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Les indications géographiques et leurs enjeux pour les pays ACP Document de travail O’Connor and Company Avril 2005 Les avis exprimés dans ce document de travail sont ceux de l'auteur. Ils ne reflètent pas nécessairement les vues du CTA. Ce document peut être téléchargé gratuitement à partir du site Web Agritrade : http://agritrade.cta.int/. 2 1. Introduction aux indications géographiques 1.1. Définition des termes « indications géographiques » Les indications géographiques (IG) constituent une catégorie particulière de propriété intellectuelle. Elles permettent d’identifier une denrée comme étant originaire d’un territoire dans un pays déterminé, d’une région ou d’une localité spécifique d’un pays, lorsqu’une qualité, réputation ou autre caractéristique de la denrée est essentiellement attribuable à son lieu d’origine. Plus simplement, les IG sont les dénominations des denrées traditionnelles produites selon des méthodes traditionnelles dans un lieu déterminé.1 « Darjeeling », « Antigua », « Parme », « Gorgonzola », « Grenade », « Bordeaux », « Mozzarella », « Thé kenyan », « Roquefort », « Sucre Demerara », « Café Blue Mountain » , « Fèves de cacao Montserrat Hills », « Coton de Sea Island », « Porto », « Ceylan », « Havane » et « Tequila » ne sont que quelques exemples connus de dénominations géographiques associées dans le monde entier à quelques produits spécifiques. La réputation de ces denrées provient des qualités spécifiques associées aux produits provenant de ces régions. 1.2. Politique de la CE en matière d’indications géographiques et réforme de la PAC A l’échelon intérieur et international, la protection des indications géographiques est au cœur de la politique agricole de la CE. Sur le plan intérieur, la CE procède actuellement à une réforme en profondeur de la politique agricole commune (PAC) qui sera désormais basée sur la qualité et non plus sur la quantité. La Communauté proposera de réduire la protection des marchés agroalimentaires exercée aux frontières. Elle a également fortement limité le régime de soutien interne et proposé d’éliminer progressivement les subventions aux exportations. En conséquence, on assiste à un passage du régime de soutien à la production illimitée à celui de la promotion de produits de qualité, lesquels devrait concurrencer, avec une protection moindre , les produits alimentaires importés. Le renforcement de la protection des indications géographiques constitue un élément déterminant de la politique de la qualité de la CE. La nouvelle politique de la qualité de la CE se distingue nettement de « l’ancienne » politique de la qualité. Des normes de qualité sont établies pour la plupart des produits agricoles dans la Communauté. Toutefois, de telles normes ont été conçues plus pour prévenir la fraude budgétaire en matière agricole au sein de l’UE que pour assurer la satisfaction des consommateurs : si les agriculteurs étaient payés pour produire, les contribuables européens devaient être assurés que les produits sont vendables. La nouvelle politique de qualité se focalise davantage sur les besoins des consommateurs, ainsi que sur la santé et sur la sécurité . Cette nouvelle politique de la qualité vise à créer des emplois mieux rémunérés dans les régions rurales et à motiver les jeunes afin qu’ils continuent à prendre part aux activité s 1 Les dénominations géographiques peuvent être traditionnelles et non géographiques, telles que « Feta » par exemple. Habituellement, une IG correspond à un nom de lieu spécifique. 3 agricoles. Les indications géographiques contribuent à l’augmentation de la production, à la création d’emplois à l’échelon local et elles préviennent l’exode rural. Elles aident les producteurs à obtenir un meilleur prix pour les denrées de qualité produites selon des recettes traditionnelles dans des lieux spécifiques.2 Un exemple intéressant permettant d’illustrer ce propos est celui des « Lentilles vertes du Puy ». En raison de cette protection, la production de lentilles est passée de 13.600 quintaux en 1990 à 34.000 quintaux en 1996 et à 49.776 quintaux en 2002 (soit une progression de 273 %). Dans l’intervalle, le nombre de producteurs a presque triplé : de 395 en 1990 ils sont passés à 750 en 1996 et à 1.079 en 2002.3 1.3. Pourquoi l’UE préconise-t-elle l’utilisation des indications géographiques au niveau international ? La Communauté européenne possède une très large gamme de produits de première qualité. Il existe plus de 640 indications géographiques et appellations d’origine en ce qui concerne les denrées alimentaires, et plus de 4.200 appellations en ce qui concerne les vins et boissons spiritueuses, générant un chiffre d’affaires de plus de 40 milliards d’euros par an dans la CE. Toutefois, lorsque la réputation des produits portant une indication géographique dépasse les frontières nationales, ils peuvent se retrouver en concurrence avec des produits présentés comme étant le produit véritable en adoptant le même nom. Cette forme de concurrence déloyale4 décourage les producteurs et induit les consommateurs en erreur. C’est pourquoi la CE, qui assure un niveau de protection élevé des indications géographiques aux niveaux national et européen, exige désormais un renforcement de la protection internationale dans le monde entier. Par exemple, les jambons crus provenant de Parme en Italie ont acquis une réputation internationale. Les bénéfices d’une telle réputation ne reviennent pas dans tous les cas aux producteurs italiens de jambon de Parme. Dans les pays tiers, des producteurs de jambon cru utilisent des conditionnements indiquant que le produit provient de Parme ou présentant le produit comme étant italien grâce à un conditionnement particulièrement soigné. Certaines juridictions considèrent que « jambon de Parme » est un terme générique qui s’étend à tous les jambons crus et estiment par conséquent qu’il n’y a pas de dommage. D’autres juridictions ne font pas respecter le droit et s’abstiennent d’interdire de telles pratiques. La CE cherche à clarifier les règles et à empêcher ce qu’elle considère comme un usage abusif de la réputation des producteurs européens. Elle tente, par exemple, d’obtenir le droit exclusif d’employer les indications géographiques telles que Parme pour le jambon cru, et ce sur tous les marchés. 