274P12-16- BEATLES
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274P12-16- BEATLES
27 juin 1967pour la télévision avec « All You Need Is Love ». C ette seconde partie, loin de l’enfer de la scène qu’ils ont délaissée à l’été 1966, se penche sur la suite des douze albums studio de John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr, de 1967 à 1970, laissant de côté les hit-singles comme « Lady Madonna », « Hey Jude », « The Ballad Of John And Yoko », etc. SGT. PEPPER’S (06/67) Les Beatles s’isolent. Cet album-phare leur demande six mois d’enregistrement à Abbey Road. La chanson-titre, « Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band », met en scène une fanfare formée d’âmes esseulées, déjà âgées : It was twenty years ago today, the sergeant Pepper taught the band to play. La thématique de « Eleanor Rigby » n’est pas loin, mais le ton est plus gai. Cette fanfare existerait depuis une vingtaine d’années. Elle a été à la mode et on l’a oubliée : They’ve been going in and out of style, but they’re guaranteed to raise a smile, qu’on pourrait transposer ainsi : Des airs plus ou moins à la mode, mais le public était commode. Paul écrit pour Ringo « With A Little Help From My Friends », sur la solidarité. Le batteur confie qu’il fait tout son possible pour ne pas chanter faux et qu’il arrive à se débrouiller avec un peu d’aide de ses amis. Ses compagnons volent également à son secours quand il a des problèmes de cœur. Ringo (alias Billy Shears) croit encore au coup de foudre. Il est sûr que ça arrive tout le temps, n’importe quand. « With A Little Help From My Friends » parle d’entraide. C’est un des rares exemples de co-écriture entre John et Paul à cette époque. Il est joué moderato. « Lucy In The Sky With Diamonds » a fait couler trop d’encre. Dessin d’enfant ? Titre crypté ? Dur à dire. Un texte très poétique, en tout cas. Une mélodie onirique et une voix rêveuse. Toutes les riches heures du psychédélisme. Un concentré 12 arty du moment. Le paysage, très coloré, évolue entre l’illustration de conte pour enfants et les posters vendus à Carnaby Street, les peintures de Max Ernst et de René Magritte. On pense aussi à Swift, à ces îles volantes, comme celle de Laputa, aux Voyages de Gulliver. Les cieux de marmelade rappellent la maison de pains d’épices de « Hansel Et Gretel », un des contes préférés de John. « Getting Better » est un morceau optimiste. Le narrateur y fait ses confidences. Il était coléreux et ne voulait pas voir la réalité en face : Je me cachais la tête dans le sable. Il s’ennuyait à l’école, ne s’entendait pas avec ses professeurs, se faisait tyranniser, avait l’impression de tourner en rond. Puis il s’est montré cruel avec son épouse, et violent. Il l’a battue, a fait preuve de mesquinerie, lui a fait subir ce qu’il avait subi. Mais il prétend avoir évolué, changé. « Getting Better » se joue moderato beat. Sur « Fixing A Hole », l’auteur a l’air de s’occuper de sa maison. Il bouche des trous, répare la porte, repeint sa chambre, mais le texte est peutêtre codé. La mélodie sonne comme du McCartney. Pourtant un passage rappelle le thème de « I’m Only Sleeping » : Des gens stupides courent dans tous les sens et ils m’ennuient. Lennon n’a jamais apprécié la folle agitation du monde, la fébrilité ambiante, les gens affairés. Il regardait tout cela avec son détachement habituel, un certain dédain. Trop stressé pour réagir autrement. Les accords en sont très sophistiqués et difficiles à jouer à la guitare. La chanson a dû être composée au piano, comme c’est souvent le cas quand la transposition s’avère trop complexe à la guitare : F, C+, Fm7, B bémol 9. « She’s Leaving Home » évoque un départ silencieux, à l’aube. C’est une scène de la vie privée : Mercredi matin, à cinq heures, alors que le jour se lève, fermant silencieusement la porte de sa chambre, laissant une lettre, elle descend à la cuisine en serrant son mouchoir. La moindre action du personnage est détaillée : Tournant doucement la clef de la porte de derrière. Le refrain met en scène les parents que la jeune fille vient de quitter : Nous lui avons donné la plus grande partie de notre vie (We gave her most of our lifes), Nous nous sommes sacrifiés pour elle. Puis, dans le couplet, le narrateur prend en charge les événements, avec des