Commentaires de l`Association des ingénieurs

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Commentaires de l`Association des ingénieurs
Commentaires de l’Association des ingénieurs-conseils du Québec
sur le projet de Règlement sur l’assurance responsabilité professionnelle
des membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec
présentés à
l’Ordre des ingénieurs du Québec
Août 2012
L'Association des ingénieurs-conseils du Québec (ci-après l’« AICQ ») représente
l’ensemble des firmes d'ingénierie établies au Québec. Les membres de l’Association
emploient plus de 22 500 personnes dans toutes les régions du Québec, soit environ
90 % de la main-d'œuvre dans le secteur du génie-conseil.
L'Association regroupe des firmes de toutes les tailles, qui offrent une gamme variée
de services professionnels, allant des études environnementales à la mise en service,
en passant par la conception, la préparation des plans et devis et la surveillance des
travaux de construction.
Dans le présent mémoire, l’AICQ répond à la demande de l’Ordre des ingénieurs du
Québec (ci-après l’« Ordre ») dans le cadre de la consultation publique et souhaite faire
part à l’Ordre de ses préoccupations concernant l’adoption prochaine du Règlement
sur l’assurance responsabilité professionnelle des membres de l’Ordre des ingénieurs
du Québec (ci-après le « Règlement »).
En effet, plusieurs questions demeurent actuellement sans réponse.
Suivant l’Ordre et selon la compréhension générale, les principales lacunes que vise à
combler ce régime sont :
i) la difficulté qu’éprouvent certains ingénieurs à obtenir de l’assurance dans
des champs de pratique difficilement assurables; et
ii) l’absence d’assurance couvrant les derniers actes professionnels de
l’ingénieur pour la période de 5 ans suivant la cessation de ses activités à titre
de patricien membre de l’Ordre.
Ce régime permettrait également à l’Ordre de prendre connaissance de l’historique
des diverses réclamations reçues par les ingénieurs.
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1- COMMENTAIRES GÉNÉRAUX
L’AICQ et ses membres s’interrogent sur l’impact que pourra avoir ce règlement sur
divers aspects de leurs programmes actuels d'assurance responsabilité
professionnelle, notamment quant au coût additionnel que pourra représenter la mise
en place de ce régime parallèle aux régimes qu’ils possèdent déjà et qui protègent
leurs employés et leurs opérations, au et hors Québec.
Il y a également inquiétude à l’égard de la nécessité, lorsque deux (2) assureurs
différents seront aux risques (un primaire et l’autre en excédentaire), d’avoir à gérer
les réclamations avec deux (2) assureurs plutôt qu’avec un seul. Le niveau de contrôle
que les firmes auront sur la gestion de leurs réclamations dans le contexte d’un
régime d’assurance « monopolistique » inquiète également. Certains craignent de
perdre leur capacité à négocier les primes payables pour l’obtention de l’assurance
conforme à leurs besoins d’affaires. Les firmes sont aussi préoccupées du degré
d'autonomie qui leur sera laissé dans la gestion des litiges. De plus, les contraintes
imposées par des exclusions résultant de la transition d’une police primaire vers une
police excédentaire peuvent créer des écarts ou des vides dans les couvertures.
S’ajoute à cette liste de préoccupations la possibilité que les petites firmes
d’ingénieurs aient à supporter, par le biais de leurs primes, les risques que
représentent les opérations commerciales des plus grandes firmes d’ingénierie, ou
encore que le régime soit mal adapté à certaines activités des firmes, que ce soit à
l’international ou dans le cadre de projets PPP ou autres structures complexes de
réalisation de projet. L’inverse est aussi vrai ; en fait, toutes les firmes se verront
partager l’expérience de réclamation de l’ensemble.