2 En 2002 en France par exemple, le prix moyen du litre de lait était de 0,30 euro tandis que le lait fourni aux fabricants de fromage de Beaufort (IG) était de 0,57 euros le litre (+90%). Un rapport a été publié par la commission de l’environnement et l’agriculture et présenté à l’Assemblée parlementaire, intitulé « Création d’un label de qualité pour les produits alimentaires issus de l’agriculture de montagne », doc. 9504, 15 juillet 2002. 3 Pour plus d’informations, veuillez consulter « Lentilles vertes du Puy », http://www.auvergne.chambagri.fr/pages/rubsav/fiches/fruits/lentil.htm 4 Des migrants originaires d’Europe ont exporté les dénominations. L’emploi de ces dénominations n’est pas nécessairement inéquitable. 4 2. Quelle est la politique intérieure de l’UE en matière d’indications géographiques? 2.1. Développement de la politique de la CE relative aux indications géographiques Avant 1992, il n’existait aucune règle commune de la CE en matière de protection des IG. Chaque Etat membre adoptait une approche qui lui était propre par le biais de dispositions législatives générales ou spécifiques. Au niveau de la CE, plusieurs règles relatives aux dénominations d’origine des vins et boissons spiritueuses ont progressivement été adoptées mais il n’existait aucune règle concernant les produits agroalimentaires . Le règlement (CEE) n°2081/925 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires a introduit des règles communautaires en matière d’IG pour les produits agricoles. 2.2. Champ d’application du règlement n° 2081/92 Le champ d’application du règlement n° 2081/92 se limite à certains produits agricoles et denrées alimentaires, et ce uniquement lorsqu’il existe un lien clair entre le produit ou la denrée alimentaire et son origine géographique. Conformément à ce règlement, la dénomination de la plupart des denrées alimentaires peut être enregistrée comme indication géographique protégée (IGP) ou appellation d'origine protégée (AOP).6 Toutefois, les plats préparés, les sauces, les soupes et les bouillons, les glaces et les sorbets, le chocolat (et autres préparations alimentaires contenant du cacao) ne peuvent être enregistrés comme étant IGP ou AOP. Les noms de certains produits agricoles qui ne sont pas destinés à la consommation humaine (tels que le foin, la laine, l’osier et les huiles essentielles) peuvent aussi être enregistrés comme étant IGP ou AOP. Selon le règlement, il n’est pas possible d’enregistrer les dénominations des produits suivants : • produits industriels ; • alcools (pour lesquels des règles spécifiques sont fixées par le règlement CE n° 1576/89) ; • produits du secteur des vins, excepté le vinaigre de vin (pour lequel les règles de base relatives à la description, la désignation et la présentation des produits du secteur des 5 5 Règlement (CEE) n°2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, [1992] JO L208/1, tel qu’amendé par le Règlement du Conseil n°535/97 du 17 mars 1997, [1997] JO L83/3 et Règlement du Conseil n°692/2003 du 8 avril 2003, [2003] JO L99/1. Le règlement n°2081/92 est entré en vigueur douze mois après la date de sa publication au Journal Officiel le 26 juillet 1993. 6 Y compris les produits dérivés de la viande, de la laiterie et de la pêche ; les fruits et légumes ; les bières et boissons produites à partir d’extraits végétaux ; les pâtes alimentaires ; les produits de la boulangerie, de la pâtisserie, de la biscuiterie et de la confiserie. 5 • vins sont établies par le règlement CE n° 1493/1999 et d’autres dispositions plus spécifiques sont contenues dans plusieurs autres règlements de la Commission) ; et eaux minérales.7 Au titre du règlement, sont considérées comme appellations d'origine, certaines dénominations traditionnelles8, géographiques ou non, désignant un produit agricole ou une denrée alimentaire originaire d'une région ou d'un lieu déterminé et qui remplit les conditions d’enregistrement. Un nom ne peut être enregistré comme appellation d'origine ou comme indication géographique lorsque : • il est en conflit avec le nom d'une variété végétale ou d'une race animale et que, de ce fait, il est susceptible d'induire le public en erreur quant à la véritable origine du produit ; • il est devenu générique ;9 • compte tenu de la renommée d'une marque, de sa notoriété et de la durée de son usage, il est de nature à induire le consommateur en erreur quant à la véritable identité du produit. Le règlement 2081/92 établit une distinction entre indications géographiques protégées (IGP) et appellations d’origine protégée (AOP). Les AOP et les IGP partagent plusieurs caractéristiques communes : types de produits, dénominations géographiques, lieu d’origine dans la région dont leur nom est dérivé, procédure d’enregistrement et niveau de protection prévu par le règlement. Il existe toutefois des différences fondamentales entre les AOP et les IGP : • pour qu’un produit soit considéré comme AOP, les matières premières doivent provenir de la zone géographique en question ; • le lien entre le produit AOP et le lieu d’origine doit être plus objectif, tandis que dans le cas des produits IGP le lien entre le produit et le lieu d’origine est nécessaire mais pas essentiel ni exclusif ; et • pour l’AOP, toutes les étapes de la production, allant des matières à la préparation du produit final doivent avoir lieu dans la zone géographique définie et, en ce qui concerne l’IGP, seule l’une de ces trois étapes : préparation, production ou transformation devrait se dérouler dans la région géographique définie. 7 Le règlement n°692/2003, amendant le règlement n°2081/92, exclut du champ d’application du règlement les dénominations des eaux minérales; toutefois les dénominations déjà enregistrées demeureront dans le registre de la CE jusqu’au 31 décembre 2013. 8 Telles que « Feta » ou « Sfela ». 9 Ne peut être enregistrée, toute dénomination d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire qui, bien qu’elle soit relative au lieu ou à la région de production ou de commercialisation d’origine, est devenue la dénomination commune du produit agricole ou de la denrée. 