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Les indications géographiques
et leurs enjeux pour les pays
ACP
Document de travail
O’Connor and Company
Avril 2005
Les avis exprimés dans ce document de travail sont ceux de l'auteur. Ils ne reflètent pas
nécessairement les vues du CTA. Ce document peut être téléchargé gratuitement à partir du
site Web Agritrade : http://agritrade.cta.int/.
2
1. Introduction aux indications géographiques
1.1. Définition des termes « indications géographiques »
Les indications géographiques (IG) constituent une catégorie particulière de propriété
intellectuelle. Elles permettent d’identifier une denrée comme étant originaire d’un territoire
dans un pays déterminé, d’une région ou d’une localité spécifique d’un pays, lorsqu’une
qualité, réputation ou autre caractéristique de la denrée est essentiellement attribuable à son
lieu d’origine. Plus simplement, les IG sont les dénominations des denrées traditionnelles
produites selon des méthodes traditionnelles dans un lieu déterminé.1
« Darjeeling », « Antigua », « Parme », « Gorgonzola », « Grenade », « Bordeaux », «
Mozzarella », « Thé kenyan », « Roquefort », « Sucre Demerara », « Café Blue Mountain » ,
« Fèves de cacao Montserrat Hills », « Coton de Sea Island », « Porto », « Ceylan », «
Havane » et « Tequila » ne sont que quelques exemples connus de dénominations
géographiques associées dans le monde entier à quelques produits spécifiques. La réputation
de ces denrées provient des qualités spécifiques associées aux produits provenant de ces
régions.
1.2. Politique de la CE en matière d’indications géographiques et réforme de la
PAC
A l’échelon intérieur et international, la protection des indications géographiques est au cœur
de la politique agricole de la CE. Sur le plan intérieur, la CE procède actuellement à une
réforme en profondeur de la politique agricole commune (PAC) qui sera désormais basée sur
la qualité et non plus sur la quantité. La Communauté proposera de réduire la protection des
marchés agroalimentaires exercée aux frontières. Elle a également fortement limité le régime
de soutien interne et proposé d’éliminer progressivement les subventions aux exportations.
En conséquence, on assiste à un passage du régime de soutien à la production illimitée à
celui de la promotion de produits de qualité, lesquels devrait concurrencer, avec une
protection moindre , les produits alimentaires importés. Le renforcement de la protection des
indications géographiques constitue un élément déterminant de la politique de la qualité de la
CE.
La nouvelle politique de la qualité de la CE se distingue nettement de « l’ancienne » politique
de la qualité. Des normes de qualité sont établies pour la plupart des produits agricoles dans
la Communauté. Toutefois, de telles normes ont été conçues plus pour prévenir la fraude
budgétaire en matière agricole au sein de l’UE que pour assurer la satisfaction des
consommateurs : si les agriculteurs étaient payés pour produire, les contribuables européens
devaient être assurés que les produits sont vendables. La nouvelle politique de qualité se
focalise davantage sur les besoins des consommateurs, ainsi que sur la santé et sur la sécurité .
Cette nouvelle politique de la qualité vise à créer des emplois mieux rémunérés dans les
régions rurales et à motiver les jeunes afin qu’ils continuent à prendre part aux activité s
1
Les dénominations géographiques peuvent être traditionnelles et non géographiques, telles que
« Feta » par exemple. Habituellement, une IG correspond à un nom de lieu spécifique.
3
agricoles. Les indications géographiques contribuent à l’augmentation de la production, à la
création d’emplois à l’échelon local et elles préviennent l’exode rural. Elles aident les
producteurs à obtenir un meilleur prix pour les denrées de qualité produites selon des
recettes traditionnelles dans des lieux spécifiques.2 Un exemple intéressant permettant
d’illustrer ce propos est celui des « Lentilles vertes du Puy ». En raison de cette protection, la
production de lentilles est passée de 13.600 quintaux en 1990 à 34.000 quintaux en 1996 et à
49.776 quintaux en 2002 (soit une progression de 273 %). Dans l’intervalle, le nombre de
producteurs a presque triplé : de 395 en 1990 ils sont passés à 750 en 1996 et à 1.079 en
2002.3
1.3. Pourquoi l’UE préconise-t-elle l’utilisation des indications géographiques
au niveau international ?
La Communauté européenne possède une très large gamme de produits de première qualité.
Il existe plus de 640 indications géographiques et appellations d’origine en ce qui concerne
les denrées alimentaires, et plus de 4.200 appellations en ce qui concerne les vins et boissons
spiritueuses, générant un chiffre d’affaires de plus de 40 milliards d’euros par an dans la CE.
Toutefois, lorsque la réputation des produits portant une indication géographique dépasse les
frontières nationales, ils peuvent se retrouver en concurrence avec des produits présentés
comme étant le produit véritable en adoptant le même nom. Cette forme de concurrence
déloyale4 décourage les producteurs et induit les consommateurs en erreur. C’est pourquoi la
CE, qui assure un niveau de protection élevé des indications géographiques aux niveaux
national et européen, exige désormais un renforcement de la protection internationale dans
le monde entier.
Par exemple, les jambons crus provenant de Parme en Italie ont acquis une réputation
internationale. Les bénéfices d’une telle réputation ne reviennent pas dans tous les cas aux
producteurs italiens de jambon de Parme. Dans les pays tiers, des producteurs de jambon cru
utilisent des conditionnements indiquant que le produit provient de Parme ou présentant le
produit comme étant italien grâce à un conditionnement particulièrement soigné. Certaines
juridictions considèrent que « jambon de Parme » est un terme générique qui s’étend à tous
les jambons crus et estiment par conséquent qu’il n’y a pas de dommage. D’autres
juridictions ne font pas respecter le droit et s’abstiennent d’interdire de telles pratiques. La
CE cherche à clarifier les règles et à empêcher ce qu’elle considère comme un usage abusif
de la réputation des producteurs européens. Elle tente, par exemple, d’obtenir le droit
exclusif d’employer les indications géographiques telles que Parme pour le jambon cru, et ce
sur tous les marchés.
2
En 2002 en France par exemple, le prix moyen du litre de lait était de 0,30 euro tandis que le
lait fourni aux fabricants de fromage de Beaufort (IG) était de 0,57 euros le litre (+90%). Un
rapport a été publié par la commission de l’environnement et l’agriculture et présenté à
l’Assemblée parlementaire, intitulé « Création d’un label de qualité pour les produits alimentaires
issus de l’agriculture de montagne », doc. 9504, 15 juillet 2002.
