disproportionnée à nos moyens ou au
temps dont nous disposions, même lorsque nous fûmes dotés, à partir de 1965,
d'un puissant ordinateur (Bull Gamma 60) : l'ordinateur lui-même a besoin de
temps, et l'on nous pressait de publier. Du moins avons-nous cherché, en
choisissant les œuvres que nous pouvions lui soumettre dans un délai
raisonnable, à retenir un nombre important de textes susceptibles de nous livrer
une langue relativement proche de la langue parlée : journaux intimes,
correspondances, mémoires, théâtre en prose, parties dialoguées des romans,
poésie lyrique jusqu'à un certain point ».
Suite à cet acte de résignation, l'enquête in vivo sur la langue parlée spontanée se révélant pratiquement impossible, il a fallu au TLF faire de nécessité
vertu. Ainsi l’orientation lexicographique de ce dictionnaire s’est-elle tournée
vers les grands auteurs et c’est la langue des écrivains qui devient un des corpus
servant de référence à l’édification de sa nomenclature (voir § 1.1.2.4).
La macrostructure du dictionnaire est donc en partie déterminée par des
critères théoriques et pratiques relatifs au recueil des données. Si ces aspects
tendent à s’assouplir avec le développement des banques de données informatisées, ils restent une contrainte matérielle difficilement réductible. Pourtant, les principes que nous venons d’exposer ne sont pas les principales limites
QUEMADA B., « Bases de données informatisées et dictionnaire », Lexique, n° 2, 1983,
p. 102.
10
28 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
qui guident le lexicographe dans le tri qu’il opère au sein du lexique, car le
dictionnaire doit aussi et surtout répondre aux attentes de ses utilisateurs et
assurer pleinement le rôle informatif et didactique qui lui est conféré.
1.1.3. Les attentes des publics
Lors de l’édification de la nomenclature, le lexicographe cherche un
équilibre entre ces deux représentations que les locuteurs ont du dictionnaire :
l’une qui englobe, l’autre qui différencie :
- il doit tenir compte des attentes des utilisateurs du dictionnaire du
point de vue didactique,
- il doit rendre compte d’un état de langue dans lequel chacun d’eux
peut se reconnaître comme locuteur.
Le lexicographe se trouve ainsi dans une situation ambivalente.
1.1.3.1. Le dictionnaire, outil didactique
Comme nous l’avons évoqué précédemment, les dictionnaires du XXe siècle
s’adressent à un public très étendu. Le dictionnaire est devenu un objet de
consommation de masse et s’est introduit dans la plupart des foyers. Ainsi la
représentation (quelque peu fantasmagorique) du locuteur idéal de la
lexicographie moderne laisse place, dans les préfaces des dictionnaires les plus
récents, à des images actualisées des destinataires.
La particularité des dictionnaires usuels en un volume, conçus en parallèle
aux grandes éditions, est de s’adresser à un public des plus élargis. Ils fournissent
à tout lecteur les instruments de pensée et d’expression les plus élaborés. Ils sont
destinés à l’ensemble de ceux qui, ayant acquis les bases élémentaires de la
langue, visent à affermir ou perfectionner leur usage du français.
PR 1977 : « Ce dictionnaire s’adresse à tous ceux à qui la langue française importe : à
ceux qui désirent la connaître mieux, qu’elle soit ou non leur langue maternelle ; à
ceux qui doivent s’exprimer en l’utilisant. » (p. IX)
GL : « Ce dictionnaire s’adresse à tous les francophones curieux de la langue qu’ils
parlent, et à tous les étrangers désireux de trouver une information précise et
détaillée sur le contenu et l’emploi des termes de la langue qu’ils apprennent à
parler. Sa visée est donc essentiellement didactique ; il a l’ambition de fournir une
réponse à ceux qui s’interrogent sur un fait de vocabulaire ou, plus généralement, de
langue. » (p. I)
De par ses objectifs et la diversité des informations qu’il donne sur les mots
de langue, le dictionnaire s’adresse à tous les locuteurs francophones, mais le
public de l’enseignement est celui qui est privilégié, qu’il soit enseignant, élève
ou apprenant.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 29
Quant au TLF, non usuel, il se distingue de tous les autres dictionnaires
contemporains observés. Eu égard aux objectifs qui sont les siens, il ne se dit
pas véritablement destiné au « grand public » :
TLF : « Du consentement assez général d'un certain public savant (notamment
d'enseignants et de chercheurs d'orientation principalement littéraire et philologique), priorité était demandée pour un dictionnaire étendu de la langue
moderne. »
En somme, l’objectif des utilisateurs du dictionnaire est double. D’une part,
ils sont à la recherche d’un matériel pédagogique qui peut répondre à leurs
interrogations sur la langue. Le dictionnaire donne des informations indiquant
à ce qui appartient ou non à la langue française, ce qui relève ou non du
système de la langue. L’utilisateur peut alors améliorer sa compétence lexicale
(par exemple en cherchant des sens inconnus d’un terme connu) et vérifier des
compétences qu’il a déjà acquises (en cherchant l’orthographe d’un mot). Le
dictionnaire joue de ce fait un rôle de normalisation : il donne à savoir ce
qu’est la langue et impose certaines formes ou sens au détriment d’autres.
D’autre part, en vérifiant l’orthographe, l’existence d’un mot ou ses circonstances d’emploi, les utilisateurs du dictionnaire cherchent également la confirmation de la représentation dichotomique qu’ils ont de la langue (bien dit vs
mal dit, correct vs incorrect, français vs pas français…), c'est-à-dire qu’ils
utilisent le dictionnaire comme instance normative langagière de référence.
Au-delà des compétences linguistiques, ils sont en quête d’une image de la
norme conforme à la représentation qu’ils en ont. C’est alors une opération de
normativisation.
Les contraintes de l’utilisation didactique du dictionnaire pèsent donc sur
l’édification de la nomenclature. C’est pourquoi le dictionnaire est à considérer
comme un discours didactique destiné à décrire des données linguistiques et à
transmettre ce que l’on définit comme des normes objectives mais aussi
subjectives11. Assumant leurs rôles de références de l’usage et de l’orthographe
dans les salles de classes, les dictionnaires doivent répondre à l’approbation de
l’institution pédagogique. Les emplois réprouvés par l’institution scolaire
Pour une présentation détaillée du concept de norme, cf. REY A., « Usages, jugements et
prescriptions linguistiques », Langue française, n° 16, 1972, p. 4-28 et FRANCOIS D., « La
notion de norme en linguistique : attitude descriptive, attitude prescriptive », in MARTINET J.,
De la théorie linguistique à l’enseignement de la langue, Paris, P.U.F., 1972, p. 153-168. Voir
aussi, entre autres, HOUDEBINE A.-M., « Norme, imaginaire linguistique et phonologie du
français contemporain », Le français moderne, n° 1, 1982, p. 42-51, et HOUDEBINE A.-M.,
« Norme et normes », Actes du colloque international de l’Université de Suceava, Suceava
(Roumanie), 1999, Limbaje si communicare IV, Éditions de l’Université de Suceava, 2000,
p. 205-211. D’autres références apparaîtront au fur et à mesure des besoins dans la suite du
chapitre.
11
30 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
trouvent ainsi difficilement droit de cité dans un dictionnaire de langue usuel.
Le dictionnaire, ouvrage institutionnel, a pour mission de véhiculer la norme
de l’institution.
1.1.3.2. Le dictionnaire, moyen de cohésion sociale
Corrélativement, les utilisateurs d’un dictionnaire sont en attente d’un
certain type de discours qui leur permet de se reconnaître comme appartenant
à la même communauté linguistique. C’est précisément ce souci de
« reconnaissance » dans la communauté linguistique qui incite le Petit Larousse
à enrichir sa nomenclature :
PL 2001 : « La langue française appartient à ceux qui la parlent, l’écrivent et
l’enrichissent de par le monde, dans les provinces de France, en Suisse, en Belgique,
au Luxembourg, au Québec, aux Antilles, en Océanie, dans l’océan Indien, en
Afrique noire, dans de nombreux pays arabes (…) La langue française est riche de
son unité mais aussi de ses variantes régionales. Si nous ne pouvions accueillir toutes
ces variantes, nous leur avons consacré néanmoins une place suffisante pour que
chacun, où qu’il soit, ait une relation de complicité avec son Petit Larousse. »
Au fond, une grande part de ce que propose le dictionnaire est déjà connue
de l’utilisateur et son intérêt réside dans cette double identification : le dictionnaire confirme la compétence de l’utilisateur (puisqu’il y trouve ce qu’il
s’attend à y trouver) et, à travers le dictionnaire, il peut se reconnaître, comme
appartenant à une communauté (linguistique). La reconnaissance des compétences individuelles permet la confirmation de l’appartenance au groupe, car
selon la formule de Martinet « rien ne peut être reconnu comme faisant partie
de la langue qui ne soit commun à plusieurs sujets »12.
En d’autres termes, l’utilisateur reconnaît (légitime) la langue décrite par le
dictionnaire en le consultant et, réciproquement, se reconnaît en elle. C’est en
quelque sorte un phénomène d’interrelation tel que le décrit Bourdieu. « Ce
qui circule sur le marché linguistique, ce n’est pas « la langue », mais des
discours stylistiquement caractérisés, à la fois du côté de la production, dans la
mesure où chaque locuteur se fait un idiolecte avec la langue commune, et du
côté de la réception, dans la mesure où chaque récepteur contribue à produire
le message qu’il perçoit et apprécie en y important tout ce qui fait son
expérience singulière et collective »13.
Cette conception de la langue décrite par le dictionnaire a des incidences,
qui ont été mises en évidence notamment par Jean Dubois14. En premier lieu, le
dictionnaire – qui se donne pour un modèle de compétence, de description de
MARTINET A., Éléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, 1970, p. 35.
BOURDIEU P., Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2001, p. 61.
14 DUBOIS J. et Cl., Introduction à la lexicographie, Paris, Larousse, 1971.
12
13
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 31
la langue elle-même – est une description de certaines des performances
verbales des sujets de la communauté linguistique. En second lieu, et c’est sans
doute le plus important pour ce qui nous occupe, il informe sur les attitudes de
ces sujets à l’égard des divers types de comportements verbaux. En effet, ses
utilisateurs doivent y trouver confirmation de leurs jugements d’acceptabilité
définissant leur appartenance à un groupe, et en cela ils créent la norme15. Si le
mot recherché n’est pas dans le dictionnaire, il ne sera pas reconnu par les
utilisateurs comme légitime (selon la formule : « ce n’est pas français puisque ce
n’est pas dans le dictionnaire »). La légitimation de formes linguistiques
implique leur normalisation et, corrélativement, l’irrégularité de certaines
autres. C’est l’un des résultats majeurs qui résulte de l’enquête sur les
représentations et les usages sociaux du dictionnaire, réalisée par Jean Claude
Combessie qui parle de « double pouvoir » de la langue, car « la langue signe
l’appartenance et dans un même acte trace la frontière, exclut, distingue »16.
Par la langue, comprise comme moyen symbolique de distinction, tout
groupe social peut se distinguer des autres, tout en s’identifiant lui-même.
Ainsi le dictionnaire permet-il la réalisation d’un triple pari : se reconnaître
soi-même, reconnaître l’autre et être reconnu. La langue du dictionnaire
constitue le cadre de référence dans lequel le comportement de l’individu
évolue et arrive à s’imposer. C’est donc précisément parce que la langue
présentée par le dictionnaire constitue une norme, régulateur linguistique et
culturel qui marque les limites d’une communauté, parce qu’elle inclut en
même temps qu’elle exclut, que les utilisateurs s’y conforment. En cela, le
dictionnaire répond aux lois propres au discours didactique liées à la
normalisation et à la convention sociale.
1.1.3.3. Le dictionnaire, produit économique
D’autres types de facteurs pèsent sur l’édification d’une nomenclature. Ils
sont strictement économiques et liés à la réalité commerciale de l’objet
dictionnaire. Pierre Corbin17 qui s’est intéressé à ce « commerce des mots » a
minutieusement décrit les divers aspects de la commercialisation des
dictionnaires. Les stratégies de marketing qui régissent l’industrie
lexicographique, loin de se limiter aux conditions d’édition, se répercutent
REY-DEBOVE J., Étude linguistique et sémiotique des dictionnaires français contemporains,
The Hague, Mouton, 1971, p. 15.
16 COMBESSIE J.-C., « Le dictionnaire : usages sociaux et qualités de la langue. Contribution
sociologique à un débat », op. cit., p. 124.
17 CORBIN P., « Le monde étrange des dictionnaires : le commerce des mots », Lexique, n° 3,
1984, p. 65-124.
15
32 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
également sur les pratiques lexicographiques. Aujourd’hui, les dictionnaires
appartiennent à un marché fortement concurrentiel et représentent des
investissements importants, ce qui n’est pas sans contraindre leurs auteurs.
Les utilisateurs du dictionnaire n’hésitent pas à faire part de leurs exigences
vis-à-vis des équipes lexicographiques, pour satisfaire tous leurs besoins :
PL 2001 : « Nous avons été sensibles aux demandes de nombreux cruciverbistes et
autres amateurs de jeux de lettres et avons rétabli pour eux, certains mots supprimés
au cours des dernières années : nous ne pouvons ignorer la fonction ludique du
langage. »
Si ces enjeux font sourire, on peut s’inquiéter des dérives liées à l’adoption
d’une attitude de plus en plus clientéliste pour faire face aux lois du marché. Le
dictionnaire devenant un produit de grande consommation, il devra sans doute
en assumer la contrepartie et répondre aux demandes des lecteurs-clients.
Dans une perspective non marchande, Alain Rey a fait les frais, en 2006, de
ce que l’on peut considérer comme une conséquence de l’appropriation
collective de l’objet dictionnaire, qui devient un véritable enjeu social. Une
vive polémique l’opposa au CRAN (Conseil Représentatif des Associations
Noires) à propos du traitement des mots colonisation et coloniser dans le PR
2007. Les associations dénonçaient les définitions jugées « positives »
présentées par le PR 18, notamment l’énoncé « coloniser un pays pour le mettre
en valeur, en exploiter les richesses ». Une véritable joute verbale par presse
interposée s’ensuivit : Alain Rey renvoyant les associations à la lecture, dans
son dictionnaire, de la définition de valeur et mise en valeur, et à la dimension
économique de ces notions – pas nécessairement positives –, et Patrick Lozes,
du CRAN, réclamant le retrait de l’ouvrage dans toutes ses éditions, et dans
toutes les librairies. Finalement, face aux pressions et aux incompréhensions,
Alain Rey admit la possibilité d’échanger, dans la prochaine version du PR, son
exemple dans l’entrée coloniser par une citation d’Aimé Césaire19, tirée du
Discours sur le colonialisme.
Cette polémique confirme l’importance de la projection d’un public cible dans
l’édification des nomenclatures. Le contenu du dictionnaire doit être en cohérence avec les attentes de ses destinataires afin de répondre à leurs besoins didactiques et d’identification socioculturelle. La langue décrite ne représente pas tous
Pour un détail de la polémique, lire les articles de Libération (5 et 7 septembre 2006), Le
Figaro (8 septembre 2006) et Le Monde (21 septembre 2006). Voir aussi le dossier présenté sur
le blog Technologie du langage de Jean Véronis (http://aixtal.blogspot.com/2006/09/lexique18
colonisation.html) et le site du CRAN (http://www.lecran.org).
La citation choisie est tirée de son discours de 1950 sur le colonialisme, il compare la
colonisation à une chosification. Cette citation – qui apparaissait auparavant à l'article sur la
"chosification" – fait partie du millier de citations d'auteurs introduites dans le dictionnaire
dans le cadre de la refonte du Petit Robert.
19
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 33
les usages de la langue mais seulement les plus attendus. En cela, elle est nécessairement un état de langue normé et, bien que la notion de « bon usage » ait
évolué, elle perdure sous une forme démocratisée dans la conception
contemporaine. Cela n’est pas sans conséquences sur les données que le dictionnaire va présenter tant d’un point de vue macrostructurel que microstructurel.
1.1.4. Le lexicographe, locuteur et citoyen idéal
Le discours lexicographique répond à une double exigence, prescriptive et stéréotypique.
1.1.4.1. Un outil prescriptif
Lors de l’édification d’une nomenclature, le lexicographe est préoccupé par un
souci d’exhaustivité lexicale, car il voudrait, d’une part, confirmer le savoir du
lecteur qui serait déçu de ne pas retrouver « ses mots à lui » et, d’autre part,
informer ce même lecteur sur les termes d’un lexique qui lui serait étranger.
L’utilisateur du dictionnaire est donc pressenti, de façon ambiguë, comme familier
du terrain de sa langue, et comme étranger d’autres territoires de la langue.
Ce positionnement équivoque reflète la distinction entre le savoir de
l’utilisateur (la langue de tous les jours) et celui du lexicographe (la langue
écrite, légitime, pour laquelle on utilise le dictionnaire). La nomenclature doit
combler ce vide, en ce qu’elle doit être un discours qui enseigne un savoir sur
la langue que ne possède pas le locuteur non spécialiste. Le lexicographe, alors
porteur d’un discours éminemment didactique, doit assumer le rôle de
« maître ». « Un bon lexicographe est le meilleur instituteur que pût avoir le
genre humain »20, et il doit donc en présenter toutes les compétences, être une
sorte de locuteur référent, de locuteur idéal, de « souverain juge »21 :
GL : « Les auteurs de ce dictionnaire se sont forgé un modèle de francophone
cultivé : il est non seulement celui qui écoute la radio et regarde la télévision, mais
aussi celui qui lit un ou plusieurs journaux quotidiens et hebdomadaires, celui qui
est abonné à une revue non spécialisée ou spécialisée, celui aussi qui suit une
chronique de langage dans un journal ; il est celui qui assiste à des spectacles,
télévisés ou sur scène, va au cinéma ; il est celui qui assiste à des congrès, suit de
près ou de loin les multiples réunions où s’exprime la vie sociale (…). Le
francophone cultivé est, par ailleurs, celui qui s’adonne à la lecture pour son
20
Bescherelle, cité par GRIMALDI E., « La formulation de la norme dans les préfaces des
grands dictionnaires de la langue française du XIXe siècle », Langues et langages : encyclopédies
et dictionnaires français, n° 3, 1993, p. 123-139.
21 BUZON C.,
« Au sujet de quelques dictionnaires monolingues français à l’école
élémentaire : compte rendu d’enquête », Études de linguistique appliquée, n° 49, 1983, p. 147.
34 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
plaisir ou pour acquérir des connaissances ; il lit des œuvres littéraires modernes
ou classiques, des ouvrages scientifiques ou de vulgarisation scientifique.» (p. I)
Alain Rey le précise dans la préface du GR (p. XXI), le lexicographe n’est pas
une seule personne, mais une équipe plurielle, chacun apportant sa propre
expérience, donnant la préférence à son usage propre parmi les usages, à sa
norme parmi les normes. Reste cependant que le discours attribué au
dictionnaire est ressenti par les utilisateurs comme celui d’un « superlocuteur », et que les réponses qu’il fournit seront comprises comme des sortes
« d’oracles » auxquels les lecteurs vont se conformer. Puisque le dictionnaire
doit enseigner, alors l’information donnée par le dictionnaire devient un ordre
à exécuter 22 (« ça s’écrit comme ça, puisque c’est le dico qui le dit », « ça ne se
dit pas, ce n’est pas dans le dictionnaire »).
TLF : « Il demeure cependant que toute communication élaborée vise à l'audience et
à l'adhésion du destinataire. Les exemples, en même temps qu'ils sont des preuves,
sont aussi des modèles possibles d'énoncés analogues ; les précisions sur les
conditions d'emploi sont aussi des limitations contraignantes à la liberté d'emploi ;
les définitions sont une incitation à la réflexion de l'usager (locuteur ou scripteur) de
la langue pour qu'à son tour, à l'imitation du lexicographe et si possible mieux que
lui, il se pénètre de l'idée qu'une langue est un système dont les éléments se font
équilibre. »
En d’autres termes, la parole du lexicographe se confond avec celle du
dictionnaire (« le dictionnaire dit que… ») et le sujet de l’énoncé de la phrase se
confond avec la langue, c'est-à-dire la loi. Le dictionnaire devient un discours
éminemment prescriptif, c’est-à-dire impératif, pour combler l’écart entre le
savoir de l’utilisateur du dictionnaire et celui du lexicographe. La consultation
du dictionnaire devient un acte d’imposition (volontaire de la part de l’utilisateur) de la langue décrite par le dictionnaire.
1.1.4.2. Dictionnaire et doxa 23
Le lexicographe doit assumer sa position ambivalente. Il est à la fois
observateur, il compile les informations, scrute les pratiques langagières, et
acteur, il décide des critères qui conditionnent les « entrées » de son dictionnaire. Le locuteur-lexicographe est le porte-parole d’une classe d’individus
dont il est lui-même membre. Il est à la fois dans la langue et dans la culture, et
en dehors de celles-ci par son activité d’observateur des pratiques langagières
communes à son milieu.
DUBOIS J., « Dictionnaire et discours didactique », Langages, n° 19, 1970, p. 41.
Au sens de Barthes qui renvoie à « l’opinion publique, l’esprit majoritaire, le consensus petitbourgeois, la voix du naturel, la violence du préjugé », BARTHES R., Mythologies, Paris, Seuil,
1957, p. 251.
22
23
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 35
GR 1985 « Aucun lexicographe n’a pu jusqu’alors opérer un tri dans le vocabulaire
scientifique et technique autrement que par référence à un type idéal qui le définit
le plus souvent par transposition du niveau de culture qui lui est propre ou qui est
commun à une équipe d’amis et d’informateurs».
Les choix arbitraires opérés par les lexicographes représentent un
compromis entre le vocabulaire plutôt exhaustif du spécialiste et le vocabulaire
limité du « locuteur lambda » (ou du public-cible). Le dictionnaire n’est pas un
magnétophone, selon l’expression d’Alain Rey, et doit certes retenir les emplois
les plus fréquents mais également ceux susceptibles de servir de modèles.
NPR 2002 : « Les exemples du lexicographe sont au contraire des énoncés tout prêts
qui sont inscrits dans sa mémoire, ce sont les phrases qu’il a lues ou entendues le
plus fréquemment. Et cette grande fréquence sélectionne l’emploi le plus attendu
du mot, un lieu commun dans un sens non péjoratif, aujourd’hui nommé
stéréotype. L’ensemble des exemples d’un dictionnaire n’est autre que ce qui se dit
le plus souvent à une époque donnée dans une langue donnée. La somme de ces
exemples et notamment la phraséologie fixe pour nous et notre postérité un état
présent de la société, de ses préoccupations et de ses valeurs. » (p. XVII)
Le dictionnaire rend compte d’une vision stéréotypique, consensuelle, de
l’univers des locuteurs. Ainsi, le discours lexicographique est-il le reflet d’un
locuteur idéal derrière lequel se cache le lexicographe, qui ne décrit pas la
langue et le monde, mais ce que l’on dit de la langue et du monde24. Le savoir
sur le monde que communique le dictionnaire ne se confond pas avec le
monde lui-même, c’est en quelque sorte une épistémè 25. Les énoncés produit
par la société sont analysés, reformulés, travaillés, triés, au regard de la norme
linguistique et culturelle, puis retransmis. Le dictionnaire sert à transmettre
des valeurs communautaires et une conception particulière du monde.
PL 77 : « Certains articles font l’objet de développements encyclopédiques
particuliers, leçons de mots et leçons de choses étant ici réunies pour que nous
nous comprenions mieux dans une large communauté langagière et que le
dictionnaire soit un lieu de découverte du monde ou de la représentation que nous
en avons, qui est également culturelle » (Préface, page non numérotée).
PL 77 : « Un dictionnaire de qualité doit nous dire le bon usage, mais aussi nous
renvoyer l’image que nous avons de nous-mêmes et du monde. »
PL 2001 : « Aujourd’hui comme hier, le Petit Larousse propose à ceux qui ont la
langue française en partage, un savoir citoyen. »
La norme linguistique, véhiculée par le dictionnaire, devient un des facteurs
fondamentaux de structuration sociale. La langue s’impose à ceux qui en font
usage comme un code social et, à ce titre, elle reflète l’organisation de la
DUBOIS J. et Cl., Introduction à la lexicographie, op. cit., p. 49.
Selon la définition de FOUCAULT M., Dits et écrits, Paris, Gallimard, 2001, vol. 1, p. 1239 :
« Ce sont tous ces phénomènes de rapport entre les sciences ou entre les différents discours
dans les divers secteurs scientifiques qui constituent ce que j’appelle épistémè d’une époque ».
24
25
36 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
communauté. Elle est, pour reprendre l’expression de Robert Galisson26, « productrice de culture », qui n’est pas produite d’avance, mais se construit à l’aide
du langage. Le dictionnaire ne renseigne donc pas seulement sur la langue, il
renseigne aussi sur l’idéologie dominante de la communauté elle-même. Il
propose un véritable « modèle d’identification »27 qui, dans la dimension la plus
prescriptive du dictionnaire, impose certaines options culturelles.
Les orientations du TLF sont extrêmement claires sur ce sujet, et montrent
que si « l’élite des voix »28 a quelque peu évolué, l’essentiel demeure :
TLF : « L'homme cultivé moderne tel que nous nous le représentons a,
sommairement, esquissé les traits suivants. En premier lieu, un fonds traditionnel et
plus ou moins sécurisant de culture humaniste, domaine privilégié d'un
enseignement scolaire qui, à tous ses degrés, en est jusqu'à ce jour fortement
imprégné ; la première place y est accordée à la connaissance de l'homme
« éternel », mais aussi, et de plus en plus, de l'homme « en situation », avec les
problèmes individuels ou collectifs que, par-delà la spécification croissante des
activités professionnelles, soulève la vie quotidienne de tous. Sur quoi vient se
greffer, également hérité de la tradition, mais plus mouvant parce que moins à l'abri
des changements sociaux, politiques ou diplomatiques, le besoin manifeste, sinon le
sens profond, d'une organisation juridique de la vie collective, garantissant à la fois
la solidité des structures de protection et la liberté de mouvement de chacun ; avec,
pour une minorité ambitieuse, l'accès rapide au pouvoir, et des chances assurées de
s'y maintenir (…). Concrètement, ce type d'homme cultivé s'incarne dans ce que
naguère on nommait les élites, mais qu'on préfère aujourd'hui appeler les cadres
supérieurs ou moyens de la société, c'est-à-dire les éléments moteurs des principaux
secteurs de la vie moderne, entourés de leurs coéquipiers associés, sans en exclure,
en les privilégiant même quelque peu, ni les écrivants et écrivains de toute espèce
qui tiennent la plume de notre culture, ni les enseignants de tous degrés qui la
mettent en forme didactique en vue de la translation des études à des masses de plus
en plus étendues. »
La position du TLF peut être interprétée comme de la néobienséance, c’està-dire comme « une stratégie de restrictions, d’inhibitions et de censure fondée
sur un idéal d’équité sociale et exercée par un micro groupe afin d’influencer la
pensée de toute la collectivité par le biais du langage et, dans son
prolongement, par le dictionnaire »29.
26
GALISSON R., « Pour un dictionnaire des mots de la culture populaire », Le français dans le
monde, n° 188, 1984, p. 59.
27
HAUSMANN F.-J., REICHMANN O., WIEGAND H.-E., ZGUSTA L., « Préface » in
HAUSSMANN et al., Wörterbücher, ein internationales Handbuch zur Lexikographie, tome 1,
Berlin, Éd. de Gruyter, 1989, p. XXV.
28 BEAUJOT J.-P., « L’ordre et le désordre. Réflexion sur la norme et les nomenclatures des
dictionnaires », Le français dans le monde, n° 169, 1982, p. 39.
29 CORMIER M., OUIMET C., BOULANGER J.-CL., « À propos de la néobienséance dans les
dictionnaires scolaires », in PRUVOST J. (ss la dir. ), Les dictionnaires de langue française,
Paris, Honoré Champion, 2001, p. 141.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 37
Plus simplement, nous parlerons d’impositions de normes et de valeurs
socioculturelles par le biais d’un objet dictionnaire qui, de ce fait, devient un
véritable moyen de relais idéologique.
GR : « Le découpage du monde, l’organisation de la pensée et de la vie culturelle,
que propose le lexicographe d’une langue naturelle, incarne et représente la totalité
de l’expérience sociale historique : ce qui est dit, écrit, nommé, exprimé, c’est tout ce
qui importe à la communauté ». (p. XLII)
Le dictionnaire se veut l’un des hauts lieux qui participent de la mémoire
d’un peuple. Le Dictionnaire culturel en langue française élaboré sous la direction d’Alain Rey en est une parfaite illustration. Nous n’avons plus alors affaire
à un dictionnaire analogique ou encyclopédique, mais plutôt à un dictionnaire
culturel et critique. Son objectif est de « conduire le lecteur des moyens
d’expression d’une langue naturelle, le français, aux concepts, aux symboles,
aux visions du monde qui s’élaborent à partir du langage dans différentes
cultures »30.
Toutes ces observations montrent que le dictionnaire, ou devrait-on dire
maintenant le discours du dictionnaire, s’articule sur deux plans : celui de
l’expression (sémasiologique : une langue, son lexique, ses usages, son vocabulaire, etc.) et celui du contenu (onomasiologique : univers exprimé, vision
parcellaire du monde).
A nouveau nous retrouvons mise en avant la double finalité du dictionnaire
monolingue :
- décrire et former une compétence supposée être celle des sujets désireux de s’approprier cette langue, autrement dit, légitimer des formes
de langue en discréditant des segments de discours,
- décrire et normaliser un état de langue, autrement dit, légitimer une
pratique langagière en lui conférant un statut de langue commune.
La première attitude relève plus spécifiquement d’un savoir linguistique sur
la langue, car elle suppose une conception théorisée de la langue qui autorise
son individuation lexicale en unités discrètes. Elle traduit une intention
linguistique, c’est-à-dire une ambition fonctionnelle, qui fait du dictionnaire
un modèle pratique d’enseignement.
La seconde attitude relève d’une intention idéologique, le fait d’enregistrer
un mot revenant à lui donner une identité culturelle, une existence dans une
réalité spatio-temporelle. C’est alors l’ambition théorique du dictionnaire qui
est pointée et qui en fait un outil de réflexion sur le(s) usage(s).
30
REY A., Dictionnaire culturel en langue française, Paris, Le Robert, 2005.
38 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
1.1.5. Le dictionnaire comme discours
S’il nous a paru important de revenir sur certains des processus sous-jacents
à l’édification des dictionnaires, c’est pour souligner l’importance qu’il peut y
avoir, dans une perspective linguistique, à considérer le dictionnaire comme un
« discours », notamment pour des études sur la notion de norme et/ou
d’usage(s), de variations, de registres ou de niveaux de langue.
Nous venons de montrer comment la nomenclature revient à être un
discours travaillé, construit à partir de l’interaction d’autres discours (la source
d’information lexicographique, les performances des locuteurs, la compétence
du locuteur idéal, le savoir lexicographique), afin d’instituer un autre discours
(normatif, normalisant) sur les discours que l’on produit. Cette base discursive
constitue, corrélativement, le terreau sur lequel les usagers d’une langue
construisent leurs propres discours.
Nous avons affaire à une sorte de processus auto-alimenté : le dictionnaire
reconfigure des mots attestés dans les discours en unités discrètes d’une langue
qui, elles-mêmes, servent de base à la création de discours. Le dictionnaire
présente un discours de la langue et un discours du monde, mais aussi un
discours sur la langue et sur le monde. C’est là la quadrature du cercle du
lexicographe : il puise dans les énoncés de locuteurs pour en faire des énoncés
types, qui serviront de modèles aux locuteurs pour alimenter d’autres de leurs
énoncés. Comme le décrit Paul Imbs, le lexicographe « remonte constamment
de la performance à la compétence, de manière à dégager les règles d’emploi
qui permettront au lecteur, à la fois de comprendre les performances d’autrui
et de générer lui-même de nouveaux énoncés selon les performances
qu’appelleront les situations dans lesquelles il se trouve hic et nunc »31. Nous
retrouvons la distinction saussurienne langue/parole selon laquelle « dans
l’histoire de toute innovation on rencontre toujours deux moments distincts :
1° celui où elle surgit chez les individus ; 2° celui où elle est devenue un fait de
langue, identique extérieurement, mais adopté par la collectivité »32 ; ou
autrement soutenue par Benveniste, selon lequel « rien n’est dans la langue qui
n’ait d’abord été dans le discours »33.
Paradoxalement, en reliant diverses productions langagières en un ensemble, la nomenclature les convertit, par un acte de dénomination, en une
langue unique, la langue française, dite commune, qui n’est, en définitive, que
IMBS P., « Les niveaux de langue dans le dictionnaire », Le français dans le monde, n° 69,
1969, p. 51.
32 SAUSSURE (de) F., Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1972, p. 139.
33 BENVENISTE E., « L’appareil formel de l’énonciation », in Problèmes de linguistique
générale, Paris, Gallimard, 1974, tome 2, p. 79-88.
31
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 39
la langue des dictionnaires. L’édification de la nomenclature aboutit en effet à
créer un processus d’homogénéisation des pratiques langagières sous la
dénomination de langue commune. « Divisé en usages différents – dans le
temps, dans l’espace, dans le tissu social – le français dans un tel ouvrage doit
exposer sa variété tout en manifestant son unité »34. Mais cette langue
commune n’est qu’une forme idéale de langue. D’une part, elle est fictive,
puisqu’elle est la conséquence de décisions lexicographiques propres à chaque
dictionnaire et, d’autre part, elle est idéale, puisque qu’il lui est impossible de
prendre en compte de façon exhaustive les différences de modes d’expressions
de tous les locuteurs du français.
Dans les faits, aucun dictionnaire ne peut prétendre décrire la langue au
sens systémique, cet objet étant celui de la linguistique. L’objectif de la
lexicographie est « de refléter partiellement la diversité des usages sociohistoriques, parmi lesquels des choix sont opérés et des hiérarchies,
partiellement objectives (statistiques portant sur les discours), partiellement
subjectives, sont établies »35. Les jugements de valeur que laissent transparaître
les dictionnaires ne tiennent pas tant à la position de leurs auteurs, qu’à la
société elle-même. Ainsi le dictionnaire a une fonction normativedescriptive36, mais doit corrélativement assumer un rôle normatif-prescriptif,
qui est notamment assuré par le système des marques d’usage.
1.2. LES MARQUES D’USAGE, UNE DISQUALIFICATION LEXICALE
Répondant à des normes socio-linguistico-culturelles, les dictionnaires
contemporains ont enrichi leur nomenclature afin de rendre compte de la
variété des usages, plus ou moins spécialisés, plus ou moins répandus.
Néanmoins, ces usages seront affublés de marques lexicographiques pour les
différencier des usages les plus ordinaires.
Nous allons montrer dans cette section comment ces marques, qui
témoignent de l’assouplissement des nomenclatures et de l’extension du
concept d’usage, contribuent paradoxalement à instituer une forte
hiérarchisation des usages au sein du lexique. Dans un premier temps, nous
sommes revenue sur les évolutions des nomenclatures. Nous avons fait
l’inventaire des marques d’usage telles qu’elles apparaissent dans les
dictionnaires contemporains, mais aussi telles qu’elles étaient conçues dans la
REY A., Préface du GR, p. XLI.
REY A., « La lexicographie française : rétrospective et perspectives », Lexique, n° 2, 1983,
p. 22.
36 DUBOIS J., « Dictionnaire et discours didactique », op. cit., p. 45.
34
35
40 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
tradition plus ancienne (§ 1.2.1). Ces résultats nous ont conduite, dans un
second temps, à mettre en avant le rôle fonctionnel qu’elles assurent au sein du
système lexical dictionnairique (§ 1.2.2).
1.2.1. De la différenciation des usages
à la formalisation du système de marques
1.2.1.1. Inscription dans la tradition lexicographique
Le système de marquage des termes en lexicographie voit le jour dans un
contexte historique et linguistique précis, celui de la fin du XVIIe siècle,
marqué par une prétention hégémonique de la nation française, tant sur le plan
politique que linguistique, que soutiendra une ambition d’unification
linguistique. C’est précisément de cette volonté d’unification des pratiques
langagières que naissent des institutions telles que l’Académie française,
destinées à préciser, à fixer la loi de la langue française « commune ». Les
marques d’usage des dictionnaires vont assumer un rôle considérable dans cette
entreprise.
« C’est dans cet estat où la Langue Françoise se trouve aujourd’huy qu’a esté
composé ce Dictionnaire ; & pour la representer dans ce mesme estat, l’Académie a
jugé qu’elle ne devoit pas y mettre les vieux mots qui sont entierement hors d’usage,
ni les termes des Arts & des Sciences qui entrent rarement dans le Discours ; Elle
s’est retranchée à la Langue commune, telle qu’elle est dans le commerce ordinaire
des honnestes gens, & telle que les Orateurs & les Poëtes l’employent ; Ce qui
comprend tout ce qui peut servir à la Noblesse & à l’Elegance du discours. » 37
Nous l’avons souligné précédemment (§ 1.1.1.2.1), la langue française du
dictionnaire de l’Académie représente une certaine idée de la culture française
et ce, sur deux plans distincts, celui du choix de la nomenclature (quels sont les
mots choisis pour figurer dans le dictionnaire) et celui du commentaire sur les
mots présentés (comment ils sont décrits). La plupart des dictionnaires du
XVIIe siècle au XIXe siècle n’échappent pas à cette entreprise normalisante et
normative qui connaîtra son apogée au XVIIIe siècle, et utilisent un système de
marquage dont l’objectif est de mettre en évidence « la faute », de séparer
l’adapté de l’inadapté, le bon goût du mauvais goût, le souhaitable de
l’intolérable. C’est certainement le Dictionnaire de l’Académie qui est le plus
représentatif de ce mouvement, avec les mentions bas, commun, familier,
grossier, vulgaire, populaire, trivial, etc. L’obsession puriste conduit à mettre
37
Cité par WIONET C., « Les marques d’usage dans la première édition du dictionnaire de
l’Académie française : contribution à une histoire des marques d’usage », Cahiers de
lexicologie, n° 84, 2004, p. 56.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 41
en place un système de marques totalement circulaire38, qui n’a d’autres objectifs que de discréditer tous les usages linguistiques qui ne correspondraient pas
au « bon usage » de Vaugelas.
D’autres lexicographes, tel Nicot dans son Thresor 39, n’hésiteront pas à
insérer dans leurs notices des commentaires faisant état de jugements
normatifs, du type : « on dit avec indignation et desdaing à quelqu’un », « fleur
que le vulgaire nomme… », opposant le « vulgaire » au « savant »40.
Bien qu’en conflit avec l’Académie, Antoine Furetière est également un
adepte de la norme, mais plutôt dans une conception fonctionnaliste. Sont
différenciées les spécificités d’usages par les mentions : « qui ne sont plus en
usage », « dans les vieilles coutumes », « en plusieurs provinces », « bas et
populaire », « bas et sale », « burlesquement et ironiquement », etc.
Le Dictionnaire critique de l’abbé Feraud (milieu du XVIIIe siècle) insistera,
par le marquage des entrées dictionnairiques, sur les « mauvais usages » dont la
marque devient une véritable indignation qui sanctionne l’insupportable, le
sauvage, le ridicule, le révoltant, le burlesque, le barbare, et même le banni des
honnêtes gens.41
Quant au Dictionnaire universel de Boiste (1800 pour la première édition)
qui souligne la volonté de l’auteur de faire preuve d’ouverture dans
l’édification de sa nomenclature, il n’échappe pas à la tradition lexicographique
et n’utilise pas moins de trente-sept marqueurs d’usage, « employés comme
discriminants d’effets de langue spécifique, comme signes désignant les
conditions discursives dans lesquelles le vocable fait sens, même si ce sens
n’appartient pas de plein droit à la légitimité morale et esthétique de la
langue »42.
Au XIXe siècle, alors que, selon l’expression de Bernard Quémada, les
lexicographes se font « secrétaires de l’usage »43 rompant avec le purisme
traditionnel et ouvrant leur nomenclature à des termes auparavant rejetés, les
« L’Académie utilise les marques bas, commun, familier, grossier, populaire, trivial, vulgaire.
Malheureusement, bas renvoie à commun, celui-ci à bas et à vulgaire, lequel ramène à
commun et à trivial, qui renvoie encore à vulgaire », GILBERT P., « Différenciations
lexicales », Le français dans le monde, n° 69, 1969, p. 46.
39 NICOT J., Thresor de la langve francoise tant ancienne que moderne, Paris, Éditions Picard,
1960.
40 Cité par REY A., « Les marques d’usage et leur mise en place dans les dictionnaires du
XVIIè siècle : le cas Furetière », Lexique, n° 9, 1990, p. 20.
41 SEGUIN J.-P., BOUVEROT D., CARON P., FOURNIER N., LANDY-HOUILLON I., « Les
marqueurs de mauvais usage dans le Dictionnaire critique de Féraud », Lexique, n° 9, 1990,
p. 133.
42 Cité par SAINT-GERAND J.-P., « Usages, emplois, stéréotypie dans les éditions du
Dictionnaire universel de Boiste », Lexique, n° 9, 1990, p. 158.
43 QUEMADA B., Les dictionnaires du français moderne 1539-1863 : étude sur leur histoire,
leurs types, leurs méthodes, op. cit., p. 197.
38
42 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
préoccupations normatives résistent. Ainsi, et principalement par nécessité
idéologique, les dictionnaires assimilent les termes spécifiques de l’argot à ceux
des classes populaires44, selon l’équation « classes laborieuses, classes
dangereuses ». Le rôle attribué à la langue est alors éminemment distinctif et
les dictionnaires, à travers les marques d’usage, en sont les principaux relais.
Tout un pan du lexique, repéré comme non conventionnel, est systématiquement considéré comme de l’argot, qu’il recouvre des termes dialectaux,
régionaux, populaires ou véritablement issus de l’argot. L’appellation « argot »
sert donc de stigmate des classes populaires et n’a qu’un seul objectif, disqualifier certains usages.
Dans la tradition lexicographique, la métalangue a d’abord produit un discours de commentaires ou de marqueurs d’usage, explicitement prescriptifs (à
l’exception peut-être du dictionnaire de Furetière), qui reflète les jugements
sur les réalisations n’appartenant pas au « bon usage ». Ce système de marquage
évoluera corrélativement à l’élargissement des nomenclatures et des stratégies
dictionnairiques qui permettront l’intégration d’usages de plus en plus variés
dans les dictionnaires contemporains, jusqu’à devenir une véritable
codification.
1.2.1.2. Élargissement des nomenclatures et diversification des usages
Les nomenclatures contemporaines sont fortement ancrées dans ce qui fait
notre culture et sont le reflet de ce qui correspond à un vocabulaire général.
Elles répondent également aux fortes orientations culturelles actuelles, de
spécialisation, de mondialisation, et elles se sont vues enrichies d’une gamme,
relativement étendue, de vocabulaires technique, scientifique et de termes
empruntés aux langues étrangères.
PL 77 : « Le développement des sciences et des techniques nous conduit à créer de
nombreux articles exclusivement terminologiques et donc encyclopédiques (…). Ils
doivent toutefois être compris par l’homme curieux de son temps. »
Le degré de spécialisation d’un terme n’est plus le principal critère qui
autorise un mot à entrer ou non dans le dictionnaire, mais plutôt le besoin
manifesté par les utilisateurs des dictionnaires, pour lesquels la connaissance de
la langue et du vocabulaire est un moyen de promotion intellectuelle et sociale.
Dans un contexte de démocratisation des savoirs, le dictionnaire évolue et
participe donc à une plus large diffusion sociale des expériences humaines.
Il décrit alors un état de langue vivant, actuel, résolument moderne et
contemporain.
44
JOLLIN-BERTOCCHI S., Les niveaux de langage, Paris, Hachette, 2003, p. 77.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 43
Dans cette perspective, il s’agit, au-delà des orientations normatives
traditionnelles, de décrire le français dans toute sa diversité : ses régionalismes,
ses archaïsmes, ses néologismes, ses niveaux de langues, etc.
NPR 2002 : « La double démarche qui, partant du bon usage actuel, revient aux
origines par l’étymologie et l’histoire, et qui conduit d’exemples neutres aux
créations des littératures de diverses époques et de divers lieux (…) manifeste assez,
à l’intérieur de l’unité incontestable et nécessaire du français, ses multiples
variations. » (p. XIII)
Nous l’avons vu, le DFC se distingue, là encore, des autres dictionnaires
monolingues contemporains, guidé par une orientation méthodologique
particulière. S’il présente des choix de nomenclature quelque peu différents, il
ne fait pas l’impasse d’un système de marquage, aussi succinct soit-il.
DFC : « Le DFC vise à présenter un état actuel du lexique usuel. En ce sens, il
contient tous les mots qui entrent dans l’usage écrit ou parlé du français le plus
habituel. On a écarté les termes qui sont restreints à des milieux professionnels
étroitement spécialisés ou qui appartiennent à une terminologie proprement
scientifique, mais on a retenu les termes techniques vulgarisés, communs dans la
presse et les conversations. Les mots, les expressions et les constructions qui ne se
rencontrent que dans la langue écrite archaïque ont été abandonnés (…) en
revanche, les formes et emplois récents, familiers ou populaires ont été enregistrés ».
(p. III)
De façon générale, le contexte est favorable à l’élargissement des nomenclatures. Les dictionnaires contemporains cherchent à enregistrer un nombre
de mots de plus en plus élevé, et s’efforcent d’informer le lecteur de certaines
caractéristiques de leur emploi. Certains usages trouvent de ce fait leur place
dans le dictionnaire alors même qu’ils ne sont pas partagés par tous et qu’ils
n’ont pas vocation à l’être.
Aujourd’hui, le dictionnaire se dote d’un système métalinguistique qui
signifie qu’au sein d’une langue commune il y a, en quelque sorte, des zones de
lexique un peu moins partagées et qui méritent d’être signalées comme telles.
Les outils lexicographiques utilisés pour signaler cette classification, cette
taxinomie, sont les marques d’usage, évoquées précédemment. Elles peuvent
être définies, comme « tout énoncé prédicatif qui formule explicitement des
indications plus ou moins impératives concernant la forme ou l’emploi d’une
entrée ou sous-entrée »45. Leur objectif principal est de permettre aux utilisateurs des dictionnaires de distinguer, parmi les mots, les usages courants et
les usages plus particuliers.
45
GLATIGNY M., « Les commentaires normatifs dans le dictionnaire monolingue », in
HAUSSMANN et al., Wörterbücher, ein internationales Handbuch zur Lexikographie, op. cit.,
p. 700.
44 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Il s’agit donc, comme le précise Wionet à propos des marques d’usage du
dictionnaire de l’Académie, de « certaines formulations qui viennent commenter sur le plan de l’usage le mot défini. La marque est d’abord un décrochage,
une sorte de parenthèse qui est le support de la voix organisatrice du dictionnaire, celle qui donne cohérence et sens au travail dictionnairique. Les
marques d’usage sont une pratique lexicographique des académiciens (…) pour
déterminer les groupes et sous-groupes linguistiques et stylistiques »46. Cette
conception, qui rompt avec une vision du lexique comme ensemble homogène
et reflète par les marques la diversité des productions linguistiques, est toujours
valable pour les dictionnaires contemporains.
1.2.1.3. Inventaire et description des marques d’usage
Il n’existe pas, dans les dictionnaires, de répertoire des marques d’usage. On
les trouve, dans certains d’entre eux, cataloguées dans les tableaux des
abréviations et figurant à la suite de la préface. Elles sont citées parmi les
indications grammaticales (v. pron., n. masc., etc.) et autres marques
typographiques utilisées dans le dictionnaire.
Les critères qui permettent l’attribution de ces marques sont :
- la fréquence : RARE (rare), COUR. (courant), INUS. (inusité), etc.
- le temps : archaïsme, VX. (vieux), VIEILLI (vieilli), NEOL. (néologisme),
MOD. (moderne), etc.
- l’espace : RÉGION. (régional, régionalisme), DIAL. (dialectal),
(belgicisme), canadiannisme, provençal, breton, etc.
BELG.
- la spécialisation (langue de spécialités) : TECHN. (technique),
(marine), BOT. (botanique), FIN. (finance), DIDACT. (didactique),
(scolaire), etc.
MAR.
SCOL.
- la société (caractéristiques socio-culturelles) : FAM. (familier), POP.
(populaire), ARG. (argotique), VULG. (vulgaire), ENFANT. (enfantin),
etc.
- les aspects pragmatiques (modalisateurs) : par amitié,
plaisanterie), IRON. (ironique), etc.
PAR PLAIS.
(par
- les aspects stylistiques ou sémantiques : LITT. (littéraire), POET.
(poétique), FIG. (figuré), PAR EXT. (par extension), PAR MÉTAPH. (par
métaphore), ABSOLT. (absolument), etc.
46
WIONET C., « Les marques d’usage dans la première édition du dictionnaire de l’Académie
française : contribution à une histoire des marques d’usage », op. cit., p. 60.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 45
Ces variables sont celles majoritairement retenues dans les écrits
lexicographiques mais elles sont sujettes à caution, dans la mesure où les
marques sont présentées par ordre alphabétique, et ne sont pas différenciées de
toutes les autres abréviations utilisées. Il revient donc au lecteur le soin de
débrouiller l’écheveau, ce qui nécessite, dans un premier temps, un repérage
des abréviations qui peuvent constituer des marques d’usage puis, dans un
second temps, une identification de la nature de chacune d’elles.
Là encore, la tâche n’est pas aisée. En effet, VULG. pourrait être considéré
bien plus comme une marque stylistique que sociolinguistique, quant à la
marque PEJ., elle pourrait marquer un aspect pragmatique autant que
stylistique. De la même façon, les spécificités sociolinguistiques et les spécificités thématiques sont parfois ambiguës, notamment pour les termes issus du
vocabulaire argotique, ce qui peut amener à confondre des marques objectives
(BOT., SCOL., MAR., MÉD.), avec des marques fortement subjectives (DIAL., ARG.,
PÉJ.). Ces difficultés de classement sont une nouvelle conséquence de l’aspect
normatif du dictionnaire. Les divers usages seront classés en référence à une
norme prise pour étalon par la position éditoriale du dictionnaire (usages plus
ou moins particuliers, répandus, acceptés) et non par rapport à des concepts
linguistiques opératoires.
En toute logique, les marques utilisées varient d’un dictionnaire à l’autre, en
tant que reflet des orientations éditoriales prises par chacun d’entre eux.
Le DFC stipule, dans la préface :
DFC : « Les niveaux de langue et les marques stylistiques (FAM.,
TRÈS FAM., POP.,
ARG. ; ou langue écrite, soignée, soutenue, littéraire, vieillie, etc.) sont indiqués avec
le plus de précision possible. » (p. V)
Pourtant, aucune de ces mentions ne fera l’objet de glose. Les différenciations entre ces marques apparaissent assez malaisées, d’autant que ce sont
des catégories dont les spécificités ne sont pas établies (on peut se demander
quelles sont les caractéristiques de la langue littéraire, de la langue soignée et
celles de la langue écrite). En tout état de cause, le DFC s’avère peu explicite
dans sa préface sur sa conception de la norme, et les marques utilisées, dans
leur diversité, ne permettent pas d’éclaircir le propos métalinguistique.
La très longue préface du TLF n’accorde pas de paragraphe à ces questions
de registres ou de niveaux de langue. Il est simplement stipulé que l’éviction de
corpus oraux a eu pour conséquence de priver la nomenclature du dictionnaire
« des manières de parler propres au discours familier ou populaire », et dans le
paragraphe destiné à la polysémie, il sera simplement question de
« connotations stylistiques ».
46 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Le GL ne donne aucune indication autres que celles figurant dans la préface
et cite simplement les marques d’usage usitées dans un récapitulatif des
abréviations.
GL : « Si les formes ou les emplois ont disparu, le Grand Larousse de la langue
française, contrairement à la conception de Littré, les marque comme sortis de la
langue vivante par les signes vx., class. Les emplois qui sont trop aberrants par
rapport à la langue commune en usage aujourd’hui sont signalés comme littéraire
(littér.) ou encore, poétique (poét.). Il en est de même pour ceux qui s’éloignent du
niveau moyen de langue de l’homme cultivé et qui sont marqués du signe fam.
(familier), pop. (populaire), triv. (trivial). » (p. II)
Le PL présente deux listes : une très longue liste de « rubriques » (BOT., FIN.,
MÉD., etc.) qui permet de préciser très finement le domaine d’un terme technique, puis une liste d’« abréviations et signes conventionnels » parmi lesquels
de nombreuses marques géographiques (ALL., ÉGYPT., NÉERL., etc.). Se mêlent à
ces abréviations les marques d’usage, dont certaines font l’objet d’une glose. Les
marques les plus fréquentes sont reproduites, telles qu’elles figurent dans le PL,
dans le tableau 1 ci-après :
ANC.
ancien ; anciennement (signale un mot dont l’emploi n’est ni vieux ni
vieilli, mais qui désigne une réalité aujourd’hui disparue ou devenue rare :
aumônière)
DIDACT.
didactique (mot employé le plus fréquemment dans des situations de
communication impliquant la transmission d’un savoir : dual )
FAM.
familier ; familièrement
INJUR.
injurieux (mot employé pour blesser ou pour nuire à la réputation de qqn :
vendu,e)
LITT.
littéraire (mot que l’on rencontre surtout dans les écrits : brasiller)
PÉJOR.
péjoratif, péjorativement (mot qui indique le mépris dans lequel est tenu
qqn ou qqch : clientélisme)
SOUT.
soutenu (mot employé dans les relations sociales réglées par des
conventions et produisant un effet de sérieux ou d’élégance :
superfétatoire)
TRÈS FAM.
très familier ; très familièrement (mot grossier, parfois injurieux : conneau)
VIEILLI
vieilli (mot qui tend à sortir de l’usage, mais qui reste compris de la plupart
des locuteurs : indéfrisable)
VULG.
vulgaire ; vulgairement (signale un mot renvoyant à une réalité frappée de
tabou, le plus souvent d’ordre sexuel ou excrémentiel : chaude pisse)
VX.
vieux (mot qui n’est généralement plus compris ni employé : accordaille)
Voir ANC. et VIEILLI.
Tableau 1 : Extraits de la liste des abréviations du PL
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 47
C’est finalement le PR (et plus largement les dictionnaires des éditions
Robert) qui développe le plus la question, proposant dans sa préface une
section complète sur « La langue, les styles, les usages » :
PR 1977 : « On trouve dans le Petit Robert avant la définition de nombreux mots,
sens ou expressions, une « marque d’usage » qui précise la valeur d’emploi, soit dans
le temps (VX : vieux ; VIEILLI), soit dans l’espace (RÉGION. : régional ), soit dans la
société (FAM. : familier, c’est-à-dire courant dans la langue parlée ordinaire et dans la
langue écrite un peu trop libre ; POP. : populaire, c’est-à-dire courant dans les
milieux populaires des villes, mais réprouvé ou évité par l’ensemble de la
bourgeoisie cultivée), par la fréquence (RARE : peu employé dans l’ensemble des
usages, sans que l’on puisse parler d’abandon comme un mot vieux.) (…) Dans la
majorité des cas, la nature de l’emploi est donnée. Ainsi didact. (didactique) signifie
que l’emploi d’un mot, normal dans un traité, un cours, ne le serait pas dans la
conversation courante ; SC. (sciences) ou les abréviations des divers noms de
sciences (PHYSIOL., MÉD., CHIM., BOT., etc.) ont la même valeur mais restreignent
l’usage normal d’un mot à un domaine précis.» (p. XVII)
Cette description sera complétée par les indications – non systématiques –
figurant dans le tableau des abréviations (voir tableau 2 ci-après, les marques
d’usage les plus fréquentes telles qu’elles sont présentées dans le NPR ). Mais là
encore, rien n’est véritablement stipulé quant aux critères utilisés pour décider
de l’étalonnage du lexique.
ABUSIVT.
abusivement : emploi très critiquable, parfois faux-sens ou solécisme
ANCIENNT.
anciennement : présente un mot ou un sens courant qui désigne une chose
du passé disparue. Ne pas confondre avec VX. , avec HIST.
ANGLIC.
anglicisme : mot anglais de quelque provenance qu’il soit, employé en
français et critiqué comme emprunt abusif et inutile (les mots anglais
employés depuis longtemps et normalement en français ne sont pas
précédés de cette marque)
ANTIPHR.
(par) antiphrase : en exprimant par ironie l’opposé de ce qu’on veut dire
ARG.
mot d’argot, emploi argotique limité à un milieu particulier, surtout
professionnel, mais inconnu du grand public ; ARG. FAM. : mot d’argot passé
dans le langage familier ; argotique. Ne pas confondre avec POP. ou FAM.
COUR.
courant : insiste sur le fait qu’un sens, un emploi est connu et employé de
tous, quand le mot est d’apparence savante ou quand les autres sens sont
techniques, savants, etc. ; PLUS COUR. : plus courant que d’autres sens euxmêmes courants ; ou relativement plus courant que les autres – sans être très
courant dans l’absolu
DÉNIGR.
dénigrement (PAR DÉNIGR. : par dénigrement présente un mot ou un emploi
péjoratif, injurieux) voir PÉJ.
DIAL.
1° dialecte
2° dialectal : qualifie un mot ou emploi provenant d’un dialecte, d’un patois,
et qui n’est pas employé comme un mot français général et n’appartient pas
à l’usage bourgeois, urbain (à la différence de RÉGION.)
48 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
DIDAC.
didactique : mot ou emploi qui n’existe que dans la langue savante (ouvrages
pédagogiques, etc.) et non dans la langue parlée ordinaire
ENFANT.
langage enfantin, mot, expression du langage des jeunes enfants, mais que
les adultes peuvent également employer en s’adressant à eux ou par emploi
stylistique
ou LANG.
ENFANTIN
FAM.
familier (usage parlé et même écrit de la langue quotidienne : conversation,
etc. mais ne s’emploierait pas dans des circonstances solennelles ; concerne
la situation de discours et non l’appartenance sociale, à la différence de
POP.)
FIG.
sens issu d’une image (valeur abstraite correspondant à un sens concret)
INUS.
inusité : emploi qui est extrêmement rare ou non attesté hors des
dictionnaires
IRON.
ironique, ironiquement, pour se moquer, souvent par antiphrase
LITTÉR.
1° terme des études littéraires (HIST. LITTÉR. : terme d’histoire littéraire)
2° littéraire : désigne un mot qui n’est pas d’usage familier, qui s’emploie
surtout dans la langue écrite élégante. Ce mot a généralement des
synonymes d’emploi plus courant
MOD.
moderne (insiste sur le fait qu’un sens, un emploi est d’usage actuel, quand
le sens précédent ou les emplois voisins sont vieux, abandonnés)
NÉOL.
néologisme : mot nouveau relevé ou entendu depuis peu de temps
PÉJ.
péjoratif ; péjorativement (employé avec mépris, en mauvaise part, sans que
le sens l’indique expressément)
POP.
populaire : qualifie un mot ou un sens courant dans la langue parlée des
milieux populaires - souvent argot ancien répandu - qui ne s’emploierait pas
dans un milieu social élevé). A distinguer de FAM. qui concerne une
situation de communication
RARE
mot qui dans son usage particulier (il peut être didactique, technique, etc.)
n’est employé qu’exceptionnellement
RECOMM.
recommandation (RECOMM. OFFIC. : terme ou expression approuvés ou
recommandés par arrêté ministériel, en application de décrets relatifs à
l’enrichissement de la langue française)
RÉGION.
régional (mot ou emploi particulier au français parlé dans une ou plusieurs
régions [France, pays francophones], mais qui n’est pas d’usage général ou
qui est senti comme propre à une région). A distinguer de DIAL.
VIEILLI
mot, sens ou expression encore compréhensible de nos jours, mais qui ne
s’emploie plus naturellement dans la langue parlée courante
VULG.
vulgaire : mot, sens ou emploi choquant le plus souvent lié à la sexualité et à
la violence, qu’on ne peut employer dans un discours soucieux de courtoisie,
quelle que soit la classe sociale
VX.
vieux (mot, sens ou emploi de l’ancienne langue, incompréhensible ou peu
compréhensible de nos jours et jamais employé, sauf par effet de style :
archaïsme). Ne pas confondre avec ANCIENNT.
Tableau 2 : Extraits de la liste des abréviations du NPR
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 49
De cet inventaire il ressort que les critères qui fondent la norme et, par
induction, les pratiques lexicographiques ne sont pour autant que rarement
exposés. Les lexicographes se contentent majoritairement de citer leur
taxinomie, sans plus de précisions ni d’explications sur les termes choisis et sur
les conditions d’attribution d’une marque.
C’est le constat que fait Alain Rey dans la préface du dictionnaire qu’il dirige :
GR : « Il va de soi que cette notation généralisée des valeurs d’emploi est délicate et
sujette à contestation : certains pourront trouver courants des termes que nous
aurons considérés comme techniques ou scientifiques, d’autres emploieront encore
(ou auront l’impression d’employer) des mots notés comme vieillis. Dans d’autres
cas, il est impossible de décider si un nom d’animal ou de plante est savant ou
courant, régional ou général : cela dépend des situations de communication, du
caractère familier de la chose et non plus du mot. » (p. XLI)
Ce sont des imprécisions notionnelles qui conduisent les lexicographes et les
linguistes à manipuler des sortes de coquilles presque vides que chacun
finalement remplit à sa guise, de façon relativement arbitraire et intuitive, à
partir « d’interprétations présumées du lecteur, soumises à une tradition peu
critiquée, [qui] donnent à ces marques un caractère partiellement fictif et
arbitraire »47.
Si les exigences normatives contemporaines ne sont plus aussi catégoriques
qu’elles l’étaient dans la lexicographie moderne, les marques d’usage
continuent à assurer un rôle de marqueur, de compartimentage du lexique.
Alors que dans la tradition lexicographique elles étaient explicitement
présentées comme des commentaires prescriptifs, elles apparaissent aujourd’hui
dans une dimension davantage descriptive. On peut néanmoins se demander si
le fait d’apposer une marque sur cette diversité n’induit pas des effets quelque
peu paradoxaux. En effet, il s’agit de légitimer l’existence de mots dans la
langue en fonction de leur situation d’emploi, de leur donner force de loi et
donc, à l’inverse, d’en écarter d’autres48. En arrière plan de la volonté
descriptive affichée, se maintient un effet discriminant. Cet effet distinctif et
excluant apparaît d’autant plus avec les marques à forte implication sociale.
1.2.2. Lexique marqué vs lexique non marqué
La justification que les lexicographes donnent dans leur préface de la présence de ces marques d’usage relève certes de la volonté d’étendre la nomenclature à des usages plus courants, mais elle révèle surtout l’utilité corrélative
47
REY A., « Les marques d’usage et leur mise en place dans les dictionnaires du XVIIè siècle »,
op. cit., p. 17.
48 DUBOIS J. et Cl., Introduction à la lexicographie, op. cit., p. 51.
50 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
de pourvoir ces termes d’indications permettant d’en réguler, ou réglementer,
l’emploi.
PR 77 : « On ne dira pas je me barre, je me taille, ou je mets les bouts dans une
réunion mondaine ou une séance de l’Académie française ; on ne dira pas plus
permettez que je me retire, en sortant d’un magasin d’alimentation ; mais je m’en
vais, je dois m’en aller seront possibles dans les deux cas. Or, ces diverses
expressions, d’après leurs définitions, risquent d’être considérées équivalentes pour
un étranger. » (p. XVII)
Le marquage des termes a donc pour fonction d’orienter, si ce n’est de
contraindre, les usagers à respecter des normes socioculturelles bien plus que
linguistiques. Il agit en véritable « censure »49. La langue standard devient alors
norme linguistique, c'est-à-dire « visée unitaire qui sous-tend les jugements
dominants de la société en matière de langage, et qui tend à masquer la variété
des usages, à contrôler la pluralité déviante des discours »50.
1.2.2.1. Marques d’usage et hiérarchisation du lexique
Claude Vargas propose une classification du lexique qui rend compte de
l’ordonnancement hiérarchique du lexique, formalisé par les marques d’usage.
Il différencie, dans une perspective plus générale :
- les mots à existence sociale légale (intégrés au dictionnaire et non
marqués),
- les mots qui possèdent une existence légale mais non sociale (intégrés
au dictionnaire mais dont les conditions d’emploi(s) sont précisées
par une marque d’usage),
- les mots sans existence légale (qui existent dans le discours mais que
le dictionnaire refuse).
Il fait ainsi correspondre les mots à existence légale au code commun qu’il
définit comme le référent permettant de déterminer la communauté
linguistique, qui n’échappe évidemment pas aux tensions sociales 51, ce que
nous avons appelé la langue du dictionnaire, souvent définie comme « langue
commune ». Autrement dit, bien qu’intégrées au dictionnaire, certaines
réalisations sont jugées non conformes.
GIRARDIN C., « Contenu, usage social et interdits dans le dictionnaire », Langue française,
n° 43, 1979, p. 96.
50 REY A., « Norme et dictionnaires », in BÉDARD E., MAURAIS J. (ss la dir.), La norme
linguistique, Conseil de la Langue française du Québec et éditions Le Robert, Québec/Paris,
1983, p. 565.
51 VARGAS C., « Norme(s) et nomenclature », Langues et langages : Encyclopédies et
dictionnaires français, n° 3, 1993, p. 39.
49
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 51
Elles se voient alors affublées d’une ou plusieurs marques d’usage qui les
déterminent selon :
- leur statut par rapport à la langue commune de communication
(TECHN., MÉD., RÉGION., etc.)
- leur degré d’intégration dans l’usage commun (ARCHAÏSME,
NÉOL., etc.)
- leur place dans la hiérarchie socio-langagière (LITTÉR.,
ARG., VULG., etc.).
VIEILLI,
FAM., POP.,
De ce fait « le discours lexicographique n’est pas neutre, il véhicule un
contenu culturel, il émet des jugements de condamnation ou de valorisation
qui s’expriment par rapport à une norme linguistique et culturelle qui prend
pour référence l’univers langagier de la culture dominante »52. Le système des
marques d’usage induit une sorte de hiérarchie du lexique au sein de la langue
commune décrite par le dictionnaire entre une part du lexique non marquée, et
une autre part marquée. Puis, au sein même de ce stock de lexique marqué, une
hiérarchie liée à ce que l’on appelle la « culture dominante » s’impose de fait :
les mots marqués TECHN. seront beaucoup moins « condamnés » que les mots
marqués ARG., en raison des valeurs sociales attachées à chacun de ces
domaines. D’un point de vue terminologique, on parlera de langue
dictionnairique standard afin de caractériser le stock des entrées non marquées,
normées, qui se constitue en opposition à cette part de la nomenclature qui est
affublée d’une marque d’usage. La langue standard lexicographique est donc la
part du lexique que le dictionnaire impose comme référence conventionnelle,
« neutre ».
Précisons que la culture dominante, servant de norme-étalon, ne correspond
pas véritablement à un point zéro, neutre. Les dictionnaires ne font d’ailleurs
pas état de marques telles que « BOURG. » pour bourgeois, et seul le PL propose
la marque SOUT. pour soutenu (nous reviendrons sur ces questions au § 5.1.2).
Autrement dit, « la norme est souvent confondue avec le haut de la hiérarchie,
par l’absence de marquage des étages supérieurs du lexique, ce qui tend à les
privilégier »53.
GR : « D’une manière générale, l’absence de ces marques devant un mot ou un sens
signifie que ce mot, ce sens, sont d’emploi normal pour une personne cultivée ».
(p. XLI)
Les emplois « normaux » sont en réalité « normatifs », puisque tout ce qui
n’est pas marqué ne correspond pas pour autant à un usage commun, partagé et
compris par tous les locuteurs du français. Prenons au hasard une double page
52
GIRARDIN C. « Système de marques et connotations sociales dans quelques dictionnaires
culturels français », Lexicographica, n° 3, 1987, p. 76.
53 AUTHIER J., MEUNIER A., « Norme, grammaticalité et niveaux de langue », Langue
française, n° 16, 1972, p. 59.
52 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
du PR 2002, de l’entrée après à arabica. On y trouve, parmi d’autres : aprioriste,
apsara, aquafortiste, aquamanile, aquanaute, aquatinte, aquavit, aquazole,
aquifère. Aucune de ces entrées ne fait l’objet d’une marque, pour autant elles
n’apparaissent pas faire partie d’un vocabulaire commun, fréquent, disponible
ou non spécialisé. L’absence de marque signifie donc la conformité à la norme
et leur présence, un signe de restriction d’emploi. Les usages non marqués sont
considérés comme socialement et linguistiquement supérieurs aux autres.
Le système de marque d’usage, corrélatif à l’ouverture des nomenclatures
dans les dictionnaires contemporains, fonctionne comme avertissement donné
au lecteur sur la particularité des usages et donc les discrimine. C’est la
pratique lexicographique qui fixe la (les) marque(s) distinctive(s), permettant la
catégorisation des mots du lexique et les inscrit dans une dynamique
prescriptive ; « si ces indices n’avaient qu’une valeur sociale, ils pourraient être
seulement descriptif, mais ils impliquent en fait un jugement d’exclusion par
rapport aux comportements verbaux admis »54.
On peut alors soutenir que c’est par le discours métalinguistique que le
dictionnaire établit un clivage entre des éléments lexicaux plus ou moins
légitimes et légitimés socialement. En effet, si les marques d’usage sont la
conséquence d’une volonté taxinomique du lexique et d’une nécessaire visée
descriptive, elles véhiculent des jugements de nature sociale portés sur la
norme et les usages55.
1.2.2.2. La marque comme jugement sur la langue
Depuis Labov56, on reconnaît la communauté comme un ensemble de
locuteurs employant des formes différentes, mais partageant les mêmes normes
quant à la langue. Le système de marquage, qui ne peut pas être compris
comme un simple outil lexicographique, se fait le reflet des évaluations que les
locuteurs portent sur leur langue. Ces derniers attribuent une signification
sociale aux réalisations langagières et, de façon plus ou moins raisonnée, les
classent les unes au regard des autres, ce dont les marques d’usage rendent
compte.
NPR 2002 : « Refusant l’autocensure d’une norme rigoureuse – il incombe au
Dictionnaire de l’Académie française de remplir ce rôle – le Nouveau Petit
Robert se devait de noter pour son lecteur les valeurs sociales d’emploi des
mots et des sens. » (p. XIII)
DUBOIS J. et Cl., Introduction à la lexicographie, op. cit., p. 101.
REY A., « Les marques d’usage et leur mise en place dans les dictionnaires du XVIIè siècle »,
op. cit., p. 19.
56 LABOV W., Sociolinguistique, Paris, Éditions de Minuit, 1976, p. 228.
54
55
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 53
Les marques d’usage prennent alors la valeur de « symptôme social » que le
dictionnaire apprend à diagnostiquer. Elles ne prétendent pas traduire le jugement du lexicographe, mais un jugement social majoritaire, tel qu’il est
appréhendé par le lexicographe57. L’attribution d’une marque à un terme est
davantage guidée par les représentations qu’ont les locuteurs des divers usages,
que fondée sur des considérations linguistiques. On pourrait considérer ces
marques comme la formalisation d’une tension entre des variétés d’usage et un
idéal linguistique selon le concept développé par Aziza Boucherit58. Elles
doivent donc être comprises comme des « écarts » par rapport à des normes
évaluatives. L’ambivalence des utilisateurs face au dictionnaire s’illustre à
nouveau ici : d’une part, ils désirent trouver leurs usages – y compris les plus
particuliers – et, d’autre part, ils exigent du dictionnaire qu’il rende compte du
jugement social porté sur ces mêmes usages, par toute la communauté
linguistique.
Le lexicographe devient alors un législateur par procuration qui porte des
jugements de valeur sur l’usage linguistique et qui, sous couvert d’objectivité
(d’une expression complète du monde social par la prise en compte des écarts
par rapport à la norme), sanctionne certaines réalisations par une forme
implicite de rejet, opposant des mots à « demi absence » à des mots à « super
présence »59. C’est à travers le discours métalinguistique des marques d’usage
que le dictionnaire établit un clivage entre des éléments lexicaux plus ou moins
« légitimes », car les marques d’usage à fortes implications sociales ne qualifient
pas, mais disqualifient60. Les dictionnaires se font les relais d’une approche
dualiste opposant un registre « non marqué » à des registres « marqués »,
approche qui, de fait, ne prend pas en compte la diversité des combinaisons
possibles de ce que Bourdieu appelle « les différentes classes d’habitus
linguistiques et de marchés » 61.
Quoi qu’il en soit, nous soutenons que le système de marquage des termes,
s’il doit être optimisé, est une condition nécessaire à l’activité de la lexicographie contemporaine. Comme Alain Rey, nous pensons que « cette méthode
est indispensable à la perfection des dictionnaires, et apporte à l’usager, surtout
étranger, des renseignements aussi précieux que le sens ou les constructions
d’un mot » 62. Cette position est également soutenue par Michel Glatigny qui
57
REY A., « Création lexicale, dictionnaire et norme », in SCHÖNI G., BRONCKART J.-P.,
PERRENOUD P. (ss la dir.), La langue est-elle gouvernable ? Normes et activités langagières,
Neuchâtel-Paris, Delachaux et Niestle, 1988, p. 66.
58 BOUCHERIT A., « Norme, représentation, idéal, imaginaire linguistique ? », in HOUDEBINE
A.-M., L’imaginaire linguistique, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 25-35.
59 D’ORIA D., Dictionnaire et idéologie, Paris, Nizet, 1988, p. 27.
60 DUBOIS J. et Cl., Introduction à la lexicographie, op. cit., p. 50.
61 BOURDIEU P., Ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982.
62 Préface du GR.
54 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
rappelle que « si imparfaite soit-elle, l’utilisation des marques d’usage est le seul
moyen de faire entrer dans des ouvrages, éminemment normatifs, – les
dictionnaires – des unités lexicales qui ne correspondent pas à « la » norme
idéale, unifiée, sacralisée »63. Elles sont la condition pour que certaines unités
lexicales en usage, puissent prendre place au sein des nomenclatures.
De fait, les contraintes que supporte l’activité lexicographique sont liées
autant à la matière sur laquelle les équipes travaillent – la langue, mouvante et
insaisissable, en perpétuel changement – qu’au rapport qu’entretiennent les
usagers de la langue avec les dictionnaires. Nous l’avons vu, le dictionnaire se
veut miroir et modèle de nos pratiques langagières et, à ce titre, il ne peut être
que normatif. Les difficultés que nous mettons en avant à propos du marquage
des termes proviennent de ce que « la norme n’existe pas, sinon comme
contrainte voulue par ceux qui la définissent telle à leur convenance et à leur
profit : la norme est socioculturelle, elle est donc plurielle »64. Et c’est de cet
embarrassant référent que doivent s’accommoder les lexicographes.
Si la nomenclature des dictionnaires s’est enrichie d’un certain nombre
d’acceptions auparavant rejetées, il n’en reste pas moins que les marques
d’usage instaurent un véritable codage des significations. Le degré de légitimité
posé par le dictionnaire, caractérisé par la présence ou l’absence d’une marque
d’usage, établit une structuration hiérarchique du lexique entre ce que l’on
peut appeler le « lexique marqué » et le « lexique non marqué ». Cette
dichotomie est renforcée par l’assimilation ou la confusion lexicographique des
marques qui permet d’en entretenir la stigmatisation. Les vocabulaires
populaire, familier, argotique, vieux, ou régionaux ont ceci de commun qu’ils
sont en bordure de la norme, à la marge, et que cette caractéristique commune
suffit à les déterminer. Ce n’est pas parce que les grands clivages traditionnels
s’estompent (beau langage vs bas langage), que les termes dits « inférieurs » se
voient revalorisés ; et s’ils sont aujourd’hui intégrés aux nomenclatures des
dictionnaires, ils ne sont présentés que dans leur « écart frappant » à la
normalité65, c’est-à-dire selon la conformité ou la non-conformité à une part du
63
GLATIGNY M., « Les marques d’usage dans les dictionnaires français monolingues », in
PRUVOST J., Les dictionnaires de langue, méthodes et contenus, Actes du Colloque : La
journée des dictionnaires-1994, Cergy Pontoise, Centre de recherche Texte/Histoire, 1995,
p. 61.
64 BEAUJOT J.-P., « L’ordre et le désordre. Réflexion sur la norme et les nomenclatures des
dictionnaires », op. cit., p. 42.
65 « Wie alle Phänomene lassen sich auch die sprachlichen phänomene einteilen in Zonen
einerseits der Normalität, des unauffälligen Durchschnitts und andererseits der auffälligen
Abweichung von der Normalität », HAUSSMANN F.-J., « Die Markierung im allgemeinen
einssprachigen Wörterbuch : ein Übersicht », in HAUSSMANN et al., Wörterbücher, ein
internationales Handbuch zur Lexikographie, op. cit., p. 649.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 55
lexique non marqué que l’on qualifiera de conventionnel, de normé, de
standard.
Cependant, les lexicographes ne sont pas seuls à achopper sur les notions de
normes et d’usages. La catégorisation des unités lexicales selon la place qu’elles
occupent dans la hiérarchie socio-langagière est également le souci de la
linguistique et de la sociolinguistique, à travers les notions de registre et niveau
de langue. Là encore, les contenus conceptuels s’avèrent difficiles à manipuler.
1.3. LES NOTIONS DE REGISTRE ET NIVEAU DE LANGUE
Rivarol soutenait que « les styles sont classés dans notre langue comme les
sujets dans notre monarchie »66. Cette conception de la variété des usages et des
usagers, notamment relayée par les pratiques lexicographiques modernes, a
considérablement évolué au dernier siècle, au gré des progrès sociaux. La
notion de « bon usage » se redéfinit en termes d’usages au pluriel, c’est-à-dire
de situations de discours, de genres, de spécifications sociales. Les médias et la
scolarisation ont favorisé l’expansion de la norme en dehors de la couche
sociale qui la représentait habituellement, ce qui a formé peu à peu un système
qualitatif indépendant de la stratification sociale. Aussi, depuis les cinquante
dernières années, la notion de registre et de niveau de langue, représente avant
tout des obligations socioculturelles adaptées aux différentes situations de
communication. Le « bon » registre n’est plus celui de la norme, mais celui le
plus adapté à une situation donnée.
Néanmoins, il est impossible d’aborder la norme ex nihilo, ce qui n’est pas
sans conséquence sur les analyses linguistiques. Il apparaît difficile, même à
l’observateur linguiste, de se départir d’un point de vue normatif sur les
réalisations langagières. Nous allons montrer dans cette section les difficultés
de représenter une organisation du lexique neutralisée. Puis nous présenterons
le modèle de Paul Rivenc qui pourrait servir de base à une réflexion davantage
descriptive, complétée par l’apport de la sociolinguistique dans l’approche de la
variété lexicale.
66
De l’universalité de la langue française, 1782.
56 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
1.3.1. Différenciations linguistiques et différenciations sociales
1.3.1.1. Une conception qualitative des usages
La notion de niveau de langue a émergé dans les années cinquante, dans le
champ de la stylistique comparée, autour de l’École « de la Bibliothèque de
stylistique comparée » dirigée par Alfred Malblanc, afin de résoudre les problèmes suscités par la traduction. Cette notion est également exploitée par le
mouvement de renouvellement pédagogique de langue maternelle des années
soixante. Ces origines expliqueraient finalement qu’elle soit bien plus discutée
par les didacticiens des langues que par les linguistes, notamment autour de la
revue Le français dans le monde 67.
Que ce soit dans les manuels scolaires ou les ouvrages très généraux de
linguistique, on a coutume de présenter la notion de registre ou niveau de
langue par des listes ouvertes du type : soutenu, courant, argotique, familier,
populaire, vulgaire, archaïque, etc. Il faut comprendre ces termes comme des
niveaux qualitatifs, organisés les uns par rapport aux autres, dans un système
dont le noyau est la norme. Bien que répondant à une conception
contemporaine des notions de norme et d’usage, ces listes peuvent apparaître
comme une simple adaptation de la conception tripartite du lexique des
rhéteurs grecs qui avaient coutume de considérer trois catégories : le bas, le
médiocre, le sublime.
Aujourd’hui encore une représentation très hiérarchique des différentes aires
lexicales est véhiculée, avec une tendance à regrouper sous l’intitulé de « langue
relâchée » des réalités aussi diverses que la « langue populaire », « la langue
familière », « l’argot », et même le « français commun », considérant qu’elles ne
font plus tout à fait partie de la norme prescriptive. Ces modèles ressemblent,
peu ou prou, à celui que propose Bodo Müller68, et se réduisent à un étalonnage
du lexique à partir d’une catégorie de lexique, la norme, non définie donc
probablement consensuelle, mais établie sur des critères qui sont tus.
STOURDZE C., COLLET-HASSAN M., « Les niveaux de langue », Le français dans le monde,
n° 65, 1969, p. 18-21 ; LEON P. R., « Aspects phonostylistiques des niveaux de langue », Le
français dans le monde, n° 58, 1968, p. 68-73 ; BESSE H., « La norme, les registres, et
l’apprentissage », Le français dans le monde, n° 121, 1976, p. 24-30 ; CHEVALIER J.-C.,
« Registres et niveaux de langue : les problèmes posés par l’enseignement des structures
interrogatives », Le français dans le monde, n° 69, 1969, p. 35-41 ; GILBERT P.,
« Différenciations lexicales », op. cit., p. 41-47, etc.
68 MULLER B., Le français d’aujourd’hui, Paris, Klincksieck, 1985, p. 226.
67
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 57
français cultivé
ou français soigné
NORME
ou français usuel,
commun
français courant
français familier
français populaire
ou français relâché
français vulgaire ou
argotique
Figure 1 : Organisation du lexique selon Bodo Müller
Dans ce modèle, la norme (ou niveau zéro) se situe qualitativement entre le
français cultivé et le français courant et elle participe des deux niveaux. Le
français cultivé représente une supernorme, alors que le français argotique, le
français populaire, le français familier, et la plus grande partie du lexique qui
constitue le français courant sont représentés comme inférieurs au niveau zéro.
L’utilisation de cette schématisation, si elle rend compte (par les pointillés) de
la perméabilité des limites entre les diverses variétés, perpétue aussi l’idée que
des sous-variétés relativement homogènes co-existent à côté d’une langue
standard, selon une structure stable et cohérente.
Certains modèles tentent de faire évoluer cette conception très ordonnée,
relativement linéaire, au profit de regroupements plus souples, ou au contraire
plus précis. Stourdzé et Collet-Hassan69 proposent un classement
multidimensionnel que nous retenons aux fins de discussion parce qu’il est
encore aujourd’hui très souvent cité en référence à propos de la variation
lexicale :
69
STOURDZE C., COLLET-HASSAN M., « Les niveaux de langue », op. cit., p. 42.
58 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Langue
Langue
contemporaine
classique
Langue
Langue
populaire
littéraire
BON USAGE
Langue
familière
Langue
Langue courante
Parlée
soignée
Écrite
Figure 2 : Organisation du lexique selon Stourdzé et Collet-Hassan
Ce modèle intègre des sous-niveaux au bon usage qu’il ne réserve pas à la
langue soignée, prend en compte une dimension diachronique (influence de la
langue classique sur la langue contemporaine) et reconnaît les influences
(représentées par les flèches) des diverses catégories entre elles. Cependant,
dans l’explication donnée de cette schématisation dès le premier paragraphe de
l’article, la présentation de l’opposition langue populaire/langue littéraire laisse
penser que les auteures n’échappent pas aux conceptions traditionnelles
fortement normalisantes des usages de la langue. En effet, elles indiquent
qu’ « une langue populaire, parlée naturellement par certaines couches sociales,
formées en gros par les Français qui n’ont pas fait d’études secondaires,
constitue un instrument de communication dans lequel formes et
constructions grammaticales en particulier ne semblent obéir à aucune norme :
il suffit que l’interlocuteur paraisse avoir compris le message ». Plus loin, ce
jugement est confirmé par l’opposition entre une manière instinctive de
s’exprimer et une autre, élaborée, décrite comme « une manière différente qui
peut parfois sembler spontanée mais dont la simplicité apparente, fruit d’un
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 59
élan créateur, certes, est aussi bien souvent, l’aboutissement d’une longue
élaboration : toute belle page écrite en langue littéraire appartient donc au
domaine de la création artistique »70.
Un lien corrélatif entre niveau social des locuteurs et qualité de langue est
ainsi clairement établi, aboutissant à assimiler la description des pratiques à des
jugements sociaux portés sur la langue. La notion de niveau de langue est donc
indissociable de celle de niveau social, et les pratiques linguistiques se voient
mécaniquement associées aux pratiques sociales. On retrouve ainsi l’opposition
faite entre « parlure bourgeoise » vs « parlure vulgaire », établie par Damourette
et Pichon dès le début du XXe siècle71. Le lexique serait alors étalonné sur un
axe dont les extrémités représentent d’une part la langue parlée, instinctive,
hors norme, apanage des classes populaires à capital culturel réduit, et de
l’autre, une langue écrite, travaillée, reflet d’une élaboration culturelle et
sociale. Ceci fait écho aux notions de « code restreint » et de « code élaboré »72,
le premier étant décrit en opposition négative au second. Si nous poussons la
logique à son paroxysme, nous aurions d’un côté un état naturel de langue et,
de l’autre, un état culturel de langue, correspondant chacun à un état social.
La réalité tend à complexifier un peu les choses et à les rendre beaucoup
moins systématiques. Aussi, sans remettre en cause le fait qu’il existe des usages
en étroite relation avec le milieu social des locuteurs, nous nous permettons de
critiquer cette image cloisonnée et cloisonnante des locuteurs et de leurs
pratiques donnée par ces modèles subjectifs – et non linguistiques –, souvent
fondés sur des préjugés manichéens et sur un « désordre méthodologique ».73
Précisons qu’à l’instar de nombreux autres auteurs qui se sont essayés à ce
type de classement74, Sourdzé et Collet-Hassan semblent elles-mêmes tout à
fait conscientes des imperfections de leur proposition, de l’arbitraire d’un
tableau statique qui tente de refléter le caractère dynamique de la langue et du
côté artisanal et subjectif du classement des exemples qui ne repose sur aucune
donnée scientifique.
Cette confusion entre description linguistique et jugements de valeur
aboutit – à moins qu’elle n’en soit la conséquence – à une approximation
STOURDZE C., COLLET-HASSAN M., « Les niveaux de langue », op. cit., p. 19.
DAMOURETTE J., PICHON E., Des mots à la pensée : essai de grammaire de la langue
française, tome 1, Paris, Ed. d’Artrey, 1987, p. 50.
72 BERNSTEIN B., Langage et classes sociales, Paris, Éditions de Minuit, 1975.
73 Nous renvoyons, pour une étude davantage argumentée du modèle de Stourdzé, à
CORBIN P., « ‘Niveaux de langue’ : pèlerinage chez un archétype », Bulletin du Centre
d’analyse du discours, n° 4, 1980, p. 325-354.
74 CAPUT J.-P., La langue française, histoire d’une institution, tome 2, Paris, Larousse, 1975,
p. 257 ; GENOUVRIER E., DESIRAT C., HORDE T., Nouveau dictionnaire des synonymes,
Paris, Larousse, 1977, p. 9 ; etc.
70
71
60 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
terminologique ; les notions de registre ou de niveau font ainsi l’objet de
définitions largement insuffisantes dans la littérature qu’elle soit destinée au
grand public ou spécialisée75. Nous avons choisi d’observer, comme
symptômatiques de ces manquements conceptuels, les gloses des termes
registre, niveau et style, dans les ouvrages généralistes de langue ou de
linguistique.
1.3.1.2. Des notions imprécises
Les définitions présentées par des dictionnaires de langue font rarement
mention de spécificités linguistiques liées à ces termes, alors même qu’ils sont
utilisés dans leur préface comme concepts opérateurs. A nouveau, les
dictionnaires dirigés par Alain Rey s’avèrent les plus précis sur la question.
D’après le Grand Robert :
- REGISTRE : « Ling. Caractère des discours, par rapport à la
communication et à ses variations sociales. Registres de langue. Niveau. Un registre familier, soutenu. Les marques FAM., POP., style
soutenu, didact., techn., etc. correspondent en général à des registres
d'usage ».
- NIVEAU : « Ling. Niveaux de langue : actualisations, selon les
caractéristiques d'un usage déterminé, d'une langue, d'après la
situation de communication, les possibilités et les intentions du
locuteur, manifestées par des stratégies de discours. Les niveaux de
langue, comme les registres et les styles, sont variables suivant le
niveau social, culturel, de ceux qui parlent ».
- STYLE : « Ling. Aspect de l'énoncé qui résulte du choix des moyens
d'expression déterminé par la nature et les intentions du sujet parlant
ou écrivant. » (Guiraud, La Stylistique, p. 109). - REM. Cette
définition très large permet de réunir les conceptions du style,
souvent très différentes, qui se sont fait jour en stylistique ; elle étend
la notion de style au-delà du domaine littéraire. – Discours ».
La confusion entre les termes registre, niveau et style est importante. Alors
que la notion de registre est présentée comme synonyme de celle de niveau
dans la première définition, elle est relativisée par la formulation de la seconde
définition. Quant au style, il se caractérise principalement par le fait qu’il
relève d’un choix du locuteur de faire varier son expression, plus ou moins
consciemment, plus ou moins volontairement, de façon plus ou moins
raisonnée, sans qu’il ne soit pourtant fait mention d’un rapprochement avec le
75
Elles n’apparaissent en propre ni chez Saussure, ni chez Bally, même s’ils utilisent les termes
de « milieu » ou « situation ».
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 61
registre. En d’autres termes, les trois notions semblent liées et se faire écho,
mais rien n’est dit précisément sur la nature de ce qui les lie et les différencie.
Ce sont sensiblement les mêmes indications confuses que l’on retrouve dans
le Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage de Larousse76 :
- REGISTRE : « Les registres de la parole sont les utilisations que
chaque sujet parlant fait des niveaux de langue existant dans l’usage
social d’une langue (familier, populaire, soutenu, etc.) »
- NIVEAU : « Dans une langue donnée, on constate que certains
usages apparaissent surtout dans des milieux sociaux déterminés et
d’autres dans d’autres milieux ou pour référence avec eux (…). Les
niveaux de langue sont donc liés à la différenciation sociale en classes
ou en groupes de divers types : ce sont des registres
sociolinguistiques d’une même langue (…). Quelles que soient les
situations linguistiques, on retrouve toujours au moins les niveaux
suivants : une langue soutenue, qui tend à ressembler au parler
cultivé, utilisé par la classe qui jouit du prestige intellectuel, une
langue courante ou commune, qui tend à suivre les usages du parler
populaire. »
- STYLE : « Le style, que l’époque classique défini comme un je-nesais-quoi, est la marque de l’individualité du sujet dans le discours :
notion fondamentale, fortement idéologique, qu’il appartient à la
stylistique d’épurer pour en faire un concept opératoire et la faire
passer de l’intuition au savoir (…). Le style relève de la parole, il est
« le choix fait par les usagers dans tous les comportements de la
langue » (Cressot). Que ce choix soit « conscient et délibéré », ou une
simple déviation, le style réside dans l’écart entre la parole
individuelle et la langue. »
Là encore, le style, au-delà de la prudence du rédacteur, est défini comme
un choix, le choix du locuteur de se saisir de « tous les comportements de
langue », c’est-à-dire de la possibilité que la langue donne au locuteur de
choisir un ou plusieurs registres ou niveaux de langue, pour s’exprimer. Cette
dimension de choix semble également déterminer la notion de registre et de
niveau. Il est remarquable que cette indifférenciation entre le terme de registre
et de niveau (que l’on retrouve dans la définition de niveau et dans l’expression
tous les comportements de langue ), amalgame des critères aussi différents que
l’appartenance sociale du locuteur ou la situation de communication dans
laquelle il se trouve. L’approximation et la confusion de ces définitions tendent
76
DUBOIS J., GIACOMO M., GUESPIN L., et al., Dictionnaire de linguistique et des sciences
du langage, Larousse, Paris, 1994.
62 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
à représenter une conception normative de la variété lexicale, que l’on
retrouve dans l’assimilation entre langue commune et langue populaire.
Dans le dictionnaire de Ducrot et Todorov77, les termes de registre et niveau
sont absents de l’index de la première édition. Dans la seconde version, l’item
registre de langue apparaît dans le chapitre traitant du style dans la phrase :
« Les disponibilités se cristallisent souvent en de véritables sous-codes
linguistiques : c’est le cas par exemple des registres de la langue, c’est-à-dire des
niveaux stylistiques qui sont à la disposition des locuteurs afin de leur
permettre de moduler leur message selon les circonstances »78. Cette définition
s’avère très peu éclairante. Les notions de registre, style et niveau ne sont
l’objet d’aucune différenciation.
Nous avons choisi de ne répertorier que quelques ouvrages dont les propos
sont emblématiques de ce que nous avons pu lire. Les insuffisances des
définitions examinées confirment que les critères utilisés pour définir et
contraster les variétés lexicales ne sont pas toujours opératoires. Pourtant,
certains auteurs ont essayé de mettre de l’ordre dans ces concepts, notamment
à partir d’observations sociolinguistiques.
1.3.1.3. Le secours de la sociolinguistique
Les définitions que nous venons de présenter tendent, de façon plus ou
moins explicite, à considérer la notion de niveau/registre de langue comme
systématiquement dépendante de la différenciation sociale. Nous retrouvons
les mêmes orientations que celles rappelées précédemment à partir du modèle
de Stourdzé et Collet-Hassan, selon lesquelles, par un raccourci idéologique,
toute variation, quelle que soit sa nature, est jugée comme un écart, une
déviation ; cet écart est assimilé à une non-maîtrise de la norme et,
corrélativement, à un marquage social du locuteur.
Marcel Cohen ironise sur ce tour de passe-passe et dénonce le cercle vicieux
dans lequel s’installent les linguistes. Il propose une mise en situation : « Voici
(…) les paroles explicites et circonstanciées d’un bourgeois de métier
intellectuel (non universitaire) : des fois, cas typique du ‘français de classe’.
Dans mon monde, celui ou celle qui dit des fois est immédiatement ‘classé’ ou
plutôt ‘déclassé’ et étiqueté comme d’origine ‘populaire’. Si on demande :
DUCROT O., TODOROV T., Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris,
Seuil, 1972.
78 DUCROT O., SCHAEFFER J.-M., Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du
langage, Paris, Seuil, 1995, p. 654.