6 Le règlement accorde aux possesseurs d’indications géographiques le droit exclusif d’employer la dénomination géographique protégée pour des produits spécifiques conformes aux spécifications enregistrées.10 Il interdit : • l’utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée pour des produits comparables ; • l’utilisation de la dénomination permettant de profiter de la réputation de la dénomination protégée ; • l’usurpation, l’imitation ou l’évocation de la dénomination protégée, même si l'origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation » ou d'une expression similaire ; • toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents concernant le produit concerné, ainsi que l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine ; • toute autre pratique susceptible d'induire le public en erreur quant à la véritable origine du produit. Pour porter une dénomination IGP ou AOP, un produit doit satisfaire les conditions accompagnant la demande d’enregistrement, qui doit contenir les éléments suivants : • dénomination et description du produit ; • définition de la zone géographique ; • méthodes de préparation ; • facteurs relatifs à l’environnement géographique ; • organismes d’inspection ; • détails de l’étiquetage ; et • toute exigence législative pertinente. Le contrôle exercé sur les producteurs constitue un des éléments significatifs du système. Il vise à garantir qu'un produit agricole ou une denrée alimentaire bénéficiant d'une mention protégée répond à un certain nombre de conditions énumérées dans un cahier des charges. Tout groupement de producteurs, quelle que soit sa forme ou composition juridique, ou, sous certaines conditions à arrêter, une personne physique ou morale, est habilité à introduire une demande d'enregistrement d’une IGP ou d’une AOP. Le demandeur adresse sa demande à l’Etat membre où se situe la région géographique dont le produit est originaire. L’Etat membre vérifie que la demande est conforme au règlement et la transmet aux autres Etats membres et à la Commission. La Commission réexamine la demande et la publie au Journal Officiel des Communautés européennes. Si aucune objection n’est émise dans un 10 Il importe de noter que l’article 13 du Règlement 2081/92 concerne non seulement les produits « identiques » mais également les produits « comparables ». 7 délai de trois mois à dater de la publication, la Commission inscrit l’IGP ou l’AOP dans un registre public qu’elle conserve .11 Le règlement permet l’enregistrement de dénominations de pays tiers sous réserve de conditions de réciprocité et d’équivalence.12 Toutefois, à ce jour aucune indication géographique d’un pays tiers n’a été enregistrée. Par le passé, la principale difficulté a été l’absence de procédure administrative d’enregistrement. Une telle disposition a été introduite par le Règlement du Conseil n° 692/2003 du 8 avril 2001 amendant le règlement CE n° 2081/92 de manière à s’assurer que la procédure d’enregistrement communautaire est disponible également pour les dénominations des pays tiers. 2.3. Importance économique des indications géographiques en Europe L’activité économique fondée sur les produits portant une dénomination protégée par une IG est significative en Europe. Quelque 4.200 IG ont été enregistrées pour les vins et boissons spiritueuses et on évalue à plus de 640, les IG concernant les autres denrées alimentaires. La France a enregistré 593 IG au titre des règles générales de la CE relatives aux vins et boissons spiritueuses et aux denrées alimentaires ; les denrées concernées génèrent un chiffre d’affaires de 19 milliards d’euros et sont produites par 138.000 entreprises agricoles.13 Parallèlement, les 420 IG italiennes génèrent 12 milliards d’euros et permettent d’employer plus de 300.000 ressortissants italiens.14 En Espagne, 123 produits portant une IG génèrent quelque 3,5 milliards d’euros.15 Les fromages mozzarella AOP (Mozzarella di Bufala Campana) sont vendus à un prix plus élevé que d’autres fromages mozzarella di bufala, et il en va de même pour le Camembert de Normandie AOP par rapport à d’autres fromages Camembert, et pour le Brie de Meaux AOP et le Brie de Melun par rapport à d’autres Brie, pour le Turron d’Alicante AOP par rapport au nougat, pour le Beurre d’Ardennes AOP et pour le Beurre Rose de la Marque Nationale Grand 11 Veuillez consulter le registre de la CE à l’adresse : http://europa.eu.int/comm/agriculture/qual/en/1bbaa_en.htm. 12 Cette disposition fait actuellement l’objet d’un différend commercial. Les Etats-Unis et l’Australie, l’Argentine, le Sri Lanka, la Nouvelle-Zélande et le Mexique prétendent que les dispositions relatives à la « réciprocité » du règlement n°2081/92 tel qu’amendé par le règlement n° 692/2003 sont incompatibles aux dispositions relatives au traitement réservé aux nations les plus favorisées au titre de l’Accord sur les ADPIC et du GATT. La CE, qui est soutenue par la Bulgarie, la Turquie, la Roumanie et Taiwan, considère que les dispositions du règlement 2081/92 sont conformes aux accords de l’OMC. Le rapport du panel est attendu en mars 2005. Pour de plus amples informations, veuillez consulter le site internet de l’Organisation mondiale du commerce à l’adresse http://www.wto.org et le site internet du représentant des Etats-Unis à l’adresse http://www.ustr.gov. 13 Les échanges de vins et boissons spiritueuses portant quelque 466 dénominations génèrent un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros et ceux portant sur les autres produits génèrent 3 milliards d’euros en autres produits. 14 300 dénominations de vins et boissons spiritueuses et 120 dénominations d’autres produits génèrent 5 milliards d’euros en vins et boissons spiritueuses et 7 milliards d’euros d’autres produits. 15 2,8 milliards d’euros de vins et spiritueux et 0,7 milliards d’euros d’autres produits. Pour de plus amples informations veuillez consulter le site http://europa.eu.int/comm/trade/issues/sectoral/intell_property/argu_en.htm. 8 Duché de Luxembourg par rapport au beurre ordinaire. Le prix des produits AOP précités se situe entre 35 et 45 % au-dessus de celui de produits similaires vendus sans indications d’origine. Dans l’UE, la différence de prix entre les produits AOP et IGP et les produits analogues mais ne portant pas de telles mentions est comprise entre 10 et 15 % en moyenne. Non seulement les indications géographiques permettent aux producteurs d’obtenir un meilleur prix pour leurs produits de qualité fabriqués selon des méthodes traditionnelles dans des régions spécifiques, mais elles améliorent également la distribution de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de production, et ce depuis le stade de la production des matières premières à celui de leur transformation. Une étude sur les produits français montre que la différence moyenne de prix entre les produits portant ou non une dénomination d’origine est de 30% environ pour le fromage et peut atteindre jusqu’à 230% pour les vins, et que le prix du litre de lait destiné à la fabrication d’un fromage portant une appellation d’origine est deux fois plus élevé que celui du lait destiné à la fabrication de fromage sans appellation