3
Pour plus d’informations, veuillez consulter « Lentilles vertes du Puy »,
http://www.auvergne.chambagri.fr/pages/rubsav/fiches/fruits/lentil.htm
4
Des migrants originaires d’Europe ont exporté les dénominations. L’emploi de ces
dénominations n’est pas nécessairement inéquitable.
4
2. Quelle est la politique intérieure de l’UE en matière d’indications
géographiques?
2.1. Développement de la politique de la CE relative aux indications
géographiques
Avant 1992, il n’existait aucune règle commune de la CE en matière de protection des IG.
Chaque Etat membre adoptait une approche qui lui était propre par le biais de dispositions
législatives générales ou spécifiques. Au niveau de la CE, plusieurs règles relatives aux
dénominations d’origine des vins et boissons spiritueuses ont progressivement été adoptées
mais il n’existait aucune règle concernant les produits agroalimentaires . Le règlement (CEE)
n°2081/925 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif à la protection des indications géographiques
et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires a introduit des
règles communautaires en matière d’IG pour les produits agricoles.
2.2. Champ d’application du règlement n° 2081/92
Le champ d’application du règlement n° 2081/92 se limite à certains produits agricoles et
denrées alimentaires, et ce uniquement lorsqu’il existe un lien clair entre le produit ou la
denrée alimentaire et son origine géographique.
Conformément à ce règlement, la dénomination de la plupart des denrées alimentaires peut
être enregistrée comme indication géographique protégée (IGP) ou appellation d'origine
protégée (AOP).6 Toutefois, les plats préparés, les sauces, les soupes et les bouillons, les
glaces et les sorbets, le chocolat (et autres préparations alimentaires contenant du cacao) ne
peuvent être enregistrés comme étant IGP ou AOP.
Les noms de certains produits agricoles qui ne sont pas destinés à la consommation humaine
(tels que le foin, la laine, l’osier et les huiles essentielles) peuvent aussi être enregistrés
comme étant IGP ou AOP.
Selon le règlement, il n’est pas possible d’enregistrer les dénominations des produits
suivants :
• produits industriels ;
• alcools (pour lesquels des règles spécifiques sont fixées par le règlement CE n°
1576/89) ;
• produits du secteur des vins, excepté le vinaigre de vin (pour lequel les règles de base
relatives à la description, la désignation et la présentation des produits du secteur des
5
5
Règlement (CEE) n°2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications
géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires,
[1992] JO L208/1, tel qu’amendé par le Règlement du Conseil n°535/97 du 17 mars 1997, [1997]
JO L83/3 et Règlement du Conseil n°692/2003 du 8 avril 2003, [2003] JO L99/1. Le règlement
n°2081/92 est entré en vigueur douze mois après la date de sa publication au Journal Officiel le
26 juillet 1993.
6
Y compris les produits dérivés de la viande, de la laiterie et de la pêche ; les fruits et légumes ;
les bières et boissons produites à partir d’extraits végétaux ; les pâtes alimentaires ; les produits
de la boulangerie, de la pâtisserie, de la biscuiterie et de la confiserie.
5
•
vins sont établies par le règlement CE n° 1493/1999 et d’autres dispositions plus
spécifiques sont contenues dans plusieurs autres règlements de la Commission) ; et
eaux minérales.7
Au titre du règlement, sont considérées comme appellations d'origine, certaines
dénominations traditionnelles8, géographiques ou non, désignant un produit agricole ou une
denrée alimentaire originaire d'une région ou d'un lieu déterminé et qui remplit les conditions
d’enregistrement.
Un nom ne peut être enregistré comme appellation d'origine ou comme indication
géographique lorsque :
• il est en conflit avec le nom d'une variété végétale ou d'une race animale et que, de ce
fait, il est susceptible d'induire le public en erreur quant à la véritable origine du
produit ;
• il est devenu générique ;9
• compte tenu de la renommée d'une marque, de sa notoriété et de la durée de son
usage, il est de nature à induire le consommateur en erreur quant à la véritable
identité du produit.
Le règlement 2081/92 établit une distinction entre indications géographiques protégées
(IGP) et appellations d’origine protégée (AOP).
Les AOP et les IGP partagent plusieurs caractéristiques communes : types de produits,
dénominations géographiques, lieu d’origine dans la région dont leur nom est dérivé,
procédure d’enregistrement et niveau de protection prévu par le règlement.
Il existe toutefois des différences fondamentales entre les AOP et les IGP :
• pour qu’un produit soit considéré comme AOP, les matières premières doivent
provenir de la zone géographique en question ;
• le lien entre le produit AOP et le lieu d’origine doit être plus objectif, tandis que dans
le cas des produits IGP le lien entre le produit et le lieu d’origine est nécessaire mais
pas essentiel ni exclusif ; et
• pour l’AOP, toutes les étapes de la production, allant des matières à la préparation du
produit final doivent avoir lieu dans la zone géographique définie et, en ce qui
concerne l’IGP, seule l’une de ces trois étapes : préparation, production ou
transformation devrait se dérouler dans la région géographique définie.
7
Le règlement n°692/2003, amendant le règlement n°2081/92, exclut du champ d’application du
règlement les dénominations des eaux minérales; toutefois les dénominations déjà enregistrées
demeureront dans le registre de la CE jusqu’au 31 décembre 2013.
8
Telles que « Feta » ou « Sfela ».
9
Ne peut être enregistrée, toute dénomination d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire
qui, bien qu’elle soit relative au lieu ou à la région de production ou de commercialisation
d’origine, est devenue la dénomination commune du produit agricole ou de la denrée.
6
Le règlement accorde aux possesseurs d’indications géographiques le droit exclusif
d’employer la dénomination géographique protégée pour des produits spécifiques conformes
aux spécifications enregistrées.10 Il interdit :
• l’utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée
pour des produits comparables ;
• l’utilisation de la dénomination permettant de profiter de la réputation de la
dénomination protégée ;
• l’usurpation, l’imitation ou l’évocation de la dénomination protégée, même si
l'origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est
traduite ou accompagnée d'une expression telle que « genre », « type »,
« méthode », « façon », « imitation » ou d'une expression similaire ;
• toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la
nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le
conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents
concernant le produit concerné, ainsi que l'utilisation pour le
conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur
l'origine ;
• toute autre pratique susceptible d'induire le public en erreur quant à la
véritable origine du produit.