77
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 63
Qu’est-ce que le peuple ? Et bien, justement, tous ceux qui disent des fois au
lieu de parfois de manière habituelle et sans y mettre un ton ironique. Telle est
la règle, non écrite, mais d’autant plus impérieuse de la ‘bonne société’. Quant
à quelquefois qu’il arriverait c’est le langage des chiffonniers et des marchandes
de quatre saisons. »79
La norme se définit par opposition déductive. Un mot, une expression, une
construction syntaxique seront considérés comme populaires précisément
parce qu’employés par un locuteur d’origine populaire ; ce dernier est reconnu
comme d’origine populaire parce qu’il a des réalisations linguistiques dites
populaires. Il n’y a donc aucune possibilité pour ce dernier de se sur-classer.
L’origine sociale est indépassable, puisqu’elle est le point d’ancrage de la
catégorisation des usages linguistiques. Ainsi, peut-on considérer que les
variables sociolinguistiques n’ont pas de valeur intrinsèque, « leur valeur sociodifférentielle, sur un marché donné, ne leur advient que d’une co-occurrence
systématique avec d’autres traits et propriétés sociales. Marques classantes, elles
ne sont classées que par leur association régulière à des sujets sociaux euxmêmes classés »80.
Dans la même perspective, Denise François81 indique que la hiérarchisation
du lexique, dont on rend compte à travers la notion de niveaux de langue,
consiste à étager les usages, du meilleur au pire, du bien au mal parler, en se
fondant, en dernière analyse, sur une hiérarchie des classes sociales conçue
comme inaliénable. On pointe alors le handicap des locuteurs issus de milieux
défavorisés, sans jamais justifier les raisons qui permettent de privilégier une
forme de langage par rapport à une autre. La notion de niveau de langue
instaure en quelque sorte une surnorme selon laquelle « les tendances
unificatrices – inévitables – aboutissent à dénier toute existence aux tendances
diversificatrices – elles aussi inévitables. »82
La norme, c’est-à-dire l’usage de référence, est déterminée par un processus
selon lequel on identifie au normal le degré supérieur de l’échelle
sociolinguistique, en outrepassant les données objectives et statistiques.
COHEN M., Toujours des regards sur la langue française, Paris, Éditions sociales, 1970,
p. 311.
80 LAKS B., « Langage et pratiques sociales », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 46,
1983, p. 82.
81 FRANCOIS D., « Sur la variété des usages linguistiques chez les adultes », La Pensée, n° 190,
1976, p. 65.
82 FRANCOIS F., L’enseignement et la diversité des grammaires, Paris, Hachette, 1974 et
« Analyse linguistique, normes scolaires et différentiations socioculturelles », Langages, n° 59,
1980, p. 29.
79
64 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Afin de pallier cette assimilation discriminante, Jean-Marcel Paquette83,
dans le sillon de Michael Halliday84 ou encore de Peter Trudgill85, propose
l’abandon du terme de « niveau de langue », dans la mesure où il n’a pu, suite à
une recherche historique, voire archéologique, sur la notion, en dégager une
pertinence. Il en conclut que la hiérarchisation des niveaux n’est que le résultat
d’une opération idéologique qui ne résiste pas à l’observation empirique si l’on
garde à l’esprit que chacun de ses éléments constitutifs n’est que variation.
D’où la proposition qu’il fait, après bien d’autres86, de remplacer, pour mieux
rendre compte de la réalité, le terme de niveau par celui, plus neutre, de
registre. Ce dernier offre, selon lui, l’avantage de contenir tout ce que
contenait déjà celui de niveau, tout en évacuant ce qui, dans ce dernier,
n’appartient pas à l’opération linguistique elle-même.
Mais cette position terminologique fait débat. En effet, l’origine anglosaxonne du terme registre conduit certains autres chercheurs, notamment
Françoise Gadet87, à lui préférer celui de niveau, plus « français », estimant en
outre non recevable l’argument selon lequel le registre enlèverait la dimension
intrinsèque de hiérarchisation de niveau.
D’autres préfèrent y substituer la notion de code, de pluralité de codes, la
hiérarchisation des codes ne pouvant relever que de l’impossible (ou du
dogmatisme)88.
Ces observations montrent que les réactions normatives dépendent de la
définition implicite que l’on se donne de la norme : « plus celle-ci est unifiée et
limitée, plus elle est éloignée des tendances effectives de l’évolution structurale
(phonétique, morphologique, syntaxique), et plus le réflexe puriste est
violent »89. Il ne s’agit donc pas de refuser la norme mais de pouvoir en
comprendre l’élaboration et d’en décrire les fonctionnements, par une analyse
scientifique. Les études qui s’inscrivent dans cette orientation proposent des
modèles d’organisation du lexique plus descriptifs, tendant vers une conception
davantage neutralisée.
83
PAQUETTE J.-M., « Procès de normalisation et niveaux/registres de langue », in BÉDARD
E., MAURAIS J. (ss la dir.), La norme linguistique, op. cit., p. 368.
84 HALLIDAY M., Language as Social Semiotic, London, University Park Press, 1978.
85 TRUDGILL P., Sociolinguistics : an introduction to language and society, London, Penguin,
2000.
86 BOURQUIN G., « Niveaux, aspects et registres de langue », Linguistics, n° 13, 1965, p. 5-15.
87 GADET F., « Niveaux de langue et variation intrinsèque », Palimpsestes, n° 10, 1996, p. 21 et
« Cette dimension de variation que l’on ne sait nommer », Sociolinguistica, n° 12, 1998, p. 5371.
88 NESPOULOUS J.-L., BORRELL A., « De la diversité des usages linguistiques. Quelle(s)
langue(s) enseigner ? », Les langues modernes, n° 71, 1979, p. 266.
89 REY A., « Usages, jugements et prescriptions linguistiques », op. cit., p. 25.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 65
1.3.2. Vers une approche multidimensionnelle du lexique
Certains auteurs remettent en question le modèle traditionnel hiérarchique du
lexique et proposent des conceptions radicalement différentes de sa structuration.
1.3.2.1. La norme comme moyenne quantitative
C’est le cas de Paul Rivenc90, qui présente un modèle dont l’organisation est
fondée sur l’usage. Bien que relativement ancienne, et assez peu exploitée,
cette conception apparaît comme une représentation alternative des registres
ou niveaux de langue, bien plus linguistique et objective que celles précédemment présentées. Nous en reproduisons la schématisation ci-après.
Figure 3 : Le lexique comme un soleil
90
RIVENC P., « Lexique et langue parlée », in RIGAULT A. (ss la dir.), La grammaire du
français parlé, Paris, Hachette, 1971, p. 65.
66 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
L’étude de Rivenc se construit sur la base des matériaux recueillis au cours
de l’enquête réalisée sur des productions orales par Georges Gougenheim, entre
1951 et 1954, pour l’édification du Français fondamental. Ces données le
conduisent à proposer une organisation du lexique, comme un soleil dit-il,
c’est-à-dire appelant la métaphore du rayonnement et non plus celle
d’étagement, d’échelle (figure faisant écho à l’arc en ciel proposé par Alfons
Pilorz91). Il met en évidence différentes aires lexicales représentant divers
degrés de disponibilité du lexique. Ce degré de disponibilité n’est pas à
confondre avec la fréquence, il s’agit selon l’auteur, d’une « mobilité plus ou
moins rapide des mots disponibles dans notre mémoire, en réponse à un
stimulus donné ». C’est une conception du lexique fondée sur une analyse
quantitative et non pas qualitative :
Au centre, un noyau des mots fréquents, correspondant aux mots que les
locuteurs ont tendance à employer constamment, quelles que soient les
circonstances de l’acte de parole. Ils sont communs à tous les locuteurs de la
même communauté linguistique. C’est le lexique commun fondamental
fréquent, représentant environ 1 000 mots (zone concentrique ).
Puis vient l’aire des mots qualifiés de disponibles par Gougenheim et
Michéa : ce sont des mots à fréquence faible et peu stable, qui sont cependant
des mots usuels et utiles. Ils sont également communs à toutes les catégories
des locuteurs mais leur apparition dans le discours dépend de la situation, des
circonstances de la communication (zone concentrique
).
Ce lexique, disponible à chaque locuteur, s’organiserait autour de centres
d’intérêt (de champs notionnels déterminés) représentés par des excroissances
qui partent de la surface du noyau, de plus ou moins grandes dimensions. Ce
sont diverses zones du lexique plus ou moins spécialisées, mais communes à
tout locuteur (excroissance A, B, C, D). À la base, près du noyau commun, ces
zones s’entremêlent pour dessiner des zones de mots communs à plusieurs
domaines spécialisés. Par exemple : le mot chaise qui a un degré de
disponibilité élevé, donc au plus proche de la zone concentrique , apparaît à
la fois dans le champ notionnel des meubles (pouvant correspondre à
l’excroissance A) et dans celui de la cuisine et de la classe (excroissance B et C
par exemple). Autrement dit, plus le degré de disponibilité des termes est élevé
(et donc situé proche de la zone ), plus il est disponible à plusieurs centres
d’intérêts à la fois (d’où la juxtaposition des excroissances à la base). A l’inverse,
plus on s’éloigne de la base, plus les centres d’intérêt se dissocient, et plus le
lexique se spécialise, certains mots désignant des notions communes mais non
partagées par tous les locuteurs.
PILORZ A., « Notion de niveau de langue et analyse du style », Actas del XIe Congreso
Internacional de lingüistica y filologica romanicas, Actas I, Madrid, 1968, p. 359.
91
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 67
Au-delà de ces lexiques communs et généraux, il faut distinguer l’aire des
lexiques généraux d’orientation scientifique et celle des lexiques spécialisés
(zones concentriques
et
), qui se différencient essentiellement
selon l’expérience professionnelle et culturelle du locuteur. De la première
(zone
), partent également des excroissances (1, 2, 3), dans lesquelles le
lexique se répartit comme expliqué précédemment. On trouvera, aux pointes
de ces excroissances, les zones du lexique très spécifique, appartenant à une
seule science, parfois même à une seule technique. Quant à la toute extrémité,
elle correspond à la tumultueuse région des néologismes.
Paul Rivenc précise que « naturellement, les limites de ces différentes aires
lexicales, de même que leurs effectifs, ne peuvent être qu’arbitraires : elles
varient sur le plan de la langue en fonction de son évolution diachronique, et
sur le plan du discours en fonction du sujet parlant, et de son expérience
propre au sein de la communauté linguistique à laquelle il appartient »92.
Rivenc situe à l’extrémité extérieure des excroissances A, B, C, D (c'est-àdire à la base des excroissances 1, 2 et 3), les zones désignant des notions
communes mais à des niveaux de langue qui ne sont pas partagés par tous les
locuteurs (langue populaire et argot). En revanche, il localise à la base des
excroissances A, B, C, D, c'est-à-dire très proche du cercle du lexique commun
fondamental, les zones des niveaux de langue communs à tous les locuteurs
(standard, familière, très familière).
Les apports de ce modèle à la notion de registre, de niveau de langue et pour
le lexique dans son ensemble, sont nombreux. Il implique, d’une part, que tous
les sujets parlants d’une même communauté linguistique possèdent en
commun – au moins potentiellement – le lexique disponible et, d’autre part,
que seuls quelques spécialistes accèdent à des zones du lexique spécialisé.
Évidemment, et c’est là que la métaphore du rayonnement prend pleinement
sens, tous les degrés de spécialisation sont possibles. Toutes les spécialisations
sont possibles. Paul Rivenc considère que les zones de registres, selon sa
terminologie, se situeraient à la base des excroissances A, B, C, D et les zones
du lexique populaire ou argotique à la pointe. La variation stylistique, c’est-àdire les variétés lexicales disponibles en fonction de la situation de
communication, serait plutôt proche du lexique commun fondamental
fréquent, alors que la variation socioculturelle tendrait à plus de spécialisation,
donc de différenciation.
La pertinence de ce modèle est indéniable. Il n’est plus question ici de
hiérarchie, mais bien d’un continuum et, qui plus est, d’un continuum de
spécialisation. La norme, au sens de moyenne, est le lexique fondamental
92
RIVENC P., « Lexique et langue parlée », op. cit., p.62.
68 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
commun à tous les locuteurs et, plus on s’éloigne de la norme, plus on accède à
des zones de lexiques différenciées. La variable est donc la disponibilité du
lexique et non plus la position sociale du locuteur.
Ce modèle ne prend cependant pas en compte la dimension dynamique du
fonctionnement du langage ; or cette dimension est nécessaire pour examiner
plus profondément la question des registres et des niveaux de langue. C’est la
sociolinguistique qui, après les rhétoriciens et les pédagogues, va s’intéresser à
ces problématiques dans la mesure où elles relèvent des pratiques langagières
autant que de la structuration du langage.
1.3.2.2. L’architecture variationniste
Ainsi, des concepts originaux issus des théories variationnistes vont émerger
afin de pallier les errements liés à une conception hiérarchique de la
structuration du lexique. Françoise Gadet93, notamment, propose une
description du lexique selon plusieurs dimensions organisées autour d’un
centre neutre : la dimension diachronique, diatopique, diastratique et
diaphasique. Ces multiples axes de variation permettent de rendre compte des
diverses réalités des pratiques langagières et des champs distincts sur lesquels
s’appuient les notions de registre et de niveau.
Il s’agit de considérer :
- la diversité dans le temps (diachronie), relative aux changements
plus ou moins rapides que connaît toute langue, quelles que soient
les caractéristiques historiques et sociales de la société dans laquelle
elle est parlée ;
- la diversité dans l’espace, géographique ou régionale (diatopie),
relative aux différents usages parlés sur une certaine étendue
géographique ;
- la diversité sociale (diastratie), relative aux variations d’expression
existant à une même époque, et dans une même région, pour des
locuteurs qui différent par des caractéristiques démographiques et
sociales ;
- la diversité stylistique ou situationnelle (diaphasie), relative au
répertoire diversifié dont dispose chaque locuteur, quelle que soit sa
situation sociale, pour faire varier son expression, selon la situation
où il se trouve, les protagonistes, la sphère d’activité et les objectifs
de l’échange.
93
GADET F., Le français ordinaire, Paris, Armand Colin, 1989, p. 9.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 69
Il est possible d’ajouter, comme sous-catégorie de la diversité diaphasique :
- la diversité technique (diatechnique) : relative au vocabulaire plus ou
moins spécialisé utilisé dans des milieux notamment professionnels.
Ces dimensions de variation sont relayées par les lexicologues94 mais ne sont
pas systématiquement reprises par la lexicographie. Pourtant, il semble qu’elles
permettent d’opérer un classement plus opératoire des marques d’usage :
-
marques diachroniques (VX., VIEILLI, NÉOL., etc.),
marques diatopiques (RÉGIONAL., DIAL., BRET., etc.),
marques diastratiques (POP., ENFANT., VERLAN, etc.),
marques stylistiques ou situationnelles (FAM., LITT.,
TECHN., etc.).
SOUT., ARG.,
Cette catégorisation fait écho à celle proposée par Alain Rey, en
chronolecte, sociolecte, topolecte et technolecte95. Déjà, Jean Nicot96 mentionnait un classement de ce type (marques temporelles, spatiolinguistiques,
socioprofessionnelles, stylistiques, quantitatives) sans pour autant expliciter sa
catégorisation. C’est probablement Haussmann97 qui a le plus affiné cette
répartition, en distinguant onze catégories dans lesquelles peuvent être classées
les marques d’usage. Ce macromodèle n’est pas parfait, notamment parce qu’il
reprend l’idée d’organisation par étagement, non plus par rapport à une norme
linguistique (le bon usage) mais par rapport à une norme sociale (la conscience
linguistique des locuteurs), ce qui finalement, comme nous l’avons vu au début
de ce chapitre, ne semble pas si éloigné. Néanmoins, il a l’intérêt de faire le lien
entre les marques d’usage et les conditions d’énonciation, et donc de montrer
que les différentes marques d’usage assument un statut lui-même très différent.
Au-delà de son apport lexicographique, l’intérêt de la taxinomie de Gadet
réside dans le fait qu’elle permet de dissocier les variations linguistiques
« corrélables » des classes sociales, et les variations linguistiques identifiées à
des situations de communication. On parlera alors d’axe vertical pour la
dimension diastratique, reflet de la valeur hiérarchique que la communauté
94
CORBIN P., « Les marques stylistiques/diastratiques dans le dictionnaire monolingue », in
HAUSSMANN et al., Wörterbücher, ein internationales Handbuch zur Lexikographie, op. cit.,
p. 673-680 ; BOULANGER J.-C., « L’aménagement des marques d’usage technolectales dans les
dictionnaires généraux bilingues », in PRUVOST J. (ss la dir.), Les dictionnaires de langue
française, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 247-263 ; GLATIGNY M., « Les marques d’usage
dans les dictionnaires français monolingues du XIXe siècle », Lexicographica, Series maior 91,
Tübinger, Max Niemeyer Verlag, 1998.
95 REY A., « Norme et dictionnaires », in La norme linguistique, op. cit., p. 541-570.
96 NICOT J., Thresor de la langve francoise tant ancienne que moderne, op. cit.
97 HAUSSMANN F.J., « Die Markierung im allgemeinen einssprachigen Wörterbuch: ein
Übersicht », in HAUSSMANN et al., Wörterbücher, ein internationales Handbuch zur
Lexikographie, op. cit., p. 649-657.
70 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
linguistique donne aux formes langagières, sur un continuum distinguant un
niveau cultivé (ou bourgeois), un niveau moyen (neutre, normé), et un niveau
populaire (bas, vulgaire). L’axe horizontal, diaphasique, se fait l’écho de
l’éventail des activités humaines, non hiérarchisées a priori, qui requièrent une
façon adéquate de s’exprimer (littéraire, standard, familière). C’est avec cette
dernière variation, exclusivement, que sera confondue la notion de style dans
cette taxinomie. Autrement dit, on ne parle de style ou de variation stylistique
que lorsqu’on est dans un choix, plus ou moins volontaire certes, mais non pas
dans un conditionnement sociolinguistique.
Niveaux (conditionnement socioculturel)
Registres (conditionnement situationnel)
Figure 4 : Axes des registres et niveaux de langue
La distinction entre la variation inter-locuteur et la variation intraindividuelle a deux avantages :
- elle permet de contrevenir à l’assimilation traditionnellement faite
entre niveau de langue et niveau social, donc de différencier les
usages socialement marqués des usages stylistiques ;
- elle permet de refléter la réalité selon laquelle il n’y pas de locuteur à
style unique, les locuteurs faisant varier leur expression selon la
situation de communication98.
Il devient alors possible d’envisager linguistiquement que chaque locuteur,
quels que soient son appartenance sociale et ses référents culturels, puisse faire
varier son expression. Ainsi Seguin et Teillard99, en observant leurs élèves
d’une cité défavorisée de la banlieue parisienne, confirment – s’il fallait le
98
« Some informant show a much wider range of style shifting than others, but every speaker
we have encountered shows a shift of some linguistic variables as the social context and topic
change », LABOV W., « The Study of Language in its Social Context », Studium Generale,
n° 23, 1970, p. 30.
99 SEGUIN B., TEILLARD F., Les céfrans parlent aux français, Paris, Calmann-Lévy, 1996,
p. 81.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 71
faire – que les enfants des Courtillières s’expriment de différentes manières
selon leurs interlocuteurs et qu’ils ont tout à fait conscience de la plasticité de
leurs usages. La dimension diastratique reflète les caractéristiques socioculturelles du locuteur, alors que tous ses niveaux font l’objet d’un procès de
normalisation (partant du postulat, en particulier développé par Labov, selon
lequel tout groupe social met en place des normes linguistiques qui servent
d’identification au groupe). Il existe bien une norme du « parler bourgeois » ou
« cultivé » et une norme du « parler populaire » (réalité envisagée très
diversement, notamment par Pierre Guiraud, Claire Blanche-Benveniste,
Denise François, Pierre Bourdieu, etc.).
Chaque locuteur peut faire varier (sur l’axe diaphasique) son expression par
rapport à la norme qui régit le registre/niveau diastratique dans lequel il
s’exprime habituellement. Il faut alors pouvoir envisager qu’il existe une façon
plus ou moins familière, plus ou moins standard, ou plus ou moins soutenue,
de parler populaire et donc également de parler la norme. On peut alors faire
l’hypothèse que le « populaire soutenu » n’est pas différent du « standard ».
La question de l’appartenance sociale des locuteurs usant de ces potentialités
linguistiques fait débat et mériterait une enquête spécifique qui, à notre
connaissance, n’a pas encore été réalisée. Il semble néanmoins que la variation
situationnelle, stylistique, soit plus observable dans les milieux sociaux
favorisés. C’est la position soutenue par Guy Bourquin pour lequel « plus le
niveau socioculturel est placé haut dans la hiérarchie des niveaux, plus
l’éventail des registres tend à s’ouvrir et se nuancer »100. En effet, les modes
conversationnels diversifiés incitent à l’utilisation de plus de potentialités
qu’offre la langue : plus un locuteur aura l’occasion d’avoir des échanges divers,
plus il va s’initier au-delà du modèle qu’il utilise habituellement, et manipulera
davantage les possibilités qui lui sont proposées. Ceci semble d’autant plus
observable que la manipulation pertinente des variables diaphasiques nécessite
une certaine connaissance des normes linguistiques et une bonne maîtrise des
règles qui font le jeu social. Une étude plus fine de la réalité pourrait nous
confirmer ces observations.
Dans ce contexte, s’il y avait une position terminologique à prendre – et elle
fut proposée à plusieurs reprises101 –, la plus éclairante serait sans doute d’identifier la dimension diastratique à celle des niveaux de langue (axe vertical) et la
BOURQUIN G., « Niveaux, aspects et registres de langue », op. cit., p. 9.
MOLINIE G., La stylistique, Paris, P.U.F., 1989, p. 60 ; JOLLIN-BERTOCCHI S., Les niveaux
de langage, op. cit. ; etc.
100
101
72 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
dimension diaphasique à celle des registres, amplitude dont dispose chaque
locuteur, quel que soit son niveau d’expression quotidien (axe horizontal).
1.3.2.3 Diaphasique, diastratique : une relation d’imbrication
Ces manifestations ne sont pas aussi aisément catégorisables. Les critères de
classement entre registre diaphasique d’un côté et niveau diastratique de
l’autre, sont très difficiles à mettre en évidence car d’une part, cette notion de
niveau n’est pas linguistiquement inscrite en langue et d’autre part, les plans
linguistique (globalement rattaché au diaphasique) et extralinguistique
(globalement rattaché au diastratique) représentent bien plus un continuum
que des domaines spécifiquement délimités.
D’ordinaire lorsque l’on parle de niveau, on fait surtout référence à des
critères extérieurs à la langue en excluant la part la plus subtile de la notion,
alors qu’il n’y pas véritablement d’imperméabilité entre les domaines
diaphasique et diastratique. En effet, ce que l’on appelle français populaire ou
français avancé est finalement pratiqué, à des degrés divers, par une grande
partie des locuteurs francophones. Il n’est pas uniquement le reflet d’un
conditionnement social dans les couches inférieures, voire moyennes, en
raison de l’absence de suivi d’études supérieures. Il peut également indiquer le
cadre d’une utilisation spontanée, quotidienne et ponctuelle de la langue,
quelle que soit l’appartenance sociale du locuteur. Ainsi, pourrait-on parler
d’un « français relâché, commun à l’ensemble de la collectivité, mais qui,
historiquement, tire en très grande partie sa forme de son origine
populaire »102.
La variation situationnelle, stylistique n’est pas exempte de tout jugement
social qu’il soit positif ou négatif. Ne parle-t-on pas du registre soutenu,
recherché, surveillé, soigné pour signifier la variation diaphasique ? Nous
retrouvons cette même problématique chez André Martinet, autour de la
question « autre langue ou autre style ? »103.
Ce rapport d’incursion entre dimension diaphasique et diastratique est mis
au jour par Françoise Gadet104, qui soutient que cette position « autoriserait des
hypothèses sur l’origine, pour un locuteur, de la variation diaphasique, en inviGUIRAUD P., « Français populaire ou français relâché », Le français dans le monde, n° 69,
1969, p. 23.
103 MARTINET A., Éléments de linguistique générale, op. cit., p. 159.
104 Mais aussi MESSELAAR P.-A., « Les marques familier et populaire envisagées d’un point de
vue lexicologique et lexicographique », Cahiers de lexicologie, n° 53, 1988, p. 93 : « Une partie
de ce langage [populaire] sert aussi de parler familier dans les situations qui s’y prêtent ; les
deux systèmes se recouvrent partiellement ».
102
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 73
tant à se la représenter comme effet sur son « répertoire verbal » de la variété
des interlocuteurs et des situations auxquels il s’est trouvé confronté lors de son
apprentissage »105. La variation stylistique serait nourrie des variétés
diastratiques rencontrées au cours des expériences linguistiques de chaque
locuteur, expliquant ainsi l’interpénétration des deux dimensions. Ceci est
confirmé par l’observation des faits de langue populaires, susceptibles d’être
utilisés, dans des conditions familières ou relâchées, par des locuteurs qui ne
sauraient être qualifiés de populaires. Ainsi en est-il de la variation qui affecte
toute langue, dans la mesure où « une même variable peut être investie dans
différentes échelles de variation (sociale, stylistique, inhérente), avec des
significations différentes, mais une même polarisation et une même
orientation »106.
Nous retrouvons ici la distinction labovienne d’indicateur et de marqueur,
selon laquelle, les indicateurs sont des traits linguistiques qui présentent une
distribution régulière à travers les groupes sociaux-économiques, les ethnies ou
les générations, mais que chaque individu emploie de façon quasi identique
dans tous les contextes. Alors que les marqueurs sont des variables
sociolinguistiques plus élaborées qui présentent non seulement une
distribution sociale, mais aussi une différenciation stylistique107.
Cette étroite imbrication dans les phénomènes linguistiques de l’axe
horizontal et vertical peut être illustré par un exemple, maintenant célèbre,
celui de l’emploi du terme racaille. L’unité lexicale racaille, a priori non
marquée, standard, connaît pourtant, depuis les années 1990, une redéfinition
dans les cours de lycées, et plus généralement dans la culture des jeunes. « Suivant une mode inspirée du gangsta rap américain, certains s’autoproclament
« racaille » dans une optique d’héroïsation par des connotations viriles en
marge de la délinquance, ou pour revendiquer leur appartenance à un métagang ou encore pour valoriser leur marginalisation par la dérision ou la
provocation »108. Ainsi, si un jeune lycéen de Vaulx-en-Velin prononce la
phrase suivante : « ici, on est tous des racailles », et qu’un observateur se donne
pour mission de faire un inventaire des mots utilisés dans ce milieu, alors
racaille pourrait être considéré comme relevant de la langue des jeunes, de
l’argot des cités. Ce sera un indicateur sociologique, d’âge, de milieu social à
fonction identitaire, bref, distinctif socialement. A présent, si un ministre de la
République dit à une administrée « vous en avez assez de cette bande de
racailles, on va vous en débarrasser », l’emploi du terme racaille ne sera
GADET F., « Niveaux de langue et variation intrinsèque », op. cit., p. 23.
GADET F., Le français populaire, Paris, P.U.F., 1992, p.27.
107 LABOV W., Sociolinguistique, op. cit., p. 324.
108 Article « racaille » : www.wikipédia.org (consulté le 15 janvier 2007)
105
106
74 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
certainement pas considéré comme un marqueur de la classe ou du
positionnement de ce locuteur sur l’échelle sociale. On y verra un « effet de
style » du fait de l’utilisation d’un terme réprouvé, traduisant probablement
une certaine ironie démagogique, ou plus simplement la volonté d’établir une
complicité avec son interlocutrice, celle-ci étant d’autant plus forte qu’elle se
fait au dépend d’un tiers. L’emploi du mot racaille sera alors perçu comme un
usage familier, une familiarité.
Ces questions font l’objet de discussions plus approfondies dans les chapitres
suivants où nous avons examiné la pertinence de la distinction synchronique
populaire/familier (voir chapitre 3). Nous avons pris le parti de présenter nos
prises de position au fur et à mesure de la progression de l’analyse. Nous
soulignons ici que les dimensions diaphasique et diastratique ne se présentent
pas comme des ensembles clos, mais bien plutôt comme l’intersection de
certains traits significatifs, de nature variable (phénomènes phonologiques,
intonatifs, morphologiques, syntaxiques et lexicaux). Nous considérons en effet
qu’il existe une relation intime entre la variation stylistique et la variation
sociale et que toute déviation par rapport à l’une a, le plus souvent, sa
contrepartie dans l’autre.
Aussi, devient-il difficile de déterminer où commence et où finit un registre
et un niveau de langue. L’organisation des sociétés modernes favorise le
contact de personnes issues de milieux très divers et le passage d’une classe à
l’autre, notamment à travers l’enseignement public obligatoire : cela ne signifie
pas que des différences sociales ne soient plus observables par rapport à la
maîtrise de la langue. Simplement, il devient de plus en plus difficile de
caractériser un mot par la classe des personnes qui l’emploient. C’est pourquoi,
nous pensons que « les niveaux de langue (…) sont périodiquement remis en
question »109.
En définitive, il semble que la distinction entre registre et niveau soit plutôt
une abstraction théorique, même si elle peut s’avérer opératoire dans certains
contextes. On ne peut finalement réfléchir qu’en terme de tendance puisque
les traits permettant de définir la dimension diaphasique et la dimension
diastratique s’inscrivent dans une relative continuité.
Au terme de ce récapitulatif, nous pouvons avancer que la notion de
familiarité lexicale mérite d’être observée tant d’un point de vue
lexicographique que sociolinguistique et strictement linguistique. En effet, les
trois approches se révèlent complémentaires.
109
REY-DEBOVE J., Étude linguistique et sémiotique…, op. cit., p. 92.
Chapitre 1. – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique 75
Si les travaux des lexicographes ne définissent pas la norme ou référence à
partir de laquelle se décide l’attribution ou non d’une marque, ils fournissent
pour autant une liste d’items marqués au regard du lexique non marqué. Bien
que répondant à des critères arbitraires et intuitifs, le matériau lexicographique
constitue ainsi une première catégorisation (marqué vs non marqué), source de
corpus pour l’analyse.
La réflexion métalexicographique s’avère être une source d’information
complémentaire à des approches linguistique et sociolinguistique sur la notion
d’usage. Si aucune des trois perspectives ne peut, à l’heure actuelle, proposer
des outils conceptuels « clé en main » en matière de registre ou niveau de
langue, la confrontation de ces trois points de vue pourrait en affiner la
conceptualisation.
Enfin, si les plans diaphasique et diastratique s’inscrivent sur un continuum,
c’est que l’objet qui nous concerne, la familiarité lexicale, doit être envisagé
tant dans sa dimension extra-linguistique que strictement linguistique.
Ces réflexions ont été le point de départ des hypothèses et des choix
méthodologiques que nous présentons dans le chapitre suivant.
CHAPITRE 2
FAM., FAMILIER, FAMILIARITÉ
PROBLÉMATIQUE, CORPUS ET MÉTHODES D’OBSERVATION
________
Dans ce chapitre, nous reprenons les prémisses de notre recherche afin de
cerner les contours de la familiarité et leurs incidences sur la notion de registre
de langue et sur l’attribution de la marque FAM. Cela nous conduit à formuler
la question centrale de cette étude, relative aux corrélations existant entre
l’emploi de termes non standards et la réduction de la distance interlocutive.
Enfin, l’examen des principales pistes interprétatives de la familiarité nous permet de faire les hypothèses nécessaires au traitement de cette problématique.
Pour finir, nous présentons le corpus dictionnairique retenu aux fins
d’analyse et les conditions de son élaboration, puis nous indiquons les
méthodes d’observation mises en œuvre pour cette recherche.
2.1. LA FAMILIARITÉ, ENTRE LANGUE ET DISCOURS
Nous nous intéresserons, dans un premier temps, à la compréhension de la
familiarité, notamment dans sa complexité sociale, puis à ses incidences
linguistiques sur la notion de registre de langue et sur l’attribution de la
marque FAM. Nous pourrons ainsi, dans un second temps, présenter la
problématique générale de notre travail puis, dans un troisième temps, en
détailler les principales hypothèses.
78 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
2.1.1. Marque FAM. et familiarité : quelques généralités
2.1.1.1. La marque FAM. dans les préfaces : un avertisseur
Nous l’avons montré dans le chapitre précédent (§ 1.2), les marques d’usage
ne sont pas clairement explicitées dans les préfaces des dictionnaires. C’est dans
les dictionnaires Le Robert que les indications sont les plus précises :
PR 77 : « L’abréviation FAM. correspond aux emplois (forme et sens) normaux
dans une situation de communication sociale aisée, plutôt parlée qu’écrite, et
dénuée de la contrainte propre aux échanges officiels, hiérarchiques, etc. »
(p. XLII)
Des informations complémentaires sont apportées par les tableaux d’abréviations du PR, revues dans le NPR :
PR 77 : « usage parlé et même écrit de la langue quotidienne : conversation,
etc., mais ne s’emploierait pas dans des circonstances solennelles. »
NPR 2002 : « usage parlé et même écrit de la langue quotidienne :
conversation, etc., mais ne s’emploierait pas dans des circonstances
solennelles ; concerne la situation de discours et non l’appartenance sociale, à
la différence de POP. »
Nous pouvons déduire de ces gloses métalexicographiques que les termes
marqués FAM. appartiennent au lexique commun, utilisé quotidiennement. Ils
s’insèrent dans le cadre de la conversation quotidienne entre des personnes qui
se connaissent ou se côtoient régulièrement. Ils délimitent avant tout des
emplois propres au français parlé (bien qu’ils puissent être écrits), et
caractérisent les échanges linguistiques sans enjeux de hiérarchie sociale, c’està-dire reflètent des situations de communication où la liberté de s’exprimer des
locuteurs est relativement importante.
La marque FAM. apporte des indications sur l’énoncé et non sur
l’énonciateur, à la différence de POP., bien qu’il soit précisé que l’emploi de
termes familiers est, d’après le PR, le fait de « situation sociale élevée » 110, c’està-dire plus facilement le fait de locuteurs des classes supérieures ou des
couches moyennes cultivées.
Deux caractéristiques fonctionnelles sont mises en évidence :
- la marque FAM. se distingue de la marque POP. en cela qu’elle ne
donne pas d’indication sur l’appartenance sociale du locuteur, mais
sur une situation de discours,
- les termes marqués se différencient des termes non marqués par le
fait qu’ils connaissent des restrictions d’emploi liées aux circonsREY A., Préface du GR. Nous avons vu au chapitre précédent, à la fin du § 1.3.2.2, que cette
affirmation était sujette à caution.
110
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 79
tances de l’énonciation. Les emplois marqués FAM. sont des emplois
« normaux », au même titre que les emplois non marqués, à ceci près
qu’ils ne peuvent pas être employés dans n’importe quel cadre de
communication.
La marque FAM. utilisée par le lexicographe fait office d’avertissement, de
recommandation. Les termes marqués FAM. ne sont pas proscrits des usages du
français au sein de la communauté : ils appartiennent à la langue commune
utilisée par tous les locuteurs et sont jugés suffisamment « normaux » pour être
intégrés au dictionnaire (sur les évaluations des termes et les nomenclatures,
voir § 1.1). Cependant, leur emploi est soumis à une condition : le respect du
cadre situationnel décrit qui rend impossible leur usage dans des circonstances
solennelles. Cet aspect de la question apparaît comme tout à fait paradoxal :
pourquoi des « emplois normaux » nécessiteraient-ils un avertissement ?
Afin de cerner la subtilité de cette contrainte, nous avons examiné ce que
nous trouvons « derrière » l’entrée FAMILIER dans les dictionnaires monolingues qui ont été nos sources privilégiées jusqu’alors.
2.1.1.2. FAMILIER : un terme ambigu
Au chapitre précédent (§ 1.2) nous avons montré que les marques d’usage
sont le reflet des évaluations de la communauté linguistique sur les usages.
Aussi, est-il pertinent, au-delà de l’indication de la marque FAM., de nous
demander ce qui fonde un sentiment de familiarité, de nous interesser aux
contours de ce que l’on caractérise, que l’on juge, comme familier.
Familier (DFC )
Se dit de quelqu’un dont les manières manquent de réserve, ou même qui se
montre indiscret ou impoli avec les autres : Etre familier avec les femmes.
(syn. : µentreprenant). Si on l’encourage imprudemment, il devient vite
familier (syn. Grossier). Avoir des manières très familières (syn. : libre,
cavalier).
Se dit de ce qui est simple et amical : un entretien familier.
Se dit d’un mot ou d’une construction caractéristique de la langue de la
conversation : Une tournure familière.
Familier (GL )
Qui montre une absence de contrainte pouvant aller jusqu’à l’impolitesse.
Etre familier avec les femmes. Un entretien familier.
Que l’on sait, que l’on connaît bien ; que l’on fait bien par habitude. Une voix
familière. Cette question lui est familière.
Se dit d’un animal qui vit dans le voisinage de l’homme. Le chien est un
animal familier.
Se dit d’un mot, d’une expression employés couramment, mais pouvant être
ressentis comme incongrus dans certaines relations sociales ou dans les écrits
80 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
de styles sérieux, soutenus. (C’est ainsi que balade ou se balader sont familiers
par rapport à promenade ou se promener ).
Familier (NPR 2002)
♦ vx. Qui est considéré comme faisant partie de la famille. « Mes plus familiers
amis » (La Bruyère). ◊ N.m. mod. Personne qui est considérée comme un
membre de la famille, qui la fréquente assidûment ou qui est dans des
relations intimes avec qqn. => ami, intime. C’est un de ses familiers. « J’étais
un des leurs, un familier de cet étrange monde (Michelet). – Personne qui
fréquente assidûment un lieu. Les familiers d’un club. => habitué.
♦ Qui est bien connu ; dont on a l’expérience habituelle. Vivre au milieu
d’objets familiers. « le monde familier, rassurant, apaisant est là autour d’elle
de nouveau » (Sarraute). Voix familière. ◊ Familier à (qqn). Dont la
connaissance, la pratique, l’usage est ordinaire à qqn. Le maniement de cette
machine lui est devenu familier. => aisé, facile, usuel. – Qui est habituel à qqn
(comportement). => coutumier. C’est là une de ses attitudes familières. Le
mensonge lui est familier.
♦ (Personne) Qui montre dans ses rapports avec ses semblables, ses
subordonnés, une simplicité qui les met à l’aise. => accessible, liant, simple (cf.
Pop. pas fier*). – Péj. Qui est trop libre, trop désinvolte dans ses manières (=>
familiarité). Cet élève est très familier avec ses professeurs. – Par ext.
Manières familières (=> simples), trop familières (=> cavalier, désinvolte). ◊
Qui vit au foyer. Animaux familiers. => domestique. – Qui se familiarise,
devient plus libre. « l’humilité des enchères encouragea la troupe de petits
brocanteurs, qui se mêlèrent à nous et devinrent familiers » (France).
♦ (1680) Qu’on emploie naturellement en tous milieux dans la conversation
courante, et même par écrit, mais qu’on évite dans les relations avec des
supérieurs, les relations officielles et les ouvrages qui se disent
sérieux. Emmerdant est un mot familier. Expression, locution familière.
Langue familière.
C’est volontairement que nous n’avons pas tronqué ces définitions dans la
mesure où cela permet de suivre le mouvement de va-et-vient entre un sens
familier « simple, ordinaire » et un sens familier « désinvolte ». Les trois
dictionnaires retenus rendent compte de cette ambiguïté que prend le terme
familier.
Pour le DFC et le GL, le sens premier est apprécié négativement (« qui
manque de réserve », « absence de contraintes ») et glisse en quelque sorte vers
une axiologie positive (« simple et amical ») ou davantage descriptive (« que
l’on connaît bien »). En revanche, dans les définitions du NPL, le sens négatif
du terme familier est précisé comme un sens péjoratif d’un sens premier qui ne
l’est pas.
En tout état de cause, chacun des dictionnaires présente une proposition
définitoire du sens dit négatif faisant un rappel, plus ou moins explicite, à une
conception normative des rapports sociaux : « manquer de réserve », « absence
de contraintes », « trop libre », « impoli ». Par conséquent, l’adjectif familier
pourrait caractériser ce qui est « simple et amical », « courant », « ordinaire »,
« habituel » mais seulement dans une certaine mesure et dans certaines
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 81
circonstances définies par des normes, a priori sociales. Ce qui « met à l’aise »
les uns peut être « incommodant » pour les autres. Le terme familier,
paradoxalement, désigne l’amitié et l’inimitié, un comportement sociable, liant,
autant qu’une attitude sans-gêne, une personne cordiale autant qu’un insolent.
C’est cette imposition des normes sociales qui conduit les manuels scolaires
et certaines grammaires généralistes, dont les motivations sont souvent
davantage normatives que les dictionnaires, à préférer, à la description ou à la
définition du langage familier, la mise en garde de leurs lecteurs. Méfiez vous
des tournures familières, conseille-t-on dans ces ouvrages. Les usages familiers
doivent donc être compris comme des « usages normaux » si, et seulement si, la
situation de communication s’effectue entre pairs. Si cette condition n’est pas
respectée, ils sont interprétés du côté de l’incorrection, de la désinvolture.
L’emploi des termes familiers n’est acceptable que dans certains contextes, ce
qui rend parfois difficile leur maniement.
Autrement dit, les usages familiers, sans respect des contraintes situationnelles qui leur sont associées, ne correspondraient plus à un usage neutre,
quotidien de la langue, mais plutôt à de l’impolitesse – le terme familier revêt
alors un caractère péjoratif comme l’indique le NPR. C’est pourquoi il est
légitime de soutenir que la marque FAM. assure un rôle d’avertisseur et, en cela,
est le reflet des règles qui font le jeu social.
2.1.1.3. Familiarité, politesse et codes sociaux
Les usages sociaux sont régis par des rituels, appelés communément règles
de politesse, qui servent de guide pour entrer en relation avec autrui et
garantissent son respect dans les relations sociales. Il s’agit de « favoriser le
contact en faisant courir un minimum de risques aux faces et au territoire des
acteurs »111. Ces notions de face et territoire renvoient à la théorie d’Erwing
Goffman dont on peut résumer le modèle minimal par l’existence des deux
paramètres pour chaque locuteur. A la face correspond la valeur sociale
présentée en face d’autrui, acceptée ou refusée par le jugement d’autrui. Au
territoire est associé deux principes : le principe de ménagement (éviter de
menacer) et le principe de modestie (éviter de trop mettre en valeur). Une
relation sera socialement acceptable si elle respecte les faces et territoires de
tous les participants à l'interaction. Obtenir un tel équilibre nécessite un
accord consensuel, lequel résulte de « l'effet combiné des règles d'amour propre
et de considération »112. Aussi, chaque participant s'efforce-t-il de maintenir
une situation acceptable, estimant qu'en général il y a « plus à perdre qu'à
111
112
PICARD D., Politesse, savoir-vivre et relations sociales, Paris, P.U.F., 1998, p. 91.
GOFFMAN E., Les rites d'interaction, Paris, Éditions de Minuit, 1974, p. 73.
82 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
gagner » à bouleverser les règles établies. Ces principes de ménagement et de
modestie sont variables selon les interlocuteurs.
Cette théorie est particulièrement appropriée pour faire le lien entre les
relations sociales et les phénomènes de communication verbale. L’observation
quotidienne de l’utilisation du langage révèle que les locuteurs sont tout à fait
conscients des différentes possibilités d’entrer en relation les uns avec les
autres, même si, nous venons de le voir, certains sont plus à l’aise que d’autres
dans cet exercice. Quoi qu’il en soit, chacun sait que l’on ne s’adresse pas de la
même façon à son patron et à ses collègues (ce qui pourrait paraître
irrévérencieux) et, inversement, que l’on ne parle pas « comme dans un livre »
dans une conversation détendue avec des amis (ce qui pourrait paraître
prétentieux). Chacun est capable de faire varier son expression, de s’adapter au
contexte, de se conformer ainsi au comportement social – donc linguistique –
attendu dans une situation donnée. Les locuteurs font alors aisément varier
leurs productions langagières en respectant les enjeux de l’interaction
(notamment en respectant la théorie des faces et territoires), par une
adaptation à la situation matérielle, à l’interlocuteur, au sujet traité, à la
présence ou non d’un public, à un type de relation entre les locuteurs, etc.
Autrement dit, les locuteurs s’adaptent en fonction de tous les éléments qui
font le contexte de la relation, qui sont autant de paramètres à prendre en
compte afin de respecter les règles de politesse.
Cette plasticité des usages n’est pas seulement une variable situationnelle,
elle dépend également du sujet abordé dans l’acte de communication (voir les
définitions de familier du GL ou du NPR pré-citées « que l’on évite dans les
ouvrages qui se disent sérieux »). Aurélien Sauvageot, dans son étude sur le
vocabulaire français, le remarque. Dans une même interaction, les locuteurs
jouent avec les différentes manières de s’exprimer dont ils disposent. D’après
ses observations, certains locuteurs préfèrent utiliser des locutions qui
semblent moins « soutenues » ou « moins cérémonieuses » dans la conversation
quotidienne, et pourtant, dès qu’un sujet sérieux est abordé, « le locuteur
oublie rarement d’en revenir à deux vocables incolores, ceux de la langue
commune113. Tout se passe comme si le locuteur était toujours soucieux de ne
parler ni trop bien, ni trop mal, ni trop serré, ni trop lâche »114. On retrouve ici
les exigences de mise en relation des individus exposées par Goffman. Être poli
n’implique pas de s’exprimer, en permanence, de manière soutenue, mais
d’adapter son comportement linguistique aux comportements socialement
admis dans des circonstances données. Les règles de savoir-vivre doivent
113
Contrairement aux positions que nous avons prises, Aurélien Sauvageot considère la notion
de « langue commune » au sens le plus restreint du terme, c’est-à-dire de langue normée, non
marquée, que nous avons préféré appeler langue standard. Voir § 1.1 et § 1.2.
114 SAUVAGEOT A., Portrait du vocabulaire français, Paris, Larousse, 1964, p. 241.
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 83
garantir une certaine distance entre les interlocuteurs et ce, quelles que soient
les situations de communication115. Ainsi si l’on peut adapter son discours au
contexte situationnel et au contexte thématique (sujet plus ou moins sérieux),
force est de constater que la discrétion, la mesure, le tact, la réserve, le
maintien, le contrôle de soi, sont considérés comme indispensables à la
préservation du caractère harmonieux de la relation interpersonnelle116. Bien
que participant de la langue commune, le familier doit alors être compris
comme une part du lexique non standard, hors la norme, si l’on définit cette
dernière comme « une expression écrite et parlée, que ne marquent ni une
familiarité excessive, ni une recherche contrainte »117.
Ces premières observations éclairent les phénomènes de familiarité sociale
et donc linguistique. Certaines façons de parler, l’utilisation de certaines tournures, l’emploi de certains termes, sont à éviter dans certains contextes ou pour
aborder certains sujets de conversation, car ils s’apparentent à des usages
sociaux non admis par les codes de « savoir-vivre ». Par conséquent, leur
utilisation pourrait mettre en péril l'équilibre, la relation symétrique, égalitaire
– voire égalisée – de mise lors de l’interaction sociale. Si des usages sont
signalés par la marque FAM., et que cette dernière joue comme avertisseur, c’est
qu’il y a un risque à les employer en dehors des circonstances définies
(situation solennelle, ouvrage sérieux), car les usages marqués FAM. ne
permettraient pas le maintien des faces et territoires de chacun.
Les termes FAM. sont donc susceptibles de produire un effet en discours118
sur l’interaction. C’est là la caractéristique essentielle de la marque FAM., et
plus généralement de la familiarité lexicale, sur laquelle s’est porté notre
intérêt.
2.1.1.4. Familiarité et réduction de la distance interlocutive
Les usages que l’on dit constituer le registre familier de langue ne sont alors
pas anodins. Leur emploi transgresse les règles qui font le jeu social.
Soit la phrase suivante :
« Mais qu’est-ce que tu me prends la tête là ! / on s’en fout de ça / faut pas
m’emmerder quand même…»
115
Sur ce sujet, voir également la notion de distance sociale dans HALL E.T., La dimension
cachée, Paris, Seuil, 1971.
KERBRAT-ORECCHIONI C., La conversation, Paris, Seuil, 1996, p. 51.
COSTE D., « Français fondamental, enseignement et idéologie : quelques aspects de diverses
polémiques », Voix et images du CREDIF, n° 18, 1973, p. 37-39.
118 SCHÖN J., « Dialogisme, politesse et culture », in Dialoganalyse III, Tübingen, Max
Niemeyer Verlag, 1991, p. 239-244.
116
117
84 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Si elle est prononcée lors d’une dispute entre deux amis, le récepteur de
l’énoncé déduira que son interlocuteur est en colère, en désaccord, lassé, etc. Il
pourra lui-même répondre sur le même registre puisque le caractère de la
relation qui les unit le lui permet. La conversation et la relation ne sont pas
mises en péril. Si maintenant un étudiant prononce ces mots devant son
professeur, l’interlocuteur/professeur interprétera assurément ces propos bien
au-delà de la colère. Il trouvera certainement que l’étudiant manque
franchement d’éducation, de respect, qu’il n’a pas su gérer son positionnement
social, autrement dit qu’il n’a pas su, ou pu, respecter les règles de bienséance,
de politesse, les règles sociales. Mais lui-même se trouvera sans doute agressé
par cette situation qui, menaçant l’équilibre des faces, l’oblige à faire l’effort de
maintenir la sienne (alors que, traditionnellement, c’est la personne en position
« basse » qui actualise la relation hiérarchique, notamment par des marques de
déférence envers la personne en position « haute »). L’issue de cette interaction
sera probablement son interruption, voire le conflit.
Cette mise en situation imaginée, éclaire le fonctionnement de l’« effet
familier » qui consiste à réduire la distance entre les locuteurs. Il apparaît
évident que cet effet ne peut être acceptable qu’entre pairs étant donné les
règles sociales, c’est-à-dire entre personnes consentant à plus de proximité dans
l’interaction. Tout se passe comme si l’usage de termes familiers (donc marqués
FAM.) exigeait une sorte d’accord tacite entre les participants de l’interaction,
une sorte d’invitation mutuelle à transgresser les règles fixant la distance
interlocutive socialement adéquate. Et si tel n’était pas le cas, on s’exposerait
grandement à une sanction de la part de l’interlocuteur.
Nous pouvons maintenant définir la familiarité comme la liberté donnée à
l’autre de pénétrer dans ses territoires et réserves et le fait que cette liberté est
exercée 119. C’est donc l’ensemble des conditions qui permettent d’entrer dans
les espaces normalement réservés d’autrui, de rompre l’engagement tacite de
non-violation du territoire de l’autre, représenté par la (les) norme(s) sociale(s).
Nous entendons la relation familière comme une sorte de franchissement des
règles sociales et, par induction, une possibilité d’adopter un autre
positionnement dans la relation à l’autre. Cette relation est notamment
alimentée par certains types de termes, les termes familiers, que le
lexicographe a tenté, même intuitivement et arbitrairement, de repérer à
travers les jugements des locuteurs et qu’il a affublé de la marque FAM.
GOFFMAN E., La mise en scène de la vie quotidienne, tome 2, Paris, Éditions de Minuit,
1973, p. 185.
119
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 85
2.1.2. Problématique
De ce qui précède plusieurs constats peuvent être faits.
Les règles sociales sont des prescriptions qui favorisent la mise en relation
des individus par le respect mutuel de leur face et de leur territoire. Elles sont
relayées par des normes linguistiques qui, elles aussi, veillent au maintien
d’une certaine distance entre individus dans l’interaction verbale.
La familiarité peut se définir comme un faisceau de conditions permettant le
franchissement de ces règles. En cela la familiarité est un mode de relation
sociale non conforme, transgressif et admis seulement à certaines conditions, la
plus évidente étant le désir partagé de transgresser ensemble (accord tacite
entre pairs).
Le registre familier est un support verbal de la familiarité sociale et
réciproquement. A ce titre, il est en marge de la norme et il est également régi
par des contraintes d’emploi. Il est la manifestation, le support et l’outil de la
transgression dans l’interaction verbale et sociale. Il est formalisé, dans le
dictionnaire, par l’attribution de la marque d’usage FAM., qui distingue les
usages standards des usages non standards.
Par conséquent, il convient d’expliciter la corrélation entre l’emploi de
termes non standards et la réduction de la distance interlocutive, c’est-à-dire
de mettre en évidence les propriétés des termes familiers qui provoquent, en
discours, une transgression des règles sociales d’interaction.
2.1.3. Hypothèses : de l’énoncé au sujet
2.1.3.1. Marque FAM. et familiarité : une causalité réflexive
Nous postulons qu’une relation de causalité réflexive existe entre l’emploi
des termes familiers (c’est-à-dire appartenant au registre familier), que le
lexicographe marque FAM., et la familiarité comme mode de relation sociale.
En effet, la marque FAM. est la formalisation métalinguistique d’un jugement
de bienséance, c’est-à-dire un indicateur de savoir-vivre, ou devrions-nous
dire, de savoir-parler. Il faut comprendre la dénomination de registre de langue
familier comme l’outil verbal de la familiarité, notamment par l’emploi de ces
termes marqués FAM. Cet outil assume un double rôle : en même temps qu’une
manifestation de la familiarité il en est son effet. L’emploi de termes familiers
est un indice et, également, un inducteur de la transgression familière.
86 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Cette inter-implication est confirmée par Françoise Gadet pour laquelle les
usages familiers (le diaphasique) ont souvent été interprétés comme une
réponse des locuteurs à la diversité des situations. Mais il apparaît qu’à côté de
ces comportements prévisibles d’adaptation à la situation de communication,
« il y a la ressource de l’initiative, où l’interaction reconfigure les relations
entre locuteurs. Le rapport entre façon de parler et situation n’est alors pas
automatique : les locuteurs peuvent ré-orienter un discours, par exemple vers
le familier, rendant ainsi le contexte plus familier. »120 C’est donc parce que les
locuteurs sont en relation familière qu’ils emploient spontanément des termes
familiers, mais c’est aussi parce qu’ils emploient des termes familiers qu’ils
créent les conditions d’une relation familière.
Il convient donc de s’interroger sur la dimension retenue lors de l’analyse
du registre familier.
Lorsque les usages familiers sont décrits comme non standards, non
conventionnels, sont-ils définis dans leur dimension linguistique ou dans leur
dimension sociale ? La distinction n’est que rarement établie. On a coutume de
présenter le registre familier comme une manière de s’exprimer sans contrôle,
improvisée, décontractée, sans que l’on sache si on qualifie les termes euxmêmes ou leurs emplois. Or, si la transgression familière est en même temps
linguistique et sociale, les deux niveaux d’analyse, celui de la langue et celui du
discours, doivent être explorés.
Dans les faits, deux positions antagonistes se dessinent, bien que les partis
pris ne soient pas explicitement affirmés. L’interprétation sociolinguistique,
depuis Labov, situe le « langage familier » a priori du côté du discours, le
désignant comme un « style contextuel »121, une façon de s’exprimer sans
contrôle, relative au degré de formalisation du contexte de communication,
dont les conséquences se manifesteraient en langue, a posteriori. En revanche,
les didacticiens et pédagogues orientent leur propos préférentiellement du côté
de la langue, considérant que les caractéristiques attribuées aux formes
linguistiques familières sont autant de facteurs qui font évoluer le cadre
traditionnel de la communication. Ces perspectives de recherches ont été
abandonnées ces dernières années, en raison des tendances prescriptives
qu’elles supposent. En effet, il était de coutume, jusqu’à la fin du XXe siècle, de
définir le registre familier comme vulgaire, grossier, comme la « langue de tous
les jours », par opposition à la « langue du dimanche » 122. Or, dire qu’un mot est
« familier » ou « vulgaire » est un point de vue relatif porté sur les usages
GADET F., La variation sociale en français, Paris, Ophrys, 2003, p. 105.
LABOV W., Sociolinguistique, op. cit., p. 145.
122 LUZZATI F., LUZZATI D., « Oral et familier, un nœud de vipère linguistique»,
L’information grammaticale, n° 28, 1986, p. 9.
120
121
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 87
linguistiques et, les observations que nous venons de faire, nous obligent à
considérer que les mots ne sont pas « en soi » familiers, soutenus, courants, etc.
Ils le sont plus ou moins pour ceux qui les utilisent, selon la situation dans
laquelle ils les utilisent123. Aussi, ce sont les études strictement
sociolinguistiques qui sont aujourd’hui privilégiées, afin de cerner les
mécanismes de la variation non standard124, postulant que les processus sociaux
se reflètent dans les structures linguistiques.
Néanmoins, nous soutenons que le caractère réflexif dans la relation
langue/discours ne doit pas être négligé. Si la situation d’énonciation détermine
des choix lexicaux de la part des locuteurs, la réciproque se vérifie également.
La marque FAM. est un indicateur des conditions d’emploi des unités lexicales,
par rapport à une manière sociale normée d’entrer en relation et par rapport à
une norme linguistique, plus systémique dirons-nous. Au-delà d’une interprétation strictement sociolinguistique des phénomènes de variation lexicale,
une lecture davantage linguistique s’impose. Nous faisons l’hypothèse que la
variation registrale a une source en langue, au sein du système, et que la
familiarité lexicale relève des pratiques sociales et des structures linguistiques.
Notre perspective de recherche est donc double : discursive et linguistique.
Il s’agit de comprendre comment s’opère la réduction de la distance et quels
sont les mécanismes linguistiques et extralinguistiques qui la sous-tendent.
Nous cherchons à mettre au jour les spécificités des termes familiers relatives,
d’une part, à la forme, au sens, à l’environnement syntaxico-lexical et, d’autre
part, celles relatives aux contextes ou conditions d’énonciation, aux effets de
discours.
L’objectif de cette étude est d’expliciter les manifestations linguistiques
internes et externes de la familiarité et d’isoler les indices linguistiques et
extralinguistiques, facteurs de transgression linguistique et sociale qui
induisent une réduction de la distance interlocutive.
GENOUVRIER E, DESIRAT C., HORDE T., Nouveau dictionnaire des synonymes, op. cit.,
p. 10.
124 Voir BAUTIER E., Pratiques langagières, pratiques sociales, Paris, L’Harmattan, 1995 ;
BENSIMON-CHOUKROUN G., « Les mots de connivence des jeunes en institution scolaire :
entre argot ubuesque et argot commun », Langue française, n° 90, 1991, p. 80-94 ; COLIN J.-P.,
« Le traitement des données linguistiques non standard », Le traitement des données
linguistiques non standard,, Actes des Rencontres Besançon-Neuchâtel (29-30 janvier 1993),
Neuchâtel, 1993, p. 201-205 ; COMBESSIE J.-C., « Le dictionnaire : usages sociaux et qualités
de la langue. Contribution sociologique à un débat », in ELOY J.-M., La qualité de la langue ?
Le cas du français, op. cit., p. 123-132. ; PERRENOUD P., « Parle comme il faut ! Réflexions
sociologiques sur l’ordre linguistique », in SCHÖNI G., BRONCKART J.-P., PERRENOUD P.
(ss la dir.), La langue est-elle gouvernable ? Normes et activités langagières, op. cit., p. 79-108.
123
88 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
C’est pourquoi nous revenons dans la suite sur les principales interprétations
actuelles de la notion de registre familier, issues de la sociolinguistique et de la
stylistique, et que nous les discutons en considérant les « zones d’ombre »
comme autant de pistes de recherche.
2.1.3.2. Le registre familier comme indicateur sociologique ?
L’hypothèse interprétative la plus communément formulée à propos du
registre familier de langue consiste, comme nous l’avons montré au § 1.3., à
faire une interprétation sociologique, pourrait-on dire, de la marque FAM. Le
registre familier est décrit comme une langue sans contrôle, spontanée. Ce
relâchement linguistique est assimilé à un indice de classe ou, pour le moins, à
un usage non conforme, qui nécessite certaines restrictions d’emploi et,
corrélativement, crée une sorte de complicité entre locuteurs. A ce titre, le
familier est un niveau intermédiaire entre le standard et le populaire, une sorte
de français populaire anobli, ou de norme assouplie pour les conversations
quotidiennes 125. La différence posée entre le parler populaire et le parler
familier est une question d’échelle, de degrés, sans que soit explicitement
précisé à quel niveau se situe le « relâchement » et comment il se manifeste
(dans une dimension phonétique, lexicale, discursive ?). Le lexique populaire et
le lexique familier ne sont pas clairement identifiés, ni identifiables.
Des recherches plus approfondies sur le lexique non standard ont permis de
compléter et de nuancer quelque peu cette position, notamment en faisant état
d’une origine populaire ou argotique du lexique familier. Les termes familiers
sont analysés comme relevant, historiquement, de la dimension diastratique
mais dont l’usage actuel est plus répandu donc moins réprouvé. Le lexique
familier est constitué de mots populaires ou argotiques qui ont réussi à intégrer
les diverses couches de la population. Cette vision du lexique tend à faire de la
zone regroupant les termes marqués FAM. une sorte de « sas » entre des usages
populaires et des usages plus normatifs. Le familier est alors un niveau
intermédiaire entre les niveaux dits inférieurs (argot, populaire) et ceux dits
supérieurs (langue académique) sur l’échelle de la hiérarchie socio-langagière.
Le fait que la marque FAM. fonctionne comme un avertisseur de contraintes
d’emploi, du fait même de normes sociales, renvoie évidemment à une lecture
sociolinguistique de la marque. Il apparaît alors pertinent de prendre en
compte cette hypothèse interprétative de la familiarité lexicale car elle permet
de considérer que nous avons affaire à une manière d’expression relative aux
relations sociales établies et entretenues par les rites de politesse.
125
JOLLIN-BERTOCCHI S., Les niveaux de langage, op. cit., p. 39.
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 89
Les circonstances de communication auxquelles est contraint l’emploi du
registre familier sont imposées, malgré tout, par la hiérarchie sociale. Le
registre familier renvoie effectivement à la stratification sociale de la société.
Nous n’avons donc pas exclu cette hypothèse a priori et l’avons confrontée à
une analyse de corpus, en comparant les marques d’usage126 (chapitre 4).
Cependant, il nous a semblé judicieux de déplacer les attendus de cette
hypothèse. Il ne s’agit plus de chercher si le familier peut être considéré
comme un niveau intermédiaire entre le populaire et la norme, mais d’essayer
de comprendre comment une unité lexicale peut « passer » d’un niveau
populaire vers un registre familier, c’est-à-dire de rechercher comment et
pourquoi un terme glisse de la fonction d’indicateur à celle de marqueur pour
reprendre la terminologie de Labov. Notre questionnement a donc été recentré
sur ce qui fonde la distinction diaphasique et diastratique à travers
l’observation du lexique familier.
2.1.3.3. Le registre familier comme indicateur de connotations ?
L’interprétation strictement sociolinguistique de la notion de registre ne
suffisant pas à expliciter la réduction de la distance interlocutive, d’autres voix
proposent une lecture de l’indice familier comme marque connotative.
Cette perspective stylistique vise à dissocier la signification conceptuelle et
l’emploi en discours, établissant une sorte de relation de synonymie
sémantique entre registre familier et registre standard ; l’un se distinguant de
l’autre par un jeu de connotations. C’est la conception de la dimension
diaphasique qui est la plus répandue. Le style est traditionnellement défini
comme relevant d’un choix, plus ou moins conscient, plus ou moins calculé,
plus ou moins réfléchi, qu’opère le locuteur afin de faire varier son expression.
Cela suppose que préexiste l’intention de dire quelque chose et que le locuteur
sélectionne ensuite, dans l’éventail que lui offre la langue, une réalisation
plutôt qu’une autre. Cette hypothèse considère le registre de langue, et donc le
registre familier, comme un moyen d’expression alternatif à la norme. C’est la
thèse que soutient, entre autres, Labov et qui correspond à la tendance
générale d’interprétation des variantes comme disant une même chose de façon
différente.
Cette approche n’est pas sans incidence sur la conception de la langue. Elle
suppose en effet « une certaine neutralité de la forme à l’égard du sens »127,
126
127
Le corpus ainsi que les étapes de l’analyse seront développés dans la section suivante, § 2.2.
GADET F., La variation sociale en français, op. cit., p. 109.
90 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
faisant fi du principe d’économie linguistique128. Si les mêmes significations
sont véhiculables par différents registres de langue, c’est que le style n’apporte
que des ornements, mais ne participe pas réellement au message. En d’autres
termes, la fonctionnalité stylistique souligne certains traits significatifs du
message, selon la formule « la langue exprime, le style souligne »129.
Par conséquent, dans cette perspective, les marques d’usage correspondent à
des éléments fondamentalement additionnels qui ne participent en aucun cas
au denotatum, et la notion de registre se situe strictement du côté de la
connotation130. La marque d’usage n’intervient pas dans la signification comme
élément constitutif et ne relève que d’un effet discursif, le marqueur d’usage se
fait « marqueur d’emploi, et le métalangage descriptif ne s’applique pas tant au
contenu dénotatif du vocable qu’il en souligne l’effet perlocutoire en situation,
et qu’il assigne, par conséquent, à ce vocable une fonction de connotateur (…).
Il ne s’agit plus exactement là de situer le niveau de l’usage, mais bien de
formuler l’incidence que l’emploi peut avoir sur l’usage sous les contraintes de
l’éthique et de l’esthétique »131. Pour prendre un exemple, il faudrait considérer
que les verbes chialer et pleurer ont les mêmes référents, renvoient à la même
réalité (PR : « répandre des larmes sous l’effet de l’émotion »). Le concept en soi
n’est pas touché par la coexistence de deux lexèmes distincts, c’est seulement
l’harmonie associée au concept qui diffère132. Du point de vue de la
connaissance des choses, la variation lexicale n’a aucune répercussion sur le
savoir sur le monde, elle ne concerne que l’attitude des locuteurs vis-à-vis du
concept déterminé.
La marque FAM. avertit alors le locuteur du fait que le terme en question est,
ou peut être, l’objet de connotations et c’est pour cela que ces emplois
nécessiteraient de respecter un certain cadre, sans que ne soient touchées leurs
composantes sémantiques.
128
« Dans l’économie de la langue, toutes les unités entrent en jeu, monèmes et phonèmes, sur
les deux axes, paradigmatique et syntagmatique. Dans le calcul relatif de l’énergie dépensée
pour produire un phonème, un monème, un syntagme, une phrase, il ne faut jamais oublier
qu’inertie mémorielle et inertie articulatoire sont deux forces qui s’opposent et que l’énergie
dépensée dans l’acte de parole est la somme de ces deux facteurs : réaliser une économie sur
l’axe syntagmatique signifie dépenser moins d’énergie articulatoire, réaliser une économie sur
l’axe paradigmatique signifie dépenser moins d’énergie mémorielle.», MARTINET A. (ss la
dir.), La linguistique : Guide alphabétique, Paris, Denoël, 1969, p. 83.
129 RIFFATERRE M., Essais de stylistique structurale, Paris, Flammarion, 1971, p. 32.
130 Le terme connotation est entendu dans sa dimension linguistique et non scolastique, c'est-àdire comme « un ensemble des significations secondes provoquées par l’utilisation d’un
matériau linguistique particulier et qui viennent s’ajouter au sens conceptuel ou cognitif,
fondamental et stable, objet du consensus de la communauté linguistique, qui constitue la
dénotation » ; in DUBOIS J. et al., Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage,
op. cit., p. 111.
131 SAINT-GERAND J.-P., « Usages, emplois, stéréotypie dans les éditions du dictionnaire
universel de Boiste », op. cit., p. 160.
132 SAUVAGEOT A., Portrait du vocabulaire français, op. cit., p. 243.
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 91
Il nous semble toutefois que si l’interprétation de la marque d’usage FAM.
comme connotateur est envisageable, elle ne peut s’y réduire. Peut-on en effet
considérer les éléments de la « paire » bâfrer et manger, ou de chialer et
pleurer, comme un équivalent dénotatif, présentant simplement une
alternance connotative ? Bâfrer apparaît amener des éléments signifiants
supplémentaires, ou pour le moins différents, de manger, certes appréciatifs
mais partagés par tous les locuteurs de la communauté, ce qui nécessite
d’étendre la définition traditionnelle de connotation. Et il en va de même pour
chialer et pleurer.
C’est la raison pour laquelle nous avons fait l’hypothèse que la marque FAM.
doit être envisagée dans une perspective connotative et dénotative (ou
connotative étendue), et que nous l’avons testée, tout au long de cette étude, en
tenant d’éclaircir les rapports que la notion de registre entretient avec le
denotatum et le connotatum. Cela nous a mené à nous interroger sur la
différence de signification entre termes marqués FAM. et termes non marqués,
standards, du point de vue de leur construction morpho-lexicale (chapitre 4)
ou plus strictement sémantique (chapitre 5).
2.1.3.4. Le registre familier comme indicateur d’expressivité ?
Nous avons jusqu’à présent abordé le familier comme appartenant à la
dimension diaphasique, autrement dit, situationnelle. Mais il est aussi possible
d’observer les faits sous un autre aspect, celui de l’expressivité. Prenons
l’exemple d’une situation effective de communication. Lorsque je dis,
m’adressant à une amie : « Bonjour, comment vas-tu ? (standard) Tu en fais une
de ces tronches ? (familier) », il n’y a pas de changement de locuteur, pas de
changement d’identité sociale, pas de changement de situation de
communication. Pourtant, l’expression varie. C’est donc du côté du sujet que
semble s’effectuer le changement qui réside dans les contenus (ou
connotations) affectifs associés aux termes marqués FAM. C’est en substance ce
que soutient Paul Imbs qui conçoit la notion de niveaux de langue comme une
variation des rapports entre un « je » (nous) émetteur, un « tu » (vous) récepteur, et un « il/elle » (ils/elles) émis et reçus. Il en conclut que « le groupe
ternaire langue populaire/langue familière/langue courante parlée repose sur
une analyse des rapports psycho-sociaux possibles entre le pôle je et le pôle tu :
selon la distance psychosociale qui sépare les deux pôles personnels du discours
(tension, subordination, soumission spontanée, respect, admiration, estime,
amitié, amour, etc.), la pensée pré-linguistique se colore de valeurs qui tendent
92 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
à s’incorporer à des mots et à des tours sémantiques typisés dès le niveau de la
langue »133.
Autrement dit, il apparaît que l’on ne peut déterminer ce qui relève de la
familiarité lexicale, sans prendre en compte la dimension psychosociale du
langage, c’est-à-dire les aspects sociologique et psychologique que révèlent les
faits de langue. La voie fut ouverte par Bally, avec la notion de caractères
affectifs naturels des faits de langage. Il s’agit là de termes ou d’expressions
dont l’effet provient de la forme qui est donnée à la chose exprimée, de l’angle
sous lequel la fait voir l’expression qui en est le symbole et que le locuteur peut
faire intervenir comme modalisateur de son discours134.
Aussi l’analyse des procédés linguistiques corrélatifs à la familiarité doit-elle
prendre en compte l’usage expressif-affectif du langage et les relations
qu’entretiennent le linguistique, l’affectif et le cognitif. Finalement, et c’est la
finalité de notre démonstration, nous avons interrogé le rapport entre le
registre familier et le registre standard à la lumière de ce postulat, comme si le
registre familier était la face expressivo-affective du registre standard (voir
§ 5.4). En effet, au-delà de la situation de communication, nous pensons que
l’utilisation de registres lexicaux a pour fonction d’extérioriser l’attitude
affective du sujet à l’égard du concept et la transgression familière, précédemment soulignée, est une conséquence de cette manifestation.
De ce point de vue, ce qui est en jeu dans l’interaction verbale, c’est l’image
du « je », du « tu » (et du « il »). L’interaction familière permet de révéler des
images différentes des sujets de l’interaction, concomitantes au glissement des
rôles et places préconisés par les règles (sociales, linguistiques) de politesse. Et
ce sont précisément ces représentations particulières du « je » et du « tu » qui
font du registre familier un système transgressif de représentation de l’ordre
social. Si l’on considère, à l’instar des caractères affectifs mis en évidence par
Bally, que la dimension expressivo-affective est corrélative de la notion de
registre de langue, on peut légitimement penser que, par une charge affective
particulière, les faits de langue familiers renvoient des images tout aussi
particulières du « je » et du « tu ». Autrement dit, nous avançons que la
dimension affective qui empreint le registre familier en fait un miroir de la
transgression des rôles sociaux traditionnels ; la dimension affectivo-expressive
sert alors l’expression de la transgression.
IMBS P., « Les niveaux de langue dans les dictionnaires », op. cit., p. 55.
Ce sont des caractères inhérents aux formes mêmes qui semblent émaner des mots et
s’expliquer par les rapports immédiats entre faits de langage et faits de pensée, pourvu que le
sentiment intervienne dans le travail d’association, qu’il s’agisse de différence qualitative
(péjoration ou mélioration) ou quantitative (intensité ou atténuation), voir BALLY C., Traité
de stylistique française, Paris, Klincksieck, 1951, p. 167.
133
134
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 93
L’étude proposée a donc visée à mettre en relation les formes linguistiques,
leur sens (ou programme de sens), et leur emploi. Car si la description du code
n’est pas la description de l’usage du code, il nous semble difficile, dans le cas
du registre familier de langue, de dissocier le code de son usage. Dans les chapitres qui suivent, nous avons tenté de montrer comment les divers espaces
(interne et externe, situationnel et discursif, linguistique et psychosocial)
s’interpénètrent, en décomposant l’énoncé selon « le quelque chose » qui décrit
le monde et le « quelque chose » qui décrit la façon dont le monde est objet de
transaction entre les deux partenaires de l’acte de communication.
2.2. PRÉSENTATION DU CORPUS
ET DES MÉTHODES D’OBSERVATION
Comme nous l’avons explicité dans la section précédente, notre étude se
situe à la charnière entre la langue et le discours. A ce titre, il apparaît
pertinent de nous intéresser aux unités lexicales en tant qu’éléments de la
réalité non linguistique qui appartiennent à la situation de communication,
mais également en tant que lexèmes répondant à des règles de formation et de
fonctionnement inscrites dans le système linguistique. Nous avons travaillé
dans cette double perspective, pour ce qui est de la constitution du corpus
(§ 2.2.1) et des méthodes d’observation (§ 2.2.2).
2.2.1. Édification du corpus
Nous postulons qu’une analyse linguistique de corpus lexicographique peut
éclairer les aspects discursifs et linguistiques des termes relevant du registre
familier. En effet, les données dictionnairiques regroupent en source unique les
trois caractéristiques qui nous occupent : la mention FAM., une entrée
léxématique et sa définition, les modèles d’emplois de ces termes (par la mise
en contexte).
Si l’attribution de la marque d’usage FAM. dans les dictionnaires est relativement intuitive selon l’aveu même des lexicographes (voir § 1.2.1.3), il
apparaît néanmoins que la compétence linguistique de ces experts ne fait pas
de leur intuition une simple dimension hasardeuse. L’attribution de la marque
FAM. par les lexicographes répond, selon nous, à certains critères, aussi
inconscients soient-ils, à certaines régularités qu’il convient de dégager.
Nous avons donc considéré que l’outil lexicographique permet de montrer
les traits pertinents propres au lexique marqué FAM., par opposition à des
94 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
termes non marqués, que ce soit d’un point de vue lexicographique (chapitre
3), morpho-sémantique (chapitre 4), ou sémantique (chapitre 5), et de rendre
compte des contextes d’emplois (chapitre 5). Par induction, la mise en évidence
de ces faits linguistiques nous a permis de mieux cerner les effets en discours.
2.2.1.1. Choix de la base de données
Nous avons travaillé sur la base du dictionnaire de la langue française, le
Nouveau Petit Robert, dans sa version électronique 2.1, correspondant à
l’édition imprimée de 2002 (il s’agit en fait de la version du NPR 1996, revue et
mise à jour cinq fois).
Le choix de cette banque de données est principalement fondé sur la
réputation de sérieux et de rigueur des dictionnaires des Éditions Le Robert
mais aussi sur le fait que les préfaces de ces dictionnaires sont celles qui
détaillent le plus les questions de marques d’usage. Cependant, il faut
également signaler que notre choix a été guidé par la densité bibliographique
d’Alain Rey et de Josette Rey-Debove sur la question. Il nous a, en effet, paru
pertinent de travailler sur un outil largement décrit et commenté par ses
principaux acteurs. Ainsi, avons-nous à notre disposition, par le biais des
nombreux articles ou ouvrages qui viennent compléter la préface du
dictionnaire, des réflexions, des interrogations, des précisions et des prises de
position de qualité permettant d’éclairer les positionnements théoriques – et la
pratique lexicographique qu’ils impliquent – et les orientations éditoriales
soutenues.
Quant à la préférence pour le Nouveau Petit Robert, par rapport au Grand
Robert, elle est liée à la facilité de manipulation de l’outil, car notre corpus se
devait d’être exhaustif afin de neutraliser toute sélection intuitive des entrées
(il fallait éviter de ne sélectionner que des termes qui « semblent » a priori
familiers). Le Nouveau Petit Robert présentait alors une nomenclature plus
facilement « balayable » que celle du Grand Robert (du fait du nombre
d’occurrences retenues pour chacun d’eux) tout en gardant une dimension
représentative. Ce choix s’est révélé d’autant plus judicieux que le système de
marquage des entrées du NPR s’est avéré beaucoup plus homogène que celui
du GR (que nous connaissions pour l’avoir exploré dans une recherche
précédente)135.
Pour ce qui concerne la date d’édition 2002, elle correspond à la dernière
version électronique existant au moment de la constitution de notre corpus.
135
DEVOLDER L., « Les traces du social dans les dictionnaires généralistes : l’exemple des
marques d’usage(s) », Opéra Romanica, n° 5, 2004, p. 53-61.
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 95
2.2.1.2. Choix du matériau lexical
Devant la nécessité de circonscrire notre corpus, nous avons décidé de ne
retenir que les lexèmes verbaux indexés comme FAM., dans un sens
« autonome », indépendant.
Nous l’avons exposé dans la section précédente, nous postulons que la
familiarité a des incidences sur les rapports entretenus entre un « je » et un
« tu » en discours. Il nous a alors semblé que le verbe, pivot de la phrase, était
la catégorie grammaticale la plus appropriée pour rendre compte de cette
relation. En effet, syntaxiquement, il est le centre de la phrase puisqu’il
sélectionne son sujet ainsi que ses compléments, et « par ses marques
morphologiques, il se relie à l’énonciation et s’inscrit de manière privilégiée
dans la deixis personnelle et temporelle »136. Il indique donc l’attitude de
l’énonciateur, et occupe la place prépondérante du point de vue des relations
syntaxiques et sémantiques. Aussi, le verbe était-il la catégorie formelle la plus
à même de révéler ce qui se joue en langue autant que dans la mise en discours.
Quant à la restriction portant sur le « sens autonome », elle est déterminée
par le fait que nous avons décidé de borner notre étude aux emplois de termes
familiers, et non pas à l’étude des emplois familiers de termes. Ces derniers,
minutieusement décrits par Jackie Schön137, relèvent de processus de
glissements sémantiques qui ne font pas tout à fait partie de l’orientation de
notre recherche – bien que des hypothèses similaires puissent être envisagées
comme nous le présenterons au § 4.3.3. Cependant, nous n’avons pas envisagé,
a priori, ce qui fait qu’un terme standard peut connaître une acception
familière, mais ce qui détermine l’attribution d’une marque FAM. dans un
dictionnaire et que l’on peut donc supposer être considéré comme tel par les
locuteurs. Autrement dit, il ne s’agit pas d’observer le glissement d’une
acception reconnue comme standard vers une autre qui serait familière, mais
bien de repérer les conditions d’existence et d’emploi des termes familiers.
Dans une perspective de défrichage de la notion de registre de langue, et
d’homogénéisation du corpus, nous nous sommes centrée sur ces mots qui sont
perçus d’emblée comme familiers, par le lexicographe et les locuteurs.
Concrètement, cela signifie que nous avons retenu, pour notre corpus, les
GARDES-TAMINES J., « De l’intérêt stylistique du verbe », in Travaux 14, Cercle
linguistique d’Aix en Provence, Publications de l’université de Provence, 1997, p. 201.
137 SCHÖN J., « A propos de l’emploi « familier » des verbes courants en français », Cahiers du
centre interdisciplinaire des sciences du langage, vol. 11, 1995-1996, p. 91-99 ; « Les tournures
familières ne sont pas innocentes », Variation linguistique et enseignement des langues, Cahier
d’études romanes, CERCLID 9, Toulouse, 1997, p. 73-94 ; « Le concept freudien
d’ « inquiétante étrangeté » et l’« emploi familier » des lexèmes français », La psycholinguistique
sur le seuil de l’an 2000, Actes du 5e colloque I.S.A.P.L. 1997, Porto, 1999.
136
96 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
entrées dont le sens principal est marqué FAM. ; a contrario, nous en avons
exclu toutes les acceptions polysémiques familières par métaphore, par
extension, sens figuré, etc., produites à partir d’un sens premier qui ne serait
pas marqué familièrement. Notre corpus est donc composé d’entrées
correspondant à des termes familiers (mot-cible marqué FAM. d’emblée) et non
pas à des types d’emplois familiers de termes (entrées secondaires d’un mot
cible).
2.2.1.3. Sélection des items
Notre corpus se compose de 410 acceptions verbales marquées FAM. et
forme, nonobstant les contraintes que nous y avons imposées, un échantillon
représentatif des verbes appartenant à ce que l’on appelle le registre familier.
Nous avons répertorié chacun des items retenus dans un tableau présentant
quatre colonnes :
- l’entrée (numérotée 1 ou 2 si l’entrée dictionnairique présente
plusieurs acceptions FAM.),
- la catégorie grammaticale,
- la marque,
- la définition.
Le corpus est présenté intégralement en annexe 1. Sa mise en forme ne
diffère de la source dictionnairique utilisée que pour des raisons de simplification dans la manipulation du corpus. Nous ne nous sommes permis qu’une
seule modification qui concerne l’introduction des emplois pronominaux ou
participiaux par le signe ♦ plutôt que la double flèche (=>), traditionnellement
réservée aux renvois.
Nous avons relevé tous les verbes marqués FAM. dans le Nouveau Petit
Robert Electronique 2.1. Cette sélection croisant deux variables, la catégorie
grammaticale (v.) et la marque d’usage (FAM.), il n’a pas été possible de la
commander informatiquement. Nous avons donc opéré un tri manuel, en
ouvrant chacune des « fiches » correspondant aux entrées verbales du NPR,
afin de vérifier la marque portée par ladite entrée. Malgré le côté quelque peu
fastidieux de la démarche, cela nous a permis de disposer d’un relevé exhaustif
et de ne pas faire intervenir notre intuition dans l’édification du corpus.
Nous avons ensuite retenu uniquement les sens verbaux marqués FAM. qui
ne représentent pas une extension familière d’un sens non marqué en
synchronie. Cela concerne des entrées dictionnairiques (ou mots-vedettes)
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 97
monosémiques (du type amocher ) et également des entrées polysémiques (du
type arnaquer ).
AMOCHER v.tr
FAM. Blesser par des coups. - Détériorer. => abîmer. Il a amoché sa voiture.
PRONOM. Il s’est bien amoché.
ARNAQUER v.tr.
FAM.
- 1. Escroquer, voler. Commerçant mal honnête qui arnaque le client. Il s’est
fait arnaquer ! => estamber, filouter, gruger.
- 2. Arrêter, prendre. Se faire arnaquer. => alpaguer, épingler.
Pour les mots-vedettes polysémiques du type arnaquer, nous avons considéré
chacun des sens décrits (ex. : arnaquer « escroquer, voler » et arnaquer « arrêter,
prendre » qui seront respectivement notés arnaquer (1), arnaquer (2)).
En revanche, nous avons exclu des entrées telles que angoisser « éprouver de
l’angoisse » ou boxer « frapper à coup de poing », dans la mesure où l’acception
familière ne peut pas être considérée comme « autonome » par rapport à
l’acception non marquée, ce qui nous aurait conduit à travailler sur les
glissements sémantiques de sens vers un autre sens dérivé qui ne relève pas de
notre propos principal.
ANGOISSER
- 1. V. tr. Inquiéter au point de causer de l'angoisse. => Oppresser,
tourmenter ; angoissant. PRONOM. Être saisi d'angoisse, devenir anxieux. Les
français « s’angoissent devant la montée du Sida » (L’Express, 1987)
- 2. V. intr. FAM. Éprouver de l'angoisse, se faire du souci. => 2. flipper. Pour
payer « l’habillement et le transport, elle angoisse » (L’Express, 1989)
◊ CONTR. Apaiser, calmer, tranquilliser.
BOXER
- 1. V. intr. Livrer un combat de boxe, pratiquer la boxe. Il boxe bien, mais sa
garde est trop haute. Dimanche, il boxera face au champion du monde.
- 2. V. tr. FAM. Frapper à coups de poing. Elle a boxé deux voyous.
Autrement dit, notre corpus est constitué à partir d’entrées dictionnairiques
monosémiques marquées FAM. et d’entrées polysémiques dont chacun des
polysèmes est marqué FAM.
Quelques exceptions cependant : certaines entrées polysémiques pour lesquelles
les diverses acceptions ne portent pas la même marque ont pourtant été intégrées à
notre corpus quand le sens marqué FAM. nous apparaissait comme autonome (ex.
embobiner « tromper par des paroles captieuses », baliser « avoir peur »).
EMBOBINER v.tr.
1- FAM. Tromper par des paroles captieuses. => duper, entortiller. Le vendeur
l’a facilement embobiné.
2- Rare. Bobiner.
98 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
BALISER
- 1. V. tr.
1▪ Garnir, jalonner de balises. => balisage. Baliser un port, un chenal, un tracé
de route (=> flécher), un aérodrome. - p.p. adj. Chemin balisé, où le parcours à
suivre est indiqué d’un trait de peinture sur un arbre, une pierre.
2▪ INFORM. Munir (un texte, une information) de balises.
- 2. V. Intr. FAM. Avoir peur.
Nous avons donc retenu certaines acceptions considérées en synchronie
comme homonymes (notamment parce que le lien sémantique qui les unit
n’est plus d’emblée évident), même si elles sont étymologiquement des
polysèmes dérivés d’une acception non marquée.
Nous avons opéré la sélection des acceptions dans le cas des mot-vedettes
polysémiques différemment marqués, de façon strictement arbitraire. En effet,
le NPR a fait le choix de présenter les diverses occurrences des mots d’un point
de vue historique, autrement dit, de présenter les différentes significations par
ordre chronologique croissant. L’ordre chronologique cède parfois cependant
le pas à des critères d’usage. Nous n’avons donc pu nous fier à la présentation
dictionnairique pour effectuer ce tri.
Les entrées de ce type sont :
baliser
barboter
bassiner
beurrer
bomber
bouffer
boulonner
braire
canarder
cochonner
complexer
débander
débarbouiller
débrayer
déjanter
emmieller
empiler
enguirlander
flasher
fauter
flinguer
fringuer
gazer
gerber
jaboter
paumer
peloter
poivrer
queuter
rapetasser
rappliquer
rempiler
rétamer
saucissonner
torcher
turlupiner
viander
zoner
Elles sont intégrées à notre corpus, mais seul le sens marqué FAM. est retenu.
Nous avons finalement répertorié 333 entrées dictionnairiques, chacune des
acceptions marquées FAM. retenue étant considérée comme un item à part
entière, soit un total 410 items.
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 99
2.2.1.4. Association de marques
Nous avons fait le choix de centrer notre corpus sur la marque FAM. et n’y
avons pas intégré les entrées marquées ARG., POP., PÉJ., ou VULG., à l’exception
des cas où elles sont couplées avec la marque FAM. :
COUCHAILLER v. intr.
FAM ET PÉJ.
Avoir des relations sexuelles occasionnelles. => 1. coucher (II , 3).
« Moravagine couchaillait avec elle » (Cendrars).
CHLINGUER v. intr.
FAM. ET VULG.
Puer. => empester. « Je pue ils pincent leur nez ils disent ça chlingue ça
fouette » (Duvert).
En effet, nous l’avons déjà évoqué (§ 1.2 et 1.3), les marques d’usage sont de
divers ordres, diaphasique, diastratatique, diatechnique, diachronique, etc., et
peuvent parfois être combinées avec la marque FAM. Ces combinaisons de
marques représentent 16 % de notre corpus, soit 67/410 items).
Les marques les plus fréquemment associées à la marque FAM. sont :
-
VIEILLI (21
-
VX. (12
items)
-
PÉJ. (11
items)
-
VULG. (7
items)
-
RÉGION.
(5 items)
-
MOD. (4
items)
-
PAR PLAIS.
items)
(1 item)
L’association avec la marque ARG. a un statut un peu différent dans la
mesure où cette combinaison est signalée dans le tableau des abréviations
comme « mot d’argot passé dans le langage familier », et constitue une marque
quasi-autonome ARG. FAM. Cette marque concerne 6 items sur les 410 du
corpus. Par exemple :
DEFOURAILLER v. intr.
ARG. FAM.
Sortir une arme à feu. => dégainer. « Le Texas ranger qui défouraille plus vite
que son ombre » (Le Point, 1987).
100 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Remarquons également que la marque FAM. peut être modulée en TRÈS FAM.
Ces cas sont rares dans le NPR (un seul dans notre corpus) :
REFOUTRE v. tr.
TRÈS FAM.
Remettre. Ne refous jamais les pieds ici, ne reviens jamais.
2.2.1.5. Imprécisions typographiques
La marque utilisée dans le NPR 2002 version électronique est FAM. pour
familier. Elle pouvait auparavant, dans la première version électronique du
Robert (correspondant au Grand Robert de 1985), apparaître comme FAMILIER
ou FAM. sans que cela ne semble relever d’une quelconque distinction dans les
concepts. Une harmonisation typographique a donc été réalisée sur les
nouveaux outils de la gamme.
Cependant, il reste d’autres imprécisions dans la présentation des marques,
qui rendent leur compréhension difficile. Leur présentation diffère parfois
d’une entrée à l’autre. La marque peut être située en tête d’article pour
baratiner ou en tête de chacune des subdivisions pour filocher, sans que nous
percevions de nuance dans l’interprétation du marquage.
FILOCHER
- 1. V intr. FAM. Aller vite, filer.
- 2. V. tr. FAM. Suivre (qqn) pour l’épier.
BARATINER
FAM.
- 1. V. intr. Faire du baratin.
- 2. V. tr. Essayer d'abuser (qqn) par un baratin. => Embobiner. Il commence à
baratiner la fille qu’il avait draguée.
La marque FAM. peut également être associée à d’autres marques avec (nipper)
ou sans (rodailler) la présence de la conjonction et entre les deux marques :
NIPPER v. tr.
FAM ET VIEILLI.
=> habiller. - PRONOM. Il s’est nippé de neuf. => se saper. « C’est que je suis
nippée comme une princesse ! » (Balzac)
RÔDAILLER v. intr.
FAM, VIEILLI.
Rôder, traînailler. « Vous n’avez pas vu rôdailler par là une espèce de petit
muscadin ? » (Hugo).
Elle peut également combiner plusieurs marques, les juxtaposant (chlinguer ) ou les proposant comme une alternative (roter (2)).
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 101
CHLINGUER v. intr.
FAM. et VULG.
Puer. => empester. « Je pue ils pincent leur nez ils disent ça chlingue ça
fouette » (Duvert).
ROTER (2) v. intr.
VULG. ou FAM.
En roter. Supporter une situation pénible (Cf. en baver).
Toujours dans les cas d’association de marques, les présentations peuvent
différer selon les entrées. Dans la présentation de bigler, la répétition de la
marque devant chacune des sous-sections de l’entrée lève l’ambigüité que l’on
peut trouver dans la présentation de bicher.
BIGLER v.
- 1. V. intr. FAM. Loucher.
- 2. V. tr. FAM. et VIEILLI. Regarder du coin de l’œil => regarder ; FAM. zieuter.
« Elle biglait le colosse avec une certaine langueur » (Queneau).
BICHER v. intr.
FAM.
- 1. VIEILLI. Aller bien. Aller bien. Ça biche. => boomer.
- 2. Se réjouir. Il biche !
D’autres variations concernent l’ordre de présentation des marques comme
dans les exemples suivants :
POLITIQUER v. intr.
VX. et FAM.
Parler politique. « Les uns se mirent à causer… plusieurs à politiquer et à
boire » (Diderot).
ÉCORNIFLER v. tr.
FAM. et VX.
Se procurer çà et là aux dépens d'autrui (une aubaine, de l'argent, un bon
repas...) => grappiller, rafler.
Bien qu’anecdotiques, ces « irrégularités » typographiques obscurcissent
quelque peu le propos métalexicographique et rendent la lecture et la
compréhension des marques particulièrement ardue pour l’observateur et, a
fortiori, pour l’utilisateur du dictionnaire non expert. Néanmoins, notre
objectif n’étant pas d’effectuer une expertise des pratiques lexicographiques,
nous n’en avons pas tenu compte dans l’analyse que nous avons faite de notre
corpus.
102 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
2.2.1.6. Représentativité du corpus
Afin d’évaluer la proportion des entrées verbales familières, nous avons fait
un relevé des verbes marqués POP., ARG., VULG., PÉJ. et TRIV. dans l’intégralité du
PR. Nous constatons que le nombre d’items verbaux marqués FAM., alors même
que nous en avons exclu un certain nombre de notre corpus, est largement
supérieur à celui des verbes marqués POP., ARG., VULG., PÉJ. et TRIV.
Nous en répertorions la liste pour information, en précisant également que
le nombre total d’entrées verbales répertoriées dans le PR Électronique s’élève
à 6 467.
ARG. (20 items)
POP. (17 items)
PÉJ. (9 items)
VULG. (4 items)
TRIV. (1 item)
abouler
alpaguer
attiger
se camer
caner
castagner
entôler
entraver
fayoter
fourguer
mater (3)
michetonner
niquer
paumer
plancher
renquiller
sniffer
tapiner
tartir
Tortorer
boumer
calancher
calter
clamser
se contrefoutre
débagouler
maquer
maquereauter
mollarder
(POP. ET VULG.)
se pagnoter
se pieuter
piffer
pinter
rancarder
renauder
trimarder
turbiner
s’amouracher
discutailler
doublonner
ecrivailler
ecrivasser
esthétiser
ferrailler
mercantiliser
(LITT. ET PÉJ.)
trainasser
conchier
(VULG. OU LITT.)
enculer
engrosser
foirer
foutre
2.2.2. Méthodes d’observation des entrées FAM.
Les observations précédentes (§ 2.1) font apparaître le registre de langue
familier comme un registre hétéroclite et mouvant qui ne répond pas à un
phénomène, mais à la combinaison ou à la concomitance de facteurs de
diverses natures, qui s’inscrivent dans toutes les dimensions des unités
linguistiques. Afin de rendre compte de la complexité du phénomène de
familiarité lexicale, il a été indispensable de faire co-exister des analyses de
diverses natures.