d’origine. La sauce vietnamienne IG, Nuoc Mam de Phu Quoc en est un autre exemple. Après que la protection de l’IG a été accordée en 2001, la valeur de ce produit a triplé passant de 0,5 euro le litre en 2000 à 1,5 euro le litre en 2003.16 3. Indications géographiques dans le cadre des relations bilatérales 3.1. Réexamen de l’approche de la CE en matière d’ indications géographiques dans le cadre de l’approfondissement des relations commerciales bilatérales La promotion de la protection des indications géographiques se poursuit. Une des manières de protéger les indications géographiques est de conclure des accords bilatéraux et régionaux conditionnant l’accès des pays tiers au marché de la CE par la protection des indications géographiques de la CE dans ces pays. L’UE a conclu plusieurs accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs aux indications géographiques. Certains de ces accords concernent spécifiquement les indications géographiques et d’autres sont des ac cords commerciaux plus généraux contenant des sections consacrées aux indications géographiques. Il existe plusieurs exemples d’accords bilatéraux. Un des premiers, qui date de 1994, est l'accord entre la Communauté européenne et l'Australie relatif au commerce du vin.17 Un accord relatif au commerce du vin et des boissons spiritueuses a également été conclu en septembre 1993 entre le Canada et la Communauté européenne.18 L’accord de 2002 établissant une association entre la CE et le Chili compte également une section spécifique intitulée « Vins » et « Boissons spiritueuses » contenant les dispositions en matière de protection des indications géographiques. 16 Pour de plus amples informations veuillez consulter le site internet officiel de l’Organisation for an International Geographical Indications Network (ORIGIN), http://www.origin-gi.com 17 Accord conclu entre les Communautés européennes et l’Australie relative au commerce du vin, JO L 86, 31 mars 1994, Accord conclu entre les Communautés européennes et l’Autriche relative au commerce du vin, JO L 208, 1er août 2001, p. 46. 18 Accord entre la Communauté européenne et le Canada relatif au commerce des vins et des boissons spiritueuses , JO L 35, 2004. 9 L’objectif de tels accords bilatéraux est de protéger les droits de propriété intellectuelle pour les vins et boissons spiritueuses et prévenir la fraude portant sur l’utilisation de dénominations puisque l’UE est un des principaux fournisseurs de vins de ces pays. 3.2. Exemples d’accords bilatéraux conclus par la CE pour protéger les IG 3.2.1. Accord CE – Mexique relatif aux dénominations des boissons spiritueuses Le 27 mai 1997, le Mexique et l’UE ont signé un accord au titre duquel les deux parties se sont engagées à protéger les appellations d’origine de certains alcools.19 L’accord prévoit la protection de plus de 250 indications géographiques européennes, telles que Scotch Whisky, Irish Whiskey, Rum de Madeira, Rhum de la Martinique, Ron de Malaga, Kornbrand, Armagnac, Cognac, Brandy de Jerez, Grappa, Kirsch, Calvados, Ouzo, Irish Cream, Cassis de Dijon, Swedish Punch, Swedish Vodka et Finsk Vodka ainsi que les appellations d’origine mexicaines : Tequila et Mezcal. Cet accord vise à améliorer les conditions de commercialisation de ces alcools dans la Communauté et au Mexique, selon les principes d’égalité, de bénéfice mutuel et de réciprocité. 3.2.2. Accord conclu entre la CE et l’Afrique du Sud relatif au commerce du vin Un accord relatif au commerce du vin a été conclu en janvier 2002 par l’Afrique du Sud et la CE.20 Au titre de cet accord, l’Afrique du Sud s’engage à procéder au retrait progressif de l’utilisation des dénominations européennes « porto » et « sherry ». L’annexe II de cet accord relatif au vin contient une liste exhaustive des indications géographiques relatives aux vins qui seront protégées. En échange du retrait progressif de l’utilisation de telles dénominations, la CE a accordé une aide à l’importation (à hauteur de 15 millions d’euros) pour restructurer l’industrie des vins et boissons spiritueuses d’Afrique du Sud et le contingent d’importation de vins sud-africains est passé de 320.000 hectolitres à 420.000 hectolitres par an. Les parties ont accepté qu’à l’expiration d’une période acceptée conjointement les nouvelles dénominations de ces produits soient employées sur le marché intérieur sud-africain. De telles dénominations devraient être acceptées conjointement par la République d’Afrique du Sud et la Communauté européenne. 3.2.3. Accord conclu entre la CE et l’Afrique du Sud relatif aux spiritueux L’accord conclu par la CE et l’Afrique du Sud relatif au commerce de spiritueux21 a été signé le même jour que l’accord relatif au commerce des vins. Ces deux accords présentent de 19 Accord entre la Communauté européenne et les États-Unis mexicains concernant la reconnaissance mutuelle et la protection des dénominations dans le secteur des boissons spiritueuses, JO L 152, 11/06/1997 pp. 16-26. 20 Accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des vins, signé le 28 janvier 2002 (provisoirement en vigueur), Décision du Conseil, du 21 janvier 2002, concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des vins, JO L 28, 30 janvier 2002, p. 3. 21 Accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des boissons spiritueuses, Décision du Conseil, du 21 janvier 2002, concernant la 10 nombreuses similitudes. La liste exhaustive des indications géographiques des spiritueux protégés au titre de l’accord relatif aux spiritueux est annexée à l’accord. L’accord relatif au commerce des spiritueux contraint notamment l’Afrique du Sud à procéder au retrait progressif des termes suivants : « Grappa », « Ouzo », « Korn/Kornbrand », « Jägertee/Jagertee/ Jagatee » et « Pacharan », après une période transitoire de 5 ans (à dater du 1 er janvier 2002).22 Les deux accords conclus par la CE et l’Afrique du Sud font partie de l’accord de libre échange (ALE) sur le commerce, le développement et la coopération (TDCA) conclu en octobre 1999. L’objectif de l’ALE était de lever les barrières tarifaires entre les parties et suite à cela, le Botswana, le Lesotho, la Namibie et le Swaziland, qui font partie de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU), ont perdu jusqu’à 1 5 pour cent de leurs recettes fiscales. 