Pour porter une dénomination IGP ou AOP, un produit doit satisfaire les conditions
accompagnant la demande d’enregistrement, qui doit contenir les éléments suivants :
• dénomination et description du produit ;
• définition de la zone géographique ;
• méthodes de préparation ;
• facteurs relatifs à l’environnement géographique ;
• organismes d’inspection ;
• détails de l’étiquetage ; et
• toute exigence législative pertinente.
Le contrôle exercé sur les producteurs constitue un des éléments significatifs du système. Il
vise à garantir qu'un produit agricole ou une denrée alimentaire bénéficiant d'une mention
protégée répond à un certain nombre de conditions énumérées dans un cahier des charges.
Tout groupement de producteurs, quelle que soit sa forme ou composition juridique, ou,
sous certaines conditions à arrêter, une personne physique ou morale, est habilité à
introduire une demande d'enregistrement d’une IGP ou d’une AOP. Le demandeur adresse
sa demande à l’Etat membre où se situe la région géographique dont le produit est originaire.
L’Etat membre vérifie que la demande est conforme au règlement et la transmet aux autres
Etats membres et à la Commission. La Commission réexamine la demande et la publie au
Journal Officiel des Communautés européennes. Si aucune objection n’est émise dans un
10
Il importe de noter que l’article 13 du Règlement 2081/92 concerne non seulement les produits
« identiques » mais également les produits « comparables ».
7
délai de trois mois à dater de la publication, la Commission inscrit l’IGP ou l’AOP dans un
registre public qu’elle conserve .11
Le règlement permet l’enregistrement de dénominations de pays tiers sous réserve de
conditions de réciprocité et d’équivalence.12 Toutefois, à ce jour aucune indication
géographique d’un pays tiers n’a été enregistrée. Par le passé, la principale difficulté a été
l’absence de procédure administrative d’enregistrement. Une telle disposition a été introduite
par le Règlement du Conseil n° 692/2003 du 8 avril 2001 amendant le règlement CE n°
2081/92 de manière à s’assurer que la procédure d’enregistrement communautaire est
disponible également pour les dénominations des pays tiers.
2.3. Importance économique des indications géographiques en Europe
L’activité économique fondée sur les produits portant une dénomination protégée par une
IG est significative en Europe. Quelque 4.200 IG ont été enregistrées pour les vins et
boissons spiritueuses et on évalue à plus de 640, les IG concernant les autres denrées
alimentaires. La France a enregistré 593 IG au titre des règles générales de la CE relatives aux
vins et boissons spiritueuses et aux denrées alimentaires ; les denrées concernées génèrent un
chiffre d’affaires de 19 milliards d’euros et sont produites par 138.000 entreprises agricoles.13
Parallèlement, les 420 IG italiennes génèrent 12 milliards d’euros et permettent d’employer
plus de 300.000 ressortissants italiens.14 En Espagne, 123 produits portant une IG génèrent
quelque 3,5 milliards d’euros.15
Les fromages mozzarella AOP (Mozzarella di Bufala Campana) sont vendus à un prix plus
élevé que d’autres fromages mozzarella di bufala, et il en va de même pour le Camembert de
Normandie AOP par rapport à d’autres fromages Camembert, et pour le Brie de Meaux AOP et
le Brie de Melun par rapport à d’autres Brie, pour le Turron d’Alicante AOP par rapport au
nougat, pour le Beurre d’Ardennes AOP et pour le Beurre Rose de la Marque Nationale Grand 11
Veuillez
consulter
le
registre
de
la
CE
à
l’adresse
:
http://europa.eu.int/comm/agriculture/qual/en/1bbaa_en.htm.
12
Cette disposition fait actuellement l’objet d’un différend commercial. Les Etats-Unis et
l’Australie, l’Argentine, le Sri Lanka, la Nouvelle-Zélande et le Mexique prétendent que les
dispositions relatives à la « réciprocité » du règlement n°2081/92 tel qu’amendé par le règlement
n° 692/2003 sont incompatibles aux dispositions relatives au traitement réservé aux nations les
plus favorisées au titre de l’Accord sur les ADPIC et du GATT. La CE, qui est soutenue par la
Bulgarie, la Turquie, la Roumanie et Taiwan, considère que les dispositions du règlement
2081/92 sont conformes aux accords de l’OMC. Le rapport du panel est attendu en mars 2005.
Pour de plus amples informations, veuillez consulter le site internet de l’Organisation mondiale du
commerce à l’adresse http://www.wto.org et le site internet du représentant des Etats-Unis à
l’adresse http://www.ustr.gov.
13
Les échanges de vins et boissons spiritueuses portant quelque 466 dénominations génèrent un
chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros et ceux portant sur les autres produits génèrent 3
milliards d’euros en autres produits.
14
300 dénominations de vins et boissons spiritueuses et 120 dénominations d’autres produits
génèrent 5 milliards d’euros en vins et boissons spiritueuses et 7 milliards d’euros d’autres
produits.
15
2,8 milliards d’euros de vins et spiritueux et 0,7 milliards d’euros d’autres produits. Pour de plus
amples
informations
veuillez
consulter
le
site
http://europa.eu.int/comm/trade/issues/sectoral/intell_property/argu_en.htm.
8
Duché de Luxembourg par rapport au beurre ordinaire. Le prix des produits AOP précités se
situe entre 35 et 45 % au-dessus de celui de produits similaires vendus sans indications
d’origine. Dans l’UE, la différence de prix entre les produits AOP et IGP et les produits
analogues mais ne portant pas de telles mentions est comprise entre 10 et 15 % en moyenne.