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 103
Nous l’avons annoncé dans l’introduction de ce travail, nous allons nous
intéresser principalement à trois aspects, constituant chacun un chapitre. Le
premier concerne la distribution de la marque FAM. dans les dictionnaires
(chapitre 3), le second les propriétés formelles des lexèmes FAM. (chapitre 4) et
le troisième les caractéristiques sémio-sémantiques du registre familier
(chapitre 5). Chaque étape de l’analyse est décrite de façon détaillée en
introduction de chacun des trois prochains chapitres, c’est pourquoi nous n’en
donnons ici qu’un bref aperçu.
2.2.2.1 Observation des conditions d’attribution de la marque FAM.
Une première étape a consisté à observer le système de marquage des
entrées, afin d’essayer de comprendre ce qui fait la spécificité de la marque
FAM. Nous avons donc traité les données pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire du
matériel lexicographique, afin de tester l’hypothèse de l’interprétation sociolinguistique (voir supra § 2.1.2.2). Nous avons cherché à comprendre comment
se détermine le marquage des entrées lexicales dans les dictionnaires, du point
de vue essentiellement métalinguistique, dans une perspective variationniste, à
partir des concepts de « niveau « ou « registre de langue », de « diaphasique » et
« diastratique », de « langue familière, populaire et argotique ».
Dans un premier temps, nous avons confronté notre corpus aux indications
lexicographiques du Petit Larousse 2001. Nous l’avons dit, les orientations
éditoriales influent largement sur le marquage des termes et il apparaît fort
instructif d’observer les convergences ou divergences de marquage d’un
dictionnaire à l’autre. L’objectif de cette entreprise n’est évidemment pas de
porter un jugement sur les pratiques lexicographiques de tel ou tel
dictionnaire, mais d’essayer, grâce à la démarche comparative, de mettre au
jour des hésitations, des prises de position dans les choix lexicographiques
d’attribution (ou non) de la marque FAM.
Nous avons ensuite complété ces données synchroniques par une comparaison en diachronie. C'est-à-dire que nous avons relevé les entrées marquées
FAM. dans le Petit Robert paru en 1977 et les avons confrontées à celles de
2002, afin d’essayer de comprendre l’évolution de ce marquage. Ainsi avonsnous eu une idée plus précise de ce que nous appelons « le parcours lexical »
des termes de notre corpus.
Le chapitre 3, qui rend compte de cette première étape, clarifie donc les
liens et contours de la marque FAM. et des autres marques, notamment POP., et
ARG., et permet de réfléchir à l’interprétation sociolinguistique de la marque
FAM. dans ses imbrications avec les autres marques, conformément à l’hypothèse énoncée au § 2.1.3.2. Cette première phase d’analyse a permis de mettre
104 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
au jour la fonctionnalité de la marque FAM. et d’affirmer des positions terminologiques avancées à la fin du chapitre 1.
2.2.2.2. Observation des propriétés formelles
La seconde étape de ce travail (chapitre 4) a consisté à observer et détailler
minutieusement les propriétés formelles des lexèmes marqués FAM., dans la
perspective de la morphologie lexicale. Nous avons pu dégager un certain
nombre de particularités des verbes marqués FAM. qui sont autant de
dimensions relevant de la familiarité lexicale, tant du point de vue de la
substance (notamment phonique) que de la morphologie (par les processus de
dérivation). Ce sont donc essentiellement les mots construits qui ont fait l’objet
de l’observation, l’examen des mots simples venant confirmer ou étayer nos
observations. Nous avons travaillé à partir des bases lexicales sur lesquelles sont
dérivés les items construits de notre corpus, puis nous avons dégagé les
processus spécifiques en œuvre dans l’opération morphologique de dérivation.
Nous avons pu, en les comparant avec les règles de construction des mots de la
morphologie dérivationnelle, dégager les spécificités propres aux lexèmes
verbaux familiers.
Autrement dit, nous avons cherché à savoir, par le biais de regroupements,
ce qui fait des termes marqués FAM. des lexèmes singuliers au regard d’un
lexique standard. Nous avons considéré ces caractéristiques comme autant de
« critères » formels favorisant potentiellement l’attribution de la marque FAM.,
et par là même susceptibles de produire un effet familier.
Nous avons pu, dans ce chapitre, engager une réflexion autour des questions
de connotation et préciser certains aspects de l’expressivité liés à la familiarité,
comme annoncé aux § 2.1.3.3 et § 2.1.3.4. Une étude plus approfondie de la
dimension sémantique est réalisée au chapitre suivant.
2.2.2.3. Observation des caractéristiques sémantiques du lexique familier
Enfin, nous avons observé le type de définition avec lequel notre dictionnaire de référence glose les verbes familiers. A partir de ces modalités
définitoires, il a été possible de dégager autant de liens spécifiques que le
lexicographe établit entre les entrées du corpus et leur définissant. Nous avons
donc, par une approche relevant de la sémantique lexicale, mis au jour les
relations sémantiques existant entre des entrées dictionnairiques marquées et
des définissants non marqués, entre cette part du lexique appartenant au
registre familier, et cette autre considéré comme standard. Les notions
Chapitre 2. – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation 105
d’hypéronymie et de synonymie qui sont au cœur de ce chapitre 5, ont permis
de discuter la notion de connotation.
Cette analyse a été complétée par un bref aperçu des caractéristiques
sémantico-syntaxiques des verbes familiers, inspirée de la linguistique
formelle. Nous avons effectué une comparaison des propriétés distributionnelles des lexèmes verbaux marqués FAM. et leur « équivalent » non
marqué. L’observation systématique des traits spécifiques des verbes de notre
corpus permet, en effet, de dégager les nœuds des relations sémantiques
qu’instaurent ces verbes avec leurs arguments et, plus largement, les relations
sémantiques existant entre les verbes du corpus puis entre chaque verbe
familier et son homologue non marqué. Il apparaît, à la fin de ce chapitre, que
la familiarité lexicale peut être interprétée du côté de l’expression de la
subjectivité du locuteur. Il semble, en effet, que les verbes familiers sont
marqués par l’intentionnalité du sujet de l’énonciation.
L’ensemble de ces trois chapitres éclairent la notion de familiarité lexicale
et, plus largement, la notion de registre de langue, notamment en clarifiant
l’utilité de ce réservoir registral qu’offre la langue.
CHAPITRE 3
DU LEXIQUE MARQUÉ FAM. À L’« EFFET FAMILIER »
________
L’objectif principal de ce chapitre est d’interroger l’hypothèse sociolinguistique de l’interprétation du lexique familier, c’est-à-dire de mettre en évidence
les relations que le lexique familier entretient respectivement avec les
dimensions diastratique et diaphasique. En d’autres termes, nous allons mettre
en évidence les spécificités du lexique familier, à partir des points communs et
dissemblances des zones du lexique que l’on qualifie de non standards.
Pour ce faire, nous avons travaillé sur notre corpus de verbes indexés comme
familiers (comme annoncé en § 2.2). Nous avons procédé à une comparaison
synchronique et diachronique des marques qui sont attribuées à nos items,
postulant que l’observation du marquage lexicographique informe quant aux
jugements portés sur les usages. Ainsi, avons-nous accès, notamment par les
différences de marquage, aux phénomènes d’évolution du lexique et à une
représentation de leur catégorisation. Ces observations nous ont permis de mettre
au jour les contours des marques POP., ARG. et FAM. qui nous ont conduits, d’une
part, à proposer une « localisation » des zones des usages non standards dans
l’organisation du lexique général et, d’autre part, à interroger la validité opératoire
des concepts de langue populaire et argotique et celui de registre familier.
3.1. RETOUR SUR LES ÉCUEILS TERMINOLOGIQUES
Ainsi que nous l’avons montré aux § 1.2 et § 1.3, on distingue d’une part les
usages qui constituent de véritables signaux d’appartenance sociale (lexiques
populaire et argotique) et d’autre part les usages familiers, relatifs à une
situation de communication bien précise. Les indications données dans le
tableau des abréviations du NPR, en témoignent :
108 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
ARG.
: mot d’argot, emploi argotique limité à un milieu particulier, surtout
professionnel, mais inconnu du grand public ; ARG. FAM. : mot d’argot passé
dans le langage familier ; argotique.
FAM. : familier : usage parlé et même écrit de la langue quotidienne : conversation, etc., mais ne s’emploierait pas dans les circonstances solennelles ;
concerne la situation de discours, non l’appartenance sociale, à la différence
de POP.
POP.
: populaire : qualifie un mot ou un sens courant dans la langue parlée des
milieux populaires (souvent argot ancien répandu) qui ne s’emploierait pas
dans un milieu social élevé (à distinguer de FAM. qui, lui, concerne la situation
de communication).
Si ces distinctions semblent simples dans l’absolu, nous avons affaire à une
part du lexique des plus hétérogènes dont la catégorisation se révèle difficile.
Certains lexicographes n’hésitent pas à dire les difficultés qu’ils rencontrent
dans la distribution des marques FAM., POP. et ARG.138, et à montrer qu’il en va
parfois de la pertinence même de ce système de marquage. La conséquence
lexicographique est importante dans la mesure où il devient difficile de
proposer des définitions opératoires des marques d’usage (voir § 1.2), source de
confusions ou d’imprécisions.
3.1.1. Maniement erratique des marques d’usage
Des études comparatives de marquage ont été faites pour mettre au jour les
carences. L’une d’elles, réalisée aux Archives du français contemporain de
Sarrebruck139 à l’aube des années 1970, s’est donné pour objet de confronter les
indications de niveaux pour 70 mots répartis sur tout l’alphabet dans
6 dictionnaires (le Grand Larousse de la langue française, le Larousse en trois
volumes, le Petit Larousse, le Grand Robert, le Petit robert et le Dictionnaire
du français contemporain). L’unanimité entre les 6 dictionnaires ne s’est
réalisée que dans 8 cas sur les 70 (2 mots marqués FAM. et 6 mots marqués
POP.). En revanche, on a pu constater 3 ou 4 niveaux différents pour un grand
nombre de mots (par exemple, le mot pot (« chance ») peut être non marqué,
marqué FAM., POP. ou ARG.). Il y a parfois aussi des contradictions à l’intérieur
même d’un dictionnaire : dans le PR, marrant et poilant sont du niveau POP. à
leur ordre alphabétique, mais on les retrouve tous deux FAM. à l’entrée rigolo.
MESSELAAR P.-A., « Les marques familier et populaire envisagées des points de vue
lexicologique et lexicographique », op. cit., p. 91-106 ; CORBIN P., « Les marques
stylistiques/diastratiques dans le dictionnaire monolingue », in HAUSSMANN et al ,
Wörterbücher, ein internationales Handbuch zur Lexikographie, op.cit., p. 673-680 ;
GIRARDIN C., « Système de marques et connotations sociales dans quelques dictionnaires
culturels français », op. cit., p. 76-102, etc.
139 Citée par GILBERT P., « Différenciations lexicales », op. cit., p. 46.
138
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 109
Quelques années après, Claude Désirat et Tristan Hordé140 ont comparé des
classements de 3 dictionnaires de la fin du XIXe siècle et de 4 dictionnaires
contemporains, pour 12 synonymes des verbes travailler et voler. Leurs
conclusions corroborent les constats précédents : les vocables marqués du point
de vue de l’usage sont instables et l’accord est rare entre dictionnaires. Ils
confirment également le fait que les termes non marqués sont beaucoup plus
stables à travers le temps et que l’intégration du français commun s’effectue
plus rapidement pour les mots du travail que pour ceux des activités
antisociales.
Le travail le plus détaillé est sans doute celui réalisé par Pierre et Danielle
Corbin141, qui se sont donné pour tâche de confronter les discours des
lexicographes sur les marques d’usage et leurs pratiques de confection des
dictionnaires. Leur étude, effectuée sur le Micro-Robert, met en évidence un
certain nombre d’incohérences que nous retrouvons dans de nombreux autres
dictionnaires. Leur point de départ est identique à celui que nous avons retenu
pour notre premier chapitre et consiste à examiner les gloses des marques dans
la préface. Nous retranscrivons leur démonstration, considérant que les mêmes
types de constats pourraient être effectués aujourd’hui, sur de nombreux autres
dictionnaires. En effet, les indications que donne le Micro-Robert pour la
marque FAM. et la marque POP. sont sensiblement celles des dictionnaires
précédemment observés (voir § 1.2). La marque FAM. est comprise en termes de
circonstances de l’énonciation, à l’exclusion de toute référence à un milieu
donné, social ou professionnel. Elle qualifie « la langue parlée, ordinaire,
quotidienne et la langue écrite un peu libre ». Quant à la marque POP., elle
renvoie aux milieux sociaux et de degré de culture. Elle qualifie « un mot ou un
sens courant dans la langue parlée des milieux populaires et qui ne s’emploierait pas normalement dans un milieu social élevé ».
A ce stade-là de l’observation, les indications lexicographiques ne sont pas
contradictoires. En revanche, les auteurs remarquent que le tableau des
abréviations en début d’ouvrage glose la marque POP. comme « souvent argot
ancien répandu ». Donc, selon ce dernier élément, POP. renvoie à ARG., qui luimême recouvre des usages du langage courant : « pour les mots d’argot passés
dans le langage courant, voir POP. ».
C’est là que le bât blesse. En effet, ARG. est défini en termes de milieux non
identifiés à des classes sociales mais plutôt limités à des milieux fermés,
professionnels par exemple, inconnus du grand public. Ainsi le passage suggéré
de ARG. au « langage courant » complique la situation car il repose sur l’ambiDESIRAT C., HORDE T., La langue française au XXe siècle, Paris, Bordas, 1976, p. 42.
CORBIN P., CORBIN D., « Le monde étrange des dictionnaires : les « marques d’usage »
dans le Micro-Robert », Bulletin du Centre d’analyse du discours, n° 4, 1980, p. 237-324.
140
141
110 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
guïté du terme « courant ». La transition de ARG. à POP. ne peut s’expliquer que
par la présence dans la définition de POP. de la formule « qualifie un mot ou un
sens courant dans la langue parlée des milieux populaires », qui a ici une valeur
tautologique et ne réfère qu’aux milieux sociaux populaires. Alors que le terme
« courant » dans la formule « pour les mots d’argot passés dans le langage
courant, voir POP. », peut être identifié à la marque COUR. (courant) définie par
exclusion de toute référence à un quelconque milieu social (« connu et
employé par tous »).
Les gloses stipulées dans le tableau des abréviations procèdent d’un
mouvement apparemment circulaire par jeux de renvois successifs. Or celui-là
ne fonctionne qu’au prix d’un glissement de sens du terme « courant », de
« fréquent dans la langue populaire »142 vers « connu et employé par tous ».
L’incohérence des marques naît d’une confusion entre norme de groupes et
norme générale, pourrait-on dire entre norme subjective (« normal pour les
uns ») et norme objective (« normal car général »).
D’autres difficultés pointées par les auteurs de l’étude sont l’impossible conciliation des marques et des énoncés définitoires proposés lorsqu’elles sont considérées comme entrées dictionnairiques. Par exemple, la marque VULG. est définie
en termes de degré d’éducation et exclut toute considération de milieu social :
VULG. : mot, sens ou emploi choquant, souvent familier (FAM.) ou populaire (POP.),
qu’on ne peut employer entre personnes bien élevées, quelle que soit leur classe
sociale.
La référence à FAM. ou POP. est doublement incohérente, les critères retenus
par POP., VULG. ET FAM. étant incompatibles :
- Si le rejet d’un mot transcende les distinctions de classes sociales pour ne
reposer que sur la bonne éducation des locuteurs (VULG.), il apparaît alors
impossible d’assigner cet emploi à un milieu social donné (POP.)
- Si le rejet d’un mot transcende les circonstances de l’usage pour ne
dépendre que de certains locuteurs sur la base de leur bonne éducation (VULG.),
il apparaît alors impossible de le mettre à la disposition de tous pour certaines
circonstances d’énonciation (FAM.).
La définition attribuée à la marque VULG. rend compte de la difficile distinction entre les emplois caractéristiques de la classe du locuteur (POP.), les
emplois relevant des dispositions énonciatives (VULG.) et ceux dépendant de la
situation d’énonciation (FAM.)
Les constats de Pierre et Danielle Corbin illustrent les problèmes auxquels se
confrontent les lexicographes, dans la mesure où ils ne disposent pas de critères
opératoires d’attribution des marques. Chacune des études citées confirme la
142
C’est nous qui soulignons.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 111
confusion des dimensions diaphasique et diastratique. En effet, l’hésitation à
concevoir les marques FAM., POP. et ARG. (voire VULG.) comme indicateurs
sociaux ou comme indicateurs situationnels, constitue la difficulté principale. La
pléthore de dictionnaires spécialisés qui a vu le jour ces dernières décennies143
n’a pas contribuée à résoudre ce problème qui est, au fond, théorique avant
d’être pratique. La distinction entre populaire, argotique ou familier y est
rarement explicitée, quand elle n’est pas tout simplement évacuée.
3.1.2 Conception évolutive des usages dans les dictionnaires spécialisés
Le spécialiste Alphonse Boudard écrit dans la préface du Dictionnaire du
français argotique, populaire et familier 144 « c’est un fort volume et qui fait à
peu près le point sur le langage populaire et argotique à la veille du
XXIe siècle ». Or, il y parle systématiquement d’argot mais jamais de familier ni
de populaire. Aucune distinction n’est faite ensuite ; les trois termes sont
manipulés indifféremment comme s’il s’agissait de trois synonymes.
Quant à George Delesalle dans son Dictionnaire Argot-Français & FrançaisArgot, il résume les caractéristiques des termes que l’on trouvera dans son
ouvrage par l’expression « des mots ou expressions qui vont se formant tous les
jours à côté du langage établi et naissant par leur vitalité propre sans obéir à
d’autre loi que le besoin d’exprimer les faits d’une façon originale»145. Sans
justifier ces distinctions, il utilise dans la table des abréviations un système de
notation qui permettra de différencier :
⊗ Langage populaire
Ο Langage familier
z Argot des malfaiteurs
François Caradec, précise dans la préface du Dictionnaire argotique et
populaire 146 que « la langue parlée se nomme encore langue populaire dans les
dictionnaires, qui appliquent aux termes les mentions POP., ARG., FAM. ou VULG.,
sans qu’ils soient toujours bien d’accord sur leur champ d’épandage ». Il reprend la
définition de « langue populaire » d’Henri Bauche qui, dès 1920, la considère
comme l’idiome parlé couramment et naturellement par le peuple, et la distingue
143
Une liste non exhaustive est présentée en bibliographie.
DONTCHEV D., Dictionnaire du français argotique, populaire et familier, Monaco, Édition
du Rocher, 2000.
145 DELESALLE G., Dictionnaire Argot-Français & Français-Argot, fac-similé, Cœuvre-etValsery, Ressouvenances, 1998, p. XXII.
146 CARADEC F., Dictionnaire du français argotique et populaire, Paris, Larousse, 1977, p. 5.
144
112 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
de l’argot, idiome artificiel 147. Cependant, aucune information spécifique n’est
donnée sur le français familier, qui semble être assimilé au populaire dans une
dimension plutôt orale : « si l’on en croit les mentions POP., FAM., ou VULG. qui
figurent à côté de certains mots dans les dictionnaires de langue, il existerait bien
en France une « langue populaire » aux confins de la langue écrite »148.
Jacques Cellard et Alain Rey ont choisi une toute autre option dans leur
Dictionnaire du français non conventionnel. Ils abandonnent les termes de
populaire, familier et argotique, au profit de l’appellation générique de « non
conventionnel », correspondant à ces mots ou phrases qui appartiennent à la
langue sans pour autant apparaître dans les grammaires traditionnelles. Cette
dénomination comprend « à la fois plus et moins que ce que l’on nomme très
généralement argot . Plus, puisqu’il accueille nombre de mots ou d’expressions qui
sont simplement « populaires » ou « très familiers », pour reprendre les termes
habituels des dictionnaires. Moins, parce que n’en font pas partie les « argots »,
vocabulaires particuliers à de petits groupes sociaux parfaitement honorables »149.
Dans le Guide du lecteur, au début du dictionnaire, apparaît un système de
vignettes novateur et relativement précis :
: le mot traité est, pour l’un de ses sens, parfaitement admis en français
conventionnel. C’est ce sens général et conventionnel que signale la vignette.
: le mot traité (si la vignette
n’est pas apparue précédemment), ou le sens
traité, est non conventionnel.
: le mot ou le sens traité est semi-conventionnel ; plus précisément, il nous
apparaît glisser du domaine conventionnel au domaine non conventionnel.
: le mot ou le sens traité est semi-conventionnel, mais l’évolution se fait en sens
inverse, par glissement du domaine non conventionnel au domaine familier. Ainsi
bacante(s), non conventionnel encore (ou « argotique ») vers 1930, nous apparaît
n’être plus aujourd’hui que « familier ».
Les vignettes constituent indirectement, pour le lecteur mal familiarisé avec le
français populaire, un « mode d’emploi » du mot. On s’abstiendra des termes
signalés comme
, sinon dans une intimité certaine ; les termes
ou
pourront entrer dans la conversation relâchée.
Ce système de marquage apparaît assez efficace d’un point de vue pragmatique.
Il nécessite, en outre, que l’utilisateur possède de bons repères normatifs qui lui
permettent d’imaginer une échelle de relativité. Les termes présentés dans le
dictionnaire sont organisés graduellement par rapport au point de référence que
constitue le français conventionnel. Néanmoins, ce système ne comble pas les
lacunes constatées dans des dictionnaires généralistes (voir chapitre 1) car il
s’appuie sur des normes qui ne sont pas définies. Les critères du « français
147
C’est nous qui soulignons.
Préface de l’édition de 2005.
149 CELLARD J., REY A., Dictionnaire du français non conventionnel, Paris, Hachette, 1980,
p. X.
148
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 113
conventionnel », à partir duquel se déclinent les marques non conventionnelles et
semi-conventionnelles, ne sont pas développés.
Dans une même perspective de gradation, Bernet et Rézeau proposent dans
le Dictionnaire du français parlé 150 un système d’annotation simplifié. Il
comporte quatre signes : O, , Ø, . Il est stipulé que les deux premiers
expriment des réserves (marqués pour O, très marqués pour ) en lien avec la
diffusion dans l’espace (régionalismes), dans le temps (locutions vieillies) ou
dans la société (locutions propres à certains âges ou à certains milieux). Les
mêmes symboles barrés (Ø et
) indiquent que l’usage des locutions
concernées enfreint un tabou (grossièreté ou allusion sexuelle) ou qu’il peut
être perçu comme une injure (notamment manifestation de xénophobie ou de
racisme). L’absence d’un symbole d’usage signifie que la locution considérée
appartient au français familier et/ou quotidien, sans restrictions. Les explications de ces « symboles d’usage » étant là encore elliptiques, ils ne permettent
pas de clarifier les critères de marquage.
Dans la préface de la première édition du Dictionnaire de l’argot français et ses
origines, Alphonse Boudard avance que « certains vocables passent dans le langage
populaire, puis dans le français courant. D’autres tombent en désuétude »151. On
retrouve ici distinctement l’idée d’une évolution linéaire des termes, les faisant
évoluer d’une zone du lexique à une autre. Jean-Paul Colin va plus loin dans sa
présentation et note qu’il a « cru bon de faire quelques remarques concernant
l’emploi des mots, en particulier pour souligner la coappartenance du mot à
plusieurs registres : populaire et argotique ou familier et argotique, ou pour
signaler l’évolution historique de tel mot, dont la carrière a commencé dans l’argot
« fort », pour passer peu à peu dans un domaine plus vaste, celui d’une familiarité
courante : glissement intuitivement perceptible, mais évidemment malaisé à
repérer de façon précise »152. Ainsi, un terme pourrait-il être familier ET populaire,
argotique ET familier, l’un n’excluant pas l’autre.
Les systèmes de symboles examinés dans les trois derniers dictionnaires
relèvent plus ou moins explicitement d’une conception évolutive des niveaux
ou registres de langue. Le « parcours » diachronique des termes est envisagé sur
un continuum s’étendant d’un usage non conventionnel (argotique et/ou
populaire) à une langue plus conventionnelle (standard, normée), en passant
nécessairement par un intermédiaire semi-conventionnel (ou familier). Le
150
BERNET C., REZEAU P., Dictionnaire du français parlé : le monde des expressions
familières, Paris, Seuil, 1989.
COLIN J.-P., MEVEL J.-P., LECLERE C., Dictionnaire de l’argot français et de ses origines,
Paris, Larousse, 1990, p. VI.
152 Ibidem, p. XIII.
151
114 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
registre familier semble dès lors constituer une « étape » obligatoire dans
l’évolution d’un terme non conventionnel – si tant est qu’un glissement vers le
conventionnel se produise –. Néanmoins, l’introduction de la possibilité de
« coappartenance » envisagée par J.-P. Colin n’est pas simplement une nuance
comme il semble l’amener, dans la mesure où elle implique de repenser la
linéarité du modèle lexical. Nous reviendrons en détail sur cette question plus
loin (voir figure 5, § 3.3.1), après avoir examiné les distributions des marques
sur corpus. En effet, nous avons confronté les données des dictionnaires
généralistes ainsi que ces conceptions issues des dictionnaires spécialisés à
l’observation de notre corpus, dans l’objectif de pouvoir cerner plus justement
l’organisation du lexique et des divers usages.
3.2. CONFRONTATION DES DÉFINITIONS TERMINOLOGIQUES
À LA DISTRIBUTION DES MARQUES LEXICOGRAPHIQUES
Notre corpus présente 410 termes marqués FAM. par le PR. Nous avons
confronté, dans une perspective diachronique et synchronique, les marques qui
leur sont attribuées dans le PL 2001 et le PR 1977. Nous postulons en effet que
la comparaison de la distribution des marques d’usage, et le choix de l’une
plutôt que l’autre, permet d’accéder aux jugements portés sur le lexique, et à ce
titre, rend compte d’une certaine organisation de celui-ci.
3.2.1. Les marques d’un dictionnaire à l’autre : comparaison synchronique
Nous avons comparé le marquage de notre corpus à celui d’un autre
dictionnaire en un volume, le Petit Larousse, dans sa version électronique de
2001, ce qui respecte la contrainte synchronique. Ces deux dictionnaires
recensent respectivement 60 000 mots et 300 000 sens pour le NPR 2002 et
90 000 articles et 200 000 définitions pour le PL 2001153. Aussi paraissent-ils
comparables. Cette manipulation n’a pas pour objet une évaluation des pratiques lexicographiques mais vise à éclairer les zones dans lesquelles évoluent
les items marqués, en observant les hésitations ou différences de marquage.
En pratique, nous avons relevé dans le PL 2001, version électronique, tous les
verbes marqués FAM. selon les mêmes critères que ceux établis pour l’édification
de notre corpus de référence issu du Nouveau Petit Robert 2002. Ensuite, nous
avons « croisé » les deux corpus, celui du NPR 2002 et celui du PL 2001, c’est-à153
Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Larousse (consultée le 1/1/2007).
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 115
dire que nous avons comparé les marques de chacune des entrées relevées dans
le NPR avec les entrées correspondantes dans le PL et réciproquement. Là
encore la recherche n’a pu se faire par croisement électronique de double indices
(« verbe » et « FAM. ») et a donc nécessité un tri manuel.
3.2.1.1. Données comparatives NPR 2002/PL 2001
L’intégralité des données étant produite en annexe (voir annexe 2154), nous
n’en présentons ici qu’un tableau de synthèse. Dans la colonne de gauche
figure le détail des marques attribuées par le NPR 2002 aux items de notre
corpus. Conformément aux choix présentés au § 2.3, nous avons retenu la
marque FAM., marque ARG. FAM., marque FAM. et marques associées. Dans la
colonne de droite figurent les marques que le PL 2001 a attribuées à ces mêmes
termes. Lorsqu’un terme n’apparaît pas dans la nomenclature du PL, nous
avons noté « Ø ». Lorsqu’aucune marque n’est attribuée par le PL, nous avons
stipulé clairement « non marqué ». La colonne centrale dénombre les items
recensés par catégorie de marque.
Par exemple, les deux premières lignes du tableau se lisent comme suit :
- 3 items du corpus sont marqués ARG. FAM. dans le NPR 2002 et FAM.
dans le PL 2001,
- 2 items du corpus marqués ARG. FAM. dans le NPR 2002 ne figurent
pas dans la nomenclature du PL 2001.
Types de marques attribuées aux
entrées du corpus par le NPR 2002
ARG. FAM.
ARG. FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM. ET VIEILLI
FAM. ET VIEILLI
FAM.
FAM.
FAM.
154
3
2
19
3
245
1
8
7
2
2
2
48
Types de marques attribuées aux
entrées du corpus par le PL 2001
FAM.
Ø
non marqué
ARG.
FAM.
FAM. (Suisse)
FAM. VIEILLI
FAM. ET VIEILLI
FAM. ET VX.
FAM. ET PÉJ.
FAM. ET VX.
Ø
Nous présentons en annexe d’une part un tableau reprenant chacun des entrées de notre
corpus et faisant figurer la marque qui lui attribuées par le PR 2002 et par le PL 2001. Puis
d’autre part un second tableau regroupant les entrées marquées FAM. par le PL qui ne figurent
pas dans notre corpus, ainsi la marque que le PR 2002 leur attribue.
116 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
FAM.
FAM.
FAM. (lang.
écolier)
FAM. ET MOD
FAM. ET PAR PLAIS
FAM. ET PÉJ.
FAM. ET PÉJ.
FAM. ET PÉJ.
FAM. ET PÉJ.
FAM. ET VIEILLI
FAM. ET VIEILLI
FAM. ET VIEILLI
FAM. ET VULG.
FAM. ET VULG.
FAM. ET VULG.
VULG. OU FAM.
VULG. OU FAM.
FAM. ET VX.
FAM. ET VX.
FAM. ET VX.
FAM. ET VX.
FAM. ET PAR EUPH
FAM. ET RÉG.
FAM. ET REG.
12
1
1
4
1
1
5
5
1
8
3
1
1
2
2
1
1
3
7
1
1
2
2
2
410
TRÈS FAM.
VULG.
FAM.
FAM.
FAM.
ARG.
FAM. ET PÉJ.
FAM.
Ø
FAM.
Ø
ARG.
Ø
TRÈS FAM.
VULG. TRÈS FAM.
FAM.
Ø
FAM. ET VX.
Ø
non marqué
FAM.
FAM. ET PAR EUPH
FAM.
Ø
Tableau 3 – Comparaison des marques attribuées par le NPR 2002 et le PL 2001
aux items du corpus
En outre, 169 verbes marqués FAM. ont été relevés dans le PL et ne figurent
pas dans notre corpus. Il nous semble cependant important de détailler le
traitement que le NPR leur réserve :
Types de marques attribuées par le
Types de marques attribuées par
PL
NPR
FAM
FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM.
FAM. (et
autres)
FAM. ET PÉJ.
2
2
11
4
4
6
1
58
3
10
37
3
(sens 2) non marqué
(sens 2) COUR
(sens 2) FAM.
(sens 2) FIG. (sens 2) PAR EXT.
(sens 2) FIG. FAM.
(sens 2) MOD.
(sens 2) POP.
non marqué
ANGLIC.
ARG.
Ø
PÉJ.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 117
FAM. (et
autres)
FAM.
FAM.
FAM.
11
3
5
9
169
POP.
RARE
VIEILLI
VX.
Tableau 4 – Comparaison des termes marqués FAM. dans le PL 2001
qui ne sont pas marqués FAM. dans le NPR 2002
3.2.1.2. Observations des données
Si le marquage peut connaître des différences d’un dictionnaire à l’autre, il
apparaît tout de même que la distribution de la marque FAM. dans le PL et le
NPR est semblable à plus de 77%. En effet, 318 items sur 410 sont marqués
FAM. (ou FAM. et marque associée) dans le NPR et sont également marqués FAM.
(ou FAM. et marque associée) dans le PL, dont 245 sont strictement marqués
FAM. dans chacun des deux dictionnaires, soit 60%.
Bien que les lexicographes avouent ne pas avoir recours à des critères
particuliers, il semble que les jugements portés sur ces usages soient relativement homogènes.
Sur les 33% du corpus restant, 20 items marqués FAM. dans le NPR sont non
marqués dans le PL, soit près de 5% du corpus. A contario, 58 verbes marqués
FAM. dans le PL ne sont pas marqués dans le NPR. C’est le point sur lequel les
différences entre les deux dictionnaires sont les plus importantes. Cela
confirme d’une part que les frontières entre marqué et non marqué ne sont pas
étanches et d’autre part que le point le plus souple se situe entre le standard et
le familier.
Exemples d’entrées marquées FAM. dans le NPR et non marquées dans le PL :
cabotiner
décomplexer
emmitoufler
jubiler
godailler
poutser
Exemples d’entrées marquées FAM. dans le PL et non marquées dans le NPR :
bachoter
bambocher
cancaner
cauchemarder
flirter
glouglouter
Par ailleurs, 66 items marqués FAM. dans le NPR ne figurent pas dans le PL,
soit 16% du corpus, et 37 verbes marqués FAM. dans le PL (sur les 169 items
relevés) ne figurent pas dans le NPR. Ce sont les conséquences d’orientations
éditoriales. En effet, ce sont principalement des termes associant la marque
FAM. et une marque diachronique (FAM. ET VX., FAM. ET VIEILLI) dans le NPR qui
118 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
ne sont pas intégrés à la nomenclature du PL. Quant aux termes marqués FAM.
par le PL qui ne figurent pas dans le NPR, plus de la moitié d’entre eux sont des
belgicismes, canadianismes, helvétismes.
Exemples d’entrées FAM. dans le NPR qui ne figurent pas dans le PL :
châtaigner
défourailler
déhotter
queuter
roustir
violoner
Exemples d’entrées FAM. dans le PL qui ne figurent pas dans le NPR :
baisoter
booster
bouéler
gatter
gragnifier
raccuser
Si l’on compare plus précisément chacun des deux tableaux présentés, plusieurs remarques peuvent être faites :
La marque ARG. FAM., n’apparaît pas dans le système de marquage du PL. Les
termes qui sont marqués ARG. FAM. dans le NPR se voient, soit simplement marqués FAM. dans le PL, soit ne figurent pas dans la nomenclature de ce dernier.
Exemples de termes marqués ARG. FAM. dans le NPR :
gamberger
lourder
morfler
défourailler
La marque POP., bien qu’elle soit présente dans le tableau des abréviations
du PL, n’est pas répertoriée pour les entrées observées, et une recherche de
« POP » en texte intégral (toutes catégories grammaticales confondues) nous
confirme qu’elle n’est plus utilisée comme marque d’usage dans cette version
(les termes marqués POP. dans le NPR se voient marqués FAM. dans le PL).
Aussi les termes marqués POP. dans le NPR seront préférentiellement marqués
FAM. dans le NPR.
Exemples de termes marqués POP. dans le NPR et FAM. dans le PL :
calter
clamser
débagouler
licher
se pieuter
piffer
La marque TRÈS FAM. est plus largement utilisée par le PL (14 items) alors
qu’elle ne l’est qu’une seule fois par le NPR.
Exemples de termes marqués TRES FAM. dans le PL :
becter
couillonner
glander
graillonner
tapiner
chlinguer
La marque ARG. se raréfie dans le PL : 10 termes marqués
sont marqués ARG. dans le NPR.
FAM.
dans le PL
Exemples de termes marqués FAM. dans le PL et ARG. dans le NPR :
se camer
caner
fayoter
mater
paumer
sniffer
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 119
On peut alors avancer que les deux systèmes de marquage se sont dotés d’un
type de gradation pour rendre compte d’usages non conventionnels et semiconventionnels, le PR utilise les marques ARG., ARG. FAM., POP. et FAM., alors
que le PL utilise les marques ARG., TRÈS FAM. et FAM. Cependant, il n’y a pas de
correspondance termes à termes.
En outre, si le PL, comme le PR, fait usage de marques telles que FAM. ET VX
ou FAM. ET VIEILLI, en toute aussi grande proportion que le NPR, on peut
remarquer que dans les termes figurant comme FAM. dans le PL et n’apparaissant pas dans le corpus sont, pour 14 d’entre eux (donc une proportion non
négligeable) marqués VIEILLI ou VX dans le NPR. Un autre facteur émerge donc
de ces observations et concerne la dimension diachronique.
Exemples de termes marqués FAM. dans le PL et VX. ou VIEILLI dans le NPR :
baguenauder
bayer
bringuebaler
décamper
filouter
mignote
Enfin, il faut noter que le PR a tendance à considérer certains items comme
des emplois familiers de termes (ils ne figurent donc pas dans notre corpus), là
où le PL les considère comme des verbes autonomes, comme bouquiner ou
fourgonner. Cela concerne 30 items.
Nouveau Petit Robert :
BOUQUINER v. intr.
1- VIEILLI. Fouiller dans les vieux
livres, chercher des livres d’occasion ou des éditions originales.
« Je ne sais pas de plaisir plus
Petit Larousse :
BOUQUINER V tr. et intr.
FAM.
Lire
paisible que celui de bouquiner
sur les quais » (France).
2- FAM. Lire un livre. Bouquiner
au lit.
FOURGONNER v. intr.
1- VIEILLI. Remuer la braise du
four, combustible d’un feu avec
un fourgon =>Tisonner.
2- FAM. Fouiller (dans qqch.), en
dérangeant tout => Fouiller,
Fourrager. « La Jondrette conti-
FOURGONNER V. intr.
FAM.
Fouiller de façon maladroite,
désordonnée ; farfouiller.
nuait à fourgonner dans ses
ferrailles » (Hugo).
Cela s’explique par l’orientation synchronique du PL, qui ne fait plus figurer
les acceptions d’origine des emplois familiers, présentant alors ces derniers
120 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
comme des verbes autonomes, alors que le PR signale toujours le sens premier
historiquement en le signalant comme VIEILLI.
De façon générale, cette comparaison confirme les éléments que les
observations des chapitres précédents nous ont permis d’avancer. Les usages
doivent être considérés sur un continuum dont la catégorisation en populaire,
argotique ou familier n’est pas aisée. La décision de marquer FAM. une entrée
ou de ne pas la marquer est également équivoque. La place centrale du familier,
entre un lexique non conventionnel et un lexique conventionnel, se confirme.
Par ailleurs, l’examen de ces différences de marquage montre que l’origine
régionale de certain termes ou leur dimension diachronique peuvent également être un facteur de marquage FAM. Autrement dit, le critère de spécification d’un terme intervient dans le jugement de non-conformité porté sur un
terme. Enfin, nous constatons que les termes familiers sont, pour certains, des
emplois familiers de termes, dont le sens principal tombe en désuétude.
3.2.2. Les évolutions diachroniques du marquage
Nous avons également cherché à avoir un aperçu de l’évolution du
marquage du point de vue diachronique en comparant, selon la même méthode
que celle utilisée précédemment, le NPR 2001 et Petit Robert de 1977
(désormais PR 77). Nous ne disposions pour ce relevé d’aucun outil informatique, si bien que la recherche a été entièrement manuelle.
3.2.2.1. Données comparatives
Selon le même procédé que celui utilisé pour les tableaux précédents, nous
présentons ici une comparaison des types de marques attribuées aux items de
notre corpus, par le NPR 2002 et le PR 77 (les entrées non recensées dans le PR
77 sont notées Ø). Nous renvoyons à l’annexe 3 pour une présentation
complète des données.
Types de marques attribuées
aux entrées du corpus par le
PR 77
Types de marques attribuées
aux entrées du corpus par le
NPR 2002
FAM. RÉGIONAL.
7
Ø
ARG. FAM.
5
Ø
FAM. ET PÉJ.
5
Ø
FAM.
110
Ø
FAM.
1
(2) MOD ET FAM.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 121
FAM.
2
(2) FIG. ET FAM.
FAM.
1
(3) POP.
FAM.
21
non marqué
FAM.
3
FAM. (et
autre)
156
ARG.
FAM. (et
autres marques)
FAM.
9
VULG.
FAM.
3
FAM. MOD.
FAM. (et
autre)
74
POP.
FAM.
4
FAM. OU POP. ; POP. ET FAM.
FAM. ET VULG
5
TRÈS VULG. ; VULG.
FAM. ET PÉJ.
4
FAM.
410
Tableau 5 – Comparaison des marques attribuées par le NPR 2002 et le PR 77
aux items du corpus
Quant aux termes marqués FAM. dans le PR, ils sont finalement très peu
nombreux (seulement 27 items). Nous n’en donnons la répartition qu’à titre
indicatif, car cet élément de comparaison est assez peu pertinent pour la
recherche qui nous occupe.
Types de marques attribuées
par le NPR 2002
Types de marques attribuées
par le PR 77
FAM. (et autres)
9
Ø
FAM.
1
TECHN
FAM.
1
MÉD.
FAM.
7
Non marqué
FAM.
3
VIEILLI, VX.
FAM.
5
(2) FAM.
FAM.
1
IRON.
27
Tableau 6 – Comparaison des termes marqués FAM. dans le PR 77
qui ne sont pas marqués FAM. dans le NPR 2002
3.2.2.2. Observations des données
De façon générale, on peut remarquer que le marquage FAM. évolue nettement sur la période étudiée (24 ans). Seuls 156 items, soit 38% de notre corpus
sont marqués de façon identique dans le PR et le NPR.
122 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Cela est lié notamment à l’ouverture de la nomenclature du NPR à des
néologismes ou des emplois qui se sont développés dans les dernières décennies.
En effet, 127 items marqués FAM. dans le NPR n’apparaissent pas dans le PR, soit
31% du corpus, et correspondent principalement à des emprunts ou créations
lexicales récentes.
Exemples de termes FAM. dans le NPR qui n’apparaissent pas dans le PR :
bigophoner
catastropher
complexer
entuber
relooker
tchatcher
Sur les 117 items qui restent à comparer (156 sont identiques et 127 n’apparaissent pas dans le PR 77 sur un corpus de 410 items), l’évolution est
significative. Nous avons ici confirmation d’un mouvement qui s’opère de la
marque POP. vers la marque FAM. En effet, 74 items marqués POP. dans le PR
deviennent FAM. dans le NPR. Ainsi, plus de 60% des changements de marque
constatés en diachronie relèvent d’un basculement de la marque POP. vers la
marque FAM. Bien que répondant à une tendance moins sensible, il faut également noter que 9 termes marqués FAM. dans le NPR, étaient marqués VULG.
dans le PR.
Exemples de termes FAM. dans le NPR et POP. dans le PR :
amocher
banquer
crécher
crouter
pinailler
pioncer
Exemples de termes FAM. dans le NPR et VULG. dans le PR :
cocufier
déconner (1)
dépuceler
déconner
péter (1)
pisser (1)
Cette évolution est loin d’être simplement intuitive. Dès la préface de
chacune des éditions, dans la description des marques, le lexicographe en rend
compte. Les indications fournies par le NPR se sont affinées et marquent la
volonté de distinguer, au moins théoriquement, les différents niveaux sur lesquels porte la marque.
Par exemple :
FAM.
PR 1977 : usage parlé et même écrit de la langue quotidienne : conversation,
etc., mais ne s’emploierait pas dans des circonstances solennelles.
NPR 2002 : usage parlé et même écrit de la langue quotidienne : conversation,
etc., mais ne s’emploierait pas dans des circonstances solennelles ; concerne
les situations de discours et non l’appartenance sociale, à la différence de POP.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 123
POP.
PR 1977 : qualifie un mot ou un sens courant dans la langue parlée des
milieux populaires (souvent argot ancien répandu), qui ne s’emploierait pas
dans un milieu social élevé.
NPR 2002 : qualifie un mot ou un sens courant dans la langue parlée des
milieux populaires – souvent argot ancien répandu – qui ne s’emploierait pas
dans un milieu social élevé. A distinguer de FAM., qui concerne une situation
de communication.
VULG.
PR 1977 : mot, sens ou emploi choquant (souvent familier ou populaire),
qu’on ne peut employer dans un discours soucieux de correction, de bienséance, quelle que soit la classe sociale.
NPR 2002 : mot, sens ou emploi choquant le plus souvent lié à la sexualité et à
la violence, qu’on ne peut employer dans un discours soucieux de courtoisie,
quelle que soit la classe sociale.
Les modifications de ces gloses reflètent le désir du lexicographe de clarifier
le statut des différentes marques, selon qu’elles portent sur le contenu du
discours (VULG.), sur le locuteur (POP.) ou sur la situation d’énonciation (FAM.).
On peut alors supposer que les évolutions de marquage correspondent pour
certaines d’entre elles à des rectifications, mais force est de constater que le
dictionnaire rend compte de la tendance générale d’un glissement des usages
non conventionnels vers un lexique semi-conventionnel.
En revanche, un mouvement inverse semble également se produire, du
marqué vers le non marqué. En effet, 21 items sont non marqués dans le PR
alors qu’ils sont FAM. dans le NPR. Cela correspond à la marque
du
Dictionnaire de Cellard et Rey cité plus haut (voir § 3.1.2). Ces faits, qui sont
assez peu signalés dans la littérature, doivent donc être pris en compte. D’après
Josette Rey-Debove, ce glissement s’explique par le fait qu’« une notable partie
de l’argot, autrefois propre à des milieux restreints (argot des écoles, des
métiers, du milieu), a passé dans la langue commune du peuple, puis la
bourgeoisie. D’autre part, la langue soutenue a été reléguée par la bourgeoisie
dans les discours officiels et les ouvrages didactiques. Ainsi des emplois
argotiques franchement marqués finissent par s’intégrer à la norme, alors que
le « beau langage » devient lui-même marqué. Cette translation est sensible
dans la nomenclature des dictionnaires actuels ; mais comme elle est récente,
les lexicographes en rendent compte avec beaucoup d’indécision et
d’incohérence, le corpus métalinguistique faisant défaut »155.
Exemples de termes FAM. dans le NPR qui sont non marqués dans le PR :
baragouiner (2)
gueuletonner
brailler
canarder
155
lamper
trifouiller (2)
REY-DEBOVE J., Étude linguistique et sémiotique …, op. cit., p. 93.
124 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Enfin, les items marqués FAM. ET RÉG. sont une nouveauté de la nomenclature du NPR, ces derniers n’étant pas présents dans le PR.
Exemples de termes FAM. ET RÉG. dans le NPR qui n’apparaissent pas dans le PR :
canner
chouiner
poutser
Quant aux termes marqués FAM. dans le PR qui n’apparaissent pas dans
notre corpus, ils confirment là encore un phénomène précédemment observé :
certains des items qui sont présentés en synchronie comme des termes familiers, sont en diachronie des emplois familiers de termes :
Nouveau Petit Robert 2002 :
Petit Robert 1977 :
BOULOTTER v.
FAM.
Manger. => Bouffer.
BOULOTTER
-1. v . intr. VX. Aller doucement.
Travailler. V. boulonner.
-2. MOD. ET FAM. Manger. V.
Bouffer. Trans. Il a rien boulotté.
TORCHONNER v.tr.
FAM.
Exécuter (un travail) rapidement et sans soin. => bâcler,
torcher.
TORCHONNER v.tr.
-1. RARE. Essuyer, frotter avec un
torchon.
-2. FIG. ET FAM. Exécuter (un
travail) rapidement et sans soin.
3.2.3. Synthèse des constats
Ce travail comparatif n’a pas pour objectif d’établir des statistiques mais
plutôt de tenter de mettre en évidence certaines caractéristiques des termes
FAM. plus ou moins évidentes, notamment dans leur rapport avec un lexique
standard mais aussi non standard, qu’il relève de la variation sociale, spatiale,
pragmatique ou temporelle.
• Marque FAM. et lexique standard
Selon les observations que nous venons de faire, un certain nombre de
termes marqués FAM. se voient aujourd’hui perdre toute marque. Nous
retrouvons ici les intuitions de Fénelon dans un célèbre passage de la Lettre à
l’Académie (chap. III) et cité par Paul Imbs156:
« Un terme nous manque, nous en sentons le besoin : choisissez un son doux et
éloigné de toute équivoque, qui s’accommode à notre langue et qui soit commode
156
IMBS P., préface du TLF, 1971.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 125
pour abréger le discours. Chacun en sent d’abord la commodité : quatre ou cinq
personnes le hasardent modestement en conversation familière ; d’autres le répètent
par le goût de la nouveauté ; le voilà à la mode. C’est ainsi qu’un sentier qu’on ouvre
dans un champ devient bientôt le chemin le plus battu, quand l’ancien chemin se
trouve raboteux et moins court. »
Il existe donc un mouvement d’une évaluation non standard des termes vers
une évaluation standard, diachronique, mais également synchronique. Cependant, les données chiffrées que nous avons observées relativisent quelque peu
la portée de ce mouvement. Seulement 7 items sont marqués FAM. dans le PR
et glissent vers le non marqué dans le NPR ; quant à la comparaison avec le PL,
elle montre que seuls 77 items sur 579157 font l’objet d’hésitation entre les deux
marques, soit moins de 15%. Dans les faits, peu de termes « sortent » du
domaine du familier.
• Marque FAM. et dimension sociale
Nous constatons que la marque POP. disparaît progressivement de l’arsenal
lexicographique, remplacée par la marque FAM. ; la marque ARG. se raréfie et
corrélativement la marque ARG. FAM. s’affirme. Comme il est souligné dans la
préface du GR, la marque POP. est volontairement moins utilisée dans les
dictionnaires du Robert :
« Nous avons renoncé à qualifier de « populaire » des mots et des emplois que toute
la communauté employait dans certaines circonstances de communication (…),
c’est en effet que ces emplois ne sont nullement des marques d’appartenance sociale,
par exemple non bourgeoise, mais bien des choix de discours. »
La distinction entre la dimension diaphasique et diastratique est ici soulignée par le lexicographe.
Le passage de l’argot et du populaire au lexique familier est donc la règle,
créant des usages que l’on peut qualifier d’argot familier. La marque ARG. devient
strictement réservée à des mots et à des emplois inconnus de la majorité des
locuteurs et donc nettement moins fréquents. Ainsi, la marque ARG. FAM. peut
elle se développer, notamment pour signaler une filiation étymologique (d’abord
ARG. puis FAM.). D’après nos observations, ces mêmes tendances sont suivies par
le PL (à l’exception de la marque ARG. FAM., qui n’est pas utilisée).
• Marque FAM. et dimension spatiale
Une autre caractéristique apparaît avec ces marques associées et concerne
les relations entre la marque FAM. et les marques RÉGION. Ces dernières différencient les emplois compris et employés dans l’ensemble de la francophonie
des emplois qualifiés régionaux de France ou relevant de communautés franco157
Nous comptons ici les 410 items du corpus, auxquels on ajoute les 169 entrées marquées
seulement dans le PL.
FAM.
126 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
phones hors de France. Cette association de marques, même si elle est finalement assez peu représentative, doit être soulignée. D’autant que, là encore, le
PL suit la même logique.
Si l’on s’en tient à la lecture de la préface du NPR, c’est la notion d’« écart »
qui pourrait expliquer la coexistence de ces deux marques avec la marque FAM. :
« La norme linguistique est conçue comme centrée et les régionalismes, entre « bon
français » estampillés par l’institution pédagogique et les dialectes régionaux qui
s’affirment souvent en s’opposant en bloc au français, sont en mauvaise posture ».
Ainsi on peut considérer que le dictionnaire fait un parallèle entre l’opposition familier/standard et l’opposition dialectal/national. Pierre Guiraud, selon
lequel l’éviction des déviations régionales constitue une des constantes culturelles de la politique française, suggère en effet que « la normalisation de la
langue étant le fait de l’apprentissage scolaire et du contrôle social, il est fatal
que le français populaire et relâché accueille plus librement des prononciations, des mots, voire des constructions d’origine locale »158. Nous montrerons au paragraphe suivant que nous pouvons nuancer cette proposition,
suggérant que ce n’est pas tant la normalisation mais le facteur de disponibilité
qui induit le marquage de ces usages.
• Marque FAM. et dimension pragmatique
Nous retrouvons également les marques pragmatiques : PAR PLAIS., VULG.,
PÉJ., PAR IRON., etc. Cela étant, elles sont assez rares contrairement à ce que l’on
aurait pu imaginer. L’équivalence régulièrement faite entre lexique grossier,
vulgaire et lexique familier ne semble pas si évidente ou, en tout cas, n’est pas
relayée par le marquage lexicographique. Seules la marque VULG. apparaissait
source de confusion, mais la précision de la glose dans le tableau du NPR 2002
suffit à la lever.
• Marque FAM. et dimension temporelle
Par ailleurs, nous devons nous arrêter sur la présence importante des
marques VIEILLI ou VX. qu’elles soient associées à la marque FAM. ou qu’elles
fassent l’objet d’hésitations entre dictionnaires. Selon la préface du NPR, VX
correspond à des formes qui ne sont plus clairement comprises et qui ne sont
jamais produites spontanément dans la conversation ; les termes VX. appartiennent le plus souvent à l’usage classique. Le qualificatif VIEILLI, lui, regroupe
des termes qui, sans être véritablement courants, sont encore compris et
peuvent toujours faire partie de la conversation ordinaire, même s’ils ne sont
employés que par une minorité d’usagers. La proximité de ces marques avec la
marque FAM. pourrait nous inciter à penser le lexique familier comme quelque
158
GUIRAUD P., « Français populaire ou français relâché », op. cit., p. 24.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 127
peu obsolète, ce qui est une idée relativement nouvelle dans le champ de la
familiarité lexicale et force est d’avouer que nous ne sommes pas en mesure de
proposer une piste d’explication qui irait au-delà du caractère instable de cette
frange du lexique. En tout état de cause, ce constat contraste quelque peu avec
les hypothèses portant sur la fréquence du vocabulaire familier. Comment en
effet considérer qu’un terme VX ou VIEILLI soit en même temps courant et
employé en tous milieux ?
• Marque FAM. et marque(s) conjointe(s)
Cette dernière question ouvre la discussion sur la distribution conjointe de
plusieurs marques. Nous l’avons déjà signalé, l’association de deux marques
n’est pas rare et ce dans les trois dictionnaires consultés.
Certaines marques peuvent être comprises successivement. Elles sont là
pour nous informer sur le « parcours » historique d’un terme (c’est notamment
le cas de ARG. FAM., mais aussi de FAM. ET VX.). Elles sont alors une indication
étymologique. Cependant, elles pourraient se révéler être une sorte d’intensif
de marque FAM., puisqu’elles trouvent leur place en tant que marques d’usage.
On peut, en effet, imaginer que si l’intention n’était pas d’insister sur le
caractère marqué du terme, l’information figurerait simplement dans la partie
présentant le traitement historique du terme. La double marque apparaît alors
comme un double commentaire, une accentuation du caractère marqué du
mot. Et c’est également ce qui semble se passer pour les marques associées
perçues simultanément (FAM. ET VIEILLI, FAM. ET RÉGION.). Cette multiplicité des
marques renforce considérablement les restrictions d’emploi – donc les
contraintes d’usage – des termes concernés et induit, là encore, un effet d’insistance sur le caractère non conventionnel du terme.
Ces considérations ne sont pas sans rappeler les conceptions « évolutionnistes » du lexique159, selon lesquelles les différents niveaux de langue
s’organisent sur un continuum, en diachronie. Les termes glisseraient d’un
usage à l’autre et, préférentiellement, d’usages plus marqués vers des usages
moins marqués, c’est-à-dire des usages plus ou moins standards :
- de la marque ARG. vers la marque FAM. (avec la création de la marque
ARG. FAM. pour le NPR)
- de la marque POP. vers la marque FAM. (avec disparition de la marque
POP. dans le PL),
- de la marque FAM. vers le non marqué.
Voir notamment COLIN J.-P., MEVEL J.-P., LECLERE C., Dictionnaire de l’argot français et
de ses origines, op. cit. ; CELLARD J., REY A., Dictionnaire du français non conventionnel, op.
cit.
159
128 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Il devient alors d’autant plus difficile d’attribuer une marque plutôt qu’une
autre et il semble que ce soit l’orientation plus ou moins synchronique (et normative) que se donne chaque dictionnaire qui en décidera. Cela expliquerait les
disparités de marquage existant entre les dictionnaires et rendrait compte du
fait que débrayer « arrêter le travail » ou piger « comprendre » sont marquées
POP. dans le PR 77, FAM. dans le NPR et ne sont pas marqués dans le PL.
Néanmoins, ces évolutions du marquage peuvent être interprétées très
différemment. Soit on considère les éléments du lexique comme une organisation hiérarchique par rapport à la norme, partant d’un niveau bas (argot) et
remontant petit à petit une échelle de catégories lexicales (populaire puis
familier puis standard). Le tout étant organisé de façon hiérarchique. Soit on
considère ces catégories comme intrinsèquement différentes et n’appartenant
pas aux mêmes aires lexicales et le passage des unes aux autres ne se comprend
pas comme une « normativisation» de l’usage des termes mais comme une
évolution de leur degré de spécialisation, correspondant plutôt à un processus
de normalisation des termes. C’est la position que nous soutenons et que nous
allons développer, qui nous amènera à définir plus précisément la notion de
registre familier.
3.3. PLACE ET RÔLE DU REGISTRE FAMILIER
AU SEIN DU LEXIQUE GÉNÉRAL
3.3.1. Vers une modélisation du lexique
selon le critère de spécialisation des usages
Pour expliquer notre propos, nous reprenons le schéma de Rivenc cité au
§ 1.3.2.1. En effet, l’organisation qu’il propose « comme un soleil » prenant
comme norme de référence le degré de disponibilité des usages nous apparaît
plus approprié pour représenter leur diversité et la catégorisation dont ils font
l’objet. Nous proposons de compléter la figure initiale, notamment en localisant les différents champs de vocabulaire et donc les différentes marques
d’usage examinées (voir figure 5 ). Il s’agit de rendre compte des trois dimensions mises au jour par les observations du corpus que nous venons de faire : la
dimension de disponibilité du lexique, la dimension diachronique et la
dimension diastratique. Malgré le caractère imparfait de cette figure qui fige
des usages dynamiques, elle nous semble présenter l’intérêt de rendre compte
d’une organisation moins normative qu’une schématisation étagée.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 129
Figure 5 : Localisation des marques d’usages à partir du schéma de P. Rivenc.
Nous pouvons situer la zone du vocabulaire standard, non marqué, au
niveau du cercle central (zone concentrique ) et de la partie basse de la zone
concentrique
. Il s’agit d’un lexique commun, fréquent, fondamental, disponible pour chaque membre de la communauté linguistique.
130 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Les termes familiers se situent, selon nous, sur la partie médiane et haute de
l’aire concentrique
(lexique disponible commun à tous les locuteurs mais
dont la production dépend de la situation de communication).
Quant au vocabulaire populaire et au vocabulaire argotique, ils se situent
dans la partie haute de la zone
, mais aussi sur la zone des lexiques
généraux d’orientation scientifique (
), voire jusqu’à la zone des lexiques
spécialisés (
) pour les termes d’argot les plus différenciés.
Ces zones de lexiques sont organisées non pas selon des degrés de normalisation linguistique mais selon des degrés de disponibilité, correspondant, si
l’on suit Rivenc, à des degrés de spécificité. Autrement dit, nos hypothèses de
« positionnement » des zones de vocabulaire familier, puis du vocabulaire
populaire et argotique nous amènent à considérer que c’est un degré de disponibilité qui différencie les marques FAM., ou la « non-marque » (standard) des
marques POP. et ARG. Il y a donc, correspondant à cet axe de disponibilité des
termes (noté + spécialisé/-spécialisé sur notre figure), un axe dont l’extrémité la
plus spécialisée correspondrait à une part du lexique marquant le locuteur
(diastratique) et à l’autre extrémité, la moins spécialisée, des termes marquant
la situation de communication (diaphasique).
Une troisième dimension nous est donnée par l’observation des marques
dans notre corpus. Il s’agit de la dimension diachronique qui est parallèle à
l’axe allant du plus spécifique (du plus diastratique, du moins disponible), vers
le moins spécifique (le plus diaphasique, le plus disponible). En effet,
l’évolution des marques du lexique à travers le temps nous permettant de
supposer un mouvement du lexique vers une moindre spécialisation (la norme,
le standard) : de POP. vers FAM., de ARG. vers FAM., de FAM. vers le non marqué.
Précisons que certains termes peuvent connaître le parcours inverse (du non
marqué vers le FAM.), mais la marginalité de ce phénomène ne nous permet pas
d’en faire un principe et nous préférons insister sur le sens général du
mouvement, du + au – spécifique, c’est-à-dire du – au + standard (nous avons
donc représenté cet axe avec une flèche simple et non une double flèche).
Chacune des zones de lexique selon leur niveau de spécificité est constituée
par des centres d’intérêt ou des aires lexicales (A, B, C, D et 1, 2, 3). Au sein de
ces champs notionnels, tous les degrés de spécificité sont possibles. Autrement
dit, dans l’aire du vocabulaire familier, que nous avons située entre la partie
basse de la zone
correspondant au lexique disponible commun
fondamental, et la partie basse de la zone des lexiques différenciés
, on
trouvera les termes marqués FAM., TRÈS FAM., mais aussi FAM. ET VX, FAM. ET
VIELLI. FAM. ET RÉGION., etc. Ces derniers seront alors considérés comme plus
spécialisés que les termes strictement marqués FAM. et, à ce titre, se
rapprocheront (dans la représentation spatiale) de la zone des lexiques
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 131
différenciés, c’est-à-dire tendront à se situer du côté de la pointe des
excroissances A, B, C, D, plutôt que de celui de la base.
De la même façon, les termes de l’argot spécialisé, qui n’apparaissent pas
dans les dictionnaires monolingues mais seulement dans les dictionnaires
spécialisés, se situeront au plus près de l’extrémité des excroissances 1, 2, 3,
c’est-à-dire dans les zones de lexique les plus différenciées (
et
),
contrairement à l’argot commun, qui sera à la base des excroissances. Même si
une représentation schématique est toujours caricaturale, elle permet de
figurer le « chemin » que peuvent parcourir les termes les plus spécifiques afin
d’entrer dans le lexique commun fondamental. On comprend alors mieux les
différents paliers de l’évolution diachronique (ARG. > FAM.> non marqué ou
POP.> FAM.> non marqué), même si tous les termes n’ont pas vocation à glisser
diachroniquement vers des usages moins spécifiques et donc moins marqués.
Dans la zone haute du lexique disponible commun fondamental (
) et la
zone basse du lexique commun commun (
), les centres d’intérêt du
vocabulaire courant A, B, C, D et les aires lexicales 1, 2, 3, se confondent. Les
frontières sont floues et les juxtapositions ou superpositions sont fréquentes.
C’est ce qui explique les hésitations de marquage. Là encore la représentation
graphique est assez claire, et l’on voit bien qu’il devient difficile de distinguer
des termes appartenant à la zone A, qui pourraient être marqués FAM., avec des
termes qui pourraient appartenir à la zone 1, plus spécifiques, qui seraient
marqués ARG. C’est alors qu’on aura tendance à les marquer ARG. FAM., ou POP.
ou FAM., selon qu’ils auront atteint un degré de disponibilité suffisant ou un
degré de spécificité suffisamment bas, pour relever du lexique commun
fondamental disponible à tous et non plus à une aire de lexique différencié.
Ainsi, ils perdent leur charge diastratique, au profit d’une charge diaphasique.
Notons toutefois que si certains termes d’abord populaires ou argotiques
finissent par être marqués FAM., la grande majorité de cette zone familière est
« originellement » familière (la majorité des items observés n’ont pas connu de
changement de marque sur les 25 dernières années).
Reste à clarifier un point : les vocabulaires argotique et populaire se situent
dans les mêmes zones de lexique (
et
) et sont deux dimensions
parallèles que nous ne pouvons pas considérer comme des degrés sur une
échelle de disponibilité ou de spécificité. En effet, si nous observons l’évolution
de marquage des termes ARG. et POP. relevés dans le NPR, seuls deux items
(tortorer « manger », paumer « donner un coup ») sont marqués ARG. en 1977 et
deviennent POP. en 2002. Pour les autres, abouler, boumer, calter, clamser,
débagouler, entraver, fayoter, fourguer, mollarder, piffer, pinter, rancarder,
132 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
renauder se contrefoutre, se pagnoter, se pieuter, trimarder, turbiner, le marquage ne varie pas entre les deux éditions.
Quant à la comparaison synchronique de ces termes, ils sont identiques dans
le NPR et le PL. On ne peut donc pas parler véritablement de glissement
diachronique de l’ARG. vers le POP., mais au contraire soutenir qu’ils ne
correspondent pas à des niveaux d’une même dimension, mais bien à deux
stocks de lexique différent. Évidemment, des « collusions » sont toujours
possibles160, mais contrairement à certains auteurs qui les plaçaient en situation
hiérarchique (voir les modèles présentés au § 1.3), nos observations laissent
penser que les niveaux populaire et argotique ne se situent pas l’un par rapport
à l’autre comme des degrés plus ou moins conventionnels. Cette confusion
hâtive était déjà dénoncée par Denise François, qui remarquait que « les traits
saillants de la langue populaire ne sont nullement argotiques et que l’argot peut
être rare dans les parlers populaires comme le montrent bien les matériaux que
nous avons recueilli à Argenteuil »161. Rappelons ce qui en fait la principale
différence qui nous permet de ne pas les assimiler – même étymologiquement –
l’argot est un langage artificiel, construit, contrairement à la langue populaire,
et concerne exclusivement le lexique.
En résumé, si hiérarchie du lexique il y a, c’est en termes multidimensionnels qu’il faut la concevoir. D’une part, le lexique s’organise autour
d’un critère de disponibilité, d’un axe de spécialisation, le degré de moindre
spécialisation correspondant au lexique que nous avons caractérisé comme
standard. Cet axe correspond également à l’axe diaphasique et diastratique,
c’est-à-dire que plus on fait usage d’un lexique spécialisé, plus cet usage
informe sur le locuteur. D’autre part, le lexique évolue autour d’un axe diachronique, qui se situe, comme le précédent, de l’extrémité des rayons vers le
centre du soleil. A chaque fois, tous les degrés de spécialisation sont possibles.
Comme le montre la figure, chacune des aires de lexique ( ,
,
, etc.)
est perméable, ce que représente la frontière en pointillés. Cependant, nos
observations montrent que si une évolution intra-marque est possible, très
rares sont les termes qui perdent toute marque. Le franchissement d’une zone
marquée vers une zone non marquée semble difficile. Cette zone n’est pas
représentée par le schéma de Rivenc, puisqu’elle correspond à cette part du
lexique commun fondamental disponible à chacun mais non standard.
160
« Les formes argotiques et les formes légitimées dites “populaires” de la langue française se
rejoignent », selon GOUDAILLIER J.- P., « De l’argot traditionnel au français contemporain
des cités », La linguistique, vol. 38-1, 2002, p. 7.
161 FRANCOIS D., « Sur la variété des usages linguistiques chez les adultes », op. cit., p. 66.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 133
Cette modélisation du lexique permettant de situer les variétés de lexique
non standard n’est pas sans implications théoriques et nécessite de discuter la
validité des concepts de langue populaire, argotique et familière.
3.3.2. Du fait diastratique à l’effet diaphasique
La figure présentée, reprenant les observations du corpus, permet de signifier un glissement diachronique des usages d’une dimension diastratique vers
une dimension diaphasique, c’est-à-dire un déplacement d’une évaluation du
locuteur vers une évaluation des circonstances d’énonciation. Par exemple, si
l’emploi de pinailler « classait » le sujet de l’énonciation, comme l’indique la
marque POP. qui lui est apposée par le PR 77, il est aujourd’hui interprété
comme un indice situationnel, si l’on considère la marque FAM. que lui attribue
le NPR 2002. Il devient alors difficile de considérer le lexique familier et
populaire comme des aires lexicales tout à fait indépendantes et autonomes,
puisqu’elles partagent, pour une part, un « passé commun ». Doit-on pour
autant envisager le lexique familier comme le reliquat d’un lexique populaire
ou argotique, considérant que le « passé » argotique ou populaire d’un terme
l’empêche d’être estimé comme véritablement standard, même si son usage
devient courant ?
L’inventaire des marques effectué nuance cette proposition, notamment
parce que le glissement diachronique de la marque POP. ou ARG. vers la marque
FAM. n’est pas systématique. Certains termes FAM. ne trouvent pas leur origine
dans un vocabulaire argotique ou populaire ; a contrario, tous les termes POP.
ou ARG. ne glissent pas vers le FAM. Quels sont alors les liens entre FAM., POP. et
ARG. ? Qu’est-ce qui provoque (ou non) des glissements des unes vers l’autre ?
Afin d’expliciter ce glissement des marques POP. ou ARG. à la marque FAM., il
apparaît nécessaire de s’intéresser, en-deçà du point de vue lexicographique,
aux pratiques langagières et aux descriptions dont elles font l’objet.
3.3.2.1. Argoter ou argotiser ?
L’argot est d’abord le langage spécial de la pègre, des prisons, du banditisme,
un langage secret, crypto-ludique, un idiome artificiel, construit, créé, régi par
des règles précises, dans le seul but de tromper l’attention d’autrui, de ne pas
être compris des non-initiés. Cette définition met l’accent sur la dimension
diastratique des usages de l’argot, compris comme indices d’une certaine catégorie de personnes socialement marquées. Il sera, dans ce cas, un indicateur
selon la terminologie de Labov. Néanmoins, dans la mesure où l’on ne parle pas
argot malgré soi, nous préférerons considérer que son usage est circonscrit
134 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
certes à des locuteurs particuliers, mais également à des circonstances particulières et dépend donc tant du sujet que de la situation d’énonciation.
Par ailleurs, « derrière chaque truand il y a un homme d’un métier, barbeau,
casseur ou bonneteur »162. Un glissement s’opère ainsi vers la professionnalisation et au-delà de cette langue sociale l’argot peut prendre les allures
d’une langue d’activité professionnelle, d’une langue technique : les argots de
métiers, les jargons ou jargots 163. C’est ici la dimension diatechnique de l’argot
qui prédomine, également dépendante des conditions de communication.
Accompagnant l’évolution des pratiques langagières, l’argot devient ensuite
usuel, une sorte de slang, un argot commun avec lequel on peut émailler nos
réalisations langagières. La « disponibilité » de certains termes argotiques est
alors plus grande. L’usage de l’argot ne fonctionne plus comme indice social,
mais comme marque stylistique164, en relation avec la situation de communication. Selon les spécialistes165, la fonction de ce parler n’est plus essentiellement cryptique, mais surtout symbolique. Pour notre part, nous nous
permettons, dans ce cas précis, de préférer l’appellation de lexique ou
vocabulaire argotique, plutôt que d’argot.
Cela étant, dans ces deux dernières acceptions diatechnique et symbolique,
notées comme relatives à la dimension diaphasique, il semble que ne puisse pas
être oublié le signum social originel. Toutes les professions n’ont pas un argot
de métier. Ce sont les maçons, les merciers, les forains, les comédiens, les
musiciens, les bouchers, les élèves et non pas les professeurs, les cadres de la
télécommunication, les ingénieurs aéronautiques, pour lesquels on parlera plus
volontiers de jargon. Une exception pourrait être l’argot des Grandes Écoles.
En tout état de cause, au-delà de cette lecture de classe, il semble que l’on
retrouve, dans ces usages, les traces de l’affirmation de la solidarité des
membres du groupe, présente à l’origine de l’argot.
L’hypothèse que nous faisons est alors que l’emploi d’un terme argotique
crée ce que l’on pourrait appeler un « effet » familier166, par rappel, en mémoire
de sa fonction historique. Soit, par exemple, l’entrée arnaquer « escroquer ».
L’usage du verbe arnaquer s’est aujourd’hui répandu dans toutes les strates de
la société, il fait partie du stock de vocabulaire commun, fréquent, disponible
et maîtrisé par tous les locuteurs. Il a toutes les caractéristiques de la langue
standard. Or il reste affublé de la marque FAM. dans les dictionnaires. On peut
alors lire cette marque comme une trace de son origine argotique qui rappelle
GUIRAUD P., L’argot, Paris, P.U.F., 1969, p. 31.
SOURDOT M., « Argot, jargon, jargot », Langue française, n° 90, 1991, p. 13-27.
164 FRANÇOIS D., « Panorama des argots contemporains », Langue française, n° 90, 1991, p. 8.
165 Voir les documents de travail du Centre d’Argotologie, devenu CARGO aujourd’hui, sous la
direction de J.-P. Goudaillier, université Paris-Descartes.
166 SCHÖN J., « A propos de l’emploi “familier ” des verbes courants en français », op. cit.,
p. 91-99.
162
163
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 135
un usage qui « classe », « sépare », « segmente » les locuteurs d’une même
communauté linguistique. Cela signifierait qu’un des facteurs de familiarité
lexicale, une des raisons qui fait que l’emploi d’un terme a des conséquences
sur la distance interlocutive, réside dans sa charge mémorielle, dans la trace qui
reste de son parcours étymologique.
En restituant ces propositions d’interprétation sur le continuum représenté
par l’axe de la spécificité de notre figure 5, il faudrait situer l’usage de l’argot en
tant que langue codée, cryptique, langue spéciale partagée par des « spécialistes » – l’argot que l’on pourrait appeler « historique » – dans la zone des
lexiques spécialisés, très différenciés (
). Puis dans la zone des lexiques
généraux d’orientation scientifique (
) se situerait l’usage de l’argot
professionnel, des métiers, qui exprime la solidarité, l’appartenance à un
groupe sans aller jusqu’à se couper du reste de la société. Et enfin, dans la zone
du lexique commun fondamental (
), l’usage du slang, l’argot commun,
c’est-à-dire quelques mots employés ça et là, dans le but de créer une certaine
complicité, par rappel (plus ou moins conscient) de la fonction originelle de
l’argot.
+ spécifique
+ diastratique
argot
historique
- spécifique
+ diaphasique
argot
des
métiers
slang
Figure 6 : Localisation « des argots »
Nous parlons de continuum dans la mesure où le processus d’évolution du
diastratique vers le diaphasique est graduel. Cependant, le terme change de
dimension. En quelque sorte, on aurait d’un côté un fait linguistique (un fait de
136 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
classe, de groupe) et de l’autre un effet linguistique, par rappel à un fait de
classe, de groupe. Autrement dit, l’usage de l’argot dans sa fonction historique
peut être considéré comme un fait de langue, alors que l’usage de termes
argotiques doit être considéré comme un effet de discours. On pourrait mettre
en perspective notre propos avec la distinction que propose Jackie Schön167
entre argoter et argotiser : argoter pour signifier la production d’un discours
argotique homogène et argotiser pour signifier le jeu sur les contrastes de tonalités (standard vs argot).
L’usage des termes POP. semble suivre le même cours. Dès le début du
XXe siècle, la promiscuité de soldats de toutes classes sociales dans les
tranchées, le développement des médias de masse, l’accroissement de la mobilité géographique et sociale des populations sont autant de facteurs qui font
évoluer la situation linguistique. Certains termes fortement marqués entrent
dans le langage commun, perdant ainsi leur caractéristique principale de
marqueur social. Le Français populaire a su conquérir les classes bourgeoises et
s’est également introduit dans la langue littéraire. De la même façon que
l’augmentation de la mise à disposition de certains mots d’argot leur ont fait
perdre leur fonction crypto-ludique (et par là-même que leur usage s’est
répandu en dehors des milieux réservés), l’usage de certains termes « typés »
populaires s’est étendu à toutes les classes de locuteurs. Peu à peu, des termes
auparavant jugés très spécialisés se voient intégrés à la langue commune à toute
la communauté linguistique, sans pour autant pouvoir être considérés comme
du vocabulaire standard (cf. les évolutions du marquage du POP. au FAM.).
Autrement dit, dans les cas des termes d’abord marqués ARG. puis FAM., ou
d’abord marqués POP. puis FAM. – et seulement dans ceux-là –, il s’agirait
d’interpréter la marque FAM. non pas comme un échelon sur l’échelle
hiérarchique des pratiques langagières mais comme une trace du marquage
social du mot, un indice qui rappelle au locuteur que ce terme, historiquement,
sépare et que son emploi va contraster, détoner (au sens « changer de ton »).
Nous sommes alors sur un axe diachronique qui ferait de la dimension
diaphasique un indice des emplois diastratiques originels.
L’observation des glissements de marques de ARG. à FAM. ou de POP. à FAM.
incite à penser que l’effet produit en discours par l’emploi de termes marqués,
qu’ils soient POP., ou ARG. est sensiblement le même que celui provoqué par
l’emploi de termes marqués FAM., c’est-à-dire qu’il permet de « faire connivence », de réduire la distance interlocutive.
SCHÖN J., « Argoter vs argotiser », in Document de travail n° XI-XII du Centre
d’argotologie, UFR de linguistique, Université Paris 5-René Descartes, 1991, p. 56-58.
167
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 137
Déjà en 1989, Denise François proposait de considérer l’argot comme
signum social de second degré, dépassant les stratifications sociales, perdant
son caractère crypto-ludique. La principale fonction des usages argotiques est
alors de « rendre le discours plus familier »168. Les autres auteurs travaillant sur
les argots, au sens le plus ouvert du terme, partagent ces constats : « le jargon,
comme l’argot est un langage de connivence »169, « la connivence, la reconnaissance et le renforcement du sentiment d’appartenance au même groupe
social, le plaisir ludique, concourent également au développement et au
maintien d’un argot »170. Françoise Gadet reprend également cette thèse dans
ses articles les plus récents à propos de la langue des jeunes, elle parle de
« socialisation en réseaux serrés »171, de « groupes de pairs »172.
Ainsi est-ce la « fonction grégaire »173 des argots et, plus largement, des vocabulaires non standards qui est pointée. L’utilisation des termes non standards
s’interprète, non pas en tant que marqueur du locuteur malgré lui, mais en
termes d’intention marquée du locuteur. Car contrairement aux traditionnels
parlers spécificateurs de classe sociale, nous sommes bien ici en présence d’une
intention dans la communication, d’une particularisation délibérée.
Néanmoins, il est possible de dégager deux types d’intention, selon la
dimension privilégiée :
- soit la connivence est créatrice de complicité, d’implicite, de non-dit
et, pour décoder les énoncés, il faudra que les locuteurs aient en
commun « un lit sous-jacent de connaissances, un univers culturel
qu’on ne verbalise pas nécessairement mais qui intervient dans l’acte
de langage »174. Dans ce cas, l’interprétation d’usages marqués
privilégiera la dimension diastratique ;
- soit la connivence est établie en vue de chercher un accord tacite
entre locuteurs, autour de l’utilisation d’un lexique « marqué »,
permettant en quelque sorte de transgresser, de dépasser les usages
les plus admis. Dans ce cas, l’interprétation favorisera la dimension
diaphasique.
FRANÇOIS D., « La fonction de familiarité dans l’argot », in L’Argoterie, Centre
d’argotologie de l’U.E.R. de linguistique Paris 5-René Descartes, 1989, p. 140-143 ; « Les
paradoxes des argots », in L’Argoterie, op. cit., p. 14.
169 TURPIN B., « Le jargon, figure du multiple », La Linguistique, vol. 38-1, 2002, p. 53.
170 SOURDOT M., « Argot, jargon, jargot », op.cit., p. 16.
171 GADET F., « “Français populaire” : un classificateur déclassant », Marges linguistiques, n° 6,
2003, p. 111.
172 GADET F., « Les niveaux de langue, quelques notes à deux voix », in BOUCHER K. (éds), Le
français et ses usages à l’écrit et à l’oral, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2000, p.14.
173 « La fonction grégaire [...] définit l’usage d’une langue dans l’espace de la vie privée et
comme mode d’expression de l’identité et de la solidarité du groupe ethnique », in VIGUIER
G., « École et choix linguistiques », Le français dans le monde, numéro spécial, 1991, p. 103.
174 FRANÇOIS D., « Connivence et interlocution », La Linguistique, vol. 26, 1990, p. 88.
168
138 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Il y va de deux comportements différents : « en adoptant le premier, il est
fait appel à la connivence qu’établit tout code partagé tandis qu’en usant des
ruptures de registres lexicaux, un accord est cherché sur la base… de discordances »175. Ce que nous avons appelé la « transgression familière ». On
comprend ainsi pourquoi cette intention subversive (subvertir la norme), qui
dépasse le cadre familial, doit se limiter aux personnes de même rang, tel que le
préconisent les contraintes des emplois FAM.
Nous venons de voir que les usages POP. et ARG. se sont répandus au point
d’avoir perdu leur marque au profit de la marque FAM. Doit-on pour autant
considérer que la distinction diaphasique/diastratique est une question de
fréquence comme le sous-entendent le terme « familier » lui-même et les
qualificatifs qui lui sont traditionnellement associés : conversation courante,
usage quotidien, usage fréquent. Il ne nous semble pas que cette proposition
soit tout à fait satisfaisante.
3.3.2.2. Le familier, une question de fréquence ?
La présence massive dans notre corpus, des marques VX., VIEILLI, mais aussi
RÉGION., et même ARG. et POP., associées à (ou confondues avec) la marque
FAM., contredit la conception de la fréquence comme critère du familier. Les
termes marqués FAM. sont des termes que tous les locuteurs de la communauté
linguistique possèdent potentiellement et qu’ils utilisent dans la conversation
courante mais cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agisse des termes les plus
couramment usités. Aussi, les doubles marques et les différences de marquage
ou d’ouverture de la nomenclature à ces termes nous conduisent-elles à interroger la définition de ce lexique familier, « qu’on emploie naturellement en
tous milieux dans la conversation courante, et même par écrit ». Comment un
terme marqué RÉGION, VIEUX, ou VIEILLI peut-il surgir dans la conversation
courante, quotidienne, en tous milieux ? La marque de ces termes ne s’opposet-elle pas à une apparition de ceux-ci de façon « naturelle et spontanée » dans la
conversation, pour reprendre une expression souvent associée au registre
familier ?
Il ne nous a pas été possible de relever les indices de fréquence de nos
termes parce que les outils à notre disposition, notamment le logiciel Frantext,
rendent compte de corpus littéraires ou, plus largement, écrits et se révèlent
inadaptés à notre objet d’étude. Cependant, un relevé de quelques-uns de nos
items devrait suffire à nous convaincre de la rareté de nombre des termes
familiers (y compris ceux qui ne sont pas marqués comme VX., VIEILLI, ou
175
Sur ce point : SCHÖN J., « Argoter vs argotiser », op. cit., p. 58.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 139
: barbifier, bêcher, bicher, bigler, boulonner, se boyauter, pour ne
traiter que la lettre B. Certes, nous les connaissons tous, nous les employons
peut-être également mais il est certain qu’ils ne font pas partie des verbes que
nous utilisons le plus fréquemment et ils ne semblent pas plus fréquents que
boumer, clamser, se contrefoutre, se pieuter, rancarder, turbiner pour ne citer
que quelques-uns des termes indexés comme POP., toujours dans le NPR.
RÉGION.)
Il est donc tout à fait nécessaire de différencier la notion de fréquence de
celle de disponibilité, tant du point de vue du locuteur que du cadre de la
communication. Il s’agit de comprendre courant, quotidien comme la
contrainte de la familiarité, c’est-à-dire le cadre situationnel dans lequel le
registre familier peut s’employer – et uniquement celui-là – et il faut se garder
d’opérer une assimilation des termes courant, quotidien avec habituel,
fréquent. En fait, la définition traditionnelle citée ci-dessus doit être comprise
non pas comme une définition positive (il faut) mais dans son aspect restrictif :
le familier ne peut pas s’employer en dehors de la conversation courante,
quotidienne et il n’est pas un usage de classe.
La marque FAM. n’est donc pas un indicateur de fréquence, mais une marque
d’avertissement sur le contexte d’emploi du terme (qu’il concerne sa dimension
diachronique ou synchronique).
3.3.2.3. FAM., POP., ARG., des concepts opératoires ?
La notion de français populaire est décrite par Françoise Gadet, comme
« plus interprétative que descriptive : la qualification de populaire nous
apprend davantage sur l’attitude envers un phénomène que sur le phénomène
lui-même. »176 De la même façon, il est très difficile d’établir des critères d’argoticité de façon rigoureuse et systématique, l’argot étant « la résultante d’un
ensemble de facteurs et de pratiques qu’un corpus d’éléments décrétés argotiques par une décision extérieure – et largement subjective – de l’observateur »177. Il semble donc qu’il n’y ait pas vraiment aujourd’hui d’usages
constatés de termes employés par certaines classes de la société (notamment les
plus populaires) et inconnues des locuteurs. Pour preuve, les termes considérés
comme POP. dans notre relevé : boumer, calancher, calter, clamser, se
contrefoutre, débagouler, maquer, maquereauter, mollarder (POP. ET VULG.), se
pagnoter, se pieuter, piffer, pinter, rancarder, renauder, trimarder, turbiner.
GADET F., Le français populaire, op. cit., p. 122.
COLIN J.-P., « Nouvelles pratiques langagières, les argots », in ANTOINE G.,
CERQUIGLINI B., Histoire de la langue française 1945-2000, Paris, CNRS Édition, 2000,
p. 157.
176
177
140 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Ils peuvent, pour certains, être rarement employés mais ils ne sont pas
ignorés des locuteurs instruits178.
Cette observation de la neutralisation des usages sociaux est confirmée par
les récentes enquêtes en lexicologie sociale179 effectuées auprès de jeunes
lycéens qui ont toujours évolué dans une société ultra-médiatique et qui
montrent qu’ils emploient de moins en moins de termes marqués socialement
ou géographiquement. C’est également le sens des travaux d’Anthony Lodge180
réalisés sur les habitudes langagières de jeunes issus de quartiers défavorisés,
dont les conclusions remettent clairement en cause la corrélation entre vocabulaire populaire et appartenance de classe181.
Il est donc devenu légitime aujourd’hui de questionner la validité de la
notion d’argot et celle de langue populaire au sens d’« idiome parlé couramment et naturellement dans le peuple »182 en opposition à la bourgeoisie.
Les constats dictionnairiques que nous venons d’établir, confirmés par le
contexte sociologique, tendent à considérer ces notions comme caduques.
L’ancien « idiome populaire » a perdu la réalité qui lui était propre, les
frontières entre les diverses variétés du français étant de plus en plus
perméables. Claude Duneton dans son Guide du français familier, avance que
l’on ne peut plus raisonnablement user de l’appellation langage populaire car
« les différences qui existent dans le parler ordinaire des gens se sont établies
selon d’autres lignes de fracture, lesquelles suivent les divers degrés
d’instruction bien plus que les strates sociales »183.
Cette interprétation était déjà soutenue dans les années 1960, notamment
par Jean Dubois pour qui l’interprétation des diverses classes sociales se traduit
sur le plan linguistique par une atténuation importante des différences entre
les niveaux de langue : « Les mots d’argot sont presque tous popularisés, les
termes familiers ne sont plus sentis comme tels ; et le mouvement inverse de
certains qui écartent de la langue, comme « incorrects », des mots de la langue
usuelle, sous des prétextes divers, montre que souvent la conscience nette des
178
Un rapide sondage a été effectué auprès d’un panel de 20 étudiant-es, dans mon entourage
proche. Seuls le sens des termes débagouler, renauder, se pagnoter ressortaient comme inconnu
sans que le mot lui-même le soit.
179 LESIGNE H., Les banlieues, les profs, les mots, Paris, L’Harmattan, 2000.
180 LODGE R. A., « Le vocabulaire non standard suivant les perceptions des locuteurs français
actuels », Grammaire des fautes et français non conventionnel, Actes du IVe Colloque
international de l’École Normale Supérieure, organisé par le G.E.H.L.F, Paris, Presses de
l’E.N.S, 1992, p. 341-354.
181 Voir aussi LODGE R. A., « Colloquial Vocabulary and Politeness in French », The Modern
Language Review, n° 94-2, 1999, p. 355-365.
182 BAUCHE H., Le langage populaire, Paris, Payot, 1920, p. 20.
183 DUNETON C., Le Guide du français familier, Paris, Seuil, 1998, p. 20.
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 141
étages de la langue n’est plus celle de tous les locuteurs »184. On peut imaginer
que des évolutions sociales de demain, si elles aboutissent à creuser les
différences de classes, réactiveraient les différences linguistiques. Mais depuis
la seconde moitié du XXe siècle jusqu’ici, il a plutôt été constaté un élan vers
une interpénétration, une homogénéisation des pratiques sociales et
linguistiques, tout au moins au niveau lexical.
On assiste alors à une démocratisation progressive du lexique qui rend
accessible à tous les milieux des termes auparavant réservés et, corrélativement, à une normalisation des pratiques langagières par neutralisation. Une
sorte de nivellement des usages s’opère, rendant aujourd’hui quelque peu
obsolètes les distinctions entre mentions ARG., POP., et FAM. On pourrait
déduire de ces observations que l’interpénétration des classes sociales a
définitivement gommé toute différence interindividuelle. Ce serait sans doute
une vision erronée de la réalité des pratiques langagières.
3.3.2.4. Variation intrinsèque ou extrinsèque ?
Le critère de la disponibilité relance les débats sur les profils des locuteurs
susceptibles d’employer des termes familiers. Seraient-ils comme le définit
Alain Rey, de tous milieux mais, préférentiellement, des classes aisées, considérant que la variation stylistique requiert une certaine maîtrise de la langue ?
Y aurait-il, comme le propose Josette Rey-Debove « des différences d’une classe
à l’autre, quoi qu’on en dise »185 ? Il nous semble que si le lexique familier
appartient à la base commune du lexique commun disponible à tous les
locuteurs, des différences sont perceptibles d’une classe à l’autre. Henri Bauche
remarquait, à l’aube des années 1950, que « des mots comme jemenfoutisme,
dégueulando, daim, mannezingue, appartiennent au langage familier des
hautes classes. Le peuple ne les emploiera guère. Des mots comme : moche,
tourte, godasse, pinard (…) sont employés dans la conversation par les
Parisiens cultivés, mais toujours, sinon avec ironie et par plaisanterie, du moins
avec la conscience de mal parler. Pour le peuple, au contraire, c’est là le vrai
français »186. Ces nuances dans les usages ne peuvent apparaître dans la
catégorisation qu’en fait le dictionnaire, si ce n’est pas des marques « intermédiaires » comme TRÈS FAM. ou ARG. FAM. Nous retrouvons là la notion de
continuum prenant en compte l’hétérogénéité du lexique que nous avons
représenté dans la figure 5 par l’axe spécifique/diastratique.
184
DUBOIS J., GUILBERT L., MITTERAND H., PIGNON J., « Le mouvement général du
vocabulaire français de 1949 à 1960 d’après un dictionnaire d’usage », Le français moderne,
n° 28, 1960, p. 208.
185 REY-DEBOVE J., Étude linguistique et sémiotique…, op. cit., p. 93.
186 BAUCHE H., Le langage populaire, op. cit., p. 23.
142 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Ainsi, les divers degrés de spécialisation des termes marqués reflètent la
diversité sociale des locuteurs. Un terme FAM. davantage spécialisé serait
employé par une classe de locuteurs davantage « marquée » mais cela ne veut
pas dire pour autant que ce même locuteur n’emploierait pas des termes FAM.
(ou non) moins spécialisés ou encore que n’importe quel locuteur du français
ne pourrait pas employer des termes très spécialisés à un moment donné, dans
ses productions.
Cela ne revient pas pour autant à associer de façon systématique les
productions linguistiques et le niveau social du locuteur. En effet, si tout
emploi de termes marqués POP. ou ARG. en discours produit un effet familier,
ce dernier ne peut systématiquement être considéré comme une marque
sociale (par exemple, l’énoncé « vous en avez assez de cette bande de
racailles… », n’implique pas le déclassement social du ministre, tout juste un
jugement moral. Voir § 1.3.2.3). Il apparaît donc que, pour le seul plan de la
catégorisation lexicale (et insistons encore sur ce point), si toute variable
diastratique (sociale) est potentiellement une variable diaphasique (car elle
produit en discours un effet de style, une réduction de la distance
interlocutive, même malgré soi), l’inverse n’est pas vrai, tout effet familier
n’étant pas un marqueur social. Il ne le devient que si les règles de ses emplois
ne sont pas respectées. Cela nous conduirait alors à « renverser » les définitions
de marqueur et d’indicateur de Labov.
En revanche, une familiarité mal venue, mal gérée187, l’emploi d’un terme
marqué en dehors de ses restrictions d’emploi (les circonstances solennelles),
sera considéré aujourd’hui comme un indice de stratification sociale. Au-delà
d’une part du lexique strictement catégorisable, l’emploi de termes familiers,
populaires ou argotiques en contexte inapproprié sera jugé comme « populaire », bien plus que le terme lui-même. Le jugement sur l’« écart » résidera
davantage dans les circonstances d’usage des termes que sur les termes euxmêmes. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas aujourd’hui la réduction
du vocabulaire qui classe188, mais l’inadéquation entre les usages attendus et la
situation de communication. Tout se passe comme si la « crise du français » se
résumait aujourd’hui à la production d’énoncés inadaptés à la situation, à
l’absence de politesse189. Les phénomènes linguistiques qui posent aujourd’hui
187
DANNEQUIN C., « Outrances verbales ou mal-vivre chez les jeunes des cités », Migrants-
Formation, n° 198, 1997, p. 21-29.
188
Il est au contraire remarqué « une effervescence du vocabulaire apparait paradoxalement
dans les groupes sociaux mal armés chez lesquels on s’attendrait à un stock lexical réduit »
selon FRANÇOIS D., « Les paradoxes des argots », L’Argoterie, op. cit., p. 95.
189 Pour preuve, l’apparition d’un nouveau délit, les « incivilités verbales» qui sont, selon un
document de synthèse émanant du ministère de l’Éducation nationale, « les actes les plus
importants de la violence engendrés par le milieu social, par la société elle-même violente
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 143
le plus de questions, le plus de résistance, donc qui font l’objet des jugements
les plus sévères, sont le manque de plasticité des usages – nouvel indicateur
social –, c’est-à-dire la possibilité plus ou moins exercée de la variabilité
linguistique190. Anthony Lodge montre dans une récente enquête191 que les
classes défavorisées manifestent beaucoup moins de souplesse, usent beaucoup
moins de l’adaptabilité qu’offre la langue, contrairement aux classes plus aisées.
Nous avons donc ici, clairement, dépassé la notion de niveau de langue, le
« normal » correspondant à l’adaptation à la situation : « le bon maniement de
l’activité linguistique consiste sûrement, pour une très large part, à savoir
moduler, ou plutôt à apprendre à moduler son discours de façon à toucher le
but qu’on s’est fixé (…) Ainsi, dans certaines situations, des phénomènes
expressifs (utilisation de ruptures intonatives, de heurts syntaxiques, d’unités
lexicales inattendues…) qu’il serait bon d’éviter ailleurs, permettent d’obtenir
l’effet recherché »192. Or là ou les uns perçoivent de la grossièreté, les autres ne
voient qu’une façon de s’exprimer193.