L'Ordre soulève le problème de garantie de couverture d'assurance pendant au moins
cinq (5) ans suivant la cessation d'exercice des membres en pratique privée. Cette
lacune sur les cinq (5) ans doit toutefois être appréciée plus en profondeur. Les
assureurs indépendants offrent déjà cette protection par la définition du mot
« Assuré ». Il est vrai que les assurances doivent être renouvelées chaque année, mais
le marché peut sans doute s'ajuster en modifiant les conditions générales des
contrats d'assurance. Le marché actuel offre une meilleure protection puisqu'elle va
au-delà de ces cinq (5) ans et le risque, s'il existe, est minime et facilement
quantifiable.
Plusieurs s’interrogent d’ailleurs sur la possibilité d’assouplir la règle de dispense afin
de permettre à certaines firmes de mettre elles-mêmes en place des régimes
compatibles avec le régime collectif envisagé par l’Ordre, mais mieux adapté avec
leurs besoins d’affaires.
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2- QUESTIONNEMENTS
Durée des contrats
 Quelle sera la durée du contrat prévu avec l’assureur ou le consortium
d’assureurs qui sera retenu?
 Quelle est la durée du contrat avec le courtier d’assurance Dale Parizeau
Morris Mackenzie inc.?
Couverture prévue par la police
 Quels champs de pratique identifiés comme difficilement assurables seront
couverts par ce régime collectif?
 Quelles seront les exclusions de la police?
 Est-ce que la police couvrira uniquement le membre ou est-ce que la firme
employeur sera également un « assuré » au sens de la police? Est-ce que ce
sera une couverture « seamless »?
 Si la police ne couvre que le membre, une firme bénéficiera-t-elle d’un recours
récursoire contre l’assureur du membre pour la responsabilité professionnelle
de ce dernier pour les dommages qui en découlent?
 Si les membres et les firmes employeurs doivent être assurés, comment le
régime collectif s’appliquera-t-il aux situations où les deux couvertures
primaires distinctes s’appliqueront (couverture pour le membre versus
couverture pour la firme)? Comment les franchises applicables à chaque
régime seront-elles appliquées?
 Si le régime couvre également la firme, est-ce que le régime d’assurance
collective de l’Ordre permettra d’obtenir de l’assurance pour les opérations
nationales et internationales des diverses firmes concernées?
 Comment le régime collectif entend-il traiter la question de l’assurance
responsabilité des directeurs et administrateurs non-ingénieurs qui dirigent de
plus en plus les grandes sociétés d’ingénierie? Pourront-ils être des « assurés »
au sens de la police?
 Est-ce que le personnel à l’emploi, les sous-traitants ou le personnel sous la
supervision d’un ingénieur seront des « assurés » au sens de la police?
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 Les firmes seront-elles en mesure d’obtenir, par ce régime collectif, les polices
projets ou clients qui sont parfois nécessaires à la réalisation de certains
projets d’ingénierie d’envergure? Dans la négative, comment l’Ordre entend-il
diminuer l’impact financier de l’augmentation du coût des primes qui résultera
de cette impossibilité?
 Tous les membres de l’AICQ sont actuellement assurés. Une fois le régime en
vigueur, est-ce que les firmes membres seront mieux assurées qu’avant
l’entrée en vigueur du Règlement, si on exclut l’exigence de la couverture pour
la période de cinq (5) ans suivant la cessation des activités?
 Est-ce que le courtier retenu exigera que l'assureur soit coté selon un standard
précis, satisfaisant aux normes déjà fixées par certaines firmes d’ingénierie?
 Les successions seront-elles protégées aussi bien que dans le marché actuel?
Définition du terme « pratique privée » utilisé à l’article 3 du Règlement
 L’Ordre est-il en mesure de définir plus précisément les « membres qui
exercent en pratique privée » en donnant des exemples concrets?
Par exemple, les ingénieurs qui travaillent au sein d’une firme devant livrer à
ses clients des projets dans le contexte d’un contrat de conceptionconstruction sont-ils considérés comme des ingénieurs en pratique privée?
Qu’en est-il dans les cas de consortium? Quel critère doit être considéré pour
distinguer l’ingénieur en pratique privée de l’ingénieur interne? S’agit-il de la
destination ultime des services ou de l’entité à qui ces services sont rendus en
première ligne?