3.2.4. CE – Mercosur Dans le cadre des négociations en cours sur l’accord d’association UE-Mercosur, l’UE a proposé d’éliminer ou réduire les tarifs sur la totalité des importations agricoles de ces pays. En ce qui concerne un petit nombre de produits dits sensibles pour l’UE, la proposition prévoit que l’accès des pays du Mercosur aux marchés de l’UE sera soumis à un contingentement tarifaire. Selon le site internet officiel de l’UE, celle-ci est disposée à offrir un meilleur accès aux importations de produits agricoles transformés provenant du Mercosur car, dans ce secteur, le potentiel d’exportation du Mercosur est considérable. L’amélioration de l’accès au marché de la CE est conditionnée par une protection adéquate des indications géographiques de l’UE dans les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay). Toutefois, la situation n’a pas évolué depuis que cette proposition a été présentée. 3.3. Leçons à tirer pour les pays ACP Les pays ACP peuvent profiter de l’expérience acquise par l’Union européenne en matière de protection des indications géographiques. En premier lieu, les accords bilatéraux pourraient contribuer au règlement des différends concernant l’emploi d’indications géographiques par les pays ACP. En deuxième lieu, les Etats ACP peuvent négocier la protection de leurs indications géographiques dans les pays tiers. Et enfin, cette expérience devrait contribuer à renforcer les relations UE – ACP et améliorer la compréhension des problèmes opposant la CE et les pays ACP puisque, par tradition, l’Union européenne et les pays ACP ont élaboré une combinaison unique d’aide, de développement, et de coopération politique. Actuellement, aucune négociation bilatérale spécifique n’est engagée avec les pays ACP concernant la protection des indications géographiques . Il est toutefois manifeste que les IG peuvent faire partie des négociations d’accords de partenariat économique (APE) engagées à Bruxelles le 27 septembre 2002. Les pays ACP ont identifié les domaines de négociation conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des boissons spiritueuses, 2002/51/EC, JO L 28, 30/01/2002, p. 112. 22 Accord sous forme d'échange de lettres concernant l'application provisoire, à compter du 28 janvier 2002, de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des vins, JO L 28, 30 janvier 2002, p. 133. 11 suivants : accès au marché, agriculture et pêche ; questions relatives au développement ; commerce des services ; questions touchant au commerce ; questions juridiques. Elles sont directement liées aux intérêts de ceux qui souhaitent accroître la protection des indications géographiques. 4. Approche de l’UE concernant les indications géographiques touchant à l’OMC 4.1. Agenda pour le développement de Doha et la question des indications géographiques L’article 22 de l’accord sur les ADPIC prévoit que les indications géographiques doivent être protégées des abus, et ce pour toutes les denrées.23 L’accord sur les ADPIC établit des normes de protection minimales pour toutes les indications géographiques, quelle que soit la nature de la denrée à laquelle elles s’appliquent. Il s’agit d’une protection négative au sens où elle se limite à interdire l’utilisation des indications géographiques aux producteurs qui ne sont pas localisés dans la région désignée par l’indication géographique spécifique. Concernant les vins et spiritueux, le niveau de protection est plus élevé et n’est pas conditionné par le fait que le public est induit en erreur ou qu’une situation de concurrence déloyale survient.24 La quatrième réunion ministérielle de l’OMC, qui s’est tenue à Doha en novembre 2001, a porté sur la question des indications géographiques.25 La déclaration ministérielle de Doha a reconnu le débat en cours à l’OMC sur les indications géographiques et, sans engager ses membres concernant une résolution spécifique, accepté de “négocier l'établissement d'un système multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques pour les vins et spiritueux d'ici à la cinquième session de la Conférence ministérielle”.26 Les questions touchant à l’établissement d’un registre multilatéral sont au nombre de deux. La première concerne l’extension du niveau le plus élevé de protection réservée aux vins et spiritueux aux autres denrées et la deuxième concerne l’établissement d’un registre multilatéral des indications géographiques. Aucune discussion n’a eu lieu au niveau officiel concernant les IG, même si les membres de l’OMC ont accepté de négocier l’établissement d’un système multilatéral d’indications géographiques pour les vins et spiritueux d’ici à la cinquième session de la Conférence 23 Cette disposition, ainsi qu’un certain nombre d’autres dispositions en matière d’indications géographiques de l’accord sur les ADPIC sont entrées en vigueur le 1er janvier 1998 dans les pays développés, et le 1er janvier 2004 dans les pays en développement, qui ont bénéficié d’une période additionnelle de quatre ans. Les Etats membres les moins développés de l’OMC bénéficient actuellement d’une période transitoire jusqu’au 1er janvier 2006, qui pourrait éventuellement être étendue par le Conseil des ADPIC. 24 Article 23 de l’accord sur les ADPIC « protection additionnelle des indications géographiques pour les vins et spiritueux ». 25 La quatrième conférence ministérielle de l’OMC s’est tenue à Doha au Qatar du 9 au 14 novembre 2001, consulter http://www.wto.org/, “Doha”. 26 Déclaration ministérielle de Doha adoptée le 14 novembre 2001, § 18, WT/MIN(01)/DEC/1, consulter http://www.wto.org/, “Doha”, “Ministerial Declaration”. 12 ministérielle qui s’est tenue à Cancún au Mexique du 10 au 14 septembre 2003 et que plusieurs documents ont été diffusés par les responsables des négociations27. 4.2. Extension de la protection des indications géographiques aux produits autres que les vins ou spiritueux Les membres de l’OMC ne se sont pas encore entendus sur la question de savoir si les négociations devaient également porter sur l’extension d’un niveau élevé de protection aux produits autres que les vins ou les spiritueux. Dans les documents diffusés avant la Conférence ministérielle de Cancún, plusieurs membres de l’OMC ont exprimé des divergences d’interprétation concernant cette question. Le débat sur cette question constitue une réponse aux exigences de certains membres de l’OMC qui ne souhaitent pas limiter la protection additionnelle aux vins et spiritueux mais veulent intégrer d’autres denrées revêtant une importance économique particulière pour leur pays. Ces membres de l’OMC, l’Inde et la Suisse notamment, ont distribué des communications concernant les indications géographiques au sein du Conseil des ADPIC. 