S’il devient difficile aujourd’hui d’identifier un stock a priori réservé à une
seule et même classe sociale et inconnu des autres (comme l’induit le marquage
lexicographique), cela ne signifie pas que tous les locuteurs sont égaux devant
la langue. En effet, nos conclusions ne valent que pour la catégorisation du
lexique en termes, de populaire, familier ou argotique et non pas pour sa mise
en discours ni non plus pour la richesse du vocabulaire, des structures syntaxiques et, plus largement, pour les compétences linguistiques générales, de
nombreuses études en sociologie ou sociolinguistique démontrant le
contraire194.
(précarité, chômage, familles recomposées….) dans la réalité quotidienne de l’école ». Voir
http://www.debatnational.education.fr/upload/syntheses_pdf/b3126_debat_synthese.pdf, lu le
15/1/2006.
190 GADET F. « Il y a style et style », Le Français aujourd’hui, n° 116, 1996, p. 29.
191 LODGE R. A., « Colloquial Vocabulary and Politeness in French », op. cit., p. 359.
192 FRANÇOIS D., « Sur la variété des usages linguistiques chez les adultes », op. cit., p. 69.
193 DANNEQUIN C., « Interactions verbales et construction de l’humiliation chez les jeunes des
quartiers défavorisés », Mots, n° 60, 1999, p. 76-92.
194 BUZON C., « Lexique et classes sociales en milieu scolaire », Études de linguistique
appliquée, n° 26, 1977, p. 20-56 ; BAUTIER E., Pratiques langagières, pratiques sociales, op.
cit. ; BOURDIEU P., « Vous avez dit populaire ? », Actes de la recherche en sciences sociales,
n° 46, 1983, p. 98-105 ; FRANÇOIS D., « Sur la variété des usages linguistiques chez les
adultes », op. cit.
144 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
3.3.2.5. Conclusions et retour à la lexicographie
Toute la difficulté du lexicographe tiendra au fait que la distinction
diaphasique/diastratique n’est finalement pas franchement opératoire pour
guider le marquage des mots, dans la mesure où elle est bien plus théorique que
pratique car « l’expression familière adoptée par telle personne cultivée sera
rejetée par telle autre, également pour des raisons subjectives, ce qui rend la
zone que le langage populaire et le langage familier ont en commun, plus ou
moins floue »195. La complexité de la tâche du lexicographe comme de celle du
linguiste qui voudrait distinguer diaphasique et diastratique consistera à tenter
de photographier le mouvant, à figer l’instable. Il s’agira pour le lexicographe
de rendre compte, dans un dictionnaire de langue, de situations de discours.
Pour le linguiste, l’exercice sera à peine plus aisé. Il devra déterminer ce qui est
de l’ordre du fait ou de l’effet selon qu’il considère l’énoncé ou l’énonciateur, la
dimension sociale ou énonciative, car si les dimensions diaphasique et diastratique s’interpénètrent, elles ne relèvent pas du même plan d’analyse linguistique. On peut alors considérer, pour étendre une expression de Danielle
Bouverot196 que l’on passe d’une analyse stylistique de l’écart (variation diastratique) à une analyse stylistique des effets (dimension diaphasique).
Au terme de ce chapitre, nous nous rallions à la position de Jackie Schön
selon laquelle « les distinctions traditionnelles entre formes « argotiques »,
« familières », « vulgaires » ou « populaires » importent moins que l’indication
d’un registre. Car la signalisation du registre d’appartenance d’un terme
équivaut à l’avertissement que son emploi va provoquer un effet, par rupture
de ton dans le discours »197. Autrement dit, nous soutenons que la
catégorisation du lexique en familier, populaire et argotique n’a pas de réalité
fonctionnelle. Ce qui importe c’est la possibilité polyphonique que donne le
lexique en jouant sur la discordance entre la norme et le hors-la-norme, quel
qu’il soit. Ce qui est important c’est que l’emploi de termes « marginaux »,
« marqués » crée un effet que nous avons décrit jusqu’alors comme
conniventiel et qui fait écho à la réduction de la distance interlocutive
corrélative à la familiarité lexicale.
D’un point de vue lexicographique, nous avons montré en quoi la multiplicité des marques FAM., POP. et ARG. n’est pas opérante d’un point de vue
strictement linguistique. Elle l’est encore moins pour l’utilisateur du dicMESSELAAR P.-A., « Les marques familier et populaire envisagées d’un point de vue
lexicologique et lexicographique », op. cit., p. 96.
196 BOUVEROT D., « Dictionnaire et style(s) », Le Français moderne, n° 67-1, 1999, p. 10.
197 SCHÖN J., « Le parler familier, un modèle français ? », Actas del XXIIIe congreso
internacional de lingüistica y filologia romanica, Salamanca 2001, Tübingen, Max Niemeyer
Verlag, 2003, p. 438.
195
Chapitre 3. – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » 145
tionnaire, a priori non averti, et tend plutôt à en brouiller la compréhension. A
notre avis, l’accent doit préférentiellement être mis sur la distinction
« marqué/non marqué » (standard/non standard) dans le lexique. Pour ce faire,
il nous semble qu’une seule marque pourrait alors convenir au marquage
lexicographique, et c’est la marque FAM. qui apparaît comme la plus à même
d’assurer ce rôle d’avertisseur d’effet. Bien que cette proposition paraisse
audacieuse, il nous semble qu’il ne s’agit, en fait, que d’entériner une situation
existante et constatée. Au début des années 1970, Josette Rey-Debove écrivait
« dans l’état actuel du langage, on peut considérer qu’il y a une dichotomie
essentielle, qui prime sur les autres : le langage familier employé par tous dans
les relations ordinaires entre égaux (langage écrit, parlé, littéraire) et le langage
officiel employé dans les relations officielles ou hiérarchiques ; chacun de ces
langages comporte plus ou moins de termes marqués selon les individus »198. La
dichotomie marqué/non marqué était déjà considérée comme principale. Nous
ajoutons simplement, pour renforcer l’argumentation, qu’elle est d’autant plus
prégnante qu’en discours, les emplois relevant des dimensions diaphasiques et
diastratiques produisent les mêmes effets.
Les marques POP. et ARG. seraient alors réservées à deux types d’usage
différenciés : soit elles correspondraient à des usages bien spécifiques, et
seraient assimilées à des marques diatechniques199, soit elles deviendraient des
indicateurs étymologiques sur le modèle ARG. FAM200, ou plus clairement
D’ABORD ARG. PUIS FAM., D’ABORD POP. PUIS FAM.
Enfin la marque TRÈS FAM. serait recentrée sur son rôle strictement
superlatif de la marque FAM. (vs. la déclinaison de VULG. ou TRIV. qu’elle assure
actuellement) permettant de dissocier des usages très marqués de ceux moins
marqués, reprenant la notion de degrés du semi-conventionnel au non
conventionnel.
Corrélativement, il faudrait alors préférer l’appellation de marque d’usages
au pluriel, plutôt que de l’actuel marque d’usage au singulier.
REY-DEBOVE J., Étude linguistique et sémiotique…, op. cit., p. 93.
Comme usages restreints à des groupes identifiables, relativement cryptiques, qui auraient
leur place dans un dictionnaire généraliste notamment pour comprendre la littérature
spécialisée.
200 Proposition déjà établie par COHEN M., « C’est rigolo n’est pas populaire », Le français
moderne, n° 1, 1970, p. 1.
198
199
CHAPITRE 4
PROPRIÉTÉS FORMELLES ET EFFET FAMILIER
________
Nous avons exposé, précédemment, les faits de familiarité tels qu’ils peuvent
être présentés par le marquage lexicographique, afin de dégager des interprétations essentiellement d’ordre sociolinguistique et pragmatique. Dans le
présent chapitre, nous observons des aspects linguistiques (vs extralinguistiques), concernant les caractéristiques formelles des items de notre corpus.
L’objectif reste le même et consiste à dégager des critères qui pourraient
justifier l’attribution de la marque FAM. ou, pour le moins, expliciter la mise à
la marge à laquelle ces termes sont soumis.
Depuis longtemps, de nombreuses recherches ont permis de mettre en
évidence des procédés formels de création lexicale de l’argot et du « français
populaire »201. Étant donné les liens étroits que ces pans du lexique entretiennent avec les items marqués FAM., il est évident que ces procédés sont
autant de spécificités propres à notre corpus. Il nous a pourtant paru pertinent
de travailler à nouveau ces aspects dans la mesure où nos objectifs sont très
différents de ceux des études précitées et visent, au-delà de la simple taxinomie
des formes, à éclairer les mécanismes qui sous-tendent l’effet familier – donc la
réduction de la distance interlocutive – produit par l’emploi de ces lexèmes. En
d’autres termes, nous avons, à partir des caractéristiques formelles de notre
corpus, tenté d’amener à une compréhension plus précise des notions de
péjoration, dépréciation et expressivité, toujours utilisées lorsque l’on parle de
registre familier, mais rarement explicitées. Ce chapitre est donc consacré à
mettre en évidence le rôle des caractéristiques formelles dans la production
d’un effet familier.
GADET F., Le français populaire, op. cit., ; GUIRAUD P., Le français populaire, Paris,
P.U.F., 1965 ; GUIRAUD P., L’argot, op. cit., ; FRANCOIS D., « Les argots », in MARTINET A.
(ss la dir.), Le langage, Paris, Gallimard, 1968, p. 620-646.
201
148 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
La première partie de ce chapitre est dédiée à l’inventaire des formes de
notre corpus. Nous présentons tout d’abord, les formes construites en décrivant
la structure des mots et les relations de formes, ce qui nous permet d’ébaucher
une organisation morpho-lexicale du corpus. Nous nous sommes intéressée aux
formes dérivées construites à partir de radicaux verbaux puis aux radicaux
substantivaux. Ensuite, nous avons listé les formes simples.
Dans une seconde partie, nous analysons les caractéristiques formelles
susceptibles d’être le support d’un effet familier. Nous en avons retenu trois,
que nous avons considérées comme autant de pistes interprétatives de la
familiarité lexicale : d’abord l’impact de la dérivation affixale, l’influence de la
substance phonique et enfin celui de la métaphorisation. Nous montrerons
ensuite comment ces facteurs, liés à la forme des items mais ayant des
incidences sur leur sens, peuvent créer un effet familier.
4.1. LA MÉTHODE D’OBSERVATION
Notre objectif est d’analyser les principales règles de formation des verbes
marqués FAM. et d’en extraire les spécificités. Nous avons donc concentré notre
analyse sur les items identifiés par les locuteurs comme des mots construits
(constitués de plusieurs morphèmes). Nous avons dégagé les morphèmes qui
composent ces lexèmes et mis au jour les relations structurelles que ces items
entretiennent avec d’autres unités de la langue.
Quant aux mots simples qui, par définition, ne répondent pas à des règles de
construction, nous ne les avons pas totalement exclus de notre description,
étant donnée leur proportion (plus de la moitié de notre corpus), mais nous
nous sommes principalement attachée à leur substance phonique.
4.1.1. Pertinence de la morphologie dérivationnelle
pour l’analyse des mots construits
Nous avons cherché à atteindre les relations sémantiques induites par les
opérations spécifiques de constructions du lexique, dans le but de repérer des
indices formels de la familiarité lexicale. Nous faisons l’hypothèse que les
caractéristiques formelles spécifiques à notre corpus orienteront l’interprétation vers la familiarité lexicale. Nous nous situons donc à la frontière de la
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 149
morphologie et de la sémantique, soit davantage dans la dynamique de la
morphologie dérivationnelle que de la morphologie concaténatoire202.
Dans cette perspective, nous nous sommes largement laissée influencer par
le cadre méthodologique de la morphologie associative, en cela qu’il permet
d’identifier des segments de compositionnalité des lexèmes et la construction
du sens qui lui est concomitante203. Nous avons donc travaillé à partir du
principe général de la description en morphologie lexicale constructionnelle,
selon lequel « il est nécessaire de pouvoir prendre appui sur la structure
morphologique des mots construits pour être en mesure de procéder à des
analyses sémantiques adéquates de ces mots »204. Nous avons cherché à
déterminer des règles dérivationnelles propres à notre corpus, postulant le fait
qu’elles produisent de façon simultanée le sens et la structure morphologique
des mots construits et à ce titre, il est possible qu’elles soient un facteur de
familiarité lexicale. Pour parfaire notre description, nous nous sommes
notamment appuyée sur les travaux fondateurs de Danielle Corbin205 et de
Martine Temple206, ainsi que sur les travaux qui s’inscrivent dans leur sillage207.
Cependant, contrairement aux objectifs de la morphologie dérivationnelle,
nous n’avions pas pour ambition de créer une grammaire dérivationnelle du
lexique familier permettant de décrire jusqu’aux idiosyncrasies du système,
mais plutôt de mettre en lumière les éventuelles régularités formelles du
corpus et les règles qui traitent conjointement la formation du sens et celle de
la structure des mots. Nous n’avons donc pas détaillé les processus d’allomorphie des morphèmes dérivationnels, d’allongements de racine des
Sur le débat morphologie concaténatoire vs morphologie dérivationnelle associative, voir
VANDERHOEFT C., « Contre la conception sémantique sous-jacente à la morphologie
dérivationnelle associative ou contre une critique faite par Corbin à la lexicographie
traditionnelle », Linguisticae investigationes, n° 16-1, 1992, p. 155-187.
203 Contrairement au cadre de la morphologique dissociative qui distingue les règles qui
gouvernent la formation de la structure des mots de celles qui président leur interprétation.
Sur ces différences de conception entre modèle associatif et dissociatif, voir CORBIN D. « La
formation des mots : structure et interprétation », Lexique, n° 10, 1991, p. 9.
204 TEMPLE M., Pour une sémantique des mots construits, Villeneuve-d'Ascq, Presses
universitaires du Septentrion, 1996, p. 18.
205 CORBIN D., Morphologie dérivationnelle et structuration du lexique, Tübingen, Niemeyer,
1987.
206 TEMPLE M., Pour une sémantique des mots construits, op. cit., ; et Le sens des mots
construits : pour un traitement dérivationnel associatif, Thèse de doctorat, Lille III, ss la dir. de
Danielle Corbin, 1993.
207 Travaux de l’équipe SILEX à l’Université de Lille III, DAL G., « Du principe d'unicité
catégorielle au principe d'unicité sémantique : incidence sur la formalisation du lexique
construit morphologiquement ». Actes de Fractal'97, BULAG numéro spécial, Besançon, 1997,
p. 105-115 ; NAMER F., La morphologie constructionnelle du français et les propriétés
sémantiques du lexique, Mémoire HDR, ss la dir. de Denis Apothéloz, Université Nancy 2,
2005.
202
150 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
morphèmes lexicaux, pas plus que les phénomènes de supplétion lexicale habituellement abordés par la description en morphologie dérivationnelle.
Concrètement nous avons d’abord identifié des bases lexicales à partir
desquelles sont dérivés les verbes de notre corpus, ainsi que les morphèmes
auxquels elles se combinent. Nous avons ensuite analysé ces matériaux au regard
des règles de création lexicale régulières mises en évidence par les travaux en
morphologie dérivationnelle. Nous avons donc observé les opérations de
dérivation (affixation et conversion) des items de notre corpus et les avons
confrontées aux règles de création lexicale traditionnelles pour dégager les
tendances les plus singulières des procédés de création des verbes marqués FAM.
Nous avons également examiné la marque lexicographique accordée à la base
afin de cerner les liens plus étroits entre caractéristique formelle et attribution
de marque lexicographique. Nous avons précisé, pour chacune des bases, la
marque dont elle est pourvue, le cas échéant, ou la marque du sens de référence
de cette base, en cas de polysémie. Nous avons observé l’incidence du processus
de dérivation dans l’attribution d’une marque d’usage.
Enfin, signalons que nous avons limité cette part de l’analyse à l’incidence
de la forme sur le sens des termes observés, restant ainsi aux frontières de la
sémantique. L’exploitation détaillée des rôles sémantiques et de la signification
est proposée au chapitre suivant.
4.1.2. Le choix d’un matériau synchronique
La première étape de la description a consisté à établir une catégorisation en
mots simples et mots construits, autrement dit, à déterminer si le verbe observé
est dérivé d’une base attestée dans le lexique, et dans cette éventualité, à
expliciter le lien morphosémantique qui les lie. Pour ce faire, il nous fallait
adopter une démarche éminemment synchronique, dans la mesure où nous
devions dégager « les relations dérivationnelles actuellement perceptibles »,
selon la formule de Danielle Corbin.
Aussi, pour déterminer si un verbe est perçu comme construit ou non
construit, nous n’avons pas fondé notre description sur les notices étymologiques du NPR, car si « l’histoire peut, dans certaines limites, compléter, elle
ne peut en aucun cas limiter ou censurer la description synchronique »208. En
effet, l’information étymologique est souvent perçue comme un piège, voire
208
CORBIN D., Morphologie dérivationnelle…, op. cit., p. 101.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 151
une impasse méthodologique209, amenant la confusion, notamment quand ces
données sont utilisées pour résoudre les problèmes de dérivation régressive.
Nous adhérons donc au principe saussurien de synchronie qui définit la langue
comme « un système de pures valeurs que rien ne détermine en dehors de l’état
momentané de ses termes. Aussi le linguiste qui veut comprendre cet état doitil faire table rase de tout ce qui l’a produit et ignorer la diachronie. Il ne peut
entrer dans la conscience des sujets parlants qu’en supprimant le passé »210.
Pour dégager d’éventuels éléments lexicaux composant les lexèmes observés,
nous n’avons pas non plus eu recours aux définitions lexicographiques. Si nous
pouvons les considérer comme un matériau synchronique, nous avons estimé
qu’elles ne sauraient rendre compte de la dimension morphologique du
lexique211, dans la mesure où ce n’est pas là leur objectif principal.
Compte tenu des objectifs et des orientations théoriques que nous nous sommes
fixés, nous nous sommes basée sur notre propre intuition, que nous avons
confrontée à celle de quelques locuteurs natifs, constituant ainsi une sorte de
compétence-témoin, en ce qu’elle reflète une intuition métalinguistique sur le
lexique et donne accès au lexique possible. Nous avons donc soumis les items du
corpus à quatre informateurs (ainsi que nous-même), leur demandant s’il leur était
possible de reconnaître ou non un lien formel avec un autre mot de la langue et, si
tel était le cas, de tenter d’expliciter ce lien212. Nous n’avons pas véritablement
élaboré un travail d’enquête et n’avons pas exploité les variables socioculturelles
des locuteurs interrogés. Il s’agissait seulement de confronter notre propre
intuition à celles d’autres locuteurs, afin de pouvoir exclure d’éventuels effets
idiolectaux. Les réponses fournies se sont d’ailleurs révélées suffisamment
homogènes pour pouvoir les considérer comme du matériau exploitable.
A ce sujet, voir l’argumentaire de CORBIN D., Morphologie dérivationnelle…, op. cit.,
p. 88.
210 SAUSSURE (de) F., Cours de linguistique générale, op. cit., chapitre 3.
211 La description des procédures définitoires que nous présenterons au chapitre suivant
confirme le fait que les définitions dictionnairiques ne sont pas nécessairement centrées sur la
base du mot-construit. Par exemple, la définition de rabioter, « faire de petits profits
supplémentaires », ne rend pas compte du lien morphologique que ce verbe entretient avec le
substantif rabiot. Sur les limites de la définition lexicographique comme matériau de base à
l’analyse morphosémantique, voir CORBIN D., « Sens et définition : de la compositionnalité du
sens des mots construits », Linguisticae investigationes, n° 16-1, 1992, p. 189-219 et TEMPLE
M., Pour une sémantique des mots construits, op. cit., chapitre 1.
212 La consigne était la suivante : « Je vais vous citer des verbes. Pouvez-vous me dire, pour
chacun d’entre eux, s’il vous semble construit à partir d’un autre mot de la langue française. Si
oui, pouvez-vous essayer d’expliciter cette relation, à la manière dont le ferait le dictionnaire
dans une définition. Ex : cocufier, me semble construit sur le mot cocu, et je dirais que cocufier
c’est faire cocu, rendre cocu ».
209
152 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Nous avons traité les parcours dérivationnels tels que perçus par les
informateurs et nous-même, et non pas tels qu’ils pourraient être décrits par le
diachronicien ou le chercheur comme locuteur-expert213.
En pratique et par exemple, nous n’avons pas considéré le verbe arnaquer
comme base du substantif arnaque, contrairement aux données étymologiques
du NPR – qui se fient aux datations des attestations –, mais comme dérivé de
arnaque, conformément aux réponses fournies par les informateurs. Selon ces
derniers, arnaquer c’est « faire une arnaque », ce qui les amène à considérer que
arnaquer est construit sur la base de arnaque et non pas l’inverse.
Ces indices sémantiques participent, nous l’avons dit, de l’intuition de
locuteurs natifs et c’est cette référence intuitive qui garantit une perception
synchronique. Nous n’avons donc retenu l’étymon attesté par l’analyse
diachronique qu’à la condition qu’un lien de motivation soit observable en
synchronie et qu’il ait été repéré intuitivement par les informateurs. Par
exemple, le NPR indique que guincher est construit étymologiquement sur
guinche « bal public », mais nous ne saurions retenir cette description car
guinche n’est pas identifié par les informateurs. Guincher est alors considéré
comme mot non construit, c’est-à-dire qu’aucun lien avec une autre unité du
lexique n’est identifié en synchronie.
Ce choix méthodologique nous a permis d’avoir accès à une analyse qui rend
compte du sentiment linguistique des locuteurs, ce qui constitue une donnée
d’autant plus pertinente que nous travaillons sur une part du lexique qui nous
oblige à nous situer entre langue et discours.
Nous avons ainsi pu disposer d’un matériau linguistique tel qu’il est
appréhendé aujourd’hui par les locuteurs, et qui en reflète la conscience
métalinguistique. L’interprétation qu’ils font des faits linguistiques est alors
postulée comme vraie. La finalité de notre description est donc plus
interprétative que factuelle. Elle est principalement centrée sur la perception
qu’ont les locuteurs de faits linguistiques, à partir de règles formelles intégrées,
plutôt que sur la description des faits eux-mêmes. Ainsi, pouvons-nous plus
justement répondre à nos objectifs : mettre au jour les éléments formels
susceptibles de provoquer un effet familier dans le processus de construction
lexicale.
213
Certaines de nos descriptions pourront alors apparaître aux morphologues confirmés comme
tout à fait fantaisistes, étant donné la compositionnalité retenue.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 153
4.1.3. L’observation des mots simples
Les mots simples, nous l’avons dit, sont les unités perçues comme
autonomes par les informateurs, donc indécomposables en morphèmes. Ils sont
donc inanalysables du point de vue de leur construction morphologique,
puisque considérés comme non motivés214. Mais dans la mesure où cette part
du lexique non construit représente presque la moitié de notre corpus (189
items sur 410), nous n’avons pas voulu nous en désintéresser. Nous n’avons pas
effectué d’analyse particulière sur ces items, les informateurs n’ayant pu nous
fournir de données à leur propos. En revanche, l’inventaire que nous en avons
fait a permis, d’une part, de confirmer certains indices mis en évidence par
l’analyse des mots construits et, d’autre part, de démontrer le rôle de la
substance phonique dans l’interprétation de la familiarité lexicale. Nous
présenterons les formes dans la première partie descriptive de ce chapitre et
intègrerons l’hypothèse phonique à notre analyse.
4.2. INVENTAIRE DU CORPUS
Nous avons, dans un premier temps, réparti les items de notre corpus selon
qu’on les considère comme des mots simples ou des mots construits, c’est-àdire selon que les informateurs perçoivent une base isolable dans le lexique ou
non.
Ils se répartissent comme suit :
Mots simples
189
46 %
Mots construits
221
54 %
Total corpus
410
100 %
4.2.1. Les mots construits
Nous décrivons, dans cette section, les unités lexicales perçues par les
informateurs comme décomposables en divers éléments (morphèmes). A la
différence des mots simples, les mots construits sont dits transparents, motivés
morphologiquement, puisque leur forme s’explique partiellement par leur
relation avec celle du mot identifié comme base, et réciproquement. On les
214
Par motivation, nous entendons, en accord avec J. Dubois, « la relation de nécessité qu’un
locuteur met entre un mot et son signifié (contenu) ou entre un mot et un autre signe ».
DUBOIS, J. et al., Dictionnaire de linguistique, op. cit., p. 328.
154 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
considère comme « prédictibles », c’est-à-dire que leur sens peut être déduit de
la combinaison des segments qui le composent. La description de ces morphèmes ainsi que celle des relations qu’ils entretiennent – que les informateurs
nous ont permis de déterminer – constituent les bases de notre analyse. Nous
avons donc présenté, et ce tout au long de cet inventaire, la base identifiée et le
type de transformation morphologique mis en évidence par les informateurs,
ainsi que la glose qu’ils ont faite de cette transformation et que nous figurons
entre guillemets.
Nous nous sommes principalement concentrée sur les opérations de
dérivation, dans la mesure où les autres procédés, habituellement constatés en
français (siglaison, composition, troncation), ne sont pas représentés ou sont
extrêmement marginaux dans notre corpus. Cette prépondérance du processus
de dérivation tient essentiellement à la nature de nos items, exclusivement
verbaux, alors que les autres procédés de création lexicale sont largement usités
pour la formation de substantifs FAM. (sono, phallo, amphi, fana, folklo,
caf’conc’, rmiste, achélème, etc.). Quant à la composition, quelques termes
pourraient être retenus (valdinguer de valser et dinguer ; tournebouler de
tourner et bouler), mais ils ont été traités, étant donnée notre perspective
synchronique, comme des mots simples, car ils n’ont pas été identifiés comme
reliés à une base lexicale par les locuteurs interrogés. Là encore, on peut
remarquer que ce procédé est très productif pour les substantifs : amuse-
gueule, anti-tout, boit-sans-soif, pet-de-loup, pousse-au-crime, casse-cul,
marie-couche-toi-là, etc.
Traditionnellement, l’opération de dérivation, c’est-à-dire le procédé de
création à partir d’un radical base et de formants non autonomes, est envisagée
selon deux axes :
- la dérivation affixale : l’opération est effectuée au moyen d’un
morphème grammatical, reconnu en synchronie comme suffixe ou
préfixe, lié à une base autonome en langue (nominale, adjectivale ou
verbale.)
grattouiller (v.) → gratt(-er) + -ouiller
- la dérivation non affixale ou conversion, parfois appelée dérivation
immédiate (vs dérivation médiate, suffixale) : l’opération est
effectuée par transformation de la catégorie grammaticale d’une
unité base, sans que cette opération ne laisse de trace morphologique
visible sur une forme neutre (traditionnellement la forme verbale de
la 3e personne du singulier au présent de l’indicatif).
bagarre (n.) → il bagarre (v.)
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 155
Il s’est avéré que ces deux types d’opération de dérivation correspondent,
pour notre corpus, à un classement des items en fonction de la nature de leur
base. En effet, à quatre exceptions près215, les verbes dérivés à partir de base
verbale subissent une dérivation affixale (par suffixation et/ou préfixation)
alors que les verbes dérivés sur des bases substantivales (adjectif ou nom)216
correspondent à des procédés de conversion. Nous avons donc simultanément
travaillé sur le type d’opération de dérivation effectuée et sur les types
catégoriels des bases (nom, verbe, adjectif), et c’est ce dernier critère qui a été
retenu comme fondement de notre taxinomie. Chacun des items de notre
corpus pouvant être considéré comme mot construit a été classé en fonction de
la catégorie grammaticale du morphème lexical servant de base à la dérivation,
soit les mots construits sur une base verbale, puis les mots construits sur une
base nominale.
Enfin, nous avons traité dans cette section des items que le regard du
chercheur ne nous permet pas tout à fait de considérer comme construits, mais
plutôt comme remotivés. Néanmoins, dans notre perspective synchronique, ils
trouvent leur place au sein des mots construits. Nous préciserons lors de leur
analyse, ce qui en fait leur spécificité.
base verbale
V→V
base substantivale
Adj → V
N→V
Nb
%
dérivations suffixales
19
8,6 %
dérivations préfixales
15
6,8 %
verbes locatifs
10
4,5 %
verbes instrumentaux
20
9%
verbes de production
20
9%
verbes d’action
23
10,4 %
verbes de transformation
23
10,4 %
verbes de manière
40
18%
verbes dérivés de locution
30
13,7 %
21
9,6
221
100%
Remotivations
Tableau 7 : Représentativité des procédés de dérivation des mots construits
215
216
cocufier → cocu (adj.) + –fier
stariser → star (n.) + –iser
gâtiser → gâteux (adj.) + –iser
barbifier → barbe (n.) + –ifier
La dérivation verbale à partir d’un adverbe n’est pas de coutume considérée comme un
procédé de création lexicale « possible » en français et n’est pas non plus observée dans notre
corpus.
156 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
4.2.1.1. Les modificateurs verbaux (V→ V)
Il n’y a pas, dans cette opération de dérivation, de changement de catégorie
grammaticale entre la base et le dérivé. Les transformations subies par les unités
lexicales n’ont pas pour objectif de créer un verbe à partir d’une unité non verbale
existante, mais de modifier le signifié d’un verbe déjà existant. D’où la dénomination
de modificateurs de verbes, pour les affixes utilisés dans ce type de dérivation.
4.2.1.1.1. Les dérivations suffixales (19/221 items)
Ces opérations consistent en un ajout d’un suffixe au verbe de base existant dans
le lexique. Nous retrouvons ici l’essentiel des suffixes productifs en français sur base
verbale (à l’exception de –eler, –iner, non représentés dans notre corpus).
–ailler
–ouiller
criticailler → critiquer + –ailler « critiquer en pinaillant »
couchailler → coucher + –ailler « coucher à tord et à travers »
godailler → goder + –ailler « goder un peu »
rôdailler → roder + –ailler « roder un peu »
crachouiller → cracher + –ouiller « cracher un peu »
gratouiller → gratter + –ouiller « gratter un peu »
mâchouiller → mâcher + –ouiller « mâcher mais pas pour manger,
machinalement »
pendouiller → pendre + –ouiller « pendre mollement »
écrabouiller → écraser + b + –ouiller « écraser furieusement »
–ocher
–asser
–oter
filocher (1) → filer + –ocher « s’enfuir, filer rapidement »
filocher (2) → filer + –ocher « filer qqn à la manière de la police »
grognasser → grogner + –asser « grogner tant et plus »
bavasser → baver + –asser « baver, bavarder pour ne rien dire »
dansoter → danser + –oter « danser un peu »
traficoter → trafiquer + –oter « trafiquer un peu, des choses qui n’ont pas
d’importance »
tournicoter → tourniquer + –oter « tourner un peu, machinalement »
–onner
–oyer
rognonner → rogner + –onner « rogner beaucoup, grommeler ostensiblement »
merdoyer → merder + –oyer « merder un peu » « merder franchement »
–lurer (faux suffixe)217
peinturlurer → peinturer + –lurer
217
Nous avons intégré cet item à la série de suffixations conformément aux réponses des
informateurs et par souci d’exhaustivité, mais nous ne pouvons considérer un morphème
-lurer, dans la mesure où nous n’avons pas trouvé d’autres occurrences semblables dans le NPR
nous permettant d’opérer un test de commutation.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 157
La suffixation n’induit donc pas de changement catégoriel et la syntaxe du
verbe de base n’est pas modifiée par l’opération de suffixation : dansoter est
intransitif, comme danser, et filocher est transitif, comme filer.
La modification apportée par l’opération de suffixation réside donc dans
l’apport sémantique. On a, en effet, coutume de présenter ces suffixes, dans les
grammaires ou les dictionnaires, comme diminutifs, intensifs, fréquentatifs et
péjoratifs. Cependant, nous le développerons dans la partie réservée à l’analyse,
cette position mérite d’être nuancée et la catégorisation sémantique de ces
suffixes est certainement moins systématique qu’il n’y paraît.
4.2.1.1.2. Les dérivations préfixales (15/221 items)
Les préfixes productifs dans notre corpus sont re–, contre– et dé–. A
quelques exceptions près (refiler et dégrouiller pour lesquels le rôle du préfixe
est intensif) ils fonctionnent respectivement comme itératif, intensif et
oppositionnel.
re–
contre–218
recaser → re-+ caser « caser à nouveau »
refoutre → re-+ foutre « foutre à nouveau »
revouloir → re- + vouloir « vouloir à nouveau »
rebouter (1) (2) → re- + bouter « bouter à nouveau »
refiler → re- + filer « filer sans laisser le choix »
s’en contrebalancer → s’en contre- + balancer « s’en balancer complètement »
s’en contreficher →s’en contre- + ficher « s’en ficher carrément »
dedébander → de– + bander « arrêter de bander »
déballonner → de– + ballonner « l’inverse de ballonner »
désaper → dé– + saper « le contraire de se saper »
décomplexer → dé– + complexer « l’inverse de complexer »
dépatouiller → dé– + patouiller « l’inverse de patouiller »
dégrouiller → dé– + grouiller « se grouiller vraiment »
débrayer → dé– + (em-)brayer « l’inverse de embrayer »
4.2.1.2. Les modificateurs substantivaux (N→ V) (ADJ→ V)
La relation NOM→VERBE se réalise par une phrase fondamentale constituée
d’un syntagme nominal sujet et un syntagme verbal. On les appelle des verbes
dénominaux du fait de l’interprétation du verbe à partir d’un nom qui en est la
base. Le Nbase devient en quelque sorte le référent à partir duquel s’interprète le
218
Nous considérons ces unités lexicales comme des dérivés par préfixation et non comme des
compositions.
158 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
verbe dérivé. Il en est de même pour la dérivation ADJ→VERBE que nous avons
décidé de traiter également dans cette section d’autant plus que la plupart
d’entre eux correspondent à des adjectifs employés comme noms219.
Les études sur le lexique commun présentent comme très productive la
suffixation en –iser ou –ifier pour la transformation ADJ→VERBE, et la
suffixation en –iser pour la transformation NOM→VERBE. Dans notre corpus,
ces procédés s’avèrent relativement rares, et seuls quatre items sont concernés :
cocufier, gâtifier, stariser, barbifier. Comme nous l’avons annoncé, tous les
autres cas répondent à une opération de conversion N→V220 ou ADJ→V. Nous
ne développerons donc pas précisément ce type de suffixation.
Nous avons opéré un classement des items relevant de la conversion
N→VERBE et ADJ→VERBE à partir de l’identification d’un lien sémantique
entre la base et le dérivé. Guidée par le principe fondateur du travail
linguistique, nous avons repéré les régularités sémantiques dans les
configurations morphologiques liant les bases et les dérivés, à l’instar des
travaux en morphologie dérivationnelle ou constructionnelle déjà cités, de
ceux de Dubois et Dubois-Charlier221 ou, précédemment, de ceux de Ferdinand
Brunot222.
Nous avons pris pour matériau de base à la description les réponses fournies
par les informateurs interrogés, tant dans le repérage de la base que pour la glose.
Cette description, nous le verrons, est un pas supplémentaire dans la
compréhension de la familiarité lexicale, tant elle éclaire les liens que le
lexème verbal familier entretient avec d’autres lexèmes de la langue. Par
ailleurs, elle nous donne l’occasion d’esquisser les rapports entre le verbe, son
sujet et son objet, niveau d’analyse que nous aborderons de façon plus détaillée
dans le chapitre suivant.
219
C’est pourquoi, à l’exception de certaines remarques qui nécessitent une distinction entre les
bases nominales ou adjectivales, nous utiliserons indifféremment le terme de Nbase, pour les
désigner.
220 Nous avons déterminé le sens de la conversion N↔V à partir des données recueillies auprès
d’informateurs, eux-mêmes se fondant sur les liens sémantiques les plus évidents entre la base
et le dérivé. Des polémiques pourraient naître de ces données mais avons estimé qu’entrer dans
ce débat nous éloignerait considérablement de notre propos. Nous avons donc considéré, à
l’instar de Danielle Corbin, que l’analyse de la conversion est similaire à l’analyse des procédés
d’affixation. Une opération de conversion associe une base et un dérivé, appartenant à deux
catégories grammaticales nécessairement différentes, et entretenant une relation sémantique
particulière. C’est ainsi que V → CONV N sous-entend que N décrit le procès véhiculé par V
(vol(er) → CONV vol ), alors que N → CONV V donne à voir généralement le référent de N comme
l’instrument du procès décrit par V (balai → CONV balay(er) ) (CORBIN D., Morphologie
dérivationnelle…, op. cit., p. 275).
221 DUBOIS J. et DUBOIS-CHARLIER F., La dérivation suffixale en français, Paris, Nathan,
1999, p. 238-261.
222 BRUNOT F., La pensée et la langue, Paris, Masson et Cie Éd., 1965, p. 216.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 159
Nous avons mis en évidence sept paradigmes, que nous présentons dans
l’ordre inversement proportionnel de leur représentativité numéraire.
4.2.1.2.1. Verbes locatifs (10/221 items)
L’opération de conversion est du type V : « mettre X dans N (locatif)». Le
Nbase réfère au lieu qui intervient comme participant du procès décrit par V, X
est le patient du procès.
Nous avons également regroupé dans cette catégorie les verbes à locatif
inversé, du type V : « sortir X de N (locatif) ».
becter « mettre dans le bec »
crécher « loger dans une crèche »
dégueuler « sortir de la gueule »
emmerder (1) (2) « mettre dans la merde »
merder (1) (2) « être dans la merde »
planquer « mettre dans une planque »
se démerder « se sortir de la merde »
se plumer « se mettre au plume, au plumard »
4.2.1.2.2. Verbes instrumentaux (20/221 items)
Ce sont des verbes qui peuvent être glosés par V : « produire un résultat à
l’aide de N (instrument) ». N (instrument) est généralement un objet ou plus
largement une substance ou un moyen d’action impliqué dans la réalisation du
procès. Dans la majorité des cas, un patient subit l’action réalisée au moyen de
Nbase.
baratiner (2) « abuser par un baratin »
bécoter « donner des bécots »
bigophoner « utiliser un bigophone»
biser « donner des bises »
bomber « peindre avec une bombe »
carotter (2) « extraire une carotte du sol »
châtaigner « donner des châtaignes »
complexer « donner des complexes »
débraguetter « ouvrir la braguette »
émotionner « toucher par une émotion »
entarter « recouvrir d’une tarte »
flinguer (1) « tuer avec un flingue »
fringuer « mettre des fringues »
nipper « mettre des nippes »
rebraguetter « fermer la braguette »
relooker « donner un nouveau look »
se friter « donner des frites, des coups »
se saper « mettre des sapes »
talocher « donner des taloches »
violoner « jouer du violon »
160 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
4.2.1.2.3. Verbes de production (20/221 items)
Ce sont essentiellement des constructions morphologiques du type V :
« émettre un Nbase» où N est un son, un acte de langage ou même une émotion. Ce sont donc exclusivement des constructions intransitives.
• Productions corporelles
péter (1) « faire un pet »
roter (1) « faire un rot »
graillonner « expectorer les graillons »
glavioter « faire un glaviot »
gerber (1) « faire une gerbe »
• Verbes de langage
baragouiner (1) « faire un baragouin»
tchatcher « se livrer à la tchatche »
politiquer « parler politique »
laïusser « faire des laïus »
déconner (1) (2) « dire des conneries »
blablater « faire du blabla »
blaguer « dire des blagues »
baratiner (1) « faire du baratin »
vanner « lancer des vannes »
• Verbes de maladie, forme physique, morale
kiffer (1) (2) « prendre du kif, du plaisir »
criser « piquer une crise »
rager « être en rage, avoir la rage »
se biler « se faire de la bile »
4.2.1.2.4. Verbes d’action (23/221 items)
Ce sont des verbes de comportement, ou d’activité qui correspondent au
schéma V : « faire N (action) », « (se) livrer à N (action)», « participer à N
(action)», « s’adonner à N (action) ». Ce sont des constructions intransitives
dans lesquelles le sujet est agent du Nbase.
arnaquer (1) (2)« faire une arnaque »
bagarrer (2) « livrer bagarre »
balader (2) « faire une balade »
esbroufer « faire de l’esbroufe »
fauter « faire une faute »
fuguer « faire une fugue »
grenouiller « faire du grenouillage »
gueuletonner « faire un gueuleton »
magouiller (1) (2) « se livrer à des magouilles »
partouzer « faire une partouze »
petit-déjeuner « prendre un petit déjeuner »
rabioter (1) (2) « faire des rabiots »
se bagarrer (1) « se livrer à la bagarre »
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 161
se balader (1) « s’adonner à la balade »
se biturer « prendre une biture »
se cuiter « prendre une cuite »
se défouler (1) (2) « s’adonner au défoulement »
vadrouiller (1) (2) « aller en vadrouille »
4.2.1.2.5. Verbes de transformation (23/221 items)
Nous avons dissocié dans cette série les verbes pour lesquels le patient est
transformé en Nbase et ceux pour lesquels le sujet du prédicat subit la
transformation.
• Le procès transforme l’objet en Nbase ou affecte à l’objet une ou des
propriété(s) de ADJbase. On peut gloser ces verbes par « rendre X, ADJbase» ,
« considérer X à la manière d’un Nbase », ou plus largement « prendre X pour
Nbase », « traiter X en Nbase », « faire que X devienne ADJbase ». C’est l’objet
du verbe qui subit une transformation, qui peut intervenir a posteriori ou a
priori. Dans ce dernier cas, le procès n’aboutit pas à la transformation de X en
Nbase, mais à la considération de X en fonction des caractéristiques du Nbase :
bidonner (2) « rendre bidon »
canarder « prendre pour un canard »
chouchouter « traiter X en chouchou »
cocufier « rendre X cocu »
couillonner « prendre X pour un couillon »
décerveler « rendre sans cervelle »
dégueulasser « rendre dégueulasse »
dépuceler « rendre non pucelle »
emmerder (3) « prendre X pour de la merde »
indifférer « rendre X indifférent »
pigeonner « prendre X pour un pigeon »
stariser « transformer X en star »
torchonner « rendre X un torchon »
• Ces verbes correspondent à des constructions adjectivales intransitives
résultatives qui impliquent un changement d’état du sujet du verbe, selon le
schéma : V : « X devient ADJbase » ou « X est ADJbase ».
barbifier « raser la barbe »
flemmarder « devenir flemmard »
gâtifier « devenir gâteux »
insupporter « devenir insupportable »
se beurrer « se rendre beurré »
se dépoitrailler « se découvrir le poitrail »
se toquer « devenir toqué »
speeder « devenir speedé »
urger « devenir urgent »
vasouiller « devenir vaseux »
162 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
L’opération de verbalisation est réalisée soit à partir du suffixe –iser, soit à
partir de la simple marque de l’infinitif –er. Le premier cas de suffixation est
très productif en français standard, alors qu’il ne représente que très peu
d’exemples dans notre corpus.
4.2.1.2.6. Verbes de manière (40/221 items)
Ce sont des verbes dont le procès est réalisé « à la manière de ». C’est un
procédé très productif dans notre corpus. On peut opérer des sous-catégories
selon que le sujet se comporte comme Nbase ou que l’action est réalisée comme
Nbase.
• La manière dont le sujet réalise l’action est précisée par le Nbase. Ce sont
des verbes du type V : « agir en Nbase», « faire le Nbase», « agir à la manière de
Nbase », « avoir les attributs, les propriétés de Nbase », « faire ce que Nbase
ferait ». C’est ici le sujet qui est le référent du Nbase ; le sujet se comporte à la
manière du Nbase, c’est pourquoi ces dérivations sont parfois décrites comme
référant à un agent stéréotypique223. Les constructions sont essentiellement
intransitives ou employées absolument. Elles renvoient à des comportements
humains (ou animés, humanisés) :
cabotiner « faire le cabotin »
cafarder (1) « faire le cafard »
charcuter « faire le charcutier »
cochonner « faire un travail de cochon »
cocoter « sentir la cocotte »
copiner « se comporter en copain »
cornaquer « servir de cornac »
déconner (2) « faire le con »
fliquer « faire le flic »
fouiner (1) « faire la fouine »
fouiner (2) « fouiller comme une fouine »
frimer « faire le frimeur »
goinfrer « manger comme un goinfre »
lézarder « faire le lézard »
mendigoter « faire le mendigot »
moucharder « faire le mouchard »
poireauter « faire le poireau »
se pocharder « se conduire en pochard »
turlupiner « faire le turlupin »
vamper « se prendre pour une vamp »
vibrionner « faire le vibrion »
yoyoter « se comporter comme un yoyo »
zoner « vivre en zonard »
223
NAMER F., La morphologie constructionnelle…, op. cit., p. 107.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 163
• « Faire à la manière de Nbase » : dans certains cas, c’est l’action qui est
réalisée selon une modalité indiquée par Nbase.
banquer « payer comme si une banque payait »
baragouiner (2) « parler une langue comme si c’était un baragouin »
biberonner « boire de l’alcool comme si on buvait au biberon »
catastropher « atterrer comme lors d’une catastrophe »
cavaler « courir comme si on était en cavale »
courser « poursuivre comme si on participait à une course »
flinguer (2) « abîmer comme si on avait tiré dessus avec un flingue »
galérer « peiner comme dans une galère »
péter (2) « faire le bruit que ferait un bruit de pet »
péter (4) « éclater en faisant un bruit de pet »
picoler « boire de l’alcool à la manière dont on le ferait avec du picolo, du vin
de table»
rafler (1) (3) « prendre comme dans une rafle »
rafler (2) « voler tout comme dans une rafle »
sandwicher « prendre en sandwich »
saucissonner « manger comme on mange du saucisson »
siroter « boire de la façon dont on le ferait si c’était du sirop »
4.2.1.2.7. Verbes dérivés de locutions verbales (30/221 items)
Enfin, nous devons considérer une dernière catégorie qui est propre à notre
corpus et que nous pouvons décrire comme des verbalisations de locution
intégrant Nbase.
barber « la barbe ! »
barbifier (2) « la barbe ! »
bisquer « bisque, bisque, rage ! »
buller « coincer la bulle »
cachetonner « courir le cachet »
cafarder (2) « avoir le cafard »
caner « faire la cane »
carotter « tirer la carotte à qqn »
crâner « faire le crâne »
croûter « casser la croûte »
déboussoler « perdre la boussole »
décaniller « jouer des canes »
déjanter « sortir de sa jante »
flasher « avoir un flash pour»
flotter « tomber de la flotte »
gaffer (2) « faire gaffe »
gazer (1) « aller à plein gaz »
lourder « prendre la lourde »
mégoter « ramasser les mégots »
piler « s’arrêter pile »
se bidonner (1) «se tordre le bidon de rire »
se boyauter « rire à s’en tordre les boyaux »
tabasser « passer à tabac »
zieuter « regarder avec les -z-yeux »
164 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Pour les items suivants, le verbe dérivé est lui-même intégré à une locution
figée, le lien avec le Nbase étant de plus en plus opaque :
blairer « ne pas blairer qqn »
douiller (1) (2) « ça douille »
gazer (2) « ça gaze ? »
péter (3) « péter le feu, les flammes »
roter (2) « en roter »
4.2.1.3. Les remotivations sur bases substantivales (21/221 items)
Nous avons considéré ici la série de verbes pour lesquels les informateurs
ont identifié une base verbale et ont proposé une glose sémantique pour en
décrire le lien, sans pour autant que cette glose fasse l’unanimité dans les
réponses proposées. Nous les traitons un peu à l’écart des constructions
présentées comme plus « régulières », celles-ci apparaissant plus fantaisistes.
Cependant elles répondent aux mêmes types de constructions précédents.
Comme nous le développerons ultérieurement (§ 4.3.2.2), nous considérons ces
formes comme des remotivations populaires224.
amocher « rendre moche »
asticoter « faire l’asticot »
batifoler « s’amuser comme des fous »
bazarder « considérer qqch comme dans un bazard »
casquer « prendre un coup (de bambou) sur le casque »
chambarder « mettre le chambard »
crapoter « fumer comme un crapaud »
débecter « sortir du bec, vomir »
dégobiller « l’inverse de gober, vomir »
dépiauter « retirer la peau »
embringuer « emmener faire la bringue »
époustoufler « couper le souffle »
estomaquer « comme quand on prend un coup à l’estomac »
flancher « tomber sur le flanc »
gambiller (2) « danser avec un jeu de gambette »
gambiller (1) « remuer les gambettes »
gerber (2) « jaillir comme une gerbe »
ratiboiser (3) « raser le bois »
ravigoter « rendre plus vigoureux »
se décarcasser « se sortir de sa carcasse »
trimballer « traîner son ballot »
224
Selon la définition de Kristoffer Nyrop, l’étymologie populaire est « la transformation d’un
mot plus ou moins obscur sous l’influence d’un autre mot qui offre quelque ressemblance de
sens ou de son », in NYROP K., Grammaire historique de la langue française, Genève, Slatkine
reprints, 1979, tome 1, p. 500.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 165
4.2.2. Les mots simples (189/410 items)
Nous venons d’observer les mots construits, dont la structure interne permet
la mise en relation avec d’autres unités du système. Nous traiterons maintenant
des mots simples, c’est-à-dire des unités perçues comme autonomes. Selon les
définitions traditionnelles, les mots construits sont motivés du point de vue
morphologique (c’est-à-dire que le signifié détermine, dans une certaine
mesure, le signifiant), alors que les mots simples ne le sont pas. Aussi,
considère-t-on les mots simples comme inanalysables formellement, et qui font
simplement l’objet d’observations étymologiques ou strictement sémantiques.
Pourtant, comme nous l’avons signalé, la part des mots simples dans notre
corpus justifie l’intérêt que nous leur avons porté.
De plus, les données recueillies auprès des informateurs nous ont conduite à
reconnaître le principe saussurien d’arbitraire relatif et à penser qu’il existe
divers degrés de motivation (ou d’arbitraire). Nous avons donc regroupé dans
cette section « toute forme qui ne peut être amputée d’aucun élément
phonique sans que la forme restante soit ou bien totalement inexistante dans la
langue, ou bien une forme déclinée ou conjuguée de la forme initiale, ou bien
une forme apparaissant dans un système de distribution contextuelle, et avec
des connotations sémantiques, fort éloignés de ceux de la forme initiale »225. A
partir des éléments fournis par les informateurs, nous avons mis en évidence
trois catégories de termes :
- les items pour lesquels les informateurs n’ont pas identifié de base
lexicale, nous les avons appelés « formes simples non motivées »
(§ 4.2.2.1),
- les items que les informateurs ont rapprochés d’une unité lexicale
existant en langue, sans pour autant pouvoir justifier d’un lien
sémantique entre les deux. Il s’agit donc de la reconnaissance d’une
base sur des critères essentiellement phoniques, nous les avons
appelé « formes simples pseudo motivées » (§ 4.2.2.2),
- les items que les informateurs ont identifiés comme emprunts
synchroniques (§ 4.2.2.3).
Notre objectif n’est pas de rechercher, pour ces items, des caractéristiques
morphosémantiques susceptibles d’être un support à la familiarité lexicale,
mais de repérer des indices formels, au sens large.
225
MITTERAND H., Les mots français, Paris, P.U.F., 1963, p. 24.
166 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
4.2.2.1. Les formes simples non motivées (189 items)
Attifer
bafouiller
bâfrer
baliser
barboter
barder
bassiner
bêcher (1) (2)
bicher (1) (2)
bidouiller
bigler (1) (2)
biter
bosser
bouffer (1) (2) (3)
boulonner
boulotter
brailler
braire
buter
cafouiller
cafter
canner (2)
canuler
chambouler
chaparder
chiader
chialer
chier (1) (2)
chigner
chiper
chlinguer
choper (1) (2) (3)
chouiner
chouraver
collapser
couiner (1) (2)
cramer (1) (2)
crapahuter
dealer
débarbouiller
débiner
déconner (3)
défourailler
déglinguer
dégoiser (1) (2)
dégoter (1) (2)
déhotter
démantibuler
détaler
dinguer
droguer
droper
écornifler
emberlificoter (1) (2)
embêter (1) (2) (3)
embobiner
emmieller
emmitoufler
emmouscailler
empaumer
empiffrer
empiler
emplafonner
endêver
engueuler (1) (2)
enguirlander
enquiquiner
entuber
esquinter (1) (2)
estourbir
farfouiller
fignoler
flanquer (1) (2)
flipper (1) (2)
gaffer (1)
gamberger (1) (2)
gigoter
glander
grailler
guincher
jaboter
jacter
jaspiner
jubiler
lamper
limoger (1) (2)
louper (1) (2)
maronner
morfler
moufter
paumer
peloter
phosphorer
piailler (1) (2)
piger (1) (2)
pinailler
pioncer
pisser (1) (2)
potasser
poutser
queuter
rabibocher (1) (2)
radiner (1) (2)
rafistoler
rapetasser
rappliquer
raquer
ratiboiser (1) (2)
rebiquer
reluquer (1) (2)
rempiler
rencogner
requinquer (1) (2)
resquiller (1) (2) (3) (4)
rétamer (1) (2)
ribouler
rigoler (1) (2)
rogner
roupiller
rouscailler
rouspéter
roustir
s’esbigner
sacquer (1) (2)
saloper (1) (2)
se barrer
se carapater
se débiner
se débrailler
se goberger
se gourer
se magner
se marrer
se poiler
se poivrer
se rebiffer
toquer
torcher (1) (2)
tournebouler
transbahuter
trifouiller (1) (2)
trisser (1) (2)
trucider
valdinguer
vaser
viander
zigouiller
zozoter
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 167
Si nous nous permettons une incursion diachronique, nous reconnaissons là
toute une part du lexique correspondant à des lexèmes qui sont le résultat
d’une lente transformation d’un fond héréditaire. Ainsi, sont visibles les traces
des langues anciennes (latin, francique, ancien français, gaulois), mais aussi
celles de certaines langues modernes, notamment l’allemand.
Nous retrouvons également les emprunts dialectaux, tels que :
bicher (2) (« bêcher »)
bidouiller (« biduler »)
chialer (« chier »)
choper (1) (« chiper »)
débarbouiller (« débrouiller »)
écornifler (« écorner »)
emmitoufler (« mistoufle »)
lamper (« laper »)
ravigoter (« revigorer »)
roustir (« rôtir »)
On reconnaît également, toujours en diachronie, des mots historiquement
construits, mais dont la base n’est plus attestée en synchronie, et n’a pas été
identifiée par les informateurs. Par exemple :
chiper (« chipe »)
déhotter (« hotte »)
douiller (« douille »)
grailler (« graille »)
guincher (« guinche »)
Dans la même série des mots démotivés, apparaissent aussi des mots
composés non transparents en synchronie :
tournebouler (tourner et bouler )
trifouiller (tripoter et fouiller )
valdinguer (valser et dinguer )
4.2.2.2. Les formes simples pseudo motivées
Pour certaines formes, les informateurs ont proposé une base de
reconnaissance phonique, sans qu’aucun lien sémantique avec le dérivé ne
trouve de justification en synchronie, ce qui nous amène à les considérer
comme des mots simples :
baliser (« balise »)
bassiner (« bassin »)
biter (« bite »)
boulonner (« boulon »)
canuler (« canule »)
déconner (3) (« con »)
dégoiser (1) (2) (« gosier »)
168 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
démantibuler (« mandibule »)
détaler (« étal »)
embêter (1) (2) (3) (« bête »)
embobiner (« bobine »)
emmerder (1) (2) (« merde »)
emmieler (« miel »)
emplafonner (« plafond »)
engueuler (« gueule »)
enguirlander (« guirlande »)
entuber (« tube »)
estomaquer (« estomac »)
farfouiller (« fouiller »)
fignoler (« fin »)
gigoter (« gigot »)
glander (« gland »)
jaboter (« jabot »)
limoger (1) (2) (« Limoges »)
peloter (« pelote »)
phosphorer (« phosphore »)
queuter (« queue »)
rappliquer (« appliquer »)
rempiler (« empiler »)
rencogner (« cogner »)
ribouler (« boule »)
saloper (« salaud »)
se poiler (« poil »)
se poivrer (« poivre »)
transbahuter (« bahut »)
trifouiller (« fouiller »)
Dans la même perspective, certaines formes ont été identifiées comme
onomatopéiques226 :
bafouiller (« baf-»)
couiner (« coin »)
déglinguer (« cling »)
dinguer (« ding »)
jacter (« jacjac »)
lamper (« lap »)
piailler (« piapia »)
pisser (1) (2) (« psss »)
rogner (« grrr »)
roupiller (« rrrpshit »)
toquer (« toc »)
zozoter (« ze suis zune fille »)
226
Les éléments indiqués entre parenthèses sont ceux livrés par les informateurs.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 169
4.2.2.3. Les emprunts synchroniques
Une dernière catégorie a pu être mise en évidence à partir des données
fournies par les informateurs et concerne les emprunts synchroniques. Ce sont
des formes identifiées comme relevant d’une langue étrangère, qui subissent
des modifications leur permettant de s’intégrer à la langue d’accueil, le
français, notamment par la flexion verbale caractéristique des verbes français
du premier groupe227.
canner (“can ”)
collapser (“ to collapse ”)
dealer (“ to deal ”)
flipper (1) (2) (“ to flip ”)
4.3. ANALYSE DES CARACTÉRISTIQUES FORMELLES
Cette section présente le type d’opérations subies par les bases des mots
construits et l’analyse des rapports, notamment sémantiques, entretenus entre
l’unité-base et le verbe dérivé dans ce mouvement de classes lexicales. Pour les
mots simples, nous l’avons précisé, nous en sommes restée à des considérations
très générales sur leur substance phonique. A partir des données obtenues,
nous avons envisagé les incidences de ces caractéristiques sur l’attribution de la
marque lexicographique FAM. Cela nous a permis de considérer principalement
trois axes : l’incidence de l’affixation, l’impact de la substance phonique et le
rôle de la figure dans l’édification du sens d’un dérivé FAM.
4.3.1. L’affixation : entre sémantique et énonciation
4.3.1.1. Les suffixations
Les suffixes que nous avons mis en évidence par l’inventaire des formes sont
décrits dans les grammaires et dictionnaires comme diminutifs, intensifs,
fréquentatifs et comme indexant des formes familières. Nous allons montrer
que l’interprétation de ces phénomènes de suffixation ne peut être regardée de
manière aussi catégorique.
227
D’autres formes ont été reconnues comme emprunts synchroniques mais ont été considérées
comme décomposables en morphèmes. Elles ont fait l’objet d’un traitement comme mots
construits : relooker, speeder, etc.
170 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
4.3.1.1.1. Suffixes et traits sémantiques instables
Si l’on observe le détail des gloses fournies par les informateurs, nous
constatons que les valeurs sémantiques apportées par ces suffixes ne sont pas
stables.
Si –oter dans dansoter, traficoter, introduit une nuance diminutive par
rapport à danser, trafiquer, ce n’est pas tout à fait le cas de tournicoter glosé
« tourner machinalement ».
S’il est vrai que l’on peut comprendre –ouiller comme un morphème à
valeur diminutive dans mâchouiller, crachouiller, il assure au contraire un rôle
intensif dans écrabouiller.
Si –ailler peut être considéré comme un diminutif dans criticailler, il sera
plutôt un fréquentatif dans couchailler. Enfin, si la valeur itérative de –asser est
claire pour grognasser, elle est moins évidente pour bavasser.
Nous devons reconnaître la difficulté pour les informateurs de formuler ces
gloses, et donc d’identifier clairement l’apport sémantique des morphèmes
suffixaux mis en évidence.
Ces hésitations sont confirmées par les données dictionnairiques puisque la
comparaison des gloses du NPR et du TLF pour chacun de ces suffixes,
témoigne de leur instabilité sémantique (voir tableau 8 ci-dessous) :
NPR 2002228
TLFi
–ailler
diminutif, péjoratif ou fréquentatif
–ouiller
Fréquentatif
–ocher
fréquentatif et péjoratif
fréquentatif et généralement
péjoratif
valeur dépréciative ou à valeur
diminutive, parfois fréquentative
(avec souvent dans ce cas une
nuance péjorative)
(pas de précision de valeur)
–asser
péjoratif et fréquentatif
–oter
diminutif et fréquentatif
–onner
diminutif ou fréquentatif
–oyer
(pas de précisions de valeur)
valeur péjorative et/ou
fréquentative
à valeur diminutive et/ou
fréquentative, parfois péjorative
à valeur diminutive et/ou
fréquentative, parfois péjorative
en concurrence avec –ouiller
Tableau 8 : Gloses des suffixes dans le NPR 2001 et le TLFi
Ces indications sont présentées dans le Petit dictionnaire des suffixes français, situé en fin
d’ouvrage.
228
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 171
La formulation (« et », « ou ») de ces gloses témoigne d’approximations dans
l’interprétation de ces suffixes et confirme les intuitions des locuteurs : l’interprétation de ces suffixes est loin d’être régulière. Par conséquent, bien que
construits, ces verbes ont une faible diagrammaticité229, c'est-à-dire que leur
sens est assez peu prédictible, et la lisibilité de la structure interne de ces
lexèmes dérivés en devient relativement floue. L’homogénéité sémantique des
suffixes /diminutif/, /intensif/ ou /fréquentatif/ est difficile à percevoir. Ceci est
corroboré par le fait que l’on peut tout à fait trouver, notamment dans des
corpus oraux, différentes possibilités de suffixation pour la même base verbale,
avec des valeurs sensiblement identiques :
merdouiller/merdoyer
dansoter/dansouiller
crachouiller/crachoter, etc.
Ces formes suffixales ne sont donc pas exclusives les unes des autres et le
sens compositionnel des verbes dérivés en est rendu peu accessible.
Les incidences sont doubles :
- d’une part, il est difficile de considérer d’un point de vue strictement
morphologique ces affixes comme un seul et même morphème
(signifiés différents de –ouiller dans mâchouiller et écrabouiller ),
- d’autre part, il devient difficile de les distinguer entre eux (valeur
identique de –ouiller dans pendouiller et –ôter dans dansoter ), ce qui
pourrait inciter à les considérer comme des affixes concurrents d’un
point de vue formel, mais quasi-synonymes.
Ce constat a conduit certains auteurs à poser cette série de suffixes comme
des variantes différentes d’un seul et même archisuffixe se fondant sur des
critères phonologiques. Cette hypothèse a été d’abord soutenue par Knud
Togeby230, puis reprise par Marc Plenat231. Ces suffixes sont en distribution
complémentaire, chacun d’eux refusant de s’adjoindre à une base se terminant
par une consonne identique à la sienne (ce refus s’étendant aux consonnes
phonétiquement proches). Ainsi, au-delà des théories associatives voulant qu’à
des formes différentes correspondent des sens différents, ces auteurs plaidentils en faveur de contraintes euphoniques, considérant les segments –ouiller,
-asser, –ailler, –oter, comme des variantes d’un même archisuffixe. Selon eux,
229
« On peut définir la diagrammaticité comme un paramètre permettant d’évaluer la
conformité d’un mot construit relativement à un type idéal (…). ‘Diagrammatique’ signifie
donc constructionnellement iconique. En utilisant la terminologie saussurienne, on pourrait
dire que la diagrammaticité abaisse l’arbitraire du signe », in APOTHELOZ D., La construction
du lexique français, Paris, Ophrys, 2002. p. 49.
230 TOGEBY K., Structure immanente de la langue française, Paris, Larousse, 1965.
231 PLENAT M., « Distribution des suffixes évaluatifs verbaux en français », in CORBIN D. et al.
(ss la dir.), Les dérivés évaluatifs. Actes du colloque tenu à l’Université de Toulouse-le Mirail,
29-30 avril 1999, Lille, SILEX, 1999, p. 179-188.
172 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
les dérivations suffixales ne reposent pas sur des traits sémantiques qui permettent de justifier le choix de l’un ou de l’autre des morphèmes affixés, mais
sur des traits phonologiques.
Il est vrai que l’examen de notre corpus montre qu’il n’y a pas de
parallélisme parfait entre la forme de ces lexèmes (concaténation d’un
morphème lexical et d’un suffixe donné) et le sens (combinaison des signifiés
de deux morphèmes). Cependant, il nous semble difficile de soutenir que
l’apport sémantique de –ouiller dans écrabouiller est le même que celui de
-oter dans dansoter. Nous nous accorderons davantage à l’hypothèse que
formule Anna Sörés, en conclusion de son étude sur la suffixation des verbes
en hongrois, selon laquelle « ni l’intuition, ni la prise en compte des trois
facteurs étudiés [syntaxico-sémantiques], ne permettent une nette distinction
entre un emploi itératif et un emploi diminutif, comme le suggèrent les
grammaires. Il s’agit davantage d’une sorte de continuum qui va de itératif
jusqu’à évaluatif ou qualificatif, à travers une possibilité qui inclut itératif et/ou
diminutif »232.
Finalement, ce qui semble homogénéiser ces formes, c’est la valeur de
péjoration qui leur est accordée (comme le montrent les gloses du TLF et
comme le stipule la plupart des grammaires françaises). Ceci nécessite que l’on
s’y arrête.
4.3.1.1.2. Suffixation quantitative et évaluation péjorative
La solution la plus commode, adoptée dans les descriptions générales, pour
pallier ces « flottements sémantiques » consiste à définir ces suffixes comme
suffixes péjoratifs, ce qui justifierait que soit attribuée, au dérivé suffixé, une
marque d’usage. Mais s’il est fait fréquemment appel à cette notion en matière
de registre de langue et, plus précisément, de lexique familier, elle est rarement
explicitée d’un point de vue linguistique.
Selon le NPR :
PEJORATIF
« Se dit d’un mot, d’un élément, d’une expression qui comporte une idée de
mal, déprécie la chose ou la personne désignée ».
Cette définition ne fait en aucun cas référence à une description linguistique
mais à un jugement moral, social, accordé à un segment linguistique, une sorte
« d’impact » discursif du signifié (ou du signifiant) de cet élément, bien plus
que sur le signifié (ou le signifiant) lui-même.
232
SÖRES A., « Comment un procès peut-il être évalué ? Étude sémantique de quelques
dérivatifs verbaux en hongrois », in CORBIN D. et al., Les dérivés évaluatifs, op. cit., p. 248.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 173
Nous pouvons donc en déduire d’une part, que la péjoration est une sorte de
« préjugé social », qui dépasse le cadre de la description formelle en langue et,
d’autre part, que la péjoration peut dépendre du signe lui-même ou de
l’évaluation qu’en fait le locuteur. Aussi, devons-nous considérer comme un
raccourci malheureux le fait de gloser –asser comme un suffixe « à valeur
fréquentative et/ou péjorative », les deux qualificatifs n’étant pas de même
niveau. L’aspect péjoratif ne doit pas être confondu à un trait sémantique
(diminutif, intensif, fréquentatif). Il est la conséquence de l’un d’eux sur la
représentation que les locuteurs en ont. La péjoration est alors un jugement qui
peut s’accrocher soit au référent du procès lui-même (bavasser ), soit à une
modalité de réalisation de ce procès (mâchouiller, rôdailler, crachouiller ), soit
à la forme de la base elle-même (merdoyer ), chacun de ces aspects n’étant pas
exclusif.
Nous plaidons en faveur d’une dissociation de la valeur sémantique,
dénotative (/diminutive/, /intensive/, /augmentative/) et de la valeur péjorative
du suffixe, et nous postulons que les traits composant la première produisent la
seconde. Autrement dit, nous postulons que la péjoration correspond à un effet
de sens produit par l’instruction sémantique du suffixe. Cela nous conduit à
dissocier le rôle de l’effet relatif aux processus de dérivation suffixale :
- du côté de la langue, le suffixe assure un rôle sémantique par
l’adjonction d’un trait venant modifier le procès de la base (qu’il soit
diminutif, intensif ou fréquentatif) ;
- du côté du discours, la présence du suffixe induit un jugement
péjoratif sur le procès, du fait même de la présence de l’adjonction de
ce trait sémantique.
C’est cette confusion qui fait difficulté aux informateurs dans la formulation
de leurs gloses (que l’on retrouve également dans les dictionnaires). Ces
dernières reflètent parfois des aspects sémantiques (mâchouiller « mâcher un
peu ») et parfois le jugement porté par le locuteur sur l’énoncé (criticailler
« critiquer en pinaillant »).
Ces phénomènes de suffixation doivent alors être compris, en langue
comme quantitatifs, et en discours comme évaluatifs. Nous soutenons qu’il
existe un lien évident entre la notion de « quantité » présente en langue et
inscrite dans le denotatum, et un jugement de « qualité », associé en discours à
ces mêmes unités. Nous développerons ces aspects au chapitre suivant et nous
nous contentons ici d’indiquer, à partir des observations que nous venons de
faire, que les traits sémantiques apportés par ces suffixes, aussi « flottants »
soient-ils, sont un support d’interprétation péjorative.
174 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Au fond, les dérivations suffixales sur des bases verbales ont une fonction
sémantique d’une part, et une fonction pragmatique, énonciative d’autre part.
En effet, « en vertu de leur capacité de fonctionner comme des instruments de
la représentation axiologique et/ou affective du locuteur, et de se comporter
comme des marqueurs attitudinaux par rapport à l’objet évalué et/ou par
rapport à l’allocutaire, les suffixes évaluatifs sont utilisés comme puissants
médiateurs et promoteurs illocutoires »233. En « disant » son jugement sur le
monde, le locuteur donne en même temps des indications sur le monde (sens
référentiel) et des indications sur lui-même (effet pragmatique). Les opérations
de suffixation qui fournissent une information évaluative sont alors d’autant
plus susceptibles d’assumer une fonction illocutoire centrale dans le cadre de
l’énonciation.
Pour résumer, nous retiendrons à l’issue de cette description que la
suffixation dérivationnelle, en synchronie, par l’apport de traits sémantiques
quantitatifs (dénotation sémantique), induit des trait péjoratifs interprétables
du côté de l’énonciation (connotation pragmatique)234. L’appellation de
« suffixation évaluative » se révèle alors équivoque et nécessite que l’on précise
l’aspect évoqué, selon que l’on parle de l’évaluation dénotative (en terme de
traits sémantiques apportés au lexème) ou de l’évaluation de la part des
locuteurs, qui résulte de la première (même si parfois elle la supplante). Sans
doute l’intégration de la notion de « dérivés énonciatifs », proposée par Sophie
Aliquot-Suengas235, lèverait-elle l’ambiguïté, à ceci près que l’on doit
considérer l’effet énonciatif comme conséquence de traits sémantiques
apportés par la dérivation.
4.3.1.1.3. Dérivation suffixale et attribution de marque d’usages
La connotation236 énonciative, du côté de la péjoration, peut sans aucun
doute expliciter que l’on décrive traditionnellement ces suffixes comme suffixes diastratiques (de bas langage) ou intégrateurs de registre.
233
RIO-TORTO M., « Aux limites de la dérivation : évaluatifs et z-évaluatifs », in CORBIN D.
et al., Les dérivés évaluatifs, op. cit., p. 200.
Une hypothèse similaire est soutenue par FRADIN B., « La suffixation en –et est-elle
évaluative ? », in CORBIN D. et al., Les dérivés évaluatifs, op. cit., p. 69-83.
235 ALIQUOT-SUENGUAS S., « De la poiscaille dans la piscaille. Évaluation et énonciation dans
les noms dénominaux construits avec une forme suffixale –ail(le) », in CORBIN D. et al., Les
dérivés évaluatifs, op. cit., p. 5-18.
236 Nous retiendrons ici la définition proposée par Pierre Léon : « Dans la dénotation, le sens est
posé explicitement de manière irréfutable (…); son décodage est général, sauf en cas de
divergences idiolectales entre l’émetteur et le récepteur. Dans la connotation, le sens est
suggéré, et son décodage est des plus aléatoire », in LEON P., Précis de phonostylistique, Paris,
Armand Colin, 1993, p. 20.
234
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 175
Le relevé de tous les verbes suffixés à partir d’un des affixes concernés dans
l’intégralité du dictionnaire montre que les verbes suffixés en –ouiller, –ocher,
–asser, –oyer sont très majoritairement marqués FAM., et de ce fait, figurent
dans notre corpus. Ils s’associent majoritairement à des bases non marquées,
afin de constituer un verbe dérivé qui, lui, sera marqué FAM.
Ce phénomène est moins vérifiable pour –ailler et –onner, suffixes très
productifs, qui permettent de construire des verbes qui ne seront pas
systématiquement affublés d’une marque d’usage. Néanmoins, les verbes en
-ailler ou –onner non marqués par le dictionnaire (toussailler, discutailler,
tournailler, coupailler, trainailler, rimailler, ou encore chantonner, tâtonner,
mâchonner) se comportent sémantiquement de la même façon que les verbes
de notre corpus, et leur emploi fait également l’objet de connotations
pragmatiques. Nous mettons cette absence de marquage sur le compte des
irrégularités liées à la pratique lexicographique d’attribution des marques.
En revanche, nous ne pouvons considérer de la même façon les verbes
dérivés à partir du suffixe –onner, tels que sablonner, se pelotonner et qui sont
non marqués. Nous ne retrouvons pas, pour ces exemples, de trait sémantique
quantitatif apporté par le suffixe, et aucune connotation pragmatique n’est
décelable. Le suffixe –onner, dans ces cas, doit donc être posé comme un autre
suffixe, homophone.
Ces observations sont une confirmation de l’hypothèse que nous avons
formulée : l’apport sémantique du suffixe implique un jugement péjoratif de la
part des locuteurs (connotations énonciatives), formalisé dans la pratique
lexicographique par l’attribution d’une marque FAM. L’opération de suffixation
peut être interprétée du côté de la familiarité lexicale, à cause du jugement
péjoratif que subit le dénoté du verbe dérivé.
4.3.1.2. Les préfixations
Nous avons orienté nos observations sur les opérations de suffixations, mais
les remarques que nous venons de faire sont également vérifiées sur les
phénomènes de préfixation, notamment dans leur rôle intensif et itératif.
Pour ce qui est de la préfixation en dés–, nous observons un phénomène
beaucoup plus régulier à partir de bases verbales préalablement marquées FAM.,
et qui le restent après préfixation.
176 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
4.3.1.3. Synthèse sur l’affixation
Ces observations ont permis de mettre en évidence le double rôle assumé par
les affixes servant à la construction des unités lexicales de notre corpus sémantique et pragmatique d’une part, quantitatif et évaluatif d’autre part, double rôle
qui renvoie respectivement aux dimensions dénotative et énonciative.
Comme l’apport sémantique des affixes est flottant, difficilement
identifiable et qu’il se déploie sur un continuum, nous insistons sur le fait que
c’est principalement le caractère « modifieur » des valeurs sémantiques
qu’implique l’affixation que nous devons retenir comme support à la
péjoration, donc à la familiarité.
Que ce soit par un trait /fréquentatif/, /diminutif/ ou /augmentatif/, ce qui
importe c’est la modification du référent du procès, quelle qu’en soit
l’orientation exacte. La précision du trait sémantique est faiblement exploitée,
pour peu qu’elle transforme le procès de base, principalement non marqué, en
l’orientant du côté d’une interprétation péjorative.
Nous reviendrons sur les conséquences sémantiques et sémiotiques de ces
aspects dans le prochain chapitre. Nous signalons ici que nous voyons dans
l’interprétation négative de la modification du procès l’une des lectures
possibles de l’expressivité comme indice de familiarité. Nous l’avions dit en
introduction à ce chapitre, cette notion est assez peu définie linguistiquement ;
il nous semble que l’analyse que nous venons de faire des phénomènes de
dérivation affixale sur des bases verbales vient éclairer ce que l’on entend par
« unités lexicales expressives ». Elles le sont en cela qu’elles amènent, par la
suffixation, des traits sémantiques au référent du procès, traits qui font l’objet
d’une appréciation négative de la part du locuteur.
Il existe aussi des cas où l’effet pragmatique prend le pas sur l’effet
sémantique. Il devient alors difficile de déterminer l’apport sémantique entre
traîner et traînailler, rôder et rôdailler, filer et refiler. Pourtant, rôdailler et
traînailler font l’objet de connotations énonciatives péjoratives, davantage
marquées que pour rôder et traîner. Le caractère expressif des phénomènes
d’affixation n’est donc plus, en ce cas, attaché au contenu lexical mais est lié à
la forme, notamment phonique, de ces items. La péjoration pourrait alors
également être un jugement porté sur des aspects strictement formels des
unités lexicales comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 177
4.3.2. La substance phonique comme intégrateur de registre
L’observation des dérivés affixaux du corpus, ainsi que celle des mots
simples, nous ont permis de mettre en évidence le poids de la substance
phonique dans la production d’effet familier, notamment, là encore, par
l’interprétation péjorative qu’il peut être fait de ces items.
4.3.2.1. Les pseudo affixes
Nous venons de le montrer, il est des cas d’affixation pour lesquels les
connotations énonciatives supplantent l’apport sémantique de l’affixe. En
d’autres termes, c’est uniquement sur la forme du lexème que porterait le
jugement du locuteur. Ce constat renforce l’idée, fort répandue en stylistique,
selon laquelle la construction par dérivation subit en elle-même un jugement
négatif. Ainsi que le soulignait Jules Marouzeau, « d’une façon générale, c’est
un repère d’élégance de faire l’économie des suffixes en réduisant le mot à ses
éléments essentiels : Comme branchages, dit Jules Renard, est moins lumineux
que branches !» Et de poursuivre : « Le principal élément qui intervient pour
déterminer la qualité d’un suffixe, c’est sa structure phonique (…). Nous
trouvons malsonnantes les formations en –ard, -aille, -asse, -ouille qui servent
surtout à faire des péjoratifs »237.
La dérivation affixale est donc analysée, stylistiquement, comme un écart
par rapport à la norme, principalement du fait des sonorités de certains affixes,
notamment par effet d’association avec les dérivés à valeur quantitative qu’ils
composent traditionnellement. C’est également ce que montrent les exemples
de préfixation en re–. Rien ne prédestine sémantiquement revouloir ou recaser
à être jugé péjorativement, si ce n’est la forme phonique de l’affixe re–,
considéré comme un « raccourci », une simplification linguistique propre aux
usages oraux. Ce n’est donc pas par son sémantisme, mais par sa substance
phonique, que revouloir est susceptible de produire un effet familier.
Nous pouvons donc penser que l’expressivité des phénomènes de dérivation
que nous venons de mettre en évidence s’étend également aux propriétés
phonétiques de ces affixes qui deviennent supports de connotation énonciative.
Ces aspects ont été confirmés par l’observation des mots simples. En effet, il
semble que d’autres items, proches phonétiquement des dérivés suffixaux mais
qui ne relèvent pas d’opération morphologique, vont se voir influencés, « contaminés » par les dérivés suffixaux et, de ce fait, vont intégrer le paradigme
« familier ».
237
MAROUZEAU J., Précis de stylistique française, Paris, Masson, 1950, p. 84.
178 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Nous avons relevé dans le stock de mots simples de notre corpus les
exemples suivants :
–ouiller
bidouiller, grenouiller, cafouiller, débarbouiller, douiller, farfouiller,
zigouiller, bafouiller, trifouiller, dégrouiller, dépatouiller, vasouiller,
vadrouiller, magouiller.
–ailler
emmouscailler,
dépoitrailler.
–oter
barboter, carotter, crapoter, dégoter, emberlificoter, gigoter, jaboter,
peloter, zozoter, asticoter, yoyoter, cocoter, glavioter, mendigoter, mégoter,
siroter.
–asser
décarcasser, potasser,
dégueulasser.
re–
reluquer, rebiquer, se rebiffer, rebouter, rempiler, requinquer, rencogner,
rétamer.
dé–
décarcasser, décaniller, débarbouiller, dégoiser, déglinguer, débiner,
dégoter, déhotter, démantibuler, dépiauter, détaler, débrailler,
dégueulasser.
grailler,
piailler,
rapetasser,
pinailler,
tabasser,
rouscailler,
grognasser,
débrailler,
bavasser,
Nous sommes là en présence de segments affixoïdes, dont les sonorités, par
rapport associatif avec les affixes, suffisent à introduire des connotations
péjoratives. Ce sont ces formes que Danielle Corbin appelle des mots
complexes non construits, c'est-à-dire des unités lexicales constituées de
segments non assimilables à des morphèmes – parce que non significatifs –
mais que l’on ne peut pas exclure pour autant du paradigme. Elle définit
précisément les mots complexes non construits comme « le type de mots, qui
ont une certaine structure interne formelle et sémantique 238, mais qui ne
remplissent pas toutes les conditions pour que cette structure soit identifiée à
celle d’un mot construit »239. Nous ne pouvons considérer que ces pseudosaffixes sont dépourvus de signifiés. Pour certains de ces exemples, la valeur
évaluative semble être intégrée au dérivé, comme si le symbolisme phonétique
véhiculait des « traces sémantiques ». Par exemple, on peut reconnaître dans
bidouiller, cafouiller, pinailler, piailler une valeur diminutive, tout comme
dans requinquer, rempiler une valeur itérative, et dans déglinguer,
démantibuler une valeur oppositive. Si nous ne sommes pas en présence de ce
que l’on pourrait appeler des morphèmes (le suffixe –ailler ou le préfixe re- ne
sont pas clairement isolables par une opération de segmentation), nous ne
pouvons pas totalement exclure le trait /diminutif/ qui se dégage de pinailler
ou le trait /opposititif/ de déglinguer.
238
239
C’est nous qui soulignons.
CORBIN D., Morphologie dérivationnelle…, op. cit., p. 188.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 179
Dans ces cas de pseudo-affixation, les sons jouent un rôle, même
secondaire ; certes, ils ne déterminent pas la valeur sémantique, néanmoins, ils
la permettent ou la favorisent. C’est en quelque sorte un phénomène de
contamination phono-sémantique, une « association d’un signifié, même lâche,
à cette séquence phonique, qui prend de ce fait le statut de signifiant »240. Cette
complexité phono-sémantique a été décrite par Elke Ronneberger-Sibold qui
dégage la notion de « phonesthème », définie comme « des fragments de chaîne
parlée qui se retrouvent de façon identique dans le signifiant de plusieurs
morphes et auxquels correspondent certains traits communs (généralement
assez vagues et connotatifs) dans les signifiés respectifs, sans qu’on puisse pour
autant classifier ces fragments comme morphes eux-mêmes »241.
En d’autres termes, on peut poser, d’abord, l’existence d’unités pour
lesquelles on reconnaît un réel suffixe et on perçoit un réel sens évaluatif de
-ouiller (mâchouiller ), et ensuite par effet de contamination (rapport associatif
phonique), l’émergence d’un pseudo affixe –ouiller qui emporte avec lui, et
partout où il se trouve, une part de cette signification. La seule présence du
segment –ouiller intègre, au signifié, des éléments évaluatifs, sur lesquels est
porté un jugement péjoratif, quelle qu’en soit la base.
Nous avons vu précédemment comment le sémantisme pouvait être à
l’origine d’un effet expressif, par la production de connotation énonciative ;
nous voyons là comment la forme phonique de certains segments peut
également assumer ce rôle. Si l’on retient l’hypothèse psycholinguistique qui
pose l’existence d’« une affinité particulière entre la configuration sonore et le
sens exprimé »242, on peut postuler l’évocation d’un signifié (ou d’une partie du
signifié) par un signifiant. Cette conception rejoint la notion de signifiant de
connotation développée par Catherine Kerbrat243, selon laquelle certains sons
ont vocation, de par leur propriétés intrinsèques, à véhiculer certaines valeurs
sémantiques.
4.3.2.2. Le symbolisme phonique
Le rôle expressif de certains segments est largement confirmé par
l’observation des mots simples de notre corpus, et pour cause, les mots non
construits sont considérés comme les plus susceptibles de se voir attribuer une
charge expressive, car ils font le lit de la conversation courante, contrairement
ROCHE M., « Aux origines du suffixe –ouille(r) », in AURNAGUE M. et ROCHE M. (eds),
Romania et Vasconia. Hommage à Jacques Allières, Biarritz, Atlantica, 2002, p. 564.
241 Cité par ROCHE M., « Aux origines du suffixe –ouille(r) », op. cit., p. 564.
240
242
PETERFALVI J.-M., « Relation entre l’aspect phonétique et la signification des mots de la
langue », L’année psychologique, vol. 67, 1967, p. 119.
243 KERBRAT-ORECCHIONI C., La connotation, Lyon, P.U.L., 1977, chap. III.
180 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
aux mots motivés morphologiquement, qui sont ceux des discours scientifiques
et intellectuels. « Le discours purement intellectuel n’a pas besoin de valeurs
expressives. Dans un exposé scientifique, un document officiel ou une lettre de
commerce, de telles nuances seraient plutôt un désavantage : elles jureraient
avec le ton du contexte et détourneraient l’attention de la substance logique de
l’énoncé (…). Mais dès que le discours se remplit d’affectivité, qu’il s’agisse
d’interjections de colère ou de terreur, d’expression de tendresse, d’éloquence
pathétique ou de lyrisme, on aura recours à toutes les ressources latentes des
sons. » 244
Cette hypothèse pose que les mots non construits sont ceux de la
conversation courante et qu’ils sont sujets à être chargés de valeurs expressives
par les locuteurs, à partir de leur substance phonique.
Sans être aussi catégorique sur l’assimilation mots contruits/mots savants, et
mots simples/mots du quotidien, l’observation des mots simples de notre
corpus fait apparaître que, parallèlement à la motivation morphologique, nous
pouvons envisager une motivation phonique à fonction expressive-affective.
Nous pensons en effet que la présence de certains segments phoniques est
source d’évocation, à partir de laquelle les locuteurs re-composent du sens.
Nous touchons là à des hypothèses largement développées par la stylistique et,
plus précisément par la phonétique impressive245. A ce propos, Maurice
Grammont parle de « mots expressifs », sorte d’imitations indirectes qui
reposent sur la tendance linguistique à interpréter des sensations à l’aide de
sensations analogues mais disparates, et à concrétiser les concepts abstraits 246.
Les formes que nous avons classées dans notre inventaire comme remotivations
populaires, qu’il s’agisse de formes onomatopéiques ou non, sont le témoignage
de ces phénomènes. Les locuteurs créent des rapprochements entre des formes
phoniques semblables, et recomposent ainsi le sens d’un terme sur le modèle
base/dérivé. Toutes les fantaisies et approximations sont alors possibles comme
le montrent les exemples que nous avons cités, puisque ce sont les impressions
du locuteur qui sont la source de la motivation.
Dans une perspective plus « radicale », d’autres études247 tendent à montrer
l’existence d’une signification dérivée de la signification intrinsèque des sons
ULLMANN S., Précis de sémantique française, Berne, A. Francke, 1965 (3e éd.), p. 111.
MAROUZEAU J., Précis de stylistique française, op. cit. ; GRAMMONT M., Essai de
psychologie linguistique, Paris, Delagrave, 1950 (3e partie) ; TROUBETZKOY N., Principes de
phonologie, Paris, Klincksieck, 1939. Pour une synthèse des théories, voir TODOROV T., « Le
sens des sons », Poétique, n° 11, 1972, p. 446-459.
246 GRAMMONT M., Traité de phonétique, Paris, Delagrave, 1971, p. 403.
247 FONAGY I., La vive voix, Paris, Payot, 1983 ; LEON P., Précis de phonostylistique, op. cit. ;
PETERFALVI J.-M., Les recherches expérimentales sur le symbolisme phonétique, Paris,
CNRS Édition, 1978.
244
245
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 181
qui composent les unités, ce symbolisme phonétique étant lié notamment aux
conditions de l’articulation. Pour notre part, nous n’allons pas jusqu’à accorder
des significations stables aux sons, ce qui remettrait fondamentalement en
cause la notion de phonème et nous obligerait à ré-ouvrir un débat loin de
notre propos. Néanmoins, nous pensons qu’il existe une sorte d’impression
phonique propre au registre familier. Notre corpus n’a pas été passé au tamis de
la classification des voyelles et consonnes selon leur symbolisme, mais nous
reconnaissons qu’un certain nombre de phonèmes se manifestent de façon
récurrente, phonèmes qui participent d’un « effet » familier. Par exemple,
certaines sonorités semblent assumer ce rôle :
- les sonorités nasales, gutturales et mouillées : goberger, guincher,
ravigoter, esbigner, dinguer,
- des [b] et des [f] dans rabibocher, ribouler, bouffer, bafouiller,
rebiffer, défourailler, batifoler, esbroufer,
- des chuintantes : chlinguer, chigner, choper, chouchouter,
- etc.
Nul doute que les locuteurs natifs, sans même en connaître la signification,
ni même les avoir déjà entendues, pourraient considérer des unités telles que
guincher, goberger, dinguer, comme familières simplement à partir de
sensations phonétiques. De la même façon, les lexèmes esbigner et esquinter
seront ressentis comme familiers, sans doute par assimilation à des sonorités
régionales ou patoisantes.
Ainsi certaines unités « sonnent » familier. Nous en avons fait l’expérience
lors de la constitution d’une précédente étude248. Il s’agissait de répertorier les
occurrences familières dans un corpus de presse, afin d’en étudier les types et
les contextes d’emploi dans une perspective énonciative. Pour l’édification de
notre corpus, nous avons lu la presse et relevé les termes familiers. Nous avons
alors dressé une liste des termes qui nous paraissaient être familiers, notre
intuition étant essentiellement fondée, certes sur notre connaissance du
système linguistique du français, mais plus spontanément sur les sonorités des
termes. Dans un second temps, nous avons vérifié dans le NPR s’ils étaient ou
non affublés de la marque FAM. et nous avons pu nous rendre compte que notre
intuition (méta)linguistique nous faisait assez peu défaut, c'est-à-dire que les
termes identifiés comme familiers se trouvaient majoritairement être marqués
FAM. dans le dictionnaire.
Une enquête statistique permettrait de démontrer ces résultats de façon plus
objective, néanmoins les locuteurs natifs reconnaissent dans esbigner,
rabibocher, rebiffer, les sonorités qu’ils associent plus ou moins consciemment
DEVOLDER L., Le familier, cet inconnu, Mémoire de DEA, ss la dir. de SCHÖN J. et
COURTES J., Université Toulouse-Le Mirail, 2002.
248
182 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
à des sonorités lourdes, vulgaires, traînantes, voire agressives, eu égard à des
normes et des préjugés éminemment culturels et normatifs. Il existerait donc
une sorte de « musicalité » du registre familier qui serait, bien entendu, propre
à chaque langue.
Pour qualifier ce phénomène, nous ne retiendrons pas le terme
d’idéophone249 qui implique l’association motivée d’une image acoustique à une
notion. Nous formulons simplement l’hypothèse que certaines sonorités
participent de la familiarité lexicale, par la fonction expressive qu’elles
assurent. L’impression produite par des suites phonétiques ne produit
certainement pas des associations sons/sens identifiables, mais aboutit à la
constitution d’images sonores, en vertu de correspondances avec d’autres mots
de la langue. Nous pouvons alors nous risquer à considérer que le symbolisme
phonétique est une source d’interprétation familière de certaines unités
lexicales. La substance phonique induirait l’adjonction de connotations,
notamment sociolinguistiques, parfois énonciatives et susceptibles de
« marquer » l’item du sceau de la familiarité.
4.3.3. Verbalisation nominale et glissement du sens
La dernière caractéristique que nous traitons comme un indice de familiarité
concerne les constructions spécifiques du sens du dérivé FAM. à partir des bases
nominales.
4.3.3.1. Processus de construction du sens familier
Nous retrouvons ici les procédés de créations lexicales déjà largement
observés pour le lexique standard, la principale caractéristique de notre corpus
résidant dans la proportion de représentation des différents types de règles.
Disposant de données quantifiées de Fiammetta Namer250, pour le lexique
commun, nous pouvons évaluer la disproportion de certaines règles dans notre
corpus. En effet, par ses travaux sur le lexique général, elle a mis en évidence et
quantifié, dans la dérivation N→V, huit paradigmes, assez proches des nôtres.
MAROUZEAU J., Lexique de la terminologie linguistique, Paris, P. Geuthner, 1951, p. 114 :
« Idéophone : élément d’énoncé, d’ordinaire onomatopéique, qui dans les parlers bantous sert à
qualifier un terme de la phrase par rapport à son aspect physique ». Ce terme a été utilisé en
premier lieu pour la description des langues bantoues, mais s’est ensuite largement répandu
dans la littérature linguistique, notamment anglo-saxonne, pour décrire des processus de
symbolisme phonétique.
250 NAMER F., La morphologie constructionnelle…, op. cit., p. 107.
249
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 183
Il ressort que la grande majorité des transferts par conversion N→V qu’elle a
étudiés répondent à cinq types de règles :
V = « faire quelque chose à X en utilisant Nbase » (environ 48% de son
corpus)
V= « dire/faire/avoir Nbase » (11%)
V = Nbase : « action de Ver » (10%)
V = « faire ce que Nbase ferait, se comporter comme Nbase » (9%)
V = « transformant Npatient en X » (9%)
Nous ne pouvons prétendre à une comparaison précise de nos études dans la
mesure où elles ne retiennent pas tout à fait les mêmes présupposés théoriques
(notamment dans la détermination du sens de conversion des lexèmes), et que
nous ne partageons pas les mêmes objectifs. Cependant, nous constatons que
les catégories que nous avons glosées comme « verbes de manière », « verbes
d’activité » et « verbes de transformation » sont sur-représentées dans notre
corpus, à l’inverse des « verbes instrumentaux », beaucoup moins observables
dans la part du lexique que nous étudions. Quant aux verbes dérivés de
locution intégrant Nbase, ils ne sont pas répertoriés par Fiammetta Namer,
puisqu’ils ne répondent pas, par définition, à des règles constructionnelles
régulières N→V.
Nous allons présenter rapidement les processus les plus conventionnels dans
la constitution du sens du dérivé FAM. pour étudier ensuite les plus spécifiques.
4.3.3.1.1. Les règles régulières
Dans les opérations de dérivations observées, certaines sont régulières. Elles
répondent à une compositionnalité relativement prédictible, dont les règles ont
déjà été mises en évidence pour le lexique général251 : l’opération de dérivation
opère un transfert catégoriel d’un Nbase vers un Vdérivé, qui est ensuite
complété par une opération parasynthétique, apportant au signifié du dérivé
un élément sémantique qui lui est propre. Dans le transfert catégoriel, la base
occupe alors une fonction thématique par rapport au verbe construit. Il s’agit
principalement des verbes classés comme verbes d’action, verbes locatifs, et
verbes instrumentaux, construits sur le modèle de :
péter (FAM.) de pet (FAM.)
roter (FAM.) de rot (FAM.)
tchatcher (FAM.) de tchatche (FAM.)
partouzer (FAM.) de partouze (FAM.)
flinguer (FAM.) de flingue (FAM.)
fringuer (FAM.) de fringue (FAM.)