notations prosaïques dans le style des romans réalistes (Father snores) : Le père ronfle tandis que sa femme se glisse en robe de chambre, ramasse la lettre posée là, débout, seule, en haut des marches. Le texte devient ensuite mélo (She breaks down) : Elle craque, et crie à son mari : Notre enfant est partie. C’est une chanson sur l’ingratitude d’une jeune fille, le désarroi de ses parents, mais il faut bien vivre sa vie, et l’adieu n’est pas définitif. La jeune fille a pris rendez-vous avec un concessionnaire automobile (Meeting a man from the motor trade). Elle est contente d’avoir franchi le pas (Fun is the one thing that money can’t buy). C’est peut-être le morceau le plus daté du disque, qui s’adresse aux parents plus qu’aux adolescents. Les accords en sont fort difficiles : E, Bm, F dièse m 7, C dièse m7, F dièse 7, B 11, B9, B11, B9. Avec « (Being) For The Benefit Of Mr. Kite », une nouvelle étape est franchie. Au profit d’une œuvre de charité, dont s’occupe un certain Monsieur Cerf-Volant, on organise un drôle de spectacle. Les Beatles se sont inspirés d’une vieille affiche du début du 20e siècle. C’est toute la magie d’un cirque de la Belle Epoque qui resurgit ici. Les enfants et les hommes sur leurs bêtes les plus étonnantes. Une magie qui a bien disparu. Les paroles relèvent du collage, de techniques d’écriture que Lennon n’avait pas encore employées dans ses chansons, et qu’il réservait à sa prose, « In His Own Write » (« En Flagrant Délire »), nettement plus confidentielle. Les Henderson seront tous là, d’anciens artistes d’un cirque espagnol : Henri le Cheval dansera la valse ! Au programme : cercles de feu et sauts périlleux. La valse fait tourner les têtes. Mr. Kite et les Henderson sont des membres à part entière du Club des Cœurs Solitaires, ce sont des amis du Sergent Poivre. Ce militaire ne fait-il pas partie, lui aussi, de ce cirque sans chapiteau, ou de ses spectateurs ? C’est tout un monde défunt et coloré, qui revit. Dans le psychédélisme, il y a toute une nostalgie des années 20, qu’on n’a pas assez explorée (Cf. « Pictures Of Lily » des Who). Sur « Within You, Without You », George Harrison reste sous l’influence Ravi Shankar. Aucun des trois autres Beatles ne participe à son enregistrement. Dans « When I’m Sixty-Four », Paul McCartney imagine sa vie telle qu’elle sera dans 40 ans. Il se voit à la retraite, toujours amoureux de la même femme. Il assure qu’il pourra être utile, bricoler à la maison : changer un fusible, s’il y a des sautes d’électricité... faire le jardin (I could be handy, mending a fuse when your lights have gone... Doing the garden). L’été, ils loueront une villa sur l’île de Wight, si leurs moyens le leur permettent (If it’s not too dear), c’est un lieu de villégiature très prisé, tout au sud de l’Angleterre. Ils y recevront leurs petits-enfants, dont on sait les prénoms à l’avance, comme si tout était programmé : Vera, Chuck and Dave. Ce n’est pas une satire des retraités, c’est autres chose. C’est trop nostalgique pour être satirique. Comme dans « P.S. I Love You » et « All My Loving », on y parle d’une carte postale. Le thème de la correspondance a toujours été important chez les Beatles. « When I’m Sixty-Four » se joue medium tempo. « Lovely Rita » trace le portrait ironique d’une pervenche qui dresse des contraventions dans un parcmètre : Et son sac en bandoulière lui donnait un peu un air martial (And the bag across her shoulder made a look a little like a military man). Le narrateur l’invite à prendre le thé. Ils dînent ensemble et Rita tient à payer l’addition. Il y a un petit côté libertin : Assis sur le canapé avec une sœur ou deux. On retrouve ce léger mépris, cette misogynie souriante : McCartney rejoint ici Lennon. Par contre, le texte de « Good Morning, Good Morning » est des plus anodins : Vous allez dans votre vieille école et rien n’y a changé. « A Day In The Life », la chanson noire du disque, relate un mystérieux accident de voiture. La victime est quelqu’un d’important. Elle a brûlé un feu rouge et s’est tuée au volant. Les paroles en sont volontairement cryptées. Aucune des explications données jusqu’à ce jour n’a paru satisfaisante. Exploitation d’un fait divers, des rumeurs les plus absurdes. Mais cette imprécision, cette ambiguïté créent une profondeur, un abîme.