28 Ils considèrent que la question de la protection d’autres produits n’a pas été réglée de manière adéquate dans le cadre du cycle d’Uruguay quand ils ont plaidé pour la protection absolue de tous les produits. Les membres qui souhaitent l’extension de la protection des indications géographiques sont essentiellement originaires d’Asie, d’Europe et d’Afrique. Les pays s’opposant à une protection additionnelle sont l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, l’Australie et la Nouvelle Zélande, qui sont tous des exportateurs majeurs de denrées agricoles. 4.3. Etablissement d’un registre multilatéral des IG L’article 23.4 de l’accord sur les ADPIC , prévoit la création d’un registre multilatéral d’IG protégées. Deux ensembles de propositions ont été présentés concernant le fonctionnement d’un tel registre, ils reflètent les deux principales argumentations dans le cadre des négociations.29 La CE a présenté en juillet 1998 une proposition visant à négocier la création d’un registre multilatéral. La proposition de la CE considère que l’enregistrement multilatéral est un processus en trois étapes : communication des IG par les membres de l’OMC au secrétariat de l’OMC, publication et examen des communications par les membres de l’OMC durant une période d’examen de 18 mois permettant d’examiner les communications et d’enregistre r les IG communiquées dans le registre multila téral. Durant la période d’examen, les membres 27 Pour de plus amples informations, consulter http://www.wto.org/, “Ministerials”, “Cancun 2003”. WT/MIN(01)/W/9 et WT/MIN(01)/W/11, consulter http://www.wto.org/, “WTO official documents”. 29 Communication des Communautés européennes et leurs Etats membres, Proposition relative à un registre multilatéral des indications géographiques pour les vins et spiritueux fondée sur l’article 23:4 de l’accord sur les ADPIC, IP/C/W/107, 28 juillet 1998, consulter http://www.wto.org/ , “WTO official documents”. 28 13 devraient avoir le droit de contester l’enregistrement d’une indication géographique communiquée. Les membres qui s’opposent à l’enregistrement d’une indication géographique communiquée devraient entamer des négociations bilatérales afin de régler le différend. Le système proposé va au-delà de la simple banque de données d’informations concernant les IG et permettrait d’établir un registre des IG contraignant. Par conséquent, l’enregistrement créerait la présomption d’éligibilité à la protection. L’approche de la CE est largement soutenue par la Bulgarie, Cuba, l’Egypte, la Géorgie, l’Islande, l’Inde, la Jama ïque, le Kenya, le Liechtenstein, Maurice, le Nigeria, le Pakistan, le Sri Lanka, la Suisse, la Turquie et le Venezuela.30 Ces membres de l’OMC sont favorables à la création d’un registre multilatéral conforme à la proposition des CE, uniquement si l’extension de la protection des IG est effectivement mise en œuvre et qu’ils obtiennent l’assurance que le registre envisagé sera étendu aux IG des produits intéressant leurs économies. En mars 1999, les Etats-Unis et le Japon ont déposé une proposition portant création d’un registre des IG, 31 qui a été soutenue par le Canada et le Chili en juillet 1999. 32 La proposition conjointe proposée par les Etats-Unis est moins ambitieuse que le document de la CE, et propose la création d’un système non contraignant selon lequel les membres de l’OMC peuvent communiquer leurs IG à l’OMC. L’OMC pourrait réunir toutes les données et maintenir la banque de données à titre de source d’informations pour les autres membres de l’OMC. Elle n’aurait pas d’effet véritablement contraignant . Par conséquent, cette proposition ne soutient pas l’idée selon laquelle le registre devrait assurer un niveau plus élevé de protection des IG que celui assuré par l’Accord sur les ADPIC. Le système multilatéral non contraignant, qui avait initialement été proposé par les EtatsUnis, le Japon, le Canada et le Chili, est soutenu par l’Argentine, l’Australie, la Colombie, le Costa Rica, la République dominicaine, l’Equateur, El Salvador, le Guatemala, le Honduras, la Namibie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et la Chine de Taipei.33 En l’absence de décision de la part des ministres présents à Cancún sur les orientations concernant les questions de fond relatives à l’établissement d’un registre multilatéral, il est supposé que les délégations maintiendront leurs positions dans le cadre des négociations concernant le registre. 30 Consulter les propositions de négociations de ces pays, documents de l’OMC IP/C/W/247, IP/C/W/247/Rev.1 et IP/C/W/308. 31 Communication du Canada, du Chili, du Japon et des Etats-Unis. Proposition relative à un système multilatéral de notification et d’enregistrement des indications géographiques pour les vins et les boissons spiritueuses fondée sur l’article 23:4 de l’Accord sur les ADPIC, 11 mars 1999, IP/C/W/133, consulter http://www.wto.org/ , “WTO official documents”. 32 Communication du Canada, du Chili, du Japon et des Etats-Unis. Proposition relative à un système multilatéral de notification et d’enregistrement des indications géographiques pour les vins et les boissons spiritueuses fondée sur l’article 23:4 de l’Accord sur les ADPIC, 26 juillet 1999, IP/C/W/133/Rev.1, consulter http://www.wto.org/, “WTO official documents”. 33 Dans leur communication du 20 septembre 2002, ces pays ont expliqué et confirmé a l proposition commune aux quatre pays initiaux, TN/IP/W/5 du 23 octobre 2002. 14 Le « Cadre pour l'établissement de modalités concernant l'agriculture » conclu en août 2004 mentionnait que la question des IG était intéressante mais qu’aucune disposition de fond ne permettait de répondre à celle de la création d’un registre multilatéral (ou extension). 4.4. Approche de l’UE à l’OMC concernant les IG Selon l’UE, l’utilisation non autorisée des indications géographiques nuit aux consommateurs et aux producteurs légitimes. Les véritables producteurs subissent des pertes économiques : ils perdent des marchés, et la réputation de leurs produits est entachée. Une telle situation induit les consommateurs en erreur parce qu’ils n’obtiennent pas la qualité attendue du produit correspondant aux indications figurant sur l’étiquetage. C’est pourquoi l’UE souhaite que l’élargissement de ’laccès au marché se fasse en parallèle avec une protection accrue. L’UE est d’avis que si l’on promeut le développement de produits alimentaires de qualité, il faut également garantir cette qualité aux consommateurs. Les objectifs de l’UE peuvent se résumer comme suit : • obtenir une protection efficace contre l’usurpation des dénominations dans le secteur des denrées alimentaires et des boissons ; • autoriser l’accès au marché en s’assurant que le produit pouvant porter une dénomination n’en est pas empêché sur le marché ; • assurer la protection des consommateurs et la concurrence équitable en réglementant l’étiquetage. L’amélioration de l’accès au marché des produits de qualité est significative non seulement pour l’Union européenne. En effet, les pays ACP, qui possèdent une grande richesse et variété de denrées alimentaires héritées du savoir-faire traditionnel, souhaitent également bénéficier d’une protection accrue en cas d’utilisation abusive de la dénomination de leurs denrées alimentaires spécialisées. 