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Dispense prévue aux articles 5 et 6 du Règlement
 Pourquoi avoir fixé le critère de la dispense sur la base de l’obtention d’une
franchise plutôt que sur la base de la couverture disponible ce qui, en principe,
devrait être la considération principale de l’Ordre, peu importe la franchise à
payer pour l’obtention d’une couverture?
En effet, dans la mesure où les firmes sont capables de s’assurer et d’assurer
leurs employés pour tous les champs dans lesquels ils exercent, pourquoi un
membre ne pourrait-il pas être dispensé complètement du régime pour toute
période pour laquelle il est en mesure de remplir ces conditions?
 L’Ordre est-il prêt à envisager d’établir son critère de dispense sur la base de la
couverture disponible plutôt que sur la base de la franchise et sinon pourquoi?
 Lorsqu’une dispense est accordée conformément à l’article 5, mais que le
membre doit adhérer au volet du régime d’assurance collective
complémentaire pour couvrir sa responsabilité pendant les cinq (5) ans suivant
celles où il a cessé d’exercer la profession, à quel moment le membre doit-il
adhérer à la police? En tout temps ou au moment où le membre cesse
d’exercer la profession? Quels principes seront utilisés pour fixer la tarification
aux membres et aux firmes, le cas échéant?
 Quelles informations et quels documents devront être fournis à l’Ordre dans le
formulaire à remplir pour obtenir la dispense? Est-ce que tous les membres
devront remplir le formulaire ou un seul répondant par firme sera suffisant?
Coûts des primes et franchises
 L’Ordre est-il en mesure de fournir une estimation du coût des primes qui
devront être déboursées par les firmes afin d’adhérer à ce régime collectif?
L’Ordre pourrait-il fournir des exemples de calculs de primes?
 Sera-t-il possible de consulter l’Ordre, avant d’avoir à se prévaloir ou non de la
dispense, pour connaître le coût des primes applicables au régime et ainsi
déterminer s‘il est plus avantageux de se prévaloir ou non de la dispense?
 Dans le cas où le client et le contrat sont situés hors Québec, mais que
l'ingénierie est exécutée au Québec, comment sera traitée la franchise ; plus
spécifiquement lorsque la poursuite aura lieu à l'extérieur du Québec avec des
frais de défense qui s'approcheront des limites de couverture?
 Est-ce que les aspects fiscaux de la mise en place d'un tel régime ont été pris
en considération?
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Services du courtier en assurances
 Quels seront les services fournis par le courtier d’assurance? Sera-t-il en
mesure d’offrir les mêmes services que les courtiers actuels rendent aux
firmes, particulièrement dans la gestion des sinistres?
Cas pratiques – solutions envisagées
Nous nous permettons de soumettre à l’Ordre quelques cas pratiques afin de
connaître quel sera le modus operandi dans de tels cas.
 Comment seront gérés les litiges où un consortium formé de deux ou plusieurs
firmes sera poursuivi?
 Comment seront gérés les litiges où plusieurs membres seront poursuivis, que
les membres soient ou non employés de la même firme?
 Comment seront gérées les réclamations de plus d’un million de dollars?
 Comment sera gérée l’émission des certificats d’assurance que les firmes
doivent fournir à leur client dans le cadre d’un projet? Si l’assurance est propre
au membre, est-ce que chacun devra fournir un certificat d’assurance?
Confidentialité des informations
 Il est prévu que le secrétaire devra informer l'Ordre de tout décaissement fait
en vertu de la police. Est-ce que la confidentialité des règlements sera
assurée?
 Est-ce que le secrétaire est tenu de fournir toutes les informations au syndic?
 Si l'assuré est la firme et qu'une réclamation vise un non-membre, est-ce que
l'information visant ce non-membre devra également être partagée?