251
CORBIN D., Morphologie dérivationnelle…, op. cit., p. 263.
184 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Dans la majorité des cas, l’opération de dérivation implique un Nbase, dont
le sens S est le sens principal de N. Ce sens S de Nbase est marqué, par le
dictionnaire, comme familier (parfois argotique). Ainsi, comme nous l’avons vu
pour les modificateurs verbaux, le dérivé sera lui-même marqué FAM. Le
transfert inter-catégoriel ne joue pas un rôle essentiel dans le processus de
familiarisation qui préexiste à la dérivation. La marque FAM. du Nbase est
transmise, dans le processus de dérivation, au verbe dérivé252.
Il est des cas où la base retenue pour la verbalisation n’est pas marquée d’un
point de vue lexicographique, alors que le verbe dérivé est considéré comme
FAM. Il peut s’agir de verbes construits sur :
-
des bases onomatopées : blablater (FAM.) de « blabla » (non marqué),
-
des bases d’emprunt : vamper (FAM.) de vamp (non marqué), relooker
(FAM.) de look (non marqué), kiffer (FAM.) de kif (non marqué).
La dérivation verbale est alors relativement régulière et c’est la nature
étymologique non conventionnelle de la base qui devient un facteur de
familiarité.
D’autres verbes, très peu nombreux, également construits sur des bases non
marquées, répondent à des règles compositionnelles relativement conventionnelles, et se voient pourtant marqués FAM. :
rebraguetter (FAM.) et débraguetter (FAM.) de braguette (non marqué)
fuguer (FAM.) de fugue (non marqué)
barber (FAM.) de barbe (non marqué)
émotionner (FAM.) de émotion (non marqué)
Au-delà des aspects purement sémantiques que nous traiterons au chapitre
suivant, c’est la récente intégration de ces termes dans le dictionnaire (qui
n’apparaissaient pas dans le PR 77), qui nous a conduit à les considérer comme
des néologismes et justifierait qu’ils ne soient pas intégrés au registre standard.
4.3.3.1.2. Les règles non régulières
La majorité des verbes de notre corpus dérivés de bases nominales ne
répond pas à des règles de construction conventionnelles, dans la mesure où la
fonction thématique de la base, par rapport au dérivé, est plus « libre », moins
contrainte. Ce sont les paradigmes que nous avons appelés « verbes de
transformation », « verbes de manière », « verbes à partir de locution intégrant
252
Précisons ici que les Nbases sont principalement des termes anciennement argotiques ou
populaires et aujourd’hui FAM. Leur familiarité peut alors s’expliquer par le parcours historique
du mot (voir § 3.3).
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 185
Nbase », auxquels nous pouvons ajouter les phénomènes de remotivation
populaire.
En cela, les processus de constitution du sens sont sans doute moins lisibles
et plus ardus à déterminer. Et s’il n’a pas toujours été aisé de mettre en
évidence des paradigmes clairs, c’est principalement en raison de la forte
propension à dépasser le sens prédictible par métaphore, comparaison, plus
largement par le recours à une figure de la base, du verbe support, ou du dérivé
lui-même :
déboussoler « perdre la boussole, être désorienté »
lézarder « faire le lézard, se prélasser »
fliquer « faire le flic, surveiller »,
blairer « sentir qqn », etc.
Ce facteur affaiblit considérablement la diagrammaticité de ces dérivés, le sens
en est finalement assez peu prédictible car, à l’opération de dérivation
traditionnelle, s’ajoutent des phénomènes de lexicalisation qui obscurcissent
considérablement le sens du dérivé. Cette étape de la construction du sens est
relève de la socio-culture253, car rien ne peut expliquer, morphologiquement, que
lourder soit glosé par « faire prendre la porte » plutôt que « garnir d’une porte » sur
le modèle de meuble/meubler. Rien ne peut expliquer non plus que croûter se
glose par « casser la croûte » et non pas « faire une croûte ». Cette complexification
du sens, qui fait que l’on ne peut se satisfaire de gloser lourder par « qui a rapport
avec une lourde » ou croûter par « faire quelque chose en rapport avec la croûte »,
est liée à l’usage que l’on fait de ces termes en discours. Ces unités répondent à des
processus de figement254 en langue qui nous échappent totalement et qui ne sont
pas déductibles du système morphologique. La conséquence est une sorte de
fixation du discours dans les structures morphologiques. En d’autres termes, la
dérivation verbale familière assure la consécration, en langue, d’emplois discursifs
plus ou moins préalablement lexicalisés.
APOTHELOZ D., La construction du lexique français, op. cit., p. 83.
Nous retenons la définition proposée par MEJRI S., « Figement et dénomination », Meta,
n° XLV-4, 2000, p. 610 : « Le figement est un processus linguistique inhérent aux langues
naturelles par lequel des séquences linguistiques, initialement employées comme séquences
discursives libres, se trouvent, pour des raisons diverses, partiellement ou entièrement
solidifiées ; elles sont ainsi versées dans l’une des catégories linguistiques dans le cadre de
laquelle les constituants perdent leur autonomie individuelle pour participer à la configuration
de la nouvelle unité polylexicale ainsi constituée ».
253
254
186 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
4.3.3.2. Les divers processus de figement 255
Ces figements peuvent s’imposer à différents niveaux de l’opération de
dérivation et, s’ils sont majoritairement représentés par les paradigmes cités
précédemment, ils concernent l’intégralité de notre corpus. Nous avons dégagé
plusieurs types de construction du sens du dérivé.
4.3.3.2.1 Dérivation verbale et figement d’un sens « extensif » du Vdérivé
Soit les exemples de verbes suivants, construits sur des Nbases non
marqués :
entarter (« tarte »)
fauter (« faute »)
politiquer (« politique »)
bomber (« bombe »)
Le point commun de ces verbes est le fait que la dérivation verbale sert à
fixer une situation très spécifique : bomber peut, certes, être défini par
« peindre à la peinture en bombe », mais pas dans n’importe quel but. Les
occurrences de bomber que l’on trouve dans les pages de presse le montrent :
« huit croix celtiques ainsi que le mot GUD (Groupe union défense,
mouvement étudiant d'extrême droite) avaient été bombés sur le mur du
lycée »256, ou encore à propos de manifestants anti-OGM : « certains d'entre eux
ont noyé la récolte de maïs OGM stockée dans un silo en l'arrosant et ont
bombé des sigles "OGM" sur le silo et "danger" sur une citerne »257. Autrement
dit, si l’on entend « on a bombé ma voiture », nul doute qu’il est fait référence à
un acte de dégradation, et non pas à l’activité d’un peintre professionnel qui
aurait rafraîchi la carrosserie d’une voiture (bien que la technique utilisée soit
également une bombe de peinture).
De la même façon, lorsqu’on lit « Mme Royal avait refusé une protection
policière, proposée par le ministère de l'intérieur, après avoir été entartée le 16
juin à La Rochelle »258, il ne s’agit pas simplement d’un incident au cours
duquel Mme Royal se serait vue renverser par inadvertance une tarte sur elle,
mais bien d’une sorte de rituel visant à rendre une personnalité politique
ridicule en lui écrasant volontairement une tarte à la crème sur le visage259.
Pour un développement de la question, cf : MARTINS-BALTAR M., La locution en discours.
Paris, ENS-St.Cloud, 1997 ; MEJRI S., Le figement lexical. Descriptions linguistiques et
structuration sémantique, Tunis, Publications de la Faculté des lettres Manouba, 1997 ; MEJRI
S., « Séquences figées et expression d’intensité. Essai de description sémantique », Cahiers de
lexicologie, n° 65-2, 1994, p. 111-122.
256 « Deux enseignants agressés devant un lycée parisien vendredi », Le Monde, 20.03.07.
257 « José Bové placé en garde à vue après une manifestation anti-OGM en Gironde », Le
Monde, 04.11.06.
258 « La mise en examen d'un ancien préfet annulée », Le Monde, 19.08.06.
259 « Entarter consiste à lancer ou le plus souvent, à « écraser » une tarte à la crème (ou plus
simplement, une assiette en carton remplie de crème fouettée) à la figure d'une personnalité
255
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 187
Ainsi, le sens de bomber et entarter n’est pas simplement le résultat d’un
transfert catégoriel de N→V, où Nbase est l’instrument de l’action. Le
processus de dérivation verbale fige un emploi discursif bien précis, référant à
des circonstances spécifiques, ce qui situe ces opérations au-delà de leurs
contraintes habituelles. Le transfert catégoriel N→V induit une actualisation
particulière du Nbase et l’emploi du dérivé est alors dépendant de contextes
singuliers.
En fait, « dans certains cas, la reconstruction des mots construits aboutit à
dédoubler (ou détripler, etc.) un mot construit attesté en lui attribuant un ou
plusieurs sens régulier(s) prédictible(s) non attesté(s). Il s’agit alors d’une
opération d’homonymisation du lexique attesté : la « forme » du mot construit
est déjà attestée, mais seulement en tant qu’homonyme de celui qui est reconstruit, dans la mesure où son sens est différent »260.
La mise au jour des règles de dérivation de cette série de verbes révèle la
polysémie dont ils sont potentiellement l’objet bien que n’ayant qu’un seul sens
attesté. Il existerait donc, au moins potentiellement, des acceptions
« propres »261 de bomber « utiliser une bombe de peinture », entarter « mettre
une tarte (dans, sur) », sans lesquelles ne pourraient exister les acceptions
« figurées » auxquelles réfèrent les verbes de notre corpus. L’indice FAM. porte
ici sur une restriction, par « contextualisations spécifiques », d’un sens
« propre », qu’elle induit virtuellement.
La même approche peut être adoptée pour la plupart des Vdérivés négatifs,
préfixés, tels que :
déboussoler (« boussole »)
décerveler (« cervelle »)
déjanter (« jante »)
dépoitrailler (« poitrail »)
dépuceler (« pucelage »)
L’interprétation sémantique de ces verbes se fait, là encore, par recours à
une acception figurée, à ceci près qu’elle ne répond pas à une restriction d’un
potentiel sens « propre » mais, au contraire, à son extension, par métaphore.
Ainsi, par exemple, déboussoler « désorienter », déjanter « perdre le bon sens »
lors d'un événement public, pour souligner, selon les auteurs, l'absurdité des propos ou des
actions de la « victime » ». Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Entartage.
260 CORBIN D., Morphologie dérivationnelle…, op. cit., p. 178.
261 Nous différencions ici le sens propre, non tropique et le sens littéral, celui qui tient aux mots
entendus selon leur acception dans l’usage ordinaire et celui qui se présente immédiatement à
l’esprit de ceux qui entendent la langue (voir FONTANIER P., Les figures du discours, Paris,
Flammarion, 1977, p. 57).
188 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
supposent-ils un verbe positif du type *cerveler « avoir une cervelle, avoir un
cerveau, réfléchir » *boussoler « avoir une boussole, garder le nord, avoir du
bon sens », *janter « être dans la jante, être dans le droit chemin ».
Ce premier procédé de figement que nous isolons consiste donc à former, à
partir d’une base nominale non marquée, un verbe dérivé marqué FAM., par
interprétation tropique du produit de l’opération de dérivation. Le Vdérivé
FAM. devient le polysème d’un Vdérivé potentiel, propre, non marqué, par
signification extensive (extension ou réduction de son sens). L’acception
lexicalisée et marquée FAM. est alors le sens « littéral », le plus commun, mais
ne correspond pas au sens « propre», non tropique.
4.3.3.2.2. Dérivation verbale et figement d’un emploi « figuré » du Nbase
Soit les exemples suivants construits, là encore, sur des bases non marquées :
criser (« crise »)
flasher (« flash »)
rager (« rage »)
complexer (« complexe »)
Contrairement aux items précédents, une acception polysémique du Nbase
est ici sélectionnée par la dérivation verbale : rager, criser, défouler, complexer
ne font pas référence à des situations médicales comme le supposeraient les
Nbase rage, crise, complexe et défoulement mais sélectionnent des emplois des
Nbases plus étendus que le sens « propre ». La dérivation verbale sélectionne
alors un sens S’ qui correspond à une réduction ou une extension du sens S du
Nbase, par contextualisation spécifique. L’opération de dérivation consiste à
construire un mot, non à partir du sens de la base, mais à partir de certains de
ses emplois, de certaines valeurs de l’énonciation de la base. Pour rendre
compte du fait qu’il s’agit de verbes construits sur la base de noms homonymes
ayant des statuts sémiotiques (ou des types de signifiés) différents, Josette ReyDebove propose l’appellation de dénominatifs autonymiques262.
Dans cette perspective, on doit également considérer les Vdérivés suivants :
bidonner (« bidon », sens 4. FAM. par métaph.)
châtaigner (« châtaigne », sens 3 FAM.)
se friter (« frite », sens 3 FAM. )
biser (« bise », sens 2. FAM.)
cafarder (1) (« cafard », sens fig.)
bigophoner (« bigophone », sens 2. fam.)
saper (« sape », sens 3. ARG.)
262
REY-DEBOVE J., « Benveniste et l’autonymie : les verbes délocutifs », Travaux de
linguistique et de littérature, XIII, tome 1, 1975, p. 250.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 189
cafarder (2) (« cafard », sens. FAM.)
se plumer (« plume », sens 2. FAM.)
crécher (« crèche », sens 3. VX. ET FAM.), etc.
Tous ces dérivés sont également construits sur des Nbase qui sélectionnent un
sens S’ spécifique de S, à ceci près que S’ fait l’objet d’un degré supplémentaire de
lexicalisation, puisqu’il est mentionné dans le dictionnaire comme sens FAM., ou
plus simplement sens FIG. ou encore PAR EXT. C’est donc également un sens S’,
restrictif du sens S de Nbase, qui est ici sélectionné pour l’opération de dérivation.
Il est à noter que le fort degré de lexicalisation des Nbases rend l’accès au lien
métaphorique entre S et S’ relativement obscur. Sans le recours aux notices
étymologiques, il est difficile d’établir la relation analogique entre le sens propre et
le sens figuré du Nbase.
Remarquons que ce procédé est relativement productif et permet de créer
de nombreuses séries de prédicats familiers, par :
- substitution synonymique et jeu de contigüité entre sens « figuré » et
sens «propre» :
déboussoler, perdre le nord, être à l’ouest : « désorienter »
déjanter, dérailler, divaguer : « déraisonner, quitter le bon sens »
galérer, ramer : « être dans une situation pénible »
biberonner, tchuquer, pomper, sucer, téter : « boire souvent et avec excès »
- substitution homonymique :
cuiter, rôtir (je suis cuit, je suis rôti) = « saouler »
De la même façon, emmouscailler, emmieller seront dérivés sur le modèle
de emmerder, par rapprochement dérivatif d’interjections (mouscaille ! et
miel ! par analogie à merde ! ).
4.3.3.2.3. Processus de dérivation verbale et prédication figurative associant le Nbase
Un troisième procédé de création lexicale, le plus productif, est illustré par
les items glosés dans notre classement des données comme « Verbes de
manière » et « Verbes de transformation ».
Certains de ces Vdérivés marqués FAM. sont construits sur des Nbases non
marqués et assurent une fonction de stabilisation, en langue, d’emplois
spécifiques du discours. Il s’agit des verbes du type :
fouiner (« fouine »)
turlupiner (« turlupin »)
charcuter (« charcutier »)
siroter (« sirop »)
saucissonner (« saucisson »)
sandwicher (« sandwich »)
canarder (« canard »)
banquer (« banque »)
biberonner (« biberon »)
190 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Ces termes se différencient des procédés précédemment étudiés en cela
qu’ils ne constituent pas des polysèmes d’un Vdérivé, mais qu’ils créent, par le
processus même de dérivation, un trope à partir du Nbase.
Il ne s’agit pas de considérer qu’il existerait, potentiellement, un Vdérivé
siroter présentant un sens propre vs un sens figuré. Un sens figuré S’ de sirop
sélectionné dans l’opération de dérivation, n’est pas non plus déductible. Il
s’agit de stabiliser en langue, par la dérivation verbale, une figure tropique
intégrant le Nbase, ou plus précisément une figure établissant un lien
analogique entre les actants du procès du Vdérivé et le Nbase :
biberonner « boire comme on le ferait si on buvait au biberon »
= « boire souvent et avec excès»
canarder « tirer sur qqn ou qqch comme on le ferait en situation de chasse au
canard, à considérer que ce qqn ou qqch soit dans le rôle du canard »
= « tirer à couvert »
D’autres verbes, un peu moins nombreux, se construisent sur des Nbases
marqués FAM. :
zoner (« zonard », FAM.)
cabotiner (« cabotin », FAM.)
copiner (« copain », FAM.)
mendigoter (« mendigot », FAM.)
pocharder (« pochard », FAM.)
vibrionner (« vibrion », FAM.)
moucharder (« mouchard », FAM.)
La figuration prédicative est d’autant plus évidente que le lien métaphorique
s’établit entre le sujet du prédicat et le Nbase selon un procédé d’identification :
zoner « vivre comme vit un zonard »,
copiner « se comporter comme on se comporte entre copains », etc.
Autrement dit, le procès du Vdérivé se déroule « comme si » il mettait en
jeu le Nbase. Cette mise en jeu peut se situer à différents niveaux :
- le verbe réfère à une manière d’être ou de faire du sujet, par analogie
à Nbase : « se comporter en Nbase ».
fouiner « faire la fouine »
zoner « se conduire en zonard »
- le verbe réfère à une manière de considérer l’objet, par analogie à
Nbase : « traiter l’objet en Nbase », « faire comme si l’objet était un
Nbase ».
sandwicher « mettre en sandwich »
saucissonner « manger comme quand on mange du saucisson »
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 191
- le résultat du procès aboutit à ce que l’objet soit transformé en Nbase,
« rendre l’objet un Nbase », « transformer l’objet en Nbase ».
stariser « faire devenir star »
chouchouter « traiter en chouchou »
Ainsi, la dérivation verbale peut-elle être appréhendée comme prédication
figurée, non pas selon l’opposition « figuré » vs « propre » – qui induit une
dimension polysémique du Vdérivé ou du Nbase – mais selon la dichotomie
« figure » vs « non figure ». La figure tropique alors créée l’est à partir de la mise
en relation, symbolique, du Nbase et des actants du procès du Vdérivé. Nous
choisirons alors de parler de figure prédicative ou de prédication tropique.
4.3.3.2.4. Dérivation verbale et stabilisation d’une locution figée
Ce phénomène est illustré par le groupe que nous avons défini comme
dérivés de locutions. Il s’agit d’interjections ou de locutions verbales :
barber (2) (« la barbe ! »)
buller (« coincer la bulle »)
mégoter (« ramasser les mégots »)
gazer (« aller à plein gaz » )
Ces expressions ou interjections, indexées familières par le dictionnaire,
servent de base à un processus de verbalisation que l’on pourrait qualifier
d’« économique »263. En effet, la dérivation verbale opère une réduction de la
locution à un seul vocable, fixant et « rentabilisant » la mise en discours.
Il nous a été difficile de définir les items constituant cette classe de verbes,
car nous nous situons précisément à cette frontière entre langue et discours. En
effet, de nombreux autres Vdérivés pourraient être considérés comme
stabilisant une locution :
poireauter (« faire le poireau»)
cocoter (« sentir la cocotte »)
biler (« se faire de la bile »)
criser (« piquer une crise »), etc.
Plus largement, on pourrait y intégrer tous les Vdérivés dont le Nbase est
intégré à une construction sur la base de verbes support, c'est-à-dire de verbes
sémantiquement « légers », qui ne sélectionnent pas les arguments de la phrase,
mais actualisent les prédicats nominaux264. Par exemple :
263
Il semble que ce procédé de création lexicale réponde à un principe souvent décrit pour la
langue populaire, argotique ou plus largement parlée, celui de l’économie, de la brièveté.
264 À ce sujet et pour une délimitation précise de la notion de verbe support, voir MEL'CUK I.,
« Verbes supports sans peine », Linguisticae investigationes, n° 27-2, 2004, p. 202-217.
192 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
cuiter (« prendre une cuite »)
cachetonner ( « courir le cachet »)
cafarder (« avoir le cafard »)
gueuletonner (« faire un gueuleton »)
petit déjeuner (« prendre un petit déjeuner »)
biturer (« prendre une biture »)
On retrouve alors la majorité des verbes de nantissement, qui le sont,
principalement, par métaphore.
Ces analyses mettent au jour deux types d’opérations dans la dérivation
verbale :
- les dérivations conventionnelles qui répondent, en synchronie, aux
règles de compositions largement observées dans le lexique général
du français, à ceci près que le Nbase sélectionné est marqué FAM. La
marque lexicographique est alors transmise au Vdérivé. Ce sont des
dérivations régulières, la marque FAM. répondant à une sorte
d’étiquetage lexical, relatif au parcours historique du mot, souvent
d’origine argotique ou dialectale (cf. chapitre précédent).
- les dérivations non conventionnelles qui assument un rôle
d’économie linguistique comme les précédentes (création d’un
vocable unique remplaçant un syntagme verbal), mais qui
permettent principalement de fixer, en langue, des acceptions
jusqu’alors très contextualisées (renvoyant à des situations
discursives spécifiques) ou, plus généralement, d’installer en langue
une séquence discursive. Ainsi, dans la majorité des cas, c’est un sens
« tropique » (vs « sens propre ») de la base qui est sélectionné dans
l’opération de transfert catégoriel, ou bien, c’est l’opération de
dérivation, elle-même, qui aboutit à l’élaboration d’une figure
tropique. Il faut alors établir une distinction entre le sens associé à
un N dans le lexique et le sens associé à la forme de ce N lorsqu’il
devient Nbase d’un dérivé.
La conséquence théorique est importante car il devient nécessaire, comme
le propose Martine Temple, reprenant Corbin et al.265, à propos d’observations
de quelques cas marginaux, de prendre en compte, dans la description de la
construction des termes, le fait que « la notion de base sémantique d’un mot
construit ne se superpose pas à celle de sens associé au mot servant de base à un
dérivé »266. Il faut nécessairement dépasser le strict patron théorique
265
CORBIN D., DAL G., MELIS-PUCHULU A., TEMPLE M., « D’où viennent les sens a priori
figurés des mots construits ? Variations sur lunette(s), ébéniste et les adjectifs en –esque »,
Verbum 1-2-3, 1993, p. 65-100.
266 TEMPLE M., Pour une sémantique des mots construits, op. cit., p. 125.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 193
dérivationnel, en lui intégrant ces procédés sémantiques, sous peine de le voir
devenir inadéquat. C’est cette difficulté d’intégration de la distinction entre un
sens S « propre » et un sens S’ « figuré » à un modèle dérivationnel, qui fait que,
bien que dérivé à partir de règles de composition relativement régulières, la
compositionnalité des Vdérivés FAM. en est rendue assez peu lisible. Il en
résulte la diagrammaticité de certains verbes familiers est masquée par l’action
de règles sémantiques qui interviennent préalablement à la dérivation (sens fig.
du Nbase) ou qui interviennent directement sur le sens du dérivé obtenu
(homonymisation du Vdérivé ou figure prédicative intégrant une similarité
avec le Nbase). Cela nous amène à considérer que la dérivation des verbes FAM.
aboutit, dans la majorité des cas, à l’intégration, dans le lexique, d’un sens
tropique d’une unité verbale et par induction d’un sens « propre » potentiel. En
cela, la procédure cesse d’être conventionnelle, et dépasse le cadre de l’analyse
morphologique dérivationnelle dissociative, selon laquelle la structure est
première et le sens affecté aux structures par des règles interprétatives.
4.3.4. Figement du discours, figuration du sens et familiarité
4.3.4.1 Au-delà de la métaphore
Les emplois discursifs, stabilisés par la dérivation verbale familière, ont donc
un rapport avec ce que l’on a appelé le sens tropique. Nous avons été très
prudente jusqu’alors et avons employé, avec parcimonie, les termes de
« métaphore », de « comparaison », ou encore d’« image », bien que ces notions
soient communément utilisées pour définir les aspects polysémiques en
particulier ceux relevant de la familiarité lexicale.
Nous avons mis en évidence des structures métaphoriques ou métonymiques
intervenant à différents niveaux de la formation du lexique :
- lien métaphorique entre un sens S et un sens S’ du Nbase, attesté ou
non par les dictionnaires : criser de crise, bidonner de bidon, etc.
- lien métonymique entre un sens S (virtuel) et un sens S’ (figuré mais
littéral) du Vdérivé : entarter, bomber, violoner, etc.
- prédication métaphorique incluant le Nbase : biberonner « boire
comme on le fait quand on est nourri au biberon », cochonner « se
conduire comme le ferait un cochon », etc.
- utilisation d’un verbe support dans la glose illustrant le Vdérivé :
complexer « donner des complexes », châtaigner « mettre des
châtaignes », etc.
194 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Il apparaît que certains des lexèmes relevant, en synchronie, de
constructions régulières, ont fait l’objet, en diachronie, du même type de
parcours sémantique. Simplement, ils jouissent aujourd’hui d’un degré tel de
lexicalisation que la figure est morte, ou perçue comme telle :
- vadrouiller de vadrouille « promenade », étymologiquement
« vagabondage, généralement en groupe, dans les rues, à la recherche
d’amusements, de mauvais coups, de femmes faciles »267 ;
- vanner « railler, tourmenter », par métaphore du grain secoué sans
ménagement dans le van ;
- baratiner de baratin « discours abondant », par métaphore du baratin
« portefeuille vide que le tireur passe à son complice, au lieu d’un
portefeuille garni qu’il a dérobé »268 ;
- partouzer de partouze « partie de débauche », étymologiquement
« partie de carte ».
Il se pourrait alors que l’indication de « figuré » ou « métaphorique »
apparaisse comme un critère déterminant et nécessaire dans la constitution du
sens des verbes familiers. C’est l’hypothèse la plus souvent retenue par les
auteurs qui ont travaillé sur le sujet, à l’instar de Catherine Rouayrenc qui
pose : « Je parlerai surtout de la métaphore, puisque l’on sait que de nombreux
termes du français standard passent en français non standard grâce à un emploi
figuré, métaphorique notamment »269.
Cependant, le simple recours à la métaphore pour définir les emplois
familiers ne semble pas être une réponse suffisante à notre questionnement.
Certes, la métaphore (et plus généralement les figures) est d’ordinaire définie
comme un écart par rapport à une règle, elle est donc un fait linguistique non
standard270, mais rien ne garantit, a priori, qu’elle produise un effet familier.
Les figures font l’ornement de la langue littéraire comme de la langue
courante, de la langue écrite comme de la langue parlée. Et force est de
267
268
CELLARD J., REY A., Dictionnaire du français non conventionnel, op. cit.
COLIN J.-P., MEVEL J.-P., LECLERE C., Dictionnaire de l’argot français et de ses origines,
op. cit.
269
ROUAYRENC C., « Français non standard et figures », in BALLABRIGA (ss la dir.),
Sémantique et rhétorique, Toulouse, E.U.S., 1998, p. 113.
270
« L'emploi métaphorique est fondamentalement un emploi "anormal" – faire une métaphore,
c'est utiliser une expression "hors norme" –, par opposition au "propre" qui, lui, est le
représentant de la norme. Ne pas voir cette opposition, c'est refuser de voir l'essence même de
la métaphore. », in SCHULZ P. « Saussure et le sens figuré : ou pourquoi la métaphore n’existe
pas », p. 2/11, article publié sur le site info métaphore : http://www.info-metaphore.com.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 195
constater que « sens familier » et « sens figuré » ne sont pas des concepts
synonymes, tel qu’en atteste l’usage qui en est fait dans la pratique
lexicographique. Les exemples suivants correspondant à des Vdérivés
construits sur des Nbases pris au sens figuré, ne sont pas pour autant des
acceptions familières :
acclimater, sens fig. : « habituer quelqu'un à un nouveau milieu »
aiguiller, sens fig. : « orienter, diriger dans une direction précise »
anesthésier, sens fig. : « rendre insensible »
armer, sens fig. : « donner à quelqu’un les moyens d’affronter une situation,
d’y faire face »
etc.
Nous sommes d’autant moins convaincue par une interprétation de la
familiarité lexicale par simple recours à la métaphore littéraire que nous
pensons, comme François Rastier, que la métaphore est une figure outrageusement envahissante271, et que tout notre système conceptuel est structuré
métaphoriquement272. Aussi, les re-lectures métaphoriques sont-elles nombreuses, comme nous l’avons vu dans ce chapitre lorsque nous avons traité la
question de la remotivation populaire, et elles n’ont de limites que celles de
notre imagination.
De plus, nous venons de le voir, le lien métaphorique n’est pas toujours
évident et il est même parfois imperceptible pour les locuteurs : on est bien
loin du fruit ou du légume dans les verbes châtaigner ou se friter, et le sens
propre de sape ou de nippe semble peu évident en synchronie.
Nous devons donc aller plus loin dans la description, pour atteindre la
dimension signifiante et cognitive de la métaphore, et ne pas nous en tenir à
son niveau strictement ornemental.
4.3.4.2. La dérivation FAM. comme impertinence prédicative
Il nous a semblé judicieux d’aborder notre corpus au regard du mécanisme
de la catachrèse, en tant que « figure de rhétorique créée par la langue (…)
pour désigner une réalité pour laquelle on ne possède pas encore de terme
propre (…), un phénomène linguistique naturel qui permet à une langue
d’évoluer en détournant un mot de son sens littéral pour lui faire désigner une
autre réalité »273. Cette définition semble relativement adaptée à notre corpus,
271
« La métaphore est une figure outrageusement envahissante », Échange entre François
Rastier et Pascal Michelucci sur sa thèse : Philosophie et sémantique du poème chez Paul
Valéry. http://revue-texto.net/dialogues/rastier-michelucci.html.
272 Selon la thèse défendue par LAKOFF G., JOHNSON M., Les métaphores dans la vie
quotidienne, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
273 POUGEOISE M., Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, 2001.
196 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
dans la mesure où la majorité des dérivations verbales familières sont des
processus qui font intervenir un sens tropique – qu’il soit localisé sur le Nbase,
sur le Vdérivé lui-même, sur le Vsupport de la glose, ou sur la prédication –
sans pour autant qu’il constitue un sens second.
Les verbes de notre corpus sont « littéralement » familiers, c’est notre choix
méthodologique initial, c'est-à-dire que l’acception familière est la plus
évidente et, donc, le sens « propre » n’est pas a priori attesté par le dictionnaire.
Nous l’avons montré précisément avec les verbes entarter et bomber, et ceci
pourrait être étendu aux autres séries de verbes :
- biberonner « boire souvent et avec excès » induit potentiellement un
sens propre non attesté « boire au biberon »,
- fouiner « fouiller méticuleusement » induit potentiellement un sens
propre non attesté « agir comme une fouine »,
- se biler « s’inquiéter » induit potentiellement un sens propre « produire de la bile »,
- et on peut même considérer que cabotiner « faire le cabotin » induit
potentiellement le sens propre « imiter le cabotin».
Précisons que ce pseudo sens propre S, virtuel, répondrait alors à des
procédés de dérivation tout à fait réguliers. Ainsi, les dérivations verbales FAM.
pourraient relever du mécanisme propre à la catachrèse dans la mesure où elles
fixent, en langue, un sens S’, différent d’un sens S, non attesté, par le biais de
métaphore ou de métonymie (*« boire au biberon »/ « boire souvent et avec
excès de l’alcool », *« être une fouine »/« fouiller indiscrètement », etc.).
Approfondissons notre propos à l’aide d’une seconde définition de la
catachrèse, comprise comme un « choc de deux termes aux significations
contradictoires, résultant d’une figure de substitution morte (métaphore,
métonymie, synecdoque) dont le sens premier s’est effacé de la conscience du
locuteur et qui s’accompagne d’une qualification étrangère au sens premier »274.
L’idée de « choc » comme effet produit par la catachrèse implique que le sens S,
« propre », plus ou moins virtuellement attesté, n’est pas tout à fait masqué par
le sens S’ (donc sans doute pas tout à fait effacé de la conscience du
locuteur…). Le simple fait que biberonner soit rattaché à biberon par
dérivation, nous conduit à dire que biberonner « boire souvent et avec excès »
active une pseudo-acception polysémique biberonner *« boire au biberon »,
avec laquelle il contraste. Jackie Schön, à propos des emplois familiers de
lexèmes, soutient que « le sens familier d’un lexème n’efface pas le sens
274
MORIER H., Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, P.U.F., 1961.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 197
premier du lexème ; il lui est superposé »275. De la même façon, nous pensons, à
propos de l’emploi de lexèmes familiers, que l’acception familière d’un lexème
active un sens « propre », virtuellement attesté dans le lexique, qui lui est
superposé et avec lequel le sens FAM. va jouer en contraste. C’est ce phénomène
que Gérard Petit nomme un « signifié mémoriel »276. C’est pour nous ici un
autre niveau de spécificité de la dérivation verbale des lexèmes familiers : si
toute substitution implique une impropriété, « un abus » selon le terme des
rhétoriciens classiques, qui n’est a priori pas ressentie comme telle dans le cas
d’une catachrèse « traditionnelle », ce contraste joue comme indice de
familiarité lexicale. Nous pensons que c’est du décalage, du hiatus, entre
« l’élément nouveau» et « l’élément source » (qu’il s’agisse du Nbase ou du
Vdérivé), que naît l’effet familier. D’autant plus familier sera l’effet produit par
la catachrèse que le « choc » entre S’ (attesté) et S (virtuel) sera grand. La
conscience de cette dichotomie doit donc rester présente – même au second
plan – pour que la discordance entre les éléments substitués soit perçue.
Soient les exemples suivants, relevés en contexte :
ils devront continuer de crécher où ils pourront 277
elles étaient charcutées par des médecins peu scrupuleux 278
les touristes continuent de siroter leurs mojitos 279
il sandwiche un Maigret entre deux romans sérieux 280
Nous avons systématiquement affaire à une discordance entre les propriétés
lexicales du sens du Nbase et celles du sens du Vdérivé qui aboutit à une
impropriété dans la relation d’agent(s) à procès. Autrement dit, l’élément
« littéral » est soumis à d’autres références contextuelles que celles qui lui sont
habituellement associées, ce qui crée une catachrèse (par métaphore ou
métonymie). Ainsi, le médecin contraste-t-il avec le charcutier, l’alcool avec le
sirop, le sandwich avec les livres et le sujet humain (ou adulte) avec la crèche.
Il apparaît alors que, pour certains verbes familiers, les relations entre agents et
procès contredisent fortement l’ordre sémiotique qu’impose le système lexical.
275
SCHÖN J., « Pour un traitement systématique des acceptions familières dans les
dictionnaires », in Hommage à Jacques Allières, Romania sans frontière 2, Atlantica, 2002,
p. 609.
276 « Le signifié mémoriel est une composante du contenu sémantique global de l’item. Il diffère
du signifié référentiel dans la mesure où sa fonction première n’est pas de viser le référent où
d’en assurer l’identification, la communication, etc. (…) Le signifié mémoriel prend en charge,
au sein d’un emploi référentiel dérivé et lexicalisé, c'est-à-dire stable et récurrent (…), la
réminiscence des conditions sémantiques d’élaboration de celui-ci », PETIT G., « La double
hybridation de l’unité lexicale », Linx, n° 40, 1999, p. 139.
277 « Vous avez un garant? », Le Monde, 15.02.94.
278 « Le procès de Bobigny, c'était hier », Le Monde, 05.04.06.
279 « L'année de tous les espoirs », Le Monde, 12.07.07.
280 « Georges Simenon, d'Amérique et d'ailleurs », Le Monde, 06.12.02.
198 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
En d’autres termes, pour reprendre une dichotomie chère à Benveniste281, le
sens sémantique du discours s’oppose au sens sémiotique de la langue. C’est
précisément de ce schisme d’avec l’ordre « normal », attendu, que naît la
familiarité lexicale. Si l’on reprenait la terminologie de Jean Cohen, on
parlerait d’impertinence du prédicat282, c'est-à-dire de propositions relativement absurdes du point de vue de la logique traditionnelle (un médecin n’est
pas un charcutier, un livre n’est pas de la nourriture que l’on glisse dans un
sandwich, une adulte ne dort pas dans une mangeoire ou dans une
pouponnière).
Nous pouvons alors avancer que le processus à l’œuvre dans la dérivation
verbale familière concourt à attribuer, à un prédicat, un argument a priori
incompatible avec ses propriétés ontologiques de base ou à les détourner : la
tarte de entarter n’est plus un comestible, mais un projectile, de la même façon
que les châtaignes de châtaigner ou les frites de friter. Quant à la bombe de
peinture de bomber, elle ne sert plus à peindre, mais à dégrader. C’est ainsi
tout un pan du lexique qui glisse, qui se décale dans une autre dimension283 et
qui vient à détonner. Nous rejoignons ici l’hypothèse de Jackie Schön selon
laquelle « la familiarisation (…) crée effectivement des métaphores puisqu’elle
se résume à la formule X ETRE Y mais ces métaphores naissent sans autre
justification que l’incongruité même de l’équation qui les fonde »284. C’est
pourquoi, au-delà du lien métaphorique ou métonymique qui existe entre un S
virtuel et un S’ figé par la dérivation de biberonner, l’effet familier va naître de
l’étrangeté de l’association entre le concept « boire au biberon » et « boire
souvent et avec excès d’alcool », en considération des valeurs qui y sont
communément associées.
Au-delà de la simple métaphore rhétorique, nous cernons un peu plus
précisément les phénomènes à l’œuvre dans la familiarité lexicale : la présence
d’un contraste entre la classe des arguments d’un prédicat S’, tel qu’il est figé en
langue, et celle d’un prédicat virtuel S, « propre », tel qu’il serait convoqué à la
conscience du locuteur. La familiarité est donc ici caractérisée par une
violation du code par fixation en langue d’une « impertinence » de discours.
BENVENISTE E., Problèmes de linguistique générale, op. cit., p. 43-66.
COHEN J., Structure du langage poétique, Paris, Flammarion, 1966, p. 103.
283 Le terme est pris dans le sens défini par François Rastier et repris par ROUAYERENC C. :
« Les dimensions sont des classes de grandes généralités (…). En petit nombre, elles divisent
l’univers sémantique en grandes oppositions, comme /végétal/ vs /animal/, ou /humain/ vs
/animal/ (…).Les dimensions reflètent vraisemblablement sur le plan sémantique des catégories
a priori qui structurent tout l’univers d’une culture », in RASTIER F., Sémantique pour
l’analyse, Paris, Masson, 1994, p. 63.
284 SCHÖN J., « Sous les emplois familiers de la langue, les affects », Actes du XXVIIe colloque
international de linguistique fonctionnelle, Ceské Budejovice, Ondrej Pesek (Éd.), 2004, p. 229.
281
282
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 199
Cependant, là encore, tous les facteurs favorisant un effet familier ne
semblent pas être mis au jour. Par exemple, aussi grossier soit-il, la poésie, ou la
prose surréaliste, qui naît d’un « choc » ou plutôt d’un forçage dans les
contrastes entre classes sémantiques, n’apparaît pas pour autant comme une
production familière. Cette condition de catachrèse est donc nécessaire, mais
non suffisante.
4.3.4.3. La familiarité comme reconfiguration du monde
La catachrèse est le reflet d’une « évaluation » que font les locuteurs de la
congruence des deux prédicats superposés et de leur incompatibilité
sémantique avec leurs arguments, ce qui nécessite une sélection subjective des
propriétés du sens propre. En effet, le contraste naît de ce que l’on passe d’une
objectivité (il est une fouine, il boit au biberon) à l’émergence d’un point de
vue subjectif, externe, dans la mesure où seulement certains traits sont retenus
dans la relation d’un énoncé propre à un énoncé figural, alors que d’autres en
sont exclus (fouiner ne retiendra pas les traits /carnassier/ ou /corps mince/).
Nous devons nous intéresser plus précisément à l’interprétation de la
catachrèse, à sa finalité et à son produit extra-discursif, puisqu’elle doit être
comprise comme « un agencement nouveau, création, découverte, réorganisation incessante de notre vision du monde »285.
Soit criser, se défouler, rager, se biler : le contraste du sens figural de ces
verbes avec un potentiel sens S, référent à des situations médicales, crée une
sorte d’analogie hyperbolique. La référence à des états pathologiques (vs
normaux, selon l’opposition de Canguilhem), traduit une exagération de la part
de l’énonciateur. De la même façon, le contraste des S’ attestés et du S virtuel
superposé dans flasher, cavaler, rafler, gerber, flinguer (2), catastropher,
galérer, banquer, produit une comparaison hyperbolique. C’est finalement la
puissance du flash, la grande vitesse de la cavale, le soudain jaillissement de la
gerbe, l’intensité de la catastrophe, la grande difficulté de la galère qui sont les
traits retenus dans la comparaison. Au-delà de la métaphore ou de l’image
évoquée, nous avons affaire à une modalisation intensive des prédicats, fondée
sur des stéréotypes culturels.
Soit zoner, copiner, cabotiner, goinfrer, pocharder : ces verbes présentent
aussi une sorte de comparaison hyperbolique, fondée sur un système de lieux
communs associés au Nbase. La comparaison se fait par rapport de similitude
avec un Nbase typisé, qui joue alors un rôle d’intensifieur :
285
BONHOMME M., Les figures clés du discours, Paris, Seuil, 1998, p. 59.
200 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
- Si X zone, c’est qu’il vit d’une façon aussi précaire qu’un zonard,
alors il vit de façon TRES précaire.
- Si X cabotine, c’est qu’il est aussi prétentieux qu’un cabotin, alors il
est TRES prétentieux.
- Si X se pocharde, c’est qu’il se comporte comme un pochard, alors il
boit BEAUCOUP.
La comparaison correspond donc à une intention précise qui se situe, audelà de la métaphore, du côté de l’intensité du procès.
Soit mendigoter, fliquer, turlupiner, moucharder, stariser, torchonner,
couillonner, charcuter : ces exemples sont assez proches des précédents à la
différence que la relation entre S et S’ n’implique pas une comparaison contrastive, mais, au contraire, une équivalence. On passe d’un jugement d’appartenance (exemples précédents) à un jugement de conformité par prédication
métaphorique du type X ETRE Nbase286 :
il mendigote, c’est un vrai mendigot
les parents fliquent leurs enfants, ce sont de vrais flics
il torchonne son travail, son travail est un vrai torchon
Il s’agit en quelque sorte d’opérer une évaluation analogique, par rapport à
un Nbase typicisé, référent à une réalité extra-lingusitique réprouvée. Par là, le
sujet ou l’objet du Vdérivé se voit lui aussi réduit à un « type » réprouvé (le
mendigot, le flic, le torchon). Nous retrouvons des phénomènes assez proches
de ceux décrits par Evelyne Largueche, à propos de la qualification
injurieuse287.
De la même façon, on note des qualifications dépréciatives par comparaison
avec des animaux : pigeonner, cochonner, fouiner, cafarder (2), cornaquer,
vibrionner, cocotter, canarder, becqueter, crécher, ou avec des comestibles :
poireauter, sandwicher. Ce sont des phénomènes, largement décrits par Jackie
Schön288, et qui correspondent à un déclassement des lexèmes par mise en
relation d’un représentant d’une classe sémantique avec une autre, quasiment
antithétique, ce qui est culturellement impensable. Quoi de plus dépréciatif, en
effet, que d’être réduit au stade animal ou à celui de nourriture ?
286
Pour une description détaillée de l’élaboration de la prédication métaphorique
traditionnelle, cf. CADIOT P., « Métaphore prédicative nominale et motifs lexicaux », Langue
française, n° 134, 2002, p. 38-57.
287 Voir à ce sujet, LARGUECHE E., L’injure à fleur de peau, Paris, L’Harmattan, 1993.
288 SCHÖN J. « Acceptions familières et manifestations d’affects », in ARRIVÉ M., NORMAND
C., Linguistique et psychanalyse, Cerisy, Editions in Press, 2001, p. 157-165.
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 201
Soit entarter : le lien de similitude entre le fameux gag de la tarte à la crème
et la situation médiatique qui consiste à entarter une personnalité politique, est
établi. Mais dans le premier cas, il s’agit d’un spectacle destiné à faire rire le
public, et dans le second, d’un « happening » qui se donne pour objectif de
dénoncer la société du spectacle. Il y a bien une similitude entre les deux
situations auxquelles réfèrent l’énoncé « propre » et l’énoncé figural, mais elles
contrastent par ironie, pourrait-on dire. D’autres items pourraient également
dépendre du même procédé : politiquer, violoner, bomber, dans la mesure où
est provoquée, par antiphrase, une sorte de dépréciation du procès (les députés
ne sont pas censés politiquer à l’Assemblée Nationale, on ne dira pas de
Paganini qu’il violonait, quant aux inscriptions réalisées à la bombe de peinture, elles ne sont pas tout à fait reconnues comme des créations artistiques).
Pour conclure, si nous avons démontré que la métaphore joue bel et bien un
rôle dans la familiarité lexicale, elle n’en constitue pas l’essentiel. Elle doit
présenter un contraste, un choc d’autant plus grand entre les termes en jeu
qu’il provoquera soit une comparaison hyperbolique, soit une identification
intensive, soit une antiphrase.
Nous partageons le point de vue d’Irène Tamba-Mecz selon lequel les
figures hyperboliques comportent toujours une référence, un denotatum
précis, soumis à une évaluation quantitative, qui en fait un « paramètre de la
démesure »289 et qui projette alors le Vdérivé hors de la représentation
normative que l’on a de son référent – ce qui ne manquera pas de le déprécier.
Quant au procédé d’identification, il présente une construction proche de
« traiter quelqu’un de » où le qualifiant est toujours négatif. Nous avons alors
affaire à un support lexico-syntaxique de péjoration290 qui consiste à considérer
l’autre comme ce qu’il n’est pas.
Dans la même perspective s’inscrit l’ironie qui, par antiphrase, aboutit à une
dépréciation du procès.
Ces procédés montrent que l’étude du lexique familier ne doit pas
simplement prendre en compte des traces énonciatives (de l’ordre de la
connotation), mais bien aussi des propriétés constituées à partir de traits
sémantiques référant à des propriétés culturelles situées en dehors de la norme
culturelle. La familiarité lexicale est corrélative d’une distorsion de la
représentation du réel, qui contredit quelque peu les relations établies par la
logique. On parlera alors plus justement de symptômes de conflits
TAMBA-MECZ I., Le sens figuré, Paris, P.U.F., 1981, p. 161.
Pour un développement sur le sujet, voir IBRAHIM A., « Peut-on, en français, reconnaître
automatiquement un support de péjoration ? », Linx, n° 34-35, 1996, p. 57-76.
289
290
202 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
conceptuels291, la réorganisation du monde ne se situant plus simplement au
niveau de la signification mais aussi au niveau des concepts. En d’autres termes,
l’acception familière ne transfère pas un énoncé d’une signification à une autre,
mais le transfère d’un domaine conceptuel cohérent, vers un domaine
conceptuel disjonctif, ce qui provoque un déclassement vers un univers en
rupture avec des stéréotypes culturels, hors de la norme, à la marge, et donc
réprouvé. Nul ne doute que, dans ce contexte, nous soyons ainsi confrontés à la
« toute puissance du sujet » qui réorganise (déclassement sémantique), réidentifie (X est un vrai Nbase), transforme (rendre ADJbase, faire de X un
Nbase), insulte (traiter X de Nbase) les choses et principalement les êtres du
monde.
Il devient tout à fait clair que cette « re-configuration » du réel produit un
sentiment de péjoration, par intensification ou dépréciation des procès.
Comme nous l’avons vu au début de ce chapitre à propos de la suffixation, un
rapport de cause à effet se fait jour entre quantitatif, qualitatif et péjoration.
Nous pouvons faire l’hypothèse, à ce stade de notre présentation, d’une lecture
de la notion de péjoration comprise au-delà de valeurs connotatives, mais
plutôt attachées au denotatum, dès lors que son référent se situe en rupture
avec une vision éminemment normée, voire normative, du monde. Ceci est
confirmé par le fait que chacun des verbes du corpus pourrait être évalué de
façon péjorative, par contamination phonique (pinailler, rabibocher ), par
suffixation (crachouiller, dansoter ), par composition morphosémantique
(déboussoler, poireauter ) ou encore, simplement, par sa classe de référents
associés (flinguer, fuguer, roter ).
4.4. SYNTHÈSE
La conclusion la plus évidente est que la classe des verbes marqués FAM. se
révèle très composite. Il est en effet difficile d’établir des généralités, dans la
mesure où nous avons travaillé sur un corpus morcelé par des critères formels.
C’est pourquoi le chapitre suivant présentera une étude plus fine des aspects
sémantiques et de leurs incidences pragmatiques.
Voir CADIOT P., « Métaphore prédicative nominale et motifs lexicaux », op. cit., p. 38-57 et
PRANDI M., « Littéral, non littéral, figuré », Cahiers de praxématique, n° 35, 2000, p. 17-38.
291
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 203
Cependant certaines caractéristiques ont pu, d’ores et déjà, être dégagées par
notre description morphologique. Nous avons fait trois constats :
- Les verbes familiers ne répondent pas à des règles étrangères au lexique
standard, mais en diffèrent par leur productivité. Le lexique familier – s’il
fallait le préciser – doit être perçu comme une part du lexique commun et non
pas comme un système étranger à celui-ci. Que cela concerne la proportion de
mots non construits, celle de mots construits sur des bases nominales, le choix
des affixes retenus par la suffixation familière ou les règles de compositions, les
lexèmes étudiés montrent une forte productivité des phénomènes repérés
comme marginaux dans la part normée du lexique.
- Nous avons confirmation que l’étude du registre familier se situe à la
frontière entre langue et discours. Là où la norme s’acclimate de locutions
verbales plus ou moins figées, le registre familier n’hésitera pas à créer un
lexème à partir de segments de discours. Cela explique, en termes de coût au
niveau du signifiant, l’écart de représentativité des règles de formation de notre
corpus, d’avec celles du lexique standard292, ce qui corrobore les observations
de certains auteurs sur la nécessité de brièveté dans la langue populaire,
familière ou parlée. Nous devons également retenir que les lexèmes marqués
FAM., ainsi créés, viennent remplir un vide laissé par la langue normée. La
réduction des coûts linguistiques produit, paradoxalement, une unité nouvelle
qui manquait à la langue commune. Ainsi, pouvons-nous infirmer les
hypothèses qui voient, dans le lexique familier, une doublure du lexique
standard.
- Enfin, il apparaît que la prédictibilité des verbes familiers est relativement
faible. Nous avons pu constater et ce, à différents niveaux de l’analyse, que les
lexèmes FAM. développent des signifiés plus spécifiques que ceux que leur
structure morphologique permet de prédire. Il est rare que le sens
compositionnel de la plupart de nos verbes soit directement déductible. Pour
des raisons de démotivation en diachronie, de spécialisation sémantique en
synchronie, les liens sémantico-formels des lexèmes de notre corpus sont
approximatifs. Il en résulte que le sens de ces lexèmes est « flottant », quelque
peu imprécis, et laisse plus de souplesse, de liberté à l’expression de la
subjectivité des locuteurs, notamment par le biais d’un sens tropique et du
292
Sur ce concept, voir le développement de BERRENDONNER A., « Aspects pragmatiques de
la dérivation morphologique », Analyse linguistique et approches de l’oral, ORBIS-Suppl.,
n° 10, 1998, p. 23-31, et également DELAPLACE D., « Apocope, argot et lexique », Thèse de
doctorat, ss la dir de D. Corbin, Université de Lille III, 1998.
204 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
symbolisme phonétique. Tout se passe comme si le lexique familier était moins
contraint dans la relation forme/sens que le lexique standard, ce qui permet
une plus grande expressivité des locuteurs.
Nous pourrions expliquer ainsi l’importance de la part de mots identifiés
comme simples dans notre corpus. En effet, selon un relevé fourni par Jean et
Claude Dubois293, la part du lexique qu’occupent les mots construits est de
68,2% des termes enregistrés pour la lettre A du Petit Larousse. Pour Henri
Mitterand294, à partir d’un sondage effectué dans le Petit Larousse, cette
proportion de mots construits se situe entre 72 et 77%, mais annonce une
différence de proportion marquée dès que l’on observe des textes de
conversation courante. D’autres auteurs considèrent que le lexique d’un
dictionnaire comprend environ un quart de mots simples et trois quarts de
mots construits, et ils précisent le renversement de la proportion dans une
conversation quotidienne orale295. Malgré les discussions sur la délimitation de
la notion de « mot construit » qui font quelque peu varier les proportions, il
apparaît que la part de mots dits simples dans notre corpus est plus importante
que celle représentée dans le lexique total des dictionnaires et qu’elle
correspond davantage aux proportions de la conversation dite courante, ce qui
corrobore les observations de chacun des auteurs précédemment cités. Pour
Henri Mitterand, cette distorsion entre les deux sortes de proportions – en
lexique « complet » et en lexique « commun » – s’explique « par la pléthore des
dérivés, composés et recomposés, qui gonfle les vocabulaires techniques,
étrangers à l’usage courant, et cependant enregistrés dans les dictionnaires
généraux tels que les Larousse »296. La proportion des mots construits dans un
corpus dictionnairique est la conséquence de l’intégration de nombreux termes
techniques et scientifiques dans sa nomenclature, termes qui s’avèrent
relativement rares dans la conversation quotidienne. Il s’agit donc de
considérer « des liens étroits entre affectivité et expressivité d’une part,
rationalisme et arbitraire de l’autre »297.
Au regard de notre corpus, tout se passe comme si le lexique familier est
davantage susceptible d’être chargé de la subjectivité du locuteur, précisément
parce que sa motivation morphologique est faible. La diagrammaticité mise en
évidence à chaque étape de l’analyse, à propos de la suffixation, du symbolisme
phonique et du figement d’un sens tropique, affaiblit considérablement la
motivation des termes et laisse davantage de latitude au locuteur pour se saisir
DUBOIS J. et Cl., Introduction à la lexicographie, op. cit., p. 138.
MITTERAND H., Les mots français, op. cit., p. 26.
295 Site La linguistique : http://bbouillon.free.fr/univ/ling/Fichiers/morpholex.htm
296 MITTERAND H., ibidem.
297 ULLMANN S., Précis de sémantique française, op. cit., p. 112.
293
294
Chapitre 4. – Propriétés formelles et effet familier 205
des faits de langue et les rendre siens. L’expressivité, comme liberté prise par le
locuteur dans la construction de sa langue, doit être comprise comme
l’empreinte de l’utilisateur de la langue.
Le vocabulaire familier est, de tradition, interprété comme de l’ordre des
connotations. Néanmoins, certains des constats que nous venons d’établir
remettent en cause cette hypothèse connotative, en particulier si l’on considère
que le contraste entre FAM. et « non marqué » opère au niveau du concept.
Nous avançons l’hypothèse que la composante expressive, repérée à
différents niveaux de l’analyse, induit une réorganisation conceptuelle du
monde. De façon un peu générale, nous pourrions dire que la vision du monde
reflétée par le lexique familier diffère de celle reflétée par le lexique standard,
surtout dans son rapport à la norme. Le monde re-créé que nous livre le
lexique familier est un monde à la marge, un monde tout à fait déprécié,
défiguré, par distorsion des quantités ou qualités normalement attribuées aux
choses. En cela, il sera interprété du côté de la péjoration.
C’est pourquoi à partir des observations menées sur notre corpus, nous
pouvons infirmer l’interprétation d’Alain Rey, dans la préface du Grand
Robert, selon laquelle « l’attribution de la marque familier ou populaire porte
sur la forme linguistique et non sur le référent »298.
Si l’analyse morphologique a permis quelques incursions du côté du sens,
seule une étude sémantico-syntaxique des lexèmes FAM. peut conduire à
explorer plus précisément les spécificités de ces verbes. C’est l’objet du
prochain chapitre.
298
Préface du GR 1985, p. XLI.
CHAPITRE 5
CARACTÉRISATION SÉMIOTIQUE ET SÉMANTIQUE
DE LA FAMILIARITÉ LEXICALE
________
Les observations formelles effectuées au chapitre précédent sont complétées
ici par une analyse plus approfondie de la dimension sémantique des items de
notre corpus. Nous avons travaillé à partir des définitions dictionnairiques
postulant que leur contenu, reflet des significations les plus socialisées, les plus
courantes et les plus admises, permet de rendre compte du rapport de la familiarité lexicale à la norme.
Dans une première partie, nous revenons sur ce qui fait de la définition
lexicographique un consensus sémio-culturel sur le monde et sur la langue, et
expliquons en quoi elle constitue un matériau d’analyse pertinent pour notre
recherche sur la familiarité lexicale. Dans une seconde partie, nous présentons
l’activité définitoire et les procédures habituellement utilisées pour les gloses
dictionnairiques et nous proposons une typologie propre à catégoriser celles de
notre corpus. Nous analysons ensuite chacune d’entre elles afin de mettre au
jour les relations dont rend compte le dictionnaire entre un défini FAM. et un
définissant non marqué, notamment par des liens hypéronymique et synonymique. Enfin, ces observations nous conduisent à spécifier les caractéristiques sémantico-syntaxiques propres aux verbes familiers. Nous en
déduisons un statut sémiotique et sémantique particulier du lexique familier,
au-delà de la stricte interprétation connotative traditionnelle, qui lui accorde
un rôle pleinement fonctionnel au sein du système.
C’est donc d’un point de vue sémiotique et sémantique que le lexique
familier a été étudié, à partir du discours dictionnairique considéré comme un
relais de la norme linguistique et sociale. Le mouvement est ainsi inverse à
celui du lexicologue : l’établissement de la définition dictionnairique n’est pas
une fin en soi, le couronnement du travail, mais notre point de départ.
208 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
5.1. LA DÉFINITION DICTIONNAIRIQUE
Les définitions dictionnairiques présentent des limites en matière de
sémantique lexicale, car elles ne mettent pas en jeu toutes les propriétés
sémantiques des termes glosés, mais seulement celles qui permettent
d’atteindre les objectifs que se donne le dictionnaire – c'est-à-dire rendre
compte de représentations consensuelles des classes de référents. Néanmoins
nous pensons, comme Josette Rey-Debove, que « la technique du lexicographe
pourrait bien, sous son aspect intuitif et grossièrement approximatif, receler
quelque élément digne d’intérêt scientifique, et susceptible de servir de base à
une méthode »299. Ce sont spécifiquement ces aspects intuitifs qui intéressent
notre exploration de la familiarité lexicale, en ce qu’ils révèlent un point de
vue normé du locuteur-lexicographe sur la langue.
5.1.1. La définition comme discours normé sur le monde
La définition dictionnairique a pour objectif de « faire correspondre à une
unité lexicale supposée inconnue ou mal connue une pluralité d’unités
appartenant au même système linguistique, organisées selon les structures
syntactiques de ce système, et qui est supposée déterminer chez le lecteur ou
l’auditeur l’élaboration conceptuelle adéquate »300. En cela, Alain Rey la décrit
comme une opération périlleuse et, sans doute, intrinsèquement irréalisable,
tant sa dimension est psycholinguistique.
En effet, l’activité définitionnelle se heurte à des difficultés
sociolinguistiques et cognitives, liées principalement à l’hétérogénéité des
utilisateurs du dictionnaire et de leurs compétences linguistiques (différences
géographiques, sociologiques, socioprofessionnelles, différences de capital
culturel, etc.). La recherche d’une représentation conceptuelle que la
communauté linguistique – dans toute sa diversité – reconnaît comme
congruente, rend l’exercice souvent imparfait.
Aussi, si l’on considère que l’objectif de la définition dictionnairique est
d’être « capable de grouper les éléments nécessaires et suffisants à l’élaboration
d’un concept isolable, relié d’une manière biunivoque à une unité lexicale »301,
faut-il envisager d’en rendre compte en neutralisant quelque peu les
différences sociolinguistiques et sociocognitives inter-individuelles. La
définition doit donc être le reflet d’une conceptualisation consensuelle du
299
REY-DEBOVE J., « La définition lexicographique : recherches sur l’équation sémique »,
Cahiers de lexicologie, vol. 8-1, 1966, p. 71.
300 REY A., Le lexique : images et modèles, Paris, Armand Colin, 1977, p. 102.
301 Ibidem, p. 112.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 209
monde réel, en accord avec le système sémio-culturel de la communauté
linguistique, et non pas le monde réel lui-même. Elle n’est pas une donnée
scientifique, une assertion vraie du point de vue de la logique, mais un discours
qui institutionnalise une représentation moyenne des concepts, conforme aux
exigences socioculturelles302. Le discours lexicographique doit donc être perçu
comme institué par le discours social.
C’est pourquoi la définition lexicographique peut servir de base à l’analyse
permettant de dégager une représentation sémio-sémantique normée des
unités lexicales de notre corpus. Le terme de « norme » doit être ici compris
comme un phénomène de standardisation, de neutralisation, une sorte de
solution d’homogénéisation des usages et des jugements portés sur ces usages.
La définition est donc posée comme le reflet de l’inscription des unités
lexicales au sein d’un réseau de représentations et de significations
socioculturellement établies. En ce sens, envisagée sous cet aspect, l’observation des définitions de termes marqués FAM. permet d’accéder à une
« équivalence » normée de la représentation de la communauté linguistique,
c’est-à-dire de percevoir ce que le discours normé « dit » des segments de
discours qui ne le sont pas.
Ce positionnement nécessaire du côté de la norme a des implications sur la
présentation des unités de la langue, tant par rapport à leur représentation
conceptuelle, que par rapport à leur forme même.
5.1.2. La définition comme discours normé de la langue
Les attentes sociales, qui pèsent sur l’édification du dictionnaire, notamment
dans sa fonction didactique, n’ont pas seulement des conséquences sur la vision
du monde qu’il véhicule, mais aussi sur celle qu’il donne de la langue. Le
lexicographe, dans le cadre de son exercice, n’adopte pas nécessairement
l’attitude du linguiste. Il est tenu d’utiliser un niveau de langue dit neutre,
celui choisi pour la description, traditionnellement la langue « officielle » des
classes cultivées. La raison est, a priori, pédagogique, la définition étant un
énoncé qui s’insère dans un discours particulier, supposé connu du lecteur de
dictionnaire303. Les formes linguistiques non conventionnelles sont donc écartées du discours lexicographique qui puisera – à quelques rares exceptions près
302
Voir § 1.1.4.2 pour un développement du dictionnaire comme doxa.
« Definitions presuppose the existence of a defining vocabulary the meanings of which are
taken as axiomatic, not requiring any further explanation. This raises the problem of the levels
of understanding and education that can be expected of the reader of the definition”, SAGER
J., A Practical Course in Terminology Processing, John Benjamins, Philadelphia, Amsterdam,
1990, p. 40.
303
210 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
que nous signalerons plus loin (§ 5.3.7) – dans la part du lexique qualifié de
standard, par opposition au lexique marqué. La langue non marquée, standard,
se voit ainsi confirmée dans sa fonction de norme-étalon, référence à partir de
laquelle seront interprétées les entrées marquées.
La volonté pédagogique du dictionnaire se voit alors transformée en
processus normatif, voire normalisant. La présentation des entrées
dictionnairiques se doit de dépasser les conflits linguistico-sociologiques pour
rendre compte de la place du signe et de son référent, dans un système sémioculturel.
Pour illustrer cette double contrainte normative qui pèse sur le référent et
sur le signe, citons l’exemple fréquemment repris de l’entrée PUTE, marquée
POP. ET VULG., dont la définition est « prostituée », et constatons qu’il est
inenvisageable, dans la pratique dictionnairique, d’inverser cette relation et
d’imaginer l’entrée PROSTITUÉE, marquée BOURG. et définie par « pute ». En
effet, la description dictionnairique se doit de rendre compte, d’une part, d’une
langue fonctionnelle (normée) et, d’autre part, d’une norme sociale. Ces deux
normes, linguistique et sociale, se renforcent l’une l’autre, afin de proposer au
lecteur un état de langue, dans une dynamique somme toute prescriptive.
La conséquence de ce parti-pris lexicographique est que la définition est à la
fois un discours sur le contenu du signe, mais aussi un discours sur le signe luimême304. Soit l’entrée :
CHIADER v. tr. et intr.
ARGOT DES ÉCOLES, PUIS FAM.
« Travailler, préparer (un examen, etc.)
L’utilisateur qui consulte un dictionnaire se voit informé, à la fois sur le
contenu sémantique par un énoncé qui parle du monde (chiader c’est préparer
un examen), mais aussi sur l’usage du signe (chiader est un mot familier,
anciennement argotique qui est présenté comme l’équivalent de préparer un
examen). La définition, succédant au signalement de la marque d’usage,
devient une équivalence de signe et l’information qu’elle apporte est autonymique305, autrement dit davantage d’ordre sociolinguistique ou stylistique
que référentielle.
Pour dénommer cette dichotomie, nous ne recourons pas aux notions de
« définition de mot » et « définition de chose », car le discours du dictionnaire
304
Pour plus de détails sur cette distinction, cf. REY-DEBOVE J., « Le dictionnaire comme
discours sur la chose et discours sur le signe », Semiotica, n° 1, 1969, p. 185-196.
305 REY-DEBOVE J. « Autonymie et métalangage », Cahiers de lexicologie, n° 2, 1967, p.15-27,
et aussi Le métalangage : étude linguistique du discours sur le langage, Paris, Armand Colin,
1997 (2e édition), p. 77-78.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 211
ne peut être qu’un discours sur le signe306, dans la mesure où les définitions ne
sont pas le reflet d’une vérité du monde, mais d’un discours sur le monde. Nous
considérons que le contenu explicatif de la définition peut porter sur deux
types d’éléments distincts, selon qu’il s’agit d’informer sur le contenu
notionnel, c’est-à-dire de rendre compte de l’analyse de la signification des
emplois d’un terme en discours, ou sur le mot lui-même, c’est-à-dire le signenommant, en tant qu’élément du système langue. Ces deux informations
s’inscrivent toujours dans une visée socio-subjective.
5.1.3. La définition comme matériau d’analyse
L’hypothèse qui a été faite est que l’un et l’autre de ces axes sont autant
d’indicateurs d’une certaine organisation du système (en termes sémantique et
sémiotique) et, dès lors, d’indicateurs d’un certain rapport à la norme. La
définition lexicographique est une double source d’information :
information de type conceptuel, sémantique qui renvoie à l’idée
abstraite que l’on a du référent, à la réalité telle que les locuteurs et le
lexicographe la perçoivent (discours métalinguistique) ;
- information de type métalinguistique, dans sa fonction descriptive du
signe-nommant, tel que le lexicographe et les locuteurs le perçoivent
(discours méta-métalinguistique).
-
Ces deux aspects conjoints, sorte de miroir des normes socioculturelles et de
la norme linguistique, justifient l’approche adoptée. Si d’aucuns considèrent le
matériau définitoire comme lacunaire dans la pratique lexicographique, il
constitue pour nous une précieuse source d’information, car la définition
dictionnairique devient un objet normé présenté comme « interprétant » de
données non conventionnelles.
Par conséquent, il ne sera pas surprenant de voir les définitions, et plus
exactement des éléments de définition, varier d’un dictionnaire à l’autre, eu
égard à une orientation éditoriale plus ou moins affirmée307. L’élément définitoire rend compte de la structure du système dans lequel s'insère le défini, et
de ce fait, le construit. Ainsi, sélectionner un définissant plutôt qu'un autre
revient à refléter ou à créer une organisation plutôt qu'une autre. Nous avons
néanmoins pris le parti de nous en tenir à notre dictionnaire de référence, le
PR 2001.
306
Selon Alain Rey, la définition de chose ne peut être rendue par une définition
lexicographique, cette dernière explicitant des signifiés en essayant de distinguer non des
concepts et des classes de choses, mais des sens et des classes d’usages, d’emplois. Cf. REY A.,
La terminologie, Paris, P.U.F., Que sais-je ?, n° 1780, 1992, p. 41.
307 Pour une comparaison des définitions du TLF et du GRLF, voir le développement de
CORBIN P., « Le monde étrange des dictionnaires : le commerce des mots », op. cit.
212 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Nous avons alors travaillé dans une double perspective. D’une part, nous
avons observé les procédures définitoires utilisées par le lexicographe afin de
gloser les termes familiers, en cela qu’elles reflètent le rapport entre lexique
marqué et lexique non marqué, établi par le discours métalinguistique du
dictionnaire. Nous avons considéré la définition dictionnairique comme objet
d’un discours socioculturellement institué porté sur le lexique standard.
D’autre part, et de façon corrélative, nous avons considéré chaque définition
comme un sémème idéalisé, mais un sémème tout de même, propre à informer
sur le contenu sémantique des items. Nous avons recherché les caractéristiques
sémantiques propres au lexique familier à partir de spécifications mises au jour
par la définition, entre défini et définissant.
L’objectif est de comparer, d’un point de vue sémiotique308 et sémantique, les
unités marquées FAM. de notre corpus, avec les périphrases définitoires, c'est-àdire avec les équivalents sémantiques qu’en propose le dictionnaire. Les
définitions dictionnairiques ont été analysées en tant que restitution du
contenu lexical des signes au sein d’un système culturel, c’est-à-dire en tant
que métadiscours rendant compte d’une « image sociale » de la langue.
Nous postulons que la fonction essentielle de l’objet dictionnaire est de
refléter le système tel qu’il est perçu par le lexicographe – et les locuteurs –,
opérant à la fois par rapprochements et par distinctions entre des sens. Par ces
réseaux de relations formalisés par les procédés définitoires, le défini est situé,
à l’intérieur d’un système, structuré à l’aide de caractères distinctifs.
5.2. LES PROCÉDÉS DÉFINITOIRES
5.2.1. L’activité définitionnelle
Définir est une activité langagière qui se traduit par la formulation d'une
proposition nommée prédication définitionnelle, composée de deux membres :
le défini et la définition (ou prédicat), liés par une copule (est, signifie). C’est
« l’opération logique la plus ancrée dans les conventions qui régissent le fonctionnement du langage »309. La définition est donc un énoncé formulé en
308
Sémiotique utilisé ici au sens benvenistien de théorie générale des modes de signifier des
signes linguistiques, comme « un ensemble d’activités et de systèmes langagiers et culturels »,
REY A., DELESALLE S., « Problèmes et conflits lexicographiques », Langue française, n° 43,
1979, p. 5.
309 ROVENTA-FRUMUSANI D., « La définition et l’acte de définir », Revue roumaine de
linguistique, vol. XXVI-2, 1981, p. 138.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 213
langue, sémantiquement équivalent et substituable au défini. C’est une
équation sémique qui se présente sous forme d’une paraphrase ou périphrase310
synonymique composée par d’autres mots de la langue.
Selon Paul Imbs, « en définissant les mots, l’esprit les créé en tant qu’objets
de définition. Or, en les créant, il leur impose du même coup les catégories
dans lesquelles il les classe (…). On imagine assez bien les catégories comme un
ensemble de cadres sémantiques de plus en plus généraux et s’emboîtant les
uns dans les autres, la catégorie la plus étroite (et donc la plus particularisée) se
situant au cœur du cercle, et les plus larges (et donc les plus générales)
disposées en cercles concentriques autour du petit cercle central (…). Une
catégorie représente nécessairement un genre prochain, de compréhension
plus abstraite et plus générale que le mot à définir, et elle ne devient
l’équivalent de ce mot que moyennant l’indication de la ‘différence
spécifique’ »311. C’est la définition aristotélicienne par excellence, qui exprime
l’essence de la chose désignée par le moyen d’une indication classificatoire
générale et une ou plusieurs notations caractéristiques spécifiques. L’incluant
peut être conçu comme « un genre prochain » du défini, qui inclut la classe des
référents de ce dernier dans une classe plus vaste au sein de laquelle ses
particularités distinctives sont exprimées par une (ou des) spécificité(s). Cette
définition par inclusion se traduit, de coutume, par un énoncé bipolaire
précisant le définissant et la spécificité du défini.
Mais, de toute évidence, ce modèle d’organisation lexicographique du
lexique en cercles concentriques doit être relativisé. En effet, chaque terme
d’une langue n’est pas nécessairement inclus dans une catégorie ou, pour le
moins, cette catégorie incluante n’est pas perçue spontanément comme telle
par les locuteurs. Le définissant retenu par le lexicographe ne sera donc pas
systématiquement un incluant, mais parfois seulement une catégorie voisine (si
c’est celle qui vient le plus naturellement à l’esprit). De plus, la volonté didactique qui anime le lexicographe le conduit à envisager des formes multiples de
définitions permettant de rendre compte de l’unité lexicale recherchée et de
ses liens avec les autres unités.
En établissant ces relations de rapprochement et de distinction, la définition
place le défini à l'intérieur d'un système notionnel ou conceptuel et aussi
310
Josette Rey-Debove préfèrera ce dernier terme, « ceci pour deux raisons. D'abord parce que
la paraphrase s'applique à un énoncé, alors que la périphrase s'applique à un mot, en
l'occurrence, le mot-entrée. Ensuite parce que la paraphrase prend des libertés avec le contenu,
alors que la périphrase constitue simplement une autre dénomination », Étude linguistique et
sémiotique…, op. cit., p. 192.
311 IMBS P., « Au seuil de la lexicographie », Cahiers de lexicologie, n° 2, 1961, p. 10.
214 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
l’insère dans un système linguistique ou lexical. On peut alors, dans un second
temps, accéder à une organisation générale du lexique. Ainsi, les procédures
utilisées pour gloser les entrées contenues dans le dictionnaire vont-elles
différer selon le terme à définir et mettre au jour les liens les plus pertinents et
les plus efficaces avec le « reste » du lexique.
Les procédures utilisées pour définir les termes marqués de notre corpus
permettent de dégager les rapports qu’ils entretiennent avec le « reste » du
lexique ou, plus exactement, le rapport que le lexicographe pointe avec les
autres unités lexicales non marquées. Chaque procédé reflète un point de vue
spécifique sur l’organisation du lexique (formel, sémantique, étymologique,
etc.). Nous allons indiquer quels sont les types définitionnels les plus
fréquemment répertoriés, et comment nous avons été contraints d’établir notre
propre taxinomie du fait de la singularité de notre corpus.
5.2.2. Limites des typologies traditionnelles
Les procédures utilisées par les lexicographes afin de définir les entrées du
dictionnaire ne sont pas si nombreuses. Une première typologie a été élaborée
par Bernard Quémada, sur la base d’une analyse détaillée des dictionnaires,
notamment du Littré312. Il s’appuie tant sur la démarche logique (fondement
conceptuel de la définition) que sur la formulation et la nature des éléments
constitutifs de la définition (analyse formelle du définissant), ces deux
démarches étant complémentaires. Cela l’amène à répartir les définitions en
deux catégories principales : les procédés définitoires directs (définition par
inclusion) et indirects (définition synonymique). Cependant, les données sur
lesquelles Quémada fonde sa description ne sont pas le reflet des pratiques
lexicographiques actuelles, mais celles du XVIe au XIXe siècle, c’est pourquoi
nous avons été conduite à nous intéresser à des corpus contemporains.
Les études méta-lexicographiques plus récentes diffèrent quelque peu, en
effet, de celle menée par Quémada et l’essentiel des catégories retenues sont les
définitions par inclusion, les définitions synonymiques et les définitions dérivationnelles. Nous reproduisons ci-après, figure 7, le modèle proposé par
Robert Martin313, qui représente le « type » de typologie le plus répandu et le
plus fréquemment repris dans la littérature.
312
313
QUEMADA B., Les dictionnaires du français moderne…, op. cit., p. 391-464.
MARTIN R., Pour une logique du sens, Paris, P.U.F., 1983, chapitre II.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 215
Figure 7 : Typologie des formes définitoires selon Martin314
Cependant, nous n’avons pas pu adopter exactement cette taxinomie, ni
aucune autre d’ailleurs, comme modèle. En effet, les démarches descriptives
sont souvent plus théoriques qu’empiriques et ne restituent pas l’intégralité des
procédures observables dans les dictionnaires. Les catégorisations présentées se
sont ainsi avérées insuffisantes pour rendre compte de la totalité de notre
corpus et ne nous ont pas permis d’en présenter un classement exhaustif.
314
Ibidem, p. 63.
216 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Reprenons notre exemple :
chiader « travailler, préparer (un examen, etc.) »
Selon la typologie de Martin, comment doit-on catégoriser cette définition ?
La parenthèse précisant le type de complément accepté par le verbe apporte
une certaine ambiguïté que le modèle ne lève pas. Si l’on considère chiader
comme « préparer quelque chose », c’est une définition synonymique, alors que
si l’on interprète chiader comme « préparer un examen », on devra décrire
l’énoncé comme une définition hypéronymique conjoncturelle.
Quant à gratouiller « gratter légèrement », doit-on considérer qu’il s’agit
d’une définition hypéronymique ou dérivationnelle ? Les deux types ne sont
pas en opposition mais dépendent des points de vue différents par lesquels on
traite l’objet. Ce sont donc des catégories qui ne nous semblent pas distinctives.
Et comment considérer kiffer « prendre du plaisir » ? S’agit-t-il d’une locution
verbale synonymique ?
Ces difficultés sont principalement liées au fait que nous examinons un
corpus exclusivement verbal, ce qui n’est pas sans implication sur les types de
définitions utilisées. En effet, les méthodes définitoires se différencient
sensiblement selon les catégories lexicales, et il est important de noter que la
grande majorité des auteurs ont travaillé non pas sur des verbes mais sur des
substantifs, plus faciles à circonscrire dans leur relation référentielle au monde.
La recherche du genre prochain qui est le problème majeur des lexicographes est plus complexe encore dès lors qu’il s’agit d’entrées verbales qui ne
se prêtent que peu à la catégorisation, contrairement aux entrées nominales. La
hiérarchie des concepts d’actions ou d’états n’est, en effet, pas aussi assurée que
celle des concepts nominaux, le défini appartenant à la classe des signesnommant et non à celle des choses-nommées. Par conséquent, la relation
d’inclusion avec le défini verbal est souvent rendue difficile, les notions
d’espèce et de genre ne se prêtant pas aux verbes. En effet s’agissant de verbes,
les relations entre défini et définissant, correspondent à un autre mode de mise
en rapport sémantique que celui habituellement constaté. C’est la raison pour
laquelle nous avons adapté les modèles traditionnels à la nature de notre
corpus.
5.2.3. Présentation des procédés définitoires du corpus
C’est à partir des limites des taxinomies des procédures définitoires
existantes que nous avons catégorisé de manière singulière notre corpus. Ces
regroupements n’ont pas vocation à apporter une typologie nouvelle des
formes définitoires, mais à nous permettre d’opérer des convergences
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 217
significatives. Bien entendu, nous nous sommes largement inspirée des
différents auteurs sur le sujet (avec une certaine prédominance pour les
travaux de Josette Rey-Debove315, dont l’étude linguistique des dictionnaires
nous a paru la plus exhaustive), mais nous avons adapté notre taxinomie aux
spécificités de notre corpus.
Nous avons dégagé la construction syntaxique des phrases définitoires
proposées comme énoncé équivalent sémantiquement à l’entrée-définie en
retenant les éléments suivants
le DÉFINISSANT : les éléments constituant la définition, en opposition
au défini ;
- le DÉFINI : le mot-entrée ou l’acception considérée comme telle ;
- le DÉFINISSEUR : le verbe principal de l’énoncé définitoire ;
- les SPÉCIFIEURS, les éléments supplémentaires venant apporter une
spécification sur le définisseur.
-
Nous avons dégagé neuf types de procédés en fonction de la nature des
éléments qui composent les définitions. Nous les récapitulons, dans le tableau
ci-dessous (tableau 9). L’intégralité de ce classement est présenté en annexe 4.
Type de
définition
Définissant
Défini
Définisseur
Spécifieur
1
BANQUER
payer
2
CHIGNER
3
BAFRER
grogner
pleurnicher
manger
4
S’ENGUEULER
se disputer, se quereller
gloutonnement et
avec excès
de façon violente
5
CRAMER
6
CACHETONNER
brûler,
se consumer
courir
complètement
le cachet
7
LEZARDER
8
BANQUER
9
GLAVIOTER
faire
paresser
donner
payer
[Cf. GLAVIOT]
le lézard
au soleil
de l’argent
Tableau 9 : Typologie des procédés définitoires retenus
315
REY-DEBOVE J., Étude linguistique et sémiotique…, op. cit., chapitre 6.
218 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
• Type 1 (représente 88/410 items, soit 21,5 % du corpus)
La définition est uniquement constituée d’un définisseur, c'est-à-dire d’un
verbe assurant à lui seul le rôle de définissant.
barber « ennuyer »
se biturer « s’enivrer »
banquer « payer »
• Type 2 (représente 46/410 items, soit 11,2 % du corpus)
La définition est constituée de deux (rarement trois) verbes définisseurs,
séparé par une virgule.
chigner « grogner, pleurnicher »
chiper « dérober, voler »
cavaler « courir, fuir, filer »
• Type 3 (représente 105/410 items, soit 25,7 % du corpus)
La définition est constituée d’un verbe définisseur qualifié par un ou
plusieurs spécifieurs, pouvant porter sur les actants ou les circonstants du
procès.
bâfrer « manger gloutonnement et avec excès »
se bidonner « rire beaucoup »
cafarder « dénoncer en faisant le cafard »
• Type 4 (représente 23/410 items, soit 5,6 % du corpus)
La définition est constituée de deux définisseurs, qualifiés par un même
spécifieur. Il s’agit d’une définition par conjonction qui procède par factorisation pour reprendre un terme issu des mathématiques :
attifer « habiller, parer avec une recherche excessive ou d’une manière ridicule »316
engueuler « se disputer, se quereller, de façon violente »
buter « tuer, assassiner avec une arme à feu, dans un mauvais coup, dans un
règlement de compte »
Elle sera considérée comme une définition mixte, rapprochant un énoncé de
type 2 et un énoncé de type 3.
• Type 5 (représente 14/410 items, soit 3,4 % du corpus)
La définition est mixte ou multiple et présente deux définisseurs séparés par
une virgule (ou un point-virgule) à valeur disjonctive. L’un des segments sera
un définisseur (type 1), l’autre un définisseur spécifié (type 3) :
mégoter « lésiner, chercher les profits dérisoires »317
cramer « brûler complètement, se consumer »
reluquer « considérer une chose avec convoitise ; guigner »
316
317
Devant être compris comme « (habiller, parer) avec une recherche excessive ».
Devant être compris comme « (lésiner), (chercher les profits dérisoires) ».
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 219
mâchouiller « mâchonner ; mâcher sans avaler »
Il ne semble pas que l’on puisse observer une préférence pour un ordre
(définisseur spécifié + définisseur) plutôt qu’un autre (définisseur + définisseur
spécifié). En revanche, dans ce dernier cas, l’ambiguïté avec le type 4 est levée
par la présence d’un point-virgule entre les deux syntagmes définitoires.
• Type 6 (représente 92/410 items, soit 22,5 % de notre corpus)
Cette définition présente comme définissant un syntagme verbal dont le
définisseur n’est pas tout à fait autonome. Comme nous le verrons ci-après, il
peut s’agir de verbes supports, opérateurs ou auxiliaires, formant des collocations ou locutions verbales, certaines faisant l’objet de qualifications
spécifiques, d’autres pas. Nous les avons appelées définisseurs non prédicatifs318.
complexer « donner des complexes (à qqn) »
crapoter « tirer sur une cigarette sans vraiment fumer, sans avaler la fumée »
cocufier « faire cocu »
• Type 7 (représente 15/410 items, soit 3,7 % du corpus)
La définition est mixte, formée d’un syntagme verbal de type 6 et d’un
définisseur de type 1.
lézarder « faire le lézard, paresser au soleil »
fuguer « faire une fugue, s’enfuir du milieu familial »
• Type 8 (représente 13/410 items, soit 3,2 % de notre corpus)
Le définissant est, là encore, mixte, formé d’un syntagme verbal de type 6 et
d’un définisseur spécifié de type 3.
banquer « donner de l’argent, payer »
se cuiter « prendre une cuite, s’enivrer »
• Type 9 (représente 13/410 items, soit 3,2 % de notre corpus)
Le définissant n’est pas composé d’un définisseur mais correspond à un
renvoi lexicographique :
droguer « => attendre »
piailler « => crier »
glaviot « cf. glavioter »
A partir de ces données, nous avons relevé d’une part les incidences de la
forme syntaxique (définisseur + spécifieur) et, d’autre part, le type de spécification apportée par la prédication définitionnelle.
318
Sur le sujet, voir FRANCOIS J., « Verbes prédicatifs et verbes non prédicatifs », Cahier de
recherche linguistique LanDisCo, n° 14, 1998.
220 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Ainsi, se révèle :
une photographie du lexique marqué (défini) au regard du lexique
standard (définissant), mettant en évidence la forme définitoire utilisée
par le dictionnaire (définisseur ou définisseur + spécifieur),
- le rôle de cette définition dans la qualification du procès familier (la
nature des éléments assurant le rôle de spécifieurs).
-
5.3. DISCUSSION DES IMPLICATIONS THÉORIQUES
DES TYPES DÉFINITOIRES RETENUS
Nous discutons dans cette section l’ensemble des types de définitions observés, en réservant une place toute particulière aux quatre procédés les plus
significatifs :
définisseur unique (type 1),
- deux ou plusieurs définisseurs (type 2),
- définisseur + spécifieur (type 3),
- définisseur non prédicatif + spécifieur (type 6).
-
Les types 4, 5, 7, 8, sont des procédés qui combinent les définitions de type
1, 3 ou 6. Mentionnés en fin d’analyse, ils ne font pas l’objet d’un traitement
spécifique, tout comme les définissants de type 9 par renvois. En revanche, les
raisons qui nous ont conduite à ne pas reconnaître la définition morphosémantique comme un type de définition particulier, sont exposées en fin
d’analyse, où sont abordées les questions relatives aux éléments morphosémantiques présents dans le contenu définitionnel.
5.3.1. La définition par définisseur unique (type 1)
Ce premier procédé définitoire consiste à réduire la glose à un vocable
synonyme. Le défini est alors explicité par référence à une représentation
verbale censée être déjà connue. Il correspond aux définitions par synonymie
(ou plus rarement antonymie) décrites dans les typologies traditionnelles.
Ce type de définition permet d'évoquer le sens d'un mot en renvoyant à un
autre, dont le sens est posé comme équivalent. La définition ne prétend, a
priori, à aucune explication de la nature du procès signifié. Il s’agit d’un
procédé définitoire indirect (cf. Quémada), obligeant le lecteur à rechercher le
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 221
sens du définissant, s’il lui est inconnu. Le dictionnaire monolingue fonctionne
ici comme un dictionnaire bilingue en fournissant une sorte de « traduction »
du défini. Le défini l’est par équivalence de signe319. Par exemple :
banquer « payer »
roupiller « dormir »
barboter « voler »
becter « manger »
déglinguer « disloquer »
se biturer « s’enivrer »
L’analogie avec la lexicographie bilingue est d’autant plus justifiée qu’il
s’agit d’établir une équivalence entre signe marqué (défini marqué FAM.) et un
définissant non marqué. Rappelons en effet que les contraintes didactiques qui
pèsent sur l’entreprise dictionnairique obligent le lexicographe à faire, dans le
discours qu’il produit, un usage exclusif du lexique standard (à l’exception,
nous le verrons, des définitions dites morphosémantiques). Les gloses seront
donc strictement composées de termes non marqués.
Aussi, si la définition synonymique est, de coutume, considérée comme un
raccourci méthodologique pouvant répondre à des contraintes économiques de
gain de place320, il apparaît cependant qu’elle est légitimée ici par des orientations linguistiques (ou devrions-nous dire idéologico-linguistiques). En effet,
et bien que la motivation didactique, fonctionnelle, de l’utilisation d’un discours « neutre » dans la forme définitoire soit pertinente, il ne fait aucun doute
que l’usage de la définition de type synonymique fait écho à la conception
dominante de la notion de registre de langue dans une dynamique normative.
Dans la mesure où le registre de langue est envisagé comme une façon
différente de dire la même chose, il n’est pas surprenant de voir traiter de
nombreux termes marqués comme des « homologues » de termes standards.
La notion de « langue familière » prend alors toute sa dimension : roupiller,
en langue familière, a pour équivalent dormir en langue standard, à cette
différence près que la langue source et la langue cible appartiennent au même
code, contrairement à ce qui se passerait en véritable lexicologie bilingue, pour
laquelle la prédication définitionnelle *to cry is pleurer ou *pleurer c’est to cry
est impossible. Les termes du lexique familier sont donc compris comme un
équivalent, un homologue, un doublon d’un terme non marqué ; le
dictionnaire se contentant d’en effectuer une traduction.
319
Sur ce sujet, voir DUVAL A., « L’équivalence dans le dictionnaire bilingue », in
HAUSSMANN et al., Wörterbücher, ein internationales Handbuch zur Lexikographie, op. cit.,
tome 3, p. 2817-2824.
320 Cet aspect du travail lexicographique doit être pris au sérieux, tant certaines évolutions,
notamment dans la présentation des entrées, peuvent en dépendre (et donc ne trouver aucune
justification linguistique). Sur les incidences matérielles dans la présentation des faits
linguistiques dans les dictionnaires, voir MARTINEZ C., «La hiérarchie des changements sur
une page de dictionnaire, principe appliqué à l’évolution des marqueurs dans les Petit Larousse
1997 à 2007 », in Colloque La marque lexicographique : quel avenir ?, Larnaka, 2006, à paraître.
222 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Le discours dictionnairique, à travers la définition, en est rendu strictement
métalinguistique321. Si l’on transforme l’énoncé roupiller « dormir » en
prédication définitoire, nous aurons : roupiller (signifie) dormir ; le sens de
signifie n’étant pas de l’ordre de la copule « est » mais plutôt de « veut dire » :
roupiller veut dire dormir. Ce type de définition synonymique induit une
conception autonymique du défini, la paraphrase définitionnelle pouvant se
traduire par : le mot roupiller en langue familière (langue cible) signifie dormir
en langue standard (langue source). Le dictionnaire monolingue, comme le
dictionnaire bilingue, opère donc un transcodage d’une unité d’une langue à
une unité de l’autre et l’information de contenu s’exprime d’abord dans une
concordance de signes et non de signifiés référents.
Les incidences sont doubles :
• Du point de vue sémiotique :
Roupiller assurerait une fonction désignative par rapport à dormir qui, par
le biais de sa propre définition, assurerait la fonction significative.
Certes, ces notions sont d’autant plus difficiles à manipuler en sémantique
que nous sommes en présence d’unités verbales et non de noms concrets mais
nous pouvons poser que la forme synonymique de la définition
lexicographique présente l’entrée dormir comme renvoyant au référent dormir
en utilisant le signe dormir, alors que l’entrée roupiller intervient comme un
signifiant alternatif du signe dormir. Le type de définition synonymique induit
une différence sémiotique fondamentale entre chacun des segments qu’il
présente. Le défini marqué sera toujours considéré comme signe-autonyme, et
seul le définisseur (donc nécessairement non marqué) pourra assurer la
fonction de signe-signifié322. Ce n’est donc que par le biais du référent du
définisseur que l’on peut atteindre le sens du défini. Ceci nous amène à
considérer que la norme linguistique standard se présente comme interprétant
du registre FAM.
• Du point de vue des relations sémantiques :
Cette présentation dictionnairique implique de poser la question de la
relation synonymique, qui s’exprime en milieu hétérogène (marqué, « langue
familière » / non marqué, « langue standard »).
321
Pour un développement de cet aspect du discours lexicographique, cf. REY-DEBOVE J., Le
métalangage…, op. cit.
322
Selon les termes de REY-DEBOVE J., « La métalangue dans les dictionnaires bilingues », in
HAUSSMANN et al., Wörterbücher, ein internationales Handbuch zur Lexikographie, op. cit.,
tome 3, p. 2859-2865.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 223
Deux termes sont posés comme vrais synonymes s’ils ont le même sémème,
si l’on ne peut dégager de sèmes différentiels. Reprenant la terminologie de
Pottier, on devra alors envisager que le type de glose choisi par le dictionnaire
présente, par la relation synonymique, une équation sémique du type :
Le sémème de A (défini) est égal au sémème de B (définissant)323.
L’ensemble des traits qui constituent le sémème de roupiller ou de
déglinguer se retrouve respectivement dans le sémème de dormir ou de
disloquer, et réciproquement. C’est de cette identité que rend compte la
définition lexicographique. Au-delà d’une équivalence de signe, et bien que la
prédication définitoire (roupiller « dormir ») ne présente pas d’équivalence
sémantique formelle, le référent de dormir et roupiller est supposé le même :
En vacances, on roupille toute la matinée = en vacances, on dort toute la matinée324.
Roupiller et dormir, déglinguer et disloquer, etc., sont supposés être
interchangeables, sans que le sens de la phrase, sur le plan référentiel, n’en soit
modifié.
Cette hypothèse ne s’oppose pas aux travaux des synonymistes qui ont montré que l’équivalence totale n’existe pas, selon le principe structural du « besoin
de différenciation » de toute langue325. Ils lui ont alors préféré la notion de
quasi-synonymie. En effet, la relation synonymique, telle que présentée, est
relativisée par la présence de la marque d’usage, qui s’interprète du côté de la
connotation. Pour de nombreux auteurs, à l’instar de Robert Martin326, ce qui
différencie policier de flic et donc, on peut le supposer, roupiller de dormir, est
de l’ordre de la connotation, puisqu’il existe une identité de formule sémique
entre chacun des termes, formant une paire d’équivalence. Dans la mesure où
les patrons sémantiques sont les mêmes, la différence se situe ailleurs, au
niveau de l’énonciation. Le lexique familier est alors envisagé comme une
alternative énonciative du lexique standard (plus vulgaire, plus grossière), la
marque FAM. faisant office de trait pertinent extra-linguistique. La variation
registrale serait alors strictement pragmatique, énonciative, et n’assurerait
aucune fonctionnalité au niveau du système linguistique lui-même.
323
POTTIER B., « La définition sémantique dans les dictionnaires », Travaux de linguistique et
de littérature, n° 3, 1965, p. 33-41.
324
Le signe mathématique « = » nous semble plus adapté que l’ambiguïté de « signifie » ou
« est », étant donné l’identité postulée de l’équation sémique des deux termes.
325 FREI H., La grammaire des fautes, Genève, Slatkine Reprints, 1972.
326 MARTIN R., Inférence, antonymie et paraphrase, Paris, Klincksieck, 1976, p. 98.
224 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Nous le verrons plus loin (§ 5.4), cette conception est sujette à discussion.