Non seulement les indications géographiques permettent aux producteurs d’obtenir un
meilleur prix pour leurs produits de qualité fabriqués selon des méthodes traditionnelles dans
des régions spécifiques, mais elles améliorent également la distribution de la valeur ajoutée
tout au long de la chaîne de production, et ce depuis le stade de la production des matières
premières à celui de leur transformation. Une étude sur les produits français montre que la
différence moyenne de prix entre les produits portant ou non une dénomination d’origine
est de 30% environ pour le fromage et peut atteindre jusqu’à 230% pour les vins, et que le
prix du litre de lait destiné à la fabrication d’un fromage portant une appellation d’origine est
deux fois plus élevé que celui du lait destiné à la fabrication de fromage sans appellation
d’origine. La sauce vietnamienne IG, Nuoc Mam de Phu Quoc en est un autre exemple. Après
que la protection de l’IG a été accordée en 2001, la valeur de ce produit a triplé passant de
0,5 euro le litre en 2000 à 1,5 euro le litre en 2003.16
3. Indications géographiques dans le cadre des relations bilatérales
3.1. Réexamen de l’approche de la CE en matière d’ indications géographiques
dans le cadre de l’approfondissement des relations commerciales bilatérales
La promotion de la protection des indications géographiques se poursuit. Une des manières
de protéger les indications géographiques est de conclure des accords bilatéraux et régionaux
conditionnant l’accès des pays tiers au marché de la CE par la protection des indications
géographiques de la CE dans ces pays.
L’UE a conclu plusieurs accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs aux indications
géographiques. Certains de ces accords concernent spécifiquement les indications
géographiques et d’autres sont des ac cords commerciaux plus généraux contenant des
sections consacrées aux indications géographiques.
Il existe plusieurs exemples d’accords bilatéraux. Un des premiers, qui date de 1994, est
l'accord entre la Communauté européenne et l'Australie relatif au commerce du vin.17 Un
accord relatif au commerce du vin et des boissons spiritueuses a également été conclu en
septembre 1993 entre le Canada et la Communauté européenne.18 L’accord de 2002
établissant une association entre la CE et le Chili compte également une section spécifique
intitulée « Vins » et « Boissons spiritueuses » contenant les dispositions en matière de
protection des indications géographiques.
16
Pour de plus amples informations veuillez consulter le site internet officiel de l’Organisation for
an International Geographical Indications Network (ORIGIN), http://www.origin-gi.com
17
Accord conclu entre les Communautés européennes et l’Australie relative au commerce du vin,
JO L 86, 31 mars 1994, Accord conclu entre les Communautés européennes et l’Autriche relative
au commerce du vin, JO L 208, 1er août 2001, p. 46.
18
Accord entre la Communauté européenne et le Canada relatif au commerce des vins et des
boissons spiritueuses , JO L 35, 2004.
9
L’objectif de tels accords bilatéraux est de protéger les droits de propriété intellectuelle pour
les vins et boissons spiritueuses et prévenir la fraude portant sur l’utilisation de
dénominations puisque l’UE est un des principaux fournisseurs de vins de ces pays.
3.2. Exemples d’accords bilatéraux conclus par la CE pour protéger les IG
3.2.1. Accord CE – Mexique relatif aux dénominations des boissons spiritueuses
Le 27 mai 1997, le Mexique et l’UE ont signé un accord au titre duquel les deux parties se
sont engagées à protéger les appellations d’origine de certains alcools.19 L’accord prévoit la
protection de plus de 250 indications géographiques européennes, telles que Scotch Whisky,
Irish Whiskey, Rum de Madeira, Rhum de la Martinique, Ron de Malaga, Kornbrand,
Armagnac, Cognac, Brandy de Jerez, Grappa, Kirsch, Calvados, Ouzo, Irish Cream, Cassis
de Dijon, Swedish Punch, Swedish Vodka et Finsk Vodka ainsi que les appellations d’origine
mexicaines : Tequila et Mezcal. Cet accord vise à améliorer les conditions de
commercialisation de ces alcools dans la Communauté et au Mexique, selon les principes
d’égalité, de bénéfice mutuel et de réciprocité.
3.2.2. Accord conclu entre la CE et l’Afrique du Sud relatif au commerce du vin
Un accord relatif au commerce du vin a été conclu en janvier 2002 par l’Afrique du Sud et la
CE.20 Au titre de cet accord, l’Afrique du Sud s’engage à procéder au retrait progressif de
l’utilisation des dénominations européennes « porto » et « sherry ». L’annexe II de cet accord
relatif au vin contient une liste exhaustive des indications géographiques relatives aux vins
qui seront protégées. En échange du retrait progressif de l’utilisation de telles dénominations,
la CE a accordé une aide à l’importation (à hauteur de 15 millions d’euros) pour restructurer
l’industrie des vins et boissons spiritueuses d’Afrique du Sud et le contingent d’importation
de vins sud-africains est passé de 320.000 hectolitres à 420.000 hectolitres par an. Les parties
ont accepté qu’à l’expiration d’une période acceptée conjointement les nouvelles
dénominations de ces produits soient employées sur le marché intérieur sud-africain. De
telles dénominations devraient être acceptées conjointement par la République d’Afrique du
Sud et la Communauté européenne.
3.2.3. Accord conclu entre la CE et l’Afrique du Sud relatif aux spiritueux
L’accord conclu par la CE et l’Afrique du Sud relatif au commerce de spiritueux21 a été signé
le même jour que l’accord relatif au commerce des vins. Ces deux accords présentent de
19
Accord entre la Communauté européenne et les États-Unis mexicains concernant la
reconnaissance mutuelle et la protection des dénominations dans le secteur des boissons
spiritueuses, JO L 152, 11/06/1997 pp. 16-26.
20
Accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au
commerce des vins, signé le 28 janvier 2002 (provisoirement en vigueur), Décision du Conseil,
du 21 janvier 2002, concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la
République d'Afrique du Sud relatif au commerce des vins, JO L 28, 30 janvier 2002, p. 3.
21
Accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au
commerce des boissons spiritueuses, Décision du Conseil, du 21 janvier 2002, concernant la
10
nombreuses similitudes. La liste exhaustive des indications géographiques des spiritueux
protégés au titre de l’accord relatif aux spiritueux est annexée à l’accord. L’accord relatif au
commerce des spiritueux contraint notamment l’Afrique du Sud à procéder au retrait
progressif des termes suivants : « Grappa », « Ouzo », « Korn/Kornbrand »,
« Jägertee/Jagertee/ Jagatee » et « Pacharan », après une période transitoire de 5 ans (à dater
du 1 er janvier 2002).22
Les deux accords conclus par la CE et l’Afrique du Sud font partie de l’accord de libre échange (ALE) sur le commerce, le développement et la coopération (TDCA) conclu en
octobre 1999. L’objectif de l’ALE était de lever les barrières tarifaires entre les parties et suite
à cela, le Botswana, le Lesotho, la Namibie et le Swaziland, qui font partie de l’Union
douanière d’Afrique australe (SACU), ont perdu jusqu’à 1 5 pour cent de leurs recettes
fiscales.