4.5. Questions essentielles du débat sur les indications géographiques Les principaux arguments des pays favorables ou défavorables aux IG peuvent être présentés comme suit : Arguments en faveur des IG Arguments contre les IG Ø Les IG sont un excellent moyen de promotion du développement rural pour les raisons suivantes : • elles aident les producteurs à obtenir un meilleur prix pour leurs produits en échange des garanties qu’ils offrent aux consommateurs concernant les méthodes de production et la qualité ; • elles permettent une meilleure redistribution 15 • L’extension entraînerait des coûts additionnels pour les gouvernements (charge administrative et financière de la mise en œuvre de l’extension), pour les producteurs (coûts associés à la rupture des échanges et de la production) et pour les consommateurs (coûts associés au fait qu’ils sont induits en erreur) ; • • de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de production : du producteur de matières premières au transformateur ; elles confèrent de la valeur à la région d’origine ; elles augmentent la production, créent des emplois locaux et préviennent l’exode rural ; Ø Les IG sont des outils commerciaux efficaces pour les raisons suivantes : • elles encouragent la variété et la diversité de la production ; • elles permettent aux producteurs de commercialiser différents produits dotés de caractéristiques clairement identifiables. Ø Les IG visent à préserver le savoir-faire local et les ressources naturelles pour les raisons suivantes : • elles encouragent la protection de la biodiversité, du savoir-faire local et des ressources naturelles ; • elles empêchent l’uniformisation des denrées alimentaires ; • elles garantissent que les producteurs peuvent offrir aux consommateurs des produits uniques et différents. • • • les indications géographiques peuvent être à ce point complexes que leur protection entraînerait un blocage des importations ; du point de vue culturel, de nombreuses dénominations ont voyagé avec les migrants (des migrants européens qui se sont établis en Australie par exemple) qui souhaitent continuer à produire tout en conservant la dénomination identifiant leur produit ; une meilleure protection des indications géographiques serait un obstacle au commerce parce qu’assurer une protection accrue des indications géographiques entraînerait la fermeture de marchés ou affecterait les activités des producteurs parce que certains produits devraient être étiquetés à nouveau. Ø Les indications géographiques constituent une part importante de notre culture pour les raisons suivantes : • • • elles renforcent la cohésion sociale en aidant les producteurs locaux à travailler ensemble et à résoudre des problèmes communs ; elles jouent un rôle positif sur l’identité locale et nationale en faisant en sorte que les prod ucteurs et les consommateurs soient fiers de leurs produits traditionnels uniques ; elles ont d’autres effets positifs sur le tourisme entre autres. Les membres de l’OMC qui soutiennent l’extension de la protection font valoir que si la protection était étendue, les autorités habilitées à régler les différends concernant les utilisations abusives d’une IG ne devrai ent plus prouver que le public a été induit en erreur concernant l’origine véritable du produit, d’une part, et que l’utilisation constitue un acte de concurrence déloyale, d’autre part, ce qui entraîne des démarches longues et coûteuses. L’extension faciliterait l’application de la protection et entraînerait en dernier recours une réduction de la charge de travail des autorités judiciaires et administratives. 16 En ce qui concerne le nombre d’indications géographiques, les pays favorables aux IG soutiennent que ce n’est pas le nombre d’IG par pays qui devrait être pris en compte pour évaluer les mérites d’une protection accrue des IG, mais le potentiel économique de chaque IG protégée de manière efficace. Même si un tel potentiel est limité actuellement parce que les IG spécifiques ne sont pas connues à l’échelon national ou international, il pourrait augmenter à mesure que les producteurs prennent conscience de la valeur des IG en termes de commercialisation des produits, notamment si les IG sont mieux protégées au niveau international. Les petits pays en développement sont particulièrement affectés car ils sont privés de protection et perdent des recettes. Une protection accrue des IG pour tous les produits à un niveau analogue à celui accordé actuellement pour les vins et les boissons spiritueuses au titre de l’article 23 de l’Accord sur les ADPIC ne constituerait pas un obstacle aux échanges et assurerait la promotion des échanges et des investissements, notamment pour les pays en développement et les pays développés qui dépendent des exportations de denrées primaires. Avec l’extension, les produits faisant un usage illicite d’une IG devraient être étiquetés à nouveau. Une telle disposition s’applique toutefois uniquement lorsque la même catégorie de produit est concernée et lorsque les produits ne relèvent pas des exceptions de l’article 24 de l’Accord sur les ADPIC. Cela paraît non seulement logique mais également justifié si l’on tient compte de la protection du consommateur et du fait qu’il est induit en erreur lorsque l’étiquetage est trompeur. Le niveau réel de protection attribué aux IG pour les vins et boissons spiritueuses redonne confiance aux consommateurs quant à l’origine véritable du produit qui possède une valeur ajoutée et des qualités spécifiques en raison de son origine géographique. 