Elle suppose en effet que les connotations énonciatives restent localisées au
niveau de l’effet pragmatique du discours, sans qu’il n’y ait de retentissement
sémantique. Or, il est difficile d’envisager que les usages « vulgaires, grossiers »
sont totalement déconnectés de leur composante sémantique.
Pour l’heure, constatons que le dictionnaire, par ces procédures définitoires
de type 1, entérine – et donc légitime – une relation selon laquelle le verbe
familier décrit une alternative à une relation sémantique déjà inscrite dans le
lexique. Le verbe n’est qu’une doublure d’une unité existante et, sans doute
pouvons-nous avancer que cette présentation des termes marqués sous forme
d’équivalent synonymique strict aboutit à « exclure les mots ainsi traités du
système, puisqu’ils sont « traduits » et non définis comme le sont les mots de la
langue standard »327. La notion traditionnelle de « registre de langue » se trouve
ainsi institutionnalisée par le discours lexicographique qui justifie, au moyen
d’un procédé définitoire synonymique, le statut désignatif des items marqués
FAM., comme doublons d’items normés. Cette pratique lexicographique
renforce une conception normative du lexique comme structure hiérarchisée
où la marque lexicographique assure un rôle d’« avertissement » prescriptif,
permettant de séparer « le bon grain de l’ivraie », les « beaux mots » des
« vilains mots ». Ainsi que nous avons pu le développer aux § 1.2 et § 1.3, cette
conception entérine un jugement de qualité sur la langue.
5.3.2. La définition par deux ou plusieurs définisseurs (type 2)
Si l’on reprend notre comparaison avec la lexicographie bilingue, ce type de
définition induit que le signe en langue cible (familier) n’a pas d’équivalent
direct en langue source (standard). Cette présentation laisse supposer que la
réalité dont il faut rendre compte n’existait pas exactement dans l’univers
culturel du locuteur de la langue source.
Deux options sont retenues par le lexicographe :
a) Soit le définissant est constitué d’un définisseur polysémique, un second
définisseur est alors nécessaire pour orienter la compréhension du premier et
lever une possible ambiguïté.
gamberger (2) « calculer, combiner »
péter (3) « briser, casser »
Dans ces cas, le second définisseur fait office d’excluant.
327
GIRARDIN C., « Contenu, usage social et interdits dans le dictionnaire », op. cit., p. 88.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 225
Afin de définir gamberger, ne seront retenus que les traits qui constituent le
sémème de calculer pris dans le sens de « agir par calcul », c'est-à-dire « moyens
que l’on combinent pour parvenir à ses fins ». Ou bien on pourrait dire que le
définisseur de péter est le verbe briser au sens de casser (et non pas de déferler,
« les vagues brisent la côte », ou encore de supprimer, « briser le courage,
l’ambition »).
b) Soit le définissant est compris comme la jonction du sémème de deux
définisseurs. Nous sommes alors dans le cas d’un procès spécifié.
dinguer « tomber, être projeté »
rouscailler « réclamer, protester »
Ici, le second définisseur fait office de conjonction, il oriente le procès de
dinguer non pas en le réduisant, mais en le spécifiant : dinguer, c’est en
quelque sorte « tomber violemment ». Tout le sémème de tomber est retenu,
mais il est qualifié par un trait spécifique de projeté (le caractère violent). De la
même façon, rouscailler, c’est « réclamer, par la protestation ».
Cependant, il est parfois malaisé de distinguer ces deux cas, la notion de
synonymie étant elle-même assez lâche. Ainsi, pour l’exemple suivant : se
marrer « s’amuser, rire », doit-on comprendre que rire vient compléter le
sémème de s’amuser (se marrer « s’amuser en riant ») ou le spécifier, le réduire
(se marrer, c’est s’amuser au seul sens de rire et non pas de faire un jeu, par
exemple).
Il apparaît que la définition à deux définisseurs constitue une sorte de
compromis entre une définition contextualisante et un strict équivalent de
signe (définition de type 1). Cependant, dans la mesure où l’un des définisseurs
se voit spécifié par l’autre, par restriction (a) ou conjonction (b), les définitions
du type 1 et 2 sont à rapprocher du type 3, présenté ci-après.
5.3.3. La définition par définisseur + spécifieur (type 3)
Nous avons considéré le définissant comme constitué d’un définisseur et
d’un ou plusieurs spécifieurs, qui viennent en qualifier le procès. Ce type de
définition rappelle la définition par inclusion, répertoriée comme la plus
emblématique dans toutes les taxinomies, qui implique une relation
d’hyponymie entre le défini et le définisseur, selon la formule suivante :
Si la phrase « c’est un X » ou « c’est du X » implique unilatéralement « c’est un
Y », ou « c’est du Y », alors X est hyponyme et Y hypéronyme.
226 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Ainsi :
C’est une tulipe implique unilatéralement c’est une fleur.
Alors que c’est une fleur n’implique pas nécessairement c’est une tulipe.
Tulipe est l’hyponyme de fleur, qui lui est hypéronyme.
Du point de vue de la logique classique, on représentera la relation comme
suit :
Si X hypéronyme et Y hyponyme, alors Y (Y ⊂ X et X ⊄ Y ).
Fleur est hypéronyme de tulipe, la classe des tulipes est donc incluse dans la
classe des fleurs, c'est-à-dire que les tulipes ont toutes les propriétés
définitoires des fleurs et quelques supplémentaires qui les distinguent d’autres
fleurs : des roses, des marguerites, etc.
Cependant, cette relation n’est valable que pour les substantifs, la classe des
verbes – nous l’avons précédemment noté – se prêtant difficilement à ce type
de hiérarchisation des concepts. En effet, dans le cas des verbes, « au lieu d’une
hiérarchie-être assurant le passage d’un niveau de généralité à un autre par
intégration, on procède ici par stipulation d’une équivalence entre le sens d’un
vocable simple et celui d’un groupe de deux termes ou plus, unis par une
relation de détermination, de telle sorte que le déterminé est appréhendé
comme plus général »328. Il est donc nécessaire, pour les verbes, d’étendre la
compréhension que nous avons du concept d’inclusion de classes et, par là
même, du concept de « différence spécifique » : l’incluant s’exprimant de façon
périphrastique et la différence spécifique devenant une qualification, une
détermination du verbe, une extension spécifiante.
Dans ce contexte, nous parlons de relation hypo/hypéronique afin de nous
situer dans le cadre des relations entre signes et non entre objets et, plus
largement, d’hypéronymie lexicographique plutôt que strictement lexicale.
Afin de déterminer les relations que le dictionnaire établit entre défini et
définissant, nous avons utilisé le test d’hypo/hypéronymie, adapté aux verbes
par D. A. Cruse329 et que Kleiber et Tamba formalisent comme suit :
C’est un homme qui a assassiné quelqu’un ⊃ C’est un homme qui a tué
quelqu’un
Assassiner sera alors considéré comme hyponyme de tuer.
KLEIBER G., TAMBA I., « L’hyponymie revisitée : inclusion et hiérarchie », Langages, n° 98,
1990, p. 30.
329 CRUSE D. A., Lexical semantics, Cambridge Textbooks in Linguistics, Cambridge University
Press, 1986, p. 88 : « Where f ( X) is an indefinite expression, and represents the minimal
syntactic elaboration of a lexical item X for it to function as a complement of the verb to be. »
328
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 227
Par conséquent, aussi différents soient-ils, nous avons considéré les énoncés
définitoires suivants comme instaurant une relation hypéronymique avec le
défini :
bâfrer « manger goulûment et avec excès »
c’est un homme qui a bâfré le rôti
c’est un homme qui a mangé le rôti
⊃
merdoyer « s’embrouiller dans une explication, dans des démarches maladroites »
c’est un homme qui a merdoyé lors de son entretien
c’est un homme qui s’est
embrouillé lors de son entretien
filocher « suivre (qqn) pour l’épier »
c’est un homme qui filoche sa femme
c’est un homme qui suit sa femme
⊃
⊃
L’examen révèle que la relation hypéronymique est toujours orientée de la
même façon, c’est-à-dire que l’hypéronyme correspond systématiquement au
définisseur, donc à un verbe non marqué, l’hyponyme étant le verbe marqué.
Nous pourrions représenter cette équation par :
V. FAM. = V. non marqué + spécifieur
Le procès marqué est proposé par le dictionnaire comme un équivalent d’un
procès non marqué déterminé spécifiquement, et ce, toujours dans ce sens.
Nous pouvons donc avancer, à nouveau, que l’inclusion référentielle du verbe
marqué s’opère dans le verbe standard. C’est par le référent du verbe standard
que l’on atteint celui du défini, du verbe marqué, à une différence spécifique
près. D’un point de vue sémiotique, nous avons affaire à une condensation à un
seul vocable marqué FAM., d’un verbe non marqué doublé d’une spécification.
Par ailleurs, nous avons constaté que le spécifieur, venant caractériser le
procès familier, porte systématiquement sur les circonstants du procès et qu’il
est essentiellement une indication de la manière (plus rarement du moyen, de
la cause ou de la finalité) dont le procès se réalise.
bêcher « critiquer (qqn) vivement »
dansoter « danser un peu »
moucharder « surveiller en vue de dénoncer »
emberlificoter « embrouiller qqn pour le tromper »
Le définissant se manifeste principalement par un définisseur (hypéronyme), associé à un adverbe ou une locution adverbiale. C’est la forme traditionnellement constatée dans les relations hypo/hypéronymiques entre
verbes330.
Ainsi, apparaît-il que la détermination spécifique des verbes familiers porte
sur la façon dont le procès se déroule. Elle a pour fonction de préciser leur
mode d’action, plus rarement le moyen, l’instrument, ou sa finalité. C’est en
330
Cf. LYONS J., Éléments de sémantique, Paris, Larousse, 1978, p. 239.
228 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
quelque sorte une modalisation de la réalisation de l’action qui fait partie des
propriétés définitionnelles du défini comme l’induit la relation hypo/hypéronymique unissant le défini et le définisseur. En effet, si syntaxiquement ce
spécifieur relève de l’extension du définisseur, des circonstants (donc facultatif
dans la réalisation de ce dernier), sémantiquement il s’avère être totalement
indispensable à la caractérisation du défini, selon le principe de non récursivité
de la relation hypéronymique : si je dansote, je danse (un peu), alors que si je
danse, je ne dansote pas forcément.
La modalisation « un peu » est donc un trait définitoire qui permet de
différencier les procès du verbe non marqué danser et du verbe marqué
dansoter ; « un peu » ne peut alors être compris comme un qualificatif, mais
bien plutôt comme une délimitation du procès de dansoter.
Cet élément est essentiel car il nous permet de soutenir l’hypothèse selon
laquelle le spécifieur, c'est-à-dire l’élément de modalité ou de finalité, vient
déterminer le définisseur non marqué et donner son identité originale au
défini marqué.
Par conséquent, si la conception nominale de l’hypo/hypéronymie doit être
adaptée à un corpus verbal, ses implications restent valables en termes de
détermination sémantique, c’est-à-dire de constitution d’une classe
différenciée et non pas simplement d’une qualification. Cela nous conduit à
considérer tulipe et dansoter comme des hypéronymes respectifs de fleur et
danser, c’est-à-dire que tulipe et dansoter sont, selon nous, des classes
d’ « objet » respectivement intégrées à la classe de leur super-ordonné fleur et
danser. Il existe le même rapport déterminatif de classe entre tulipe et fleur
qu’entre danser et dansoter ; dansoter n’est donc pas une modalité qualificative
de danser mais une modalité déterminative.
L’hypéronymie lexicographique rend donc compte par une spécification,
notamment, des circonstants du procès, de traits sémantiques distinctifs entre
verbe FAM. et verbe non marqué. D’un point de vue ensembliste, on dira que la
définition dictionnairique de type 3 retient, de l’analyse sémique, les traits qui
permettent de distinguer deux items classés sous un même hypéronyme et qui
sont son essence même. Cette relation pourrait alors se définir comme suit :
le sémème de A est un sous-ensemble du sémème de B si tout sème du sémème de
A est aussi un sème du sémème de B.
Ainsi :
le sémème de manger est un sous-ensemble du sémème de bâfrer, car tout
sème du sémème de manger est aussi un sème du sémème de bâfrer.
Il faudra donc considérer :
bâfrer ⊃ manger, puisque manger a n sèmes et bâfrer n sèmes + x, x étant une
qualification du procès de manger.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 229
Le spécifieur, dans ce cas, assure le rôle de trait pertinent, permettant de
distinguer le verbe marqué de son hypéronyme non marqué, la forme de
l’énoncé lexicographique choisie en étant le témoin.
Contrairement aux définitions à deux définisseurs (type 2) qui rendent
compte, implicitement, de ce « supplément » sémantique, la définition du
type 3, définisseur + spécifieur, l’entérine par effet de focalisation. Les deux
verbes deviennent tout à fait autonomes du point de vue référentiel, même s’ils
s’inscrivent dans un réseau sémantique commun.
La configuration est ici très différente de la définition de type 1 dans la
mesure où le procès familier ne trouve pas d’équivalent strict dans le lexique,
mais prend ancrage dans une unité lexicale déjà existante, qu’il vient modifier,
afin de constituer un concept original.
5.3.4. La définition par définisseur non prédicatif + spécifieur (type 6)
Ce type de définition, assez peu exploitée par la réflexion métalexicographique, semble tout à fait spécifique aux entrées verbales (or, nous l’avons
dit, la description métalexicographique se fonde principalement sur des entrées
nominales). Elle pourrait s’apparenter aux définitions par « faux-incluants »
décrites brièvement par Josette Rey-Debove331, mais aussi à la définition
descriptive de Bernard Quemada. Le terme de définisseur non prédicatif n’est
sans doute pas très heureux puisqu’il renvoie à des réalités différentes. Mais ce
sont bien des définisseurs verbaux non autonomes, supports du prédicat, que
nous avons regroupés dans cette catégorie332.
Il s’agit :
- des verbes opérateurs, des auxiliaires, des verbes supports favorisant
une prédication nominale :
magouiller « se livrer à des magouilles »
gaffer (3) « faire attention »
frimer « chercher à en imposer »
- ou encore des verbes sémantiquement légers (vs verbes
sémantiquement pleins) inclus dans des locutions verbales ou
collocations :
cachetonner « courir le cachet »
époustoufler « jeter (qqn) dans l’étonnement »
kiffer « prendre du plaisir »
REY-DEBOVE J., Étude linguistique…, op. cit., p. 239.
Sur les verbes supports, les verbes sémantiquement légers, les verbes non prédicatifs, voir
RIEGEL M., PELLAT J.-C., RIOUL R., La grammaire méthodique du français, Paris, P.U.F.,
1994, et aussi ALONSO-RAMOS M., Étude sémantico-syntaxique des constructions à verbes
supports, thèse de doctorat, université de Montréal, 1998, chap. 2.
331
332
230 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
- ainsi que des verbes copules à valeur aspectuelle :
cocufier « faire cocu »
indifférer « rendre indifférent »
Il n’est pas possible de considérer, par exemple, prendre ou jeter comme des
hypéronymes de époustoufler ou kiffer. Pour que la prédication définitionnelle
hypéronymique soit vraie, il faut que la substitution entre défini et définisseur
s’opère sans autre modification de la phrase333. Ici, on ne peut poser que p => q,
si p = kiffer un film et q = prendre. Dans ces cas, il n’y a pas même d’inclusion
minimum. En revanche, l’intégralité de la prédication définitionnelle est vraie,
kiffer = prendre du plaisir, ce qui permet à Josette Rey-Debove de parler de
faux incluants.
Nous pouvons rapprocher cette définition de type 6 de la définition
interprétative334, dans la mesure où elle associe une séquence de mots qui a
pour fonction de décrire le sens. Le définisseur n’a pas d’existence de sens en
tant que mot isolé et il est profondément modifié par la suite de la définition.
Par la description directe du contenu du signe, la définition assure donc une
fonction pleinement référentielle. Comme pour la définition de type 3, il n’est
pas possible de mettre en relation un définisseur non marqué servant de
référence au défini marqué ; ce dernier est une unité lexicale autonome du
point de vue verbal335.
En revanche, ces syntagmes à usage prédicatif se différencient de ceux de
type 3 en ce que la prédication est portée par le spécifieur et non par le définisseur. C’est donc sur la restriction actancielle336 que porte la détermination
spécifique et non, comme dans le type précédent, sur une spécification
circonstancielle :
picoler « boire du vin, de l’alcool »
petit-déjeuner « prendre le petit-déjeuner »
engueuler « adresser des injures, une vive réprimande à qqn »
333
« On appelle hypéronyme (ou vocable générique) d’un vocable D un vocable d tel que la
substitution de d à D dans p sans autre modification, conduit à une phrase telle que (p => q) »,
MARTIN R., Pour une logique du sens, op. cit., p. 60.
334 Selon la terminologie de A. Naess reprise dans RIEGEL M., « Définition directe et indirecte
dans le langage ordinaire : les énoncés définitoires copulatifs », Langue française, n° 73, 1987,
p. 29-53.
335 Nous verrons plus loin au § 5.4.1.2, que certains de ces items sont liés sémantiquement à des
bases nominales marquées dont ils assurent la fonction prédicative. Pour autant, au strict
niveau verbal, nous ne pouvons postuler un équivalent entre défini marqué FAM. et définisseur
non marqué.
336 Actant étant entendu ici au sens le plus large de constituants immédiats.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 231
C’est dans la sélection des arguments du verbe support à la prédication que
le verbe marqué trouve toute sa singularité et non dans la qualification du
procès. La spécificité des verbes FAM. joue pleinement un rôle de conceptualisation du procès, alors que précédemment (notamment pour les définitions de
type 3), elle jouait un rôle de détermination.
De plus, dans un certain nombre de cas, le prédicat (étendu) se voit spécifié :
fliquer « exercer (sur qqn) une surveillance policière »
fouiner « se livrer à des recherches méticuleuses »
galérer « se lancer dans des entreprises hasardeuses »
Là encore, cette spécification s’avère essentielle sous peine de rendre la prédication définitionnelle fausse. En effet, la différence entre fliquer et surveiller
(exercer une surveillance) réside dans la qualification policière. De la même
façon, fouiner n’est pas simplement rechercher (se livrer à des recherches),
mais le faire de façon méticuleuse. Fouiller de façon grossière non méticuleuse
n’est pas un équivalent phrastique de fouiner. Autrement dit, au-delà de la
spécification des actants, ce sont les qualités qui leur sont attribuées qui
deviennent pertinentes à la définition du verbe marqué :
picoler, c’est certes boire du liquide, mais du liquide alcoolisé
petit déjeuner, c’est certes prendre un repas, mais celui du petit déjeuner
etc.
Ce qui semble différencier les définitions de type 3 (définisseur + spécifieur)
et celles de type 6, qui nous occupent ici, c’est la cible sur laquelle porte la
détermination du verbe FAM. par rapport au verbe non marqué. Dans le
premier cas (type 3), il s’agit du procès lui-même, dans le second (type 6), des
actants en jeu. Néanmoins, dans les deux cas, le spécifieur porte sur le prédicat
et lui donne toute sa substance, toute son autonomie.
Pour chacun de ces types, 3 et 6, il n’y a pas d’identité de contenu entre les
deux termes, défini marqué et définisseur non marqué. Nous verrons cidessous comment cette spécification fonde la familiarité lexicale.
5.3.5. Les définitions mixtes (types 4, 5, 7, 8)
Les définitions mixtes337, ou multiples, combinent plusieurs des procédés mis
en évidence précédemment :
337
QUEMADA B., Les dictionnaires du français moderne…, op. cit., p. 458.
232 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
• La définition de type 4
engueuler « se disputer, se quereller de façon violente »
Elle combine une définition de type 2 présentant deux définisseurs (« se
disputer, se quereller ») avec un spécifieur venant s’accrocher sur les deux
définisseurs (« de façon violente »), formant ainsi une définition de type 3.
• La définition de type 5
cramer « brûler complètement, se consumer »
Elle combine une définition de type 3 présentant un définisseur (« brûler »)
et un spécifieur (« complètement ») avec une définition de type 1 quasisynonymique (« se consumer »).
• La définition de type 7
lézarder « faire le lézard, paresser au soleil »
Elle combine une définition de type 6, c’est-à-dire une prédication
nominale (« faire le lézard ») avec une définition de type 3 dont le définisseur
(« paresser ») est spécifié par « au soleil ».
• La définition de type 8
banquer « donner de l’argent, payer »
Elle combine une définition de type 6 (« donner de l’argent ») avec une
définition de type 1 quasi synonymique (« payer »).
Nous renvoyons, pour chacune de ces définitions, aux types 1, 2, 3 et 6 qui
les composent. La conjonction de deux types de définition témoigne de
l’impossibilité de recourir à un seul définisseur non marqué pour avoir une
glose satisfaisante.
Les définitions mixtes répondent à une nécessité d’explicitation par
conjonction ou exclusion de différents sens. Leur forte présence confirme une
hypothèse évoquée précédemment (§ 2.1.3.3) : la familiarité lexicale serait un
moyen d’économie des coûts linguistiques (le verbe familier trouvant principalement un équivalent périphrastique, constitué d’une succession de lexèmes
non marqués). Mais, au-delà de l’argument mathématique, il s’agit de percevoir
que le verbe non marqué vient combler un vide, lexématique et sémantique,
laissé en langue. Il est donc, en ce cas, une unité autonome d’un point de vue
référentiel.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 233
5.3.6. Les renvois (type 9)
Le dernier type de définition mis en évidence est très différent de tous ceux
que nous avons pu observer jusqu’à présent. C’est d’ailleurs un procédé relativement marginal, seuls 15 items ont été relevés. Il a ceci de particulier qu’il ne
peut être considéré comme une prédication définitoire. Il fait écho à la notion
d’analogie, telle qu’elle est utilisée en lexicographie, notamment par les
dictionnaires des Éditions Robert. Il se distingue des types définitionnels par
synonymie ou hypéronymie, par le signe graphique « => » ou la mention [cf.].
C’est une relation associative qui unit le défini et l’unité du renvoi lexical et
qui permet de constituer des champs associatifs lexicaux.
Ainsi, les renvois orientent-ils simplement le lecteur vers une autre entrée
du dictionnaire, selon deux paramètres :
• Une équivalence de sens338 :
dégobiller « => vomir »
droguer « => attendre »
piailler « => crier »
Bien que le renvoi n’indique pas une unité lexicale interchangeable en
contexte, il permet au lecteur de localiser une unité proche de l’entrée de
départ (ils sont alors à rapprocher des définitions de type 1)339.
• Un rappel de forme :
glavioter [cf. GLAVIOT]
mendigoter [cf. MENDIGOT,E]
C’est alors un renvoi immédiat à l’entrée qui sert de base à leur construction, sans complément informatif. Ils font office d’énoncés morphosémantiques.
Nous venons de le voir en détaillant chacun des modèles de définition
retenu dans notre typologie : nous n’avons pas retenu la définition morphoC’est là une spécificité du Robert Électronique. Dans la version « papier », le verbe est
simplement mentionné à la fin de l’article de la base et n’est pas une entrée autonome.
339 Josette Rey-Debove considère le renvoi non pas comme une équivalence de signe mais
comme un outil permettant de trouver un mot inconnu en situant ce dernier dans un « cadre »
déterminé par les synonymes, antonymes, quasi-synonymes, hyponymes, c'est-à-dire comme
un outil répondant aux besoins onomasiologiques au sens le plus large (REY-DEBOVE J., « Le
traitement analogique dans les dictionnaires monolingues », in HAUSSMANN et al.,
Wörterbücher, ein internationales Handbuch zur Lexikographie, op. cit., tome 1, p. 636).
Cependant, étant donné le manque de lisibilité de cette fonction par les utilisateurs du
dictionnaire, nous préférons les considérer, comme les locuteurs usuels, comme une
équivalence de signe.
338
234 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
sémantique comme un type particulier. En effet, nous l’avions signalé dans le
commentaire à propos des typologies traditionnelles340, nous pensons qu’elle ne
relève pas d’un même niveau d’analyse que celui que nous avons opéré : le lien
morphologique qui lie le défini à son définisseur n’est pas une alternative à un
lien hypéronymique ou synonymique ; l’un n’excluant pas l’autre. Ainsi,
avons-nous considéré le caractère morphosémantique de la définition comme
une propriété susceptible de traverser chacun des types définitionnels mis en
évidence. Nous avons donc réservé un examen détaillé aux éléments
morphosémantiques, en tant que propriétés transversales des procédures
définitionnelles, que nous présentons dans la section suivante.
5.3.7. Les éléments morphosémantiques dans la définition
Les définitions morphosémantiques, souvent appelées dérivationnelles,
consistent à décrire une relation d’équivalence entre des formants et des mots,
dans un rapport de dérivation. Elles correspondent à une « prédication
définitionnelle [qui] institue l’identité des contenus en la soutenant par une
identité partielle des formes »341, ce qui a l’intérêt de mettre en évidence le sens
des affixes et les formes de combinaisons sémiques ou, plus largement, les relations du mot-dérivé avec sa base ; c’est pourquoi on les appelle aussi « définitions relationnelles ».
Ce moyen définitoire est souvent donné comme le plus fréquent dans les
dictionnaires monolingues (parce que le plus simple et le plus économique),
pourtant cela ne se vérifie pas dans notre corpus (85 items, soit 20%). C’est la
singularité de notre corpus qui pousse le lexicographe à réduire le recours aux
gloses morphosémantiques.
En effet, pour les entrées marquées FAM., elles nécessitent qu’il utilise des
termes eux-mêmes marqués FAM. dans la définition. Or, cela irait à l’encontre
des contraintes lexicographiques. Si cela est rendu possible, c’est que l’équation
sémique induite par la définition morphosémantique (se cuiter « prendre une
cuite ») n’est pas de l’ordre de se cuiter signifie prendre une cuite, mais bien
plutôt se cuiter est lié, dans l’organisation morphosémantique du lexique, à la
locution prendre une cuite. La relation entre le défini et le définissant est donc
autonymique. Prendre une cuite ne dépend pas du discours lexicographique,
mais d’un métadiscours lexicographique. Ce n’est qu’à cette condition que le
lexicographe peut recourir à ce procédé, sans contrevenir aux règles
lexicographiques. Dans ce contexte, on comprend qu’il soit rarement fait usage
d’éléments morphosémantiques.
340
341
Voir infra § 5.2.2.
REY-DEBOVE J., Étude linguistique et sémiotique…, op. cit., p. 219.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 235
Ce type de définition pourrait se rapprocher du type 1. Cependant si elle est
un discours sur le signe, elle décrit aussi le contenu du signe lui-même, par
l’explicitation de sa construction et serait donc plus proche du type 3 ou 6342.
Ce sont ces aspects qui nous ont conduite, comme nous l’avons annoncé, à ne
pas considérer la présence d’indications morphosémantiques au sein d’une
définition lexicographique comme propriété permettant de différencier un
type de procédé définitoire d’un autre. Au contraire, nous remarquons que le
recours à un terme morphosémantiquement lié au défini, ne servant pas
systématiquement le même objectif, se retrouve dans chacun des types
observés :
• Les définitions lexicographiques explicitent les opérations d’affixation
(5/85 items):
recaser « caser à nouveau »
revouloir « vouloir à nouveau »
dansoter « danser un peu »
gratouiller « gratter légèrement »
grognasser « grogner de façon continuelle »
Le dérivé est défini comme une modalisation du verbe-base qui lui sert de
définissant. C’est alors une définition de type 3. Le définisseur est le verbe-base
et le spécifieur correspond à la glose de l’affixe (par un adverbe ou une locution
adverbiale).
Cependant, le dictionnaire n’a pas systématiquement recours à ce type de
glose et, parfois, la définition dictionnairique se limite à un (ou deux)
synonyme(s), laissant alors inexpliqué le rapport sémantique de l’opération
d’affixation (5/85 items) :
traficoter « trafiquer »
rager « enrager »
bavasser « bavarder »
rôdailler « rôder, traînailler »
tournicoter « tourner, tourniquer »
Il s’agit d’une définition de type 1 ou 2.
• L’élément morphosémantique renvoie à une autre unité lexicale de même
« famille » (6/85 items):
bigophoner « [cf. bigophone] »
crachouiller « => crachoter »
dépoitrailler (se) « [cf. dépoitraille, e] »
glavioter « [cf. glaviot] »
mendigoter « [cf. mendigot,te] »
talocher « [cf. taloche] »
Ces cas sont relativement marginaux.
342
Les éléments morphosémantiques concernent principalement les gloses des mots construits.
236 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
• Les opérations prédicatives morphosémantiques les plus régulières sont
décrites par le lexicographe à partir d’une définition de type 6 (36/85 items) :
biser « donner des bises à (qqn) »
bécoter « donner des bécots »
sandwicher « mettre en sandwich »
indifférer « être indifférent à »
laïusser « faire des laïus »
blaguer « faire des blagues »
Nous retrouvons ici des constructions à prédications nominales utilisant des
auxiliaires, des verbes supports ou des verbes sémantiquement légers,
permettant de formaliser le lien entre le dérivé (défini) et sa base (noyau du
définissant)343. La définition devient alors une description du référent, que la
base réfère à une propriété (la définition sera alors attributive) ou qu’elle soit
un complément de verbe, principalement objet direct.
• Quant aux constructions irrégulières, les définitions en rendent compte en
explicitant le lien morphologique par un rappel de la base qui devient un
complément circonstanciel du verbe définissant. Elles correspondent alors à
des définitions de type 3, dans les cas les plus simples (12 items/85) :
cafarder « dénoncer en faisant le cafard »
esbroufer « en imposer à quelqu’un en faisant de l’esbroufe »
• Mais, le plus souvent, le lexicographe a recours à des définitions mixtes qui
permettent d’éclairer au mieux ces opérations morphosémantiques complexes
(21/85 items) :
se biler « s’inquiéter, se faire de la bile »
criser « perdre le contrôle de ses nerfs, piquer sa crise »
lézarder « faire le lézard, paresser au soleil »
zoner « mener une existence marginale, vivre en zonard »
Un syntagme synonymique est ajouté à la mention de la base, la redondance
permettant d’expliciter la définition. Cette dernière est constituée de deux
éléments, un premier syntagme en relation de synonymie avec le défini, puis
un second stipulant le lien morphologique du défini avec la base dont il est
dérivé. Cette information formelle apparaît préférentiellement en position
seconde, c'est-à-dire après une première information synonymique, ce qui
pourrait s’expliquer par la visée didactique du dictionnaire, rendant explicites
des « familles de mots ». Néanmoins, la clarification n’est pas seulement
morphologique, puisqu’elle concerne les verbes dérivés à partir de bases en
emploi tropique ou intégré à une locution verbale. L’éventuelle ambiguïté
entre une signification « propre » ou « figurée » de la base est levée par la
présence d’un syntagme synonyme, qui oriente alors la lecture sémantique des
éléments présentés.
343
Pour une présentation détaillée des rapports existant entre base et dérivé, voir chapitre 4.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 237
Soit l’exemple suivant :
criser « perdre le contrôle de ses nerfs, piquer sa crise »
La locution verbale « piquer sa crise » permet de cerner plus précisément la
signification de la paraphrase « perdre le contrôle de ses nerfs ». Sans la
locution verbale à la source du dérivé, le procès pourrait être compris comme
relevant du domaine médical. Ce n’est que par la précision « piquer sa crise »
(et non pas « piquer une crise, de spasmophilie, de tétanie, etc. ») que
l’utilisateur du dictionnaire s’assure d’une plus juste compréhension de
l’entrée. Autrement dit, les deux éléments (synonymique et morphologique)
s’éclairent l’un l’autre : la périphrase synonymique lève l’ambiguïté la relation
de dérivation et la mention de la base permet à l’utilisateur de retrouver le lien
tropique qui unit le dérivé à la base. La mention des constituants
morphologiques dans la définition dictionnairique constitue véritablement un
complément d’information sémantique.
Ces aspects sont traités plus en détail au § 5.4.1.2, nous retiendrons seulement que ce type de définition dictionnairique va dans le sens de l’hypothèse
proposée dans le chapitre précédent : le sens familier des termes n’efface pas
leur sens « propre », au contraire, il l’active (ou le réactive) et la définition
dictionnairique rend compte de cette survivance de l’image fondamentale,
comme dans les exemples suivants : lézarder, zoner, criser, etc.
5.3.8. Une organisation du lexique « orientée »
L’observation des définitions du corpus met en lumière plusieurs
caractéristiques du lexique FAM. et, en premier lieu, le rapport que le
lexicographe établit entre lexique standard et lexique non marqué. A l’exception des segments morphosémantiques intégrés aux définitions, il apparaît que
le défini l’est toujours par le biais d’un définisseur non marqué, selon deux
types de configurations : la définition indirecte et la définition directe.
La définition indirecte est fondée sur la réflexivité des signes linguistiques.
Ce type de définition, synonymique, est de l’ordre de l’énoncé autonymique,
de la variante dénominative, c'est-à-dire que la définition renseigne le lecteur
par une équivalence de signe, comme le ferait la lexicographie bilingue. Le
définisseur fonctionne comme traduction du verbe marqué et, de ce fait, le
rejette aux marges du système.
banquer « payer »
roupiller « dormir »
238 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
La définition directe présente le contenu du défini. Ces définitions, par
définisseur (prédicatif ou non prédicatif) + spécifieur, donnent une description
de la catégorie référentielle du défini, informent sur le type de procès mais, là
encore, à partir d’un définisseur non marqué. La définition est ici de type
significatif selon la conception traditionnelle de la signification comme
« contenu du signifié saussurien (…) produit par la pression du système et
repérable par le jeu des oppositions paradigmatiques et des contrastes
syntagmatiques »344.
baffer « manger gloutonnement et avec excès »
engueuler « se disputer, se quereller de façon violente »
Dans les deux cas, le définisseur est systématiquement une unité lexicale
non marquée, qu’il assume une fonction dénominative, autonymique ou
réellement significative au sein de la définition. La représentation lexicographique de l’organisation du lexique positionne toujours le verbe standard
comme support de la relation, qu’elle soit synonymique, hypéronymique ou
simplement syntagmatique. C’est donc à partir des propriétés des définisseurs
non marqués que sont déduites les propriétés du défini marqué, en équivalence
ou en restriction. Le lexique familier est exposé, ou devrions-nous dire
conceptualisé, en fonction du registre standard et en référence à celui-ci. La
norme linguistique et sociale se trouve clairement affirmée, par les procédés de
définition choisis, dans son rôle de norme-étalon, et le mode de représentation
du lexique familier n’est conçu qu’à partir de cette dernière.
Contrairement à ce que peut supposer la conception normative de la notion
de registre rappelée précédemment, cela ne signifie pas pour autant que les
liens entretenus avec les définisseurs non marqués soient homogènes. En effet,
notre classement permet de relever la diversité des liens qu’entretiennent les
verbes marqués et non marqués, de la dénomination à la signification :
-
certaines entrées sont présentées comme équivalents paradigmatiques de
verbes non marqués qui existent déjà dans le lexique (type 1), le procédé
définitoire pointant l’identité des procès du défini et du définisseur :
becter « manger »
roupiller « dormir »
-
d’autres sont une modalisation du procès, le spécifieur assurant un rôle
de détermination (type 3), le définisseur étant un hypéronyme du
défini :
bâfrer « manger avec excès »
bidouiller « arranger en bricolant »
344
DUBOIS et al., Dictionnaire de linguistique, op. cit., p. 433.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 239
-
d’autres enfin actualisent une prédication nominale par le recours à des
locutions ou des verbes sémantiquement légers, par équivalence
syntagmatique (type 6) :
kiffer « prendre du plaisir »
engueuler « adresser des injures »
L’hétérogénéité de ces relations, que nous considérons dans une dimension
dynamique de continuum, est restituée sur l’axe présenté ci-après. Cette
représentation permet d’intégrer les types de définitions mixtes (type 4, 5, 7,
8), mais aussi les types 2 (définisseurs multiples) et 9 (renvois). De plus, tout au
long de notre travail de classement, nous avons été confrontée, comme pour
toute élaboration taxinomique, à l’impossibilité de considérer ces catégories
comme « étanches », c’est pourquoi nous insistons sur la représentation sur un
axe continu, difficilement repérable dans une schématisation en deux
dimensions.
Définition par
équivalent
syntagmatique
Définition par
hypéronymie
paradigmatique
CATÉGORISATION DES PROCÈS
DÉTERMINATION
type 6
Définition par
équivalence
paradigmatique
IDENTITÉ DES PROCÈS
type 3
type 7, 8
type 1
type 2, 4
type 5
type 9
Figure 8 : Schématisation des relations sémantiques entre défini FAM. et définisseur non marqué
Cette schématisation reprend, sous d’autres traits, celle d’André Collinot345
qui a envisagé, pour les noms hypéronymes, une gradation entre une
hypéronymie syntagmatique et une hypéronymie paradigmatique.
COLLINOT A., « L’hyponymie dans un discours lexicographique », Langages, n° 98, 1990,
p. 60-69.
345
240 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Elle a l’intérêt de proposer une certaine souplesse dans la représentation de
la notion de classe d’inclusion, ce qui permet de présenter une organisation du
lexique au plus près de la représentation lexicographique qui en est faite. Cela
revient à assigner aux synonymes (définition de type 1) une valeur d'incluant
particulier (définition de type 3). Le définisseur est alors compris comme le
terme « générique » le plus proche et le plus spécifique d’un concept, « le
synonyme est le dernier incluant de la chaîne, si étroit qu'il n'inclut plus que le
défini auquel il s'identifie »346. Quant à la définition par définisseur non
prédicatif (de type 6), non autonome, elle trouve ainsi une cohérence avec
l’ensemble du système définitionnel, étant située à l’extrémité de la chaîne des
incluants sur la chaîne syntagmatique, et elle permet de concevoir des
définissants aussi divers que complexer « donner des complexes à qqn »,
débarbouiller « tirer d’affaire, d’embarras », cocufier « faire cocu ».
Le principal intérêt de cette schématisation est qu’elle permet de rendre
compte du fait que l’inclusion des verbes marqués dans la classe des verbes non
marqués, n’induit pas systématiquement le même ordonnancement, et donc le
même lien à l’unité non marquée qui sert de définisseur. Par exemple, les
verbes saucissonner, bâfrer, becter, appartiennent respectivement à une classe
incluse dans la classe du verbe manger, non marqué, sans pour autant que le
lien unissant manger à saucissonner, manger à bâfrer et manger à becter soit
identique. En effet, le rapport hiérarchique qui lie manger à saucissonner
« manger un repas froid sans couvert ou sans table mise », à bâfrer « manger
gloutonnement et avec excès », et à becter « manger », n’est pas du même
ordre, car ce ne sont pas les mêmes capacités d’intégration définitoires du
définisseur auxquelles il est fait appel. Les divers types de définitions que nous
venons de développer (§ 5.2) obligent à concevoir divers degrés de relation
entre lexique marqué et non marqué, plus ou moins lâches347 : par équivalence
(type 1), par modalisation (type 2), par catégorisation ou, préférons-nous dire,
par équivalence syntagmatique (type 6).
De ce point de vue, l’unité FAM. est plus ou moins autonome par rapport à
son définisseur non marqué. Si dans le cas de becter, on peut concevoir une
sorte de duplication d’une unité déjà existante en langue, rien de tel ne peut
être constaté pour bâfrer. Bâfrer est une unité qui vient s’ajouter au stock
lexical, car elle n’a pas véritablement d’homologue ; elle vient sans doute
nuancer des unités déjà existantes (dévorer, engloutir) et remplit, en quelque
sorte, un vide lexical. Cela est d’autant plus manifeste pour les items glosés par
le type définitoire n° 6, cocufier, complexer, copiner, cornaquer ne sont en
REY-DEBOVE J., Étude linguistique et sémiotique…, op. cit., p. 232.
Ce qui explique, en autres choses, que les traits définitionnels retenus par chaque
dictionnaire puissent varier.
346
347
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 241
aucun cas des doublons d’unités leur préexistant, mais bien des apports
autonomes qui comblent les manques, les lacunes lexicales laissées en langue.
Nous pouvons, au terme de cette description, souligner deux points
essentiels.
Tout d’abord, l’organisation lexicale est strictement orientée vers le lexique
non marqué. Si les définitions lexicographiques rendent compte d’une
hiérarchisation lexicale (au sens neutre de super-ordonné ou sous-ordonné),
c’est toujours en référence aux termes non marqués. La relation d’équivalence,
qu’elle soit paradigmatique ou syntagmatique, est donc toujours envisagée en
milieu non homogène (marqué/non marqué). La définition lexicographique
permet de reconnaître des relations lexicales entre différentes zones du
lexique, mais elle ne nous renseigne jamais sur la structuration interne au
lexique FAM. Cette position confirme que l’attitude normative (qu’elle soit
assumée ou consécutive à une tradition des pratiques lexicographiques)
implique, comme le décrit Wagner, que l’on ait discerné des niveaux entre
plusieurs manières de s’exprimer, hiérarchisé ces niveaux et conféré à l’un
d’eux la dignité de modèle 348, et évince toute une partie du lexique de la
description générale. Le choix de la présentation lexicographique relègue le
lexique marqué, et marqué FAM. en particulier, au rang de sous-lexique dont
l’organisation interne importe peu, car il n’aurait de fonctionnalité que par
rapport à un « sur-lexique », le standard. Nous pourrions alors soutenir, comme
le remarquait Denis Delaplace, que « les marques d’usage fonctionnent assez
souvent comme un moyen expéditif pour se dispenser d’un traitement
sémantique plus approfondi »349. En d’autres termes, la pratique
lexicographique, contraintes par les normes socioculturelles, s’affranchit de
toute une partie de la description intralinguistique.
Cependant, c’est notre second constat, si les gloses sont systématiquement
orientées vers le lexique non marqué, il n’en reste pas moins qu’elles présentent
une certaine hétérogénéité, dans les relations entretenues entre lexique FAM. et
lexique non marqué. Cela permet de relativiser la portée de la conception de
registre de langue FAM. comme « double » de la langue standard. En effet, si
certains items familiers font écho à d’autres unités déjà présentes en langue, ce
constat ne peut être généralisé et ne peut être utilisé comme règle interprétative
de la notion de registre de langue. La formule « dire la même chose en le disant
différemment » ne s’applique pas ici. Le lexique FAM. ne peut se réduire à une
WAGNER R.-L., Les vocabulaires français, vol. 2, Paris, Didier, 1970, p. 37.
DELAPLACE D., « Notes pour l’étude linguistique du vocabulaire dit familier », Cahiers de
lexicologie, n° 76, 2000, p. 117.
348
349
242 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
doublure du lexique non marqué, et l’essentiel des unités lexicales qui le
composent doivent être considérées comme un « autre » mot, et non comme « un
autre du mot » standard, pour reprendre la formule de Gérard Petit350. Cela nous
conduit à interroger la dimension connotative du lexique familier.
5.4. FAMILIARITÉ, CONNOTATION ET REGISTRE DE LANGUE
A partir des définitions dictionnairiques observées, nous avons mis en
évidence des traits sémantiques caractéristiques des procès marqués FAM. Quant
aux structures syntaxiques, si elles ne sont pas en correspondance exacte avec les
structures sémantiques, il n’en reste pas moins qu’« elles permettent aux mots de
fonctionner et par conséquent de produire des effets de sens »351. Aussi, ont-elles
également fait l’objet d’un examen, l’objectif étant d’interroger les spécificités
des procès observés, qui en font des verbes considérés comme familiers.
5.4.1. Particularités sémantiques des procès FAM.
Nous avons examiné la spécification sémantique des procès familiers, à
partir des procédés définitoires exposés ci-dessus, afin de mettre en évidence ce
qui, dans la relation défini/définissant, relève ou non de la connotation.
5.4.1.1. Les spécifieurs modificateurs
Au chapitre précédent, nous avons abordé cet aspect par le biais des
constructions, notamment suffixales, des unités marquées. Nos observations
mettaient au jour une corrélation entre quantification et familiarité, par la
péjoration. Nous avons en effet montré, au § 4.2.1.1, que l’adjonction d’un trait
sémantique venant modifier le procès de base, par un suffixe ou un préfixe,
conduisait les locuteurs à porter une appréciation négative sur le procès dérivé.
Ainsi, dansoter est-il la face péjorative de danser, traînailler celle de traîner,
pendouiller celle de pendre, etc. L’hypothèse soutenue est que la familiarité
lexicale est liée à l’interprétation d’une modulation fréquentative, diminutive
ou augmentative du procès, c’est-à-dire que les traits sémantiques quantitatifs
en langue induisent une évaluation qualitative en discours.
PETIT G., « Approche lexicale et sémantique du vocabulaire familier », Cahiers de
lexicologie, n° 72, 1998, p. 5-40.
351 PICOCHE J., Structure sémantique du lexique français, Paris, Nathan, 1986, p. 67.
350
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 243
Nous confirmons ici cette hypothèse et proposons de l’élargir. Si l’on
observe en détail le type de spécifications apportées au définisseur, afin de
gloser un procès familier, force est de constater qu’elles ne sont pas tout à fait
innocentes352. Ainsi, les spécifications adverbiales que nous avons mentionnées
dans les définitions de type 3, orientent-elles le mode de réalisation principalement du côté d’une augmentation ou diminution de l’intensité du procès,
bien au-delà des constructions suffixales :
biberonner « boire souvent et avec excès »
bouffer « manger gloutonnement »
braire « ennuyer profondément »
bêcher « critiquer vivement »
se poiler « rire aux éclats »
se bidonner « rire beaucoup »
se rebiffer « refuser de se laisser mener ou humilier, avec vivacité et aigreur »
Cette modulation de l’intensité n’est pas seulement marquée par des
adverbes, elle peut l’être par chacun des éléments que nous avons considérés
comme spécifieurs, qu’ils interviennent au niveau de la réalisation de l’action :
amocher « blesser par des coups »
courser « poursuivre à la course »
fliquer « exercer une surveillance policière sur qqn »
ou de sa finalité :
farfouiller « fouiller en bouleversant tout »
moucharder « surveiller, en vue de dénoncer »
De la même façon, le procès peut se voir minimisé :
pendouiller « pendre d’une manière ridicule, mollement »
chaparder « dérober, voler de petites choses »
toquer « frapper légèrement, discrètement »
asticoter « agacer, harceler, pour de petites choses »
rabibocher « réparer d’une manière sommaire, provisoire »
Autrement dit, la marque FAM. vient signaler des procès dont la réalisation
est intensifiée ou au contraire minimisée par rapport à un verbe standard qui
lui servirait d’incluant. La spécificité sémantique qui permet au procès familier
de se distinguer de son incluant standard réside dans le fait qu’il est réalisé
d’une façon qui n’est pas celle attendue, qui n’est pas celle habituellement
observée. C’est cette spécificité qui se voit pointée par la marque FAM.
Catherine Kerbrat-Orecchioni considère ce type d’item comme des subjectivèmes353, c’est-à-dire des verbes dont l’appréciation affective ou évaluative est
réalisée sur le procès, à la fois par le sujet de l’énonciation et l’agent lui-même,
et elle les place du côté de la connotation. D’autres auteurs parlent d’hypo-
352
Pour reprendre une expression propre à Jackie SCHÖN, « Les tournures familières ne sont
pas innocentes », op. cit., p. 73-94.
353 KERBRAT-ORECCHIONI C., L’énonciation, Paris, Armand Colin, 1980, p. 100.
244 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
hypéronymie connotative354 pour décrire la relation qui unit bâfrer à manger.
Si nous partageons l’idée selon laquelle l’appréciation évaluative est une
appréciation affective – le « neutre » supposant le « bien » (nous avons abordé
ce point au § 4.3.1. ») –, nous considérons le spécifieur, comme un trait quantitatif, c’est-à-dire comme un véritable sème, comme un trait intrinsèquement
associé au sémème du verbe, et non comme un trait superfétatoire. Il apparaît
nécessaire de dépasser la notion de connotation ou, pour le moins, de la
préciser.
Nos observations nous conduisent à envisager la connotation d’un point de
vue pragmatique, énonciatif, induite par un certain type de trait du denotatum
(notamment diminutif, intensif, fréquentatif). La composante évaluative ou
appréciative d’un élément, identifiable du côté de la connotation est donc la
conséquence d’un trait sémantique pertinent. De plus, il nous semble que si
l’on peut jouer en contraste comme le fait par son titre une émission
radiophonique culinaire sur France Inter « ça se bouffe pas, ça se mange », c’est
bien que la différence spécifique est obligatoire pour la compréhension du
concept. Le fait que certains verbes FAM. admettent, par extension, un sens qui
se limite au spécifieur (notamment dans le cas où il marque la finalité du
procès) est un argument qui va dans le même sens (par exemple : moucharder
« surveiller en vue de dénoncer, par extension dénoncer »).
5.4.1.2. Les spécifieurs « catégorisateurs » (type 6)
Il est d’autres types de spécifieurs qui amènent le procès, non plus du côté
d’un mode de réalisation particulier, mais d’une action particulière :
picoler « boire du vin, de l’alcool »
déconner « dire des bêtises »
engueuler « adresser des injures, une vive réprimande à (qqn), souvent de façon
grossière, pour exprimer son mécontentement »
fliquer « exercer une surveillance policière sur qqn »
emberlificoter « embrouiller qqn, pour le tromper »
morfler « recevoir un coup »
magouiller « se livrer à des magouilles »
roter « faire des rots »
Aussi divers soient-ils, ces procès réfèrent à des actions ou des activités
sociales largement réprouvées, voire délictueuses, ou pour le moins en marge
de la bienséance et des conventions sociales. Le procès est orienté par les
contraintes qui pèsent sur le choix de ses spécifieurs. La nature des classes
d’objets admises comme arguments du procès familier fait basculer ce dernier
du « côté obscur » de la vie sociale, le fait passer « à la marge ». C’est donc le
354
KLEIBER G., TAMBA I., « L’hyponymie revisitée : inclusion et hiérarchie », op. cit., p. 13.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 245
type de classes d’objets admises par les verbes qui les déterminent sémantiquement :
picoler (de l’alcool) vs boire (de l’eau)
fliquer (surveiller comme un flic) vs surveiller (en vue de protéger)
morfler (recevoir un coup) vs recevoir (un compliment, un cadeau)
engueuler (adresser des injures) vs adresser (des excuses), etc.
On remarque ici que les procès familiers, aussi variés soient-ils, réfèrent à
des réalités sociales réprouvées, soit par ses modes de réalisation ou par l’action
elle-même. Leurs particularités sémantiques les conduisent, de façon plus ou
moins implicite, vers un champ référentiel hors la norme, au-delà de ce qui est
attendu, au-delà de « ce qui se fait ». En cela, nul doute qu’ils seront l’objet
d’une interprétation fréquemment négative, que l’on appelle communément
péjoration. C’est donc la spécificité des procès marqués, les traits qui les
distinguent des procès non marqués, la sélection des classes d’objets qu’ils
admettent comme arguments qui en font des verbes chargés d’une appréciation
négative, quel que soit le niveau où cette spécificité intervient.
Cette péjoration, nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, est traditionnellement posée du côté de la connotation. Or, nous venons de le montrer,
l’appréciation pragmatique, connotative, est la conséquence d’une caractéristique sémantique établie. Le spécifieur induit un élément référentiel supplémentaire qui dépasse l’ordre de la connotation. C’est pourquoi nous
considérons que les indications spécifiques sont des propriétés constitutives du
défini et, que, à l’instar de Collinot et Mazière355, nous les concevons comme
des suites déterminatives ou circonstancielles énonçant les conditions de
satisfaction du procès. Les spécifieurs, aussi divers puissent-ils se présenter,
sont donc indispensables à la détermination de la classe des référents. A ce
titre, ils ne peuvent relever de la connotation et sont, au contraire, des
éléments indispensables du denotatum.
5.4.1.3. Les quasi-synonymes (type 1)
Comment considérer les items FAM. glosés à l’aide de quasi-synonymes non
marqués ? Il ne nous semble pas qu’il s’agisse d’un autre phénomène. C’est ce
que nous avons essayé de traduire par un ordonnancement, sur un continuum,
des divers types de définition utilisés (voir figure 8 précédente).
COLLINOT A., MAZIERE F., « Les définitions finalisées dans le Dictionnaire universel de
Furetière et dans le Dictionnaire de l’Académie », Centre d’étude du lexique. La définition,
Paris, Larousse, 1990, p. 244.
355
246 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
En effet, pour nombre de ces items, une lecture du côté de l’intensification
des procès peut être faite356 ; certains de ces verbes supportent assez difficilement une locution adverbiale du type « un peu » ou « faiblement » :
bagarrer « lutter pour »
* il s’est un peu bagarré, puis a cédé / il a un peu lutté, puis a cédé
se pocharder « s’enivrer »
* je me suis légèrement pochardé avec ce vin / je me suis légèrement enivré
poireauter « attendre »
* j’ai à peine poireauté / j’ai à peine attendu
Ces verbes sont principalement employés avec un sens intensif, ou appréciatif, tout à fait évident, et confirment cette lecture :
j’ai poireauté jusqu’à ton retour (j’ai attendu longtemps)
cette voiture bouffe de l’essence (elle consomme beaucoup d’essence)
j’ai raqué pour ce pull (j’ai payé cher)
elle s’est sapée pour venir en cours (elle s’est bien habillée)
D’autres verbes apparaissent comme identiques, d’un point de vue
sémantique, au définisseur non marqué, et les connotations qu’ils véhiculent
sur le plan énonciatif ne semblent soutenues par aucun trait sémantique :
chlinguer « puer »
déglinguer « disloquer »
dégueuler « vomir »
Nous pouvons alors parler, dans ces cas, de connotation au sens le plus usuel
du terme, c'est-à-dire comme l’ensemble du contenu flottant, difficilement
identifiable, variable d’un locuteur à l’autre, qui ne participe pas du denotatum.
Il ressort de ces exemples que nous devons envisager le denotatum et le
connotatum sur un axe graduel. En effet, il est difficile de parler de sèmes
dénotatifs pour chacun de ces items, bien que certains puissent être employés,
comme nous l’avons vu pour les incluants, en relation contrastive : il pleure
pas, il chiale.
En écho à la figure 8, il est nécessaire de prendre en compte l’hétérogénéité
des verbes familiers dans les relations qu’ils entretiennent avec les verbes
standards. Une part d’entre eux relève effectivement de la connotation mais,
pour la plupart, il nous semble que le sème distinctif ne peut être considéré
comme superfétatoire, précisément parce qu’il est distinctif. D’un point de vue
sémantique, l’élément de la définition lexicographique, nommé ici spécifieur,
assure l’information nécessaire et suffisante pour isoler la catégorie
extralinguistique nommée par le verbe, c'est-à-dire le référent. Et s’il devient
356
Dans ces exemples on trouve plus rarement des procès minimisés : traficoter « trafiquer »,
turlupiner « tourmenter ».
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 247
une composante permettant de discriminer une classe de référent, on peut
donc le placer du côté du dénoté.
5.4.2. Propriétés distributionnelles des verbes FAM.
D’autres observations, syntaxiques cette fois, vont dans le sens de notre
hypothèse selon laquelle la variation registrale ne peut pas s’interpréter
seulement du côté de la stylistique, car elle relève de phénomènes linguistiques
plus complexes. Il est communément admis que la variation stylistique n’a pas
d’influence sur la distribution des verbes, puisque l’identité des signifiés
référentiels, justifiant l’existence de « paires lexicales », implique que les
caractéristiques syntaxiques entre définissant et défini soient les mêmes. Or,
nous avons pu le constater au § 5.3.3 et 5.3.4, des restrictions sémantiques
pèsent sur les classes d’objets admises par certains items familiers. Quant aux
observations que nous allons maintenant présenter, elles confirment le
caractère spécifique des propriétés distributionnelles des items de notre corpus,
les verbes familiers répondant à des schémas sémantico-syntaxiques
spécifiques.
Nous avons antérieurement357 travaillé sur les propriétés syntaxicosémantiques d’une série de verbes, à partir du modèle du Lexique-Grammaire,
qui s’inscrit dans les cadres syntaxiques théoriques de la grammaire générative
transformationnelle tels qu’ils apparaissent dans les travaux de ses fondateurs,
Harris et Chomsky358. Nous postulions alors que si l’organisation sémantique se
traduit au niveau syntaxique359, l’étude syntaxique des lexèmes, plus rigoureuse
et plus objective, devait permettre de pallier les difficultés liées à la saisie des
significations. Nous avons donc comparé des verbes marqués et leur « homologue » dictionnairique non marqué, à partir de la catégorisation qu’il en est
fait dans les Tables de Gross360 afin d’accéder aux différences de constructions
DEVOLDER L., « De la familiarité à la trivialité », Actes du XXIXe colloque international de
linguistique fonctionnelle, Créativité et figement, Helsinki, octobre 2005, département des
langues romanes de l’Université d’Helsinki, 2007, p. 77-81.
358 Nous renvoyons ici aux travaux du LADL et de Maurice Gross. Une bibliographie exhaustive
est disponible sur le site : http://ladl.univ-mlv.fr/
359 « La structure de l’expression, des phénomènes de discours, s’accompagne en effet d’une
structuration correspondante sur le plan du contenu (…). C’est sans doute au niveau de la
proposition ou de la syntaxe stricto sensu que la liaison la plus directe s’établit, les différences
et ressemblances sur le plan de l’expression se traduisant souvent par des différences et des
ressemblances sur le plan du contenu ». WILLEM D., Syntaxe, lexique et sémantique : les
constructions verbales, Gent, Rijksuniversiteit Te Gent, 1981, p. 7.
360 La présentation des tables fait l’objet de plusieurs articles. Voir, notamment, GROSS G.,
« Études distributionnelles et analyse sémantique », Linguisticae Investigationes Supplementa,
n° 9, 1984, p. 129-140.
357
248 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
syntaxiques et donc sémantiques de chacune des paires constituées (une
trentaine de paires) sur le modèle de :
Max mendigote de l’argent aux passants / Max mendie de l’argent aux passants
Max chourave sa voiture à Luc / Max vole sa voiture à Luc
Max dégueule son repas sur la moquette / Max vomit son repas sur la moquette
Nous avons alors rencontré les limites de la démarche, qui furent un frein à
sa reconduite pour le présent travail. En effet, si les entrées familières se
voyaient peu à peu intégrer les listes du LADL, ce qui nous permettait de
travailler sur un corpus de plus en plus important, il subsistait des doutes quant
à l’attestation en discours des énoncés présentés, le Lexique-Grammaire
rendant compte d’une compétence grammaticale, plus que d’attestation en
contexte. Or, étant donné la singularité de notre corpus, il apparaît important
de travailler sur des emplois confirmés en discours et non pas simplement
construits par le chercheur expert.
Nous avons donc abandonné cette partie de l’analyse pour l’étude qui nous
occupe, en attendant d’imaginer une méthode satisfaisante que nous
présenterions dans des travaux ultérieurs361. En revanche, nous en avons retenu
les conclusions les plus intéressantes, qui sont corroborées par l’analyse des
énoncés dictionnairiques, qui reflètent également, dans une certaine mesure,
les environnements linguistiques des verbes glosés.
Nous avons ici travaillé sur les définitions de type 1 (à définisseur unique,
quasi synonyme). Si nous constatons que le verbe marqué se retrouve en
position interchangeable du verbe standard correspondant, la réciproque ne se
vérifie pas. Le défini roupiller est donné, par l’énoncé dictionnairique, comme
équivalent strict de dormir (contrairement aux définitions de type 2 par
exemple qui, par la présence de deux définisseurs, restreignent les contextes
d’emplois). C’est donc que roupiller et dormir sont considérés comme
commutables, a priori dans tous les contextes, comme le stipule la relation de
synonymie.
Or le classement des verbes dormir et roupiller, dans la taxinomie du
Lexique-Grammaire, fait apparaître que roupiller n’admet qu’un seul type de
361
Nous avons acquis, au fil de ce travail, la conviction que la comparaison des environnements
distributionnels, et notamment des rôles sémantico-syntaxiques assumés par les actants du
procès, permet une approche plus fine des relations lexicales « d’alternative», dans toute leur
diversité. Afin de rendre compte de la variation, cette comparaison ne peut être réalisée qu’à
partir d’un corpus de segments de discours constatés et contextualisés. Il s’agirait d’observer les
circonstances discursives d’ « apparition » d’un terme marqué et celle de son « alternative » non
marquée, et de les comparer linguistiquement. Cela permettrait, au-delà des indications
dictionnairiques, d’atteindre la référence virtuelle de chacun des items, et par là même, d’en
approfondir le sens lexical. Cette entreprise nous semble constituer une piste de recherche à
part entière, pour un travail ultérieur.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 249
construction (Max roupille littéralement en classe) alors que dormir en admet
trois : Max dort littéralement en classe ; cette eau dort ; qu’Ida a été en faute
dort dans les dossiers de Max.
Nous pouvons en déduire que la relation synonymique qui lie roupiller à
dormir n’est avérée que dans certains contextes syntaxiques, ce qui n’est pas
sans incidence sur leur(s) relation(s) sémantique(s). En effet, selon la conception harissienne, deux verbes qui ont des significations différentes, diffèrent
aussi quelque peu dans leur distribution ; conséquemment, les verbes aux
distributions différentes ont des significations différentes. Toute différence
sémantique ne se manifeste pas dans une différence syntactique, mais à chaque
différence syntactique correspond une différence sémantique essentielle362.
Roupiller et dormir, du fait de leur différence de distribution, présentent une
différence sémantique, bien qu’elle soit a priori difficilement identifiable (et
non stipulée dans la définition lexicographique).
Afin de cerner les différences entre les paires de verbes marqués/non
marqués, présentés comme quasi synonymes par le dictionnaire, nous avons
porté notre intérêt sur les types de construction qui présentent une réelle
équivalence, et à ceux qui l’excluent, prenant appui sur les Tables du LADL,
que nous avons complétées par des exemples dictionnairiques issus du PR :
elle est sapée à la mode de l’an dernier / elle est habillée à la mode de l’an dernier
Mais non pas :
le tableau habille le mur / *le tableau sape le mur
nous avons merdé, pas un peu, beaucoup / nous avons échoué, pas un peu,
beaucoup
Mais non pas :
le bateau a échoué sur la plage / *le bateau a merdé sur la plage
on va manger / on va grailler
Mais non pas :
ses lunettes lui mangent le visage/ *ses lunettes lui graillent le visage
il m’embarrasse avec ses questions / il m’embête avec ses questions
Mais non pas :
les cartons embarrassent le couloir / *les cartons embêtent le couloir
Si dormir, s’habiller, échouer peuvent remplacer, par équivalence de sens,
roupiller, saper et merder en contexte, l’inverse ne se vérifie pas.
362
APRESJAN J., « Analyse distributionnelle des significations et champs sémantiques
structurés », Langages, n° 1, 1966, p. 44-74.
250 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Nos premières analyses à l’aide des Tables de Gross et les observations
présentes sur l’intégralité de la série des définitions de type 1 montrent que les
verbes familiers acceptent principalement des sujets [+ hum.] dans un rôle
agentif, c'est-à-dire des procès contrôlés par son sujet syntaxique animé. C’est
finalement le degré d’implication du sujet-agent dans la mise en œuvre du
procès qui différencie les contextes dans lesquels la permutation est acceptable
ou non.
Les procès familiers s’illustrent donc par le fort rôle agentif assumé par le
sujet, ce qui exclut la plupart des emplois métaphoriques, ou extensifs, admis
par les verbes non marqués qui leur sont donnés comme équivalents : le
tableau habille (*sape) le mur, le bateau échoue (*merde) sur la plage.
Ce constat n’est pas seulement valable pour les verbes glosés par des
définitions de type 1, il doit également être étendu aux classes d’incluants pris
au sens le plus large (définition de type 3, présentant un spécifieur de manière
ou de moyen). Dans ce cas, la majorité de ces termes requiert un sujet agentif
qui contrôle le procès :
bâfrer « manger gloutonnement et avec excès »
vamper « séduire par des allures de vamp »
bigler « regarder du coin de l’œil »
Dans ces exemples, le procès familier est déterminé par la manifestation du
sujet comme contrôlant l’action. En effet, la modalisation du procès exclut un
faible degré d’agentivité de la part du sujet. Bien entendu, il ne s’agit pas
d’imaginer que l’on puisse manger, séduire ou regarder sans implication du
sujet, mais dans ces cas, son engagement actif dans le procès n’est pas une
condition indispensable à sa réalisation.
Ainsi on admettra :
il mange machinalement, par habitude, sans réfléchir
Alors que l’on acceptera difficilement363 :
* il bâfre machinalement
* il bigle sans réfléchir
* elle le vampe, sans faire exprès
Bâfrer, bigler, vamper sont, pourrions-nous dire, « marqués » par
l’intentionnalité du sujet qui réalise le procès, et qui le réalise à sa façon,
différemment de la manière la plus attendue. L’intentionnalité, c'est-à-dire la
marque de la volonté du « faire » du sujet, se situe ici sur l’action elle-même et
a pour résultat de modifier son déroulement « normal », « habituel ». L’inten363
Remarquons que l’on confirme ici l’intérêt de travailler sur corpus attesté en discours. Rien
ne s’oppose en langue, à ce que l’on puisse bâfrer machinalement, mais pourtant, bien
qu’attentive à l’emploi de ce terme, nous n’avons pu relever aucune occurrence de ce type ou
s’en approchant.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 251
tionalité est donc inscrite dans le segment d’énoncé que nous avons appelé
spécifieur et, de ce fait, détermine le procès. Le trait sémantique « intensité »
du procès, pointé dans le paragraphe précédent, peut alors être interprété
comme le symptôme du trait sémantico-syntaxique de l’intentionalité du sujet.
Il est d’autres verbes, pour lesquels l’intentionnalité ne se manifeste pas
simplement dans les modalités de l’action, mais dans les modalités de prise en
charge de l’action par une relation causale. Ce type de verbes se caractérise par
une intervention du sujet qui contrôle un changement qui se produit (ou doit
se produire) à l’issue de la réalisation du procès, par son intention364. Ce sont
des verbes qui sont principalement centrés sur la relation entre le sujet et
l’objet (humain ou non humain).
Ce rôle agentif-causatif du sujet peut être explicité par le définissant, la
finalité du procès étant précisée :
• par le spécifieur (définissants de type 3) :
emberlificoter « embrouiller (qqn) pour le tromper »
démantibuler « démolir de manière à rendre inutilisable »
embobiner « tromper par des paroles captieuses »
estomaquer « étonner, surprendre par quelque chose de choquant, d’offensant »
carotter « extorquer par la ruse »
• par un verbe support à valeur aspectuelle (notamment pour les défi-
nissants de type 6) :
déboussoler « désorienter qqn, faire qu’il ne sache plus où il est »
complexer « donner des complexes à qqn »
défouler « libérer de ses inhibitions (…) »
dépuceler « faire perdre sa virginité »
tournebouler « mettre l’esprit de qqn à l’envers »
trifouiller « mettre en désordre, en remuant »
Nous retrouvons ici les mêmes impossibilités que précédemment, c’est-àdire l’impossibilité de ces procès d’admettre un adverbe qui affaiblit l’implication du sujet dans son déroulement : *emberlificoter qqn par inadvertance,
*démantibuler qqch sans faire exprès, ou *dépuceler qqn à son propre insu.
L’intentionnalité du sujet n’est pas marquée par la modalisation du procès,
mais par son rôle causatif, qui devient un trait permettant de limiter, du point
de vue sémantico-syntaxique, la relation d’inclusion présumée entre un verbe
marqué et un verbe standard.
364
Pour une description approfondie de ces processus, voir BAUDET S., « Représentation
d’état, d’événement et d’action », Langages, n° 100, 1990, p. 45-64 et aussi JACKIEWICZ A.,
« Causalité et prise en charge énonciative », Études cognitives, n° 3, 1999, p. 249-269.
252 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Le caractère causatif ne se limite pas à ces exemples, et les procès impliquant
plus implicitement une relation de causativité sont nombreux :
ratiboiser (2) « ruiner qqn au jeu »
canuler « importuner qqn par les mêmes propos répétés »
défouler « permettre, favoriser chez qqn, la libération de l’agressivité »
dégoter (1) « déposséder qqn d’un poste »
Tous ces exemples montrent que le changement opéré par la prédication
(caractéristique des verbes d’action vs verbes d’état) est toujours subi par l’objet
et impulsé, causé, par le sujet qui en est le principal bénéficiaire. Le résultat des
procès familiers est principalement orienté vers le sujet, au détriment de l’objet
qui se voit transformé, manipulé, détruit, maltraité, qu’il s’agisse d’un objet
humain ou non humain.
De l’ensemble de ces observations, il ressort que l’intentionnalité du sujet
joue comme un trait spécifique (spécifieur) permettant de caractériser les
procès familiers, soit que le sujet contrôle le mode de réalisation du procès, soit
qu’il en contrôle les autres actants. En quelque sorte, lorsque l’objet est
effectué, il l’est d’une certaine façon (minimisant ou intensifiant le procès),
sinon, il est affecté par le procès, toujours à son détriment et à l’avantage du
sujet. Les procès familiers sont donc différents des procès des verbes standards,
en ce qu’ils ne supportent que des structures syntaxiques requérant un sujet
fortement agentif, ou agentif-causatif, qui marque de son empreinte la réalisation du procès.
Le lexique familier véhicule des propriétés syntaxico-sémantiques, et donc
référentielles, qui ne recoupent pas intégralement celles des verbes standards
incluants ou quasi-incluants.
Soient :
(A) il s’est fait zigouiller pendant la guerre / (B) il s’est fait tuer pendant la guerre
(A) il asticote sa sœur / (B) il agace sa sœur
La prédication A n’induit pas la même focalisation actancielle que la
prédication B. La prédication A focalise sur l’implication d’un agent dans la
réalisation du procès et son accomplissement (qqn l’a tué volontairement, et
peut-être même massacré sauvagement, en tout état de cause il n’a pas été tué
par une balle perdue), alors que la prédication B focalise sur l’état du patient
comme résultat du procès (il est mort pendant la guerre ; la sœur est agacée par
le frère, mais peut l’être par inadvertance).
Notre thèse est que les verbes familiers disent « autre chose en le disant
différemment », ou pour le moins disent « un autre point de vue sur le
monde ».
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 253
Alors que l’alternative synonymique (ou hypéronymique) en milieu
homogène rend prégnante en discours les ressemblances, nous pensons avoir
montré que la variation registrale s’appuie au contraire sur ce qui fait
différence, ce qui fait contraste ; ces différences sont notamment marquées par
une forte intentionnalité du sujet qui se manifeste du côté de la focalisation
actancielle ou de la modalisation de l’action du verbe.
Nous avons montré que les valeurs de sens véhiculées par les verbes
familiers et leurs « alternatives » standards respectives (qu’elles soient
présentées par le dictionnaire comme synonyme ou incluant) ne sont pas
analogues dans l’univers de croyance collectif. Les contrastes sémantiques,
syntaxiques (et morphologiques) opèrent comme mode de différenciation
lexicale et, à ce titre, le choix du locuteur d’un énoncé plutôt que d’un autre
n’est pas simplement lié à un désir de « coloration du discours » mais à une
volonté de dire autre chose, de dire autrement le monde.
Cela relativise la notion de connotation pragmatique, qui n’existe pas
isolément, mais est sous-tendue par des propriétés sémantiques ou syntaxiques.
Alors que l’expression de la subjectivité du sujet de l’énonciation est souvent
décrite du côté de la connotation, il nous semble au contraire qu’elle vient
doubler une intentionnalité et/ou une intensité marquée en langue. C’est pourquoi le trait intentionnalité du sujet de l’énoncé, qui induit le jugement ou la
subjectivité du sujet de l’énonciation, permet de construire des catégories
référentielles, et il doit être posé comme un trait fonctionnel, pertinent,
constitutif du sémème.
Le lexique familier permet au locuteur d’accéder à des champs référentiels
exclus du lexique non marqué, c’est-à-dire d’accéder à une conceptualisation
spécifique du monde.
5.4.3. La variation registrale comme différenciation conceptuelle
Nous considérons, comme Gérard Petit365, que les propriétés spécifiques du
lexique familier que nous avons pu mettre en évidence opèrent une sorte de
conception trivialisante du réel. Nous n’avons pas, à proprement parler, établi
de regroupement en champs sémantiques de notre corpus, cependant il est
remarquable que les classes des référents évoquées sont celles qui renvoient au
quotidien des individus en ce qu’il a de plus banal, de plus rebattu : becter,
roupiller, boulonner, tchatcher, etc. Les valeurs associées à becter font écho à
celles de l’acte de se nourrir de la façon la plus banale, la plus quelconque qui
soit, au point de se teinter d’une touche de péjoration puisque l’étalage de la
365
PETIT G., « La double hybridation de l’unité lexicale », op. cit., p. 151.
254 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
banalité est vécu comme une provocation (une vulgarité, un acte sans
distinction). Il devient alors évident que l’on acceptera l'énoncé « y a rien a
becter dans mon frigo, je vais becter un kebab », beaucoup plus facilement que
l’énoncé « merci pour ce repas, j’ai bien becté ».
C’est là un phénomène que nous devions remarquer : si le verbe familier est
à ce point interprété du côté de la péjoration, c’est que son « alternative
lexicale » non marquée participe, a contrario, d’une vision édulcorée de la
réalité.
Soient les « paires » :
manger/bouffer
rire/se bidonner
critiquer/criticailler
Ce qui fait dissemblance entre chacun des termes de la série, c’est le
segment que le dictionnaire présente comme spécifieur (respectivement
gloutonnement, beaucoup, sans raison ou pour le plaisir) et qui induit la
marque FAM. Autrement dit manger, c’est ingérer de la nourriture ni trop, ni
trop peu ; rire c’est manifester avec mesure un état de gaieté et critiquer c’est
émettre un jugement toujours fondé et argumenté. Ainsi, avançons-nous que le
verbe familier opère une désacralisation du procès là où l’alternative standard
véhicule une vision tout à fait idéalisée de ce qui fait la vie sociale.
On comprend mieux ici l’assimilation, notamment historique, qu’il peut y
avoir entre le lexique familier et la dimension sociale. Selon les représentations
collectives, il est probable que l’on considère que l’on bouffe, que l’on se
bidonne et que l’on criticaille plus fréquemment dans certains faubourgs que
dans les maisons bourgeoises des centre-villes.
Les termes non marqués constituent un ensemble lexical qui pourrait
également être perçu comme « marqué » du côté de l’idéalisation. Le registre
familier est traditionnellement décrit comme référent à une vision péjorative,
le standard étant neutre. Or, nous le savons, la neutralité n’existe pas et se situe
du côté de l’embellissement ou, pourrait-on dire, d’une exagération positive.
Nous n’irons pas jusqu’à renverser totalement le rapport entre marqué et non
marqué, mais nous proposons de considérer que le registre familier trouve un
« pendant » dans ce que l’on peut maintenant appeler un registre standard qui,
loin d’être neutre, soutient une conception standardisée du monde, exactement
dans les termes opposés à celle du registre familier, l’un étant admis, l’autre
moins.
Nous ne cherchons pas à remettre en question l’utilité sociale de cette
neutralisation du dire. Nous pensons au contraire que ces restrictions sont
autant de codes nécessaires à l’existence d’une organisation collective.
Chapitre 5. – Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale 255
Cependant nous voulons montrer que, par l’emploi d’un terme non marqué, le
locuteur fait également un choix, celui de se conformer aux règles sociales et
de taire toute une part de ce qui fait la vie sociale.
Nous soutenons que la valeur référentielle des verbes marqués FAM., comme
celle des verbes non marqués, est inscrite dans le lexique, et constitue, pour
chacun, une référence originale. A ceci près qu’en présence de termes familiers
se crée, dans l’imaginaire des locuteurs, une sorte de paradigme qui tire le
terme du côté du réprouvé.
Le lexique non marqué ne peut pas tout dire, en termes d’autorisation
comme en termes de possibilité. Ainsi, constatons-nous à nouveau que la
variation registrale n’est pas « une façon différente de dire la même chose »
mais qu’elle permet de dire ce que la norme nécessite de taire. Nous proposons
de considérer que la fonctionnalité du registre familier est celle d’une niche, au
sens bourdieusien du terme, c'est-à-dire un creux au sein du système, une
poche d’air qui justifie son existence tout en l’empêchant d’imploser. Nous
l’avons confirmé tout au long de cette étude, si les termes marqués FAM.
octroient quelques libertés dans leur forme et dans leur sens, ils ne sont pas
pour autant en dehors du système, mais au contraire ils le confortent. Le
registre familier, bien loin de bouleverser les codes, renforce ce qui fonde la
norme, par induction. Le fait de fonctionner sur la rupture avec ce qui est
admis l’entérine paradoxalement, dans la mesure où l’étalon reste toujours la
norme. La contestation d’un ordre, qu’il soit sémantique, conceptuel ou
morphologique, est en quelque sorte une confirmation de cet ordre.
Contrairement à ce que donnent à voir les définitions lexicographiques, c’est
l’existence de bouffer qui garantit à manger son statut de procès standard, et
non pas simplement l’inverse. Le registre familier justifie l’existence d’un
registre standard, et réciproquement. Ainsi, loin de contrevenir à la norme
linguistique, le registre familier la soutient, par le fait qu’il s’en démarque. En
cela, il constitue cette part du lexique non normée et non pas a-normale,
légitimant qu’il trouve sa place au sein du code commun, de la langue
commune.
Conclusion
Simple, le « français familier » ?
Tout au long de cette étude des termes marqués FAM. est apparu le caractère
hétérogène et complexe de cette part du lexique, dans ses aspects formels,
sémantiques et également énonciatifs. Ces constats affaiblissent sérieusement la
pertinence des qualifications de « naturel », « ordinaire » ou « spontané »,
habituellement attribuées au registre familier et permettent d’en proposer une
lecture plus fine.
Dès les prémisses de notre recherche, nous avons pu remarquer que la
dimension diaphasique est quelque peu délaissée, voire confondue avec la
variation diastratique. La notion plus précise de registre de langue est alors
l’objet de la stylistique ou de la didactique, dans une perspective relativement
normative dont les dictionnaires sont le relais (voir chapitre 1). Pourtant nos
observations ont montré que la description des phénomènes de familiarité
permet une approche singulière tout à fait adaptée pour mettre au jour des faits
et des effets de norme.
L’analyse de l’attribution de la marque FAM., et de ses relations avec les
marques POP. et ARG. (voire VULG.) a confirmé les difficultés de catégorisation
des usages non standards, difficultés corrélatives aux imprécisions théoriques.
A partir de l’examen des marques d’usages (voir chapitre 3), réalisé en
synchronie et en diachronie, nous avons proposé une organisation du lexique
prenant en compte la diversité des usages, sur un continuum à trois
dimensions :
-
la dimension diachronique : évolution potentielle du marquage du + au conventionnel,
-
la dimension diastratique : évolution potentielle du marquage du +
diastratique au + diaphasique,
-
la dimension de spécificité : catégorisation en fonction du degré de disponibilité des termes.
258 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Cette modélisation a l’intérêt :
- de substituer une vision hiérarchique des usages,
- de souligner l’importance qu’il y a à distinguer entre la dimension
diaphasique et la dimension diastratique,
- de nous permettre de soutenir l’existence d’un « effet familier » vs des
« faits populaires ».
Au terme de cette analyse nous avons été en mesure de confirmer la
nécessité d’une gradation dans le marquage du lexique non standard gradation
qui doit s’effectuer par une marque spécifique (notamment par la marque
« TRÈS FAM. »). Ainsi, les marques ARG. et POP. sont-elles réservées à la
catégorisation d’usages très spécifiques (technique pour ARG., et classant pour
POP.). Un système de marque plus précis rendrait alors compte des évolutions
diachroniques, sur le modèle de « D’ABORD ARG. PUIS FAM. » déjà utilisée par le
Grand Robert de la langue française. Enfin, nous avons proposé de remplacer
l’actuelle dénomination de « marques d’usage » au singulier par « marques
d’usages » au pluriel afin de refléter l’hétérogénéité de ces derniers.
L’analyse morphosémantique des termes familiers présentée au chapitre 4
avait pour objectif de dégager des caractéristiques formelles susceptibles de
produire un effet familier. Elle nous a permis de mettre en évidence un profil
composite de la classe des verbes familiers et la faible diagrammaticité (voir
§ 4.3.3.1.2) qui lui est concomitante, bien que les processus à l’œuvre appartiennent au système morphologique de la langue.
Le double rôle sémantique et pragmatique assuré par l’affixation, le glissement vers un sens tropique dans le processus de dérivation, et la remotivation
sémantique sur la base de la substance phonique, sont autant de témoins de la
complexité et de la diversification des constructions familières.
Aussi, contrairement aux idées les plus répandues, la souplesse formelle
qu’offre le lexique non standard n’ouvre-t-elle pas vers une possibilité de
simplification des formes. Elle révèle, au contraire, la liberté que prend le sujet
de l’énonciation dans la manipulation qu’il fait de la langue, rendant les règles
de formation assez peu prédictibles. Il apparaît évident qu’il faut être un
francophone natif pour avoir une idée du sens de canarder ou de fliquer, qui
relève de mécanismes sémantiques subtils bien que conformes au système
dérivationnel.
Conclusion 259
D’un point de vue formel, la familiarité doit alors être comprise comme la
manifestation de la liberté donnée au locuteur de s’approprier des codes
linguistiques, de tordre et distordre les règles, jusqu’à les faire siennes,
poursuivant un seul objectif : user les potentialités de la langue, pour réduire
les « coûts » linguistique (pique-niquer « faire un pique-nique ») d’une part,
pour investir le sens, notamment par des composants expressifs (bavasser,
criticailler), d’autre part.
L’examen sémantique des termes que nous avons exposé au cours du dernier
chapitre, a révélé les liens lexicaux que le lexicographe établit entre lexique
familier et lexique standard et nous a permis de constater que la « traduction »
d’un terme familier par un quasi-synonyme standard est une interprétation
discutable de la familiarité lexicale. En effet, nous avons pu dégager de nos
observations que le registre familier n’est pas un doublon de la langue standard.
Nos conclusions s’opposent ainsi à celles qui considèrent les formes
familières comme des formes alternantes, ayant le même contenu référentiel,
donc interchangeables dans un contexte donné. Nous avons montré, au
contraire, que les potentialités de coréférence de termes familiers et des termes
standards sont relativement réduites. Si chialer peut trouver une sorte
d’équivalent avec pleurer, aucune correspondance n’existe en lexique standard
pour saucissonner, entarter ou baragouiner.
L’hypothèse connotative s’avère donc insuffisante pour cerner la notion de
familiarité et, plus largement, celle de registre de langue. Il devient alors
nécessaire d’en relativiser la portée et d’envisager que le lexique familier est le
reflet d’éléments qui s’intègrent à la signification globale du sémème.
Contrairement aux idées largement répandues, nous soutenons, au terme de
ce travail, que la variété des vocables a une répercussion sur le concept. Le
lexique familier s’impose comme un choix paradigmatique permettant de dire
« autre chose », non exprimable par le lexique standard.
Parce qu’ils comblent des « vides » laissés par le lexique standard, parce
qu’ils donnent accès à des concepts tus, les termes familiers rendent compte
d’un mode d’appréhension spécifique du monde, à la marge de ce qui peut se
définir comme la normalité. Comme l’a montré notre analyse, le registre
familier fonctionne comme une sorte de miroir grossissant, qui vient dire le
monde dans ce qu’il a de plus trivial, de plus rugueux. Les phénomènes
d’affixation évaluative (§ 4.3.2.3), ceux d’hypéronymie que nous avons décrits
comme « spécifieurs modificateurs » (§ 5.4.1.1) en sont les manifestations les
plus évidentes, autant que les champs lexicaux recouverts par ces termes
(évoqués au § 4.3.4.3).
260 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Les lexèmes familiers opèrent en quelque sorte une distorsion, une déviation
des champs référentiels, vécue du point de vue de la norme comme une
déviance, en cela qu’ils permettent de dire ce qui doit rester cacher, ce que la
norme ne peut et ne doit pas dire.
En effet, alors que les règles qui font le jeu social impliquent une certaine
discrétion dans l’interaction, elles imposent également une retenue dans
l’expression. Le lexique standard répond donc à un consensus sémio-culturel,
en accord avec le principe de bienséance, entendu comme le reflet des réalités
sociales convenables. C’est donc une vision idéalisée du monde qu’il reflète – et
non pas neutralisée –, inscrite dans la demi-mesure : manger, pleurer, boire oui
mais ni trop, ni trop peu. A contrario, le lexique familier s’impose comme un
véritable « putsch » linguistique et donc social qui révèle ce qu’il n’est pas
admis de dire, c'est-à-dire ce qui est non normé mais aussi ce qui est a-normal,
outrancier, de l’ordre de l’ubris (bâfrer, chialer, picoler ). Le registre familier
manifeste alors un non-renoncement à dire, une sorte de retour du refoulé,
franchissant, par le biais de formes et de contenus linguistiques, les normes
sociales de l’interaction.
C’est alors une liberté, avant tout linguistique, que s’octroient, dans certaines circonstances, les locuteurs. Elle se manifeste à tous les niveaux de la
langue :
- du côté du système, notamment par la souplesse des procédés formels
de création lexicale,
- du côté du contenu référentiel : référents réprouvés socialement,
distorsions des modalités d’action attendues par intensification ou
atténuation des procès,
- et enfin dans la distribution des rôles actanciels : focalisation sur le
sujet de l’énoncé, faisant du procès un acte de revendication de ce
que l’on pourrait appeler « la toute puissance du sujet ».
Tout se passe comme si la prééminence du « Je » dans le registre familier
permettait l’émergence du sujet énonçant par delà le sujet syntaxique. C’est là
la clé de la fonction expressive traditionnellement dévolue au registre familier.
Il ne s’agit pas simplement de « faire image » par désir pittoresque, mais bien
plutôt d’exprimer la subjectivité du sujet qui vient envahir l’énoncé de sa
présence. Chacune des caractéristiques propres à la familiarité lexicale que
nous avons relevées asserte la liberté que prend le locuteur dans l’acte
d’énonciation et qui le conduit à « faire » différemment, à « dire »
différemment de ce qui est préconisé. Si l’expressivité familière peut être
entendue comme la marque de l’intentionnalité du sujet, c’est en tant qu’elle
reflète son intention de se distinguer, c’est-à-dire de parler – donc d’agir – en
Conclusion 261
contraste. La prédication familière se révèle une transgression systématique :
parfois une transgression formelle, souvent une transgression sémantique,
toujours une transgression énonciative.
Dès lors, la familiarité lexicale induit la familiarité sociale par la réduction
de la distance interlocutive, c'est-à-dire le déplacement des positionnements
du « je » et du « tu » dans l’interaction. On comprend d’autant mieux la
stigmatisation qui pèse sur ce registre et les contraintes contextuelles qui le
régissent. Le lexique familier est le support d’un discours éminemment « autocentré », une sorte de « narcissisme discursif » dans lequel le sujet exprime sa
propre vision du monde, faisant fi des conventions sociales et linguistiques.
C’est alors un moyen pour le locuteur de prendre le pouvoir dans l’interaction
en se donnant le droit de modifier les règles qui font le jeu social, de dire ce qui
doit être refoulé, de se positionner au centre de la relation. Nul étonnement
alors que l’emploi de ces termes puisse apparaître, dans certaines circonstances,
comme une marque d’agressivité, d’impolitesse ou tout simplement de mépris
de l’autre. L’effet familier n’est socialement supportable qu’à la condition que
soit négocié un accord tacite à transgresser ensemble, cela étant favorisé par la
proximité des locuteurs. Autrement dit, l’emploi de termes familiers est
toujours une transgression, admise dans certaines situations (notamment entre
pairs) et irrecevable dans d’autres (relation hiérarchique ou solennelles).
Nous soutenons alors que la familiarité lexicale sous-tend la familiarité
sociale. Loin d’être un simple étiquetage lexical, la marque FAM. signale des
mécanismes présents de façon sous-jacente en langue, qui produisent un effet
dans le discours. La familiarité n’est donc pas un degré d’attention porté sur les
usages linguistiques, mais un degré d’attention porté sur les us sociaux. Aussi,
dans une interprétation sociolinguistique de la familiarité, nous ne devons pas
considérer que les termes familiers eux-mêmes sont des marqueurs sociaux,
mais plutôt leur maniement. C’est l’aisance dans la plasticité des usages qui
aura un effet socialement classant, bien plus que les usages eux-mêmes. C’est la
capacité du locuteur à maîtriser c'est-à-dire à contrôler, à dominer son
expression et donc à adapter ses choix linguistiques à la situation d’énonciation
qui fait l’objet d’une évaluation sociale et non pas les choix eux-mêmes.
Nous sommes maintenant en mesure d’aller au-delà de la compréhension
traditionnelle du registre comme tonalité, ton, style ou même comme
variation, au profit d’une interprétation fonctionnelle.
262 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Rompant avec les conceptions structuralistes et générativistes, nous
affirmons que le registre n’est pas « une façon différente de dire la même
chose », mais bien un élargissement des potentialités qu’offre la langue.
Le qualificatif de non conventionnel ne renvoie pas tant aux formes
linguistiques qui le composent (formes évaluées par rapport à d’autres formes
elles, conventionnelles), mais à l’effet qu’elles peuvent produire en discours du
fait de leur singularité. Le registre familier est jugé comme non standard car il
offre des possibilités exclues par le lexique standard – l’expression de ces
possibilités faisant l’objet d’une stigmatisation sociale.
Le familier peut alors être considéré comme le reste, ce qui ne se dit pas, ce
qui est défendu, malséant. Le lexique familier trouve alors sa pertinence par
rapport à un lexique standard et réciproquement, non pas dans une dynamique
comparative mais comme possibilités complémentaires offertes par la langue ;
l’un véhiculant une vision du monde triviale, l’autre idéalisée.
Autrement dit, à l’instar du registre familier on peut dégager un registre
standard produisant un effet standard, la limite entre les deux registres jouant
comme censure sociale et linguistique.
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Annexes
Annexe 1 : Corpus Petit Robert 2002
- Rappel des conditions d’édification du corpus
- Tableau des données
Annexe 2 : Comparaison du marquage des termes dans le NPR 2002 et le PL 2001
- Tableau 1 : Inventaire des marques d’usages attribuées au corpus par
le NPR 2002 et le PL 2001
- Tableau 2 : Inventaire des termes marqués FAM. par le PL 2001 qui
font l’objet d’une autre marque d’usages dans le NPR 2002
Annexe 3 : Comparaison du marquage des termes dans le NPR 2002 et le PR 1977
- Tableau 1 : Inventaire des marques d’usages attribuées au corpus par
le NPR 2002 et le PR 1977
- Tableau 2 : Inventaire des termes marqués FAM. par le PR 1977 qui
font l’objet d’une autre marque d’usage dans le NPR 2002.
Annexe 4 : Répartition des entrées dictionnairiques en fonction des types de définition
observés
Classements des entrées du corpus selon les 9 types de définition mis en
évidence au chapitre 5.
ANNEXE 1
CORPUS PETIT ROBERT 2002
Le corpus sur lequel se fonde l’analyse est issu de la base du dictionnaire
généraliste monolingue, le Nouveau Petit Robert, dans sa version électronique
2.1, correspondant à l’édition imprimée de 2002. (voir explication détaillée
§ 2.2).
Ce corpus est constitué de 410 entrées verbales dotées de la marque d’usage
FAM.
Nous n’avons retenu que les entrées dictionnairiques dont le sens principal
est marqué FAM., et avons exclu de notre corpus les sens familiers, polysèmes
dérivés (emplois familiers de termes, par extension ou figuré). L’entrée
amocher a par exemple été conservée, alors que l’acception familière de
angoisser a été rejetée.
AMOCHER v. tr
FAM. Blesser par des coups. - Détériorer. => abîmer. Il a amoché sa voiture.
PRONOM. Il s’est bien amoché.
ANGOISSER
- 1. V. tr. Inquiéter au point de causer de l'angoisse. => Oppresser, tourmenter;
angoissant. PRONOM. Être saisi d'angoisse, devenir anxieux, devenir anxieux. Les
français « s’angoissent devant la montée du Sida » (L’Express, 1987)
- 2. V. intr. FAM. Éprouver de l'angoisse, se faire du souci. => 2. flipper. Pour payer
« l’habillement et le transport, elle angoisse » (L’Express, 1989)
◊ CONTR. Apaiser, calmer, tranquilliser.
En revanche, lorsqu’une entrée non marquée présente un sens secondaire
marqué FAM., jugé homonymique en synchronie, nous avons retenu ce dernier
comme une acception autonome. Ainsi, baliser, « avoir peur », a été intégré à
notre corpus.
BALISER
- 1. V. tr.
1▪ Garnir, jalonner de balises. => balisage. Baliser un port, un chenal, un tracé de
route (=> flécher), un aérodrome. - p.p. adj. Chemin balisé, où le parcours à suivre
est indiqué d’un trait de peinture sur un arbre, une pierre.
2▪ INFORM. Munir (un texte, une information) de balises.
-2. V. Intr. FAM. Avoir peur.
De la même façon, un certain nombre d’entrées marquées FAM. en sens
principal présentent également des acceptions « secondaires » pouvant être
286 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
considérées en synchronie comme homonymes. Nous les avons alors intégrées
à notre corpus, comme deux items indépendants. Ils sont signalés par une
numérotation (1) et (2). Par exemple, les deux sens familiers homonymiques de
arnaquer apparaissent, dans le corpus, comme arnaquer (1) « escroquer, voler »,
et arnaquer (2) « arrêter, prendre ».
ARNAQUER v.tr.
FAM.
-1. Escroquer, voler. Commerçant mal honnête qui arnaque le client. Il s’est fait
arnaquer ! => estamber, filouter, gruger.
-2. Arrêter, prendre. Se faire arnaquer. => alpaguer, épingler.
Les 410 items constituant le corpus sont présentés en tableau de 4 colonnes
(l’entrée, la catégorie grammaticale, la marque d’usage et la définition).
Chacune de ces données nous est fournie par le NPR électronique, sans aucune
modification de notre part.
Entrées
AMOCHER
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM.
Définitions
Blesser par des coups. - Détériorer. =>
abîmer. Il a amoché sa voiture. PRONOM. Il
s’est bien amoché.
ARNAQUER (1)
v. tr.
FAM.
Escroquer, voler. Commerçant malhonnête
qui arnaque le client. Il s’est fait arnaquer !
=> estamper, filouter, gruger.
ARNAQUER (2)
v. tr.
FAM.
Arrêter, prendre. Se faire arnaquer. =>
alpaguer, épingler.
ASTICOTER
v. tr.
FAM.
Agacer, harceler (qqn) pour de petites
choses. « Nicole le taquine, l’asticote
inutilement » (Martin du Gard)
ATTIFER
v. tr.