3.2.4. CE – Mercosur
Dans le cadre des négociations en cours sur l’accord d’association UE-Mercosur, l’UE a
proposé d’éliminer ou réduire les tarifs sur la totalité des importations agricoles de ces pays.
En ce qui concerne un petit nombre de produits dits sensibles pour l’UE, la proposition
prévoit que l’accès des pays du Mercosur aux marchés de l’UE sera soumis à un
contingentement tarifaire. Selon le site internet officiel de l’UE, celle-ci est disposée à offrir
un meilleur accès aux importations de produits agricoles transformés provenant du Mercosur
car, dans ce secteur, le potentiel d’exportation du Mercosur est considérable. L’amélioration
de l’accès au marché de la CE est conditionnée par une protection adéquate des indications
géographiques de l’UE dans les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay).
Toutefois, la situation n’a pas évolué depuis que cette proposition a été présentée.
3.3. Leçons à tirer pour les pays ACP
Les pays ACP peuvent profiter de l’expérience acquise par l’Union européenne en matière de
protection des indications géographiques. En premier lieu, les accords bilatéraux pourraient
contribuer au règlement des différends concernant l’emploi d’indications géographiques par
les pays ACP. En deuxième lieu, les Etats ACP peuvent négocier la protection de leurs
indications géographiques dans les pays tiers. Et enfin, cette expérience devrait contribuer à
renforcer les relations UE – ACP et améliorer la compréhension des problèmes opposant la
CE et les pays ACP puisque, par tradition, l’Union européenne et les pays ACP ont élaboré
une combinaison unique d’aide, de développement, et de coopération politique.
Actuellement, aucune négociation bilatérale spécifique n’est engagée avec les pays ACP
concernant la protection des indications géographiques . Il est toutefois manifeste que les IG
peuvent faire partie des négociations d’accords de partenariat économique (APE) engagées à
Bruxelles le 27 septembre 2002. Les pays ACP ont identifié les domaines de négociation
conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif
au commerce des boissons spiritueuses, 2002/51/EC, JO L 28, 30/01/2002, p. 112.
22
Accord sous forme d'échange de lettres concernant l'application provisoire, à compter du 28
janvier 2002, de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud
relatif au commerce des vins, JO L 28, 30 janvier 2002, p. 133.
11
suivants : accès au marché, agriculture et pêche ; questions relatives au développement ;
commerce des services ; questions touchant au commerce ; questions juridiques. Elles sont
directement liées aux intérêts de ceux qui souhaitent accroître la protection des indications
géographiques.
4. Approche de l’UE concernant les indications géographiques touchant
à l’OMC
4.1. Agenda pour le développement de Doha et la question des indications
géographiques
L’article 22 de l’accord sur les ADPIC prévoit que les indications géographiques doivent être
protégées des abus, et ce pour toutes les denrées.23 L’accord sur les ADPIC établit des
normes de protection minimales pour toutes les indications géographiques, quelle que soit la
nature de la denrée à laquelle elles s’appliquent. Il s’agit d’une protection négative au sens où
elle se limite à interdire l’utilisation des indications géographiques aux producteurs qui ne
sont pas localisés dans la région désignée par l’indication géographique spécifique.
Concernant les vins et spiritueux, le niveau de protection est plus élevé et n’est pas
conditionné par le fait que le public est induit en erreur ou qu’une situation de concurrence
déloyale survient.24
La quatrième réunion ministérielle de l’OMC, qui s’est tenue à Doha en novembre 2001, a
porté sur la question des indications géographiques.25 La déclaration ministérielle de Doha a
reconnu le débat en cours à l’OMC sur les indications géographiques et, sans engager ses
membres concernant une résolution spécifique, accepté de “négocier l'établissement d'un système
multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques pour les vins et spiritueux d'ici à
la cinquième session de la Conférence ministérielle”.26
Les questions touchant à l’établissement d’un registre multilatéral sont au nombre de deux.
La première concerne l’extension du niveau le plus élevé de protection réservée aux vins et
spiritueux aux autres denrées et la deuxième concerne l’établissement d’un registre
multilatéral des indications géographiques.
Aucune discussion n’a eu lieu au niveau officiel concernant les IG, même si les membres de
l’OMC ont accepté de négocier l’établissement d’un système multilatéral d’indications
géographiques pour les vins et spiritueux d’ici à la cinquième session de la Conférence
23
Cette disposition, ainsi qu’un certain nombre d’autres dispositions en matière d’indications
géographiques de l’accord sur les ADPIC sont entrées en vigueur le 1er janvier 1998 dans les
pays développés, et le 1er janvier 2004 dans les pays en développement, qui ont bénéficié d’une
période additionnelle de quatre ans. Les Etats membres les moins développés de l’OMC
bénéficient actuellement d’une période transitoire jusqu’au 1er janvier 2006, qui pourrait
éventuellement être étendue par le Conseil des ADPIC.
24
Article 23 de l’accord sur les ADPIC « protection additionnelle des indications géographiques
pour les vins et spiritueux ».
25
La quatrième conférence ministérielle de l’OMC s’est tenue à Doha au Qatar du 9 au 14
novembre 2001, consulter http://www.wto.org/, “Doha”.
26
Déclaration ministérielle de Doha adoptée le 14 novembre 2001, § 18, WT/MIN(01)/DEC/1,
consulter http://www.wto.org/, “Doha”, “Ministerial Declaration”.
12
ministérielle qui s’est tenue à Cancún au Mexique du 10 au 14 septembre 2003 et que
plusieurs documents ont été diffusés par les responsables des négociations27.
4.2. Extension de la protection des indications géographiques aux produits
autres que les vins ou spiritueux
Les membres de l’OMC ne se sont pas encore entendus sur la question de savoir si les
négociations devaient également porter sur l’extension d’un niveau élevé de protection aux
produits autres que les vins ou les spiritueux. Dans les documents diffusés avant la
Conférence ministérielle de Cancún, plusieurs membres de l’OMC ont exprimé des
divergences d’interprétation concernant cette question.
Le débat sur cette question constitue une réponse aux exigences de certains membres de
l’OMC qui ne souhaitent pas limiter la protection additionnelle aux vins et spiritueux mais
veulent intégrer d’autres denrées revêtant une importance économique particulière pour leur
pays. Ces membres de l’OMC, l’Inde et la Suisse notamment, ont distribué des
communications concernant les indications géographiques au sein du Conseil des ADPIC. 28
Ils considèrent que la question de la protection d’autres produits n’a pas été réglée de
manière adéquate dans le cadre du cycle d’Uruguay quand ils ont plaidé pour la protection
absolue de tous les produits.