5. Importance du débat concernant les indications géographiques pour les pays ACP Au début des négociations du cycle d’Uruguay, presque tous les Etats du groupe Afrique, Caraïbes et Pacifique ont rejeté l’idée d’intégrer les questions touchant aux droits de propriété intellectuelle dans les négociations. Toutefois, durant la Conférence ministérielle de Doha, un nombre significatif de pays ACP sont devenus “demandeurs” concernant certains domaines de la propriété intellectuelle, tel que l’extension de la protection additionnelle accordée au titre de l’Accord sur les ADPIC aux IG des vins et boissons spiritueuses à tous types de produits, de protection des ressources génétiques ou de protection des connaissances traditionnelles.34 Parallèlement, la Namibie et la République Dominicaine ont soutenu la proposition des Etats-Unis concernant l’établissement d’un registre multilatéral. Les pays ACP sont donc en désaccord. 34 R.M. Sherwood, “The TRIPs Agreement: implications for developing countries”, 37 IDEA – the Journal of Law and Technology, 1997, p. 491; C. Fink, B.K. Smarzynska, “Trademarks, Geographical Indications, and Developing Countries”, in B. Hoekman, A. Mattoo, Ph. English, Development, Trade and the WTO, Banque mondiale, Washington, D.C., 2002. 17 Au cours des dernières années, certains pays ACP ont pu développer leur marché extérieur pour certains produits spécifiques. Les exemples de produits possédant une IG d’un pays ACP sont les bananes de Grenade et Belize, le thé du Kenya, le café du Kilimandjaro de Tanzanie , le café Chipinga du Zimbabwe, les ananas de Guinée, le beurre de karité du Burkina Faso, le miel blanc du Cameroun, les fabriques de Korhogo de la Côte d’Ivoire, les piments et légumes au vinaigre de Rodrigues (Maurice), la vanille Mananara de Madagascar et bien d’autres encore. Ces produits ont acquis une reconnaissance et une réputation leur valant une protection. La participation des pays ACP aux négociations concernant les IG et le soutien qu’ils accordent à l’extension de la protection des IG pourraient avoir plusieurs effets. Les pays ACP auraient tout à gagner de l’extension de la protection des IG puisqu’elles pourraient être employées pour protéger leurs connaissances traditionnelles. Les IG ne sont pas destinées à récompenser l’innovation, mais le nom et la réputation acquise ou créée par un groupe de producteurs au fil des ans ou des siècles. Les IG peuvent constituer une récompense économique pour les producteurs qui emploient des méthodes traditionnelles dans la région où la denrée est produite de manière traditionnelle. Les IG pourraient être employées par les pays ACP pour augmenter la valeur commerciale des produits naturels, traditionnels et artisanaux si leurs caractéristiques spécifiques peuvent être attribuées à leur origine géographique. Un certain nombre de produits provenant de différentes régions sont obtenus par des procédés et des connaissances traditionnels mis en œuvre par une ou plusieurs communautés dans une région déterminée. Les caractéristiques spécifiques de ces produits sont appréciées du public et peuvent être symbolisées par l’indication de la source utilisée pour identifier les produits. Une meilleure exploitation et promotion des IG permettraient d’améliorer la protection des intérêts économiques des communautés possédant des connaissances traditionnelles. Les IG sont destinées à protéger les noms des denrées et certaines dénominations géographiques étrangères peuvent ou non être déjà dev enues génériques dans certains pays ACP. L’utilisation de dénominations protégées comme étant des IG dans le pays d’origine peut donc devoir faire l’objet d’un retrait progressif. 6. L’avenir Le groupe ACP devrait se faire entendre concernant les IG. Si l’on tient compte du vaste éventail de produits traditionnels originaires des pays ACP, les producteurs de produits traditionnels ne pourraient qu’en bénéficier. Les produits traditionnels dont les IG sont protégées peuvent être vendus à un prix dépassant de 40 % celui de produits analogues ne portant pas d’indication géographique. Les faits tendent à montrer que cette hausse de prix est transféré en amont de la filière, autrement dit jusqu’au producteur de matières premières. L a protection de produits traditionnels n’empêche pas le développement parallèle de volumes accrus d’exportations agricoles ou industrielles. A l’instar de la situation dans la CE, il peut exister un développement parallèle entre les grands et les petits producteurs. Toutefois, les producteurs doivent être conscients du fait que la demande de produits traditionnels par les consommateurs s’accroît au sein de la CE . 18 Le groupe ACP devrait exiger l’extension d’un niveau élevé de protection à toutes les denrées, d’une part, et un registre contraignant de toutes les désignations, d’autre part. A cet égard, la position des pays ACP est nettement favorable à la protection de toutes les denrées, et non pas exclusivement des vins et boissons spiritueuses qui bénéficient déjà d’un niveau élevé de protection au titre de l’Accord sur les ADPIC. Par ailleurs, les produits potentiels pouvant porter une IG des pays ACP, à savoir le thé, le café, le miel, le bois et de nombreux autres ne tireraient aucun profit de la création d’un registre multilatéral si celui-ci ne comportait que les dénominations des vins et boissons spiritueuses. Il faut que l’extension s’accompagne d’un enregistrement intégral. 19 Principales sources d’informations Site internet officiel de l’Organisation mondiale du commerce http ://www.wto.org. Site internet officiel de l’OMPI http ://www.wipo.org. Site internet officiel de l’organisation internationale de la vigne et du vin (IWO-OIV)35 à Paris http ://www.oiv.org. Site internet de l’International Trademark Association http ://www.inta.org. Site internet du projet de renforcement des capacités du CNUCED /ICTSD sur les droits de propriété intellectuelle et le développement durable http ://www.ictsd.org/unctad-ictsd. Site internet officiel des Communautés européennes http ://europe.eu.int, plus spécifiquement les pages «Commission», «Agriculture» ; «Politique de la qualité». Site internet officiel du bureau américain des certificats et des marques http ://www.uspto.gov/web/offices/dcom/olia/globalip/geographicalindication.htm. Site internet officiel de Development of Origin Labelled Products (DOLPHINS) http ://www.origin-food.org/. Site internet de GIANT (Geographical Indications and International Trade) http ://www.american.edu/ted/giant/cgi-index.htm. Site internet officiel de l’Association Internationale pour la Protection de la Propriété Intellectuelle http ://www.aippi.org/index.html. Site internet d’ ORIGIN (Organisation for an International Geographical Indications Network) http ://www.origin-gi.com 35 L’abréviation française (OIV) est le plus souvent utilisée (Office International de la Vigne et du Vin). 20