 L'Ordre a-t-il envisagé la création d'un comité de gestion du programme
d'assurance responsabilité professionnelle constitué d'ingénieurs exerçant en
pratique privée, structuré de manière à assurer l'indépendance et la
confidentialité totale de ses activités? Il nous apparaît important de créer un
véritable "mur de Chine" entre les fonctions régulières de l'Ordre et les activités
d'un tel comité. Le fonctionnement du bureau du syndic au sein de
l'administration de l'Ordre pourrait servir de guide à la constitution du
mécanisme de gestion du comité préconisé.
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Impact du programme sur les firmes de génie-conseil
 Un régime tel que proposé par le projet de Règlement donnera des avantages
commerciaux aux firmes de l'extérieur, qu'elles possèdent ou non des
succursales au Québec, puisqu'elles pourront obtenir de meilleures protections
sur le marché et à moindre coût.
 Par ailleurs, les renseignements contenus dans les dossiers de réclamations
sont confidentiels et leur divulgation peut avoir des conséquences sur les
affaires des firmes. Ces dernières sont souvent les mieux placées pour régler
elles-mêmes certaines de ces réclamations directement avec le client et ce
privilège sera éliminé dans un régime obligatoire.
 L'AICQ aura-t-elle l'occasion de se prononcer sur les clauses générales qui
encadreront le contrat à intervenir entre l'Ordre et l'assureur choisi ?
Domaines de pratique dits « champs de pratique difficilement assurables »
 Par définition, les domaines de pratique dits « champs de pratique difficilement
assurables » ne pourront l'être qu'à primes fort onéreuses. Comment justifier
en toute équité de faire porter le coût de telles couvertures par l'ensemble des
membres de l'Ordre exerçant en pratique privée et, par conséquent, leurs
employeurs?
 Dans cette perspective, vérification a-t-elle été faite de qui sont ces ingénieurs,
combien sont-ils à se voir refuser une assurance, pour quelle(s) raison(s) fontils l'objet d'une fréquence de réclamations, pratiquent-ils sans assurance pour
ne pas payer la prime ou se croient-ils assurés par le régime de base? Ces
questions sont très importantes : si tous les assureurs indépendants refusent
de protéger un ingénieur, preuve n'est-elle pas faite que ce n'est pas
l'assurance qui fait problème?
 Quoi qu'il en soit, si néanmoins jugé nécessaire, ne serait-il pas plus équitable
de couvrir le coût de couverture de cette clientèle particulière par un volet
distinct d'un programme d'assurance imposé par l'Ordre?
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CONCLUSION
En plus des questions adressées ci-haut, l’AICQ est informée qu’à l’heure actuelle,
plusieurs semblent constater, en ce qui a trait aux Fonds des architectes, que les
primes des architectes tendent à augmenter, leur couverture à diminuer et le nombre
d’exclusions à augmenter. Il est difficile de prévoir ce que le futur réserve aux
membres de l’Ordre, mais il est fort possible que la même problématique se présente
à eux. À cet égard, quelle garantie l’Ordre peut-il fournir que le régime collectif
permettra d’éviter ce cercle vicieux?
En terminant, l’AICQ aurait souhaité obtenir copie du projet de police ayant servi à
l’appel de qualification afin de répondre à certaines de ses questions, mais il n’a
malheureusement pas été possible de nous en transmettre copie à ce jour. Nous
profitons de l’occasion pour réitérer notre demande à cet égard.
L’AICQ espère que les présents commentaires et questionnements auront pour effet
de soulever certaines réflexions de la part de l’Ordre et que les ajustements requis
seront effectués avant que ne soit adopté le Règlement. De plus, nous souhaitons que
soit considéré sérieusement un moratoire sur la mise en place du Règlement, afin que
les réponses aux questions posées ci-haut puissent être fournies et considérées par
l’ensemble de la profession en vue d’en arriver à une solution bénéfique pour tous.
Nous comprenons que ce document sera présenté à l’Office des professions du
Québec. L’AICQ offre à l’Ordre son entière collaboration et demeure disposée à fournir
de plus amples informations si nécessaire.
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