Les membres qui souhaitent l’extension de la protection des indications géographiques sont
essentiellement originaires d’Asie, d’Europe et d’Afrique. Les pays s’opposant à une
protection additionnelle sont l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, l’Australie et la
Nouvelle Zélande, qui sont tous des exportateurs majeurs de denrées agricoles.
4.3. Etablissement d’un registre multilatéral des IG
L’article 23.4 de l’accord sur les ADPIC , prévoit la création d’un registre multilatéral d’IG
protégées. Deux ensembles de propositions ont été présentés concernant le fonctionnement
d’un tel registre, ils reflètent les deux principales argumentations dans le cadre des
négociations.29
La CE a présenté en juillet 1998 une proposition visant à négocier la création d’un registre
multilatéral. La proposition de la CE considère que l’enregistrement multilatéral est un
processus en trois étapes : communication des IG par les membres de l’OMC au secrétariat
de l’OMC, publication et examen des communications par les membres de l’OMC durant
une période d’examen de 18 mois permettant d’examiner les communications et d’enregistre r
les IG communiquées dans le registre multila téral. Durant la période d’examen, les membres
27
Pour de plus amples informations, consulter http://www.wto.org/, “Ministerials”, “Cancun 2003”.
WT/MIN(01)/W/9 et WT/MIN(01)/W/11, consulter http://www.wto.org/, “WTO official
documents”.
29
Communication des Communautés européennes et leurs Etats membres, Proposition relative à
un registre multilatéral des indications géographiques pour les vins et spiritueux fondée sur
l’article 23:4 de l’accord sur les ADPIC, IP/C/W/107, 28 juillet 1998, consulter http://www.wto.org/ ,
“WTO official documents”.
28
13
devraient avoir le droit de contester l’enregistrement d’une indication géographique
communiquée. Les membres qui s’opposent à l’enregistrement d’une indication
géographique communiquée devraient entamer des négociations bilatérales afin de régler le
différend.
Le système proposé va au-delà de la simple banque de données d’informations concernant
les IG et permettrait d’établir un registre des IG contraignant. Par conséquent,
l’enregistrement créerait la présomption d’éligibilité à la protection.
L’approche de la CE est largement soutenue par la Bulgarie, Cuba, l’Egypte, la Géorgie,
l’Islande, l’Inde, la Jama ïque, le Kenya, le Liechtenstein, Maurice, le Nigeria, le Pakistan, le
Sri Lanka, la Suisse, la Turquie et le Venezuela.30 Ces membres de l’OMC sont favorables à la
création d’un registre multilatéral conforme à la proposition des CE, uniquement si
l’extension de la protection des IG est effectivement mise en œuvre et qu’ils obtiennent
l’assurance que le registre envisagé sera étendu aux IG des produits intéressant leurs
économies.
En mars 1999, les Etats-Unis et le Japon ont déposé une proposition portant création d’un
registre des IG, 31 qui a été soutenue par le Canada et le Chili en juillet 1999. 32 La proposition
conjointe proposée par les Etats-Unis est moins ambitieuse que le document de la CE, et
propose la création d’un système non contraignant selon lequel les membres de l’OMC
peuvent communiquer leurs IG à l’OMC. L’OMC pourrait réunir toutes les données et
maintenir la banque de données à titre de source d’informations pour les autres membres de
l’OMC. Elle n’aurait pas d’effet véritablement contraignant . Par conséquent, cette
proposition ne soutient pas l’idée selon laquelle le registre devrait assurer un niveau plus
élevé de protection des IG que celui assuré par l’Accord sur les ADPIC.
Le système multilatéral non contraignant, qui avait initialement été proposé par les EtatsUnis, le Japon, le Canada et le Chili, est soutenu par l’Argentine, l’Australie, la Colombie, le
Costa Rica, la République dominicaine, l’Equateur, El Salvador, le Guatemala, le Honduras,
la Namibie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et la Chine de Taipei.33
En l’absence de décision de la part des ministres présents à Cancún sur les orientations
concernant les questions de fond relatives à l’établissement d’un registre multilatéral, il est
supposé que les délégations maintiendront leurs positions dans le cadre des négociations
concernant le registre.
30
Consulter les propositions de négociations de ces pays, documents de l’OMC IP/C/W/247,
IP/C/W/247/Rev.1 et IP/C/W/308.
31
Communication du Canada, du Chili, du Japon et des Etats-Unis. Proposition relative à un
système multilatéral de notification et d’enregistrement des indications géographiques pour les
vins et les boissons spiritueuses fondée sur l’article 23:4 de l’Accord sur les ADPIC, 11 mars
1999, IP/C/W/133, consulter http://www.wto.org/ , “WTO official documents”.
32
Communication du Canada, du Chili, du Japon et des Etats-Unis. Proposition relative à un
système multilatéral de notification et d’enregistrement des indications géographiques pour les
vins et les boissons spiritueuses fondée sur l’article 23:4 de l’Accord sur les ADPIC, 26 juillet
1999, IP/C/W/133/Rev.1, consulter http://www.wto.org/, “WTO official documents”.
33
Dans leur communication du 20 septembre 2002, ces pays ont expliqué et confirmé a
l
proposition commune aux quatre pays initiaux, TN/IP/W/5 du 23 octobre 2002.
14
Le « Cadre pour l'établissement de modalités concernant l'agriculture » conclu en août 2004
mentionnait que la question des IG était intéressante mais qu’aucune disposition de fond ne
permettait de répondre à celle de la création d’un registre multilatéral (ou extension).
4.4. Approche de l’UE à l’OMC concernant les IG
Selon l’UE, l’utilisation non autorisée des indications géographiques nuit aux consommateurs
et aux producteurs légitimes. Les véritables producteurs subissent des pertes économiques :
ils perdent des marchés, et la réputation de leurs produits est entachée. Une telle situation
induit les consommateurs en erreur parce qu’ils n’obtiennent pas la qualité attendue du
produit correspondant aux indications figurant sur l’étiquetage.
C’est pourquoi l’UE souhaite que l’élargissement de ’laccès au marché se fasse en parallèle
avec une protection accrue. L’UE est d’avis que si l’on promeut le développement de
produits alimentaires de qualité, il faut également garantir cette qualité aux consommateurs.