FAM. ET PÉJ.
Habiller, parer avec une recherche
excessive ou d’une manière ridicule. =>
accoutrer. Il faut voir comment elle attife
ses enfants ! - PRONOM. « je ne m’attife pas
ainsi qu’un freluquet. » (Rostand). Regarde
un peu comment il s’attife !
BAFOUILLER
v. intr.
FAM.
Parler d'une façon embarrassée,
incohérente. => bredouiller. L'émotion la
fait bafouiller.
Par ext. (en parlant d'un moteur). Avoir
des ratés. - Cafouiller.
- TRANS. Il bafouilla des excuses.
BÂFRER
v. tr.
FAM.
Manger gloutonnement et avec excès.
=>bouffer. « Ils engloutirent le saucisson,
bâfrèrent le canard » (Fallet). Qu’est-ce
qu’il bâfre ! => descendre, s’empiffrer.
Annexes 287
Entrées
Cat.
Gram.
BAGARRER (SE) (1)
v. pron.
Marque
FAM.
Définitions
Se bagarrer.
1▪ Se battre. Voyous qui se bagarrent. => se
castagner. Il s’est bagarré avec son frère.
PAR EXT. Se quereller. Ils se sont bagarrés à
propos des élections
2▪ Lutter, se démener (surtout avec il faut).
Il va falloir se bagarrer pour obtenir une
subvention, pour prendre ce marché (cf.
Monter au créneau). Se bagarrer contre la
concurrence.
BAGARRER (2)
v. intr.
FAM.
Lutter (pour). Il va falloir bagarrer pour
l'obtenir.
BALADER (1)
v. tr.
FAM.
Promener sans but précis. « des bonnes
femmes qui baladaient leurs mômes »
(Queneau).
PAR EXT. Promener, trainer avec soi,
« Pauvre petit Bonty qui balade partout sa
bouteille de lait cacheté » (Colette).
BALADER (SE) (2)
v. pron.
FAM.
Se promener sans but. => baguenauder,
errer, flâner, promener (se). Se balader en
forêt. - Faire des excursions touristiques.
«On a tout juste quinze jours pour se
balader » (Beauvoir). - (avec ellipse du
pronom) LOC. FAM. Envoyer balader (qqn,
qqch.) : se débarrasser (de qqn, qqch.) sans
ménagement ; repousser (cf. envoyer
promener ; FAM. envoyer bouler, dinguer,
paitre, valser).
BALISER
v. intr.
FAM.
Avoir peur.
BANQUER
v. intr.
FAM.
Payer => casquer, raquer.
BARAGOUINER (1)
v. tr.
FAM.
Parler (une langue) en l'estropiant.
Baragouiner le français. « J’entends très
bien l’italien ; pour ce qui est de le parler,
je baragouine quelques mots » (Flaubert).
BARAGOUINER (2)
v. intr.
FAM. ET PÉJ.
Parler une langue qui paraît barbare à ceux
qui ne la comprennent pas. Ces étrangers
baragouinent entre eux.
BARATINER (1)
v. intr.
FAM.
Faire du baratin.
BARATINER (2)
v. tr.
FAM.
Essayer d'abuser (qqn) par un baratin. =>
embobiner. Il commence à baratiner la fille
qu’il avait draguée..
BARBER
v. tr.
FAM.
Ennuyer. => assommer, raser. Cela me
barbe d’y aller. Vous le barbez avec vos
histoires.
◊ Se barber v. pron. S'ennuyer. On s'est
barbés toute la journée. => se barbifier.
BARBIFIER (1)
v. tr.
FAM.
Raser, faire la barbe à.
288 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
BARBIFIER (2)
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM. ET
VIEILLI
Définitions
Ennuyer. => barber, raser. - PRONOM. Se
barbifier : s'ennuyer.
BARBOTER
v. tr.
FAM.
Voler. On lui a barboté son portefeuille. =>
chiper, faucher, piquer.
BARDER
v.
impers.
FAM.
Devenir dangereux, prendre une tournure
violente. S'il se met en colère, ça va barder!
=> se gâter ; fam. chauffer.
BARRER (SE)
v. pron.
FAM.
Partir, s'enfuir. => casser (se), tirer (se).
Barre-toi! « On m’a dit que la mienne, de
femme, elle s’était barrée » (Maurois). LOC. FAM. Etre mal barré, être mal parti,
s’annoncer mal. C'est mal barré. Il est mal
barré, le pauvre.
BASSINER
v. tr.
FAM.
Ennuyer, fatiguer, importuner. => barber,
raser ; bassinant. « Tu me bassines avec ton
amour » (Daudet).
BATIFOLER
v. intr.
FAM.
S'amuser à des jeux folâtres. => s’amuser,
folâtrer. - « Faner, c’est retourner du foin
en batifolant » (Mme de Sévigné). Personne
qui batifole.
BAVASSER
v. intr.
FAM. ET PÉJ.
Bavarder. - Dire des médisances.
BAZARDER
v. tr.
FAM.
Se débarrasser, se défaire rapidement de
(qqch.). => abandonner, liquider, vendre ;
FAM. balancer, virer. Il a tout bazardé. « Il
rompit avec la vie mondaine, bazarda
même son frac » (Montherlant).
BÊCHER (1)
v. tr.
FAM. VX.
Critiquer vivement (qqn). => débiner.
BÊCHER (2)
v. tr.
FAM.
Être prétentieux et snob à l'égard de (qqn).
=> snober. Il nous bêche !
BÉCOTER
v. tr.
FAM.
Donner des bécots à (qqn). => embrasser.
PRONOM. Se bécoter. S’embrasser.
Amoureux qui se bécotent en public.
BECTER
v. tr.
FAM.
BEURRER (SE)
v. tr.
FAM.
Manger => bouffer. Il n’y a rien à becter,
ici ? Ils ont tout becté. « Je becte, je picte ou
magne-toi » (Dauzat).
Se beurrer la gueule : se soûler. => se
bourrer, se noircir.
BIBERONNER
v. intr.
FAM.
Boire souvent et avec excès (du vin, des
boissons alcoolisées). => pinter.
BICHER (1)
v. intr.
FAM. VIEILLI
Aller bien. Ça biche. => boomer.
BICHER (2)
v. intr.
FAM.
Se réjouir. Il biche !
BIDONNER (2)
v. tr.
FAM.
Truquer (un reportage, une émission) en
simulant des événements qui ne
correspondent à aucune réalité. =>
bidouiller. - p. p. adj. Une émission
bidonnée. Un jeu télévisé, un reportage
bidonné. - ABSOLT. Un journaliste qui
bidonne. => bluffer.
Annexes 289
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
BIDONNER (SE) (1)
v. pron.
FAM.
BIDOUILLER
v. tr.
FAM.
Définitions
Rire beaucoup. => se marrer, se poiler,
rigoler. Il y a de quoi se bidonner.
Faire fonctionner, arranger en bricolant.
Bidouiller un logiciel. - Fig. Truquer =>
trafiquer. Un scrutin bidouillé.
BIGLER (1)
v. intr.
BIGLER (2)
v. tr.
FAM.
FAM. ET
Loucher.
Regarder du coin de l'œil => regarder ;
zieuter. « Elle biglait le colosse avec
une certaine langueur » (Queneau).
VIEILLI
FAM.
BIGOPHONER
v. intr.
FAM.
[cf. BIGOPHONE]
BILER (SE)
v. pron.
FAM.
S'inquiéter, se faire de la bile. => faire (s'en
faire). Pourquoi se biler? Il passe bientôt ses
examens, mais il ne se bile pas beaucoup.
« Madame Peloux, ne vous bilez pas »
(Colette).
BISER
v. tr.
FAM.
Donner une bise à (qqn). => embrasser.
BISQUER
v. intr.
FAM.
Éprouver du dépit, de la mauvaise humeur.
=> rager, râler. Faire bisquer qqn. =>
enrager (cf. fam. Faire devenir chèvre).
Bisque, bisque, rage!, formule employée,
notamment par les enfants, pour exciter
qqn.
BITER ou BITTER
v. tr.
FAM.
Comprendre. « Ma mère hurlait, moi je
bitais rien à ce qui se passait » (B. Blier). Je
n’y bite rien (=> imbitable).
BITURER (SE)
v. pron.
FAM.
S'enivrer => se soûler.
BLABLATER
v. intr.
FAM. ET PÉJ.
Tenir des propos sans intérêt, se lancer
dans un verbiage creux.
BLAGUER
v. intr.
FAM.
Dire des blagues. => mentir, plaisanter. Tu
blagues, tu veux rire ? - FIG. Il ne faut pas
blaguer avec la santé. => badiner ; FAM.
déconner, rigoler.
BLAIRER
v. tr.
FAM.
(avec la négation). Aimer, apprécier (qqn).
Je ne peux pas le blairer. => pifer, sentir.
« Boris ne blairait pas beaucoup les
pédérastes » (Sartre).
BOMBER
v. tr.
FAM.
Peindre, inscrire à la bombe sur des murs
privés ou publics => graffiter, taguer,
bombage.
BOSSER
v. intr.
FAM.
Travailler. Il bosse dur. => 2. bûcher. Je
bosse avec lui depuis un an. - TRANS. Il faut
que je bosse mon examen.
◊ CONTR. Glander.
290 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
BOUFFER (1)
v. intr.
FAM.
Manger gloutonnement => bâfrer. Il ne
mange pas, il bouffe. ◊ Manger. => becter,
boulotter, briffer. INTRANS. Bouffer au
resto. - LOC. Avoir envie de bouffer qqn,
être furieux contre lui. Je l’aurais bouffée !
Bouffer du curé : être très hostile au clergé.
(RÉCIPR.) Se bouffer le nez : se disputer. =>
s’engueuler
BOUFFER (2)
v. intr.
FAM.
(Compl. Personne) Absorber
complètement, accaparer. Son travail le
bouffe complètement. IL se laisse bouffer
par sa femme.
BOUFFER (3)
v. tr.
FAM.
Consommer. Une voiture qui bouffe de
l’huile. ◊ Avaler. Bouffer des kilomètres :
rouler beaucoup en voiture.
BOULONNER
v. intr.
FAM.
Travailler. => bosser. Il boulonne dur.
BOULOTTER
v.
FAM.
Manger => bouffer
BOYAUTER (SE)
v. pron.
FAM.
Rire très fort, se tordre de rire. => bidonner
(se)
BRAILLER
v. intr.
FAM.
Crier fort, parler ou chanter de façon
assourdissante. Il ne parle pas, il braille. TRANS. Brailler une chanson, un slogan. ◊
Pleurer bruyamment (enfants). Bébé qui
braille sans arrêt.
BRAIRE
v. intr.
FAM.
Faire braire : ennuyer profondément. Tu
nous fais braire avec tes histoires (cf. faire
suer).
BULLER
v. intr.
FAM.
Ne rien faire. Il bulle toute la journée.
BUTER
v. tr.
FAM.
Tuer, assassiner avec une arme à feu, dans
un mauvais coup, dans un règlement de
compte. Il a buté un flic. Se faire buter.
◊ HOM. Buté, butée, butter.
CABOTINER
v. intr.
FAM.
Faire le cabotin.
CACHETONNER
v. intr.
FAM.
Courir le cachet. « Un comédien raté,
cachetonnant dans les bonnes ou les
mauvaises comédies de boulevard »
(C. Paysan).
CAFARDER (1)
v. tr.
FAM.
Dénoncer en faisant le cafard (I,2). =>
dénoncer, rapporter ; FAM. cafter,
moucharder. Il m’a cafardé. ABSOLT. Il a
cafardé pour plaire au chef.
CAFARDER (2)
v. intr.
FAM.
Avoir le cafard (II, 2), être déprimé (cf.
Broyer du noir).
CAFOUILLER
v. intr.
FAM.
Agir d'une façon désordonnée, confuse ;
marcher mal. => merdoyer, vasouiller. « Ils
ne savent pas se conduire, ça cafouille »
(Sartre). Ca cafouillait dans ses explications.
Annexes 291
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
CAFTER
v. tr.
FAM.
Dénoncer. => cafarder (1). Il m’a cafté au
prof. - ABSOLT. Un fayot qui cafte.
CANARDER
v. tr.
FAM.
Tirer sur (qqn) d'un lieu où l'on est à
couvert, comme dans la chasse aux canards.
Se faire canarder : se faire tirer dessus. PAR
EXT. ABSOLT. Ca commence à canarder de
toutes parts. => Tirer.
CANER
v. intr.
FAM.
Reculer devant le danger ou la difficulté.
=> céder, FAM. se dégonfler, flancher. « Il a
tourné court, il a cané » (Duhamel)
◊ HOM. Canné, canner.
CANNER
v. tr.
RÉGION.
Mettre en boîtes de conserve. Canner de la
(CANADA)
(emploi
critiqué)
FAM.
viande, des légumes.
FAM.
Importuner (qqn) par le même propos
répété. => fatiguer ; canulant.
CANULER
v. tr.
CARAPATER (SE)
v. pron.
FAM.
S'enfuir, s'en aller vivement. => décamper,
sauver (se), FAM. se tirer.
CAROTTER (1)
v. tr.
FAM.
Extorquer (qqch. à qqn) par la ruse. =>
escroquer, soutirer, voler. Il nous a carotté
cent euros. « Il carotte des cigares aux
Américains » Colette. - Carotter une
permission.
CAROTTER (2)
v. tr.
FAM.
Extraire du sol une carotte.
CASQUER
v. intr.
FAM.
Donner de l'argent, payer. => raquer. Faire
casquer qqn.
CATASTROPHER
v. tr.
FAM.
Atterrer => abattre, annihiler. - Surtout
passif et p.p. Nous sommes catastrophés par
la nouvelle. - Adj. Un air catastrophé.
CAVALER
v. intr.
FAM.
Courir, fuir, filer. Les cognes « ont manqué
me pincer. Je les ai vus. J’ai cavalé, cavalé,
cavalé ! » (Hugo). Cavaler après quelqu’un,
lui courir après. POP. Se cavaler : s’enfuir. Se déplacer beaucoup sans relâche (=>
cavalcade). Il a fallu cavaler pour obtenir ce
papier. ◊ Rechercher des aventures
érotiques (=> cavaleur).
CHAMBARDER
v. tr.
FAM.
Bouleverser de fond en comble, mettre en
désordre. On a tout chambardé dans la
maison. - FIG. Changer brutalement,
détruire. => chambouler, révolutionner.
« A les écouter, rien n’est bien et il faudrait
chambarder tout : notre façon de travailler,
notre manger ». (Genevoix).
◊ CONTR. Conserver, maintenir.
292 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
CHAMBOULER
v. tr.
FAM.
Bouleverser, mettre sens dessus dessous =>
chambarder. « Chambouler l’échelle des
valeurs » (Perret).
CHAPARDER
v. tr.
FAM.
Dérober, voler (de petites choses). =>
chiper, piquer. ABSOLT Chaparder dans les
grands magasins
CHARCUTER
v. tr.
FAM.
Opérer (qqn) maladroitement. Se faire
charcuter par un mauvais chirurgien. - FIG.
Charcuter un texte, le défigurer par des
suppressions. - PRONOM. Un des malades
« a tenté de s’opérer lui-même et s’est
abominablement charcuté » (Gide).
CHÂTAIGNER
v. intr.
FAM.
Se battre violemment. Ils châtaignaient par
plaisir. - PRONOM. Ils se sont châtaignés. =>
se castagner.
◊ HOM. Châtaignier.
CHIADER
v. tr.
FAM. ET
VIEILLI
CHIALER
v. intr.
CHIER (1)
v. intr.
FAM.
Pleurer.
FAM. ET
Se décharger le ventre des excréments.
Déféquer. => faire caca.
VULG.
CHIER (2)
v. intr.
Travailler, préparer (un examen). =>
potasser. Chiader son bac. Chiader une
question, l'étudier à fond. => approfondir.
P.p. adj. Un problème chiadé, difficile.
FAM. ET
VULG.
FIG. Faire chier qqn, l'embêter. => ennuyer.
(cf. faire suer). PAR EXT. Lui causer des
ennuis, le faire souffrir. Tu nous fais chier!
Fais pas chier ! Ca me fait chier : ça
m’ennuie, ça m’est désagréable. On se fait
chier ici, on s’ennuie. =>
s’emmerder. « J’aime mieux me faire chier
tout seul que d’être heureux avec les
autres » (Desproges). ◊ loc. Envoyer chier
qqn, le rembarrer. Chier dans son froc (de
peur), Chier dans la colle. - En chier : être
dans une situation pénible. Ya pas à chier :
c’est évident, c’est inévitable. A chier : très
laid, très mauvais. Elle est à chier. Ce film
est à chier. Un goût à chier. Il est nul à
chier. ◊ IMPERS. Ca va chier (des bulles) :
les choses vont se gâter, ça va barder. Ca
chie pas : cela n’a pas d’importance.
CHIGNER
v. intr.
FAM.
Grogner, pleurnicher.
CHIPER
v. tr.
FAM.
Dérober, voler. « on va t’empaumer, on va
te chiper tout ce que tu as » (Stendhal).
CHLINGUER
v. intr.
FAM. ET
Puer. => empester. « Je pue ils pincent leur
VULG.
nez ils disent ça chlingue ça fouette »
(Duvert).
CHOPER (1)
v. tr.
FAM. VIEILLI
Voler => chiper.
Annexes 293
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
CHOPER (2)
v. tr.
FAM.
Arrêter, prendre (qqn). => pincer. « on te
choperait la main dans le sac » (Carco). Se
faire choper.
CHOPER (3)
v. tr.
FAM.
Attraper. J'ai chopé un bon rhume. =>
ramasser.
CHOUCHOUTTER
v. tr.
FAM.
Dorloter, gâter. Chouchouter ses enfants.
=> cajoler, choyer. Se faire chouchouter.
CHOUINER ou
CHOUGNER
v. intr.
RÉGION. OU
Pleurnicher. => chigner. Elle « cessa
brusquement de chougner, surprise par
cette proposition » (San Antonio).
CHOURAVER
v. tr.
FAM.
FAM.
Voler. => chiper. « Qui a chouravé ma
gamelle ? » (Sarrazin). - ABRÉV. Chourer. Il
s’est fait chourer son stylo.
COCHONNER
v. tr.
FAM.
Faire (un travail) mal, sans soin, salement.
C’est du travail cochonné. => saloper,
torcher. ◊ Salir. Je venais de nettoyer, il a
tout cochonné !
FAM.
Sentir mauvais. => empester, puer. Ça
COCOTER ou
COCOTTER
v. intr.
COCUFIER
v. tr.
FAM.
Faire cocu. => tromper.
COLLAPSER
v. intr.
FAM.
S’évanouir. J’ai failli collapser en le voyant.
COMPLEXER
v. tr.
FAM.
Donner des complexes à qqn. Sa petite
taille le complexe. => inhiber, paralyser.
CONTREBALANCER v. pron.
(S'EN)
FAM.
Se moquer éperdument de. « Si je ne lui
CONTREFICHER (SE)
FAM.
cocotte, ici !
v. pron.
plais pas, c’est son affaire [..] je m’en
contrebalance » (Beauvoir).
Se moquer complètement (de). => s’en
contrebalancer, s’en contrefoutre. Il s’en
contrefiche.
COPINER
v. intr.
FAM.
Avoir des relations de camaraderie.
Copiner avec qqn.
CORNAQUER
v. tr.
FAM.
Servir de guide à (qqn). => accompagner,
guider, piloter.
COUCHAILLER
v. intr.
FAM. ET PÉJ.
Avoir des relations sexuelles
occasionnelles. => 1. coucher (II , 3).
« Moravagine couchaillait avec elle »
(Cendrars).
COUILLONNER
v. tr.
FAM.
Tromper, duper. Se faire couillonner. -P.p.
adj. « Pauvre papa, empoisonné par ses
souvenirs de Verdun et une fois de plus
couillonné » (J-L. Bory).
COUINER (1)
v. intr.
FAM.
Pousser de petits cris => couinements.
Souris qui couine. - PAR EXT. (PERSONNES)
Arrêtez de couiner ! => piailler.
COUINER (2)
v. intr.
FAM.
Grincer. Porte qui couine.
COURSER
v. tr.
FAM.
Poursuivre à la course. - FAM. suivre. Elle
s’est fait courser par deux garçons.
294 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
CRACHOUILLER
v. intr.
et tr.
FAM.
=> crachoter. J’émergeai, « crachouillant
une eau qui sentait le roui » (Bazin).
CRAMER (1)
v. tr.
FAM.
Brûler légèrement. Cramer un rôti. Cramer
du linge en le repassant. => roussir.
INTRANS. Les carottes ont cramées. =>
attaché
CRAMER (2)
v. intr.
FAM.
Brûler complètement, se consumer. Toute
la bicoque a cramé.
CRÂNER
v. intr.
FAM.
Affecter la bravoure, le courage, la
décision. => fanfaronner, plastronner, poser
(cf. FAM. Jouer les durs). Je ne crânais pas
(cf. je m’en menais pas large). - PAR EXT.
PÉJ. Prendre un air fat, vaniteux => frimer.
Il crane sur sa moto neuve (cf. La ramener,
rouler des mécaniques). « Vous avec une
boutique, vous rêvez de crâner dans le
quartier » (Zola)
◊ CONTR. Poltronnerie.
CRAPAHUTER
v. intr.
FAM.
Marcher, progresser dans un terrain
accidenté, difficile.
CRAPOTER
v. intr.
FAM.
Tirer sur une cigarette sans vraiment
fumer, sans avaler la fumée.
CRÉCHER
v. intr.
FAM.
Habiter, loger. « Il demanda : Où est-ce que
je vais crécher, cette nuit ? » (Sartre).
CRISER
v. intr.
FAM.
Perdre le contrôle de ses nerfs, piquer sa
crise.
CRITICAILLER
v. intr.
FAM.
Critiquer, blâmer sans raison ou pour le
plaisir.
CROUTER
v. tr et
intr.
FAM.
Manger. « Il n’a pas dû déjeuner pour
mieux croûter ce soir à nos dépens »
(Queneau)
CUITER (SE)
v. pron.
FAM.
Prendre une cuite, s'enivrer. => soûler (se)
« Tu auras tout le temps de dormir et même
de te cuiter » (Vailland).
DANSOTER
v. intr.
FAM.
Danser un peu.
DEALER
v. tr.
FAM.
Trafiquer, revendre (de la drogue), à petite
échelle.
DÉBALLONNER (SE) v. pron.
FAM. ET PÉJ.
Reculer, par manque de courage, devant
une action. => se dégonfler.
DEBANDER
v. intr.
FAM.
Cesser de bander, d'être en érection. - ça
fait débander : ça gâche le plaisir, le désir. ◊
Cesser d’être en action. « Il avait repris tout
son souffle… Il débandait plus » (Céline). LOC. FIG. Sans débander : sans interrompre
son effort.
◊ CONTR. Bander.
DEBARBOUILLER
v. tr.
FAM.
Tirer d’affaire, d’embarras. Laisser-le se
débarbouiller tout seul. => se dépêtrer.
Annexes 295
Entrées
DÉBECTER ou
DÉBÉQUETER,
DÉBECQUETER
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM.
Définitions
Dégoûter. « Le vichy-fraise, me débecte »
(Queneau). - PAR EXT. Déplaire. Votre
comportement me débecte. ça me débecte.
◊ CONTR. Plaire.
DEBINER
v. tr.
DEBINER (SE)
v. pron.
FAM.
Décrier, dénigrer. - PRONOM. « entre
littérateurs, on peut s’aimer tout en se
débinant » (Renard).
FAM. ET
Se sauver, s’enfuir, partir. « tous les civils
VIEILLI
des patelins, qui ont les foies et qui se
débinent » (Martin du Gard).
Désorienter (qqn), faire qu’il ne sache plus
où il est. Son échec l’a déboussolé. - Il est
complètement déboussolé. => désemparé,
paumé.
DEBOUSSOLER
v. tr.
FAM.
DÉBRAGUETTER
v. tr.
FAM.
Ouvrir la braguette de. PRONOM. Se
débraguetter.
◊ CONTR. Rebraguetter.
DEBRAILLER (SE)
v. pron.
FAM.
Se découvrir la poitrine, d’une manière
indécente en ouvrant ses vêtements. Se
débrailler en public. - FIG. La conversation
se débraille, perd toute retenue, toute
décence.
DEBRAYER
v. intr.
FAM.
(1937). Arrêter le travail (dans une
usine,…), notamment pour protester. (cf.
faire grève, se mettre en grève). Les
ouvriers ont débrayé ce matin.
◊ CONTR. Embrayer
DÉCANILLER
v. intr.
FAM.
S’enfuir, partir.
DECARCASSER (SE)
v. pron.
FAM.
Se donner beaucoup de peine pour
parvenir à un résultat. => se démener. (cf.
se donner du mal ; FAM. se casser le cul).
« Je peux bien me décarcasser à faire de
l’ironie, elle n’a même pas l’air d’entendre »
(Colette).
DÉCERVELER
v. tr.
FAM.
Faire sauter la cervelle de (qqn). - ABSOLT.
La machine à décerveler du père Ubu. FIG. Rendre stupide. => abrutir, décérébrer.
ABSOLT. « La télévision, insidieuse machine
à décerveler ». (Leiris).
DÉCOMPLEXER
v. tr.
FAM.
Libérer de ses inhibitions, de ses
complexes. => décoincer, décontracter,
défouler. Décomplexer un intime. Invitele, ça va le décomplexer ! - FIG. Libérer
d’une gêne, d’un sentiment d’infériorité.
Décomplexer « l’économie marocaine » (Le
Monde, 1962).
◊ CONTR. Complexer, inhiber.
296 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
DÉCONNER (1)
v. intr.
FAM.
Dire, faire des bêtises, des absurdités =>
débloquer, déraisonner. « Ce que je pouvais
déconner, pardon, dire des bêtises quand
j’étais môme » (Queneau). Il déconne à
plein tubes.
DECONNER (2)
v. intr.
FAM.
Plaisanter. => blaguer, rigoler. Faut pas
déconner avec ces choses là ! Allez, assez
déconné, soyons sérieux ! Arrête de
déconner ! Sans déconner, ABRÉV. Sans
déc’. : sérieusement.
DECONNER (3)
v. intr.
FAM.
(Choses). Mal fonctionner. Ma montre
déconne complètement.
DÉFOULER (1)
v. tr.
FAM.
(Choses). Permettre, favoriser chez (qqn) la
libération de l’agressivité, de pulsions
ordinairement réprimées. L’automobile
« instrument à défouler les citadins
emprisonnés » (Elle, 1958).
DEFOULER (2)
v. tr.
FAM.
(Personnes). Se DÉFOULER v. pron. Se
libérer des contraintes, des tensions. (=>
décompresser) ; faire une dépense d’énergie
vitale. Se défouler en faisant du sport. Se
défouler sur qqn, sur qqch.
DEFOURAILLER
v. intr.
ARG. FAM.
Sortir une arme à feu. => dégainer. « Le
Texas ranger qui défouraille plus vite que
son ombre ». (Le Point, 1987)
DÉGLINGUER
v. tr.
FAM.
Disloquer. => abîmer, démantibuler,
désarticuler, détraquer. Déglinguer un
appareil. - Pronom. Ce réveil se déglingue
sans arrêt. P.p. adj. Une bicyclette toute
déglinguée.
DÉGOBILLER
v. tr.
FAM.
=> vomir. Dégobiller son repas. ABSOLT. Il a
envie de dégobiller. => dégueuler, gerber.
DÉGOISER (1)
v. intr.
FAM. ET PÉJ.
Parler. Il n'a pas fini de dégoiser.
DEGOISER (2)
v. tr.
FAM. ET PÉJ.
Débiter. Dégoiser d’interminables discours.
Qu’est-ce qu’il dégoise ? => dire.
DEGOTER (1)
v. tr.
FAM. VX.
Déposséder (qqn) d’un poste, renvoyer. =>
FAM. dégommer.
DEGOTER (2)
v. tr.
FAM. ET MOD.
=> découvrir, trouver. Impossible de le
dégotter nulle part. Où avez-vous dégoté ce
bouquin ?
DÉGROUILLER (SE)
v. pron.
DÉGUEULASSER
v. tr.
DEGUEULER
v.
FAM. (LANG.
Se dépêcher. => grouiller (se) magner (se).
DES
ÉCOLIERS)
Allons, dégrouille-toi, ABSOLT. Dégrouille!
FAM.
Salir énormément. => saloper. Tu as tout
dégueulassé. PRONOM. « On va se
dégueulasser » (G. Conchon).
FAM. ET
Vomir. => dégobiller, gerber.
VULG.
Annexes 297
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
DEHOTTER
v. intr.
FAM.
Partir, s’en aller.
DEJANTER
v.
FAM.
Devenir un peu fou, avoir un
comportement anormal. => débloquer,
dérailler. Il a déjanté. Elle déjante
complètement.
DÉMANTIBULER
v. tr.
FAM.
Démolir de manière à rendre inutilisable ;
mettre en pièces. => casser, déglinguer,
démonter, disloquer. Démantibuler un
meuble. - P.p. adj. « Des charpentes
abattues, des bancs boiteux, des stalles
démantibulées » (Chateaubriand).
◊ CONTR. Arranger, réparer.
DÉMERDER (SE)
v. pron.
FAM.
Se débrouiller. Se démerder tout seul. Ça
ne me regarde pas, démerdez-vous! Il se
démerde bien : il s'en tire, s'en sort bien, il
réussit. « IL était temps qu’il se démerde
pour gagner sa croûte » (Queneau).
DÉPATOUILLER (SE)
v. pron.
FAM.
Se dépêtrer d'une situation embarrassante.
FIG. ET COUR. Se débrouiller. => se
démerder.
DÉPIAUTER
v. tr.
FAM.
Dépouiller (un animal) de sa peau. =>
écorcher. Dépiauter un lapin. - PAR EXT.
Débarrasser de ce qui recouvre comme
d'une peau (papier, etc.). Dépiauter des
bonbons. Dépiauter un fruit. => éplucher.
FIG. Éplucher (un texte).
DEPOITRAILLER (SE)
v. pron.
FAM.
[cf. DEPOITRAILLE, E]
DÉPUCELER
v. tr.
FAM.
Faire perdre sa virginité, son pucelage à
(qqn). Dépuceler une jeune fille. Etre
dépucelée.
DESAPER
v. tr.
FAM.
Déshabiller. PRONOM. Se désaper pour se
coucher.
◊ CONTR. Se saper.
DETALER
v. intr.
FAM.
S’en aller au plus vite. => décamper,
déguerpir, s’enfuir. Détaler à toutes jambes,
au triple galop. Il « détalait d’une vitesse
que ses sandales lui donnaient la fessée »
(France). « Les Ribeyrol remontèrent en
auto sans perdre une minute et détalèrent »
(Duhamel). => filer.
298 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
DINGUER
Cat.
Gram.
v. intr.
Marque
FAM.
Définitions
(Surtout inf., après des v. comme aller,
venir, faillir). Tomber, être projeté. =>
valdinguer, valser. « J’eus un éblouissement
et m’en allai dinguer au pied d’un
marronnier » (Gide). ◊ Envoyer dinguer :
repousser violemment. -FIG. éconduire sans
ménagement. => rabrouer. « Si c’était moi
qui avais voulu les lui présenter, ce qu’il
m’aurait envoyé dinguer » (Proust). =>
bouler, paître.
DOUILLER (1)
v. intr.
FAM.
Payer. C’est encore moi qui vais douiller !
=> casquer, raquer.
DOUILLER (2)
v. intr.
FAM.
Ca douille : ça coûte cher. => chiffrer.
DROGUER
v. intr.
FAM. ET
Faire droguer qqn. => attendre. « Le
campagnard ne vous fait droguer que
lorsqu’il est sur de votre patience ».
VIEILLI
(Romains).
DROPER
v. intr.
FAM.
Filer, courir très vite. « les agents
convoyeurs m’ont fait droper au pas de
charge jusqu’à la gare » (Sarrazin).
ÉCORNIFLER
v. tr.
FAM. ET VX.
Se procurer çà et là aux dépens d'autrui
(une aubaine, de l'argent, un bon repas...).
=> grappiller, rafler.
ÉCRABOUILLER
v. tr.
FAM.
Écraser salement, mettre en bouillie. =>
broyer. Écrabouiller un escargot. Un
camion a failli l’écrabouiller. « Bon fusil,
ma foi ! Quel calibre ! CA vous écrabouille
la tête sur la pavé » (Zola).
EMBERLIFICOTER (1)
v. tr.
EMBERLIFICOTER (2) v. tr.
FAM.
Empêtrer. - PRONOM. « Il s’emberlificota
dans les jupons, et faillit tomber » (Zola).
FAM.
Fig. Embrouiller (qqn) pour le tromper.
=>embobiner. - PRONOM. S’emberlificoter
dans des explications confuses.
EMBÊTER (1)
v. tr.
FAM.
Ennuyer. Ce spectacle m'embête. => Raser ;
FAM. emmerder. ◊ S’embêter. V. pron.
S’ennuyer. => FAM. s’emmerder. « Ce vieux
Rouen où je me suis embêté sur tous les
pavés » (Flaubert). LOC. S’embêter à cent
sous de l’heure, beaucoup.
EMBÊTER (2)
v. tr.
FAM.
Contrarier fortement. Ne l'embête pas ! :
laisse-le tranquille. => agacer, importuner,
tarabuster ; FAM. asticoter, bassiner, tanner
(cf. casser les pieds, TRÈS FAM. faire chier).
Ca l’embête d’être en retard, qu’il parte
demain. « Si c’est pour embêter le
gouvernement, vous perdez votre peine »
(Romains). ◊ V. pron. Il ne s’embête pas : il
a une vie agréable, il n’est pas à plaindre
Annexes 299
Entrées
EMBÊTER (3)
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM.
Définitions
Embarrasser. je suis bien embêté de vous
répondre.
EMBOBINER
v. tr.
FAM.
Tromper par des paroles captieuses. =>
duper, entortiller. Le vendeur l’a
facilement embobiné.
EMBRINGUER
v. tr.
FAM.
Engager de façon fâcheuse, embarrassante.
=> embarquer. « Décidé à ne pas se laisser
embringuer dans un cirque ambulant »
(Queneau). Il est embringué dans une sale
affaire. - PRONOM. « Je suis trop bête de
m’embringuer d’un ménage à soutenir ».
(Bourget).
EMMERDER (1)
v. tr.
FAM.
Importuner (qqn). => agacer ; FAM.
embêter, emmieller, emmouscailler,
enquiquiner, gonfler (cf. TRÈS FAM. Faire
chier). Arrête de m’emmerder. Tu
emmerdes tout le monde. Ca m’emmerde
de rester là, qu’il parte sans moi. Il est
salement emmerdé avec cette histoire. Pronom. S’emmerder avec qqch., à : se
donner beaucoup de peine pour (qqch). On
ne va pas s’emmerder avec ça, pour si peu,
à le réparer. (Emploi négatif) Il ne
s’emmerde pas : il ne s’en fait pas, il a de la
chance.
EMMERDER (2)
v. tr.
FAM.
Ennuyer. => assommer, barber, embêter,
raser. La politique et l’opéra m’emmerde.. PRONOM. => s’enquiquiner (cf. se faire
chier, suer). « On s’emmerde ici. Si on allait
dans une autre crémerie ?) (Maurois). (emploi négatif) On ne s’emmerde pas avec
eux ! on s’amuse, il se passe des choses.
EMMERDER (3)
v. tr.
FAM.
(en matière de défi) Tenir pour inexistant,
négligeable. « Les gens du quartier ? je les
emmerde » (Queneau).
EMMIELLER
v. tr.
FAM.
(par euphém.) Emmerder (qqn).
EMMITOUFLER
v. tr.
FAM.
Envelopper dans des fourrures, des
vêtements chauds et moelleux.
« Emmitouflée jusqu’aux oreilles dans un
châle fané » (Daudet). - PRONOM. Se
couvrir chaudement des pieds à la tête.
EMMOUSCAILLER
v. tr.
FAM. VIEILLI
Emmerder.
ÉMOTIONNER
v. tr.
FAM.
Toucher, agiter par une émotion. =>
émouvoir. « Je ne dirai pas que cet ouvrage
m’émeut, mais il émotionne : mauvais mot,
mauvaise chose ». (Le Senne).
EMPAUMER
v. tr.
FAM. ET
VIEILLI
Posséder (qqn) en trompant, en enjôlant.
« Tout malin que tu es, tu te fais
empaumer » (B. Clavel). => duper, rouler.
300 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
EMPIFFRER (S’)
Cat.
Gram.
v. pron.
Marque
FAM.
Définitions
Manger avec excès, gloutonnement. => se
bourrer, se gaver, se goinfrer. Dès qu’il est à
table, il s’empiffre. « Il s’empiffrait de
nourriture, et repu, s’endormait sur place »
(Tharaud) ;
EMPILER
v. tr.
FAM.
Duper en volant. => avoir, posséder, rouler.
Se faire empiler.
EMPLAFONNER
v. tr.
FAM.
(En parlant de véhicules). Heurter
violemment (un autre véhicule ou un
obstacle). => Emboutir. - PRONOM. Entrer
en collision. Les camions se sont
emplafonnés.
ENDÊVER
v. intr.
FAM. ET VX .
Rager. - Vieilli. Faire endêver quelqu'un :
le faire enrager. => tourmenter. « Je la
faisais endêver en cachant ses balais »
(France).
ENGUEULER (1)
v. tr.
FAM.
Adresser des injures, une vive réprimande
à (qqn), souvent de façon grossière, pour
exprimer son mécontentement. =>
réprimander. Se faire engueuler par son
patron (=> incendier), par ses parents (=>
attraper, gronder). « Et le poète soûl
engueulait l’univers » (Rimbaud) « Ils
engueulent leurs domestiques en flamand »
(Baudelaire) - Loc. Engueuler qqn comme
du poisson pourri, l’accabler d’injures
violentes.
ENGUEULER (2)
v. pron.
FAM.
RÉCIPR. Se disputer, se quereller de façon
violente. S’engueuler avec qqn. Ils se sont
engueulés un bon coup.
ENGUIRLANDER
v. tr.
FAM.
(euphém. pour engueuler). Réprimander
(qqn). « l’autre s’emporte et l’enguirlande »
(Gide).
ENQUIQUINER
v. tr.
FAM.
Agacer, ennuyer, importuner (euphémisme
pour emmerder dont il a tous les sens
figurés). « Les ministres, je m’en sers quand
j’en ai besoin. Et puis je les enquiquine »
(Duhamel). - PRONOM. Je ne vais pas
m’enquiquiner avec ça.
ENTARTER
v. tr.
FAM.
Plaquer une tarte à la crème sur le visage
(de qqn ; spécialement une personnalité
que l’on veut ridiculiser)
ENTUBER
v. tr.
FAM.
Duper, escroquer. => 1. avoir, posséder,
rouler. Il s'est fait entuber. Il l’a entubé de
2 euros.
ÉPOUSTOUFLER
v. tr.
FAM.
Jeter (qqn) dans l'étonnement, la surprise.
=> ébahir, épater, étonner, stupéfier. Cette
nouvelle m’a époustouflé. Tous étaient
époustouflés par tant d’audace. => soufflés.
Annexes 301
Entrées
Cat.
Gram.
ESBIGNER (s’)
v. pron.
Marque
FAM. ET
Définitions
Se sauver. => décamper.
VIEILLI
ESBROUFER
v. tr.
FAM.
En imposer à (qqn) en faisant de l'esbroufe
=> bluffer, épater. Il cherche à nous
esbroufer (moins cour. que faire de
l'esbroufe).
ESQUINTER (1)
v. tr.
FAM.
Blesser (qqn) ; abîmer (qqch). Il l’a
salement esquinté. => amocher. S’esquinter
la vue à lire sans lumière. S’esquinter la
santé. => ruiner. Esquinter sa voiture, ses
livres. => détériorer ; FAM. bousiller. ◊ Fig.
critiquer très sévèrement. Esquinter un
auteur. Le film a été esquinté par la
critique. => éreinter.
ESQUINTER (2)
v. tr.
FAM.
Fatiguer extrêmement. => épuiser,
éreinter ; FAM. claquer, crever. Ce travail
m’esquinte. - PRONOM. « Je ne vais pas
m’esquinter à travailler pour engraisser une
bande de députés » (Aragon) => tuer.
ESTOMAQUER
v. tr.
FAM.
Etonner, surprendre par qqch. de
choquant, d’offensant. Sa conduite a
estomaquée tout le monde. => scandaliser,
suffoquer.
ESTOURBIR
v. tr.
FAM.
Assommer. - Fig. Étonner violemment.
FARFOUILLER
v. intr.
FAM.
Fouiller en bouleversant tout. =>
fourgonner, fureter, trifouiller. « Merci de
m’avoir permis ainsi de farfouiller dans vos
affaires » (Montherlant).
FAUTER
v. intr.
FAM. VIEILLI
Se laisser séduire, se donner, en parlant
d’une femme, d’une jeune fille.
FIGNOLER
v. tr.
FAM.
Exécuter, arranger avec un soin minutieux
jusque dans les détails. => finaliser, finir,
parfaire, peaufiner, soigner. « il s’en remet
sur d’autres le soin de fignoler sa doctrine »
(Romains). ABSOLT. Ce n’est pas la peine de
fignoler. => raffiner. - travail, devoir
fignolé. => léché. Fignoler avec amour.
◊ CONTR. Bâcler.
FILOCHER (1)
v. intr.
FAM.
Aller vite, filer.
FILOCHER (2)
v. tr.
FAM.
Suivre (qqn) pour l’épier.
FLANCHER
v. intr.
FAM.
Céder, faiblir. Le cœur du malade a flanché
brusquement. => lâcher. Sa mémoire
commence à flancher. Il semblait résolu,
mais il a flanché au dernier moment. =>
abandonner. Fam. se dégonfler (cf. Lâcher
pied). Ce n’est pas le moment de flancher !
=> FAM. mollir.
302 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
FLANQUER (1)
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM.
Définitions
Lancer, jeter brutalement ou brusquement.
=> ficher, foutre. Flanquer un coup, une
gifle à qqn. => allonger, appliquer, envoyer.
« C’est vrai, il y a des jours où je flanquerais
tout en l’air ». (Zola). => bazarder. « Des
gens qui jouaient aux cartes et qui se les
flanquaient par la figure » (Aragon).
Flanquer qqn dehors, un employé à la
porte. => congédier, renvoyer. Flanquer
qqch. par terre, le faire échouer. Ca a tout
flanqué par terre. - PRONOM. Se flaquer par
terre : tomber.
FLANQUER (2)
v. tr.
FAM.
Donner => coller. Flanquer la frousse à
qqn. « Cet excès de belladone lui flanqua
seulement une mémorable colique »
(Bazin).
FLASHER
v. intr.
FAM.
Être très intéressé par, avoir le coup de
foudre pour. Flasher sur qqn.
FLEMMARDER
v. intr.
FAM.
Paresser, ne rien faire. => buller. « je ne
flemmarde pas, Monsieur, je reprends le
souffle » (B. Vian).
FLINGUER (1)
v. tr.
FAM.
Tirer sur (qqn) avec un flingue, une arme à
feu « Le premier qui bouge, je le flingue »
(Simonin). - Pronom. Se suicider avec une
arme à feu. Si tu pars, je me flingue ! Il y a
de quoi se flinguer.
FLINGUER (2)
v. tr.
FAM.
Détruire, abîmer (qqch). Flinguer le
moteur. => bousiller, fusiller.
FLIPPER (1)
v. intr.
FAM.
Etre abattu, déprimé lorsque la drogue a
fini son effet.
FLIPPER (2)
v. intr.
FAM.
Par ext. Etre déprimé. ◊ Etre angoissé,
avoir peur. => baliser. Flipper avant de
passer un examen. ça me fait flipper.
FLIQUER
v. tr.
FAM.
Exercer une surveillance policière sur. PAR
Exercer une surveillance répressive
sur (qqn). Fliquer les enfants.
EXT.
FLOTTER
Pleuvoir abondamment. Il a flotté toute la
v.
impers
FAM.
FOUINER (1)
v. intr.
FAM.
Se livrer à des recherches méticuleuses.
Fouiner dans la bibliothèque.
FOUINER (2)
v. intr.
FAM. PÉJ.
Fouiller indiscrètement dans les affaires des
autres (comme la fouine qui fourre partout
son museau). => fouiller, fureter. Il n'aime
pas qu'on vienne fouiner dans ses affaires.
« Ils ont fouiné partout, perquisitionné
comme ils disent » (Genevois).
journée.
Annexes 303
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
FRIMER
v. intr.
FAM.
Chercher à en imposer, à se faire admirer.
=> bluffer, craner, esbroufer, fanfaronner,
parader, plastronner, se vanter. (cf. Faire de
l’épate, de la frime, jeter de la poudre aux
yeux). Pas la peine de frimer.
FRINGUER
v. tr.
FAM.
Habiller (bien ou mal). => accoutrer,
nipper. - PRONOM. Elle se fringue mal. =>
se saper. P.p. adj. « Paul entra tout
fringuant et bien fringué » (Queneau).
FRITER (SE)
v. pron.
FAM.
Avoir une altercation plus ou moins vive
(avec qqn). « Pascal de Gancieux, très chic,
mais se frittait avec le fils de la maison «
(Pennac).
FUGUER
v. intr.
FAM.
Faire une fugue; s'enfuir du milieu familial.
« Il fugua la première fois en apprenant la
grossesse de son épouse » (Queffélec).
GAFFER (1)
v. tr.
FAM.
Regarder attentivement. => zieuter. Gaffe
un peu la fille ! => 1. viser.
GAFFER (2)
v. intr.
FAM.
Faire attention (cf. faire gaffe).
GALÉRER
v. intr.
FAM.
Se lancer dans des entreprises hasardeuses,
souvent sans résultat => ramer. On a
drôlement galéré pour trouver ton
immeuble. ◊ SPÉCIALT. Vivre de travaux
épisodiques et peu rémunérateurs. «il
galère dans le privé, de remplacement en
remplacement» (Le Nouvel Obs., 25 nov.
1983, p. 82).
GAMBERGER (1)
V. intr.
ARG. FAM.
Réfléchir, méditer.
GAMBERGER (2)
v. tr.
ARG. FAM.
Calculer, combiner. => manigancer,
mijoter. « On ne sait jamais ce qu’elles
gambergent » (Queneau)
GAMBILLER (1)
v. intr.
FAM. VX.
Remuer les jambes quand elles sont
pendantes. => gigoter.
GAMBILLER (2)
v. intr.
FAM. MOD.
Danser sur un rythme très vif. Trémousser (se).
GÂTIFIER
v. intr.
FAM.
Devenir gâteux ; se comporter comme un
gâteux. Il gâtifie avec son petit-fils. =>
bêtifier.
GAZER (1)
v. intr.
FAM. VIEILLI
Aller à toute vitesse, à plein gaz. => filer,
foncer.
GAZER (2)
v. intr.
FAM. VIEILLI
Aller à souhait, marcher. Ca ne gazera pas.
Ca gaze ? => boumer, coller.
GERBER (1)
v. intr.
FAM.
Vomir. C’est à gerber, ça me fait gerber : ça
me dégoûte.
GERBER (2)
v. intr.
FAM.
Partir, s’en aller. Gerbe de là !
304 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
GIGOTER
v. intr.
FAM.
Remuer vivement les jambes, et, par ext.,
agiter ses membres, tout son corps. => se
trémousser. Enfant, bébé qui gigote. Arrête
de gigoter!, => bouger. ◊ Se dit d’un animal
et SPÉCIALT, un lièvre) qui agite
convulsivement ses pattes avant de mourir.
GLANDER
v. intr.
FAM.
Ne rien faire, perdre son temps. On dit
aussi glandouiller. J’ai glandé toute la
journée. ◊ TRANS. Faire. Qu’est-ce que tu
glandes ? => branler, foutre.
GLAVIOTER
v. intr.
FAM. ET
[cf. GLAVIOT]
VULG.
GOBERGER (SE)
v. pron.
FAM.
Prendre ses aises, bien se traiter, faire
bombance. « tu vis là, chez moi comme un
chanoine, comme un coq en patte, à te
goberger » (Flaubert). « Ils se gobergeaient
d’oursins » (Martin du Gard).
GODAILLER
v. intr.
FAM.
Faire des faux plis (vêtement). => goder. Sa
jupe godaille.
GOINFRER (SE)
v. pron.
FAM.
Manger comme un goinfre. => bâfrer, se
bourrer, s’empiffrer, se gaver. Se goinfrer
de pâtisseries.
GOURER (SE)
v. pron.
FAM.
Se tromper. Il s’est gouré dans son addition.
Tu t’es complètement gouré ! => se planter.
« Je me suis un peu gourée de route en
chemin » (Queneau).
GRAILLER
v. tr.
FAM.
Manger. Rien à grailler ! ABSOLT. Ils sont
en train de grailler. => bouffer.
GRAILLONNER
v. intr.
FAM.
Tousser pour expectorer des graillons. =>
cracher. ◊ Parler d'une voix grasse,
enrouée.
GRATOUILLER ou
GRATTOUILLER
v. tr.
FAM.
Gratter légèrement. Faire éprouver une
démangeaison à. « Est-ce que ça vous
chatouille, oui est-ce que ça vous
gratouille ? » (Romains).
GRENOUILLER
v. intr.
FAM.
Pratiquer le grenouillage => magouiller.
GROGNASSER
v. intr.
FAM. ET PÉJ.
Grogner de façon continuelle. =>
grognonner
GUEULETONNER
v. intr.
FAM.
Faire un gueuleton, bien manger.
GUINCHER
v. intr.
FAM.
Danser.
INDIFFÉRER
v. tr.
FAM.
Laisser indifférent (qqn). Cela m’indiffère
totalement. (cf. laisser froid). « Ces avis
indiffèrent ma fille « (Queneau). REM. Ne
s’emploie qu’avec un pronom complément.
INSUPPORTER
v. tr.
FAM. ET PAR
PLAIS.
Être insupportable à. => indisposer. « cette
vieille roulure m’insupporte » (H.Batialle).
Rem. Ne s’emploie qu’avec un pronom
complément.
Annexes 305
Entrées
JABOTER
Cat.
Gram.
v. intr.
Marque
FAM. ET
VIEILLI
Définitions
Bavarder à plusieurs. => cancaner,
caqueter. « Les gens de la petite ville
jabotaient, plaisantaient volontiers »
(Duhamel).
JACTER
v. intr.
FAM.
Parler, bavarder. => jacasser, jaspiner. « Elle
a mis un doigt contre ses lèvres pour me
dire de ne pas jacter » (Mac Orlan).
JASPINER
v. intr.
FAM. ET PÉJ.
Bavarder, causer. - TRANS. Jaspiner le jars :
parler argot.
JUBILER
v. intr.
FAM.
Se réjouir vivement de qqch. Il n’avait pas
tant espéré, vous pensez s’il jubile ! SPÉCIALT. Se réjouir des malheurs d’autrui.
Il jubile en cachette. => jouir. Dieu « se
réjouissait des massacres et jubilait dans les
exterminations ». (France).
◊ CONTR. S’affliger, enrager.
KIFER (1)
v. intr.
FAM.
Prendre du plaisir. « C’est le seul truc à
l’école qui me fait kifer » (Actuel 1990).
KIFER (2)
v. tr.
FAM.
Apprécier, aimer bien.
LAÏUSSER
v. intr.
FAM.
Faire des laïus. => discourir, pérorer.
Laïusser pendant plus d'une heure.
LAMPER
v. tr.
FAM.
Boire d'un trait ou à grandes gorgées. =>
siffler. « il sirotait son vin quand les autres
lampaient le leur » (Barbey).
LÉZARDER
v. intr.
FAM.
Faire le lézard, paresser au soleil.
LIMOGER (1)
v. tr.
FAM.
Relever (un officier général) de son
commandement. « Il laissait entendre
qu’on avait limogé Percin » (Proust).
LIMOGER (2)
v. tr.
FAM.
Frapper (une personne haut placée et
particulièrement un haut fonctionnaire)
d'une mesure de disgrâce (déplacement
d'office, la mise à la retraite…). =>
destituer, disgracier, révoquer. Limoger un
préfet.
LOUPER (1)
v. tr.
FAM.
Mal exécuter (un travail, une action). Ne
pas réussir (qqch.). => manquer, rater.
Elève qui loupe un examen. Acteur qui
loupe son entrée. « Riton esquissa le même
mouvement, et le loupa » (Queneau).
LOUPER (2)
v. tr.
FAM.
Ne pouvoir prendre, laisser échapper. =>
manquer, rater. Tu vas louper ton train.
Louper l'occasion, la commande. « faut pas
louper son tour » (Barbusse) - LOC. Il n’en
loupe pas une : il a fait la gaffe, la bêtise
qu'il ne fallait pas faire. ◊ Ne pas réussir à
rencontrer. Je l’ai loupé à la gare. PRONOM. Nous nous sommes loupés de
peu.
306 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
LOUPER (3)
v. intr.
FAM.
Rater. ça n’a pas loupé, manqué.
LOURDER
v. tr.
ARG. FAM.
Mettre à la porte. => Licencier. - PAR EXT.
Se débarrasser de (qqch. ou qqn).
=> larguer, vider, virer. Il s'est fait lourder
par sa petite amie.
MÂCHOUILLER
v. tr.
FAM.
Mâchonner ; mâcher sans avaler.
« Palaiseau mâchouillait une paille avec
l’expression béate d’un ruminant »
(Troyat).
MAGNER (SE) ou
MANIER
v. pron.
FAM.
Se remuer, se dépêcher => se grouiller, se
dégrouiller. « On t’attend à la caserne, je te
conseille de te manier » (Sartre) Magnezvous ! – Loc. vulg. Se manier, se manier le
cul, le pot, le popotin.
MAGOUILLER (1)
v. intr.
FAM.
Se livrer à des magouilles. Magouiller pour
obtenir un poste.
MAGOUILLER (2)
v. tr.
FAM.
Élaborer des magouilles. Qu’est-ce qu’il
magouille encore ? => manigancer,
traficoter.
MARONNER
v. intr.
FAM.
RÉGIONAL.
MARRER (SE)
v. pron.
FAM.
Maugréer, exprimer sa colère, son dépit, en
grondant, en marmonnant. =>grogner,
FAM. rouspéter. Faire maronner qqn, le
faire enrager. => bisquer.
S’amuser, rire. => rigoler. On s'est bien
marré. Il y a de quoi se marrer. « Quelle
armée ! Et on parle de chasseurs de
Boches ? Laissez moi me marrer »
(Dorgelès). (Factitif; avec ellipse de se).
Faire marrer qqn. Tu me fais marrer
MÉGOTER
v. intr.
FAM.
Lésiner, rechercher les profits dérisoires. Il
n’a pas mégoté, il a fait les choses en grand.
MENDIGOTER
v.
FAM.
[Cf. MENDIGOT,TE]
MERDER (1)
v. intr.
FAM.
Eprouver des difficultés, ne pas savoir
répondre. Merder à une interro de maths.
=> sécher.
MERDER (2)
v. intr.
FAM.
(choses) Échouer. => rater, FAM. foirer.
L’affaire a merdé.
MERDOYER
v. intr.
FAM.
S'embrouiller dans une explication, dans
des démarches maladroites. => cafouiller,
vasouiller. ; Argot scol. Sécher. - Merder.
MORFLER
v. tr.
ARG. FAM.
Recevoir, encaisser (un coup, une
punition); subir (un inconvénient). Morfler
une beigne. - ABSOLT. COUR. C’est encore
moi qui vais morfler.
Annexes 307
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
MOUCHARDER
v. tr.
FAM.
Surveiller en vue de dénoncer, et, par ext.,
dénoncer. => cafarder, FAM. cafter,
espionner. ◊ ABSOLT. Faire le mouchard.
Écolier qui moucharde. => rapporter.
MOUFTER ou
MOUFETER
v. intr.
FAM.
Broncher, protester. Il a accepté sans
moufter. Il n’a pas moufté. Personne ne
mouftait..
NIPPER
v. tr.
FAM. ET
=> habiller. - PRONOM. Il s’est nippé de
neuf. => se saper. « C’est que je suis nippée
comme une princesse ! » (Balzac)
VIEILLI
PARTOUZER
v. intr.
FAM.
Participer à une partouze. « On boit
beaucoup, on partouze sans conviction, on
fume des joints » (Le Point, 1985).
PAUMER
v. tr.
FAM.
Perdre. J’ai paumé le fric. Il a tout paumé
au casino. – Pronom. Se perdre. Il s’est
paumé en route.
PEINTURLURER
v. tr.
FAM.
Peindre avec des couleurs criardes, peu
harmonieuses. => barbouiller. « Tout est
peinturluré, doré, candélabré. C’est
pompeux et mastoc » (Flaubert).
PELOTER
v. tr.
FAM.
Caresser, palper, toucher indiscrètement et
sensuellement (le corps ou une partie du
corps de qqn., qqn). => tripoter. Se faire
peloter dans la foule. PRONOM. RÉCIPR. Les
amoureux qui se pelotent. ◊ Fig. et vieilli.
Flatter. « Les ministres vous pelotent pour
que le « journal de doctrine » ne les abîme
pas trop » (Romains).
PENDOUILLER
v. intr.
FAM.
Pendre d'une manière ridicule, mollement.
Avoir une mèche qui pendouille devant les
yeux. => pendiller.
PETER (1)
v.
FAM.
Faire un pet, lâcher des vents. « Le marquis
de Lescous, à la fin du repas, rote et pète
comme un sapeur-pompier » (Romains). loc. Envoyer péter qqn. (Vouloir) péter
plus haut que le cul, plus haut que son
derrière : avoir des ambitions qui passent
ses moyens. « Il ne voulait pas péter plus
haut qu’il n’avait le derrière » (Queneau) ; Péter dans la soie : avoir des vêtements
luxueux ; fig. vivre dans le luxe.
308 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
PETER (2)
Cat.
Gram.
v. intr.
Marque
FAM.
Définitions
Éclater avec bruit. => exploser. « Au tir,
cela pétait ferme » (Aragon). Des obus
pétaient dans tous les coins. ◊ PAR EXT.
Rompre brusquement, se casser. « La
capote trop étroite fait des plis circulaires,
tous les boutons prêts à péter ». (Dorgelès)
=> sauter. Ma télé est pétée. - Loc. Manger
à s’en faire péter la sous-ventrière, avec
excès. Il faut que ça pète ou que ça dise
pourquoi : il faut que cela finisse, coûte que
coûte. - Si vous hésitez plus longtemps,
l’affaire va vous péter dans la main, dans les
mains. => échouer, rater. - Péter de :
déborder de. Péter de santé. => crever.
PETER (3)
v. tr.
FAM.
(par anal. avec cracher, jeter) Péter le feu
(du feu, des flammes) : déborder d’entrain,
de vitalité. « Il pète du feu, mais il se
calmera » (Morand). Ca va péter des
flammes : ça va barder.
PETER (4)
v. tr.
FAM.
Briser, casser (qqch). « Vous n’auriez pas un
lacet de soulier, par hasard, je viens de
péter le mien » (Queneau). - Péter la gueule
à qqn : lui donner des coups. => casser. Se
péter le gueule : tomber. - Se péter (la
gueule) : s’enivrer (=> pétée).
PETIT-DÉJEUNER
v. intr.
FAM.
Prendre le petit-déjeuner. « Il remontait se
confectionner du café et petit-déjeuner
[sic] seul » (Queneau).
PHOSPHORER
v. intr.
FAM.
Travailler intellectuellement. « Il travaille.
Mieux ! Il phosphore, il rupine à bloc »
(Queneau).
PIAILLER (1)
v. intr.
FAM.
Pousser de petits cris aigus (oiseau). =>
pépiller.
PIAILLER (2)
v. intr.
FAM.
(Personnes) Enfant, marmot qui piaille. =>
crier . FIG. Criailler, protester. « Les
paysans piaillent, voilà tout. mais quant à
passer de la criaillerie au fait » (Balzac).
PICOLER
v. intr.
FAM.
Boire du vin, de l'alcool. « Papa s’était mis à
picoler. Qu’est-ce qu’il descendait comme
litrons » (Queneau).
PIGEONNER
v. tr.
FAM.
Duper, rouler. Se faire pigeonner =>
posséder.
PIGER (1)
v. tr.
FAM. VX.
Prendre, attraper. « Vous ne voulez donc
pas nous dire où vous pigez toute cette
monnaie » (Balzac).
PIGER (2)
v. tr.
FAM. MOD.
Saisir, comprendre. => 2. entraver. « Ils ont
tout tenté pour comprendre… et ils n’y ont
rien pigé » (Carco). ABSOLT. Tu piges ?
Annexes 309
Entrées
PILER
Cat.
Gram.
v. intr.
Marque
FAM.
Définitions
Freiner brutalement. La voiture a pilé au
feu rouge.
PINAILLER
v. intr.
FAM.
Ergoter sur des vétilles, se perdre dans les
subtilités (cf. chercher la petite bête ;
couper les cheveux en quatre).
PIONCER
v. intr.
FAM.
Dormir.
PISSER (1)
v. intr.
FAM.
Uriner (cf. Faire pipi). Avoir envie de
pisser. Gosse qui pisse au lit (=> énurésie).
Pisser contre un mur. Chien qui pisse
contre un réverbère (Cf. Lever la patte).
LOC. Il pleut comme vache qui pisse, à
verse. C’est comme si on pissait dans un
violon : c’est complètement inutile (d’une
action, d’une démarche). LOC. FAM. Laisser
pisser (le mérinos) : attendre, laisser aller
les choses. C’est à pisser de rire, à pisser
dans sa culotte, très drôle. Ne plus se sentir
pisser : être trop fier de soi. Ca ne pisse pas
loin : ça ne vaut pas grand-chose. ◊Pisser
sur qqn, sur qqch., lui témoigner du
mépris. => compisser. VULG. Je te pisse à la
raie (injure).
PISSER (2)
v. tr.
FAM.
Évacuer avec l’urine. Pisser du sang. ◊
Laisser s’écouler (un liquide). Son nez pisse
du sang. ABSOLT. Ce réservoir pisse l’eau de
tous les côtés, fuit. - FIG. Pisser de la copie :
rédiger abondamment et médiocrement (cf.
Pisseur de copie). « des cuistres, ivres de
l’antique, […] qui pissent du Plutarque jour
et nuit » (Bernanos).
PLANQUER
v. tr.
FAM.
Cacher, mettre à l'abri. Planquer son fric.
« Elle planquait un soldat allemand »
(Genet). ◊ V. PRON. Se planquer : se cacher
pour échapper à un danger, par ext, à une
situation fâcheuse. Planquez-vous, les flics
arrivent.
PLUMER (SE)
v. pron.
FAM. ET
VIEILLI
POCHARDER (SE)
v. pron.
FAM. ET
VIEILLI
Se mettre au lit, au plumard. => se coucher.
« Tu vas te plumer ? » (Sartre).
S'enivrer. « Je veux me pocharder ce soir »
(Maupassant).
POILER (SE)
v. pron.
FAM.
Rire aux éclats. => se bidonner, se
gondoler, se marrer.
POIREAUTER
v. intr.
FAM.
Attendre. « Jusserand, que la marquis a
commencé à faire poireauter » (Duhamel).
POIVRER (SE)
v. pron.
FAM.
S’enivrer (=> poivrot). Il est complètement
poivré. => ivre.
POLITIQUER
v. intr.
VX. ET FAM.
Parler politique. « Les uns se mirent à
causer… plusieurs à politiquer et à boire »
(Diderot).
310 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
POTASSER
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM.
Définitions
Étudier avec acharnement. Potasser ses
bouquins. PAR EXT. Préparer par un travail
assidu. => bûcher, chiader, piocher ;
régional. Bloquer. Potasser un examen.
« Quand je compare mon discours,
improvisé, à celui de Rouanet, qui avait
potassé son interprétation ! » (Romains).
POUTSER
v. tr.
(SUISSE) FAM. Nettoyer, astiquer.
QUEUTER
v. intr.
FAM.
=> louper. Ça a queuté !
RABIBOCHER (1)
v. tr.
FAM.
Réparer d'une manière sommaire ou
provisoire. => rafistoler.
RABIBOCHER (2)
v. tr.
FAM.
Fig. Réconcilier. - PRONOM. Ils se sont
rabibochés.
RABIOTER (1)
v. intr.
FAM.
Faire de petits profits supplémentaires.
RABIOTER (2)
v. tr.
FAM.
S'approprier, obtenir en supplément. Il a
rabioté une portion.
RADINER (1)
v. intr.
FAM.
Arriver. => rappliquer. Il radine à toute
allure.
RADINER (2)
v. tr.
FAM.
Le voilà qui se radine. => se ramener. Ils se
sont radinés en vitesse.
RAFISTOLER
v. tr.
FAM.
Raccommoder, réparer grossièrement, avec
des moyens de fortune. => arranger,
bricoler, rapetasser, retaper. « Cet
ingénieux employé rafistolait son soulier
avec un morceau de ficelle » (Courteline).
RAFLER (1)
v. tr.
FAM.
Prendre et emporter promptement sans
rien laisser. « Tu les verras rafler […] toutes
les meilleures choses […] ils ne regardent
pas au prix » (Mac Orlan). - Obtenir,
prendre sans rien laisser aux autres. Rafler
des prix, des médailles. => gagner. Rafler la
mise.
RAFLER (2)
v. tr.
FAM.
Voler. « une voleuse qu’ils envoient chez
les gens, pour rafler tout ce qui traîne »
(Zola).
RAFLER (3)
v. tr.
FAM.
Prendre dans une rafle. Des « Juifs que la
police raflait à travers toute la France »
(Beauvoir).
RAGER
v. intr.
FAM.
Enrager => bisquer. « On a beau n’être pas
envieux, on rage toujours quand les autres
vous écrasent » (Zola). Rager de ne pas
pouvoir intervenir. Bisque, bisque, rage !
RAPETASSER
v. tr.
FAM.
Réparer sommairement, grossièrement (un
vêtement, etc.). => raccommoder,
rafistoler, rapiécer. « une ignorante fille
sans cesse occupée à rapetasser des bas »
(Balzac).
Annexes 311
Entrées
RAPPLIQUER
Cat.
Gram.
v. intr.
Marque
FAM.
Définitions
Revenir, venir, arriver. => se ramener. Le
voilà qui rapplique. « Les filles n’auront
qu’à rappliquer chez nous » (Cocteau).
◊ CONTR. Décaniller, se tirer.
RAQUER
v. intr.
FAM.
Payer. Il va falloir raquer. Il faut le faire
raquer. - TRANS. Ils ont dû raquer 100 balles
pour rentrer.
RATIBOISER (1)
v. tr.
FAM.
Rafler au jeu. Prendre, voler. Ils m'ont
ratiboisé mille euros.
RATIBOISER (2)
v. tr.
FAM.
Ruiner(qqn) au jeu. - P. p. adj. C'est fini, je
suis complètement ratiboisé. ◊ Perdre,
ruiner (qqn) dans sa santé, sa situation, sa
carrière. « Plus on est bon, plus on est vite
ratiboisé » (Giono).
RATIBOISER (3)
v. tr.
FAM.
Couper très court les cheveux de (qqn.). Le
coiffeur t’a ratiboisé.
RAVIGOTER
v. tr.
FAM.
Rendre plus vigoureux, redonner de la
force, de la vigueur à. => ranimer, raviver,
revigorer - ABSOLT. Un petit vin qui
ravigote et redonne de l'appétit.
REBIFFER (SE)
v. pron.
FAM.
Refuser avec vivacité et aigreur de se laisser
mener ou humilier. -=> regimber, se
révolter. « Soupe, humilié, se rebiffa ».
(Courteline). Se rebiffer contre qqn. « Mon
corps se rebiffe sans cesse contre ce que
propose mon esprit » (Gide). => se rebeller.
REBIQUER
v. intr.
FAM.
Se dresser, se retrousser en faisant un
angle. Mèche de cheveux qui rebique. Les
pointes de son col rebiquent.
REBOUTER (1)
v. tr.
FAM. VX.
Remettre, replacer.
REBOUTER (2)
v. tr.
FAM.
Remettre par des moyens empiriques (un
membre démis), réduire (une fracture, une
foulure, etc.). (=> rebouteux )- « Ils
reboutaient c’est-à-dire remettaient les
jambes et les bras cassés » (Balzac).
REBRAGUETTER
v. tr.
FAM.
Fermer, reboutonner la braguette de (un
pantalon). - PRONOM. Se rebraguetter. => se
rajuster.
RECASER
v. tr.
FAM.
Caser à nouveau (qqn qui a perdu sa place).
- PRONOM. Il a pu se recaser ailleurs.
REFILER
v. tr.
FAM.
Donner, remettre à un autre, en le
trompant, en profitant de son inattention.
On lui avait refilé une pièce fausse. On va
lui refiler nos rossignols. => fourguer. - PAR
EXT. Donner (en général). Il m'a refilé sa
grippe. => Passer.
REFOUTRE
v. tr.
TRÈS FAM.
Remettre. Ne refous jamais les pieds ici, ne
reviens jamais.
312 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Cat.
Gram.
Marque
Définitions
RELOOKER
v. tr.
FAM.
Donner une nouvelle apparence, un
nouveau look à. Relooker des produits.
RELUQUER (1)
v. tr.
FAM.
Regarder du coin de l'œil, avec intérêt et
curiosité. => lorgner. Reluquer les filles.
RELUQUER (2)
v. tr.
FAM.
Considérer (une chose) avec convoitise;
guigner. « Il reluquait la façade comme s’il
cherchait un logement à louer » (Simenon).
REMPILER
v.
FAM.
Se rengager à la fin de la durée légale du
service militaire ou à l’expiration d’un
précédent engagement. - P.p. adj. Sousofficier rempilé, qui a fait carrière dans
l’armée par une suite de réengagements
successifs. « Elles embauchèrent des
hommes sûrs, rempilés de la coloniale »
(Aragon).
RENCOGNER
v. tr.
FAM. VX.
Pousser, repousser dans un coin. =>
coincer. « Il nous rencogne à la fin, toutes
deux, dans la ruelle du lit » (Sade). FIG.
LITTÉR. Je ne sais quoi « me rencognait dans
ma timidité » (Gide). - PRONOM. MOD. Se
rencogner. => se blottir.
REQUINQUER (1)
v. tr.
FAM.
Redonner des forces, de l'entrain à (qqn).
Cette semaine à la montagne l’a requinqué.
=> ragaillardir, remonter, retaper. « ça, ça
me requinque un peu, cette idée qu’elle se
dessèchera petit à petit, qu’elle finira par de
la poudre » (Queneau). - ABSOLT. Un verre
de vin, ça requinque.
REQUINQUER (2)
v. pron.
FAM.
Reprendre des forces, retrouver sa forme,
sa bonne humeur. Il s’est bien requinqué.
P.p. adj. La voilà toute requinquée.
RESQUILLER (1)
v. intr.
FAM.
Entrer, se faufiler sans payer (dans un
spectacle, un moyen de transport, etc.).
RESQUILLER (2)
v. intr.
FAM.
Obtenir une chose sans y avoir droit, sans
rien débourser. => carotter, écornifler.
RESQUILLER (3)
v. intr.
FAM.
Passer avant son tour dans une file
d’attente.
RESQUILLER (4)
v. tr.
FAM.
Obtenir (qqch.) en resquillant. Resquiller
une place de cinéma
RETAMER (1)
v. tr.
FAM.
Enivrer. Le cognac l’a rétamé. – P. p. adj.
Ivre. MOD. Très fatigué. Être
complètement rétamé. ◊ Démolir. Se faire
rétamer. – (1920) Dépouiller au jeu.
RETAMER (2)
v. pron.
FAM.
Tomber. Il s’est rétamé dans l’escalier.
REVOULOIR
v. tr.
FAM.
Vouloir de nouveau ou encore. Il reste du
gâteau, tu en reveux ?
Annexes 313
Entrées
RIBOULER
Cat.
Gram.
v. intr.
Marque
FAM. ET
VIEILLI
RIGOLER (1)
v. intr.
FAM.
Définitions
Ribouler des yeux, des quinquets : regarder
en roulant les yeux d'un air stupéfait. « il
pourra ribouler des yeux, personne ne s’en
inquiètera » (J-R. Bloch).
S'amuser, rire => se marrer, rigolade. On a
bien rigolé. Je suis sortie « déguisée en
homme, histoire de rigoler plutôt »
(Proust). « j’ai pas toujours rigolé, mais j’ai
vécu » (Sartre). Il n’y a pas de quoi rigoler,
ce n’est pas drôle, c’est sérieux.
RIGOLER (2)
v. intr.
FAM.
Plaisanter. J’ai dit ça pour rigoler. « Taisezvous maintenant, je rigole pas » (Duvert). Il
ne faut pas rigoler avec ça. => badiner.
Blaguer, déconner. Tu rigoles ! Tu n’en
parles pas sérieusement.
RIGOLER (3)
v. intr.
FAM.
Se moquer. Il vaut mieux en rigoler.
RÔDAILLER
v. intr.
FAM. VIEILLI
Rôder, traînailler. « Vous n’avez pas vu
rôdailler par là une espèce de petit
muscadin ? » (Hugo).
ROGNER
v. intr.
FAM. VX.
Être en rogne, en colère ; rager. =>
rognonner.
ROGNONNER
v. intr.
FAM. VX.
Grommeler, manifester son
mécontentement en bougonnant. =>
grogner, marmonner, rogner, ronchonner.
ROTER (1)
v. intr.
VULG. OU
Faire un rot, des rots. => éructer. « C’est
une politesse du pays, il faut roter après le
repas » (Flaubert).
FAM.
ROTER (2)
v. intr.
VULG. OU
FAM.
En roter. Supporter une situation pénible
(CF. en baver).
ROUPILLER
v. intr.
FAM.
Dormir. « On allait roupiller dans l’herbe »
(Céline)
ROUSCAILLER
v. intr.
FAM.
Réclamer, protester => rouspéter.
ROUSPÉTER
v. intr.
FAM.
Protester, réclamer (contre qqch. qui paraît
injuste ou vexatoire). => grogner,
maugréer, plaindre (se), râler. « Au
commencement je rouspétais contre tout le
monde » (Barbusse).
ROUSTIR
v. tr.
FAM.
Voler (qqch, qqn).
SACQUER (2)
v. tr.
FAM.
Ne pas pouvoir sacquer qqn, le détester =>
sentir, encadrer, encaisser.
SACQUER ou
SAQUER (1)
v. tr.
FAM.
(de l’express. Rendre son sac). Renvoyer,
congédier. « Sacque Guilhermet. Il est très
médiocre […] saque (sic) donc
Guilhermet » (Montherland). - Noter
sévèrement. Le prof l’a sacqué. => sabrer.
314 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
SALOPER (1)
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM.
Définitions
Faire très mal (un travail); exécuter,
réaliser très mal (un objet). => abîmer,
gâcher; fam. bousiller, cochonner. « Ah,
vous perdez rien joliment la main. Oui,
vous salopez vous cochonnez l’ouvrage, à
cette heure » (Zola).
SALOPER (2)
v. tr.
FAM.
Salir énormément. => dégueulasser. Il a
salopé la salle de bain.
SANDWICHER
v. tr.
FAM.
Mettre en sandwich ; FIG., serrer,
comprimer entre deux choses.
SAPER (SE)
v. pron.
FAM.
S’habiller => se fringuer. P. p. adj. Habillé,
vêtu. Être bien sapé.
SAUCISSONNER
v. intr.
FAM.
Manger, sans couverts ou sans table mise,
un repas froid. Saucissonner sur l'herbe :
pique-niquer. Les voyageurs
saucissonnaient dans le train.
SIROTER
v. tr.
FAM.
Boire à petits coups en savourant. =>
déguster. « Les vrais amateurs sirotent leur
vin » (Brillat-Savarin). Siroter son café.
SPEEDER
v. intr.
FAM.
Aller vite, se dépêcher. Il va falloir speeder.
STARISER
v. tr.
FAM.
Transformer en star, en vedette. (On dit
aussi Starifier)
TABASSER
v. tr.
FAM.
Battre, rouer de coups, passer à tabac. Elle
s’est fait tabasser. - PRONOM. RÉCIPR. Ils se
sont tabassés.
TALOCHER
v. tr.
FAM. VIEILLI
[cf. TALOCHE]
TCHATCHER
v. intr.
FAM.
Parler beaucoup. => bavarder.
TOQUER
v. intr.
RÉGION. OU
FAM.
Frapper légèrement, discrètement.
« Cependant, l’on toque à la porte »
(Queneau).
FAM.
Se toquer de... : avoir une toquade pour
TOQUER (SE)
v. pron.
(qqn). => s’amouracher, s’engourer,
s’enticher. « un homme si respectable, sui
se toquait d’une petite coureuse » (Zola).
TORCHER (1)
v. tr.
FAM.
Essuyer pour nettoyer. « Petit-Pouce venait
de torcher la dernière goutte de jus »
(Queneau). ◊ FAM. Essuyer les excréments
de. Torcher le derrière d’un enfant, torcher
un enfant. « Aie donc des mioches, torcheles, mouche-les » (Hugo). FAM. Se torcher
le derrière, le cul (VULG), ou ABSOLT. Se
torcher. FIG. Je m’en torche : je m’en
moque totalement (cf. s’en foutre).
TORCHER (2)
v. tr.
FAM. ET
Battre.
VIEILLI
TORCHONNER
v. tr.
FAM.
Exécuter (un travail) rapidement et sans
soin. => bâcler, torcher. P.p. adj. Du travail
torchonné, bâclé.
Annexes 315
Entrées
TOURNEBOULER
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM.
Définitions
Mettre l’esprit de (qqn) à l'envers,
bouleverser. Cette nouvelle l'a
tourneboulé. => chambouler, retourner.
« Une espèce de manie qui lui tourneboule
ainsi l’entendement » (Montaigne). - P.p.
adj. Elle était toute tourneboulée par cette
nouvelle.
TOURNICOTER
v. intr.
FAM.
Tourner, tourniquer. « Une compagnie de
recrue tourniquait, tournicotait et pivoter
sous les ordres d’un petit sous-off »
(Guilloux).
TRAFICOTER
v. intr.
FAM.
Trafiquer. Un petit escroc qui traficote.
TRANSBAHUTER
v. tr.
FAM.
Transporter d’un lieu dans un autre sans
délicatesse. Transbahuter une armoire. « le
taxi les transbahuta à vive allure jusqu’aux
portes du Fort » (Perec).
TRIFOUILLER (1)
v. tr.
FAM.
Mettre en désordre, en remuant; remuer
d'une manière incohérente. =>
tripatouiller, tripoter. Trifouiller des
papiers. « Quelques nègres incohérents qui
trifouillaient les cendres du bout de leur
lance » (Céline). - Manipuler. Trifouiller le
poste de radio.
TRIFOUILLER (2)
v. intr.
FAM.
(1808). Farfouiller. « On cherche, on
fouille, on trifouille » (Verlaine). Ne viens
pas trifouiller dans mes affaires.
TRIMBALLER
v. tr.
FAM.
Mener, porter partout avec soi (souvent
avec l'idée de peine, de difficulté). =>
traîner, transporter. Cette cage en osier,
« je l’ai trimballée des îles Canaries »
(Sarraute). « Il fallait trimballer Mme
Beurdeley dans les thés, danser avec elle »
(Aragon). - PRONOM. Se trimballer en
voiture.
TRISSER (1)
v. intr.
FAM.
Partir. « un flicard trissa derrière le
truand » (Queneau)
TRISSER (2)
v. pron.
FAM.
S’en aller, se sauver. => se casser, se
débiner.
TRUCIDER
v. tr.
FAM.
Tuer. Se faire trucider.
TURLUPINER
v.
MOD. ET FAM.
Tourmenter. « turlupiné par sa femme »
(Aragon). - ça le turlupine : ça le tracasse.
URGER
v. intr.
FAM.
Être urgent, presser. Vite, ça urge!
VADROUILLER (1)
v. intr.
FAM. VX.
Traîner dans les rues.
VADROUILLER (2)
v. intr.
FAM.
Se promener sans but précis, sans raison. =>
Traînasser, traîner
VALDINGUER
v. intr.
FAM.
Tomber. => dinguer. Envoyer valdinguer
qqn, qqch, l’envoyer promener.
316 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
VAMPER
Cat.
Gram.
v. tr.
Marque
FAM.
Définitions
Séduire par des allures de vamp. Se faire
vamper.
VANNER
v. tr.
FAM.
Se moquer de, lancer des vannes à (qqn.)
« et ça n’a pas loupé, le skin l’a vanné » (Y.
Queffélec).
VASER
v.
impers.
FAM.
Pleuvoir. Il commence à vaser.
VASOUILLER
v. intr.
FAM.
Être hésitant, peu sûr de soi, maladroit. « Je
n’ai vasouillé un peu qu’au début »
(Romains) => cafouiller, s’embrouiller,
merdoyer. ◊ (Choses) Marcher mal. « Cet
accouchement vasouille depuis le matin »
(Céline).
VIANDER
v. pron.
FAM.
Être gravement accidenté. « un motard
venait de se viander salement » (Courchay).
Ils se sont viandés.
VIBRIONNER
v. intr.
FAM.
S'agiter sans cesse. Qu’à-t-il à vibrionner
autour de nous? Elle vibrionnait d’un invité
à l’autre. => tournicoter.
VIOLONER
v. intr.
FAM.
Jouer du violon. - TRANS. Violoner un air.
YOYOTER
v. intr.
FAM.
Perdre la tête, divaguer. Il yoyote
complètement. - Loc. Yoyoter de la touffe :
être fou, dérangé.
ZIEUTER
v. tr.
FAM.
Jeter un coup d’œil pour observer (qqch.,
qqn) => regarder ; lorgner, reluquer. « La
môme en tient. Zieute-la. Tu t’rends
compte » (Carco).
ZIGOUILLER
v. tr.
FAM.
Tuer. « Me voir poursuivi par des monstres,
zigouillé, coupé en morceaux » (Gide).
ZONER
v. intr.
FAM.
Mener une existence marginale, vivre en
zonard. - Par ext. Flâner, traîner sans but.
ZOZOTER
v. intr.
FAM.
Zézayer.
ANNEXE 2
COMPARAISON DU MARQUAGE DES TERMES DANS LE NOUVEAU
PETIT ROBERT 2002 ET LE PETIT LAROUSSE 2001
Sont présentés dans cette annexe :
-
un inventaire des marques d’usages attribuées aux 410 verbes du corpus,
par le NPR 2002 et le PL 2001 (tableau n° 1)
-
un inventaire des termes marqués FAM. par le PL 2001, qui font l’objet
d’une autre marque dans le NPR 2002 (tableau n° 2).
Le signe Ø signifie que le terme n’appartient pas à la nomenclature du
dictionnaire spécifié.
318 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Tableau 1. - Inventaire des marques d’usages attribuées au corpus
par le NPR 2002 et le PL 2001
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
AMOCHER
FAM.
FAM.
ARNAQUER (1)
FAM.
FAM.
ARNAQUER (2)
FAM.
Ø
ASTICOTER
FAM.
FAM.
ATTIFER
FAM. ET PÉJ.
FAM. ET PÉJ.
BAFOUILLER
FAM.
FAM.
BÂFRER
FAM.
FAM.
BAGARRER (1)
FAM.
FAM.
BAGARRER (SE) (2)
FAM.
non marqué
BALADER (1)
FAM.
FAM.
BALADER (SE) (2)
FAM.
FAM.
BALISER
FAM.
FAM.
BANQUER
FAM.
FAM.
BARAGOUINER (1)
FAM. ET PÉJ.
FAM.
BARAGOUINER (2)
FAM. ET PÉJ.
FAM.
BARATINER (1)
FAM.
FAM.
BARATINER (2)
FAM.
Ø
BARBER
FAM.
FAM.
BARBIFIER (1)
FAM.
FAM., VX.
BARBIFIER (2)
FAM. VIEILLI
FAM.
BARBOTER
FAM.
FAM.
BARDER
FAM.
FAM.
BARRER (SE)
FAM.
FAM.
BASSINER
FAM.
FAM.
BATIFOLER
FAM.
FAM.
BAVASSER
FAM. ET PÉJ.
FAM. PÉJ.
BAZARDER
FAM.
FAM.
BÊCHER (1)
FAM. VX.
Ø
BÊCHER (2)
FAM.
FAM.
BÉCOTER
FAM.
FAM.
BECTER
FAM.
TRÈS FAM.
BEURRER (SE)
FAM.
Ø
BIBERONNER
FAM.
FAM.
Annexes 319
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
BICHER (1)
FAM. VIEILLI
FAM. VIEILLI
BICHER (2)
FAM.
FAM. VIEILLI
BIDONNER (1)
FAM.
FAM.
BIDONNER (SE) (2)
FAM.
FAM.
BIDOUILLER
FAM.
FAM.
BIGLER (1)
FAM.
FAM.
BIGLER (2)
FAM. VIEILLI
FAM.
BIGOPHONER
FAM.
FAM.
BILER (SE)
FAM.
FAM.
BISER
FAM.
FAM.
BISQUER
FAM.
FAM.
BITER OU BITTER
FAM.
Ø
BITURER (SE)
FAM.
FAM.
BLABLATER
FAM. ET PÉJ.
Ø
BLAGUER
FAM.
FAM.
BLAIRER
FAM.
FAM.
BOMBER
FAM.
non marqué
BOSSER
FAM.
FAM.
BOUFFER (1)
FAM.
FAM.
BOUFFER (2)
FAM.
FAM.
BOUFFER (3)
FAM.
FAM.
BOULONNER
FAM.
FAM.
BOULOTTER
FAM.
FAM.
BOYAUTER (SE)
FAM.
FAM., VIEILLI
BRAILLER
FAM.
FAM.
BRAIRE
FAM.
Ø
BULLER
FAM.
FAM.
BUTER
FAM.
ARG.
CABOTINER
FAM.
non marqué
CACHETONNER
FAM.
FAM.
CAFARDER (1)
FAM.
FAM.
CAFARDER (2)
FAM.
FAM.
CAFOUILLER
FAM.
FAM.
CAFTER
FAM.
ARG. SCOL.
CANARDER
FAM.
FAM.
CANER
FAM.
FAM., VIEILLI
CANNER
RÉGION. (Canada) FAM.
Ø
320 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
CANULER
FAM.
FAM., VIEILLI
CARAPATER (SE)
FAM.
FAM.
CAROTTER (1)
FAM.
FAM.
CAROTTER (2)
FAM.
non marqué
CASQUER
FAM.
FAM.
CATASTROPHER
FAM.
FAM.
CAVALER
FAM.
FAM.
CHAMBARDER
FAM.
FAM.
CHAMBOULER
FAM.
FAM.
CHAPARDER
FAM.
FAM.
CHARCUTER
FAM.
FAM.
CHÂTAIGNER
FAM.
Ø
CHIADER
FAM. ET VIEILLI
ARG. SCOL.
CHIALER
FAM.
FAM.
CHIER (1)
FAM. ET VULG.
VULG. TRÈS FAM.
CHIER (2)
FAM. ET VULG.
VULG. TRÈS FAM.
CHIGNER
FAM.
Ø
CHIPER
FAM.
FAM.
CHLINGUER
FAM. ET VULG.
TRÈS FAM.
CHOPER (1)
FAM. VIEILLI
FAM.
CHOPER (2)
FAM.
FAM.
CHOPER (3)
FAM.
FAM.
CHOUCHOUTTER
FAM.
FAM.
CHOUINER
RÉGION. OU FAM.
FAM.
CHOURAVER
FAM.
FAM.
COCHONNER
FAM.
FAM.
COCOTER OU
COCOTTER
FAM.
FAM.
COCUFIER
FAM.
FAM.
COLLAPSER
FAM.
Ø
COMPLEXER
FAM.
non marqué
CONTREBALANCER
(S'EN)
FAM.
FAM.
CONTREFICHER (SE)
FAM.
FAM.
COPINER
FAM.
FAM.
CORNAQUER
FAM.
FAM.
COUCHAILLER
FAM. ET PÉJ.
FAM., PÉJ.
COUILLONNER
FAM.
TRÈS FAM.
Annexes 321
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
COUINER (1)
FAM.
non marqué
COUINER (2)
FAM.
FAM.
COURSER
FAM.
FAM.
CRACHOUILLER
FAM.
FAM.
CRAMER (1)
FAM.
Ø
CRAMER (2)
FAM.
FAM.
CRÂNER
FAM.
FAM.
CRAPAHUTER
FAM.
FAM.
CRAPOTER
FAM.
Ø
CRÉCHER
FAM.
FAM.
CRISER
FAM.
Ø
CRITICAILLER
FAM.
FAM., PÉJ.
CROUTER
FAM.
FAM.
CUITER (SE)
FAM.
FAM.
DANSOTER
FAM.
FAM.
DEALER
FAM.
FAM.
DÉBALLONNER (SE)
FAM. ET PÉJ.
FAM.
DEBANDER
FAM.
Ø
DÉBARBOUILLER
FAM.
Ø
DÉBECTER
FAM.
FAM.
DEBINER
FAM.
FAM.
DEBINER (SE)
FAM. ET VIEILLI
FAM.
DEBOUSSOLER
FAM.
FAM.
DÉBRAGUETTER
FAM.
Ø
DEBRAILLER (SE)
FAM.
non marqué
DEBRAYER
FAM.
non marqué
DÉCANILLER
FAM.
FAM.
DECARCASSER (SE)
FAM.
FAM.
DÉCERVELER
FAM.
non marqué
DÉCOMPLEXER
FAM.
non marqué
DÉCONNER (1)
FAM.
TRÈS FAM
DÉCONNER (2)
FAM.
Ø
DÉCONNER (3)
FAM.
TRÈS FAM.
DÉFOULER (1)
FAM.
non marqué
DÉFOULER (2)
FAM.
non marqué
DEFOURAILLER
ARG. FAM.
Ø
DÉGLINGUER
FAM.
FAM.
322 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
DÉGOBLLER
FAM.
FAM.
DÉGOISER (1)
FAM. ET PÉJ.
FAM, PÉJ.
DEGOISER (2)
FAM. ET PÉJ.
FAM., PÉJ.
DEGOTER (1)
FAM. VX.
Ø
DEGOTER (2)
FAM. ET MOD.
FAM.
DÉGROUILLER (SE)
FAM.
(LANG. DES ÉCOLIERS)
FAM.
DÉGUEULASSER
FAM.
Ø
DEGUEULER
FAM. ET VULG.
TRÈS FAM.
DEHOTTER
FAM.
Ø
DEJANTER
FAM.
FAM.
DÉMANTIBULER
FAM.
FAM.
DÉMERDER (SE)
FAM.
TRÈS FAM.
DÉPATOUILLER (SE)
FAM.
FAM.
DÉPIAUTER
FAM.
FAM.
DEPOITRAILLER (SE)
FAM.
Ø
DÉPUCELER
FAM.
FAM.
DESAPER
FAM.
Ø
DETALER
FAM.
FAM.
DINGUER
FAM.
FAM.
DOUILLER (1)
FAM.
FAM.
DOUILLER (2)
FAM.
FAM.
DROGUER
FAM. ET VIEILLI
FAM., VX.
DROPER
FAM.
FAM.
ÉCORNIFLER
FAM. ET VX.
Ø
ÉCRABOUILLER
FAM.
FAM.
EMBERLIFICOTER (1)
FAM.
FAM.
EMBERLIFICOTER (2)
FAM.
FAM.
EMBÊTER (1)
FAM.
FAM.
EMBÊTER (2)
FAM.
FAM.
EMBÊTER (3)
FAM.
Ø
EMBOBINER
FAM.
FAM.
EMBRINGUER
FAM.
FAM.
EMMERDER (1)
FAM.
TRÈS FAM.
EMMERDER (2)
FAM.
Ø
EMMIELLER
FAM. PAR EUPH.
FAM., PAR EUPH.
EMMITOUFLER
FAM.
non marqué
Annexes 323
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
EMMOUSCAILLER
FAM. VIEILLI
FAM., VX., PAR EUPH.
ÉMOTIONNER
FAM.
FAM.
EMPAUMER
FAM. ET VIEILLI
FAM., VIEILLI
EMPIFFRER (S’)
FAM.
FAM.
EMPILER
FAM.
FAM.
EMPLAFONNER
FAM.
FAM.
ENDÊVER
FAM. ET VX.
FAM., VX.
ENGUEULER (1)
FAM.
FAM.
ENGUEULER (2)
FAM.
FAM.
ENGUIRLANDER
FAM.
FAM.
ENQUIQUINER
FAM.
FAM.
ENTARTER
FAM.
Ø
ENTUBER
FAM.
FAM.
ÉPOUSTOUFLER
FAM.
FAM.
ESBIGNER (S’)
FAM. ET VIEILLI
FAM., VIEILLI
ESBROUFER
FAM.
FAM., VIEILLI
ESQUINTER (1)
FAM.
FAM.
ESQUINTER (2)
FAM.
FAM.
ESTOMAQUER
FAM.
FAM.
ESTOURBIR
FAM.
FAM.
FARFOUILLER
FAM.
FAM.
FAUTER
FAM. VIEILLI
FAM., VIEILLI
FIGNOLER
FAM.
FAM.
FILOCHER (1)
FAM.
FAM., VIEILLI
FILOCHER (2)
FAM.
Ø
FLANCHER
FAM.
FAM.
FLANQUER (1)
FAM.
FAM.
FLANQUER (2)
FAM.
FAM.
FLASHER
FAM.
FAM.
FLEMMARDER
FAM.
FAM.
FLINGUER (1)
FAM.
FAM.
FLINGUER (2)
FAM.
FAM.
FLIPPER (1)
FAM.
FAM.
FLIPPER (2)
FAM.
FAM.
FLIQUER
FAM.
FAM.
FLOTTER
FAM.
FAM.
FOUINER (1)
FAM.
FAM.
324 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
FOUINER (2)
FAM. PÉJ.
FAM.
FRIMER
FAM.
FAM.
FRINGUER
FAM.
FAM.
FRITER (SE)
FAM.
Ø
FUGUER
FAM.
FAM.
GAFFER (1)
FAM.
Ø
GAFFER (2)
FAM.
FAM. (Suisse)
GALÉRER
FAM.
FAM.
GAMBERGER (1)
ARG. FAM.
FAM.
GAMBERGER (2)
ARG. FAM.
Ø
GAMBILLER (1)
FAM. VX.
Ø
GAMBILLER (2)
FAM. MOD.
FAM.
GÂTIFIER
FAM.
FAM.
GAZER (1)
FAM. VIEILLI
FAM.
GAZER (2)
FAM. VIEILLI
FAM.