Les objectifs de l’UE peuvent se résumer comme suit :
• obtenir une protection efficace contre l’usurpation des dénominations dans le secteur
des denrées alimentaires et des boissons ;
• autoriser l’accès au marché en s’assurant que le produit pouvant porter une
dénomination n’en est pas empêché sur le marché ;
• assurer la protection des consommateurs et la concurrence équitable en réglementant
l’étiquetage.
L’amélioration de l’accès au marché des produits de qualité est significative non seulement
pour l’Union européenne. En effet, les pays ACP, qui possèdent une grande richesse et
variété de denrées alimentaires héritées du savoir-faire traditionnel, souhaitent également
bénéficier d’une protection accrue en cas d’utilisation abusive de la dénomination de leurs
denrées alimentaires spécialisées.
4.5. Questions essentielles du débat sur les indications géographiques
Les principaux arguments des pays favorables ou défavorables aux IG peuvent être présentés
comme suit :
Arguments en faveur des IG
Arguments contre les IG
Ø Les IG sont un excellent moyen de
promotion du développement rural pour
les raisons suivantes :
• elles aident les producteurs à obtenir un
meilleur prix pour leurs produits en échange
des
garanties
qu’ils
offrent
aux
consommateurs concernant les méthodes
de production et la qualité ;
• elles permettent une meilleure redistribution
15
•
L’extension entraînerait des coûts
additionnels pour les gouvernements
(charge administrative et financière de
la mise en œuvre de l’extension), pour
les producteurs (coûts associés à la
rupture des échanges et de la
production) et pour les consommateurs
(coûts associés au fait qu’ils sont induits
en erreur) ;
•
•
de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne
de production : du producteur de matières
premières au transformateur ;
elles confèrent de la valeur à la région
d’origine ;
elles augmentent la production, créent des
emplois locaux et préviennent l’exode rural ;
Ø Les IG sont des outils commerciaux
efficaces pour les raisons suivantes :
• elles encouragent la variété et la diversité de
la production ;
• elles permettent aux producteurs de
commercialiser différents produits dotés de
caractéristiques clairement identifiables.
Ø Les IG visent à préserver le savoir-faire
local et les ressources naturelles pour les
raisons suivantes :
• elles encouragent la protection de la
biodiversité, du savoir-faire local et des
ressources naturelles ;
• elles empêchent l’uniformisation des
denrées alimentaires ;
• elles garantissent que les producteurs
peuvent offrir aux consommateurs des
produits uniques et différents.
•
•
•
les indications géographiques peuvent
être à ce point complexes que leur
protection entraînerait un blocage des
importations ;
du point de vue culturel, de
nombreuses dénominations ont voyagé
avec les migrants (des migrants
européens qui se sont établis en
Australie par exemple) qui souhaitent
continuer à produire tout en conservant
la dénomination identifiant leur produit
;
une meilleure protection des indications
géographiques serait un obstacle au
commerce parce qu’assurer une
protection accrue des indications
géographiques entraînerait la fermeture
de marchés ou affecterait les activités
des producteurs parce que certains
produits devraient être étiquetés à
nouveau.
Ø Les indications géographiques constituent
une part importante de notre culture pour
les raisons suivantes :
•
•
•
elles renforcent la cohésion sociale en aidant
les producteurs locaux à travailler ensemble
et à résoudre des problèmes communs ;
elles jouent un rôle positif sur l’identité
locale et nationale en faisant en sorte que les
prod ucteurs et les consommateurs soient
fiers de leurs produits traditionnels uniques ;
elles ont d’autres effets positifs sur le
tourisme entre autres.
Les membres de l’OMC qui soutiennent l’extension de la protection font valoir que si la
protection était étendue, les autorités habilitées à régler les différends concernant les
utilisations abusives d’une IG ne devrai ent plus prouver que le public a été induit en erreur
concernant l’origine véritable du produit, d’une part, et que l’utilisation constitue un acte de
concurrence déloyale, d’autre part, ce qui entraîne des démarches longues et coûteuses.
L’extension faciliterait l’application de la protection et entraînerait en dernier recours une
réduction de la charge de travail des autorités judiciaires et administratives.
16
En ce qui concerne le nombre d’indications géographiques, les pays favorables aux IG
soutiennent que ce n’est pas le nombre d’IG par pays qui devrait être pris en compte pour
évaluer les mérites d’une protection accrue des IG, mais le potentiel économique de chaque
IG protégée de manière efficace. Même si un tel potentiel est limité actuellement parce que
les IG spécifiques ne sont pas connues à l’échelon national ou international, il pourrait
augmenter à mesure que les producteurs prennent conscience de la valeur des IG en termes
de commercialisation des produits, notamment si les IG sont mieux protégées au niveau
international.
Les petits pays en développement sont particulièrement affectés car ils sont privés de
protection et perdent des recettes. Une protection accrue des IG pour tous les produits à un
niveau analogue à celui accordé actuellement pour les vins et les boissons spiritueuses au titre
de l’article 23 de l’Accord sur les ADPIC ne constituerait pas un obstacle aux échanges et
assurerait la promotion des échanges et des investissements, notamment pour les pays en
développement et les pays développés qui dépendent des exportations de denrées primaires.
Avec l’extension, les produits faisant un usage illicite d’une IG devraient être étiquetés à
nouveau. Une telle disposition s’applique toutefois uniquement lorsque la même catégorie de
produit est concernée et lorsque les produits ne relèvent pas des exceptions de l’article 24 de
l’Accord sur les ADPIC. Cela paraît non seulement logique mais également justifié si l’on
tient compte de la protection du consommateur et du fait qu’il est induit en erreur lorsque
l’étiquetage est trompeur. Le niveau réel de protection attribué aux IG pour les vins et
boissons spiritueuses redonne confiance aux consommateurs quant à l’origine véritable du
produit qui possède une valeur ajoutée et des qualités spécifiques en raison de son origine
géographique.
5. Importance du débat concernant les indications géographiques pour
les pays ACP
Au début des négociations du cycle d’Uruguay, presque tous les Etats du groupe Afrique,
Caraïbes et Pacifique ont rejeté l’idée d’intégrer les questions touchant aux droits de
propriété intellectuelle dans les négociations. Toutefois, durant la Conférence ministérielle de
Doha, un nombre significatif de pays ACP sont devenus “demandeurs” concernant certains
domaines de la propriété intellectuelle, tel que l’extension de la protection additionnelle
accordée au titre de l’Accord sur les ADPIC aux IG des vins et boissons spiritueuses à tous
types de produits, de protection des ressources génétiques ou de protection des
connaissances traditionnelles.34
Parallèlement, la Namibie et la République Dominicaine ont soutenu la proposition des
Etats-Unis concernant l’établissement d’un registre multilatéral. Les pays ACP sont donc en
désaccord.
34
R.M. Sherwood, “The TRIPs Agreement: implications for developing countries”, 37 IDEA – the
Journal of Law and Technology, 1997, p. 491; C. Fink, B.K. Smarzynska, “Trademarks,
Geographical Indications, and Developing Countries”, in B. Hoekman, A. Mattoo, Ph. English,
Development, Trade and the WTO, Banque mondiale, Washington, D.C., 2002.
17
Au cours des dernières années, certains pays ACP ont pu développer leur marché extérieur
pour certains produits spécifiques. Les exemples de produits possédant une IG d’un pays
ACP sont les bananes de Grenade et Belize, le thé du Kenya, le café du Kilimandjaro de
Tanzanie , le café Chipinga du Zimbabwe, les ananas de Guinée, le beurre de karité du
Burkina Faso, le miel blanc du Cameroun, les fabriques de Korhogo de la Côte d’Ivoire, les
piments et légumes au vinaigre de Rodrigues (Maurice), la vanille Mananara de Madagascar et
bien d’autres encore. Ces produits ont acquis une reconnaissance et une réputation leur
valant une protection.
La participation des pays ACP aux négociations concernant les IG et le soutien qu’ils
accordent à l’extension de la protection des IG pourraient avoir plusieurs effets.
Les pays ACP auraient tout à gagner de l’extension de la protection des IG puisqu’elles
pourraient être employées pour protéger leurs connaissances traditionnelles. Les IG ne sont
pas destinées à récompenser l’innovation, mais le nom et la réputation acquise ou créée par
un groupe de producteurs au fil des ans ou des siècles. Les IG peuvent constituer une
récompense économique pour les producteurs qui emploient des méthodes traditionnelles
dans la région où la denrée est produite de manière traditionnelle.
Les IG pourraient être employées par les pays ACP pour augmenter la valeur commerciale
des produits naturels, traditionnels et artisanaux si leurs caractéristiques spécifiques peuvent
être attribuées à leur origine géographique. Un certain nombre de produits provenant de
différentes régions sont obtenus par des procédés et des connaissances traditionnels mis en
œuvre par une ou plusieurs communautés dans une région déterminée. Les caractéristiques
spécifiques de ces produits sont appréciées du public et peuvent être symbolisées par
l’indication de la source utilisée pour identifier les produits. Une meilleure exploitation et
promotion des IG permettraient d’améliorer la protection des intérêts économiques des
communautés possédant des connaissances traditionnelles.
Les IG sont destinées à protéger les noms des denrées et certaines dénominations
géographiques étrangères peuvent ou non être déjà dev enues génériques dans certains pays
ACP. L’utilisation de dénominations protégées comme étant des IG dans le pays d’origine
peut donc devoir faire l’objet d’un retrait progressif.
6. L’avenir
Le groupe ACP devrait se faire entendre concernant les IG. Si l’on tient compte du vaste
éventail de produits traditionnels originaires des pays ACP, les producteurs de produits
traditionnels ne pourraient qu’en bénéficier. Les produits traditionnels dont les IG sont
protégées peuvent être vendus à un prix dépassant de 40 % celui de produits analogues ne
portant pas d’indication géographique. Les faits tendent à montrer que cette hausse de prix
est transféré en amont de la filière, autrement dit jusqu’au producteur de matières premières.
L a protection de produits traditionnels n’empêche pas le développement parallèle de
volumes accrus d’exportations agricoles ou industrielles. A l’instar de la situation dans la CE,
il peut exister un développement parallèle entre les grands et les petits producteurs.
Toutefois, les producteurs doivent être conscients du fait que la demande de produits
traditionnels par les consommateurs s’accroît au sein de la CE .
18
Le groupe ACP devrait exiger l’extension d’un niveau élevé de protection à toutes les
denrées, d’une part, et un registre contraignant de toutes les désignations, d’autre part. A cet
égard, la position des pays ACP est nettement favorable à la protection de toutes les denrées,
et non pas exclusivement des vins et boissons spiritueuses qui bénéficient déjà d’un niveau
élevé de protection au titre de l’Accord sur les ADPIC. Par ailleurs, les produits potentiels
pouvant porter une IG des pays ACP, à savoir le thé, le café, le miel, le bois et de nombreux
autres ne tireraient aucun profit de la création d’un registre multilatéral si celui-ci ne
comportait que les dénominations des vins et boissons spiritueuses. Il faut que l’extension
s’accompagne d’un enregistrement intégral.
19
Principales sources d’informations
Site internet officiel de l’Organisation mondiale du commerce http ://www.wto.org.
Site internet officiel de l’OMPI http ://www.wipo.org.
Site internet officiel de l’organisation internationale de la vigne et du vin (IWO-OIV)35 à
Paris http ://www.oiv.org.
Site internet de l’International Trademark Association http ://www.inta.org.
Site internet du projet de renforcement des capacités du CNUCED /ICTSD sur les droits de
propriété intellectuelle et le développement durable http ://www.ictsd.org/unctad-ictsd.
Site internet officiel des Communautés européennes http ://europe.eu.int, plus
spécifiquement les pages «Commission», «Agriculture» ; «Politique de la qualité».
Site internet officiel du bureau américain des certificats et des marques http
://www.uspto.gov/web/offices/dcom/olia/globalip/geographicalindication.htm.
Site internet officiel de Development of Origin Labelled Products (DOLPHINS) http
://www.origin-food.org/.
Site internet de GIANT (Geographical Indications and International Trade)
http ://www.american.edu/ted/giant/cgi-index.htm.
Site internet officiel de l’Association Internationale pour la Protection de la Propriété
Intellectuelle http ://www.aippi.org/index.html.
Site internet d’ ORIGIN (Organisation for an International Geographical Indications
Network) http ://www.origin-gi.com
35
L’abréviation française (OIV) est le plus souvent utilisée (Office International de la Vigne et du
Vin).
20