GERBER (1)
FAM.
TRÈS FAM.
GERBER (2)
FAM.
Ø
GIGOTER
FAM.
FAM.
GLANDER
FAM.
TRÈS FAM.
GLAVIOTER
FAM. ET VULG.
Ø
GOBERGER (SE)
FAM.
FAM., VIEILLI
GODAILLER
FAM.
non marqué
GOIFFRER (SE)
FAM.
FAM.
GOURER (SE)
FAM.
FAM.
GRAILLER
FAM.
FAM.
GRAILLONNER
FAM.
TRÈS FAM.
GRATOUILLER
FAM.
FAM.
GRENOUILLER
FAM.
FAM., PÉJ.
GROGNASSER
FAM. ET PÉJ.
FAM.
GUEULETONNER
FAM.
FAM.
GUINCHER
FAM.
FAM.
INDIFFÉRER
FAM.
non marqué
INSUPPORTER
FAM. ET PAR PLAIS.
FAM.
JABOTER
FAM. ET VIEILLI
Ø
JACTER
FAM.
FAM.
JASPINER
FAM. ET PÉJ.
ARG.
JUBILER
FAM.
non marqué
Annexes 325
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
KIFER (1)
FAM.
Ø
KIFER (2)
FAM.
Ø
LAÏUSSER
FAM.
FAM.
LAMPER
FAM.
FAM.
LEZARDER
FAM.
FAM.
LIMOGER (1)
FAM.
Ø
LIMOGER (2)
FAM.
non marqué
LOUPER (1)
FAM.
FAM.
LOUPER (2)
FAM.
FAM.
LOURDER
ARG. FAM.
FAM.
MÂCHOUILLER
FAM.
FAM.
MAGNER (SE)
FAM.
FAM.
MAGOUILLER (1)
FAM.
FAM.
MAGOUILLLER (2)
FAM.
Ø
MARONNER
FAM. RÉGION.
FAM.
MARRER (SE)
FAM.
FAM.
MÉGOTER
FAM.
FAM.
MENDIGOTER
FAM.
FAM., VX.
MERDER (1)
FAM.
Ø
MERDER (2)
FAM.
TRÈS FAM.
MERDOYER
FAM.
FAM.
MORFLER
ARG. FAM.
FAM.
MOUCHARDER
FAM.
FAM.
MOUFTER
FAM.
FAM.
NIPPER
FAM. ET VEILLI
FAM.
PARTOUZER
FAM.
Ø
PAUMER
FAM.
FAM.
PEINTURLURER
FAM.
FAM.
PELOTER
FAM.
FAM.
PENDOUILLER
FAM.
FAM.
PETER (1)
FAM.
VULG
PETER (2)
FAM.
FAM.
PETER (3)
FAM.
FAM.
PETER (4)
FAM.
FAM.
PETIT-DÉJEUNER
FAM.
FAM.
PHOSPOHORER
FAM.
FAM.
PIAILLER (1)
FAM.
non marqué
326 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
PIAILLER (2)
FAM.
FAM.
PICOLER
FAM.
FAM.
PIGEONNER
FAM.
FAM.
PIGER (1)
FAM. VX.
non marqué
PIGER (2)
FAM. MOD.
FAM.
PILER
FAM.
FAM.
PINAILLER
FAM.
FAM.
PIONCER
FAM.
FAM.
PISSER (1)
FAM.
TRÈS FAM.
PISSER (2)
FAM.
TRÈS FAM.
PLANQUER
FAM.
FAM.
PLUMER (SE)
FAM. ET VIEILLI
Ø
POCHARDER (SE)
FAM. ET VIEILLI
FAM., VIEILLI
POILER (SE)
FAM.
FAM.
POIREAUTER
FAM.
FAM.
POIVRER (SE)
FAM.
FAM.
POLITIQUER
VX. FAM.
Ø
POTASSER
FAM.
FAM.
POUTSER
(Suisse) FAM.
non marqué
QUEUTER
FAM.
Ø
RABIBOCHER (1)
FAM.
FAM.
RABIOTER (1)
FAM.
Ø
RABIOTER (2)
FAM.
FAM.
RABOBOCHER (2)
FAM.
FAM.
RADINER (1)
FAM.
FAM.
RADINER (2)
FAM.
FAM.
RAFISTOLER
FAM.
FAM.
RAFLER (1)
FAM.
FAM.
RAFLER (2)
FAM.
FAM.
RAFLER (3)
FAM.
Ø
RAGER
FAM.
FAM.
RAPETASSER
FAM.
FAM.
RAPPLIQUER
FAM.
FAM.
RAQUER
FAM.
FAM.
RATIBOISER (1)
FAM.
FAM.
RATIBOISER (2)
FAM.
FAM.
RATIBOISER (3)
FAM.
FAM.
Annexes 327
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
RAVIGOTER
FAM.
FAM.
REBIFFER (SE)
FAM.
FAM.
REBIQUER
FAM.
FAM.
REBOUTER (1)
FAM. VX.
Ø
REBOUTER (2)
FAM.
Ø
REBRAGUETTER
FAM.
Ø
RECASER
FAM.
FAM.
REFILER
FAM.
FAM.
REFOUTRE
FAM.
Ø
RELOOKER
FAM.
FAM.
RELUQUER (1)
FAM.
FAM.
RELUQUER (2)
FAM.
FAM.
REMPILER
FAM.
ARG. MIL.
RENCOGNER
FAM. VX.
FAM., VX.
REQUINQUER (1)
FAM.
FAM.
REQUINQUER (2)
FAM.
FAM.
RESQUILLER (1)
FAM.
FAM.
RESQUILLER (2)
FAM.
FAM.
RESQUILLER (3)
FAM.
Ø
RESQUILLER (4)
FAM.
Ø
RETAMER (1)
FAM.
FAM.
RETAMER (2)
FAM.
Ø
REVOULOIR
FAM.
FAM.
RIBOULER
FAM. ET VIEILLI
FAM., VIEILLI
RIGOLER (1)
FAM.
FAM.
RIGOLER (2)
FAM.
FAM.
RIGOLER (3)
FAM.
Ø
RÔDAILLER
FAM. VIEILLI
FAM.
ROGNER
FAM. VX.
FAM., VX.
ROGNONNER
FAM. VX.
FAM.
ROTER (1)
VULG. OU FAM.
FAM.
ROTER (2)
VULG. OU FAM.
Ø
ROUPILLER
FAM.
FAM.
ROUSCAILLER
FAM.
FAM.
ROUSPÉTER
FAM.
FAM.
ROUSTIR
FAM.
Ø
SACQUER
FAM.
FAM.
328 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
SALOPER (1)
FAM.
FAM.
SALOPER (2)
FAM.
FAM.
SANDWICHER
FAM.
Ø
SAPER (SE)
FAM.
FAM.
SAUCISSONNER
FAM.
FAM.
SIROTER
FAM.
FAM.
SPEEDER
FAM.
FAM.
STARISER
FAM.
Ø
TABASSER
FAM.
FAM.
TALOCHER
FAM. VIEILLI
FAM., VIEILLI
TCHATCHER
FAM.
FAM.
TOQUER
RÉGIONAL. OU FAM.
Ø
TOQUER (SE)
FAM.
FAM.
TORCHER (1)
FAM.
FAM.
TORCHER (2)
FAM. ET VEILLI
Ø
TORCHONNER
FAM.
FAM.
TOURNEBOULER
FAM.
FAM.
TOURNICOTER
FAM.
FAM.
TRAFICOTER
FAM.
FAM.
TRANSBAHUTER
FAM.
FAM.
TRIFOUILLER (1)
FAM.
FAM.
TRIFOUILLER (2)
FAM.
FAM.
TRIMBALLER
FAM.
FAM.
TRISSER (1)
FAM.
FAM.
TRISSER (2)
FAM.
FAM.
TRUCIDER
FAM.
FAM.
TURLUPINER
MOD. ET FAM.
FAM.
URGER
FAM.
FAM.
VADROUILLER (1)
FAM. VX.
Ø
VADROUILLER (2)
FAM.
FAM.
VALDINGUER
FAM.
FAM.
VAMPER
FAM.
FAM.
VANNER
FAM.
FAM.
VASER
FAM.
Ø
VASOUILLER
FAM.
FAM.
VIANDER
FAM.
FAM.
VIBRIONNER
FAM.
FAM.
Annexes 329
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
VIOLONER
FAM.
Ø
YOYOTER
FAM.
Ø
ZIEUTER
FAM.
FAM.
ZIGOUILLER
FAM.
FAM.
ZONER
FAM.
FAM.
ZOZOTER
FAM.
FAM.
330 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Tableau 2. - Inventaire des termes marqués FAM. par le PL 2001
qui font l’objet d’une autre marque dans le NPR 2002
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
ATTIGER
(2) FAM. VIEILLI
FAM., VIEILLI
BACHOTER
non marqué
FAM.
BACLER
(2) COUR. FAM.
FAM.
BAGUEUNAUDER
(2) VX.
FAM.
BAISOTER
Ø
FAM.
BAMBOCHER
non marqué
FAM.
BAYER
VX.
FAM.
BEDONNER
non marqué
FAM.
BÉMOLISER
(2) FIG., FAM.
FAM.
BÊTIFIER
non marqué
FAM.
BIAISER
(2) FIG.
FAM.
BICHONNER
(2) PAR EXT.
FAM.
BLACKBOULER
(2) FAM.
FAM.
BLINQUER
Ø
FAM. (BELGIQUE)
BLOUSER
(2) FIG., FAM.
FAM. (V.TR.)
BOOSTER
Ø
FAM.
BOUÉLER
Ø
FAM. (SUISSE)
BOUGONNER
non marqué
FAM.
BOUMER
POP.
FAM.
BOUQUINER
(2) FAM.
FAM.
BOUSILLER
non marqué
FAM.
BOXER
(2) FAM.
FAM.
BRICOLER
non marqué
FAM.
BRIEFER
ANGLIC. (critique)
FAM.
BRINGUEBALER
VX. OU LITT.
FAM.
BRINGUER
Ø
FAM.
BRIQUER
(2) COUR
FAM.
BUCHER
(2) FAM.
FAM.
BUSER
Ø
FAM. (Belgique)
CALOTTER
Ø
FAM., VIEILLI
CALTER
POP.
FAM.
CAMER (SE)
ARG.
FAM.
CANCANER
non marqué
FAM.
CANER
ARG.
FAM.
CAUCHEMARDER
non marqué
FAM.
CHAMAILLER (SE)
(2) MOD.
FAM.
Annexes 331
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
CHAPEAUTER
non marqué
FAM.
CHINER
non marqué
FAM.
CHINOISER
non marqué
FAM.
CHIPOTER
non marqué
FAM.
CICLER
Ø
FAM. (Suisse)
CLABOTER
Ø
FAM., VIEILLI
CLAMSER
POP.
FAM.
CLOCHER
(2) MOD.
FAM.
CLOPINER
non marqué
FAM.
COCOLER
Ø
FAM. (Suisse)
COGITER
IRON.
FAM., IRON.
COMMÉRER
Ø
FAM., VIEILLI
CONCOCTER
PLAIS.
FAM.
CONTREFOUTRE (SE)
POP.
TRÈS FAM.
COPULER
non marqué
FAM.
CRASHER (SE)
ANGLIC.
FAM.
CROTTER
(2) FAM.
FAM.
DEBAGOULER
POP. ET VX.
FAM., VX.
DÉBLATÉRER
non marqué
FAM.
DECAMPER
VX. OU PAR PLAIS.
FAM.
DECOMPRESSER
(2) FAM.
FAM.
DÉGOULINER
non marqué
FAM.
DÉGRINGOLER
non marqué
FAM.
DINDONNER
Ø
FAM., VX.
DISCUTAILLER
PÉJ.
FAM., PÉJ.
ÉCRIVAILLER
PÉJ.
FAM., PÉJ.
ÉCRIVASSER
PÉJ.
FAM., PÉJ.
EMBARDOUFLER
Ø
FAM. (Suisse)
EMBOBELINER
(2) FAM.
FAM., VIEUX
EMÉCHER
RARE
FAM.
ENGROSSER
VULG.
FAM.
EPATER
(3) FIG. ET FAM.
FAM.
FAYOTER
ARG.
FAM.
FICHER
(2) FAM.
FAM.
FILOUTER
VIEILLI
FAM.
FINASSER
non marqué
FAM.
FLIRTER
non marqué
FAM.
FLOUER
(2) VX.
FAM.
FOURGONNER
(2) FIG.
FAM.
FOURGUER
ARG.
FAM.
FOURRAGER
non marqué
FAM.
332 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
FOUTRE
VIEILLI ET TRIVIAL
TRÈS FAM.
GATTER
Ø
FAM. (Suisse)
GLOUGLOUTER
non marqué
FAM.
GOUAILLER
(2) MOD.
FAM.
GRAGNIFIER
Ø
FAM. (Québec)
GUINDAILLER
Ø
FAM. (Belgique)
HORRIPILER
(2) non marqué
FAM.
JARGONNER
non marqué
FAM.
JOBARDER
RARE
FAM., VIEUX
LAMBINER
non marqué
FAM.
LANTERNER
non marqué
FAM.
LICHER
(2) POP. VIEILI
FAM., VX.
MAGNER
Ø
FAM. (Québec)
MANGEOTTER
Ø
FAM.
MAQUER
POP.
TRÈS FAM.
MARMOTTER
non marqué
FAM.
MATER
ARG.
FAM.
MÉMÉRER
Ø
FAM. (Québec)
MIGNOTER
VIEILLI
FAM., VX.
MOFLER
Ø
FAM. (Québec)
MOYENNER
(2) LOC FAM.
FAM., VIEILLI
NEIGEOTER
Ø
FAM.
NIAISER
Ø
FAM.
PACSER
non marqué
FAM.
PANIQUER
non marqué
FAM.
PANTOUFLER
(2) MOD.
FAM.
PAPOTER
non marqué
FAM.
PATENTER
Ø
FAM. (Québec)
PAUMER
ARG.
FAM.
PEDZER
Ø
FAM. (Suisse)
PEINTURER
(2) MOD.
FAM.
PÉTOUILLER
Ø
FAM. (Suisse)
PIAPATER
Ø
FAM.
PIEUTER (SE)
POP.
FAM.
PIFFER
POP.
FAM.
PINTER
POP.
FAM.
PISTONNER
non marqué
FAM.
PLACARDISER
non marqué
FAM.
PLACOTER
Ø
FAM. (Québec)
PLASTRONNER
(2) non marqué
FAM.
PLEUVASSER,
non marqué
FAM.
Annexes 333
Entrées
PLEUVINER,
PLEUVOTER,
PLUVINER
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
PONTIFIER
(2) FIG ET COUR.
FAM.
POSTILLONNER
non marqué
FAM.
POTINER
VX.
FAM.
POUCER
Ø
FAM. (Québec)
POUPONNER
non marqué
FAM.
POURLÉCHER (SE)
(2) MOD.
FAM.
RABÂCHER
non marqué
FAM.
RACCUSER
Ø
FAM. (Belgique)
RAFFOLER
non marqué
FAM.
RAGAILLARDIR
non marqué
FAM.
RAPAILLER
Ø
FAM. (Québec)
RECALER
(2) FAM., COUR.
FAM.
REMARCHER
non marqué
FAM.
REMBARRER
non marqué
FAM.
REMPOCHER
non marqué
FAM.
RENAUDER
POP.
FAM., VIEILLI
RETÂTER
non marqué
FAM.
RETOQUER
ARG. SCOL.
FAM.
RIMAILLER
VIEILLI
FAM., VIEILLI
RINGARDISER
non marqué
FAM.
RIPAILLER
non marqué
FAM., VIEILLI
RONCHONNER
non marqué
FAM.
ROSSER
non marqué
FAM.
ROYAUMER (SE)
Ø
FAM. (Suisse)
RUPER
Ø
TRÈS FAM. (Suisse)
SCHADER
Ø
FAM. (Suisse)
SHOOTER (SE)
ANGLI. (2) FAM.
FAM.
SILER
Ø
FAM. (Québec)
SNIFFER
ARG.
FAM.
TAPINER
ARG.
TRÈS FAM.
TARABUSTER
non marqué
FAM.
TARTIR
ARG.
FAM.
TAUPER
Ø
FAM. (Suisse)
TIQUER
Ø
FAM.
TOURNAILLER
non marqué
FAM.
TOURNIQUER
non marqué
FAM.
TRACTER
Ø
FAM.
TRAÎNAILLER
non marqué
FAM.
334 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Petit Robert 2002
Petit Larousse 2001
TRAÎNASSER
VX ET PÉJ.
FAM.
TRAVAILLOTER
non marqué
FAM.
TRIMER
non marqué
FAM.
TRIPOTER
non marqué
FAM.
TRUANDER
(2) FAM.
FAM.
TURBINER
POP. ET VIELLI
FAM.
VAMPIRISER
non marqué
FAM.
VANDALISER
non marqué
FAM.
VESSER
VX.
FAM., VX.
VILLÉGIATURER
VIEILLI
FAM., VX.
VIVOTER
non marqué
FAM.
ANNEXE 3
COMPARAISON DU MARQUAGE DES TERMES
DANS LE NOUVEAU PETIT ROBERT 2002 ET LE PETIT ROBERT 1977
Sont présentés dans cette annexe :
- un inventaire des marques d’usages attribuées aux 410 verbes du
corpus, par le NPR 2002 et le PR 1977 (tableau n° 1)
- un inventaire des termes marqués FAM. par le PR 1977, qui font
l’objet d’une autre marque dans le NPR 2002 (tableau n° 2).
Le signe Ø signifie que le terme n’appartient pas à la nomenclature du
dictionnaire spécifié.
336 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Tableau 1. - Inventaire des marques d’usages attribuées au corpus
par le NPR 2002 et le PR 1977
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
AMOCHER
FAM.
POP.
ARNAQUER (1)
FAM.
POP.
ARNAQUER (2)
FAM.
POP.
ASTICOTER
FAM.
FAM.
ATTIFER
FAM. ET PÉJ.
FAM.
BAFOUILLER
FAM.
FAM.
BÂFRER
FAM.
POP.
BAGARRER (1)
FAM.
FAM.
BAGARRER (SE) (2)
FAM.
POP.
BALADER (1)
FAM.
FAM.
BALADER (SE) (2)
FAM.
FAM.
BALISER
FAM.
Ø
BANQUER
FAM.
POP.
BARAGOUINER (1)
FAM. ET PÉJ.
FAM.
BARAGOUINER (2)
FAM. ET PÉJ.
non marqué
BARATINER (1)
FAM.
POP.
BARATINER (2)
FAM.
POP.
BARBER
FAM.
POP ET FAM.
BARBIFIER (1)
FAM.
FAM.
BARBIFIER (2)
FAM. VIEILLI
FAM. VIEILLI
BARBOTER
FAM.
POP.
BARDER
FAM.
POP.
BARRER (SE)
FAM.
POP.
BASSINER
FAM.
POP.
BATIFOLER
FAM.
FAM.
BAVASSER
FAM. ET PÉJ.
Ø
BAZARDER
FAM.
FAM.
BÊCHER (1)
FAM. VX.
FIG. ET FAM.
BÊCHER (2)
FAM.
Ø
BÉCOTER
FAM.
FAM.
Annexes 337
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
BECTER
FAM.
POP.
BEURRER (SE)
FAM.
Ø
BIBERONNER
FAM.
FAM.
BICHER (1)
FAM. VIEILLI
FAM.
BICHER (2)
FAM.
POP.
BIDONNER (1)
FAM.
Ø
BIDONNER (SE) (2)
FAM.
POP.
BIDOUILLER
FAM.
Ø
BIGLER (1)
FAM.
FAM.
BIGLER (2)
FAM. VIEILLI
FAM.
BIGOPHONER
FAM.
Ø
BILER (SE)
FAM.
FAM.
BISER
FAM.
FAM.
BISQUER
FAM.
POP.
BITER OU BITTER
FAM.
Ø
BITURER (SE)
FAM.
POP.
BLABLATER
FAM. ET PÉJ.
Ø
BLAGUER
FAM.
FAM.
BLAIRER
FAM.
POP.
BOMBER
FAM.
Ø
BOSSER
FAM.
POP.
BOUFFER (1)
FAM.
POP.
BOUFFER (2)
FAM.
Ø
BOUFFER (3)
FAM.
FIG.
BOULONNER
FAM.
FAM.
BOULOTTER
FAM.
(2) MOD. ET FAM.
BOYAUTER (SE)
FAM.
Ø
BRAILLER
FAM.
non marqué
BRAIRE
FAM.
Ø
BULLER
FAM.
Ø
BUTER
FAM.
Ø
CABOTINER
FAM.
FAM.
CACHETONNER
FAM.
Ø
CAFARDER (1)
FAM.
non marqué
CAFARDER (2)
FAM.
Ø
CAFOUILLER
FAM.
POP.
338 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
CAFTER
FAM.
Ø
CANARDER
FAM.
non marqué
CANER
FAM.
FAM.
CANNER
RÉGION. (CANADA) FAM.
Ø
CANULER
FAM.
POP.
CARAPATER (SE)
FAM.
POP.
CAROTTER (1)
FAM.
FAM.
CAROTTER (2)
FAM.
Ø
CASQUER
FAM.
POP.
CATASTROPHER
FAM.
Ø
CAVALER
FAM.
POP.
CHAMBARDER
FAM.
FAM.
CHAMBOULER
FAM.
FAM.
CHAPARDER
FAM.
FAM.
CHARCUTER
FAM.
FAM.
CHÂTAIGNER
FAM.
Ø
CHIADER
FAM. ET VIEILLI
ARG.
CHIALER
FAM.
POP.
CHIER (1)
FAM. ET VULG.
TRÈS VULG.
CHIER (2)
FAM. ET VULG.
TRÈS VULG.
CHIGNER
FAM.
Ø
CHIPER
FAM.
FAM.
CHLINGUER
FAM. ET VULG.
VULG.
CHOPER (1)
FAM. VIEILLI
POP. OU FAM.
CHOPER (2)
FAM.
POP. OU FAM.
CHOPER (3)
FAM.
POP. OU FAM.
CHOUCHOUTTER
FAM.
non marqué
CHOUINER
RÉGION. OU FAM.
Ø
CHOURAVER
FAM.
Ø
COCHONNER
FAM.
FAM.
COCOTER
FAM.
Ø
COCUFIER
FAM.
VULG.
COLLAPSER
FAM.
Ø
COMPLEXER
FAM.
Ø
CONTREBALANCER
(S'EN)
FAM.
(3) POP.
Annexes 339
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
CONTREFICHER (SE)
FAM.
POP.
COPINER
FAM.
FAM.
CORNAQUER
FAM.
Ø
COUCHAILLER
FAM. ET PÉJ.
Ø
COUILLONNER
FAM.
non marqué
COUINER (1)
FAM.
FAM.
COUINER (2)
FAM.
Ø
COURSER
FAM.
Ø
CRACHOUILLER
FAM.
Ø
CRAMER (1)
FAM.
non marqué
CRAMER (2)
FAM.
POP.
CRÂNER
FAM.
FAM.
CRAPAHUTER
FAM.
ARG. MILIT.
CRAPOTER
FAM.
Ø
CRÉCHER
FAM.
POP.
CRISER
FAM.
Ø
CRITICAILLER
FAM.
FAM.
CROUTER
FAM.
POP.
CUITER (SE)
FAM.
FAM.
DANSOTER
FAM.
Ø
DEALER
FAM.
Ø
DÉBALLONNER (SE)
FAM. ET PÉJ.
Ø
DEBANDER
FAM.
Ø
DÉBARBOUILLER
FAM.
FAM.
DÉBECTER
FAM.
Ø
DEBINER
FAM.
FAM.
DEBINER (SE)
FAM. ET VIEILLI
FAM.
DEBOUSSOLER
FAM.
Ø
DÉBRAGUETTER
FAM.
Ø
DEBRAILLER (SE)
FAM.
FAM.
DEBRAYER
FAM.
POP.
DÉCANILLER
FAM.
FAM.
DECARCASSER (SE)
FAM.
FAM.
DÉCERVELER
FAM.
Ø
DÉCOMPLEXER
FAM.
Ø
DÉCONNER (1)
FAM.
VULG.
340 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
DÉCONNER (2)
FAM.
Ø
DÉCONNER (3)
FAM.
Ø
DÉFOULER (1)
FAM.
FAM.
DÉFOULER (2)
FAM.
Ø
DEFOURAILLER
ARG. FAM.
Ø
DÉGLINGUER
FAM.
FAM.
DÉGOBILLER
FAM.
FAM.
DÉGOISER (1)
FAM. ET PÉJ.
FAM. ET PÉJ.
DEGOISER (2)
FAM. ET PÉJ.
FAM. ET PÉJ.
DEGOTER (1)
FAM. VX.
FAM. VX.
DEGOTER (2)
FAM. MOD.
FAM. MOD.
DÉGROUILLER (SE)
FAM. (LANG. DES ÉCOLIERS)
FAM.
DÉGUEULASSER
FAM.
Ø
DEGUEULER
FAM. ET VULG.
POP. ET VULG.
DEHOTTER
FAM.
Ø
DEJANTER
FAM.
Ø
DÉMANTIBULER
FAM.
FAM.
DÉMERDER (SE)
FAM.
VULG.
DÉPATOUILLER (SE)
FAM.
FAM.
DÉPIAUTER
FAM.
FAM.
DEPOITRAILLER (SE)
FAM.
Ø
DÉPUCELER
FAM.
VULG.
DESAPER
FAM.
Ø
DETALER
FAM.
FAM.
DINGUER
FAM.
FAM.
DOUILLER (1)
FAM.
Ø
DOUILLER (2)
FAM.
Ø
DROGUER
FAM. ET VIEILLI
FAM. ET VIEILLI
DROPER
FAM.
Ø
ÉCORNIFLER
FAM. ET VX.
FAM.
ÉCRABOUILLER
FAM.
FAM.
EMBERLIFICOTER (1)
FAM.
FAM.
EMBERLIFICOTER (2)
FAM.
FAM.
EMBÊTER (1)
FAM.
FAM.
EMBÊTER (2)
FAM.
FAM.
EMBÊTER (3)
FAM.
Ø
Annexes 341
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
EMBOBINER
FAM.
FAM.
EMBRINGUER
FAM.
FAM.
EMMERDER (1)
FAM.
VULG.
EMMERDER (2)
FAM.
VULG.
EMMERDER (3)
FAM.
VULG.
EMMIELLER
FAM. PAR EUPH.
POP.
EMMITOUFLER
FAM.
FAM.
EMMOUSCAILLER
FAM. VIEILLI
Ø
ÉMOTIONNER
FAM.
FAM.
EMPAUMER
FAM. ET VIEILLI
FAM.
EMPIFFRER (S’)
FAM.
FAM.
EMPILER
FAM.
FAM.
EMPLAFONNER
FAM.
Ø
ENDÊVER
FAM. ET VX.
FAM. ET VX.
ENGUEULER (1)
FAM.
POP.
ENGUEULER (2)
FAM.
Ø
ENGUIRLANDER
FAM.
FAM.
ENQUIQUINER
FAM.
FAM.
ENTARTER
FAM.
Ø
ENTUBER
FAM.
Ø
ÉPOUSTOUFLER
FAM.
FAM.
ESBIGNER (S’)
FAM. ET VIEILLI
POP. ET VIEILLI
ESBROUFER
FAM.
FAM.
ESQUINTER (1)
FAM.
FAM.
ESQUINTER (2)
FAM.
non marqué
ESTOMAQUER
FAM.
MOD ET FAM.
ESTOURBIR
FAM.
FAM.
FARFOUILLER
FAM.
FAM.
FAUTER
FAM. VIEILLI
FAM.
FIGNOLER
FAM.
FAM.
FILOCHER (1)
FAM.
Ø
FILOCHER (2)
FAM.
Ø
FLANCHER
FAM.
FAM.
FLANQUER (1)
FAM.
FAM.
FLANQUER (2)
FAM.
FAM.
FLASHER
FAM.
Ø
342 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
FLEMMARDER
FAM.
FAM.
FLINGUER (1)
FAM.
non marqué
FLINGUER (2)
FAM.
Ø
FLIPPER (1)
FAM.
Ø
FLIPPER (2)
FAM.
Ø
FLIQUER
FAM.
Ø
FLOTTER
FAM.
POP.
FOUINER (1)
FAM.
Ø
FOUINER (2)
FAM. PÉJ.
FAM.
FRIMER
FAM.
Ø
FRINGUER
FAM.
POP.
FRITER (SE)
FAM.
Ø
FUGUER
FAM.
Ø
GAFFER (1)
FAM.
POP.
GAFFER (2)
FAM.
Ø
GALÉRER
FAM.
Ø
GAMBERGER (1)
ARG. FAM.
Ø
GAMBERGER (2)
ARG. FAM.
Ø
GAMBILLER (1)
FAM. VX.
FAM.
GAMBILLER (2)
FAM. MOD.
POP.
GÂTIFIER
FAM.
Ø
GAZER (1)
FAM. VIEILLI
FAM.
GAZER (2)
FAM. VIEILLI
PAR EXT.
GERBER (1)
FAM.
Ø
GERBER (2)
FAM.
Ø
GIGOTER
FAM.
FAM.
GLANDER
FAM.
Ø
GLAVIOTER
FAM. ET VULG.
Ø
GOBERGER (SE)
FAM.
non marqué
GODAILLER
FAM.
non marqué
GOIFFRER (SE)
FAM.
FAM. VX.
GOURER (SE)
FAM.
POP.
GRAILLER
FAM.
Ø
GRAILLONNER
FAM.
FAM.
GRATOUILLER
FAM.
Ø
GRENOUILLER
FAM.
Ø
Annexes 343
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
GROGNASSER
FAM. ET PÉJ.
Ø
GUEULETONNER
FAM.
non marqué
GUINCHER
FAM.
POP.
INDIFFÉRER
FAM.
FAM.
INSUPPORTER
FAM. ET PAR PLAIS.
FAM. ET PAR PLAIS.
JABOTER
FAM. ET VIEILLI
FAM. ET VIEILLI
JACTER
FAM.
POP.
JASPINER
FAM. ET PÉJ.
POP.
JUBILER
FAM.
FAM.
KIFER (1)
FAM.
Ø
KIFER (2)
FAM.
Ø
LAÏUSSER
FAM.
FAM.
LAMPER
FAM.
non marqué
LEZARDER
FAM.
FAM.
LIMOGER (1)
FAM.
FAM.
LIMOGER (2)
FAM.
FAM.
LOUPER (1)
FAM.
FAM.
LOUPER (2)
FAM.
FAM.
LOURDER
ARG. FAM.
Ø
MÂCHOUILLER
FAM.
FAM.
MAGNER (SE)
FAM.
non marqué
MAGOUILLER (1)
FAM.
Ø
MAGOUILLLER (2)
FAM.
Ø
MARONNER
FAM. RÉGION.
FAM.
MARRER (SE)
FAM.
POP.
MÉGOTER
FAM.
FAM.
MENDIGOTER
FAM.
POP.
MERDER (1)
FAM.
Ø
MERDER (2)
FAM.
Ø
MERDOYER
FAM.
POP.
MORFLER
ARG. FAM.
Ø
MOUCHARDER
FAM.
FAM.
MOUFTER
FAM.
Ø
NIPPER
FAM. ET VEILLI
FAM.
PARTOUZER
FAM.
Ø
PAUMER
FAM.
POP.
344 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
PEINTURLURER
FAM.
FAM.
PELOTER
FAM.
FAM. ou POP.
PENDOUILLER
FAM.
FAM.
PETER (1)
FAM.
VULG.
PETER (2)
FAM.
non marqué
PETER (3)
FAM.
Ø
PETER (4)
FAM.
Ø
PETIT-DÉJEUNER
FAM.
Ø
PHOSPOHORER
FAM.
FAM.
PIAILLER (1)
FAM.
FAM.
PIAILLER (2)
FAM.
FAM.
PICOLER
FAM.
POP.
PIGEONNER
FAM.
FAM.
PIGER (1)
FAM. VX.
POP. VX.
PIGER (2)
FAM. MOD.
POP. MOD.
PILER
FAM.
Ø
PINAILLER
FAM.
POP.
PIONCER
FAM.
POP.
PISSER (1)
FAM.
VULG.
PISSER (2)
FAM.
POP.
PLANQUER
FAM.
POP.
PLUMER (SE)
FAM. ET VIEILLI
POP.
POCHARDER (SE)
FAM. ET VIEILLI
POP. ET VIEILLI
POILER (SE)
FAM.
POP.
POIREAUTER
FAM.
FAM.
POIVRER (SE)
FAM.
FAM.
POLITIQUER
VX. FAM.
VX ET FAM.
POTASSER
FAM.
FAM.
POUTSER
FAM. (suisse)
Ø
QUEUTER
FAM.
Ø
RABIBOCHER (1)
FAM.
FAM.
RABIOTER (1)
FAM.
FAM.
RABIOTER (2)
FAM.
FAM.
RABOBOCHER (2)
FAM.
FAM.
RADINER (1)
FAM.
POP.
RADINER (2)
FAM.
POP.
Annexes 345
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
RAFISTOLER
FAM.
FAM.
RAFLER (1)
FAM.
FAM.
RAFLER (2)
FAM.
Ø
RAFLER (3)
FAM.
Ø
RAGER
FAM.
FAM.
RAPETASSER
FAM.
FAM.
RAPPLIQUER
FAM.
POP.
RAQUER
FAM.
POP.
RATIBOISER (1)
FAM.
FAM.
RATIBOISER (2)
FAM.
non marqué
RATIBOISER (3)
FAM.
Ø
RAVIGOTER
FAM.
FAM.
REBIFFER (SE)
FAM.
FAM.
REBIQUER
FAM.
FAM.
REBOUTER (1)
FAM. VX
FAM. VX.
REBOUTER (2)
FAM.
FAM.
REBRAGUETTER
FAM.
Ø
RECASER
FAM.
FAM.
REFILER
FAM.
POP.
REFOUTRE
FAM.
Ø
RELOOKER
FAM.
Ø
RELUQUER (1)
FAM.
non marqué
RELUQUER (2)
FAM.
non marqué
REMPILER
FAM.
ARG. MILIT.
RENCOGNER
FAM. VX.
FAM.
REQUINQUER (1)
FAM.
VX
REQUINQUER (2)
FAM.
MOD (FAM.)
RESQUILLER (1)
FAM.
non marqué
RESQUILLER (2)
FAM.
Ø
RESQUILLER (3)
FAM.
Ø
RESQUILLER (4)
FAM.
non marqué
RETAMER (1)
FAM.
FAM.
RETAMER (2)
FAM.
FAM.
REVOULOIR
FAM.
FAM.
RIBOULER
FAM. ET VIEILLI
FAM. ET VIEILLI
RIGOLER (1)
FAM.
FAM.
346 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
RIGOLER (2)
FAM.
FAM.
RIGOLER (3)
FAM.
Ø
RÔDAILLER
FAM. VIEILLI
FAM.
ROGNER
FAM. VX.
FAM.
ROGNONNER
FAM. VX.
FAM.
ROTER (1)
VULG. OU FAM.
VULG.
ROTER (2)
VULG. OU FAM.
POP. ET FIG.
ROUPILLER
FAM.
FAM.
ROUSCAILLER
FAM.
MOD. ET FAM.
ROUSPÉTER
FAM.
FAM.
ROUSTIR
FAM.
POP.
SACQUER
FAM.
FAM.
SALOPER (1)
FAM.
POP.
SALOPER (2)
FAM.
Ø
SANDWICHER
FAM.
Ø
SAPER (SE)
FAM.
POP.
SAUCISSONNER
FAM.
FAM.
SIROTER
FAM.
FAM.
SPEEDER
FAM.
Ø
STARISER
FAM.
Ø
TABASSER
FAM.
POP.
TALOCHER
FAM. VIEILLI
FAM.
TCHATCHER
FAM.
Ø
TOQUER
RÉGIONAL. OU FAM.
DIAL. OU FAM.
TOQUER (SE)
FAM.
FAM.
TORCHER (1)
FAM.
POP.
TORCHER (2)
FAM. ET VEILLI
POP.
TORCHONNER
FAM.
(2)FIG. ET FAM.
TOURNEBOULER
FAM.
FAM.
TOURNICOTER
FAM.
FAM.
TRAFICOTER
FAM.
Ø
TRANSBAHUTER
FAM.
FAM.
TRIFOUILLER (1)
FAM.
FAM.
TRIFOUILLER (2)
FAM.
non marqué
TRIMBALLER
FAM.
FAM.
TRISSER (1)
FAM.
POP.
Annexes 347
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
TRISSER (2)
FAM.
Ø
TRUCIDER
FAM.
FAM.
TURLUPINER
MOD. ET FAM.
MOD. ET FAM.
URGER
FAM.
FAM.
VADROUILLER (1)
FAM. VX.
FAM.
VADROUILLER (2)
FAM.
FAM.
VALDINGUER
FAM.
POP.
VAMPER
FAM.
FAM.
VANNER
FAM.
Ø
VASER
FAM.
Ø
VASOUILLER
FAM.
FAM.
VIANDER
FAM.
Ø
VIBRIONNER
FAM.
FAM.
VIOLONER
FAM.
FAM.
YOYOTER
FAM.
Ø
ZIEUTER
FAM.
POP.
ZIGOUILLER
FAM.
POP.
ZONER
FAM.
Ø
ZOZOTER
FAM.
FAM.
348 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Tableau 2. - Inventaire des termes marqués FAM. par le PR 1977
qui font l’objet d’une autre marque dans le NPR 2002
Entrées
Nouveau Petit Robert
Petit Robert
2002
1977
BAISOTER
Ø
FAM. ET VIEILLI
BEDONNER
non marqué
FAM.
BOUGONNER
non marqué
FAM.
BRIMBALLER
VIEILLI
FAM.
COFFRER
(2) FAM.
FAM.
COURAILLER
Ø
FAM.
DÉBOULER
(2) FAM.
FAM.
DÉCHANTER
non marqué
FAM.
ENSOUTANER
Ø
FAM.
FLOUER
VX.
FAM. ET VIEILLI
GOBICHONNER
Ø
FAM.
JOUAILLER
Ø
FAM.
LAMBINER
non marqué
FAM.
MANGEOTTER
Ø
FAM.
MANUCURER
non marqué
FAM. ET DIAL
MUCHER
VX. OU RÉGION.
FAM. ET DIAL
PATAFIOLER
Ø
FAM.
PATOUILLER (1)
FAM.
FAM.
PATOUILLER (2)
non marqué
FAM.
PLEURNICHER
non marqué
FAM.
RAUGMENTER
Ø
FAM.
RÉVOLVÉRISER
IRON.
FAM.
RONCHONNER
non marqué
FAM.
RUPINER
Ø
ARG. FAM.
SIDERER (2)
FAM.
FAM.
TOUPILLER
TECHN.
FAM.
ANNEXE 4
RÉPARTITION DES ENTRÉES DICTIONNAIRIQUES EN FONCTION DES
TYPES DE DÉFINITION OBSERVÉS
Type 1 :
Définition par définisseur unique
88/410 items
Type 2 :
Définition par deux ou plusieurs définisseurs
46/410 items
Type 3 :
Définition par définisseur + spécifieur
105/410 items
Type 4 :
Définition par deux définisseurs + spécifieur
23/410 items
Type 5 :
Définition par définisseur et définisseur + spécifieur
14/410 items
Type 6 :
Définition par définisseur non prédicatif + spécifieur
92/410 items
Type 7 :
Définition par définisseur non prédicatif + spécifieur
et définisseur unique
15/410 items
Définition par définisseur non prédicatif + spécifieur
et définisseur + spécifieur
13/410 items
Type 9 :
Définition par renvoi
13/410 items
Autres :
Définition incluant des éléments morphosémantiques
Type 8 :
350 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Type 1 : Définition par définisseur unique
DÉFINI
DÉFINISSANT
Définisseur
BAGARRER (2)
lutter (pour)
BAGARRER (SE) (1)
Se battre
BANQUER
payer
BARBER
Ennuyer
BARBIFIER (2)
ennuyer
BARBOTER
voler
BAVASSER
bavarder
BECTER
manger
BEURRER
se soûler
BICHER (2)
se réjouir
BIGLER (1)
loucher
BITER
Comprendre
BITURER (SE)
s'enivrer
BOSSER
travailler
BOUFFER (3)
consommer
BOULONNER
travailler
BOULOTTER
manger
BULLER
ne rien faire
CAFTER
dénoncer
CATASTROPHER
atterrer
CHIALER
pleurer
CHLINGUER
puer
CHOPER (1)
voler
CHOPER (3)
attraper
CHOUINER
pleurnicher
CHOURAVER
voler
COLLAPSER
s’évanouir
COUINER (2)
grincer
CROUTER
manger
DÉBECTER
dégoûter
DECONNER (2)
plaisanter
DÉGLINGUER
disloquer
spécifieur
Annexes 351
DÉFINI
DÉFINISSANT
Définisseur
DÉGOISER (1)
parler
DEGOISER (2)
débiter
DÉGROUILLER (SE)
se dépêcher
DEGUEULER
vomir
DÉMERDER (SE)
se débrouiller
DESAPER
déshabiller
DOUILLER (1)
payer
EMBETER (1)
ennuyer
EMBETER (3)
embarrasser
EMMERDER (1)
importuner
EMMERDER (2)
Ennuyer
EMMIELLER
emmerder
EMMOUSCAILLER
Emmerder
ENDEVER
rager
ENGUIRLANDER
réprimander
ESBIGNER (S’)
se sauver
ESTOURBIR
assommer
FLANQUER (2)
donner
FRINGUER
habiller
GERBER (1)
vomir
GOURER (SE)
se tromper
GRAILLER
manger
GUINCHER
danser
LOUPER (2)
ne pas pouvoir prendre,
laisser échapper
LOUPER (3)
rater
MERDER (2)
échouer
PAUMER
perdre
PIONCER
dormir
PISSER (1)
uriner
POCHARDER (SE)
s'enivrer
POIREAUTER
attendre
POIVRER (SE)
s’enivrer
RABIBOCHER (2)
réconcilier
RADINER (1)
arriver
RAFLER (2)
voler
RAGER
enrager
spécifieur
(qqn)
(qqn)
(qqn)
(bien ou mal)
(choses)
352 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
DÉFINI
DÉFINISSANT
Définisseur
RAQUER
payer
REFOUTRE
remettre
RETAMER (1)
enivrer
RETAMER (2)
tomber
RIGOLER (2)
plaisanter
RIGOLER (3)
se moquer
ROUPILLER
dormir
ROUSTIR
voler
SACQUER (2)
détester
SAPER (SE)
s’habiller
TORCHER (2)
battre
TRAFICOTER
trafiquer
TRIFOUILLER (2)
farfouiller
TRISSER (1)
partir
TRUCIDER
tuer
TURLUPINER
tourmenter
VALDINGUER
tomber
VASER
pleuvoir
ZIGOUILLER
tuer
ZOZOTER
zézayer
spécifieur
(qqch, qqn)
Annexes 353
Type 2 : Définition par deux ou plusieurs définisseurs
DÉFINI
DÉFINISSANT
Définisseur
spécifieur
ARNAQUER (1)
escroquer, voler
ARNAQUER (2)
arrêter, prendre
BARRER (SE)
partir, s'enfuir
BASSINER
ennuyer, fatiguer,
importuner
BLAIRER
aimer, apprécier
CAVALER
courir, fuir, filer
CHIER (2)
faire chier l'embêter
CHIGNER
grogner, pleurnicher
CHIPER
dérober, voler
CHOPER (2)
arrêter, prendre
CHOUCHOUTTER
dorloter, gâter
COUILLONNER
tromper, duper
CRÉCHER
habiter, loger
DEBINER
décrier, dénigrer
DEBINER (SE)
se sauver, s’enfuir, partir
DÉCANILLER
s’enfuir, partir
DEHOTTER
partir, s’en aller
DINGUER
tomber, être projeté
ENQUIQUINER
agacer, ennuyer, importuner
ENTUBER
duper, escroquer
ESQUINTER (1)
blesser
abîmer
(qqn)
(qqch)
FAUTER
se laisser séduire,
se donner,
(en parlant d’une femme, d’une
jeune fille)
FLANCHER
céder, faiblir
FLEMMARDER
paresser, ne rien faire
FLINGUER (2)
détruire, abîmer
GAMBERGER (1)
réfléchir, méditer
GAMBERGER (2)
calculer, combiner
(qqn)
(qqn)
(qqn)
(qqch)
354 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
DÉFINI
DÉFINISSANT
Définisseur
GERBER (2)
partir, s’en aller
JACTER
parler, bavarder
JASPINER
bavarder, causer
MAGNER (SE)
se remuer, se dépêcher
MARRER (SE)
s’amuser, rire
MOUFTER
broncher, protester
PETER (4)
briser, casser
PIGEONNER
duper, rouler
PIGER (1)
prendre, attraper
PIGER (2)
saisir, comprendre
POUTSER
nettoyer, astiquer
RAPPLIQUER
revenir, venir, arriver
REBOUTER (1)
remettre, replacer
RIGOLER (1)
s'amuser, rire
RODAILLER
rôder, traînailler
ROUSCAILLER
réclamer, protester
SACQUER (1)
renvoyer, congédier
TOURNICOTER
tourner, tourniquer
TRISSER (2)
s’en aller, se sauver
spécifieur
(qqch)
Annexes 355
Type 3 : Définition par définisseur + spécifieur
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
AMOCHER
blesser
par des coups
ASTICOTER
agacer, harceler qqn
pour de petites choses
BAFOUILLER
parler
d'une façon embarrassée,
incohérente
BÂFRER
manger
gloutonnement et avec excès
BALADER (1)
promener
sans but précis
BARAGOUINER (1)
parler
(une langue) en l'estropiant
BARATINER (2)
essayer d'abuser (qqn)
par un baratin
BATIFOLER
s'amuser
à des jeux folâtres
BECHER (1)
critiquer
(qqn) vivement
BIBERONNER
boire
(du vin, des boissons alcoolisées)
souvent et avec excès
BICHER (1)
aller
bien
BIDONNER (2)
truquer
(un reportage, une émission) en
simulant des évènements qui ne
correspondent à aucune réalité
BIDONNER (SE) (1)
rire
beaucoup
BIGLER (2)
regarder
du coin de l'œil
BOUFFER (1)
manger
gloutonnement
BRAIRE
ennuyer
profondément
CAFARDER (1)
dénoncer
en faisant le cafard
CANARDER
tirer
sur (qqn) d'un lieu où l'on est à
couvert, comme dans la chasse
aux canards
CANER
reculer
devant le danger ou la difficulté
CANULER
importuner
(qqn) par le même propos répété
CAROTTER (1)
extorquer
(qqch) à qqn par la ruse
CHAPARDER
dérober, voler
(de petites choses)
CHARCUTER
opérer
(qqn) maladroitement
CHATAIGNER
se battre
violemment
CHIADER
travailler, préparer
(un examen, etc.)
COCHONNER
faire
(un travail) mal, sans soin,
salement
356 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
COCOTER
sentir
mauvais
CONTREBALANCER (S'EN)
se moquer
éperdument de
CONTREFICHER (SE)
se moquer
complètement (de)
COURSER
poursuivre
à la course
CRAMER (1)
brûler
légèrement
DANSOTER
danser
un peu
DÉBALLONNER (SE)
reculer,
par manque de courage, devant
une action
DEBRAILLER (SE)
se découvrir
la poitrine, d’une manière
indécente en ouvrant ses
vêtements
DECONNER (3)
fonctionner
mal (choses)
DÉGUEULASSER
salir
énormément
DÉPATOUILLER (SE)
se dépêtrer
d'une situation embarrassante
DÉPIAUTER
dépouiller
(un animal) de sa peau
DETALER
s’en aller
au plus vite
DOUILLER (2)
coûter
cher
ÉCORNIFLER
se procurer
(une aubaine, de l'argent, un bon
repas), çà et là aux dépens
d'autrui
EMBERLIFICOTER (2)
embrouiller qqn
pour le tromper
EMBÊTER (2)
contrarier
fortement
EMBOBINER
tromper
par des paroles captieuses
EMBRINGUER
engager
de façon fâcheuse, embarrassante
EMMITOUFLER
envelopper
dans des fourrures, des vêtements
chauds et moelleux
EMPAUMER
posséder
(qqn) en trompant, en enjôlant
EMPIFFRER (S’)
manger
avec excès, gloutonnement
EMPILER
duper
en volant
EMPLAFONNER
heurter
(en parlant de véhicules)
violemment (un autre véhicule
ou un obstacle)
ESBROUFER
en imposer (à qqn)
en faisant de l'esbroufe
ESQUINTER (2)
fatiguer
extrêmement
FARFOUILLER
fouiller
en bouleversant tout
FILOCHER (2)
suivre
qqn pour l’épier
FLINGUER (1)
tirer
sur (qqn) avec un flingue, une
arme à feu
Annexes 357
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
FLOTTER
pleuvoir
abondamment
FOUINER (2)
fouiller
indiscrètement, dans les affaires
des autres (comme la fouine qui
fourre partout son museau)
GAFFER (1)
regarder
attentivement
GAMBILLER (2)
danser
sur un rythme très vif
GAZER (1)
aller
à toute vitesse, à plein gaz
GOIFRER (SE)
manger
comme un goinfre
GRAILLONNER
tousser
pour expectorer des graillons
GROGNASSER
grogner
de façon continuelle
JABOTER
bavarder
à plusieurs
JUBILER
se réjouir
vivement de qqch
LAMPER
boire
d'un trait ou à grandes gorgées
MERDOYER
s'embrouiller
dans une explication, dans des
démarches maladroites
MORFLER
recevoir, encaisser
(un coup, une punition)
subir
(un inconvénient)
MOUCHARDER
surveiller
en vue de dénoncer
PEINTURLURER
peindre
avec des couleurs criardes, peu
harmonieuses
PENDOUILLER
pendre
d'une manière ridicule,
mollement
PETER (2)
éclater
avec bruit
PHOSPHORER
travailler
intellectuellement
PILER
freiner
brutalement
PISSER (2)
évacuer
avec l’urine
POILER (SE)
rire
aux éclats
POTASSER
étudier
avec acharnement
RABIBOCHER (1)
réparer
d'une manière sommaire ou
provisoire
RAFLER (3)
prendre
dans une rafle
RAPETASSER
réparer
(un vêtement, etc.) sommairement,
grossièrement
RATIBOISER (2)
ruiner
(qqn) au jeu
RATIBOISER (3)
couper
très court les cheveux de (qqn)
REBIFFER (SE)
refuser
de se laisser mener ou humilier,
avec vivacité et aigreur
358 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
RECASER
caser
(qqn qui a perdu sa place) à
nouveau
RELUQUER (1)
regarder
du coin de l'œil, avec intérêt et
curiosité
REMPILER
se rengager
à la fin de la durée légale du
service militaire ou à l’expiration
d’un précédent engagement
RESQUILLER (1)
entrer, se faufiler
sans payer (dans un spectacle, un
moyen de transport, etc.)
RESQUILLER (2)
obtenir
une chose sans y avoir droit, sans
rien débourser
RESQUILLER (3)
passer
avant son tour dans une file
d’attente
RESQUILLER (4)
obtenir
(qqch) en resquillant
REVOULOIR
vouloir
de nouveau ou encore
RIBOULER
regarder
en roulant les yeux d'un air
stupéfait
SALOPER (2)
salir
énormément
SAUCISSONNER
manger
un repas froid sans couverts ou
sans table mise
SE BALADER
se promener
sans but
SIROTER
boire
à petits coups en savourant
TCHATCHER
parler
beaucoup
TOQUER
frapper
légèrement, discrètement
TORCHER (1)
essuyer
pour nettoyer
TORCHONNER
exécuter
(un travail) rapidement et sans
soin
TRANSBAHUTER
transporter
d’un lieu dans un autre sans
délicatesse
VADROUILLER (1)
traîner
dans les rues
VADROUILLER (2)
se promener
sans but précis, sans raison
VAMPER
séduire
par des allures de vamp
VIBRIONNER
s'agiter
sans cesse
Annexes 359
Type 4 : Définition par deux définisseurs + spécifieur
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
ATTIFER
habiller, parer
avec une recherche excessive ou
d’une manière ridicule
BAZARDER
se débarrasser, se défaire
rapidement de (qqch)
BOMBER
peindre, inscrire
à la bombe sur des murs privés ou
publics
BRAILLER
crier
parler ou chanter
fort, de façon assourdissante
BUTER
tuer, assassiner
avec une arme à feu, dans un
mauvais coup, dans un règlement
de compte
CRAPAHUTER
marcher, progresser
dans un terrain accidenté,
difficile
CRITICAILLER
critiquer, blâmer
sans raison ou pour le plaisir
DEALER
trafiquer, revendre
(de la drogue), à petite échelle
ÉMOTIONNER
toucher, agiter
par une émotion
ENGUEULER (2)
se disputer, se quereller
de façon violente
ESTOMAQUER
étonner, surprendre
par qqch de choquant, d’offensant
FIGNOLER
exécuter, arranger
avec un soin minutieux jusque
dans les détails
FLANQUER (1)
lancer, jeter
brutalement ou brusquement
FLIPPER (1)
être abattu, déprimé
lorsque la drogue a fini son effet
PELOTER
caresser, palper, toucher
indiscrètement et sensuellement
(le corps ou une partie du corps
de qqn , qqn)
RABIOTER (2)
s'approprier, obtenir
en supplément
RAFISTOLER
raccommoder, réparer
grossièrement, avec des moyens
de fortune
RAFLER (1)
prendre et emporter
promptement sans rien laisser
REBIQUER
se dresser, se retrousser
en faisant un angle
REFILER
donner, remettre
à un autre, en le trompant, en
profitant de son inattention
RENCOGNER
pousser, repousser
dans un coin
ROUSPÉTER
protester, réclamer
(contre qqch qui paraît injuste ou
vexatoire)
TRIMBALLER
mener, porter
partout avec soi (souvent avec
l'idée de peine, de difficulté)
360 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Type 5 : Définition par définisseur et définisseur + spécifieur
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
BOUFFER (2)
absorber
accaparer
complètement (compl. personne)
CARAPATER (SE)
s'enfuir,
s'en aller
vivement
CHAMBOULER
bouleverser,
mettre
sens dessus dessous
brûler
se consumer
complètement
filer,
courir
très vite
CRAMER (2)
DROPER
FILOCHER (1)
aller
Filer
vite,
GAZER (2)
aller
marcher
à souhait,
GIGOTER
remuer
agiter
vivement, les jambes
ses membres, tout son corps
KIFER (2)
apprécier,
aimer
bien
MACHOUILLER
mâchonner
mâcher
sans avaler
RATIBOISER (1)
rafler
prendre, voler
au jeu
RELUQUER (2)
considérer
guigner
(une chose) avec convoitise
ROGNONNER
grommeler
manifester
son mécontentement en
bougonnant
SPEEDER
aller
se dépêcher
vite,
Annexes 361
Type 6 : Définition par définisseur non prédicatif + spécifieur
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
BALISER
avoir peur
BARAGOUINER (2)
parler
une langue qui paraît barbare à
ceux qui ne la comprennent pas
BARATINER (1)
faire
du baratin
BARDER
devenir dangereux, prendre
une tournure
violente
BECHER (2)
être
prétentieux et snob à l'égard de
(qqn)
BÉCOTER
donner
des bécots à (qqn)
BISER
donner
une bise à (qqn)
BISQUER
éprouver
du dépit, de la mauvaise humeur
BLABLATER
tenir
se lancer
des propos sans intérêt
dans un verbiage creux
BLAGUER
dire
des blagues
CABOTINER
faire
le cabotin
CACHETONNER
courir
le cachet
CAFARDER (2)
avoir
être
le cafard,
déprimé
CANNER
mettre
en boîtes de conserve
CAROTTER (2)
extraire
une carotte du sol
CHIER (1)
se décharger
le ventre, des excréments
COCUFIER
faire
cocu
COMPLEXER
donner
des complexes à qqn
COPINER
avoir
des relations de camaraderie
CORNAQUER
servir
de guide à (qqn)
COUCHAILLER
avoir
des relations sexuelles occasionnelles
COUINER (1)
pousser
de petits cris
CRANER
affecter
la bravoure, le courage, la
décision
CRAPOTER
tirer
sur une cigarette, sans vraiment
fumer, sans avaler la fumée
CRISER
perdre
piquer
le contrôle de ses nerfs,
sa crise
DEBANDER
cesser
de bander, d'être en érection
DEBARBOUILLER
tirer
d’affaire, d’embarras
362 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
DÉBRAGUETTER
ouvrir
la braguette de
DEBRAYER
arrêter
le travail (dans une usine, etc.),
notamment pour protester
DECARCASSER (SE)
se donner
beaucoup de peine, pour parvenir
à un résultat
DÉCERVELER
faire sauter
la cervelle de (qqn)
DÉCOMPLEXER
libérer
de ses inhibitions, de ses complexes
DÉCONNER (1)
dire, faire
des bêtises, des absurdités
DÉFOULER (1)
permettre, favoriser
la libération de l’agressivité, de
pulsions ordinairement réprimées
(choses)
DEFOULER (2)
se libérer
des contraintes, des tensions
(personnes)
DEFOURAILLER
sortir
une arme à feu
DEGOTER (1)
déposséder renvoyer
(qqn), d’un poste
DEJANTER
devenir fou
avoir
un comportement un peu anormal
DÉPUCELER
faire perdre
sa virginité, son pucelage à (qqn)
EMMERDER (3)
tenir
pour inexistant, négligeable (en
matière de défi)
ENGUEULER (1)
adresser
des injures,
une vive réprimande à (qqn),
souvent de façon grossière, pour
exprimer son mécontentement
ENTARTER
plaquer
une tarte à la crème sur le visage
(de qqn ; spécialement une
personnalité que l’on veut
ridiculiser)
ÉPOUSTOUFLER
jeter
(qqn) dans l'étonnement, la
surprise
FLASHER
être
avoir
très intéressé,
le coup de foudre pour
FLIPPER (2)
être
déprimé
FLIQUER
exercer
(sur qqn) une surveillance policière
FOUINER (1)
se livrer
à des recherches méticuleuses
FRIMER
chercher
à en imposer,
à se faire admirer
FRITER (SE)
avoir
une altercation plus ou moins
vive (avec qqn)
GAFFER (2)
faire
attention
Annexes 363
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
GALÉRER
se lancer
dans des entreprises hasardeuses,
souvent sans résultat
GAMBILLER (1)
remuer
les jambes quand elles sont
pendantes
GATIFIER
devenir
se comporter
gâteux ;
comme un gâteux
GLANDER
ne rien faire,
perdre son temps
GOBERGER (SE)
prendre
se traiter bien
faire
ses aises
GODAILLER
faire
des faux plis (vêtement)
GRENOUILLER
pratiquer
le grenouillage
INDIFFÉRER
laisser indifférent (qqn)
INSUPPORTER
être insupportable à
KIFER (1)
prendre
du plaisir
LAÏUSSER
faire
des laïus
LIMOGER (1)
relever
(un officier général) de son
commandement
LIMOGER (2)
frapper
(une personne haut placée et
particulièrement un haut
fonctionnaire) d'une mesure de
disgrâce (déplacement d'office, la
mise à la retraite…)
LOUPER (1)
exécuter
ne pas réussir
mal
(un travail, une action)
(qqch )
LOURDER
mettre à la porte
MAGOUILLER (1)
se livrer
à des magouilles
MAGOUILLER (2)
élaborer
des magouilles
MERDER (1)
éprouver
ne pas savoir répondre
des difficultés,
PARTOUZER
participer
à une partouze
PÉTER (1)
faire
lâcher
un pet,
des vents
PÉTER (3)
déborder
d’entrain, de vitalité
PETIT-DÉJEUNER
prendre
le petit-déjeuner
PIAILLER (1)
pousser
(oiseau) des petits cris aigus
PICOLER
boire
du vin, de l'alcool
PLUMER (SE)
se mettre
au lit, au plumard
bombance
364 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
POLITIQUER
parler
politique
RABIOTER (1)
faire
des petits profits supplémentaires
RAVIGOTER
rendre
redonner
plus vigoureux
de la force, de la vigueur à
REBRAGUETTER
fermer, reboutonner
la braguette de (un pantalon)
RELOOKER
donner
une nouvelle apparence, un
nouveau look à
REQUINQUER (1)
redonner
à (qqn) des forces, de l'entrain
REQUINQUER (2)
reprendre
retrouver
des forces,
sa forme, sa bonne humeur
ROTER (1)
faire
un rot, des rots
ROTER (2)
supporter
une situation pénible
SANDWICHER
mettre
en sandwich
STARISER
transformer
en star, en vedette
TOQUER (SE)
avoir
une toquade pour (qqn)
TOURNEBOULER
mettre
bouleverser
l’esprit de (qqn) à l'envers,
VASOUILLER
être hésitant, peu sûr de soi,
maladroit
VIANDER
être accidenté
gravement
VIOLONER
jouer
du violon
ZIEUTER
jeter
un coup d'œil pour observer
(qqch, qqn)
Annexes 365
Type 7 : Définition par définisseur non prédicatif + spécifieur et définisseur unique
DÉFINI
DÉFINISSANT
définisseur
spécifieur
BIDOUILLER
faire fonctionner,
arranger
en bricolant
BOYAUTER (SE)
rire
se tordre de rire
très fort,
CAFOUILLER
agir
marcher
d'une façon désordonnée, confuse
mal
CHAMBARDER
bouleverser
mettre
de fond en comble, en désordre
DÉMANTIBULER
démolir
mettre en pièces
de manière à rendre inutilisable
ÉCRABOUILLER
écraser
mettre
salement,
en bouillie
FUGUER
faire
s'enfuir
une fugue
du milieu familial
GRATOUILLER
gratter
faire éprouver
légèrement
une démangeaison à
GUEULETONNER
faire
manger
un gueuleton
bien
LÉZARDER
faire
paresser
le lézard
au soleil
PINAILLER
ergoter
se perdre
sur des vétilles,
dans les subtilités
REBOUTER (2)
remettre
réduire
(un membre démis), par des
moyens empiriques
(une fracture, une foulure, etc.)
SALOPER (1)
faire
réaliser
très mal (un travail)
très mal (un objet)
TRIFOUILLER (1)
mettre
remuer
en désordre, en remuant ;
d'une manière incohérente
ZONER
mener
vivre
une existence marginale
en zonard
366 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Type 8 : Définition par définisseur non prédicatif + spécifieur
et définisseur + spécifieur
DÉFINI
DEFINISSANT
Définisseur
BARBIFIER (1)
BILER (SE)
spécifieur
raser
faire
la barbe à
s'inquiéter,
se faire
de la bile
CASQUER
donner
payer
de l’argent
CUITER (SE)
prendre
s'enivrer
une cuite
DEBOUSSOLER
désorienter
faire
(qqn)
qu’il ne sache plus où il est
MARONNER
maugréer, exprimer
sa colère, son dépit, en grondant,
en marmonnant
MÉGOTER
lésiner,
Rechercher
les profits dérisoires
cacher,
mettre
à l’abri
PLANQUER
ROGNER
être en rogne, en colère ;
rager
TABASSER
battre,
rouer de coups, passer à tabac
URGER
être urgent, presser
VANNER
se moquer de,
lancer
YOYOTER
perdre
divaguer
des vannes à (qqn)
la tête
Annexes 367
Type 9 : Définition par renvoi
DÉFINI
DÉFINISSANT
Définisseur
BIGOPHONER
[cf. BIGOPHONE]
CRACHOUILLER
=> crachoter
DÉGOBLLER
=> vomir
DEGOTER (2)
=> découvrir, trouver
DEPOITRAILLER (SE)
[cf. DEPOITRAILLE, E]
DROGUER
=> attendre
GLAVIOTER
[cf. GLAVIOT]
MENDIGOTER
[cf. MENDIGOT,TE]
NIPPER
=> habiller
PIAILLER (2)
=> crier
QUEUTER
=> louper
RADINER (2)
=> se ramener
TALOCHER
[cf. TALOCHE]
spécifieur
368 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Définition incluant des éléments morphosémantiques
DÉFINI
DÉFINISSANT
BARATINER (1)
faire du baratin
BARATINER (2)
essayer d'abuser (qqn), par un baratin
BARBIFIER (1)
raser, faire la barbe à
BAVASSER
Bavarder
BÉCOTER
donner des bécots à (qqn)
BIGOPHONER
[cf. BIGOPHONE]
BILER (SE)
s'inquiéter, se faire de la bile
BISER
donner une bise à (qqn)
BLAGUER
dire des blagues
BOMBER
peindre, inscrire à la bombe sur des murs
CABOTINER
faire le cabotin
CACHETONNER
courir le cachet
CAFARDER (1)
dénoncer en faisant le cafard
CAFARDER (2)
avoir le cafard, être déprimé
CANARDER
tirer sur (qqn) d'un lieu où l'on est à couvert, comme dans la
chasse aux canards
CAROTTER (2)
extraire une carotte du sol
CHIER (2)
faire chier (qqn), l’embêter
COCUFIER
faire cocu
COMPLEXER
donner des complexes à qqn
COURSER
poursuivre à la course
CRACHOUILLER
=> crachoter
CRISER
perdre le contrôle de ses nerfs, piquer sa crise
CRITICAILLER
critiquer, blâmer privés ou publics sans raison ou pour le plaisir
CUITER (SE)
prendre une cuite, s'enivrer
DÉBANDER
cesser de bander, d'être en érection
DÉBRAGUETTER
ouvrir la braguette de
DÉBRAYER
arrêter le travail (dans une usine, …), notamment pour protester
DÉCERVELER
faire sauter la cervelle de (qqn)
DÉCOMPLEXER
libérer de ses inhibitions, de ses complexes
DÉPOITRAILLER (SE)
[cf. DEPOITRAILLE, E]
DÉPUCELER
faire perdre sa virginité, son pucelage à (qqn)
Annexes 369
ÉCRABOUILLER
écraser salement, mettre en bouillie
ÉMOTIONNER
toucher, agiter par une émotion
ESBROUFER
en imposer (à qqn) en faisant de l'esbroufe
FARFOUILLER
fouiller en bouleversant tout
FILOCHER (1)
aller vite, filer
FLINGUER (1)
tirer sur (qqn) avec un flingue, une arme à feu
FOUINER (2)
fouiller indiscrètement, dans les affaires des autres (comme la
fouine qui fourre partout son museau)
FUGUER
faire une fugue, s'enfuir du milieu familial
GATIFIER
devenir gâteux ; se comporter comme un gâteux
GAZER (1)
aller à toute vitesse, à plein gaz
GLAVIOTER
[cf. GLAVIOT]
GOINFRER (SE)
manger comme un goinfre
GRAILLONNER
tousser pour expectorer des graillons
GRATOUILLER
gratter légèrement, faire éprouver une démangeaison à.
GRENOUILLER
pratiquer le grenouillage
GROGNASSER
grogner de façon continuelle
GUEULETONNER
faire un gueuleton, bien manger
INDIFFÉRER
laisser indifférent (qqn)
INSUPPORTER
être insupportable à
LAÏUSSER
faire des laïus
LÉZARDER
faire le lézard, paresser au soleil
MACHOUILLER
mâchonner, mâcher sans avaler
MAGOUILLER (1)
se livrer à des magouilles
MAGOUILLER (2)
élaborer des magouilles
MENDIGOTER
[cf. MENDIGOT,TE]
PARTOUZER
participer à une partouze
PEINTURLURER
peindre avec des couleurs criardes, peu harmonieuses
PENDOUILLER
pendre d'une manière ridicule, mollement
PÉTER (1)
faire un pet, lâcher des vents
PETIT-DÉJEUNER
prendre le petit-déjeuner
PLUMER (SE)
se mettre au lit, au plumard
POLITIQUER
parler politique
RAFLER (3)
prendre dans une rafle
RAGER
Enrager
REBRAGUETTER
fermer, reboutonner la braguette de (un pantalon)
370 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
RECASER
caser (qqn qui a perdu sa place) à nouveau
RELOOKER
donner une nouvelle apparence, un nouveau look à
RENCOGNER
pousser, repousser dans un coin
RESQUILLER
obtenir (qqch) en resquillant
RODAILLER
rôder, traînailler
ROGNER
être en rogne, en colère ; rager
ROTER (1)
faire un rot, des rots
SANDWICHER
mettre en sandwich
STARISER
transformer en star, en vedette
TABASSER
battre, rouer de coups, passer à tabac
TALOCHER
[cf. TALOCHE]
TOQUER (SE)
avoir une toquade pour (qqn)
TOURNICOTER
tourner, tourniquer
TRAFICOTER
Trafiquer
URGER
être urgent, presser
VAMPER
séduire par des allures de vamp
VANNER
se moquer de, lancer des vannes à (qqn)
VIOLONER
jouer du violon
ZONER
mener une existence marginale, vivre en zonard
Index des auteurs cités
A
ALIQUOTSUENGUAS S.
174
ALONSO-RAMOS M.
229
APOTHELOZ D.
171 ; 185
APRESJAN J.
249
AUTHIER J.
51
B
BOURDIEU P.
30 ;
255
53 ;
BOURQUIN G.
64 ; 71
BOUVEROT D.
41 ; 144
BRUNOT F.
23; 158
BUZON C.
33; 143
71 ;
C
CADIOT P.
200; 202
CANGUILHEM G.
199
CAPUT J.-P.
59
CARON P.
41
BALLY C.
60; 92
CHEVALIER J.-C.
56
BARTHES R.
34
COHEN M.
62; 63; 145
BAUCHE H.
111 ; 140 ; 141
COHEN J.
198
BAUDET S.
251
COLIN J.-P.
BAUTIER E.
87 ; 143
87; 113; 114;
127; 139; 194
BEAUJOT J-P.
36; 54
COLLET-HASSAN M.
56 ; 57 ;
59 ; 62
BENSIMONCHOUKROUN G.
87
COLLINOT A,
19; 20; 239; 245
BENVENISTE E.
38; 198
COMBESSIE J.-C.
17; 31; 87
BERNET C.
113
CORBIN D.
BERRENDONNER A.
203
BESSE H.
56
109 ; 110 ; 149 ;
150 ; 151 ; 158 ;
171 ; 172 ; 178 ;
183 ; 187 ; 192
BONHOMME M.
199
CORBIN P.
BORRELL A.
64
31 ; 59 ; 69 ;
108, 109 ; 110 ;
211
BERNSTEIN B.
59
CORMIER M.
36
BOUCHERIT A.
53
COSTE D.
83
BOULANGER J-C.
36 ; 69
58 ;
372 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
D
GARY-PRIEUR M-N.
9
GAUDIN F.
19
GENOUVRIER E,
59 ; 87
D’ORIA D.
53
GIACOMO M.
61
DAL G.
149 ; 192
GILBERT P.
41; 56; 108
DAMOURETTE J.,
59
GIRARDIN C.
50; 51; 108; 224
DANNEQUIN C.
142 ; 143
GLATIGNY M.
43; 53; 54; 69
DELAPLACE D.
203; 241
GOFFMAN E.
81 ; 82 ; 84
DELESALLE S.
212
GOUDAILLIER J.-P.
132 ; 134
DESIRAT C.
59 ; 87 ; 109
GRAMMONT M.
180
DUBOIS J.
16 ; 30 ; 34 ;
35 ; 39 ; 49 ;
52 ; 53 ; 61 ;
90 ; 140 ; 141 ;
153 ; 158 ; 204 ;
238
GRIMALDI E.
33
GROSS G.
240 ; 250
GUESPIN L,
19; 61
GUILBERT L.
24, 141
GUIRAUD P.,
60; 71; 72; 126;
134; 147
DUBOIS-CHARLIER F.
158
DUCROT O.
62
DUVAL A.
221
F
H
HALL E. T.
83
HALLIDAY M.
64
HAUSSMANN F. J.
54; 69
HORDE T.
59 ; 87 ; 109
HOUDEBINE A-M.
29
FONAGY I,
180
FONTANIER P.
187
FOUCAULT M.
35
FOURNIER N.
41
FRADIN B.
174
FRANÇOIS D.
29 ; 63 ; 132 ;
134 ; 137 ; 142 ;
143 ; 147
IBRAHIM A.
201
FRANÇOIS F.
63
IMBS P.
FREI H.
223
16 ; 24 ; 38 ;
91 ; 92 ; 124 ;
213
JACKIEWICZ A.
251
JOHNSON M.
195
JOLLIN-BERTOCCHI S.
42 ; 71 ; 88
KERBRATORECCHIONI C.
83 ; 179 ; 243
KLEIBER G.
226 ; 244
KLINKENBERG J.-M.
16
G
GADET F.
64; 68; 69; 72;
73; 86; 89; 137;
139; 143; 147
GALISSON R.
36
GARDES-TAMINES J.
95
I-J-K
Index 373
L
LABOV W.
52 ; 70 ;
73 ; 86 ;
133 ; 142
NESPOULOUS J.-L.
64
NYROP K.
164
OUIMET C.
36
71 ;
89 ;
LAGANE R.
16 ; 24
LAKOFF G.
196
LAKS B.
63
LARGUECHE E.
200
LECLERE C.
113 ; 127 ; 194
LEON P. R.
56; 127; 194
LESIGNE H.
140
LODGE R.A.
140 ; 143
LUZZATI D.
86
LYONS J.
227
M
MAROUZEAU J.
177 ; 180 ; 182
MARTIN R.
182 ; 214 ; 223
MARTINEZ C.
221
MARTINS-BALTAR M.
186
MAZIERE F.
16; 19; 20; 245
MEUNIER A.
51
MEJRI S.
P
PAQUETTE J.-M.
64
PERRENOUD P.
87
PETERFALVI J.-M.
179 ; 180
PETIT G.,
197 ; 242 ; 253
PICARD D.
81
PICHON E.
59
PICOCHE J.
242
PIGNON J.
141
PILORZ A.
66
PLENAT M.
171
POTTIER B.
223 ; 228
POUGEOISE M.
195
PRANDI M.
202
Q-R
QUEMADA B.
18 ; 24 ; 27 ;
41 ; 214 ; 229 ;
231
185 ; 186
RASTIER F.
195 ; 198
MEL'CUK I.
191
REY A.,
MESSELAAR P.-A.
72 ; 108 ; 144
MITTERAND H.
141 ; 165 ; 204
MOLINIE G.
71
MORIER H.
196
MULLER B.
56
29 ; 31 ; 32 ;
34 ; 35 ; 37 ;
39 ; 41 ; 49 ;
50 ; 52 ; 53 ;
60 ; 64 ; 69 ;
78 ; 94 ; 112 ;
123 ; 127 ; 141 ;
194 ; 205 ; 208 ;
212
REY-DEBOVE J.
16; 31; 74; 94,
123; 141; 145;
188; 208; 210;
213; 217; 222;
229; 230; 233;
240
RIEGEL M.
230
N-O
NAMER F.
149; 162; 182;
183
374 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
STOURDZE C.
56 ; 57 ;
62 ; 88
59 ;
RIFFATERRE M.
90
RIO-TORTO M.
174
RIOUL R.
229
RIVENC P.
55; 65; 67; 128;
129; 130; 132
ROCHÉ M.
179
TAMBA I.
201 ; 226 ; 244
ROUAYRENC C.
194
TEILLARD F.
70
ROVENTAFRUMUSANI D.
212
TEMPLE M.
149 ; 151 ; 192 ;
266
TODOROV T.,
62 ; 180
TOGEBY K.,
171
TOURNIER M.
18
S
T
SAGER J.
209; 277
TROUBETZKOY N.
180
SAINT-GERAND J-P.
41 ; 90
TRUDGILL P.
64
SAUSSURE (de)F.
38 ; 60 ; 151 ;
171
TURPIN B.
137
SAUVAGEOT A.,
82 ; 90
SCHAEFFER J.-M.
62
SCHÖN J.
83 ; 95 ; 134 ;
136 ; 138 ; 144 ;
196 ; 198 ; 199 ;
200 ; 243
SCHULZ P.
194
SEGUIN B.
70 ; 41
SÖRES A.
172
SOURDOT M.,
134; 137
U-V-W
ULLMANN S.
180 ; 204
VANDERHOEFT C.
149
VARGAS C.
50
VIGUIER G.,
137
WAGNER R-L.
241
WILLEM D.
247
WIONET C.
40 ; 44
Index des notions
366
A
Affectivité
(V. Expressivité)
Agentivité
250-253
Alternative lexicale
(V. Paire lexicale)
Autonymie
188 ; 210 ; 222 ; 234-238
B
Bienséance
20 ; 36 ; 84 ; 123 ; 244 ; 260
Bon usage
19 ; 22 ; 33-35 ; 40-43 ; 55 ; 58 ; 69
C
Catachrèse
195-200
Connivence
136-138
Connotation
13 ; 45 ; 73 ; 89-91 ; 104 ; 165 ; 172-180 ; 202-206 ; 242-255
D
Diagrammaticité
154 ; 171 ; 183-187 ; 193 ; 204 ; 258
Diaphasique
9 ; 13 ; 68-75 ; 86-91 ; 99 ; 103-107 ; 111 ; 125 ; 130-144 ; 257258
Diastratique
13 ; 68-75 ; 88-91 ; 103-107 ; 125-128 ; 133-145 ; 174 ; 257-258
Distance interlocutive
11-12 ; 77 ; 83-89 ; 135-136 ; 142-147 ; 261
Doxa
34-38 ; 208-210
366
Les pages auxquelles revoie cet index peuvent traiter de la notion, sans contenir le mot
même qui le désigne ici. Par ailleurs, les notions de « marques d’usage(s) », de « registre » et de
« familier » ne sont pas indexées, dans la mesure où elles sont l’objet général de ce travail.
376 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
E-F
Expressivité
90-92 ; 104 ; 143-147 ; 176-180 ; 204-205 ; 260
Figement
185-188 ; 197 ; 204
Figure tropique
(V. catachrèse, métaphore)
H-I
Homonymie
97 ; 187-189 ; 193
Hypo-hypéronymie
105 ; 216 ; 225-234 ; 238-239 ; 244 ; 253-259
Idéologie
11 ; 16 ; 22 ; 26 ; 34-39 ; 42 ; 61 ; 64 ; 221
Indicateur
73 ; 111
Intégrateur
paradigmatique
174 ; 177-182
Intentionnalité
37 ; 60 ; 89 ; 105 ; 127 ; 137 ; 200 ; 250-253 ; 260
L
Langue commune
10-11 ; 16-22 ; 30 ; 37-40 ; 50 ; 56 ; 60 ; 67 ; 79 ; 129-137 ; 203 ; 255
M
Marqueur
49 ; 73 ; 89-90 ; 136-142 ; 261
Métaphore
44 ; 66-67 ; 96 ; 148 ; 185-202 ; 250
Motivation
dérivationnelle
153 ; 165-166 ; 180-182
Mots simples
13 ; 104 ; 148-154 ; 164-169 ; 177-180 ; 204
Mots construits
13 ; 104 ; 148-155 ; 165-169 ; 187 ; 203-205
N
Norme(s)
—socioculturelle
32-37 ; 50-55 ; 70-71 ; 80-88 ; 209-212 ; 241 ; 255 ; 260
—prescriptive
9 ; 11 ; 17-19 ; 33-55 ; 62-64 ; 81-86 ; 128 ; 201-211
—descriptive
9 ; 15-16 ; 23 ; 30 ; 39 ; 49 ; 52 ; 55 ; 64 ; 80 ; 93 ; 128
—de référence
10 ; 17-20 ; 25 ; 29 ; 31 ; 45 ; 51 ; 59-63 ; 74 ; 210 ; 238 ; 255
Index 377
Néologie
24-25 ; 43-44 ; 48 ; 67 ; 122 ; 184
P
Paire lexicale
223 ; 347-254
Péjoration
13 ; 46-48 ; 80-81 ; 147 ; 157 ; 170-182; 201-205 ; 258 ;
Substance phonique
177-182 ; 204 ; 258
Politesse
81-84 ; 89-92 ; 142 ; 261
Prédictibilité
(V. Diagrammaticité)
Processus d’affixation
150 ; 169-179 ; 235-238 ; 259
R-S
Remotivation populaire
155 ; 164 ; 180 ; 185 ; 195 ; 258
Style
47 ; 55 ; 60-61 ; 70-73 ; 80 ; 86-90 ; 142 ; 261
Surnorme
57 ; 63
Synonymie
13 ; 89 ; 195 ; 109 ; 171 ; 189 ; 207 ; 220-224 ; 245-253 ; 259
T
Théorie des faces
81-84
Transgression
85-87 ; 92 ; 138 ; 261
Table des matières
Remerciements....................................................................................................................................
Sommaire
....................................................................................................................................
Introduction ....................................................................................................................................
5
7
9
Chapitre 1 – Différenciations lexicales : de la lexicographie à la sociolinguistique ..................
1.1. Dictionnaires, description, prescription et nomenclature................................................
1.1.1. « Langue commune » et dictionnaires .........................................................................
1.1.1.1. Un ouvrage de référence normatif ......................................................................
1.1.1.2. Les évolutions macrostructurelles ………………………………….. ......................
1.1.1.2.1. Le Dictionnaire de l’Académie, langue de Cour ……………… ...................
1.1.1.2.2. Le Littré, langue d’Histoire …………………………………….......................
1.1.1.2.3. Le Robert, le Larousse, langue quotidienne ………………….....................
1.1.2. Critères pratiques et théoriques déterminant une nomenclature …..............................
1.1.2.1. La fréquence comme critère fondamental ………………………….......................
1.1.2.2. Le principe d’autorité ……………………………………………….. ........................
1.1.2.3. Modernisation vs synchronie …………….............................................................
1.1.2.4. Des corpus de référence ……………………………………………........................
1.1.2.5. Les limites des méthodes ……………………………………………. .....................
1.1.3. Les attentes des publics …………………………………………………….......................
1.1.3.1. Le dictionnaire, outil didactique ……………………………………. .......................
1.1.3.2. Le dictionnaire, moyen de cohésion sociale ………………………... ....................
1.1.3.3. Le dictionnaire, produit économique ………………………………. .......................
1.1.4. Le lexicographe, locuteur et citoyen idéal ……………………………….. .......................
1.1.4.1. Un outil prescriptif ……..…………………………………………… .........................
1.1.4.2. Dictionnaire et doxa ………………………………………………… ........................
1.1.5. Le dictionnaire comme discours …………………………………………. ........................
1.2. Les marques d’usage, une disqualification lexicale …………………………… ................
1.2.1. De la différenciation des usages à la formalisation du système de marques ...............
1.2.1.1. Inscription dans la tradition lexicographique ……………………….......................
1.2.1.2. Élargissement des nomenclatures et diversification des usages …….................
1.2.1.3. Inventaire et description des marques d’usage ……………………......................
1.2.2. Lexique marqué vs lexique non marqué …………………………………........................
1.2.2.1. Marques d’usage et hiérarchisation du lexique …………………….. ....................
1.2.2.2. La marque comme jugement sur la langue ………………………….....................
1.3. Les notions de registre et niveau de langue …………………………………… ..................
1.3.1 Différenciations linguistiques et différenciations sociales ……………….. ......................
1.3.1.1. Une conception qualitative des usages ……………………………... ....................
1.3.1.2. Des notions imprécises ……………………………………………… ......................
1.3.1.3. Le secours de la sociolinguistique …………………………………........................
1.3.2. Vers une approche multidimensionnelle du lexique ………………...….........................
1.3.2.1. La norme comme moyenne quantitafive ……..……………………… ...................
1.3.2.2. L’architecture variationniste ……………...………………………… .......................
1.3.2.3. Diaphasique, diastratique : une relation d’imbrication …………….......................
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380 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
Chapitre 2 – FAM., familier, familiarité. Problématique, corpus et méthodes d’observation ......
2.1. La familiarité, entre langue et discours …………………………………………....................
2.1.1. Marque FAM. et familiarité : quelques généralités ………………...…….........................
2.1.1.1. La marque FAM. dans les préfaces : un avertisseur …………………...................
2.1.1.2. Familier : un terme ambigu …………………………………………. .......................
2.1.1.3. Familiarité, politesse et codes sociaux ……………………………….....................
2.1.1.4. Familiarité et réduction de la distance interlocutive ………………. ......................
2.1.2. Problématique ……………………………………………………………............................
2.1.3. Hypothèses : de l’énoncé au sujet ………………………………………..........................
2.1.3.1. Marque FAM. et familiarité : une causalité réflexive ………………. ......................
2.1.3.2. Le registre familier comme indicateur sociologique ? ……………........................
2.1.3.3. Le registre familier comme indicateur de connotation ? …………........................
2.1.3.4. Le registre familier comme indicateur d’expressivité ? ……………......................
2.2. Présentation du corpus et des méthodes d’observation ………………………. ...............
2.2.1. Édification du corpus ……………………………………………………... .........................
2.2.1.1. Choix de la base de données ………………………………………… ....................
2.2.1.2. Choix du matériaul lexical …………………………………………… ......................
2.2.1.3. Sélection des items …………………………………………………... ......................
2.2.1.4. Association de marques ……………………………………………... ......................
2.2.1.5. Imprécisions typographiques ……………………………………….........................
2.2.1.6. Représentativité du corpus ……….…………………………………. ......................
2.2.2. Méthodes d’observation des entrées FAM. ……………………………….. ......................
2.2.2.1. Observation des conditions d’attribution de la maque FAM. ……… .....................
2.2.2.2. Observation des propriétés formelles ……………………………….......................
2.2.2.3. Observation des caractéristiques sémantiques du lexique familier .....................
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Chapitre 3 – Du lexique marqué FAM. à l’« effet familier » .............................................................
3.1. Retour sur les écueils terminologiques..............................................................................
3.1.1. Maniement erratique des marques d’usage ..................................................................
3.1.2. Conception évolutive des usages dans les dictionnaires spécialisés............................
3.2. Confrontation des définitions terminologiques à la distribution des marques lexicographiques
3.2.1. Les marques d’un dictionnaire à l’autre : compraison synchronique .............................
3.2.1.1. Données comparatives NPR 2002/PL 2001.........................................................
3.2.1.2. Observations des données...................................................................................
3.2.2. Les évolutions diachroniques du marquage ..................................................................
3.2.2.1. Données comparatives.........................................................................................
3.2.2.2. Observations des données...................................................................................
3.2.3. Synthèse des constats...................................................................................................
3.3. Place et rôle du registre familier au sein du lexique général ...........................................
3.3.1. Vers une modélisation du lexique selon le critère de spécialisation des usages ..........
3.3.2. Du fait diastratique à l’effet diaphasique........................................................................
3.3.2.1. Argoter ou argotiser ?...........................................................................................
3.3.2.2. Le familier, une question de fréquence ? .............................................................
3.3.2.3. FAM., POP., ARG., des concepts opératoires ?.......................................................
3.3.2.4. Variation intrinsèque ou extrinsèque ....................................................................
3.3.2.5. Conclusions et retour à la lexicographie...............................................................
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Chapitre 4 - Propriétés formelles et effet familier …………………………………. ..........................
4.1. La méthode d’observation ……………………………………………………... .......................
4.1.1. Pertinence de la morphologie dérivationnelle pour l’analyse des mots construits.........
4.1.2. Le choix d’un matériau synchronique …………………………………….........................
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Table des matières 381
4.1.3. L’observation des mots simples …………………………………………..........................
4.2. Inventaire du corpus …………………………………………………………… ........................
4.2.1. Les mots construits ………………………………………………………...........................
4.2.1.1. Les modificateurs verbaux ………………………………………….........................
4.2.1.1.1. Les dérivations suffixales ……………………………………….....................
4.2.1.1.2. Les dérivations préfixales ……………………………………… ....................
4.2.1.2. Les modificateurs substantivaux …………………………………….......................
4.2.1.2.1. Verbes locatifs ………………………………………………….. .....................
4.2.1.2.2. Verbes instrumentaux …………………………………………. .....................
4.2.1.2.3. Verbes de production ………………………………………….. .....................
4.2.1.2.4. Verbes d’action …………………………………………………......................
4.2.1.2.5. Verbes de transformation ……………………………………….....................
4.2.1.2.6. Verbes de manière ……………………………………………... ....................
4.2.1.2.7. Verbes dérivés de locutions verbales ………………………….. ..................
4.2.1.3. Les remotivations sur bases substantivales …………………………....................
4.2.2. Les mots simples …………………………………………………………... .......................
4.2.2.1. Les formes simples non motivées …………………………………… ....................
4.2.2.2. Les formes simples pseudo motivées ………………………………......................
4.2.2.3. Les emprunts synchroniques ………………………………………... .....................
4.3. Analyse des caractéristiques formelles ………………………………………... ...................
4.3.1. L’affixation : entre sémantique et énonciation ………………………….. ........................
4.3.1.1. Les suffixations ………………………………………………………........................
4.3.1.1.1. Suffixes et traits sémantiques instables ………………………... .................
4.3.1.1.2. Suffixation quantitative et énonciation péjorative …………….....................
4.3.1.1.3. Dérivation suffixale et attribution de marque d’usages ……….. .................
4.3.1.2. Les préfixations ……………………………………………………… .......................
4.3.1.3. Synthèse sur l’affixation …………………………………………….. .......................
4.3.2. La substance phonique comme intégrateur de registre …………………. .....................
4.3.2.1. Les pseudo affixes …………………………………………………… ......................
4.3.2.2. Le symbolisme phonique ……………………………………………. ......................
4.3.3. Verbalisation nominale et glissement du sens …………………………... ......................
4.3.3.1. Processus de construction du sens familier …………………………....................
4.3.3.1.1. Les règles régulières ……………………………………………. ...................
4.3.3.1.2. Les règles non régulières ……………………………………….....................
4.3.3.2. Les divers processus de figement …………………………………… ....................
4.3.3.2.1. Dérivation verbale et figement d’un sens « extensif » du Vdérivé .. ...........
4.3.3.2.2. Dérivation verbale et figement d’un emploi « figuré » du Nbase .. ............
4.3.3.2.3. Processus de dérivation verbale et prédication figurative associant le Nbase .
4.3.3.2.4. Dérivation verbale et stabilisation d’une locution figée ……… ...................
4.3.4. Figement du discours, figuration du sens et familiarité …………………. ......................
4.3.4.1. Au-delà de la métaphore ……………………………………………. ................
4.3.4.2. La dérivation FAM. comme impertinence prédicative ……………...................
4.3.4.3. La familiarité comme reconfiguration du monde …………………..................
4.4. Synthèse …………………………………………………………………………..........................
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Chapitre 5 - Caractérisation sémiotique et sémantique de la familiarité lexicale ... ...................
5.1. La définition dictionnairique ………………………………………………….. ........................
5.1.1. La définition comme discours normé sur le monde ……………………... ......................
5.1.2. La définition comme discours normé de la langue ……………………….......................
5.1.3. La définition comme matériel d’analyse …………………………………. .......................
5.2. Les procédés définitoires ………………………………………………………. ......................
5.2.1. L’activité définitionnelle …………………………………………………. ...........................
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212
382 LANGUE ET REGISTRE(S) : ILLUSTRATION PAR L’INDICE D’USAGE FAMILIER
5.2.2. Limites des typologies traditionnelles …………………………………….........................
5.2.3. Présentation des procédés définitoires du corpus ……………………….. .....................
5.3. Discussion des implications théoriques des types définitoires retenus ………. ...........
5.3.1. La définition par définisseur unique ……………………………………............................
5.3.2. La définition par deux ou plusieurs définisseurs ………………………….......................
5.3.3. La définition par définisseur + spécifieur ………………………………... ........................
5.3.4. La définition par définisseur non prédicatif + spécifieur ………………... .......................
5.3.5. Les définitions mixtes …………………………………………………….. .........................
5.3.6. Les renvois ………………………………………………………………… .........................
5.3.7. Les éléments morphosémantiques dans la définition …………………… ......................
5.3.8. Une organisation du lexique « orientée » ………………………………… ......................
5.4. Familiarité, connotation et registre de langue ………………………………... ....................
5.4.1. Particularités sémantiques des procès FAM. ………………………………......................
5.4.1.1. Les spécifieurs modificateurs ……………………………………….. ......................
5.4.1.2. Les spécifieurs « catégorisateurs » …………………………………... ...................
5.4.1.3. Les quasi-synonymes ………………………………………………... ......................
5.4.2. Propriétés distributionnelles des verbes FAM. …………………………… .......................
5.4.3. La variation registrale comme différenciation conceptuelle ……………. .......................
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Conclusion
....................................................................................................................................
Bibliographie ....................................................................................................................................
Annexes
....................................................................................................................................
Annexe 1. Corpus Petit Robert 2002 .............................................................................................
Annexe 2. Comparaison du marquage des termes dans le NPR 2002 et le PL 2001 ...................
Annexe 3. Comparaison du marquage des termes dans le NPR 2002 et le PL 77 .......................
Annexe 4. Répartition des entrées dictionnairiques en fonction des types de définition observés
Index des auteurs.................................................................................................................................
Index des notions .................................................................................................................................
Tables des matières.............................................................................................................................
Liste des tableaux et des figures..........................................................................................................
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Liste des tableaux et des figures
Tableau 1 : Extraits de la liste des abréviations du PL ........................................................................
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Tableau 2 : Extraits de la liste des abréviations du NPR.....................................................................
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Tableau 3 : Comparaison des marques attribuées par le NPR 2002 et le PL 2001 aux items du corpus 116
Tableau 4 : Comparaison des termes marqués FAM. dans le PL 2001 qui ne sont pas marqués FAM. dans le
NPR 2002
....................................................................................................................................
117
Tableau 5 : Comparaison des marques attribuées par le NPR 2002 et le PR 77 aux items du corpus
121
Tableau 6 : Comparaison des termes marqués FAM. dans le PR 77 qui ne sont pas marqués FAM. dans le
NPR 2002
....................................................................................................................................
121
Tableau 7 : Représentativité des procédés de dérivation des mots construits....................................
155
Tableau 8 : Gloses des suffixes dans le NPR 2002 et le TLFi ............................................................
170
Tableau 9 : Typologie des procédés définitoires retenus ....................................................................
217
Figure 1 : Organisation du lexique selon Bodo Müller .........................................................................
Figure 2 : Organisation du lexique selon Stourdzé et Collet-Hassan ..................................................
Figure 3 : Le lexique comme un soleil .................................................................................................
Figure 4 : Axes des registres et niveaux de langue.............................................................................
Figure 5 : Localisation des marques d’usages à partir du schéma de P. Rivenc ................................
Figure 6 : Localisation « des argots » .................................................................................................
Figure 7 : Typologie des formes définitoires selon Martin ...................................................................
Figure 8 : Schématisation des relations sémantiques entre défini FAM et définisseur non marqué.....
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